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INSTITUT SUPERIEUR DE DROIT ET D'INTERPRETARIAT

ISDI

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MASTER DROIT DES AFFAIRES ET FISCALITE


Année Académique (2022-2023)
SECTION A ET B

Cours de Monsieur KOKOROKO


Koku Dzifa Thierry,
Magistrat,
Président du Tribunal de Grande Instance de Sokodé
(Tchaoudjo)

DROIT PENAL DES AFFAIRES : LE PENAL


DANS L'ENTREPRISE
SOMMAIRE :

Avertissement :

Introduction :

Première partie : Le droit commun appliqué aux affaires

Chapitre I – Les atteintes aux biens

Section I – Le vol

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

Paragraphe 2. La répression

Section 2. – L’Abus de confiance

Paragraphe 1. – Les éléments constitutifs

Paragraphe 2. – La répression

Section 3. L’Escroquerie

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

Paragraphe 2. La répression

Chapitre II- Le faux et l’usage de faux

Section 1- Le faux

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs du faux en écriture

I. Un écrit

II. L’altération d’une vérité

A. L’altération de la vérité par commission


1. Le faux matériel

2. Le faux intellectuel

B. L'altération de la vérité par omission

III. Le préjudice

A. Préjudice matériel

B. Préjudice moral

C. Préjudice social ou public

IV. L’intention frauduleuse

Paragraphe 2. Les différents faux en écriture

I. Les actes publics ou authentiques

A. Notion

B. Les pénalités

1. La répression suivant la catégorie d’actes

2. La répression suivant la qualité de l’auteur du faux

II. Les faux en écriture privée

A. Ecriture de commerce ou de banque

B. Ecriture privée

C. Les pénalités

III. Les faux certificats

A. Les faux certificats professionnels

B. Les faux dans certains documents administratifs

1. Les fausses attestations dans la rédaction d’un acte administratif

2. Les fausses déclarations lors de la constitution d’un dossier administratif

C. La répression
Section 2- L’usage de faux

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément légal

II. L’élément matériel

A. Un acte d’usage

B. Un support falsifié

C. Le préjudice

III. L’élément moral

Paragraphe 2. La répression

Deuxième partie : Le droit pénal des sociétés commerciales

Chapitre 1- Les infractions relatives à la constitution des sociétés

Section 1- L’émission irrégulière d’actions

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. Les conditions préalables

II. L’élément matériel

III. L’élément moral

Paragraphe 2. La répression de l’infraction

I. Les personnes punissables

II. La complicité

Section 2- La majoration frauduleuse des apports en nature

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément matériel: la surévaluation

II. L’élément intentionnel


Paragraphe 2. La répression

Section 3- Les délits en matière de négociation des actions

Paragraphe 1. Les actions non négociables

Paragraphe 2. Les éléments constitutifs de l’infraction

I. L’élément matériel

A. La négociation

B. La participation à la négociation

II. Elément intentionnel

Paragraphe 3. La répression

Chapitre 2- Les infractions relatives à la gérance, à l’administration et à la


direction des sociétés

Section 1- Le délit de répartition de dividendes fictifs

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément matériel

A. Inventaire absent ou frauduleux

1. La notion d’inventaire

2. La notion de fraude

B. La répartition de dividendes fictifs

1. Que faut-il entendre par répartition ?

2. Que faut-il entendre par dividende ?

3. Que faut-il entendre par dividende fictif ?

II. L’élément intentionnel

Paragraphe 2. La répression

Section 2- La présentation de comptes annuels inexacts


Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément matériel

A. Les moyens du mensonge

1. La publication

2. La présentation

B. Le support du mensonge

C. Le contenu du mensonge

II. L’élément intentionnel

A. Le dol général

B. Le dol spécial

Paragraphe 2. La répression

I. Les personnes punissables

II. Tentative

III. La complicité

IV. La prescription

Section 3- L’abus de biens sociaux

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs de l’abus de biens sociaux

I. Un acte d'usage des biens ou du crédit

A. La notion d'usage

B. Le contenu de l’usage

1. L’usage des biens

2. L’usage du crédit

II. Un usage contraire à l’intérêt social

III. Un usage effectué à des fins personnelles, matérielles ou morales


1. La notion d'intérêt

2. Le bénéficiaire de l'usage

II. L’élément moral

Paragraphe 2. La répression de l’abus de biens sociaux

I. Les personnes punissables

II. La complicité

III. Le recel

Chapitre 3- Les infractions relatives au contrôle des sociétés

Section 1- Le délit d’informations mensongères

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément matériel

II. L’élément intentionnel

Paragraphe 2. La répression

Section 2- La non-révélation des faits délictueux

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément matériel

A. La condition préalable

1. L'existence de faits délictueux

2. La connaissance des faits délictueux

B. La non-révélation

II. L’intention coupable

Paragraphe 2. La répression

SECTION 3. Le dilemme ou l’embarras du commissaire aux comptes : Le devoir


de parler et le devoir de se taire
Paragraphe 1 : Le devoir de parler

Paragraphe 2 : Le devoir de se taire

Section 4 - Les entraves à l'exercice des fonctions de commissaire aux


comptes

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément matériel

II. L’élément intentionnel

Paragraphe 2. La répression

I. Les personnes punissables

II. La prescription

Troisième partie : Les principales infractions d’affaires

Chapitre 1- La banqueroute et les infractions assimilées

Section 1- Les banqueroutes proprement dites

Paragraphe 1. La banqueroute simple

I. Les éléments constitutifs (les cas de banqueroute)

A. Premier cas :

B. Deuxième cas

1. Les moyens utilisés

a) L’achat pour revendre au-dessous du cours

b) L'emploi de moyens ruineux

2. Le mobile

C. Troisième cas

D. Quatrième cas

E. Cinquième cas
II. La répression

Paragraphe 2. La banqueroute frauduleuse

I. Les éléments constitutifs de la banqueroute frauduleuse

A. En cas de cessation des paiements

1. Premier cas

2. Deuxième cas

a) le détournement

b) la dissipation

3. Troisième cas

4. Quatrième cas

5. Cinquième cas

6. Sixième cas

B. A l’ occasion d’une procédure de règlement préventif

1. Premier cas

2. Deuxième cas

II. La répression

Section 2- Les infractions assimilées aux banqueroutes

Paragraphe 1. Les infractions assimilées à la banqueroute simple

Paragraphe 2. Les infractions assimilées à la banqueroute frauduleuse

Chapitre 2- L’usure

Section 1- Les éléments constitutifs

Paragraphe 1. L’élément matériel

I. La convention usuraire

A. Le contrat de prêt
B. Les conventions assimilées au prêt

II. Le taux d’intérêt usuraire : définition

A. Le taux effectif global (TEG)

B. Le taux d’intérêt maximum (TIM)

Paragraphe 2. L’élément intentionnel

Section 2- La répression

Paragraphe 1. Le sort du prêt conventionnel usuraire

I. Paiements en cours

II. Créance éteinte en capital et intérêts

Paragraphe 2. Les pénalités

I. La peine principale

II. Les peines complémentaires

Paragraphe 3. Les particularités

I. Les personnes punissables

II. La prescription

Paragraphe 3. Les difficultés liées à la constatation de l’infraction

Chapitre 3 – La réglementation de la corruption au Togo

Section I- le cadre juridique international

Section II- Le cadre juridique national

Section III- le cadre juridique institutionnel

Chapitre 4- La corruption dans les marchés publics en France : Un exemple et


une inspiration pour les acteurs nationaux Togolais

Cette partie s’inspire du rapport de l’association ANTI COR, France, 27 juillet


2015
Préambule

1. Les marchés publics, pièges à corruption.

1.1. Les montages

1.2. Le rôle de la criminalité organisée

1.3. Une situation aggravée par les restrictions budgétaires.

2. Les alertes

2.1. Le rapport de l'Union européenne

2.2. Le rapport du Service central de prévention de la corruption

2.3. Le rapport d'information du Sénat.

3. Les failles de la chaîne de contrôle

3.1 Un contrôle a priori négligé

3.2. Un contrôle de l'exécution aléatoire

3.3. La faiblesse du contrôle des chambres régionales des comptes

3.4. Des autorités administratives affaiblies.

4. La difficulté à donner l'alerte

4.1. Absence de veille

4.2. Des fonctionnaires lanceurs d'alerte vulnérables.

4.3. Un contrôle citoyen délicat

5. Une réponse juridictionnelle insuffisante

5.1. La lenteur de la procédure devant les tribunaux administratifs.

5.2. Des juridictions judiciaires peu spécialisées.

5.3. L'irresponsabilité des élus ordonnateurs.*

6. Renforcer la coopération sur un plan européen.


AVERTISSEMENT

Ce cours de Droit Pénal des Affaires (DPA) qui s’intitule à votre niveau Master
professionnel - Cycle III universitaire, le Pénal dans l’entreprise, a été conçu
dans le souci de donner aux juristes une vision d’ensemble de la matière, à la
lumière des textes du droit pénal togolais en l'occurrence le droit pénal issu de
la loi N° 80-1 du 13 août 1980 instituant le code pénal récemment abrogé par la
loi N° 2015-010 du 24 novembre 2015 dont certaines dispositions sont
toujours en vigueur et demeurent toujours applicables en vertu des règles de la
rétroactivité de la loi pénale plus douce (rétroactivité in mitius, article 12 du
nouveau code pénal), le nouveau code pénal issu de la loi N° 2015-010 du 24
novembre 2015 susmentionné, du droit pénal français et du droit harmonisé
africain dit de l’OHADA issu du traité du 17 octobre 1993 révisé le 17 octobre
2008 à Québec (Canada) relatif à l'harmonisation du droit des affaires en
Afrique et ses actes uniformes, actes pris par le législateur OHADA dans le
cadre de l'adoption de règles communes dans les disciplines liées au droit des
affaires.

Ce cours est également conçu à la lumière du Droit communautaire autre que


l’OHODA à savoir le droit communautaire de l’Union Economique et Monétaire
ouest Africaine (UEMOA) et celui de la Communauté Economique des Etats de
l’Afrique de l’ouest (CEDEAO).
A titre de rappel, conformément aux dispositions de l'article 5 du traité OHADA,
les actes uniformes peuvent inclure des dispositions d'incrimination pénale. Les
Etats-parties s'engagent à déterminer les sanctions pénales encourues. (1)

Il est constant que le droit pénal togolais contemporain manque de bases de


données jurisprudentielles ordonnées et exploitables.

Le droit unifié, harmonisé africain à travers les droits communautaires, de son


côté, est encore très jeune et sa jurisprudence simplement en gestation. Ce
n’est que maintenant que s’amorce du travail d'élaboration et de création ; que
même la jurisprudence est en éclosion, voire en naissance ou en apparition.
Par conséquent, sans se tromper, l’on peut conclure que la jurisprudence de
l’OHADA en matière pénale et surtout criminelle, est quasi inexistante pour
l’instant.

Pour toutes ces raisons, ce sont les décisions et références jurisprudentielles


émanant du Droit français en cette matière, qui seront les plus citées, à titre de
comparaison, au cas où il nous serait impossible de trouver des références
jurisprudentielles dans le droit interne ou dans le droit africain unifié.

Il faut également noter que le Togo reste et demeure un pays de droit


d'inspiration romano- germanique et surtout un pays dont le droit s'inspire
grandement de celui de la France. Par l'histoire, le Togo a un « patrimoine
juridique commun et partagé avec la France », l'ancienne métropole. Il suit que
se référer dans le cadre de ce cours, au patrimoine jurisprudentiel et doctrinal
français, ne saurait être regardé négativement !

Également dans la plupart des programmes de Droit pénal des affaires, on y


insère l’étude d’une catégorie d’infractions dites « délits de droit commun
appliqués aux affaires ». Dans cette catégorie d’infractions, il y a d’une part, les
principales atteintes aux biens et les appropriations frauduleuses telles que : le
vol, l’escroquerie, l’abus de confiance, l’abus de blanc-seing, les filouteries, le
recel, etc.… et d’autre part, les infractions portant atteinte à la paix ou à la foi
publique que sont le faux et usage de faux.

Il est notable que ces infractions ont été déjà étudiées dans le cadre du cours
de Droit pénal spécial ou même du droit pénal des affaires dispensé durant les
années antérieures ou dans les cycles antérieurs. A ce titre, il n'est plus apparu
opportun de reprendre de manière exhaustive, l'étude de ces infractions de
droit commun dans le cadre présent cours même si elles seront abordées.
Concrètement, seule une fenêtre sera tout de même ouverte sur ces
infractions. A ce titre, les questions et autres interrogations sur leurs éléments
constitutifs, leur régime de répression, leur sens, leur portée ainsi que sur
l'état de la jurisprudence en droit comparé seront les bienvenues.

Pour l’essentiel, il sera opéré une sélection dans le lot des qualifications
pénales intéressant cette vaste matière pour ne retenir en définitive que les
plus essentielles dans la vie des affaires, soit en raison de leur importance
numérique, soit en raison de leur actualité.

Pour mettre en musique ce cours, il sera passé en revue l’introduction, une


introduction qui permettra d’appréhender la définition du concept, son
évolution et son contenu.

Même si ce cours n’englobe pas, bien évidemment, toute la réalité de la vie


judiciaire et pénale prise sous l'angle de la criminalité en col blanc, il en
contient tout de même les rudiments essentiels pour une recherche plus
approfondie sur cette matière.

INTRODUCTION

Le droit pénal des affaires, c'est l'étude de tout ce qui touche au pénal dans les
affaires. Qui dit affaires, dit entreprise, entreprise individuelle ou entreprises
sociétaires. C'est pourquoi ce cours s'intitule : « Le pénal dans l'entreprise ».

Le droit pénal des affaires est né avec la loi française du 17 juillet 1865
incriminant et pénalisant la distribution de dividendes fictifs dans les sociétés
en commandite par actions. L’affaire Stavisky a été à l’origine de la
promulgation du Décret-loi du 08 août 1935 sur la répression de l’abus de biens
sociaux. Après la seconde guerre, les ordonnances du 30 juin 1945 relatives à la
réglementation des prix et aux infractions à la législation économique, ont
marqué le développement du droit pénal économique. La pénalisation est
inhérente à l’interventionnisme économique de l’Etat.

Le droit pénal est ainsi devenu le mode de régulation des marchés par le droit.
Le Droit des affaires, le droit des marchés publics, le droit social et même le
droit administratif etc., tous passent par là.

La pénalisation correspond à une forme de la judiciarisation de la régulation où


tout texte contient son volet pénal. Désormais, pratiquement tous les
manquements sont constitutifs d’infractions. (Voir Jean Marie Coulon, Les
nouveaux champs de pénalisation, excès et lacunes, Pouvoirs 2008 p.128).

Le droit commercial, le droit comptable, le droit des sociétés, le droit de la


consommation, de la concurrence, de l’environnement ou de la bourse sont de
plus en plus « pénalisés». Le droit pénal devient le prolongement de ces droits,
la sanction pénale assure désormais le respect des intérêts privés. (Voir
Frédéric Desportes et Francis Le Guhenec, Droit Pénal Général, n. 42).

La définition des infractions en cette matière, est faite sur la base de


considérations économiques. Les sanctions pénales se cumulent souvent avec
les sanctions administratives.

A travers ce cours, il est procédé à l'étude des incriminations commises par des
personnes physiques, la plus part du temps au cours de leur vie
professionnelle.

La présente étude comportera trois (03) parties :

PREMIERE PARTIE : LE DROIT COMMUN APPLIQUE AUX AFFAIRES

DEUXIEME PARTIE : LE DROIT PENAL DES SOCIÉTÉS


COMMERCIALES

TROISIEME PARTIE : LES PRINCIPALES INFRACTIONS D’AFFAIRES


PREMIERE PARTIE : LE DROIT COMMUN APPLIQUE

AUX AFFAIRES

Les qualifications pénales fondamentales appliquées aux affaires sont certes,


très nombreuses et touchent à des domaines très divers. Il existe par exemple
de très nombreuses infractions à la réglementation des sociétés commerciales
et autres domaines assimilés ; de très nombreuses règles en matière
d’importation ou d’exportation des marchandises, de concurrence etc…. Mais
nous n’examinerons pas toutes ces incriminations, pour les raisons évoquées
précédemment. Cette première partie consacrée au droit commun appliqué
aux affaires, sera réduite à certaines infractions qui paraissent plus directement
liées au monde des affaires.

Il sera passé en revue certaines infractions portant atteinte aux biens


(Chapitre I) et l’étude du faux et usage de faux (Chapitre II).
CHAPITRE I – LES INFRACTIONS PORTANT ATTEINTE AUX

BIENS

Il sera étudié successivement les infractions relatives au vol, l'abus de confiance


et l'escroquerie.

Section 1. Le Vol

Il sera successivement passé en revue la définition de l'infraction (Par. I), ses


éléments constitutifs (Par. II) et sa répression (Par. III)

Paragraphe 1. Définition

Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Le nouveau code


pénal Togolais, en son article 411, le définit ainsi.

Aux termes de l'article 411 du code pénal togolais : « Le vol est la soustraction
frauduleuse de la chose d'autrui ». Le vol peut être simple, aggravé et même
devenir crime si il a été commis avec deux au moins de circonstances
aggravantes définies aux articles 416 et 417 du nouveau code pénal.

Paragraphe 2. Les éléments constitutifs

Les éléments constitutifs de l’infraction du vol, se décomposent en un élément


légal, un élément matériel et un élément moral.

- Élément légal
- Élément matériel
- Élément moral

ELEMENT LEGAL :
Comme toute infraction, le vol nécessite un élément légal pour qu’il puisse être
constitué. Il s’agit de son incorporation dans un texte d’incrimination, qui décrit
un comportement répréhensible et prévoit une peine pénale.

Pour le vol, le texte de base qui prévoit cette infraction, est l'article 411 du
nouveau code pénal Togolais. Ce texte définit et encadre ce délit. Il s’agit d’un
délit également en raison de certaines circonstances peut être aggravé voire
devenir un crime.

ELEMENT MATERIEL :

L’élément matériel est indispensable: c’est un acte matériel qui permet de


constituer l’infraction.

Les tribunaux qui condamnent des prévenus pour vol doivent relever
l’existence de l’élément matériel

Pour le vol, l’élément matériel se décompose comme suit :

1- une soustraction

2 - une chose susceptible d’être volé

3 - la propriété d’autrui

- L’acte de soustraction:

- soustraire c’est enlever, retirer quelque chose à quelqu’un contre son gré, ce
qui implique, pour l’obtenir : une contrainte pouvant aller jusqu’à la violence,
où un acte matériel commis à l’insu du détendeur, dans le but d’entraîner un
transfert de possession.

- Au sens propre soustraire c’est faire passer la possession d’un objet de la


main de son détenteur légitime dans celle de l’auteur du délit, c’est « prendre
ou enlever » : il s’agit d’un acte matériel.
- LA CHOSE SUSCEPTIBLE D’ETRE VOLEE :

Définition de la chose :

Le vol ne peut avoir pour objet qu’une chose susceptible d’être soustraite et
d’être appropriée.

Il faut deux conditions :

- D’abord, qu’il y’ait une possibilité de soustraction

- Ensuite qu’il y’ait possibilité d’appropriation

CHOSE APPARTENANT A AUTRUI

Il est nécessaire que l’objet de la soustraction soit à l’origine la propriété


d’autrui.

Toute personne qui ayant trouvé fortuitement une chose mobilière et se


l’approprie sans en avertir l’autorité locale de police ou le propriétaire, sera
poursuivi pour vol.

L'article 412 du nouveau pénal au Togo en son point 5, incrimine et sanctionne


« le refus de restituer à qui de droit ou de déclarer à l'autorité compétente
dans un bref délai, une chose dont on est entré indûment en possession par
erreur ou à la suite d'un cas fortuit ».
L’ELEMENT MORAL : L’INTENTION FRAUDULEUSE

C’est une condition nécessaire de l’existence du délit : la soustraction doit être


frauduleuse, autrement dit, l’auteur doit avoir conscience de commettre une
appréhension illicite, en se rendant maître de la chose contre le gré de son
propriétaire.

Paragraphe III- LA REPRESSION DU VOL

Le vol, infraction simple, reste un délit correctionnel, il est puni d’une


peine d’emprisonnement c’est-à-dire d’une peine privative de liberté et /ou
d’une peine d’amende.

Le texte Togolais en l'occurrence l'article 414 du nouveau code pénal affirme


que le « Le vol est simple lorsqu'il a été commis sans aucune circonstance
aggravante ».

Dans le nouveau code pénal du Togo, le vol simple est puni d'une peine allant
d'un (01) an à trois (03) ans d'emprisonnement et d'une amende de cent mille
(100.000) à trois millions (3 000 000) FCFA ou de l'une de ces deux peines
conformément aux dispositions des articles 414 et 415 du nouveau code pénal.

Le vol simple (larcin) est un délit de police en France et un délit au Togo.

Le vol aggravé : commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes est


qualifié crime et puni de cinq (5) ans de réclusion à la réclusion perpétuelle. Les
articles 507 à 510 permettent la détermination de la sanction en France. Au
Togo, lorsque le vol est commis avec une seule circonstance aggravante, on
parle de vol aggravé et les peines prévues sont de l'ordre de trois (03) ans à
cinq (05) ans d'emprisonnement et ce conformément aux dispositions des
articles 416 et 417 du nouveau code pénal.

Mais lorsque le vol est commis avec deux au moins des circonstances
aggravantes visées aux articles 416 et 417 du nouveau code pénal, le coupable
encourt une peine de réclusion criminelle allant de cinq (05) à dix (10) ans.
Dans ce cas de figure, le vol passe de délit au crime.

Enfin, certains vols d’une infime importance sont qualifiés contravention


(maraudage : cueillette et consommation sur place de fruits d’autrui).

Le nouveau code pénal, considère également comme vol au sens des


dispositions de l'article 411, la soustraction frauduleuse d'un véhicule ou d'une
embarcation même pour un usage temporaire, les branchements, les
modifications ou altérations frauduleuses d'installation de distribution d'eau,
de gaz, d'électricité ou de téléphone ayant pour but de soustraire en tout ou en
partie l'utilisateur au paiement des redevances et aussi la soustraction et
l'interception d'informations, la soustraction frauduleuse des récoltes sur
pied....

Les dispositions de l'article 413 du nouveau code pénal considère également


comme vol et punit d'une peine d'emprisonnement d'un (01) à trois (03) ans et
d'une amende de deux millions (2000000) à vingt millions (20 000 000) FFCA ou
de l'une de ces deux peines seulement, sans préjudice des dommages et
intérêts, toute personne qui, frauduleusement :

- se sert d'installations ou obtient un service de télécommunications ou


communications électroniques ;

- utilise à des fins personnelles ou non, un réseau public de


télécommunications ou communications électroniques ou se raccorde par tout
moyen sur une ligne privée ;

- utilise les services obtenus au moyen des délits visés aux points 1 et 2 ci-
dessus ;

Enfin le dernier alinéa de l'article 413 réprime toute personne qui soustrait
frauduleusement les infrastructures de télécommunications ou
communications électroniques.

TENTATIVE : elle est punissable sauf en matière de contravention.


La tentative de vol est punie des mêmes peines que l’infraction consommée.

L'article 46 du nouveau code pénal au Togo dispose que « la tentative d'un


crime ou d'un délit est punissable comme l'infraction consommée dès lors
qu'elle aura été manifestée par un commencement d'exécution, si elle n'a pas
été suspendue ou n'a manqué son effet que par des circonstances
indépendantes de la volonté de son auteur ».

IMMUNITES :

Dans le cas du vol, le législateur a fait bénéficie certaines personnes d’une


immunité familiale :

1- Aux termes des dispositions des articles 427 et 428 du nouveau code pénal
au Togo, il n’y a pas de vol :

- entre époux

- entre ascendants au préjudice de leurs descendants

En France, la poursuite est conditionnée par le dépôt d’une plainte de la part


de la victime, le retrait de la plainte met fin à toute poursuite.

La loi pénale en France conditionne la poursuite du vol commis par les


descendants au préjudice de leurs ascendants, ou entre parents ou alliés
jusqu’au 4èm degré inclusivement, sur la plainte de la personne lésée, celle-ci
peut mettre fin aux poursuites en retirant la plainte

Section II – L'abus de confiance

Il sera successivement passé en revue la définition de l'infraction (Par. I), ses


éléments constitutifs (Par. II) et sa répression (Par. III)

Paragraphe 1. Définition

L’abus de confiance est le fait par toute personne de mauvaise foi, de


détourner ou dissiper, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou
détenteurs, soit des effets, des deniers ou marchandises, soit des billets,
quittances, écrits de toute nature contenant ou opérant obligations ou
décharges et qui lui avaient été remis à charge de restitution, de
représentation ou d’un usage déterminé.

A la différence du vol ou de l’escroquerie, la remise du bien est licite.


L’infraction se concrétise ultérieurement dans l’inexécution de la convention
conclue lors de la remise du bien.

L'abus de confiance est défini par les dispositions de l'article 429 du nouveau
code pénal.

Ce texte assimile également à l'abus de confiance en son article 430, le fait


pour une personne :

- ayant obtenu un crédit d'un organisme de crédit public ou privé, en aura fait
un usage autre que celui déclaré ou n'aura pas été en mesure de justifier la
conformité de l'emploi à l'usage initialement convenu ;

- ou également, ayant offert en garantie un bien meuble ou immeuble ;

- l'aura affecté en sûreté à une autre opération de crédit ;

- l'aura détourné par vente, donation, destruction ou par tout moyen ;

. aura dissimulé les poursuites et saisies diligentées par un autre créancier sur
ce bien ;

Cette infraction n'est constituée que si certains éléments la constituant sont


réunis.

Paragraphe 2. Les éléments constitutifs

L'article 429 du nouveau code pénal permet d'identifier les principaux éléments
constitutifs de l'infraction d'abus de confiance.
1 - Elément légal

Source légale : les articles 429 et 430 du nouveau code pénal servent de base
légale à cette infraction.

2 - Elément matériel

Pour l’abus de confiance l’élément matériel se décompose en deux éléments :

- la remise préalable de la chose

- Un détournement préjudiciable

I - la remise préalable de la chose :

Aux termes des dispositions de l’article 429 du nouveau code pénal Togolais,
l’abus de confiance s’entend du détournement d’un objet qui n’a été remis
qu’à charge de restitution ou d’un usage déterminé.

Les textes précisent que les choses ont été remises et acceptées « à charge de
les rendre, de les restituer, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé
».

Exp : Un représentant qui ne restitue pas la marchandise mise à sa disposition


pour démarcher la clientèle commet un abus de confiance s’il ne la restitue
pas.

2- Nature des biens susceptibles de faire l’objet d’un abus de confiance :

Les immeubles sont exclus du champ de l’abus de confiance.

Les biens dont le détournement ou la dissipation peut donner lieu à abus de


confiance sont :

- des effets : effets de commerce, actions, obligations ;

- deniers : des fonds, des moyens financiers ;


- marchandises : choses susceptibles d’être vendues. Des biens mobiliers.
Sont exclus les notions de services ou de droits qui ne peuvent faire l’objet
d’une remise, seul le titre constatant un droit pouvant être retenu.

- Billets ;

- Quittances ;

- écrits contenant ou opérant obligation ou décharges ;

II- le détournement et la dissipation :

En effet, Dissiper peut être détruire, détériorer, vendre la chose, donner,


l’abandonner

Détourner c’est donner à la chose une destination qui n’était pas celle prévue.

Exp : vendre une chose, c’est se comporter en propriétaire, tandis que le titre
de possession n’était que celui d’un mandataire, ou d’un locataire par exp.

Enfin qu’il s’agisse de détournement ou dissipation, dans les deux cas le délit
résulte de ce que l’agent se comporte en maître de la chose et s’attribue vis-à-
vis d’elle un pouvoir juridique qui ne lui appartient pas.

III- le préjudice :

L’abus de confiance étant défini par la loi comme étant le fait de détourner «
au préjudice d’autrui » donc il faut qu’il y’ait préjudice effectif. Cette notion est
très vague ce qui laisse au juge tout pouvoir aux fins de déterminer la nature du
préjudice (matériel ou moral).

Il n’est pas nécessaire que le détournement ait profité personnellement au


coupable.

ELEMENT MORAL :

L’abus de confiance est un délit intentionnel et l’existence de l’élément moral


doit être caractérisée. Le détournement implique l’idée de fraude.

il faut que le coupable ait connaissance du préjudice que son comportement


causera.
Paragraphe III - la répression

Toute personne coupable du délit d'abus de confiance est punie d'une peine
d'emprisonnement d'un an à trois (03) ans d'emprisonnement et d'une amende
d'un million (1.000 000) FCFA à trois millions (3.000.000) FCFA ou de l'une de
ces deux peines seulement en application des dispositions de l'article 432 du
nouveau code pénal.

Circonstances aggravantes :

Quant à l'article 433 du nouveau code pénal, il dispose que si l'abus est commis
par un professionnel dans l'exercice de sa profession, il est puni d'une peine
d'emprisonnement d'un (01) à cinq (05) ans et d'une amende d'un million
(1.000.000) FCFA à cinq millions (5.000.000) FCFA de francs CFA.

Le coupable peut en outre être déchu du droit d'exercer son activité


professionnelle pendant une période de cinq (05) ans au plus.

L'article 434 du nouveau code pénal rappelle également que si l'abus de


confiance est commis par un officier public ou ministériel, un syndic des
procédures collectives, un liquidateur, un séquestre, un mandataire
commercial ou par toute personne qui gère les affaires d'autrui, dans l'exercice
ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa profession, l'intéressé est
puni des peines prévues à l'article 433 du même code.

L'article 435 du nouveau code pénal vise l'abus de confiance commis par les
administrateurs, le gérant d'une société ou d'une entreprise commerciale ou
industrielle. Dans ce dernier également les peines prévues aux articles 433,
434 sont applicables.

Aux termes des dispositions de l'art 549 du Code Pénal Français : Si l’acte est
commis soit par un séquestre désigné par la justice pour assurer la garde d’un
bien qui est l’objet d’un procès ou d’une voie d’exécution saisie, d’un curateur,
une personne chargée d’assister une personne majeure placée sous tutelle
(aliéné, prodigue), d’un administrateur judiciaire (société en cas de
redressement le tribunal désigne une personne qui sera chargée de
l’administration de la société jusqu’à la fin de la procédure).

Immunités : Selon les termes de la loi pénale au Togo, les immunités


applicables en matière de vol sont valables pour l’abus de confiance.

L'article 436 du nouveau code pénal renvoie aux dispositions des articles 427 et
428 s'agissant du régime des immunités familiales.

Section III – L’ESCROQUERIE

Il sera successivement passé en revue la définition de l'infraction (Paragraphe


I), ses éléments constitutifs (Par. II) et sa répression (Par. III)

Paragraphe 1. Définition

L’escroquerie est le fait par toute personne, d’induire astucieusement en erreur


une personne par des affirmations fallacieuses, ou par la dissimulation de faits
vrais, ou d’exploiter astucieusement l’erreur où se trouvait une personne et la
déterminer ainsi à des actes préjudiciables à ses intérêts ou à ceux d’un tiers,
en vue de se procurer ou de procurer un profit pécuniaire illégitime.

L’escroquerie diffère du vol, alors que pour ce dernier c’est la notion de


soustraction qui est importante, pour l’escroquerie, c’est la notion de
tromperie qui est déterminante de la remise.

L'article 448 du nouveau code pénal défini l'infraction comme « le fait, soit par
l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité
vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne
physique ou morale et de la déterminer ainsi à son préjudice ou au préjudice
d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir
un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».

Les articles 449, 450, 451 apportent des éléments complémentaires sur
l'emploi de moyens frauduleux.
Paragraphe II - Les éléments constitutifs

1 - Elément légal :

Texte d’incrimination :

Les articles 448 à 452 du nouveau code pénal togolais.

2 - Elément matériel

Cette infraction nécessite des éléments matériels précis.

Deux éléments matériels ressortent dans la définition du délit d’escroquerie :

- l’emploi de moyens frauduleux

- La remise d’une chose du fait des manœuvres frauduleuses.

- Le Lien de causalité

Emploi de moyens frauduleux : Les articles 448, 449, 450 et 451 du nouveau
code pénal donne la liste de tout un éventail de moyens frauduleux. Il s'agit la
plupart du temps de l'usage de manœuvres frauduleuses destinées à abuser de
la crédulité d'autrui.

Le nouveau texte pointe du doigt l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité,
l'abus d'une qualité vraie, emploi de manœuvres frauduleuses, manœuvres de
tromperie, affirmation mensongère, production d'écrits faux, intervention de
tiers, orchestration d'une mise en scène etc....

Remise de la chose :

Il s’agit de biens pouvant faire l’objet de la remise : des fonds, des moyens
financiers et non des fonds immobiliers ou fonds de commerce subi par la
victime directe de l’escroquerie, mais aussi par un tiers.

Des valeurs : actions, obligations ou titre financier, un bien quelconque,


consentir un acte opérant obligation ou décharge, de fournir un service.

Existence d’un préjudice :


Il faut que la victime soit lésée dans ses intérêts : en effet le législateur parle
d’actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires.

3 - Elément moral

C’est l’intention frauduleuse. La conscience de réaliser un acte frauduleux selon


la loi c’est-à-dire tout d’abord la connaissance du caractère frauduleux des
moyens utilisés.

Et ensuite, la conscience d’un préjudice pour la victime des moyens frauduleux.

Autrement dit, l’auteur d’escroquerie utilise des moyens frauduleux ou s’aide


de manœuvres frauduleuses pour obtenir la remise de fonds qu’il n’aurait pu
obtenir en utilisant des moyens honnêtes.

Paragraphe 3. – La répression

Dans le nouveau code pénal Togolais, aux termes des dispositions de l'article
452 du nouveau code pénal, toute personne coupable d'escroquerie est punie
d’une peine d'emprisonnement d'un (01) à trois (03) ans et d'une amende d'un
million à trois (3000 000) millions francs CFA d'amende ou de l'une de ces deux
peines.

Sont assimilées à l'escroquerie, l'exploitation frauduleuse de l'état d'ignorance,


ou de la situation de faiblesse d'une personne infectée ou affectée par le VIH et
d'autres maladies (article 453 et suivants nouveau code pénal, les tromperies
(article 455 et suivants du nouveau code pénal).

Circonstances aggravantes : Peine doublée et amende atteint le maximum : si


le coupable est une personne ayant fait appel au public en vue de l’émission
d’actions, obligations (France)

Circonstances atténuantes : laissées à l’appréciation du juge


CHAPITRE II - LE FAUX ET L’USAGE DE FAUX

Les faux constituent une catégorie d’infractions qui concernent directement le


monde des affaires dans lequel les écrits jouent un rôle assez important, et où
une confiance particulière est attachée à ce qui est écrit. La foi est due au titre,
dit-on dans la mesure où, non seulement l’écrit suppose plus de réflexion que
la parole à contenu égal, mais aussi parce que l’écrit demeure et assure une
preuve permanente, alors que la parole s’envole sans laisser de trace
matérielle. Ce qu’exprime assez bien l’expression latine verba volant, scripta
manent.

Si donc une confiance aussi grande devrait être apportée à l’écrit, dans la
société en général et le monde des affaires en particulier où les intérêts,
financiers notamment, sont assez énormes, il importe tout aussi que cette
confiance ne soit pas trompée au risque de menacer la paix publique. Or, la
paix publique exige en premier lieu que la confiance de tous, ce que nous
appelons la foi publique, ne soit pas trompée. La foi publique, c’est la confiance
nécessaire dans la probité de tout le monde. Le faux en écriture caractérise
mieux l’infraction contre cette foi publique.

En effet, le faux en écriture, même concernant un titre purement privé,


menace la paix publique en ce qu'il ébranle la confiance due au titre, qui est
l'un des éléments de cette sécurité des transactions sans laquelle la vie sociale
serait en péril. C'est pourquoi, la loi incrimine tant l'établissement d’un titre
faux que l'usage de ce faux. Le code pénal togolais consacre ses articles 167 à
174 aux faux en écriture, tout en ne définissant pas le faux en écriture.

Deux actes coupables peuvent faire l’objet d’une répression à l’occasion d’une
pièce fausse : la fabrication et l’usage de faux.

Le code pénal togolais prévoit ces deux formes de l’infraction. Bien que
l’usage du faux suppose la fabrication, ces deux infractions sont punissables
séparément. Le faussaire n’est pas toujours l’utilisateur, c’est pourquoi nous
allons les étudier séparément.
SECTION 1- LE FAUX

Le faux est une altération frauduleuse de la vérité susceptible de causer un


préjudice dans un écrit et par un moyen déterminé par la loi.

Traditionnellement, la doctrine distingue le faux en général des faux spéciaux.


Le faux en général est régi par un ensemble de textes qui reçoivent application
tant que des dispositions spéciales n’y dérogent pas. Par contre les faux
spéciaux sont régis par des textes spéciaux qui n’ont pas cependant pour effet
de les soustraire de toute hypothèse à l’application du droit commun du faux
en général.

Dans le cadre de ce cours nous n’adopterons pas cette distinction. Nous


étudierons plutôt les éléments constitutifs du faux (Paragr. 1), et les différents
faux en écriture (Paragr. 2).

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs du faux en écriture

Nous avons défini le faux en tant qu’infraction comme une altération


frauduleuse de la vérité susceptible de causer un préjudice dans un écrit et par
un moyen déterminé par la loi. De cette définition nous pouvons déduire que le
faux suppose la réunion de quatre (04) éléments : un écrit, l’altération de la
vérité par l’un des moyens spécifiés par la loi, un préjudice, une intention
coupable.

L'article 670 du nouveau code pénal dispose que « constitue un faux, toute
altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et
accomplie par quelques moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support
d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir
la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ».

I. Un écrit

Le faux incriminé par les articles 167, 171 et 172 du code pénal togolais ancien
s’entend exclusivement de la falsification des pièces écrites en l’occurrence les
documents ou autres actes. Cette insuffisance est donc aujourd'hui comblée
par le nouveau code pénal en son article 670. La jurisprudence française estime
qu’il importe peu que cet écrit soit manuscrit, dactylographié, imprimé, ou qu’il
s’agisse d’un exemplaire unique ou reproduit par un procédé quelconque. Il
s’agit par exemple des billets de loterie, de la photocopie d’une fausse
attestation obtenue par montage photographique :

Cass. Crim. 24 janvier 2001, Bull. Crim. n° 24

Cass. crim. 30 octobre 1975, Bull. Crim. n° 235

Cass. crim. 19 déc. 1974 Bull. crim. 1974. n°378

Il y a faux, que cet écrit soit falsifié personnellement par le faussaire ou par un
tiers, soit sur son ordre, soit à la suite d’une fausse déclaration. Donc, il n’est
pas exigé que la réalisation du faux soit faite de la main du faussaire.

Par contre, la doctrine et la jurisprudence limitent le faux à la seule falsification


d’un écrit ayant une portée juridique ou un caractère probatoire. Il faut qu’il
s’agisse donc d’un document constituant un titre, c’est-à-dire pouvant servir de
base à l’exercice d’un droit ou d’une action.

Crim. 20 octobre. 1955. JCP 1956. II. N° 9032

En conséquence, ne sont pas punissables les faux commis sur des écrits qui,
sujets à vérification, sont totalement dépourvus de valeur probatoire ou ne
font naître aucun droit ou aucune obligation à la charge d’autrui. C’est le cas
des factures, relevés de compte, ou états de frais, des mémoires ou une fausse
attestation de domicile destinée à majorer le montant des indemnités de
déplacement.

Cass. crim. 19 mars 1958, Bull. crim. n° 561

Cass. Crim. 7mars 1972 D. 1972, 341 ou Bull. n°86 ; dans le même sens : Cass.
Crim. 23 novembre 1972, B. N° 357.

Mais le titre existe dès que l’écrit peut fournir une présomption à l’appui d’une
demande. Ainsi, des textes spéciaux assurent la répression de faux certificats,
art.174 et s. du code pénal togolais.
En outre le faux suppose que la falsification porte sur la substance même de cet
écrit, c’est-à-dire sur les mentions essentielles compte tenu de la nature de
l’acte. Ainsi, il n’y pas de faux si la falsification ne concerne dans un écrit
constituant un titre que les mentions complémentaires à l’exclusion de celles
qui énoncent ce que l’acte a pour objet de constater. Par exemple, quand une
concubine se prétend épouse en déclarant le décès de son concubin, il n’y a pas
de faux.

Crim. 19 mars 1957 Bull 1957 n°263

C’est le cas également quand un frère dans une transaction déclare


mensongèrement sa sœur célibataire. Toutefois, il faut que l’écrit garde un
sens après l’altération de sa substance, sinon il aurait destruction de l’acte.

II. L’altération d’une vérité

L’altération de la vérité constitue l’élément essentiel du faux. Elle porte sur les
faits que l’écrit a pour objet de constater. C’est elle qui est destinée à faire
naître une conviction contraire à la vérité chez les personnes auxquelles le titre
sera présenté. Cependant, cette altération ne se présente pas toujours de la
même manière. Elle peut se réaliser soit par commission, soit par omission.

A. L’altération de la vérité par commission

Les articles 171 et 172 du code pénal togolais énumèrent plusieurs moyens de
fabrication de faux. Mais les praticiens classent habituellement ces moyens en
deux grandes catégories : le faux matériel ou altération matérielle et le faux
intellectuel ou altération intellectuelle.

1. Le faux matériel
Le faux est dit matériel lorsqu’il s’effectue par une altération physique d’un
écrit laissant des traces et pouvant être décelée par expertise. Il s’agit ici de
procédés les plus grossiers.

*C’est le cas de la fausse signature : c’est le fait du faussaire qui signe un acte,
soit du nom d’une autre personne, soit d’un nom imaginaire, soit de son propre
nom, mais au lieu et place de la personne dont la signature est requise.

Cass. Crim. 13 octobre 1999, Bull. crim. N°218

*C’est le cas également de la contrefaçon ou imitation d’écriture ; ce qui


suppose que la falsification par imitation porte sur l’acte entier. Le faussaire
imite l’écriture de celui qui est censé avoir rédigé ou signé l’acte.

Cass. Crim. 29 octobre 1979 D. 80 IR. 443

*C’est le cas aussi de l’altération d’écriture qui peut se faire de plusieurs


façons : suppression d’une partie de document, grattage, lavage chimique,
biffure, dissimulation par une cache de certains passages d’un acte, d’un texte
photocopié, addition, intercalation, surcharge, etc.

Cass. Crim. 28 octobre 1985 Bull. crim. n°327

*C’est le cas enfin de supposition d’écrits. C’est le fait de celui qui se constitue
un titre, soit parce qu’il n’en a pas, soit pour substituer ce titre à un autre
moins favorable.

Cass. Crim. 26 novembre 1974 B. n°348

Cass. Crim. 18 avril 1970 D. 70.595

2. Le faux intellectuel

Contrairement à l’altération matérielle, l’altération intellectuelle ne laisse


aucune trace physique. C’est un procédé beaucoup plus subtil d’altération de la
vérité. Ici, il n’y a pas d’altération matérielle. Mais ce qui est affirmé dans l’écrit
est contraire à la vérité. Le titre est irréprochable dans son aspect matériel et
dans sa forme. Mais son contenu est mensonger à la suite d’une dénaturation
frauduleuse de sa substance.

Le faux intellectuel peut aussi se présenter sous plusieurs formes. Ainsi, la


supposition de personnes peut constituer un faux intellectuel lorsqu’un notaire
par exemple affirme mensongèrement qu’une certaine personne a comparu
devant lui.

Cass. Crim. 10 janvier 1956.D.56 SOM. 127

C’est également le cas lorsque quelqu’un fait dresser une procuration notariée
sous un faux nom. Il y a enfin faux intellectuel lorsqu’il y a supposition d’un fait
ou d’une convention. Il y a faux intellectuel dès l’instant que le contenu de
l’acte, n’exprime pas l’exacte volonté du signataire. Par exemple, lorsque la
signature authentique d’un acte falsifié est obtenue par fraude.

Crim. 8 fév. 1955 Bull. 1955 n°87

Crim. 7 nov. 1969 Bull. 1969 n°290

C’est aussi l’hypothèse du testament olographe rédigé à mains guidées par un


testateur dépourvu de toute lucidité ou dont les facultés mentales sont
diminuées. Si sa main est physiquement dirigée par celui qui inspire le contenu
du testament, il y a faux intellectuel par substitution d’une volonté étrangère à
celle du testateur.

Crim. 30 Nov. 1971 Bull. 1971 n°326

B. L'altération de la vérité par omission

Un faux en écriture peut se commettre par omission. Ainsi, l’employé de


commerce, chargé de tenir les livres, qui omet d’inscrire une somme versée,
commet un faux en écriture (et éventuellement un abus de confiance s’il
conserve l’argent reçu). La Cour de cassation dans un arrêt du 25 janvier 1982
(D.82 IR.333), a rejeté le pourvoi dirigé contre un arrêt de la Cour d'appel de
Poitiers qui avait retenu l'infraction alors que seules des omissions d'écritures
avaient été relevées.

Pour la première fois, la notion de faux en écriture par omission d'écritures est
consacrée par la Cour de cassation. Cette solution avait été adoptée par les
juges pour le délit de présentation ou de publication de bilans inexacts.

Cass. Crim. 25 janvier 1982.D.82 IR.333

III. Le préjudice

Le préjudice est un élément constitutif du faux. On estime qu’il n’y a de faux


punissable que s’il cause ou est susceptible de causer un préjudice à autrui. La
Cour de Cassation exige que la décision de condamnation relève avec précision
la nature du préjudice causé pour lui permettre de pouvoir exercer son
contrôle. C’est dire que le préjudice est un élément essentiel de l’infraction.

Cass. Crim. 19 févr. 1964 D.64.376

Toutefois, on admet que cette exigence n’est plus de règle et le préjudice


résulte de toute évidence de la nature de la pièce falsifiée. C’est le cas quand il
s’agit d’acte authentique. L’on estime en droit pénal que ce genre de
falsification porte toujours atteinte à la foi publique.

Crim. 19 Nov. 1974 Bull. 1974 n°335

La jurisprudence applique la même solution, quand il s’agit de falsification des


feuilles de présence aux assemblées générales et des procès-verbaux de conseil
d’administration.

Cass. Crim.16 mars 1970 JCP 1971. éd. G, II.n°16813, note BOULOC

Le préjudice peut se présenter sous trois formes :


A. Préjudice matériel

C’est le cas quand le faux est destiné à donner foi à une allégation mensongère
qui se traduit par une atteinte au patrimoine. Par exemple, la fausse indication
d’un domicile de payement sur un billet à ordre et cela en raison des frais de
protêt qui en résultent pour le souscripteur.

B. Préjudice moral

Il est moral quand il porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’autrui


C’est le cas quand l’intérêt lésé est purement moral, ou une simple atteinte à
l’honneur.

C. Préjudice social ou public

Il est social quand il porte atteinte à la société. Il est ainsi admis que de fausses
signatures dans une pétition adressée au Parlement constituent des faux
punissables.

Le préjudice peut aussi être actuel ou simplement éventuel. « La possibilité


d’un préjudice décide la Cour. Cass. suffit à faire tomber la falsification de la
vérité sous l’application de la loi pénale.

Crim. 21 Nov. 1962 Bull. 1962 n°346

Selon la C. Cass., « Il n’existe de faux ou d’usage de faux punissable qu’autant


que la pièce contrefaite ou altérée est susceptible d’occasionner à autrui un
préjudicie actuel ou possible. »

Cass. Crim. 2 juillet 1980 B. n°210

Ainsi donc le faux punissable n’exige pas nécessairement un préjudice actuel et


déjà réalisé. L’éventualité du préjudice suffit. Cette solution se justifie car le
faux en écriture est puni indépendamment de l’usage qui en est fait. Ainsi, la
nullité de l’acte n’interdit pas de condamner pour faux quand, bien que nul,
l’acte falsifié présente les apparences d’un acte vrai. De la même manière on
estime que l’inutilité du faux ne peut soustraire le faussaire à la condamnation.
Ainsi, la Cour de Cassation avait décidé qu’est coupable d’un faux, le débiteur
qui, ayant payé sa dette mais n’ayant pas retiré sa quittance ou l’ayant perdue
en fabrique une autre.

Crim. 13 mai 1831 Bull. Crim. 831 n°111

Enfin, il faut faire une distinction entre le préjudice éventuel qui justifie la
condamnation pénale et le préjudice né et actuel qui justifie seul la
condamnation à des réparations civiles.

Crim. 15 janv. 1969 Bull. N°30.

Par ailleurs, conformément au principe du droit pénal général, qui déclare


inefficace le repentir actif, le faussaire ne peut se soustraire à la condamnation
en détruisant le faux ou en renonçant à s’en servir.

Crim. 25 févr. 1958, Bull. Crim. 1958, n°197

IV. L’intention frauduleuse

L’auteur du faux doit avoir agi en toute connaissance de cause. C’est la


conscience d’altérer la vérité et de causer ainsi un préjudice à autrui. La preuve
de l’intention ne soulève pas de difficulté quand il s’agit d’un faux matériel.
Cette preuve résulte à l’évidence des procédés de falsification employés. Par
contre, le faux intellectuel étant plus subtil, cette preuve devient plus difficile
surtout lorsque l’acte est matériellement irréprochable.

Le mobile qui anime le faussaire importe peu. Le faussaire est punissable même
s’il n’a agi que dans l’intérêt d’autrui, ou dans un dessein légitime. Ainsi,
commet un faux, le contractant qui insère dans le contrat une clause convenue,
mais omise, ou celui qui fabrique, pour lui-même ou autrui, une preuve écrite
pour une convention qui n’était que verbale.

Paris, 30 mars 1965, JCP 1966. II. 14 702, note 0TTENHOF.

Crim., 20 févr. 1965, Bull. crim. 56 (au sujet de l'étendue territoriale d'une
concession faite à un établissement commercial).

Enfin, le faux étant punissable en lui-même, le faussaire est punissable même


s’il n’a pas utilisé ou n’a pas l’intention d’utiliser le faux.
Crim. 29 juill. 1948 JCP 1948-II N°4804

Paragraphe 2. Les différents faux en écriture

La loi réprime le faux en écriture en distinguant à la fois, selon la nature de


l’acte (privé ou public) et selon la qualité du coupable. S’agit-il d’un acte
authentique, la peine est plus sévère. Si l’auteur du faux est un officier public,
l’infraction change de nature ; de délit elle devient un crime, quand on est en
présence d’un acte authentique. Mais que faut-il entendre par acte public ou
authentique ?

I. Les actes publics ou authentiques

A. Notion

Le code pénal togolais ancien donne dans ses articles 167 à 170 une liste
d’actes qu’on peut considérer comme publics. C’est le cas des actes revêtus du
sceau de l’Etat ou d’une Administration publique, les marques ou poinçons et
autres instruments utilisés par les Administrations publiques pour distinguer les
actes, documents, matière ou objets (art. 167, al.1er). Dans le nouveau code
pénal, ce sont les articles 675, 676 et 677 qui incriminent et sanctionnent les
faux publics.

L'article 675 du nouveau code pointe du doigt la falsification du sceau de l'Etat


ou d'une administration publique, les marques, poinçons et autres instruments
utilisés par les administrations publiques pour distinguer les actes et les
documents, matières ou objets.

Pour ce qui est du cas des certificats, pièces ou documents dont


l’établissement est réservé aux Administrations publiques, ils sont incriminés
par l'article 676 du nouveau code pénal. Il faut ajouter à cette liste « tous
objets, imprimés, qui par leur aspect, leur dimension pourraient prêter à
confusion avec les objets, imprimés ou formules utilisés par les Administrations
publiques », (art.171-1 ancien et 678 du nouveau code pénal).

La liste est déjà très large ; cependant devons- nous la considérer comme
limitative ? Si nous nous basons sur le principe d’interprétation stricte des
textes pénaux, nous devons répondre positivement à cette question. Mais il y a
lieu de noter que le législateur togolais a été très prudent dans cette
énumération. En utilisant des expressions comme « une pièce ou document
dont l’établissement est réservé aux Administrations publiques ou imprimés,
formules utilisés par les Administrations publiques », il laisse entendre que
cette liste n’est pas limitative. Ainsi donc, doit être considéré comme un acte
public, tout acte dont l’établissement est réservé à l’Administration publique.

Rentrent dans cette catégorie d’actes :

1° Les actes politiques, c’est-à-dire des écrits émanant des pouvoirs publics
(tels que les lois, les décrets, les ordonnances, les traités) ;

2° Les actes judiciaires, c’est-à-dire ceux qui émanent des magistrats et de


leurs auxiliaires (greffiers, OPJ, experts, etc.…), tels que jugements, arrêts,
procès-verbaux de gendarmerie, rapports d’expert désigné en justice ;

3° Les actes administratifs tels que les arrêtés ministériels et préfectoraux, les
actes de l’Etat civil (expéditions d’actes de naissance et de décès, diplômes
universitaires, listes électorales, etc.) ;

4° les actes extrajudiciaires ou authentiques, c’est-à-dire ceux établis par les


officiers publics ou ministériels (notaires, huissiers, greffiers, commissaires-
priseurs, courtiers assermentés. Cass.Crim. 21 février 1978 B. n°63

B. Les pénalités

Les peines varient suivant la catégorie d’actes envisagée et suivant la qualité de


l’auteur du faux.
1. La répression suivant la catégorie d’actes :

Dans l'ancien code pénal, La peine est de 1 à 5 ans d’emprisonnement quand la


qualification concerne le sceau de l’Etat ou autre objet utilisé par les
Administrations pour distinguer les actes publics. Dans le nouveau code pénal,
elle va de un à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende d'un million (1 000
000) à cinq millions (5 000 000) FCA. Si Elle était de trois (03) mois à deux (02)
ans d’emprisonnement quand la falsification concerne un certificat, une pièce
ou document dont l’établissement est réservé aux Administrations publiques.
Aujourd'hui, pour les actes de cette catégorie, conformément aux dispositions
de l'article 676 du nouveau code pénal, les peines passent de six mois à deux
ans d'emprisonnement et d'une amende de cinq cent mille à deux millions (2
000 000) FCFA d'amende.

Enfin, si la peine était de 1 mois à 1 an d’emprisonnement, et d’une amende


de 30.000 F à 200.000 F ou une de ces deux peines seulement quand il s’agit de
contrefaçon de tous objets, imprimés, formules qui par leur aspect, leur
dimension pourraient prêter à confusion avec les objets, imprimés ou formules
utilisés par les Administrations publiques, cette peine passe maintenant d'un
(01) mois à six (06) mois et d'une amende de cent mille à cinq cent mille (500
000) FCFA.

Il y a lieu de noter que dans tous les cas, l’infraction est un délit correctionnel.

2. La répression suivant la qualité de l’auteur du faux

Le code pénal punit le faux en écriture publique ou authentique en distinguant


suivant la qualité de l’auteur du faux. La qualité de fonctionnaire ou de préposé
devient une circonstance aggravante.

En effet, aux termes de l’art. 169 de l'ancien CPT, « lorsque la falsification


émane d’un fonctionnaire, ou préposé ayant par ses fonctions accès aux
sceaux, timbres, marques, instruments, formules de documents, certificats
mentionnés aux articles précédents, la peine sera portée au double ». L'article
169 ancien n'est que la suite de l'article 168 du même incriminant les faux
portant sur des documents dont l'établissement est réservé aux
administrations publiques.

Le nouveau code pénal reprend cette disposition en son article 677 en


mentionnant que « si l'auteur du faux est un fonctionnaire ou un préposé ayant
par ses fonctions accès aux sceaux, timbres, marques, instruments, formules et
documents, certificats mentionnés aux articles précédents, la peine est portée
de cinq à dix (10) ans de réclusion criminelle. L'article 677 lève le flou qui
caractérisait l'interprétation des articles 167, 168 et 169 de l'ancien code pénal.

Quand il s’agit d’actes authentiques selon l’art. 171 al.2 du CPT ancien, «la
peine sera de cinq (05) à six (0 6) ans de réclusion si le faux a pour auteur
l’officier ayant qualité pour recevoir ou établir l’acte». Cette disposition a perdu
toute trace dans le nouveau code pénal plus précisément dans le paragraphe II
consacré au faux public sous la section I du chapitre IX consacré aux atteintes à
la confiance publique.

Ce n'est que sous le paragraphe I consacré au faux en écriture privée de


commerce ou de banque qu'il est affirmé que « si l'auteur de faux est un
officier public ayant qualité pour recevoir ou établir l'acte, il est puni d'une
peine de réclusion criminelle de cinq (05) à dix (10) ans.

L'ancien code pénal visait en son chapitre VI consacré aux infractions contre la
paix publique, la répression des atteintes aux écrits authentiques ou de
commerce.

Il n'est plus expressément fait mention d'écrits authentiques mais il est affirmé
dans le paragraphe 1 consacré à l'analyse des faux en écriture privée de
commerce ou de banque plus précisément à l'article 671 alinéa 2 que si
l'auteur du faux est un officier public ayant qualité pour recevoir ou établir
l'acte, il est puni d'une peine de réclusion de cinq (05) à (10) ans avec
possibilité de déchéance du droit d'exercer sa profession pendant une durée de
cinq (05) ans au plus.
La question qui se pose est celle de savoir si les actes des officiers publics sont
actes en écriture privée de commerce ou de banque ou des actes authentiques,
actes qui trouvent naturellement leur place dans les faux publics.

Notons que normalement dans ce dernier cas l’infraction devient un crime.


L’officier public devrait être puni plus sévèrement puni que le fonctionnaire ou
préposé. Mais il faut relever que si l’infraction devient un crime quand il s’agit
d’un officier public, le maximum de la peine dans l'ancien code pénal était de
six (06) ans de réclusion alors.

L'ancien article 168 du code pénal ancien punissait de trois (03) mois à deux
(02) ans d'emprisonnement quiconque aura contrefait ou falsifié un certificat,
une pièce ou document dont l'établissement est réservé aux administrations
publiques. L'article 169 affirme que lorsque la falsification émane d'un
fonctionnaire ou préposé ayant par ses fonctions accès aux sceaux, timbres,
marques, instruments, formules de documents, certificats mentionnés aux
articles précédents, la peine sera portée au double.

Enfin pour que l’aggravation de peine intervienne, il faudrait que le


fonctionnaire ou l’officier public ait commis un faux sur un acte relevant de sa
compétence. On doit donc déduire de cette constatation que le faux commis
par un officier public sur un acte public, qui n’est pas de sa compétence sera
puni comme le faux en écriture publique commis par un particulier.

II. Les faux en écriture privée

Il s’agit de la catégorie de faux qui intéresse directement la vie des affaires. La


doctrine a l’habitude de distinguer le faux en écriture privée du faux en écriture
de banque ou de commerce. Mais le CPT ancien traite de ces deux catégories
de faux dans le même texte, (l’art. 172 CPT). Le nouveau code pénal du Togo ne
va pas dans le même sens. Conformément aux dispositions de l'article 671 et
672 du nouveau code pénal. Dans les conditions actuelles, la distinction semble
s’imposer et cela d’autant plus que ces deux faux ne sont plus punis des
mêmes peines (voir l'article 671 pour les faux en écriture privée et l'article 672
pour les faux en écriture de commerce et de banque. Cela dit, il paraît quand
même nécessaire de définir ce qu’il faut entendre d’une part par écriture de
commerce ou de banque, et d’autre part par écriture privée avant de définir les
pénalités.

A. Ecriture de commerce ou de banque

On entend par écriture de commerce, toute écriture qui a pour objet de


constater une opération constituant un acte de commerce. Entrent dans cette
catégorie, les effets de commerce. Par exemple les lettres de change qui
constituent des actes de commerce par nature, les billets à ordre lorsqu’ils sont
signés d’un commerçant en vue d’une opération commerciale. Nous pouvons
citer également les livres de commerce, les documents comptables, les bilans,
les états de synthèse, les feuilles de paye ainsi que les procès-verbaux
d’assemblées des actionnaires.

Enfin, sont également considérés comme des écritures de commerce, les écrits
de toute nature tenus par les commerçants ou échangés entre eux lorsqu’ils
ont pour objet un acte de commerce ou une opération commerciale. On étend
cette notion en présumant qu’un écrit émanant d’un commerçant se rattache à
son commerce.

Ainsi, ont été considérés comme des faux en écriture de commerce des
falsifications ayant porté sur des lettres missives, des reçus et quittances, des
télégrammes, les relevés de compte, des comptes entre associés, etc.. Mais par
contre la falsification ou la contrefaçon d’un chèque bancaire, l’usage en
connaissance de cause d’un chèque falsifié ou contrefait sont punis des peines
prévues par l’article 84 de la Loi Uniforme n° 98-007 du 18 mars 1998 sur les
instruments de paiement, (un emprisonnement d’un à cinq ans et une amende
de 100.000 F à 5.000.000 F ou l’une de ces deux peines seulement) et non des
peines de faux en écriture de commerce. Même la loi uniforme de l'UEMOA a
connu une évolution majeure ces dernières années.
B. Ecriture privée

Il est difficile d’en donner une définition. Nous dirons que sont considérées
comme écritures privées, celles qui ne sont ni publiques ni authentiques, ni
commerciales, ni bancaires. Tels sont les contrats, obligations, reçus et
quittances passées entre non commerçants, les testaments, les lettres missives,
les papiers de famille et tous autres écrits.

C. Les pénalités

L’ancien art. 172 du CPT ancien punit d’un emprisonnement d’un mois à 3 ans,
quiconque se sera rendu coupable d’un faux en écriture privée, de commerce
ou de banque. Selon l’alinéa 2 du même texte, cette peine sera un
emprisonnement d’1 an à 5 ans si le coupable a agi dans l’exercice de sa
profession.

Dans ce dernier cas, il pourra en outre être déchu du droit d’exercer sa


profession pendant 5 ans au plus. Il y a lieu donc de noter que la qualité du
coupable est prise en considération et devient une circonstance aggravante.

Le nouvel article 671 du code pénal de 2015 distingue la falsification des actes
ou documents contenant reconnaissance, obligation ou décharge de celle de
document bancaire ou de commerce contenant reconnaissance, compte,
obligation ou décharge. Dans le premier cas, la peine encourue est d'un an à
cinq (05) ans d'emprisonnement et d'une amende d'un million à cinq millions
de francs CFA. Si l'auteur du faux est un officier public ayant qualité pour
recevoir ou établir l'acte, il est puni d'une peine de réclusion criminelle de cinq
(05) à (10) dix ans.

III. Les faux certificats

L’art. 174 CPT réprime sous le titre de faux certificats, les faux commis dans un
certain nombre de pièces. Ces infractions particulières constituent ce que nous
pouvons appeler les faux spéciaux. Ils sont spéciaux en ce sens qu’ils sont régis
par un texte qui semble les soustraire à la théorie générale de faux telle que
nous l’avons analysée précédemment. Mais en réalité, une grande partie de
l’analyse que nous avons faite au niveau du faux en général s’applique ici. Ils
sont spéciaux aussi parce que le législateur lui-même vise des actes particuliers
nommés.

L’infraction concerne les faux certificats et les fausses déclarations. Elle peut
résulter des faux certificats médicaux, des faux certificats de travail, des fausses
déclarations dans la rédaction d’un acte administratif, des fausses déclarations
dans la constitution d’un dossier administratif. S’agissant des faux certificats,
nous nous intéresserons seulement aux faux certificats professionnels dans le
cadre de cours.

Ces dispositions sont aujourd'hui reprises par les articles 679 à 680 du nouveau
code pénal.

A. Les faux certificats professionnels

L’art.174-3° punit quiconque fabriquera sous le nom d’un employeur ou d’un


chef d’établissement scolaire ou de formation professionnelle un certificat de
travail, un diplôme, une attestation de bons services, ou aura fait usage de ces
certificats, attestations, ou diplômes contrefaits ou falsifiés.

Il s’agit non seulement de faux certificats de travail, mais aussi de faux


diplômes et de fausses attestations de service. Tout comme les faux certificats
médicaux, la personne visée doit être autre que l’employeur ou le chef
d’établissement scolaire ou de formation professionnelle.

Il faut ensuite que le certificat, le diplôme ou l’attestation de bons services soit


fabriqué au nom de l’employeur ou du chef d’établissement scolaire ou de
formation professionnelle. Que dire alors si ces pièces ont été fabriquées au
nom d’une autre personne ?

Un tel acte ne tombera pas sous le coup de la loi. Par contre, la loi s’appliquera
si le signataire adjoint à son nom la fausse qualité d’employeur ou de chef
d’établissement scolaire ou de formation professionnelle. Selon le texte susvisé
(art. 174-3° CPT), ce n’est pas seulement la fabrication de ces pièces qui est
punie par la loi, mais aussi l’usage desdites pièces.

Pour la répression de l’usage de ces pièces, bien que la loi ne le précise pas, il y
a lieu d’admettre que cet usage doit être fait de mauvaise foi. L’utilisateur doit
avoir agi en connaissance de cause. En ces conditions, il y a lieu d’affirmer que
si l’utilisateur ignorait le caractère faux de cette pièce, il échappera à la
répression. Les articles 679 et 680 ont défini des sanctions nouvelles dans la
répression de ces faux sus-mentionnés.

B. Les faux dans certains documents administratifs

Il s’agit essentiellement ici des fausses attestations dans la rédaction d’un acte
administratif et les fausses déclarations dans la constitution d’un dossier
administratif.

1. Les fausses attestations dans la rédaction d’un acte administratif

L’art. 174-4° du CPT punit quiconque attestera faussement devant un officier


public dans un acte administratif ou authentique des faits dont l’acte est
destiné à prouver la vérité. Ce que la loi punit ici ce sont les fausses attestations
devant un officier public lors de la rédaction d’un acte administratif ou
authentique. C’est en quelque sorte le fait d’avoir induit en erreur l’officier
chargé de la rédaction de l’acte en question.

Il y a lieu de noter d’abord que le coupable doit avoir agi en connaissance de


cause.

Si par hasard lui-même a cru au caractère vrai des déclarations qu’il faisait, il ne
doit pas tomber sous le coup de la loi. S’il s’était lui-même trompé, l’infraction
ne serait pas consommée.

Ensuite, il faut que cette attestation soit faite devant un officier public.
Par conséquent, si les attestations ont été faites devant une personne autre
qu’un officier public le texte ne s’appliquera pas.

Le législateur vise un officier public. Il faut entendre par-là toutes les personnes
qui sont officiellement chargées d’instrumenter les actes administratifs ou
authentiques.

Enfin, il faut que l’acte en question soit destiné à prouver la véracité des faits
attestés par le coupable. Il faut donc supposer que si le contenu de l’acte n’a
aucun rapport avec les fausses attestations, la loi ne saurait s’appliquer. Donc
pour que l’infraction soit consommée, il faut dans un premier temps :

-que les fausses attestations soient sciemment faites ;

-qu’ensuite ces attestations soient faites devant un officier public au cours de la


rédaction d’un acte administratif ou authentique ;

-que cet acte ait pour but de prouver la vérité des faits attestés.

Si tous ces éléments sont réunis l’infraction est constituée.

2. Les fausses déclarations lors de la constitution d’un dossier administratif

C’est l’art.174-5° du CPT qui prévoit cette infraction. Ce texte punit quiconque
fera sciemment des déclarations inexactes dans la constitution d’un dossier
administratif relatif à l’attribution des prestations ou à la reconnaissance d’une
situation ouvrant droit à certains avantages ou distinctions.

Ce que le législateur punit ici, c’est le fait de faire sciemment de fausses


déclarations lors de la constitution d’un dossier administratif dans un but
précis. Pour que l’infraction soit constituée, il faut :

D’abord, que les déclarations inexactes soient sciemment faites.

Donc si le déclarant s’est lui-même trompé il n’y a pas d’infraction.


Mais le problème qui peut se poser ici serait de savoir de qui doivent émaner
ces fausses déclarations. Est-ce que le déclarant doit être celui en faveur de qui
est constitué le dossier administratif en question ?

A lire les termes du texte, nous devons admettre que n’importe qui, même s’il
n’est pas le bénéficiaire du dossier administratif, peut tomber sous le coup de
la loi. Ainsi, un simple employé de l’Administration chargé de la mise au point
du dossier en question peut être auteur de cette infraction.

Ensuite, il faut que les déclarations inexactes soient faites en vue de la


constitution d’un dossier administratif. Donc s’il s’agit d’un dossier privé, on
doit valablement admettre que l’infraction n’est pas consommée.

Enfin, le dossier doit être relatif à l’attribution de prestations ou à la


reconnaissance d’une situation ouvrant droit à certains avantages ou
distinctions. Il peut s’agir de prestations sur le plan des lois sociales, il peut
s’agir de toute autre prestation. Le dossier peut également avoir pour but la
reconnaissance d’une situation. Cette situation doit ouvrir droit à certains
avantages ou distinctions.

Le problème à ce niveau serait de savoir ce qui arrive si le dossier ne vise pas


ces buts. Supposons qu’il s’agit d’un dossier qui peut être en défaveur de celui
qui est intéressé par le dossier, puisque nous avons admis que le coupable peut
ne pas être le bénéficiaire du dossier en question. Nous estimons que le faux
étant puni en lui-même, indépendamment de l’objet poursuivi, l’auteur des
fausses déclarations tombera sous le coup de la loi.

Les articles 679 et 680 du nouveau code pénal encadrent la répression de ces
infractions.
C. La répression

L’art. 174 CPT punit toutes ces infractions que nous venons d’analyser d’un
emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 20000 F à 100.000 F
ou d’une de ces peines seulement. Il faut noter que ces faux spéciaux sont
moins sévèrement punis que le faux en général.

Toujours ce sont les articles 679 et 680 du nouveau code pénal ces infractions.

SECTION 2- L’usage de faux

Chaque délit de faux peut être accompagné d’un délit d’usage de faux. Le CPT
dans ses article 167 al.2, 168 al.2 et 173 fait de l’usage du faux une infraction
distincte de la fabrication de faux. De même que l’auteur du faux est punissable
dès la confection de l’acte falsifié ou altéré indépendamment de tout usage, de
même la loi punit celui qui fait usage d’une pièce falsifiée sans être auteur du
faux comme coupable d’une infraction distincte indépendante de celle dont
s’est rendu coupable le faussaire. Si le faussaire utilise lui-même la pièce qu’il a
fabriquée, falsifiée ou altérée, il commet deux infractions successives.

S'agissant des faux publics, les articles 675 alinéa 2 et 676 alinéa 2 encadrent la
répression de l'usage de faux. S'agissant de faux en écriture privée de
commerce ou de banque, l'article 673 du nouveau code pénal en assure la
répression.

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs de l’usage de faux


I. L’élément légal

Les différents articles qui prévoient et punissent le délit de faux sont


généralement ceux qui prévoient et punissent le délit d’usage de faux. Il faut
par conséquent se reporter à ces articles.

II. L’élément matériel

Le délit d’usage de faux est une infraction distincte qui peut être poursuivie
alors même que le délit de faux est prescrit.

Cass. Crim.13 juin 1978 Bull. crim. n°195

Pour que l’infraction d’usage de faux puisse être retenue, trois (03) conditions
doivent être remplies. L’usage de faux suppose un acte d’usage portant sur une
pièce fausse causant un préjudice.

A. Un acte d’usage

Le législateur n’a pas précisé cette notion et ce qu’il faut entendre par-là. On
admet donc que c’est au juge d’apprécier à cet égard souverainement. Il peut
s’agir de l’utilisation auprès d’une administration publique ou privée, d’une
banque ; il peut s’agir aussi d’une production en justice ou d’un usage entre les
mains d’un expert, etc.…

Cass. Crim. 11 décembre 1974 B. n°366

Cass. Crim. 16 février 1977 B. n°63

Cass. Crim.25 novembre 1992 GP 2 au 4 mai 93 Chronique. p. 16

Cass. Crim. 15.01.1969 Bull. n°30 voir le même arrêt dans R.S.C. 1970 p. 89

D’une façon générale, on considère que toute production d’une pièce falsifiée
doit être tenue pour un fait d’usage.
B. Un support falsifié

Il faut que la pièce présente matériellement l’aspect d’un faux punissable tel
que décrit plus haut. Toutefois, il importe peu que le falsificateur ait été
acquitté ou relaxé ou qu’il ait bénéficié d’un non-lieu comme ayant agi sans
intention frauduleuse.

C. Le préjudice

Un préjudice doit résulter de l’usage de la pièce fausse ou du moins, il doit


pouvoir en résulter. Les juges devront constater dans les mêmes termes que
précédemment, l’existence d’un préjudice actuel ou éventuel.

Cass. Crim. 2 juillet 1980, B. n° 210

III. L’élément moral

Il faut aussi que l’auteur ait agi de mauvaise foi. Cela signifie qu’au moment de
l’usage, qu’il ait connaissance du caractère falsifié de la pièce qu’il a utilisée.
C’est ce qui justifie l’adverbe ‘‘sciemment’’ employée par le législateur. Mais le
but poursuivi par le coupable est indifférent.

Par contre, il n’y a pas d’infraction si l’agent s’est servi de bonne foi d’une pièce
fausse.

Cass. crim. 27. 02. 1947 Gaz. Pal. 1947 .I. 173

Paragraphe 2. La répression du délit d’usage de faux

Les peines de l’usage du faux dépendent seulement de la nature de la pièce


utilisée et non de la qualité de l’utilisateur. Ainsi, la même peine sanctionne
ceux qui auront sciemment fait usage des sceaux, marques, poinçons ou autres
instruments contrefaits ou falsifiés, (art. 167 al.2 CPT). De la même manière
l’art. 168 al.2 de l’ancien code pénal, punit des mêmes peines la falsification ou
la contrefaçon, l’usage des certificats, pièces, ou documents contrefaits ou
falsifiés. Selon l’art.173 CPT, l’usage en connaissance de cause des actes et
autres pièces contrefaits ou falsifiés est puni des mêmes peines que la
contrefaçon ou la falsification.

Nous notons que les peines ne diffèrent pas, qu’il s’agisse de faux en écriture
ou qu’il s’agisse de l’usage de faux. Mais l’aggravation des peines suivant la
qualité du coupable que nous avons relevée dans la répression du faux n’est
pas applicable dans ce cas précis.
DEUXIEME PARTIE : LE DROIT PENAL DES
SOCIÉTÉS COMMERCIALES

Cette deuxième partie est réservée à l’étude d’un certain nombre d’infractions
essentielles dans le droit des sociétés. Il sera examiné les infractions relatives
aux sociétés commerciales en suivant le déroulement chronologique des
différentes étapes de la vie sociale. Nous étudierons successivement :

- Les infractions relatives à la constitution des sociétés


(Chapitre 1)
- Les infractions relatives à la gérance, à
l’administration et à la direction des sociétés
(Chapitre 2)
- Les infractions relatives au contrôle des sociétés
(Chapitre 3).
CHAPITRE 1- LES INFRACTIONS RELATIVES À LA
CONSTITUTION DES SOCIÉTÉS

Les infractions relatives à la constitution des sociétés peuvent être regroupées


autour de deux pôles d'activité : la recherche du capital, des fonds sociaux et
l'accomplissement des formalités de constitution. Dans ces deux domaines, le
législateur OHADA a imposé le respect d'obligations minutieuses dont la
transgression est pénalement sanctionnée.

Le législateur de l’OHADA, dans les articles 886, 887 et 888 de l’Acte uniforme
du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique (J.O. OHADA n°2, du 01 octobre 1997), a entendu
sanctionner les irrégularités les plus graves commises dans la constitution des
sociétés.

Le nouvel acte uniforme révisé portant droit des sociétés commerciales et


groupement d'intérêt économique (GIE) en date du 30 janvier 2014 entré en
vigueur le 05 mai 2014 a repris le même dispositif.

Ces irrégularités sont la plupart du temps des actes illicites et déloyaux


accomplis au cours de cette constitution de la société. Plus précisément, il vise
des actes mensongers particulièrement dangereux pour les tiers, les associés et
la société elle-même.

Il intervient également pour sanctionner les constitutions irrégulières


directement ou indirectement. Sont ici incriminées l'émission d'actions et la
négociation de celles-ci lorsque la constitution de la société n’a pas été réalisée
ou lorsque cette constitution n’a pas été bien réalisée. Ces infractions peuvent
consister en la simulation de souscriptions ou de versements, la publication de
faits faux, ou l’affirmation mensongère pour l’établissement du certificat du
dépositaire.

En effet, lorsque les fondateurs et les premiers associés ne disposent pas dès
l'origine des fonds qu'ils estiment nécessaires au fonctionnement de la société,
ils sont conduits à rechercher ces fonds auprès des épargnants et du public.
Cette recherche peut parfois donner lieu à l'utilisation de procédés
répréhensibles, notamment lorsqu'il s'agit de l'émission de valeurs mobilières
par les sociétés par actions. En outre, pour assurer l'égalité entre les associés et
protéger les créanciers, le législateur sanctionne la surévaluation des apports
en nature.

SECTION 1- L’EMISSION IRREGULIÈRE D’ACTIONS

Aux termes de l’article 886 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales
et aux G.I.E., « Est constitutif d'une infraction pénale, le fait, pour les
fondateurs, le président-directeur général, le directeur général,
l'administrateur général ou l'administrateur général adjoint d’une société
anonyme d'émettre des actions avant l'immatriculation ou à n'importe quelle
époque lorsque l'immatriculation est obtenue par fraude ou que la société est
irrégulièrement constituée ».

Le délit visé par cet article consiste dans le fait d’émettre des actions d’une
société avant son immatriculation ou lorsque cette immatriculation est
obtenue par fraude ou lorsqu’il s’agit d’une société irrégulièrement constituée.

Il y a lieu de remarquer que les irrégularités dont fait état l’article 886
constituent une condition préalable à l’existence de l’infraction et non un
élément constitutif. Nous allons par conséquent déterminer les éléments
constitutifs de l’infraction et sa répression.
Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

En plus d'une condition préalable relative aux irrégularités de constitution, le


délit suppose un élément matériel et un élément moral.

I. Les conditions préalables

Elles sont constituées des irrégularités commises avant l’émission des actions. Il
s’agit notamment de :

- l’émission avant l’immatriculation de la société au registre du commerce

- l’émission, quelle qu’en soit l’époque, si l’immatriculation a été obtenue par


fraude

- l’émission alors que la société est irrégulièrement constituée.

II. L’élément matériel

Il consiste en l’émission d’actions. C’est le fait de créer matériellement et


délivrer aux actionnaires des titres d’actions, soit par remise, soit par
placement dans le dossier de chaque souscripteur, mais aussi l’inscription en
compte de valeurs mobilières.

III. L’élément moral

La loi n’exige pas pour la commission de l’infraction la preuve d’une intention


frauduleuse. Une faute matérielle consistant dans le simple fait d’émettre dans
l’une des situations visées par l’article 886 suffira. Ce qui a fait dire que
l’infraction est un délit de fonction. En effet, la méconnaissance par les
dirigeants sociaux de l’obligation de vérifier, au moment où ils procèdent à
l’émission si la société est formée régulièrement, constitue une faute. Cette
interprétation qui fait intervenir l’idée de faute provenant d’une erreur, d’une
négligence, d’un défaut de vigilance a été consacrée par la jurisprudence.

Crim. 13 juin 1936, B. n° 68

Crim. 16 mars 1981, B n° 94, p.252

Toutefois, la Cour de cassation reconnaît au dirigeant la possibilité d’apporter


la preuve contraire. Il faut qu’il se soit trouvé dans l’impossibilité absolue de
prévoir et d’empêcher l’infraction.

Crim. 12 décembre 1925, J. Soc. 1926.446

Paragraphe 2. La répression de l’infraction

I. Les personnes punissables

Les auteurs du délit sont : Les fondateurs, le président, les administrateurs ou


les directeurs généraux.

Les dirigeants de fait peuvent également être poursuivis. Il faut se placer au


moment de l'émission des actions pour rechercher les auteurs responsables de
l'infraction. Ainsi peuvent être condamnés, quoique n'étant pas en fonction
lors de la constitution de la société, les dirigeants en exercice lors de la création
des titres.

Crim. 13 juin 1936, Rev. trim. soc. 1937.36

II. La complicité

La complicité peut être retenue contre ceux qui auront, en toute connaissance
de cause, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'émission dans les faits qui
l'auront préparée ou facilitée ou dans ceux qui l'auront consommée. La
tentative non prévue par l'article 886 n'est pas punissable.

Le nouveau code pénal prend en compte la répression de ces infractions dans


ses articles 1103 et suivants.

SECTION 2- LA MAJORATION FRAUDULEUSE DES APPORTS

EN NATURE

L'apport, opération fondamentale dans la constitution d'une société et


rémunéré par l'attribution d'un droit d'associé, ne porte pas toujours sur une
somme d'argent, sur du numéraire. Il peut consister à transmettre à la société
certains biens ayant une valeur économique : un immeuble, un fonds de
commerce, des brevets etc... Pour déterminer les droits des apporteurs et le
montant des parts sociales ou des actions qui leur seront attribués, il est
nécessaire d'évaluer des biens apportés.

Une évaluation aussi exacte que possible est indispensable bien que difficile. II
faut sans doute protéger l'apporteur en nature contre un risque de sous-
évaluation, ou protéger contre le risque de surévaluation les apporteurs en
numéraire au nom de l'égalité entre associés, mais surtout protéger les
créanciers de la société dont le montant du capital social constitue le gage la
solvabilité apparente.

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

L’infraction consiste à faire attribuer à un apport en nature une évaluation


supérieure à sa valeur réelle - c'est la pratique dite du « mouillage » ou le

(« watering ») des apports dont se rendent parfois coupables les dirigeants de


sociétés ou les apporteurs eux-mêmes. Une fois admis le principe selon lequel
l'évaluation doit se faire au moment du transfert de propriété, la notion
d'évaluation soulève d'ailleurs de délicates difficultés d'application dans la
mesure où la valeur d'un bien peut être l'objet de discussion : valeur objective
valeur pour la société ? On a souvent remarqué qu'il y avait là une marge
d'appréciation empêchant de retenir l'infraction lorsque la surévaluation n'est
pas manifeste.

I. L’élément matériel : la surévaluation

Dans sa rédaction, le texte laisse une grande place à l’interprétation. Il ne


précise ni les procédés ni le montant de la surévaluation incriminable ni les
modalités de calcul de la valeur réelle de référence. Il s'en tient au résultat : il y
a eu surévaluation, c'est-à-dire une « évaluation supérieure à sa valeur réelle ».

Dès lors, peu importe qu'elle soit le fruit de rapports écrits ou d'interventions
verbales. Tout au plus, devrait-on exiger qu'il y ait eu de la part du prévenu
accomplissement d'un acte positif pour « faire » attribuer une valeur
supérieure à la valeur réelle et non pas seulement silence ou réticence pour «
laisser » attribuer une telle valeur.

Quant à l'ampleur de la surévaluation, la chambre criminelle semble l'apprécier


non par rapport à un critère objectif, celui de la valeur marchande du bien
apporté, mais par rapport à une notion plus subjective, celle d'utilité du bien
pour la société.

Cass. crim. 12 avr. 1976, JCP 1977.II.18523, note GUYON.

La cour de cassation ne retient qu'une surévaluation vraiment excessive. Dans


l’arrêt précité, elle parle de la dissimulation d'éléments d'appréciation de
nature à entraîner une réduction importante de la valeur de ces biens.
II. L’élément intentionnel

Le délit est intentionnel. Le texte punit, en effet, ceux qui auront «


frauduleusement » fait surévaluer un apport en nature, c'est-à-dire qui
savaient qu'ils « faisaient » surévaluer les apports. C'est pourquoi la pratique
désigne souvent ce délit sous le nom de majoration frauduleuse des apports en
nature. L'infraction n'existe que si le résultat a été obtenu « frauduleusement
», et non pas seulement « sciemment ».

La preuve de la fraude dépendra bien souvent de la nature des procédés


utilisés par le coupable: documents falsifiés, notamment. Mais, cette méthode
d'appréciation de l'élément intentionnel est assez satisfaisante lorsque le
prévenu est l'apporteur lui-même, elle est plus délicate à mettre en œuvre à
l'encontre des commissaires aux apports qui peuvent se contenter d'affirmer
exacte une évaluation qu'ils savent supérieure à la valeur réelle de l'apport. Il
semble que les tribunaux se montrent assez sévères à leur encontre en
sanctionnant ceux qui auront agi « sciemment », c'est-à-dire en ayant
simplement une connaissance objective du dépassement.

Dans l'arrêt du 12 avril 1976, la Cour de cassation a approuvé la condamnation


d’un commissaire aux apports qui a «volontairement » dissimulé des éléments
d’appréciation. Dans le même sens, Cass. crim. 18 juin 1990, Rev. sociétés
1990.637, note BOULOC.
Paragraphe 2. La répression

La loi punit ceux qui « auront fait attribuer » une valeur supérieure à la valeur
réelle: elle suppose, donc, qu'un résultat a été atteint. C'est pourquoi, la
tentative de surévaluation n'est pas punissable.

Les articles 1105 et suivants du nouveau code pénal prennent en compte la


répression de cette infraction.

SECTION 3- LES DELITS EN MATIÈRE DE NEGOCIATION

DES ACTIONS

Les délits visés par l’article 888 ont pour but de protéger les acquéreurs qui ont
des difficultés à vérifier la régularité de certains titres, ou qui peuvent être
trompés sur la régularité des titres achetés. Ainsi donc, le législateur a entendu
sanctionner la négociation irrégulière d’actions qui peuvent faire l’objet de
transactions sur le marché financier. Seule l’inobservation des formalités
légales relatives à la défense de négociation de certaines actions est réprimée.

Il faut préciser la liste de ces titres (parag.1) avant d'examiner les éléments
constitutifs (parag.2), puis la répression des infractions (parag.3).

Paragraphe 1. Les actions non négociables

L'article 888 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du


G.I.E. énumère trois (03) catégories d'actions dont la négociation est
pénalement réprimée, qu'elle soit le fait des fondateurs, du PDG, du DG, de
l’administrateur général ou de l’administrateur général adjoint de la société
anonyme, mais aussi des titulaires ou porteurs d'actions. II s'agit :
1° Des actions nominatives qui ne sont pas demeurées sous la forme
nominative jusqu'à leur entière libération (art. 888-1°). Cette infraction est
destinée, par 1a menace d'une sanction pénale, à prévenir une modification
de la forme des actions, préalable à une éventuelle négociation illicite.

2° Des actions d’apport avant l’expiration du délai pendant lequel elles ne


sont pas négociables.

3° Des actions de numéraire pour lesquelles le versement du quart du


nominal n’a pas été pas été effectué.

Paragraphe 2. Les éléments constitutifs de l’infraction

Le législateur OHADA a voulu incriminer la négociation proprement dite, mais


nous estimons que par application des principes généraux du droit pénal la
participation à la négociation doit être analysée en complicité et punie de la
même manière que la négociation.

I. L’élément matériel

A. La négociation

L’art. 888 sanctionne les auteurs de la négociation quels qu’ils soient. Il leur est
reproché l’inobservation des formalités requises. La loi ne donne pas de
définition de la négociation mais la doctrine et la jurisprudence entendent par
négociation, toute transmission de titre par l'un des modes du droit
commercial réalisée soit par le moyen d'un intermédiaire, soit de gré à gré;
l’endossement, le transfert…
L'incrimination ne concerne donc pas les transmissions selon les formes du
droit civil : cession de créance au sens de l'article 1690 du Code civil ou la
donation.

B. La participation à la négociation

En bonne logique, les personnes qui « participent » à la négociation sont les


complices des négociateurs. Ainsi en est-il de tous les intermédiaires qui auront
prêté leur concours à la négociation (banquiers, conseillers en investissements
financiers etc…).

II. Elément intentionnel

La loi exige que les différents actes qui contribuent à la réalisation des
infractions visées soient intentionnels pour être réprimés. Les auteurs doivent
avoir sciemment négocié les actions non négociables. Par conséquent les délits
prévus par l’art. 888 sont intentionnels et supposent la mauvaise foi de leur
auteur.

La preuve de l'intention coupable peut être établie sans difficulté lorsque le


titre est, à l'évidence, entaché d’irrégularité. Elle sera plus difficile à établir à
l'encontre des titulaires ou porteurs d'actions qui auront eux-mêmes
irrégulièrement négocié leurs titres.

Paragraphe 3. La répression

Pour cette infraction, l'article 1106 du nouveau code pénal assure un dispositif
de répression adéquat. Le choix des peines est laissé à la discrétion des Etats
parties.
CHAPITRE 2- LES INFRACTIONS RELATIVES À LA GERANCE,

À L’ADMINISTRATION ET À LA DIRECTION

DES SOCIÉTÉS

Plusieurs infractions peuvent se commettre, pendant la gérance,


l’administration et la direction des sociétés. Les principales visées par le
législateur sont la répartition de dividendes fictifs, le délit de faux bilan et
l’abus de biens sociaux.

SECTION 1- LE DELIT DE REPARTITION DE DIVIDENDES FICTIFS

S'il est vrai que la finalité des sociétés commerciales est principalement de
partager les bénéfices entre les associés sous forme de dividende, encore faut-
il que des bénéfices aient été effectivement réalisés. Distribuer des dividendes
en les justifiant par des artifices comptables et des présentations frauduleuses
des bilans sans qu'ils proviennent véritablement des bénéfices, constitue une
tromperie et un danger pour la société que la loi sanctionne pénalement.

Une telle distribution est préjudiciable aux associés de même qu'à la société,
car c'est le capital social lui-même qui est entamé puisqu'en réalité il n'y a pas
de bénéfice à partager. C'est en effet par un abus de langage que le législateur
incrimine la répartition de dividendes « fictifs ». En fait, les dividendes sont
réellement distribués, seuls les bénéfices qui devraient les justifier étant fictifs.
Dès lors, cette répartition ne peut s'effectuer que par un prélèvement sur le
capital social au mépris des droits des créanciers, ce que la loi sanctionne.

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

Aux termes de l’art. 889 de l’AUSGIE, « Encourent une sanction pénale, les
dirigeants sociaux qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire
frauduleux, auront sciemment, opéré entre les actionnaires ou les associés, la
répartition de dividendes fictifs ».

II faut un inventaire frauduleux, une répartition de dividendes fictifs et la


mauvaise foi.

I. L’élément matériel

La loi ne punit pas toute répartition de dividendes fictifs, mais seulement celle
qui est effectuée en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire
frauduleux.

A. Inventaire absent ou frauduleux

A comprendre le texte, s'il y a un inventaire et s'il n'est pas frauduleux, la


répartition de dividendes fictifs - c'est-à-dire non justifiés par les résultats de
l'exercice - n'est pas punissable pénalement. On peut laisser de côté
l'hypothèse peu fréquente d'une absence totale d'inventaire, pour préciser les
notions d'inventaire et de fraude.
1. La notion d’inventaire

L'inventaire est un relevé de tous les éléments d'actif et de passif au regard


desquels sont mentionnés la quantité et la valeur de chacun d'eux à la date de
l'inventaire. Selon la Cour de cassation, l'inventaire est un « tableau descriptif
et estimatif des divers éléments de l'actif et du passif, de nature à permettre à
chaque associé d'exercer son droit de regard et de critique sur la conduite des
affaires sociales ».

Chambre commerciale, 24 décembre 1960, D. 1961, 402 note Dalsace.

La doctrine s'accorde à reconnaître que l'absence d'inventaire ou de bilan est


rare en pratique ; dans la plupart des cas il s'agit d'un inventaire ou d'un bilan
frauduleux.

Il s'agit d'un tableau qui décrit et estime les différents éléments de l'actif et du
passif social: c'est le relevé des éléments du patrimoine de la société qui en
dresse le bilan à un moment donné pour permettre aux associés de connaître
et de contrôler la situation. Les textes qui réglementent l'établissement des
documents comptables soulignent que les comptes doivent être réguliers,
sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et
du résultat de l'entreprise (art. 8 et s. de l’Acte uniforme du 24 mars 2000
portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises, J.O.
OHADA n°10). À défaut, ces comptes seront réputés frauduleux.

2. La notion de fraude

Les procédés de fraude destinés à déformer la vérité sont toujours les mêmes
: majoration de l'actif ou minoration du passif par la sous-évaluation de certains
éléments ou omission de certaines dettes. La preuve de la fraude sera aisée en
cas de grossières inexactitudes matérielles mais celles-ci sont rares. En
revanche, la preuve est plus difficile à rapporter dans le cas habituel de la
contestation de l'évaluation d'un poste du bilan. C'est l'appréciation de
l'intention coupable qui permettra de distinguer entre la volonté frauduleuse
condamnable et l'erreur d'évaluation excusable.

B. La répartition de dividendes fictifs

L'acte de répartition de dividendes fictifs constitue l'élément matériel


proprement dit de l'infraction. Aussi convient-il de préciser chacun des trois
termes de la loi: que faut-il entendre par répartition, par dividendes et par
fictivité ?

1. Que faut-il entendre par répartition ?

Les textes n'emploient pas le terme de « distribution » qui laisserait croire que
le délit suppose que les actionnaires ont effectivement perçu les dividendes,
mais celui de « répartition ». Selon la formule déjà ancienne de la chambre
criminelle, la répartition consiste à mettre les dividendes à la disposition des
actionnaires par une décision ouvrant à leur profit un droit privatif.

Cass. crim. 28 mars 1936, DH 1936.270.

Cette mise à disposition résulte de la décision du conseil d'administration de


mettre les dividendes en paiement. Cette décision réalise l'infraction et marque
le point de départ du délai de prescription, indépendamment du point de
savoir à quelle date les actionnaires toucheront ces dividendes.

2. Que faut-il entendre par dividende ?

Le dividende est une somme d'argent provenant du partage des bénéfices et


attribué à chaque action. II est payé à la date fixée par l'assemblée, dans le
délai maximum de neuf mois après la clôture de l'exercice, sauf prolongation
accordée par décision de justice (art. 146). L'article 145 permet de distribuer
des acomptes sur dividendes. Avant l'approbation des comptes de l'exercice
lorsqu'un bilan établi au cours de l'exercice et certifié par un commissaire aux
comptes fait apparaître que la société a réalisé des bénéfices depuis le début
de l'exercice en cours.

3. Que faut-il entendre par dividende fictif ?

Est fictif, tout dividende réparti en l'absence de bénéfices réels à distribuer (art.
144). Comment le du bénéfice distribuable est-il déterminé ?

L'article 143 dispose que « le bénéfice distribuable est le résultat de l'exercice,


augmenté du report bénéficiaire et diminué des pertes antérieures ainsi que
des sommes portées en réserve en application de la loi ou des statuts ».

Le délit consiste donc à répartir des dividendes réels alors que les bénéfices
sont fictifs et qu'il n'y a pas de sommes distribuables. Les dividendes distribués
sont donc prélevés sur le capital ou sur les réserves.

II. L’élément intentionnel

Le délit de l’article 889 est intentionnel et incrimine le fait de répartir des


dividendes fictifs en ayant connaissance de l'absence d'inventaire ou de son
caractère frauduleux, ainsi que du caractère fictif du dividende réparti. La
connaissance du caractère fictif du dividende distribué et l’absence d’inventaire
ou son caractère frauduleux consacre la mauvaise foi.

La mauvaise foi consiste dans la connaissance, par l'auteur, tant du caractère


fictif des dividendes que de l'inexactitude de l'inventaire ou du bilan ou des
conditions dans lesquelles la distribution des dividendes a été décidée. La
mauvaise foi de l'administrateur doit se situer à la date de la confection du
bilan. En outre, la négligence dont ont pu se rendre coupables certains
administrateurs en ne vérifiant pas convenablement les écritures comptables,
négligence susceptible d'engager leur responsabilité civile, ne saurait justifier
leur maintien dans les liens de la prévention.

La preuve de cette connaissance sera directement établie à partir des éléments


matériels et de la gravité d'une fraude que le prévenu ne pouvait ignorer en
raison de ses fonctions dans la société. C'est pourquoi le dirigeant de mauvaise
foi ne peut prétendre se justifier en invoquant un quitus voté par l'assemblée
ou une décision ayant approuvé la répartition.

Cass. crim. 10 nov. 1942, JCP 1943.II.2332, note BASTIAN.

Paragraphe 2. La répression

Si l'auteur principal ne peut être qu'un dirigeant de droit ou de fait de la SA, ou


de la SARL, la commission du délit suppose souvent la complicité de tiers, soit
celle des responsables de l'établissement des documents comptables de la
société, soit celle des commissaires aux comptes chargés de leur contrôle.

Les articles 1107 et suivants du nouveau code pénal assurent un dispositif


adéquat de répression.

SECTION 2- LA PRESENTATION DE COMPTES ANNUELS INEXACTS

Si le législateur oblige les dirigeants sociaux à établir des comptes annuels et à


les présenter à l'approbation des associés, encore faut-il que ces comptes
soient exacts. C'est pourquoi la loi punit les dirigeants sociaux (article 890) qui
auront sciemment présenté ou publié, en vue de dissimuler la véritable
situation de la société, des états financiers de synthèse ne donnant pas une
image fidèle du résultat des opérations de l'exercice. Malgré l'élargissement de
son domaine la pratique continue à parler du délit de présentation de faux
bilan.
Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

Aux termes de l’art. 890, « Encourent une sanction pénale, les dirigeants
sociaux qui auront sciemment, même en l'absence de toute distribution de
dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou associés, en vue de
dissimuler la véritable situation de la société, des états financiers de synthèse
ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle des opérations de
l'exercice, de la situation financière et de celle du patrimoine de la société, à
l'expiration de cette période ».

I. L’élément matériel

Le délit suppose la réunion de trois éléments. Dissimuler la vérité, c'est mentir.


La loi fournit des précisions sur les moyens, le support et le contenu du
mensonge.

A. Les moyens du mensonge

L'article 890 envisage à la fois la publication et la présentation des comptes


aux associés et actionnaires.

1. La publication

La publication s'entend de tout procédé portant le fait à la connaissance du


public, que ce soit par voie écrite ou orale. De plus, la communication doit être
collective, la multiplication de communications individuelles ne constituant pas
nécessairement une communication collective. La publication n'est pas limitée
dans le temps par l'assemblée générale, comme c'est le cas avec la
présentation. Elle peut intervenir longtemps après l’établissement des états
financiers infidèles.

Au sens précis du terme, la publication consiste à porter certains faits à la


connaissance du public, c'est-à-dire de la collectivité. Selon la formulation d'un
arrêt, elle s'entend de tout procédé ayant pour but et pour effet de faire
connaître le bilan aux tiers.

Paris, 12 juill. 1969, Gaz. Pal. 1969.2.270.

Puisque le procédé de publication importe peu, le texte peut s'appliquer aussi


bien aux communications écrites (articles de journaux, circulaires) qu'aux
communications orales (conférence de presse).

2. La présentation

La présentation des comptes annuels aux actionnaires ou associés s'entend


principalement du fait de les soumettre à l'approbation de l'assemblée
générale. Dès avant la tenue des assemblées, il y a présentation des comptes
annuels aux associés actionnaires par l'envoi ou par la mise à disposition des
documents, dans les quinze jours avant l’assemblée d’approbation des
comptes. Mais, la présentation consiste essentiellement à les soumettre à
l'approbation de l'assemblée générale annuelle et la loi sanctionne aussi bien le
défaut de présentation que la présentation de comptes inexacts.

En revanche, la seule préparation de documents irréguliers n'est pas punissable


en l'absence de toute présentation aux associés. L'Infraction ne serait pas
réalisée si la communication est adressée à d’autres personnes ou à un autre
moment. Toutefois, la présentation pourrait résulter d'une communication
faite aux actionnaires en dehors de l'assemblée générale ou de la préparation
de celle-ci.

Crim. 16 février 1987, B. N° 72, p. 194.


Cass. crim. 11 mai 1995, Dr. pénal 1995, comm. 205, note J.-H. ROBERT).

Dès lors, il est assez contestable que la seule délibération ayant décidé la
présentation des comptes infidèles suffisent à caractériser le délit.

Cass. crim. 29 nov. 2000, Rev. Sociétés, 2001, p. 380, note B. BOULOC.

Il convient de noter que certains procédés utilisés pour dissimuler la vérité


peuvent tomber sous le coup d'autres incriminations. Notam¬ment celle de
faux en écriture de commerce.

Cass. crim. 24 avr. 1984, D. 1986.125, note COSSON

B. Le support du mensonge

La loi incrimine la publication ou la présentation « des états financiers de


synthèse » mensongers. Mais l'incrimination s'étend à la présentation d'un
document appelé « bilan provisoire » et ensuite refait sur instruction du
commissaire aux comptes.

Cass. crim. 25 avr. 1995, Dr. pénal 1995, comm. 205, note J.-H. ROBERT

C. Le contenu du mensonge

Le mensonge consiste à « dissimuler la véritable situation de la société » et à ne


pas donner « pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations
de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine de la société, à
l'expiration de cette période », alors que, conformément à l'article 138 de
l’Acte uniforme, les états financiers de synthèse annuelle doivent être réguliers,
sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et
du résultat de l'exercice.
Même si strictement tout bilan est inexact, l'infidélité de l'article 890 recouvre
les manquements à l'obligation principale de régularité et de sincérité, dès lors
que le but est de dissimuler la véritable situation de la société. Cette infidélité
résulte donc de toute erreur ou plus exactement de toute irrégularité relative à
l'un des postes, d'ordre matériel, formel ou d'évaluation.

S'agissant essentiellement de mensonges qui portent sur des documents


comptables, la fraude consiste aussi bien à majorer l'actif qu'à minorer le
passif, soit par des affirma¬tions inexactes, soit par des omissions coupables.
On peut citer comme exemples, la majoration frauduleuse d'actifs.

Cass. crim. 12 janv. 1981, D. 1981.348, note COSSON; JCP 1981.11.19660, note
GUYON) ; ou le maintien au bilan d'un bien sujet à dépréciation

Cass. crim. 14 déc. 1966, Bull. crim. n°291 ou de créances irrécouvrables, ou la


minoration des stocks,

Cass. crim. 8 avr. 1991, Bull. crim. n°166; Rev. Sociétés 1991.777, note BOULOC,
ou encore les réévaluations incessantes des valeurs d'actif, sans référence aux
règles comptables usuelles, et la comptabilisation du montant de dommages-
intérêts escomptés à l'issue d'un procès en cours.

Cass. crim. 30 oct. 2002: Juris-Data, n° 016763.

Lorsque le mensonge consiste à présenter comme exacts des faits qui sont
faux, la preuve du délit est aisée. Mais, il est rare en fait que les coupables se
risquent à de grossières inexactitudes matérielles. Plus fréquentes sont les
inexactitudes qui portent sur l'évaluation de tel élément d'actif ou du passif ou
de tel poste du bilan. Elles sont plus difficiles à déceler, car plusieurs méthodes
d'évaluation peuvent être utilisées et certaines inexactitudes apparaissent
parfois plus comme le résultat d'erreurs de méthode que l'expression d'une
volonté consciente de dissimulation.

II. L’élément intentionnel


Le délit comporte un élément intentionnel très marqué. Non seulement la
présentation infidèle résulte d'une action volontaire mais, en outre, cette
présentation doit être faite « en vue de dissimuler la véritable situation de la
société ». L'élément moral est double, car la faute suppose un dol général
résultant de l'intention coupable et un dol spécial caractérisé par un but
déterminé.

La jurisprudence française est divergente sur ce dernier point. Certaines


décisions relèvent l’existence de ce dol spécial, alors que pour d'autres
décisions, le mobile découle de l'intention et n'a pas à être relevé. L’art. 890 de
l’Acte uniforme suppose la prise en considération d'un dol général et d'un dol
spécial.

A. Le dol général

Agir sciemment, c'est agir en connaissance de cause ; c'est savoir que les états
financiers de synthèse annuels publiés ou présentés sont inexacts. Les juges
répressifs doivent établir cette connaissance à partir des éléments propres à
chaque cas particulier et ne peuvent faire peser sur les dirigeants sociaux une
présomption de mauvaise foi. On ne peut décider à priori qu'ils sont
nécessairement informés de la situation en raison de leurs fonctions et de leur
expérience professionnelle. La preuve de la mauvaise foi découlera
directement des faits matériels compris dans la poursuite, notamment
l'ampleur du mensonge, la gravité des inexactitudes ;

Cass. crim. 8 févr. 1968, Bull. crim. n°42 ou la nature des moyens frauduleux
mis en œuvre ;

Cass. crim. 26 mars 1990, Bull. crim. n°133, par exemple la participation de
l'administrateur poursuivi à la délibération ayant décidé la présentation et la
publication des comptes en sachant que l'apparence donnée aux comptes était
contraire à la réalité.
Cass. crim. 29 nov. 2000, Bull. crim. n°359; Rev. sociétés 2001, p. 380, note B.
BOULOC.

Et il importe peu que le bilan présenté soit refusé par l'assemblée générale

Cass. crim. 25 avr. 1995, préc.,

ou que le coupable ait agi uniquement dans un but de fraude fiscale.

Cass. crim. 27 nov. 1978, Bull. crim n°331

B. Le dol spécial

Les dirigeants sociaux sont sanctionnés pour leur volonté de dissimuler la


véritable situation de la société. Le résultat qu'ils recherchent ne doit pas être
confondu avec le mobile qui les anime et qui reste indifférent au regard de la
loi pénale.

Cass. crim. 18 déc. 1956, D. 1957.705, note DALSACE

Cass. Crim. 27 nov. 1978, Bull. Crim. n° 331.

Il importe donc peu que la dissimulation ait eu pour but de cacher des erreurs
de gestion, des malversations, une situation financière catastrophique ou,
parfois à l'inverse, une situation trop florissante... Toutefois, une cour d'appel a
pu relaxer un prévenu aux motifs que la comptabilité occulte avait dissimulé
des recettes ayant servi au paiement du personnel et à l'achat de matériel.

CA Aix-en-Provence, 23 juin 1994, Dr. pénal 1995, comm. 99, note J.-H.
ROBERT.

Dans certains cas, l'établissement et la présentation de faux bilans peuvent


tomber sous le coup d'autres incriminations en raison du mobile qui inspire les
coupables: un bilan inexact destiné à justifier frauduleusement de la prospérité
de la société auprès de l'acquéreur des actions constitue une escroquerie.

Cass. crim. 16 mars 1970, JCP 1971.II.16813, note B. BOULOC.


Paragraphe 2. La répression

I. Les personnes punissables

Les auteurs principaux du délit sont d’après la loi les dirigeants sociaux.

II. Tentative

Elle n'est pas punissable: les textes ne retiennent que la publication et la


présentation des comptes annuels. Cela exclut du champ de l'infraction la
simple préparation de documents mensongers qui ne sont pas ensuite
présentés ni publiés.

III. La complicité

Les textes ne punissent que les dirigeants sociaux - de fait ou de droit - comme
auteurs principaux de l'infraction. Mais la commission de l'infraction suppose
souvent la complicité de ceux qui ont pour fonction ou pour mission d'établir
ou de contrôler les comptes annuels. C’est le cas du comptable de la société
(Cass. crim. 15 mai 1974, Bull. crim. n° 177), du commissaire aux comptes (Cass.
crim. 3 janv. 1983, Rev. sociétés 1984.114, note B. BOULOC), ou enfin du
directeur administratif de la société (Cass. crim. 14 janv. 1980, Bull. crim. N°
21).

Les articles 1108 et 1109 du nouveau code pénal définissent les pénalités
adéquates s'agissant de ces infractions.

IV. La prescription

Il est évident que les auteurs de ce délit - ou leurs complices - ont souvent la
possibilité de dissimuler leurs agissements. Face à cette réalité, les juges du
fond ont la tentation de retarder le point de départ du délai de prescription
jusqu'au jour où ceux-ci peuvent être découverts et connus. Mais, la Cour de
cassation estime que ce délit est instantané, réalisé par le seul fait matériel de
la publication ou de la présentation à l'assemblée des comptes infidèles (Cass.
crim. 18 mars 1986, Bull. crim. n° 110). Et, elle a maintenu récemment sa
solution en cassant un arrêt de cour d'appel qui avait retardé le point de départ
du délai de prescription.

Cass. crim.09 juill. 1996, Dr. pénal 1996, comm. 248, obs. J.¬H. ROBERT.

Enfin, la Cour de cassation considère que la présentation, puis la publication


d'un bilan infidèle constituent deux infractions distinctes et successives. Dès
lors, la publication d'un tel bilan peut renouveler le délit déjà commis lors de sa
présentation et faire courir un nouveau délai de prescription.

Cass. crim. 31 oct. 2000, Dr. Pénal 2001, comm. 20, obs. J.-H. ROBERT; Rev. sc.
crim. 2001, p. 397, obs. J.-Fr. RENUCCI.

SECTION 3- L’ABUS DE BIENS SOCIAUX

L’abus de biens sociaux constitue l’infraction la plus fréquente du droit pénal


des sociétés. Les biens sociaux correspondent à l'ensemble de l'actif mobilier et
immobilier de la société destiné à l'intérêt social, alors que par contre, le crédit
social, c’est la confiance qui s'attache à la société en raison de son capital, de la
nature de ses affaires et de sa bonne marche.

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs de l’abus de biens sociaux

Aux termes de l’art. 891 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et GIE, « Encourent une sanction pénale le gérant de la société à
responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur général, le
directeur général, l'administrateur général ou l'administrateur général adjoint
qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils
savaient contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou
morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient
intéressés, directement ou indirectement ».
Le législateur incrimine le délit d’abus sociaux lorsqu’il s’agit des SARL et des
sociétés anonymes. II ressort de ce texte que le délit suppose la réunion de
quatre (04) éléments : un acte d'usage des biens ou du crédit (I), un usage
contraire à l'intérêt social (II), un acte accompli dans un intérêt personnel,
matériel ou moral (III), un acte accompli de mauvaise foi (IV).

I. Un acte d'usage des biens ou du crédit

A. La notion d'usage

Le législateur a voulu sanctionner les actes qui consistent à s'approprier


directement des biens appartenant à la société ou à faire payer par celle-ci des
dépenses à caractère strictement personnel. Mais, la notion d'usage ne
suppose pas nécessairement une appropriation matérielle et un transfert du
patrimoine de la société dans celui du dirigeant malhonnête.

Cass. crim. 8 mars 1967, D. 1967. 586, note DALSACE.

User, c'est se servir, même de façon temporaire avec l'intention de restituer. Il


y a usage dans le fait de bénéficier de prêts, des avances, de véhicules, de
logements, voire à utiliser de façon indue le matériel ou le personnel de la
société.

A Priori, l'usage semble impliquer l'accomplissement d'un acte positif contraire


à l'intérêt de la société. Mais, il est évident que cet intérêt peut être également
compromis par des omissions ou des négligences dommageables. Est-il possible
de poursuivre en assimilant abstention et usage? L'examen de la jurisprudence
montre qu'une réponse tranchée n'est pas souhaitable et qu'il convient de
distinguer selon que l'usage abusif porte sur les biens ou le crédit de la société.
Mais, dans tous les cas, l'abus est consommé par la prise de décision, même si
son exécution ou son règlement intervient ultérieurement.

Cass. crim. 6 févr. 1997, Bull. crim. n° 48; Dr. penal 1997, comm. 61, 63 et 70; D.
1997, 334, note J.-Fr. RENUCCI; JCP 1997, éd. G, II.22823, note M. PRALUS ;
Rev. sociétés 1997, p. 146; note B. BOULOC.

Tel est le cas assez fréquent de cadeaux ou de voyages offerts et dont le prix
est réglé après que le bénéficiaire en ait profité. Selon cette jurisprudence, « Il
n'est pas nécessaire qu'il y ait eu détournement ou dissipation ; le simple usage
des biens ou même du crédit social caractérise le délit, alors même que l'usage
n'a pas altéré la substance de la chose et que la société ne s'est pas finalement
trouvée appauvrie. Faire usage des biens sociaux, c'est accomplir sur eux, non
seulement des actes de disposition comportant aliénation ou cession au profit
d'un tiers, mais même de simples actes d'administration : prêts, avances, baux
etc.... ».

B. Le contenu de l’usage

1. L’usage des biens

Les biens sociaux regroupent l'ensemble des meubles et des immeubles qui
constituent le patrimoine de la société : matériel, mobilier, éléments
incorporels, créances, baux, brevets, etc… Il importe peu que la société
détienne ces biens en qualité de propriétaire, ou seulement de locataire
dépositaire. À cet égard, le texte ne comporte aucune restriction ou réserve.
Ainsi, se rendent coupables d'abus de biens sociaux, les dirigeants d'entreprise
qui utilisent le matériel de la société pour des constructions ou des réparations
dans des maisons personnelles. L'utilisation de salariés de la société, payés par
la société par des dirigeants sociaux, pour leurs travaux personnels constitue
une autre forme d'abus de biens sociaux.

Faire usage de ces biens implique certainement l'accomplissement d’actes


positifs. Une abstention ou une négligence, même contraire à l’intérêt de la
société, ne peut constituer un usage ; en l'espèce, omission de réclamer à une
autre société des commissions indûment détenues après annulation d'accords
contractuels. Cass. crim. 24 avr. 1984, D. 1984.508

2. L’usage du crédit

Le crédit d'une société, c'est sa surface financière, sa capacité à emprunter, à


garantir et à cautionner. C'est aussi sa réputation, la confiance qu'elle inspire.
Faire du crédit de la société, un usage contraire à son intérêt, c'est lui faire
courir un risque auquel elle ne devrait pas être exposée.

Cass. crim. 16 janv. 1964, JCP 1964.II.13612, note J.-R.

Cass. crim. 8 déc. 1971, Rev. Sociétés 1972.514, note BOULOC).


C'est engager la société en apposant sa signature de dirigeant social sur un
effet étranger à l'activité de celle-ci.

Cass. crim. 10 nov. 1964, D. 1965.43

Cass. crim. 16 déc. 1970, JCP 1971.II.16813, note BOULOC,

Par exemple en faisant cautionner par sa société une de ses dettes


personnelles ou une dette de sa maîtresse.

Cass. crim. 10 mai 1955, D. 1957.586, note DALSACE.

Cass. crim. 13 mars 1975, Bull. crim n° 78

L'usage du crédit contraire à l'intérêt de la société est constitué par le caractère


anormal du risque que le dirigeant social a fait courir à la société ou le
caractère anormal de l'acte qu'il a fait souscrire à la société. Dès lors, il importe
peu que les risques encourus ne se réalisent pas et que l'opération se révèle
finalement bénéfique pour la société. De même, l'autorisation préalable ou la
ratification ultérieure de la gestion par les actionnaires ne supprime pas le
caractère délictueux des actes incriminés.

Cass. crim. 8 mars 1967, D. 1967, 586, note DALSACE.

II. Un usage contraire à l’intérêt social

L'usage des biens ou du crédit de la société par les dirigeants sociaux n'est
punissable que s'il est contraire aux intérêts de la société comme l'exige
l’article 891 de l’Acte uniforme. En d'autres termes, il doit compromettre
l'intégrité de l'actif social et ses possibilités de recours à l'emprunt. La loi
pénale étant d'interprétation stricte (art. 2, C. pén.), le juge répressif ne peut
donc condamner pour abus de biens sociaux sans constater que les actes
compris dans les poursuites dirigées contre les prévenus ont comporté « un
usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de la société qu'ils administraient ou
géraient.

Cependant, l’application du texte suppose donc que l'on définisse au préalable


l'intérêt social. Or, la loi ne définit pas l’intérêt social. En l'absence de définition
légale de l'intérêt social, il va appartenir au juge répressif - et à lui seul -
d'apprécier la situation et de décider si les faits compris dans les poursuites
sont - ou ne sont pas - contraires à l'intérêt social.

En effet, on ne saurait s'en tenir à l'appréciation qu'ont pu en faire les


dirigeants sociaux eux-mêmes: elle se trouve justement au centre du débat
soumis au juge répressif. Quant à l'approbation préalable donnée à l'acte par
les associés ou leur ratification ultérieure de la gestion sociale, elle ne produit
aucun effet justificatif au profit des dirigeants de la société.

Cass. crim. 8 mars 1967, D. 1967.586, note DALSACE

Cass. crim. 19 mars 1979, Bull. crim. n° 112;

Cass. crim. 30 sept. 1991, Rev. sociétés 1992, p. 356, note B. BOULOC.

Une approche intéressante de la notion d'intérêt social peut être effectuée en


distinguant selon que les actes litigieux entrent ou n'entrent pas dans l'objet
social tel que défini par les statuts de la société.

III. Un usage effectué à des fins personnelles, matérielles ou morales

Le délit ne suppose pas seulement que l'acte incriminé soit contraire à l'intérêt
social. Le texte exige, en outre, que les auteurs présumés aient fait un usage
des biens ou du crédit de la société, « à des fins personnelles ou pour favoriser
une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés directement ou
indirectement ». Cette exigence, qui limite la portée de l'infraction, se justifie
par le souci de fournir au juge un élément d'appréciation supplémentaire, en ce
sens qu’un acte qui se révèle défavorable à la société sans que son auteur ait
cherché à en tirer profit ne sera pas incriminé. La recherche de l'intérêt
personnel éclaire le mobile du coupable et sert de soutien à l'élément
intentionnel du délit.

Ainsi, est justement cassé, l'arrêt qui avait condamné pour abus de biens
sociaux, un dirigeant qui avait payé sur les fonds sociaux trois (03) factures
fictives sans que la société qu'il dirige en tire la moindre contrepartie, mais qui
n'avait pas recherché si ce dirigeant avait pris un intérêt personnel direct ou
indirect dans le règlement de ces fausses factures.

Cass. crim. 1er mars 2000, Bull. crim. n° 101; Bull. Joly Sociétés 2000, p. 710,
note A. MEDINA ; Rev. sociétés, 2000, p. 576, note B. BOULOC ; Rev. sc. Crim.
2000, p. 839, obs. J.-Fr. RENUCCI.

II en est de même de l’arrêt qui condamne sur le seul constat du caractère fictif
d'un emploi rémunéré par la société, mais sans rechercher où était l'intérêt
personnel du prévenu, président de la société.

Cass. crim. 4 nov. 2004 : Dr. pénal 2005, comm. 44, note J.-H. ROBERT.

1. La notion d'intérêt

Selon l’art. 891 l’usage doit être effectué à des fins personnelles, matérielles ou
morales. En France, la Cour de cassation a toujours considéré à travers une
série d'arrêts identiques que l'intérêt recherché pouvait être matériel ou moral.

Cass. crim. 9 mai 1973, D. 1974.271, note BOULOC

Cass. crim. 15 sept. 1999, D. 2000, p. 319, note A. MÉDINA.

• Les exemples d’intérêt matériel

Ils sont innombrables. On peut les regrouper autour de deux idées principales :
ou bien le coupable s'est fait verser par la société des sommes indues et s'est
enrichi à son détriment ; ou bien le coupable a évité de s'appauvrir en faisant
payer par la société ses dépenses personnelles.

Relèvent de la première idée et constituent des abus de biens sociaux, le


versement de rémunérations excessives ou abusivement élevées (Cass. , crim.
26 juin 1978, Bull. crim. n°212; Cass. Crim. 6 oct. 1980, Rev. sociétés 1981.133,
note BOULOC; D. 1981, IR 144, obs. ROUJOU DE BOUBÉE), voire ne
correspondant à aucune activité réelle (Cass. crim. 28 mars 1996, Bull. crim. n°
142; Rev, sociétés 1997.141, note BOULOC), l'appropriation par les dirigeants
des sommes provenant de la vente de biens appartenant à la société (Cass.
crim. 28 nov. 1977, Bull. crim. n° 372), la perception par le président des
redevances provenant de la cession de brevets dont les dépenses de recherche
et de mise au point ont été supportées par la société (Cass. crim. 14 nov. 1973,
Rev. sociétés 1974.550, note BOULOC), le détournement de six véhicules et
l'achat d'un stock de pièces détachées dénué de toute valeur à une société
dont les prévenus détenaient le capital (Cass. crim. 26 févr. 1998, Rev. sociétés
1998, p. 604, note B. BOULOC). Dans le même ordre d'idées, constitue un abus
du crédit de la société, la signature donnée au nom de la société sur un effet de
commerce étranger à l'activité sociale (Cass. crim. 16 déc. 1970, Rev. sociétés
1970.480, note BOULOC; Bull. crim. n° 107).

Relève de la seconde idée, le fait de faire payer par la société des dépenses
personnelles de voyage (Cass. crim. 6 nov. 1979, D. 1980, IR 144), des frais de
mission et de réception n'ayant aucun caractère social (Cass. crim. 28 nov.
1994, D. 1995.506, note J.-F. RENUCCI ; Dr. pénal 1995, comm. 70, note J.-H.
ROBERT). Présente également un caractère délictueux le paiement par la
société des honoraires d'avocat d'un de ses dirigeants (Amiens, 11 juill. 1962,
Gaz. Pal. 1963.1.438; Rev. sociétés 1964.148) ou des amendes prononcées
contre lui à titre personnel (Cass. crim. 3 févr. 1992, Bull. crim. n° 49; Gaz. Pal.
1992.2.687, note J.-P. DOUCET; Dr. pénal 1992, comm. 209, obs. J.-H. ROBERT).
Rappelons enfin, que, pour la Cour de cassation, les prélèvements occultes de
fonds sociaux par un dirigeant social le sont « nécessairement » dans son
intérêt personnel.

Cass. crim. 9 juill. 1998, Rev. socié¬tés 1998, p. 821, note B. BOULOC.

• Les exemples d'intérêt moral

Ils sont assez diversifiés ; qu'il s'agisse de la sau¬vegarde de la réputation


familiale (Cass. crim. 3 mai 1967, Bull. crim. n° 148) ou des intérêts électoraux
du dirigeant poursuivi (Cass. crim. 16 févr. 1971, JCP 1971.11. 16836, note
SOUSI).

2. Le bénéficiaire de l'usage

Dans la plupart des cas - et notamment dans tous les exemples précédents -
l'acte incriminé a été accompli dans l'intérêt personnel du dirigeant social. II
semble d'ailleurs qu'il incombe au dirigeant social poursuivi de prouver que les
biens ont été utilisés dans l'intérêt de la société, car la Cour de cassation estime
que « s'il n'est pas justifié qu'ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la
société, les fonds sociaux prélevés de manière occulte par un dirigeant social
l'ont nécessairement été dans son intérêt personnel ».

Cass. crim. 11 janv. 1996, Bull. crim. n°21; Dr. pénal 1996, comm. 108; note J.-
H. ROBERT ; Rev. sociétés 1996.586, note B. BOULOC.

Sont également répréhensibles les actes accomplis dans l'intérêt de ses


proches, des membres de sa famille, voire de sa maîtresse (Cass crim. 13 mars
1975, Bull. crim. n° 78), c'est-à-dire en faveur d'une tierce personne. Par
exemple, le salaire versé sans contrepartie de travail à la fille du gérant d'une
SARL (Paris, 15 mars 1991, Juris-Data n° 021928). De surcroît, le bénéficiaire
direct de l'acte incriminé peut être poursuivi pour recel d'abus de biens sociaux
s'il a connaissance de l'origine des sommes qu'il reçoit.
En outre, l’art. 891 de l’Acte uniforme incrimine l'usage destiné à favoriser une
autre société dans laquelle les dirigeants étaient directement ou indirectement
intéressés. Les modalités de cet intérêt importent peu: le prévenu peut être
dirigeant ou salarié de cette société ou simplement en relations d'affaires avec
elle. Il en est ainsi, par exemple, de la conclusion d'un contrat de sous-traitance
avantageux avec une société également contrôlée par les dirigeants sociaux.

Paris, 24 févr. 1987, Gaz. Pal. 1987.1.252, note MARCHI

Cass. crim. 16 janv. 1989, D. 1989.495, note COSSON.

IV. L’élément moral

L’Acte uniforme sanctionne des délits intentionnels : il exige à la fois que le


présumé auteur des faits ait agi de « de mauvaise foi » et qu'il « savait » que
l'usage des biens ou du crédit était contraire à l'intérêt de sa société.

L’élément moral est donc double : la mauvaise foi de l’auteur de l’abus pris
comme un dol géréral et un dol spécial relatif à la poursuite de fins
personnelles.

Cass. crim. 19 déc. 1973, Rev. sociétés 1974.363, note BOULOC ; Bull crim. n°
480 ; Cass. crim. 13 mars 1975, Bull. crim. n° 75)

Cette double exigence constitue un élément de l'infraction que les juges du


fond doivent relever avant d’entrer en condamnation. Il va sans dire qu’une
interprétation stricte des termes de la loi pourrait contribuer à donner une
portée assez limitée au délit d'abus de biens sociaux.

Tel est semble-t-il le sens de l'arrêt qui censure une cour d'appel qui avait
condamné un président de société au motif qu'il avait connu et couvert des
agissements qu'il savait irréguliers. Un tel constat ne suffit pas à caractériser
une responsabilité du fait personnel, faute de participation personnelle aux
faits poursuivis.
Paragraphe 2. La répression de l’abus de biens sociaux

I. Les personnes punissables

À s'en tenir aux termes de la loi, l'abus de biens ou du crédit de la société, ne


peut être commis que par les gérants, les administrateurs, le président
directeur général, le directeur général, l'administrateur général ou
l'administrateur général adjoint selon les modalités d’organisation de la société
anonyme. Dans toutes ces sociétés, ces dispositions qui visent les dirigeants de
droit, sont également applicables aux dirigeants de fait qui auront exercé la
gestion, directement ou par personne interposée, sous le couvert et au lieu et
place des dirigeants légaux.

Pour le cas du gérant de fait d’une SARL (Cass. crim. 12 oct. 1995, Dr. Pénal
1996, comm. 46, obs. J.-H. ROBERT; Cass. Crim. 11 janv. 1996, Bull. Crim. n°21).
Mais la simple constatation qu'un associé possède 45% des parts sociales, ne
suffit pas à établir sa qualité de gérant de fait. (CA Douai, 9 avr. 1993, Droit
pénal 1994, comm. 14, obs. J.-H. ROBERT).

II. La complicité

Si seuls les dirigeants de droit ou de fait des sociétés visées par les textes
peuvent être poursuivis comme auteurs principaux de l’infraction, rien
n’interdit de poursuivre d’autres personnes comme complices, dans les termes
du droit commun (art. 13 et 14 du code pénal ancien/article 48 du nouveau
code pénal), pour aide ou assistance apportée en connaissance de cause. Que
ces personnes appartiennent à la société, ou qu'elles lui soient étrangères.

- Cas d’un directeur général adjoint, mais aussi administrateur de la société


bénéficiaire des détournements, Cass. crim. 20 mars 1997, Dr. pénal 1997,
comm. 131, obs. J.-H. ROBERT; JCP 1998, éd. E, p. 266, obs. J.-Fr. RENUCCI.

- Cas du conseil juridique, ayant assuré le « montage » du mécanisme


frauduleux ; Cass. crim. 4 févr. 1985, Bull. crim. n° 54
- Cas du commissaire aux comptes poursuivi et condamné pour complicité
d'abus de biens sociaux et non-révélation des faits délictueux.

Cass. crim. 9 févr. 2005 : Bull. crim. N° 47:

L'article 1110 du nouveau code pénal organise la répression de ces infractions.

III. Le recel

Tous ceux qui détiendront, transmettront un bien ou qui en bénéficieront en


sachant que ce bien provient d'un délit d'abus de biens sociaux pourront être
poursuivis comme receleurs par application des dispositions de l’article 121 du
code pénal (Ancien code pénal). Aujourd’hui, ce sont les articles 469 et suivants
du nouveau code pénal qui assurent la répression de cette infraction. Tel est le
cas de ceux qui profitent des largesses obtenues des dirigeants de sociétés sous
forme de cadeaux, voyages d'agrément ou avantages divers.

Cass. crim. 29 avr. 1996, Bull. crim. n° 174: (factures de travaux et de


fournitures afférentes à la construction d'une maison individuelle réglées par
des ponctions dans les trésoreries de sociétés).
CHAPITRE 3- LES INFRACTIONS RELATIVES AU CONTROLE

DES SOCIÉTÉS

Le présent chapitre traite des infractions relatives au contrôle des sociétés,


lequel est exercé par les commissaires aux comptes. Diverses incriminations
peuvent se regrouper sous ce chapitre et concerner les infractions au contrôle
commises par les dirigeants sociaux sous la forme d’obstacle au contrôle, mais
aussi les infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes
dans l’exercice de leur fonction sous la forme de refus de contrôle.

Ces infractions sont encadrées par les dispositions des articles 1120 et suivants
du nouveau code pénal.

D’autres infractions, telle la non désignation des commissaires aux comptes,


leur non convocation aux assemblées générales, et l’inobservation des
incompatibilités légales sont également prévues par l’Acte uniforme. Mais,
seuls retiendront notre attention, le délit d’informations mensongères, le délit
de non-révélation de faits délictueux, le délit d’entrave à l’exercice des
fonctions de commissaire aux comptes.

L’article 899 de l’Acte Uniforme AUSGIE et l’article 1122 du nouveau code pénal
prévoient une double infraction : le délit d’informations mensongères (Section
I) et le délit de non-révélation de faits délictueux (Section II).

SECTION 1- LE DELIT D’INFORMATIONS MENSONGÈRES

Selon les dispositions de l’article 899 de l’Acte uniforme, « Encourt une


sanction pénale, tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel,
soit à titre d'associé d'une société de commissaires aux comptes, aura
sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation
de la société ou qui n'aura pas révélé au ministère public les faits délictueux
dont il aura eu connaissance ».

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs du délit d’informations mensongères

I. L’élément matériel

C'est la fonction même des commissaires aux comptes qui est de donner ou
confirmer les informations sur la situation de la société. Cependant, les
informations fournies par le commissaire aux comptes doivent être exactes et
fidèles. L’article 899 sanctionne les informations mensongères ; il punit le fait,
pour tout commissaire aux comptes, de donner ou confirmer soit en son nom
personnel, soit au titre d'associé dans une société de commissaires aux
comptes des informations mensongères sur la situation de la société.

Deux cas sont envisagés : soit le commissaire aux comptes aura «donné» de
telles informations dans des documents dont il a pris l’initiative, soit le
commissaire aura « confirmé » les informations fournies par la société, par
exemple dans un rapport qui approuve un bilan inexact.

Cass. crim. 12 janv. 1981, Rev. Sociétés 1981.612, note BOULOC ; D. 1981.348,
note COSSON.

Le destinataire des informations mensongères importe peu. Il s'agira le plus


souvent de tromper les associés, les partenaires contractuels ou les créanciers
de la société. Mais, la formulation très générale du texte permet aussi
d'incriminer le fait de laisser figurer des mensonges dans un rapport parvenu
entre les mains du procureur de la République.

Cass. crim. 2 févr. 2000, Bull. crim. n° 56 ; Dr. pénal 2000, comm. 91, obs. J.-H.
ROBERT; Rev. Sociétés, 2000, p. 743, note B. BOULOC.
En la forme, le moyen utilisé pour donner ou confirmer une information
mensongère importe peu. La plupart du temps, il s'agira d'un avis formulé par
écrit dans un rapport ; mais on ne saurait exclure une intervention orale pour
confirmer une information donnée au cours d'un conseil d'administration ou
d'une assemblée générale.

En revanche, la question de savoir si le délit peut être commis par une


abstention est plus délicate. L'article 899 semble incriminer un délit de
commission et, à première vue. IL est douteux de l'étendre à l'hypothèse du
commissaire aux comptes qui n'intervient pas pour démentir une information
mensongère donnée en assemblée par un dirigeant social. Mais, ne peut-on au
contraire soutenir que celui qui s'abstient de démentir « confirme » par son
silence l'information mensongère ?

De toute façon, si l'information comporte l'énoncé de faits délictueux, le


commissaire aux comptes ne pourra garder le silence et devra les révéler au
procureur de la République.

Cass. crim. 8 avr. 1991, Bull. Crim. n°166.

II. L’élément intentionnel

L'article 899 ne punit que le commissaire aux comptes qui aura donné ou
confirmé des informations qu'il savait mensongères et dont il avait eu
connaissance dans l'exercice de ses fonctions auprès de la société. En fait, la
preuve de cette connaissance ne soulève guère de difficultés, car elle découle
directement des faits constatés : certifier la régularité et la sincérité d'un bilan
dont il connaît la fausseté pour avoir participé à son élaboration.

Cass. crim. 2 mars 1983, D. 1983, IR 476.

La Cour de cassation reconnaît, en ce domaine, un très large pouvoir


d'appréciation aux juges du fond. (Cass. crim. 14 janv. 1980, Bull. crim. n°21).
Paragraphe 2. La répression

Il convient de préciser que la société est recevable à se constituer partie civile


contre le commissaire aux comptes si l’infraction lui a causé un préjudice. Les
dispositions de l’article 1122 du nouveau code pénal en assurent la répression.

SECTION 2- LA NON-REVELATION DES FAITS DELICTUEUX

L'article 899 punit le commissaire aux comptes « qui n'aura pas révélé au
ministère public (Procureur de la République) les faits délictueux dont il aura eu
connaissance ». L'application de ce texte, qui impose aux commissaires aux
comptes une obligation spécifique de révélation sous peine de sanctions
pénales, n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés, par rapport aux
dispositions de l’article 717 de l’Acte uniforme qui l’astreignent au secret
professionnel.

Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

I. L’élément matériel

Le délit de non-révélation suppose l’existence d'une condition préalable,


l'existence de faits délictueux dont le commissaire aux comptes a connaissance
et qu'il faut préciser avant de déterminer ce que l'on entend par non-
révélation.

A. La condition préalable

1. L'existence de faits délictueux

Puisqu'il s'agit de déterminer les éléments d'une incrimination, il faut s'en tenir
à une stricte application du texte. Le commissaire aux comptes a seulement
pour obligation de révéler tous les faits susceptibles de constituer des
infractions pénales, c'est-à-dire ceux qui ont une incidence directe sur les
comptes et la situation patrimoniale de la société, qu'il s'agisse d'infractions de
droit commun (Faux en écriture, escroquerie), ou plus fréquemment
d'infractions spécifiques du droit des sociétés (abus des biens ou du crédit,
dividendes fictifs ...) ou qu'il s'agisse de faits concernant la constitution ou la
gestion.

2. La connaissance des faits délictueux

Le commissaire aux comptes ne doit révéler, bien entendu, que les faits
délictueux dont il aura connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Toutefois,
deux difficultés se présentent.

D’abord, la connaissance des faits : Sur ce terrain, la jurisprudence est


justement sévère envers ces professionnels qui ne peuvent se contenter de ce
qui est porté à leur connaissance par les dirigeants de la société. La loi leur
impose en effet de procéder à des vérifications et des contrôles, de rechercher
ce qu'on leur dissimule et d'exiger la communication de tous documents. Le
refus de production des documents étant lui-même pénalement sanctionné par
l'article 900 comme délit d'obstacle à l'exercice de leurs fonctions.

Ils ne pourront donc que très difficilement échapper aux poursuites en


invoquant leur ignorance des infractions commises au sein de la société. Les
tribunaux justifient souvent les condamnations par référence à leur qualité de
professionnels avertis ou chevronnés et de spécialistes du droit des sociétés.

Cass. crim. 8 févr. 1968, Bull. crim. n° 42

Trib. corr. de Paris, 14 janv. 1981, Gaz. Pal. 1981.1.190.

Ensuite, la qualification pénale des faits : Si certains faits tombent


indiscutablement sous 1e coup d'une incrimination pénale et si d'autres
n'apparaissent certainement pas punissables, la vie sociale est riche en
situations intermédiaires où doute et incertitude ont leur place. Certes, les
commissaires aux comptes ne doivent pas dénoncer sur le seul fondement de
simples impressions. Mais, en ce domaine également, la jurisprudence retient à
charge leur qualité de technicien du droit des sociétés pour leur reprocher de
n'avoir pas dénoncé des faits dont ils connaissaient ou auraient dû connaître la
qualification pénale, même si celle-ci ne peut en l'état être définie avec
précision.

Cass. crim. 15 sept. 1999, Bull. Crim. n°187.

D'ailleurs, une hésitation sur l'exacte qualification pénale des faits ne peut
justifier le commissaire aux comptes qui ne les aura pas révélés, s'ils sont
incontestablement délictueux. C'est aux juridictions répressives qu'il incombe
de leur donner, ou de leur restituer leur véritable qualification, si le ministère
public décide de mettre en mouvement l'action publique.

B. La non-révélation

Définir l'élément matériel d'un délit d'abstention ou d'omission est toujours


difficile, la loi ne fournissant guère de précision sur ce point. Il ressort
nettement de la jurisprudence que le commissaire aux comptes a l'obligation
de révéler les faits délictueux dès qu'il en aura eu connaissance et qu'une
révélation tardive ne le met pas à l'abri de poursuites. C’est là une question de
circonstances que les juges du fond apprécient souverainement. Ainsi, est
tardive la dénonciation au ministère public des faits délicteux postérieure à
l'ouverture d'une information, (Cass. crim. 8 févr. 1968, préc.). Le délit est donc
consommé par la non-révélation au jour où le commissaire aux comptes a eu
connaissance des faits délictueux.

II. L’intention coupable

Ce délit suppose une intention coupable que la jurisprudence qualifie de


mauvaise foi. La loi ne sanctionne donc pas une simple négligence, mais un
véritable refus de dénoncer opposé par un commissaire aux comptes qui a
connaissance du caractère délictueux de certains faits.
Cass. crim. 8 avr. 1991, Bull. crim. n°166.

L'obligation de dénoncer est impérative et le commissaire aux comptes n'a pas


à préjuger des suites de la dénonciation, ni à apprécier l'opportunité de celle-ci.

Paris, 19 nov. 1981, Rev. sociétés 1982.532, note DU PONTAVICE

Cass. crim. 6 déc. 1982, Rev, sociétés 1984.530.

Quant à l'erreur de droit, erreur sur la qualification pénale des faits, elle sera
habituellement écartée, comme inconciliable avec les aptitudes et les
connaissances du prévenu.

Paragraphe 2. La répression

Par rapport à la prescription, le commissaire aux comptes doit dénoncer


l'infraction lorsqu'il a connaissance des faits délictueux et ce jour marque donc
le point de départ du délai de prescription. La Cour de cassation a précisé dans
plusieurs arrêts récents que ce point de départ devait donc être fixé au plus
tard au jour de la certification des comptes par le commissaire aux comptes.

Cass. crim. 9 mars 1999, Bull. crim. n°32; Rev. sociétés 1999, p. 650, obs. B.
BOULOC ; Rev. sc. crim. 2000, p. 416, obs. J.-Fr. RENUCCI

Cass. Crim. 24 mars 1999, Bull. Crim. n° 53.

L’article 1122 du nouveau assure la répression par des peines amendes.

Section 3. L’embarras ou le dilemme du Commissaire aux comptes : Le devoir


de parler et le devoir de se taire

La mise en application de l’art. 899 de l’Acte uniforme peut mettre les


commissaires aux comptes dans un embarras. Ils ont en face d’eux un double
risque: être poursuivis pour les délits de non-révélation et de non-respect
(violation) du secret professionnel.
En effet, en raison du caractère confidentiel des documents et des informations
auxquels ils ont nécessairement accès, l'article 717 de l’Acte uniforme, astreint
au secret professionnel les commissaires aux comptes dans les conditions
fixées par l’article 176 du Code pénal. Toutefois, ce secret n'est pas absolu et
apparaît « relativisé » en de nombreuses circonstances. C'est ainsi que l'article
716 de l’Acte uniforme les délie du secret professionnel d'une part, pour
signaler à la plus prochaine assemblée générale les irrégularités et les
inexactitudes relevées par eux dans l'accomplissement de leur mission (al. 1) ;
d'autre part, pour révéler au ministère public (procureur de la République) les
faits délictueux dont ils ont eu connaissance, sans que leur responsabilité
puisse être engagée par cette révélation (al. 2). En ces deux circonstances, leur
devoir de se taire doit céder devant l'obligation de parler que la loi leur impose.

SECTION 3 - LES ENTRAVES A L'EXERCICE DES FONCTIONS

DE COMMISSAIRE AUX COMPTES

Aux termes des articles 710 et suivants de l’Acte uniforme, les commissaires
aux comptes sont des experts chargés de contrôler la comptabilité de la
société, mais aussi de vérifier que celle-ci fonctionne dans les conditions
exigées par la loi. La loi leur donne une mission très étendue de vérification et
de contrôle sur les documents comptables, livres et documents sociaux. En
conséquence, pour leur permettre d'exercer leurs fonctions en pleine
connaissance de cause, la loi protège les commissaires aux comptes en les
faisant bénéficier de certains droits, au même titre qu’elle leur impose certains
devoirs et sanctionne pénalement tout manquement à leurs obligations. C’est
pour cela qu’elle punit tout fait d'entrave aux vérifications et contrôles, qui
constituent les principales fonctions des commissaires aux comptes.
Paragraphe 1. Les éléments constitutifs

Selon l’art. 900 « Encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux ou
toute personne au service de la société qui, sciemment, auront mis obstacle
aux vérifications ou au contrôle des commissaires aux comptes ou qui auront
refusé la communication, sur place, de toutes les pièces utiles à l'exercice de
leur mission et notamment de tous contrats, livres, documents comptables et
registres de procès-verbaux ».

I. L’élément matériel

Il y a lieu de distinguer le délit d'entrave aux vérifications et le délit de refus de


communiquer les livres et documents. L’article 900 sanctionne ces deux formes
d'obs¬tacle à l'exercice des fonctions des commissaires aux comptes.

D'une part, le texte incrimine d'une façon générale, « l'obstacle aux


vérifications ou contrôles ». Ce texte a une large portée tant la loi confie aux
commissaires aux comptes une mission très étendue de vérification et de
contrôle : il s'agit là d'une « mission permanente » (art. 712) qu'ils effectuent «
à toute époque de l'année » (art. 718). Les moyens utilisés pour faire obstacle à
cette mission importent peu; ils peuvent être purement matériels, comme
l'interdiction d'accès à certains locaux ou de l’opposition à fournir les moyens
matériels pour procéder à des travaux.

Il faut que cet obstacle soit mis aux vérifications et contrôles; le délit ne serait
pas constitué s'il ne s'agissait que d'une entrave à d’autres fonctions du
commissaire (rédaction ou transmission du rapport, dénonciation des faits
délictueux, etc.). Le délit peut également être retenu si l'obstacle est mis au
contrôle et vérifications effectués par les collaborateurs et assistants choisis
par le commissaire (art. 718 al.2).
D’autre part, le texte sanctionne plus précisément le refus de communication
sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de leur mission, et notamment
de tous les contrats, livres, documents comptables et registres de procès-
verbaux. Pour la jurisprudence, peu importe le moyen utilisé : des réticences ou
des productions partielles de documents suffisent à caractériser l’infraction.
Mais pour que le délit soit constitué, il faut une demande expresse et précise, -
car on ne peut refuser ce qui n'a pas été sollicité-, et que les documents
demandés soient effectivement utiles à la mission de vérification et de
contrôle, seule visée par le texte.

Rennes, 30 sept. 1974, Rev,. sociétés 1976.521, note MABILAT.

Un arrêt de la Cour d'appel de Paris avait énoncé que la communication des


livres devait se faire là où ils sont tenus c'est-à-dire sur place (Paris, 29 juin
1976, Rev. Trim. Dr. Com.1976, p. 559), mais la Cour de cassation a jugé
différemment dans un arrêt du 11 mai 1981, en énonçant que le refus de
communication peut être commis par tous moyens et notamment par le non-
envoi des pièces demandées. Il s’agit du refus d'envoyer aux commissaires les
pièces demandées alors que l’article 900 n'envisage expressément que « la
communication sur place ».

Cass. crim. 11 mai 1981, D. 1982.653, note BOULOC.

II. L’élément intentionnel

L’article punit le fait de « mettre sciemment » obstacle aux fonctions ou de


refuser la communication des documents. Il exclut ainsi les simples oublis ou
négligence pour n’incriminer que les refus opposés volontairement par ceux
qui ont l'intention - ou à tout le moins la conscience – de faire obstacle aux
vérifications et contrôles. Une communication partielle des documents
demandés peut procéder d'une telle intention coupable. Le coupable ne saurait
prétendre se justifier en invoquant de mauvaises relations personnelles avec le
commissaire.
Paris, 25 mars 1991, Gaz. Pal. 1991.1. 367, note J.-P. MARCHI.

Paragraphe 2. La répression

I. Les personnes punissables

L'article 900 de l’AUSGIE ne punit pas seulement les dirigeants de droit ou de


fait d'une société. Cet article punit « toute personne au service de la société ».
Cette dernière formule désigne non seulement les personnes de la société,
mais aussi ceux qui lui apportent une collaboration rémunérée (expert-
comptable).

C’est le cas de la personne qui détient les renseignements et les documents


qu'elle refuse sciemment de communiquer ; ce qui n'est pas le cas d'un simple
salarié qui obéit aux ordres qu'il reçoit des supérieurs auxquels le rattache un
lien de subordination.

En revanche, le délit peut être imputé à un salarié qui exerce les fonctions de
secrétaire générale de la société et qui refuse l'accès des locaux à un
commissaire aux comptes après annulation de sa suspension.

Çass. crim. 8 juin 1993, Bull. crim. n° 204: Rev. sociétés 1993.860, note
BOULOC.

Pour la Cour de cassation, le refus total de communication des documents


sollicités ne saurait être justifié au motif qu'il y aurait eu de « grandes
dissensions » entre un cabinet comptable et un dirigeant social. Elle condamne
donc un gérant de SARL comme auteur principal et l'expert comptable de la
société comme complice.

Cass. crim. 12 sept. 2001, Rev. sociétés 2001. 859, note BOULOC.
II. La prescription

Il s'agit en principe, d'un délit instantané qui se trouve réalisé par l'obstacle mis
aux vérifications et contrôles ou le refus de communiquer les pièces utiles.
Mais si l'entrave se perpétue, le délit devient continu. Dans le premier cas, le
délai de prescription commencera à courir à compter de l'entrave ; dans le
second cas, à compter du dernier acte d'entrave au contrôle ou de la dernière
manifestation de refus.

TROISIEME PARTIE : LES PRINCIPALES INFRACTIONS

D’AFFAIRES

Sous ce titre nous entendons regrouper un certain nombre d’infractions que


nous ne pouvons classer ni parmi les infractions dites de droit commun, ni
parmi le droit pénal des sociétés. Il s’agit de la banqueroute et de l’usure. Alors
que la première a trait à la question des entreprises en difficulté et des
procédures collectives d’apurement du passif, la seconde se rapproche plus du
droit de la consommation et du droit pénal du crédit et du prêt d’argent.

La première infraction sanctionne des actes particulièrement graves commis


par des personnes impliquées dans les procédures de redressement judiciaire
ou de liquidation des biens. La seconde vise à protéger les intérêts matériels et
moraux des emprunteurs, c’est-à-dire les consommateurs contre les difficultés
liées au surendettement, mais également de contribuer à abaisser le loyer de
l’argent, et assainir les circuits du crédit, sur lesquels repose la vie
économique, au sein des Etats. Nous étudierons ces deux infractions en
chapitres.

CHAPITRE 1- LA BANQUEROUTE ET LES INFRACTIONS

ASSIMILÉES
L'Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif (J.O. OHADA n°7 du 01 juillet 1998) distingue,
les banqueroutes pro¬prement dites et les infractions assimilées aux
banqueroutes. Nous allons les étudier les unes après les autres dans leurs
éléments constitutifs avant d'examiner les règles de poursuite.

SECTION 1- LES BANQUEROUTES PROPREMENT DITES

Les banqueroutes proprement dites ou banqueroutes stricto sensu


s’appliquent d'une part aux commerçants personnes physiques c'est¬-à-dire
aux entrepreneurs individuels ayant la qualité de commerçant, d'autre part aux
associés des sociétés commerciales ayant la qualité de commerçant, autrement
dit, qui sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales (art.227).

L’Acte Uniforme prévoit deux types de banqueroutes, la banqueroute simple et


la banqueroute frauduleuse. En fonction de la gravité des fautes commises, la
banqueroute est dite simple ou frauduleuse.

En matière de procédures collectives, ces deux types de banqueroutes


constituent les principales infractions pénales prévues par le législateur
OHADA, et les peines applicables sont celles définies par le droit pénal de
chacun des États membres.

L'acte uniforme révisé du 10 septembre 2015 reprend quasiment le même


dispositif que l'acte antérieur sauf que les innovations nouvelles peuvent avoir
quelques incidences. Le nouveau code pénal togolais de 2015 n'en est pas du
reste s'agissant de l'incrimination et la répression de ces infractions.
Paragraphe 1. La banqueroute simple

La banqueroute simple est encourue par toute personne physique ayant la


qualité de commerçant qui est en état de cessation des paiements et qui se
trouve dans l'un des cas prévus par l’Acte uniforme. L’Acte uniforme du 10 avril
1998 a prévu dans son article 228 les cas de banqueroute qui constituent
l’élément matériel de l’infraction dont découlera l’élément intentionnel. Quant
à la répression, l’Acte uniforme comme dans les autres cas d’incriminations,
fait un renvoi à la loi nationale de chaque Etat partie.

Nous étudierons les éléments constitutifs de l’infraction (I) et sa répression (II).

I. Les éléments constitutifs (les cas de banqueroute)

Selon les termes de l’art. 228, est coupable de banqueroute simple toute
personne physique en état de cessation de paiement qui se trouve dans un des
5 cas qui sont énumérés par le texte. L’élément matériel de la banqueroute
simple se retrouve par conséquent dans ces 5 situations, desquelles découle
également l’élément intentionnel pour certaines.

A. Premier cas :

Le cas de celui qui a contracté, sans recevoir des valeurs en échange, des
engagements jugés trop importants eu égard à sa situation lorsqu'il les a
contractés (art. 228-1°).
Les engagements inconsidérés sont souvent à l'origine des difficultés des
entreprises comme d'ailleurs des particuliers;

B. Deuxième cas

L’élément matériel de l’infraction se réalise aussi dans le cas de celui qui, dans
l'intention de retarder la constatation de la cessation de ses paiements, a fait
des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou si, dans la même
intention, elle a employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds (art.
228-2°).

Il s’agit du maintien artificiel d'une entreprise défaillante. Le texte précise aussi


les moyens utilisés et le mobile qui anime le coupable.

1. Les moyens utilisés

L'article vise, d'une part; un procédé précis - l'achat en vue de la revente au-
dessous du cours - et, d'autre part, un procédé plus général - l'emploi de
moyens ruineux pour se procurer des fonds.

a) L’achat pour revendre au-dessous du cours

Le délit suppose la réunion de deux éléments: un achat préalable en vue de la


revente, et une revente au-dessous du cours. L'existence cumulée de ces deux
éléments doit être précisément constatée par les juges du fond.
Cass. crim. 12 mars 1974, D. 1974, IR 114, Bull. crim. N° 102

Ici, c’est bien évidemment la notion de revente à perte qui soulève en fait des
difficultés. Quel est le cours normal ? Que décider en cas de revente sans
bénéfice, à prix coûtant? Comment distinguer une vente promotionnelle d'une
revente délictueuse ?

Seul le mobile qui anime le coupable permettra au juge de fournir une réponse
à ces questions. La Cour de cassation a ainsi estimé que, pour fixer le prix
normal, il fallait prendre en considération une opération indivisible combinant
prestation de service et produit.

Cass. crim. 7 mai 2002, Bull. crim. n° 109, Dr. pénal 2002, comm. 127, note J.-H.
ROBERT

Si les marchandises revendues en dessous du cours ont été achetées à crédit et


n'ont pas été payées, il s'agit d'une escroquerie connue sous le nom de «
carambouille » dans les milieux d'affaires.

Paris, 15 déc. 1998. Juris-Data, n°024116

b) L'emploi de moyens ruineux

Sous cette appellation générale, la loi vise tous les procédés frauduleux
destinés à se procurer des fonds utilisés dans le but de maintenir
artificiellement l'existence d'une entreprise défaillante. Parmi d'innombrables
procédés, soulignons ceux qui semblent les plus fréquemment employés.

Très fréquent apparaît le recours à des prêts bancaires et à des procédés de


financement non seulement à des taux excessifs, mais aussi à des taux
normaux lorsque ceux-ci entraînent des frais financiers que l'entreprise est
hors d'état de supporter parce qu'ils dépassent manifestement ses possibilités.

Cass. crim. 18 mai 1976, D.1976.578, note GAVALDA ;

Cass. Crim. 13 févr. 1997, Dr. Pénal 1997, comm. 98, obs. J.-H. ROBERT: Rev. sc.

Crim. 1997, p. 852, obs. J.-Fr. RENUCCI; Cass. crim. 12 mars 1998, Bull. crim. n°
100.

Mais, tel n'est pas le cas d'un prêt gratuit consenti par des parents et des amis
venant au secours d'un commerçant en grande difficulté financière, même s'il
retarde l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Cass. crim. 21 mars 2001, Dr. pénal 2001, comm. 103, note J.-H. ROBERT.

L'utilisation d'un tel procédé suppose assez souvent la complicité du banquier


dispensateur du crédit. Aussi, le seul fait de contracter un emprunt ou d'obtenir
le soutien financier d'une banque ne constitue pas toujours en lui-même et
nécessairement un moyen ruineux pour se procurer des fonds. C'est pourquoi
les juges du fond doivent justifier leurs condamnations en relevant avec
précision les éléments qui, dans chaque espèce, en font un moyen ruineux
destiné à retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, par
exemple le recours à de nombreux emprunts pour rembourser les échéances
des précédents. À défaut de ces constatations, les emprunts même d'un
montant élevé ne constituent pas un moyen ruineux.

Cass. crim. 26 sept. 1996, Rev. Sc. Crim. 1997, p. 396, obs. J.-Fr. RENUCCI.
2. Le mobile

L’Acte uniforme retient l'intention de retarder la constatation de la cessation


de ses paiements qui donne droit à l'ouverture de la procédure de
redressement judiciaire. Ainsi, ce cas de banqueroute sanctionne celui qui
utilise des moyens ruineux pour maintenir artificiellement une entreprise
moribonde, déjà en fait en état de cessation des paiements.

Est coupable celui qui, par ces procédés, augmente l'importance du passif alors
qu'il est déjà dans l'impossibilité d'y faire face avec son actif disponible

Cass. crim. 29 févr. 1996, pourvoi n° A 95-82-007 (recours à un emprunt au taux


usuraire de 40 %).

Par conséquent, les ventes à perte et le recours aux moyens ruineux sont
également des causes fréquentes de difficultés des entreprises, d'autant plus
graves qu'elles conduisent à une véritable insolvabilité.

C. Troisième cas

Constitue également un élément matériel du délit le fait de celui qui, sans


excuse légitime, ne fait pas au greffe de la juridiction compétente la déclaration
de son état de cessation des paiements dans le délai de trente jours (art. 228-
3°).

Cette incrimination vise à contraindre le débiteur à déclarer la cessation de ses


paiements dans les délais. En effet, les déclarations tardives favorisent
l'accumulation des dettes et compromettent le redressement de l'entreprise et
le paiement substantiel des créanciers.
D. Quatrième cas

Il concerne celui dont la comptabilité est incomplète ou irrégulièrement tenue


ou s’il n'a tenu aucune comptabilité conforme aux règles comptables et aux
usages reconnus de la profession eu égard à l'importance de l'entreprise (art.
228-4°).

L’Acte uniforme a directement incriminé le seul fait d'avoir tenu « une


comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des
dispositions légales ». Les faits incriminés peuvent avoir été commis
antérieurement à la date de cessation des paiements, car le texte n'impose pas
qu'ils soient commis postérieurement.

Cass. crim. 17 nov. 2004, Dr. pénal 2005, comm. 61, note J.-H. ROBERT

Le texte veut punir le débiteur qui viole l'obligation qui pèse sur lui de tenir une
comptabilité régulière permettant de connaître son actif et son passif. Or
l'absence de comptabilité ou son irrégularité est un handicap à la bonne
gestion de l’entreprise ; à ce titre, elle compromet les droits des créanciers, par
exemple en retardant l'arrêté de l'état des créances.

E. Cinquième cas

L’art. 228-5° incrimine la situation de celui qui, ayant été déclaré deux fois en
état de cessation des paiements dans un délai de cinq ans, ces procédures ont
été clôturées pour insuffisance d'actif. La sanction concerne les débiteurs qui
seraient des habitués de la fraude, les «industriels de la fraude» ou, tout au
moins, qui ne font pas des efforts suffisants pour éviter la survenance de la
cessation des paiements ou pour assurer le paiement de leurs créanciers.
II. La répression

Le code pénal du 13 août 1980 dispose en son article 118 : « les commerçants,
les gérants ou administrateurs de sociétés déclarés coupables de banqueroutes
selon les prescriptions du code de commerce seront punis :

-en cas de banqueroute simple d’un mois à deux ans d’emprisonnement ».

Mais à ce niveau, la question de la mise en conformité de notre législation


pénale avec les dispositions du droit communautaire OHADA se pose. En effet,
la question est celle de savoir si l’on peut sanctionner les incriminations de
l’Acte uniforme avec cette disposition du code pénal qui fait référence au code
de commerce. En attendant qu’un cas de banqueroute soit porté devant les
tribunaux pour commettre leur position, les discussions informelles laissent
apparaître des points de vue opposés. Certains pensent que le texte de l’art.
118 CP reste applicable et d’autres pensent le contraire.

Paragraphe 2. La banqueroute frauduleuse

La banqueroute frauduleuse appréhende les fautes ou comportements jugés


particulièrement graves.

I. Les éléments constitutifs de la banqueroute frauduleuse

L'article 229 distingue selon que l’agent est en cessation des paiements ou à
l’occasion d’une procédure de règlement préventif.
A. En cas de cessation des paiements

L’Acte uniforme déclare coupable de banqueroute frauduleuse toute personne


physique commerçante au sens de l’art. 227 de l’Acte uniforme qui, en cas de
cessation des paiements, se retrouve dans les 6 situations qu’il énumère.
Comme en matière de banqueroute simple, chacun de ces 6 cas constitue
l’élément matériel dont découlera l’élément intentionnel.

1. Premier cas

La soustraction de comptabilité; elle consiste à faire disparaître des documents


comptables de l'entreprise ou de la personne morale. La disparition s'entend
aussi de la dissimulation, de la soustraction, voire de la destruction qui interdit
la représentation des documents comptables et ne vise pas leur simple
falsification, éléments que les juges du fond doivent caractériser avec une
certaine précision pour motiver une décision de condamnation.

Cass. crim. 11 juin 1998, Dr pénal 1998, comm. 1.55, note J.-H. ROBERT.

II n'est évidemment pas nécessaire que la disparition ait porté sur la tota-lité
des documents - livres de commerce ou autres écritures - mais peut se limiter à
certains d'entre eux. La loi entend sanctionner la disparition des moyens de
preuve de l'activité de l'entreprise, de sa situation comptable ou de la réalité de
ses opérations.

En France, la Cour de cassation fait preuve d'une interprétation extensive en


assimilant le « retard » dans la communication des documents à la disparition
résultant de l'absence de remise de ces documents. Certes, le retard dans la
remise des documents à un liquidateur qui ne lui permettra pas d'apprécier la
situation aboutit au même résultat que la disparition de la comptabilité. II
n'empêche que cette extension malmène quelque peu le principe de
l'interprétation stricte des textes en matière pénale.

Cass. crim. 19 janv. 2000, Bull. crim. n° 29; Rev. Sc. Crim. 2000 p. 841. obs. J.-Fr.
RENUCCI; Rev. sociétes 2000, p. 574, note, 13. B. BOULOC.

Il en est de même, lorsque au retard dans la remise, la Cour de cassation


ajoute aussi les refus « obstinés » de remise de la comptabilité, notamment
lorsque celle-ci est conservée dans des lieux difficilement accessibles.

Cass. crim. 25 févr. 2004: Bull. crim. n° 52: Dr. pénal 2004, comm. 112. note J.-
H. ROBERT.

Il faut dire que l’incrimination par le législateur OHADA de cette faute qu’est la
soustraction de comptabilité s'explique ¬ce sens que, d'une part elle complique
l'établissement de l'actif et du passif, d'autre part elle est généralement faite
pour dissimuler un ou plusieurs éléments de l'actif.

2. Deuxième cas

Dans ce second cas la personne a détourné ou dissipé tout ou partie de son


actif; il s’agit du détournement ou dissimulation d’actif. L'article 229-2°
incrimine le fait d'avoir « détourné ou dissipé tout ou partie de l'actif du
débiteur ».

La loi incrimine deux faits matériels distincts, dont l'un peut exister sans l'autre,
et qui consistent à faire disparaître tout ou partie des éléments mobiliers ou
immobiliers compris dans l'actif de l'entreprise et devant répondre du passif
exigible.

a) Le détournement
La Cour de cassation le définit de façon générale comme « tout acte de
disposition volontaire accompli sur un élément du patrimoine du débiteur
après la cessation des paiements, en fraude des droits des créanciers ».

Cass. crim. 11 mai 1995, Bull. crim. n° 172: (en l'espèce, il s’agit de la vente de
fonds de commerce à des sociétés dirigées par l'épouse et par le fils du
prévenu et dont le prix a servi à payer les dettes de la société dont le gérant
s'était porté caution solidaire).

Mais le détournement désigne plutôt des actes positifs de disposition des biens
sociaux, sans qu'il soit nécessaire - à la différence de l'abus de biens sociaux -
d'établir que le prévenu a agi dans son intérêt personnel et qu'il a nui à l'intérêt
social.

Cass. crim. 24 avr. 1984, D. 1984.508, note J.-H. ROBERT ; Gaz. Pal. 1985.1.25,
note COSSON Cass. crim. 21 avr. 1980, D. 1981.33. note COSSON

Cass. crim. 2 juill. 1998, Dr. pénal 1999, comm. 6, obs. J.-H. ROBERT.

Mais, un tel intérêt colore la plupart des actes de détournement : prélèvements


directs de fonds sociaux ou paiement sur les fonds sociaux de dépenses
personnelles.

Cass. crim. 14 mai 1984, Bull. crim. n° 172;

Cass. crim. 23 oct. 1997, Bull. crim. n° 348; Dr. penal 1998, comm. 6, obs. J.-H.
ROBERT ; Rev. sociétés 1998, p. 141, note B. BOULOC : émission d'un chèque à
son ordre prélevé sur le compte de la société;

Cass. crim. 27 nov. 1997, Bull. crim. n° 405; Rev. sociétés 1998, p. 596, note B.
BOULOC: rembour¬sement du compte courant créditeur de certains associés,
ou versement de rémunérations excessives ou de commissions injustifiées.

Cass. crim. 18 juin 1998, Dr. pénal 1998, comm. 156, note J.-H. ROBERT,
cessions d'actif à des entreprises constituées intentionnellement ou transfert à
de prétendues filiales dont le prévenu est 1e dirigeant ou l'associé.
Cass. crim. 19 janv. 1981, JCP 1981.11.19640

En revanche, ne commet aucun détournement le dirigeant qui cède des biens


sociaux à un créancier pour le montant de sa créance certaine, liquide et
exigible.

Cass. crim. 16 janv. 1989, Bull. crim. n°15

Cass. crim. 7 déc. 1992, Bull. crim. n°402.

Encore faut-il que les actes de détournement d'actif soient accomplis


personnellement par le prévenu Cass. crim. 20 oct. 2004, Bull. crim. n° 249: Tel
n'est pas le cas de celui à qui il est seulement imputé d'avoir dissimulé au
liquidateur de sa société l'intérêt qu'il avait dans une autre société à laquelle ce
liquidateur a vendu le fonds de commerce de la société liquidée: il n'a accompli
personnellement aucun acte de disposition sur un élément d'actif de la société
placée dans le cadre d'une procédure collective.

Cass. crim. 22 févr. 1996, Petites Affiches 23 déc. 1996, p. 7, note M.-Ch.
SORDINO; Bull. crim. n° 90.

b) La dissipation

La dissipation se confond souvent avec le détournement. Mais ces deux termes


correspondent à la dualité de la nature de la chose détournée ou dissipée. Une
chose individualisée (déterminée), on la détourne. Des biens fongibles que l’on
ne remplace pas, on les dissipe. Ainsi dans un arrêt du 21 avril 1980, la
Chambre criminelle de la Cour de cassation disait que «le délit de banqueroute
par détournement d’actif implique une dissipation volontaire d’un élément du
patrimoine social par le dirigeant d’une société en état de cessation des
paiements ».

Crim. 21 avril 1980 D. 1981 J. 33, note Cosson

3. Troisième cas
Il s’agit du cas de la personne qui, soit dans ses écritures, soit par des actes
publics ou des engagements sous seing privé, soit dans son bilan, s'est
frauduleusement reconnue débitrice de sommes qu'elle ne devait pas. La loi
ne précise plus les moyens par lesquels doit être réalisée l'augmentation
frauduleuse du passif, de sorte que la fraude peut consister à recourir à
n'importe quel procédé, action ou omission, entraînant cette conséquence
pour le débiteur.

La plupart du temps, le procédé consiste à reconnaître faussement l'entreprise


débitrice au profit de créanciers fictifs et au détriment des créanciers véritables
privés d'une part de l'actif qui devait leur revenir, en augmentant
frauduleusement le passif de la société. Ce cas de banqueroute peut avoir pour
objet de sanctionner une pratique qui consiste à faire apparaître des créanciers
fictifs qui recevront une part du produit de la réalisation de l'actif. Le dirigeant
peut aussi majorer arbitrairement le passif, il réduit ainsi la part revenant aux
véritables créanciers sociaux dans la réalisation de l'actif et leur cause
préjudice. En somme, il s'agit de sanctionner une forme indirecte ou déguisée
de détournement d'actif.

4. Quatrième cas

Il concerne celui qui a exercé la profession commerciale contrairement à une


interdiction prévue par les Actes uniformes ou par la loi de chaque Etat partie.
Le législateur vise ici de donner une pleine efficacité à toutes les interdictions
(faillite personnelle, banqueroute, commission de crimes ou délits) prévues par
l'Acte uniforme sur les procédures collectives, par d'autres actes uniformes
comme celui sur le droit commercial général (article 10) ou par la loi de chaque
Etat partie.

5. Cinquième cas
Il consiste à payer un créancier au préjudice de la masse après la cessation des
paiements. En effet, l'égalité entre les créanciers est un principe fondamental
du droit des procédures collectives; sa violation a donc paru suffisamment
grave au législateur OHADA pour être incriminée.

6. Sixième cas

C’est le cas de la personne qui a stipulé avec un créancier des avantages


particuliers à raison de son vote dans les délibérations de la masse ou qui a fait
avec un créancier un traité particulier duquel il résulterait pour ce dernier un
avantage à l'actif du débiteur à partir du jour de la décision d'ouverture. Sont
visées principalement les collusions frauduleuses entre le débiteur et certains
créanciers, notamment pour les amener à voter le concordat en contrepartie
d'un avantage à la charge de l'actif du débiteur.

B. A l’occasion d’une procédure de règlement préventif

Les incriminations ci-dessus ne s'intéressent pas seulement aux procédures


collectives stricto sensu que sont le redressement judiciaire et la liquidation des
biens. En effet, est également coupable de banqueroute frauduleuse toute
personne physique commerçante, qui à l'occasion d'une procédure de
règlement préventif, se retrouve dans les deux cas énumérés.
1. Premier cas

Selon les termes de l’article 229 al.2-1°, est coupable du délit de banqueroute
celui qui, à l’occasion d’une procédure de règlement préventif a, de mauvaise
foi, présenté ou fait présenter un compte de résultat ou un bilan ou un état de
créances ou de dettes ou un état actif et passif des privilèges et sûretés, inexact
ou incomplet.

2. Deuxième cas

Se rend également coupable de banqueroute frauduleuse aux termes de


l’article 229 al.2-2°, la personne qui a, sans autorisation du président de la
juridiction compétente, accompli des actes interdits par l'article 11 de l'Acte
uniforme. Cet article dispose en effet que : « Sauf autorisation motivée du
Président de la juridiction compétente, la décision de règlement préventif
interdit au débiteur, sous peine d'inopposabilité de droit ;

- de payer, en tout ou en partie, les créances nées antérieurement à la décision


de suspension des poursuites individuelles et visées par celle-ci ;

de faire aucun acte de disposition étranger à l'exploitation normale de


l'entreprise, ni consentir aucune sûreté.

II est également interdit au débiteur de désintéresser les cautions qui ont


acquitté des créances nées antérieurement à la décision prévue à l'article 8 ci-
dessus ».

Dans les deux cas, l'objectif visé est d'obtenir le respect des règles régissant le
règlement préventif afin d'assurer sa moralisation et son efficacité.
II. La répression

Les remarques que nous avions faites concernant la répression de la


banqueroute simple sont valables pour la banqueroute frauduleuse. S’agissant
de la peine, le code pénal prévoit que « les commerçants, les gérants ou
administrateurs de sociétés déclarés coupables de banqueroutes selon les
prescriptions du code de commerce seront punis :

-en cas de banqueroute frauduleuse, d’un à cinq ans d’emprisonnement.

SECTION 2- LES INFRACTIONS ASSIMILEES AUX BANQUEROUTES

Ces infractions peuvent être appréhendées à travers leur domaine


d'application in personam et les faits incriminés. S'agissant du premier aspect,
l'article 230 concerne d'une part les personnes physiques dirigeantes de
personnes morales assujetties aux procédures collectives, d'autre part les -
personnes physiques représentantes permanentes de personnes morales
assujetties aux procédures collectives. Il s'agit, comme le précise l'article 230,
des dirigeants de droit ou de fait et, d'une manière générale, de toute
personne ayant directement ou par personne interposée, administré, géré ou
liquidé la personne morale sous le couvert ou au lieu et place de ses
représentants légaux. Y a-t-il là un élargissement par rapport aux formules
utilisées dans d'autres dispositions telles que les articles 180 et 194 de l’Acte
Uniforme de l’OHADA portant procédures collectives d’apurement du passif.

La réponse semble négative : les précisions apportées semblent relever de la


notion de dirigeant de fait.

Pour ce qui est des faits incriminés, la distinction est à faire ici également entre
banqueroute simple et banqueroute frauduleuse.

Les articles 1133 et suivants du nouveau code pénal organisent un dispositif de


répression de ces types d'infractions.
Paragraphe 1. Les infractions assimilées à la banqueroute simple

Les infractions assimilées à la banqueroute simple concernent les dirigeants


sociaux définis selon les termes de l’article 230 qui énonce que « Les
dispositions de la présente section (consacrée aux infractions assimilées à la
banqueroute simple) sont applicables :

1° aux personnes physiques dirigeantes de personnes morales assujetties aux


procédures collectives ;

2° aux personnes physiques représentantes permanentes de personnes


morales dirigeantes, des personnes morales visées au 1° ci-dessus.

Les dirigeants visés au présent article s'entendent de tous les dirigeants de


droit ou de fait et, d'une manière générale, de toute personne ayant
directement ou par personne interposée, administré, géré ou liquidé la
personne morale sous le couvert ou au lieu et place de ses représentants
légaux ».

Ces dirigeants sociaux ont, en cette qualité et de mauvaise foi, posé des actes
considérés comme des fautes graves que cite l'article 231. Pour une grande
partie, cet article reprend des faits incriminés à l'article (231, 2°, 4°, 5° et 6°) ou
à l'article 229, (231, 3°) avec la particularité que ces fautes sont commises au
détriment de la personne morale: par exemple, les achats pour revendre au-
dessous du cours ou les moyens ruineux visent à ¬retarder la cessation des
paiements de la personne morale; c’est la cessation des paiements de celle-ci
qui n'est pas déclarée dans les 30 jours ; c’est sa comptabilité qui n'est pas
tenue ou qui est irrégulière ou incomplète elle qui contracte des engagements
jugés trop importants; c’est enfin après sa cessation des paiements qu'un
créancier est payé au préjudice de la masse.

D'autres cas sont spécifiques. C'est le fait pour les dirigeants d'avoir :
- consommé des sommes appartenant à la personne morale en faisant des
opérations de pur hasard ou des opérations purement fictives ; c’est la pure
spéculation qui est ainsi condamnée ;

- en vue de soustraire tout ou partie de leur patrimoine aux poursuites de la


personne morale en état de cessation des paiements ou à celle des associés ou
des créanciers de la personne morale, détourné ou dissimulé ou tenté de
détourner ou de dissimuler une partie de leurs biens ou qui se sont
frauduleusement reconnus débiteurs de sommes qu'ils ne devaient pas.

Sont également punis des sanctions de la banqueroute simple les


représentants (le plus souvent des gérants) légaux ou de fait des personnes
morales comportant des associés indéfiniment et solidairement responsables
des dettes de celles-ci, qui ne déclarent pas leur état de cessation des
paiements dans les trente (30) jours de celle-ci, ou qui ne fournissent pas lors
de la déclaration la liste des associés tenus indéfiniment et solidairement des
dettes sociales avec l'indication de leurs noms et domiciles. L'article 232 donne
ainsi une efficacité maximale à l'extension automatique de la procédure
collective aux associés tenus indéfiniment et solidairement des dettes de la
personne morale.

Paragraphe 2. Les infractions assimilées à la banqueroute

Frauduleuse

En matière de banqueroute frauduleuse, tout comme d'ailleurs pour la


banqueroute simple, l'article 233 reprend en substance des incriminations
relatives aux cas de banqueroute proprement dite en les adaptant à la situation
des dirigeants de société. Ainsi la soustraction de livres, le détournement ou la
dissimulation d'actif concerne ceux de la personne morale; la supposition de
dettes a lieu dans la personne morale elle-même; les avantages stipulés en
faveur d'un créancier pour son vote doivent être à la charge de la personne
morale; dans le même sens, l'interdiction vise l'exercice de la profession de
dirigeant contrairement à une interdiction prévue par les Actes uniformes ou
par la loi de chaque Etat partie et non celle de la profession de commerçant. La
banqueroute simple ou frauduleuse ne peut être poursuivie que
conformément à la procédure prévue par l'Acte uniforme en ses arts. 234 et
suivants.

CHAPITRE 2- L’USURE

Le nouveau code pénal en ses articles 1097 et 1098 du nouveau code pénal la
répression de cette infraction.

S'il est vrai que le crédit est l'âme du commerce et des affaires, il est non moins
vrai que le formidable développement du recours au crédit et son corollaire,
l'endettement, est devenu un phénomène de société. Par conséquent
l’emprunteur a besoin d’être protégé contre les désagréments liés à ce
phénomène notamment lorsqu’il devait avoir sa source dans l’usure. Cette
protection passe par des mesures de prévention, mais elle peut le cas échéant
être assurée par la répression des comportements qui induisent les situations
désagréables pour les citoyens victimes.

La loi n° 2000-004 du 11 janvier 2000 (JORT du 13 avril 2000), portant définition


et répression de l’usure et fixation du taux d’intérêt légal est relative à l'usure,
aux prêts d'argent mais également à certaines opérations favorisant l’usure. Ce
texte réprime non seulement l'usure dans son application aux prêts
conventionnels et aux ventes à crédit mais également il sanctionne l’usure qui
intervient dans la réalisation des prêts d'argent ou le financement des ventes à
tempérament. Cette loi abroge tous les textes antérieurs notamment,
l’ordonnance n°79-19 du 12 juin 1979 et la loi n°95-015 du 15 août 1995 ; elle
vise aussi à prévenir l’usure.
En effet, le législateur du 11 janvier 2000 a prévu dans la loi un Titre 2 consacré
à la prévention de l’usure. Il y est mentionné que tous les actes de prêt
d'argent, les actes de prêt de denrées où autres choses mobilières doivent être
soumis au visa du préfet ou du sous-préfet ou du maire de la commune ou de
leurs adjoints du domicile ou de la résidence de l’une des parties au contrat
(art. 7 al. 1).

Cette disposition exclut toutefois, les banques et les établissements financiers


agréés, qui sont dispensés de soumettre à ce visa tous leurs actes se rattachant
à leurs opérations professionnelles (art.7 al.2). Le visa a pour but de certifier
que par-devant l'autorité compétente :

1.Les signatures des parties ont été échangées ;

2.Les espèces ont été comptées ;

3. La somme ainsi transférée correspond à celle mentionnée ;

4. Les quantités ou les nombres ont été reconnus.

La convention soumise au visa doit également mentionner le capital prêté, le


taux d'intérêt et la durée du prêt.

L’inobservation de ces prescriptions rend la convention de prêt d’argent nulle,


mais de nullité relative.

Mais, en ce domaine comme en bien d'autres, le législateur a sans doute


compris que la prévention ne saurait suffire ; la protection des emprunteurs et
des consommateurs de crédit doit être également assurée par un arsenal
répressif. C’est la raison pour laquelle la loi porte également répression de
l’usure qu’elle a pris soin de définir.
Selon l'article 1er alinéa 1 de la Loi, constitue un prêt usuraire, tout prêt ou
toute convention dissimulant un prêt d’argent consenti, en toute matière, à un
taux effectif global excédant, à la date de sa stipulation, le taux de l’usure.

SECTION 1- LES ELEMENTS CONSTITUTIFS

Le délit d'usure tout comme les autres délits implique, pour être constitué, la
réunion de trois éléments.

Paragraphe 1. L’élément matériel

I. La convention usuraire

Le délit d'usure a une portée très large puisqu'il sanctionne le dépassement du


taux plafond autorisé à l'occasion de « tout prêt ou toute convention ». En
outre, l'article 10 de la loi punit « quiconque » aura consenti à autrui un prêt
usuraire, sans exiger que le coupable soit un professionnel du crédit ou en faire
un délit d'habitude. Le délit peut donc être commis à l'occasion d'un prêt isolé
consenti entre particuliers. Dans tous les cas, à l'origine de l'opération se
trouve une convention de prêt, à laquelle la loi et la jurisprudence assimilent
d'autres modalités de crédit.
A. Le contrat de prêt

La loi vise le prêt ou toute convention. Il s’agit de prêts conventionnels. Entre


dans ce cadre toute opération de crédit comportant une obligation de
remboursement et la rémunération du crédit : prêts d’argent, avances de
fonds, découverts bancaires.

L'article 1er mentionne en premier lieu « tout prêt ou toute convention » c'est-
à-dire le contrat de prêt à intérêt au sens des articles 1905 et suivants du Code
civil.

En pratique, on constate que bien des prêteurs cherchent à tourner la loi en


déguisant le contrat de prêt sous d'autres qualifications, ou en présentant le
prêt dans le cadre d'une opération complexe. Mais, la chambre criminelle
reconnaît aux tribunaux le droit de restituer aux conventions leur véritable
qualification juridique.

Cass. crim. 8 mai 1969, Bull. crim. n° 162

Comme en bien d'autres domaines, la volonté individuelle ne saurait influer sur


les qualifications pour soustraire I ‘opération illicite à l'application de la loi
pénale

Cass. crim. 6 mai 1964, D. 1965. 468, note GAVALDA ; escompte assimilé à un
prêt soumis aux règles sur l'usure).

B. Les conventions assimilées au prêt


Pour l’application du texte, la loi en son article 5, assimile aux prêts
conventionnels, « les crédits accordés à l'occasion de vente à tempérament ».
Ces crédits sont de ce fait soumis aux dispositions de l’article 1er.

Doctrine et jurisprudence sont unanimes pour estimer que les dispositions de


la loi doivent s'appliquer chaque fois que le mécanisme de l'opération
comporte une obligation de remboursement et une obligation de payer un
intérêt sur la somme à rembourser : découverts bancaires, avances de fonds.

II. Le taux d’intérêt usuraire : définition

Selon l’art. 1er al.1 de la loi de 2000, constitue un prêt usuraire, tout prêt ou
toute convention dissimulant un prêt d’argent consenti, en toute matière, à un
taux effectif global excédant, à la date de sa stipulation, le taux de l’usure.

Le calcul du taux de l’usure conduit donc à déterminer le taux effectif global


(TEG) pratiqué dans l'opération litigieuse, puis à le comparer au taux d’intérêt
maximum (TEM).

A. Le taux effectif global (TEG)

Le taux effectif global, c’est le coût réel du crédit supporté par l'emprunteur.

La détermination du TEG soulève des problèmes techniques assez compliqués.


Selon le texte, le taux effectif global d’intérêt conventionnel est le taux
d’intérêt calculé en tenant compte de l’amortissement de la créance et auquel
s’ajoutent les frais, les rémunérations de toute nature y compris ceux payés à
des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du
prêt.

Ainsi donc pour déterminer le taux effectif global du prêt, il convient d'ajouter
aux intérêts, les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs
ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires
intervenant de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt (art. 3 alinéa
1). Toutefois, n’entrent pas dans le calcul du taux effectif global d’intérêt les
impôts et taxes payés à l’occasion de la conclusion ou de l’exécution du
contrat.

Le TEG doit être fixé par écrit ; il est librement débattu entre l’emprunteur et le
prêteur sous réserve de respecter le taux plafond. Le législateur a voulu éviter
la fraude trop facile - et trop fréquente - mise au point par d'habiles prêteurs
qui consiste à fixer à un niveau relativement bas le taux d'intérêt proprement
dit, mais à ajouter des frais accessoires sous diverses qualifications qui viennent
gonfler le coût réel du crédit supporté par l'emprunteur: frais de recherche, de
dossier, taxes, commissions...

C'est pourquoi l'article 3 de la loi dispose que pour la détermination du TEG


d'un prêt, sont ajoutés aux intérêts, les frais, commissions ou rémunérations de
toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des
intermédiaires intervenant de quelque manière que ce soit dans l'octroi du
prêt. Il importe peu que les frais et émoluments versés à l'intermédiaire soient
stipulés - ou non - dans des actes distincts de ceux constatant le prêt et qu'ils
soient payés au moment du prêt ou ultérieurement.

Cass. crim. 5 juin 1989, Gaz. Pal. 1989.2. somm. 473, obs. DOUCET et réf. citées
- Rev. sc. Crim. 1990.578, obs. BOUZAT; Bull, crim. n° 237.
Pour déterminer le TEG, i1 faut donc se placer du côté de l'emprunteur et y
inclure toute somme qu'il sera dans l'obligation de payer pour obtenir et
rembourser son prêt.

Cass. crim. 12 oct. 1976, Gaz. Pal. 1976.2.762; Bull. Crim. n°288

Cass. Crim. 4 oct. 1978, Bull. Crim. n° 258

Cass. crim. 5 juin 1989, Bull. crim. n°237.

Cela réserve parfois des surprises. Ainsi, un emprunteur avait souscrit un


contrat portant intérêt à 11% alors que le seuil autorisé pour l'opération était
de 17,96 %. Mais, il lui fallut y ajouter la rémunération des intermédiaires, des
frais de cautionnement et de souscription de parts de société et le coût d'un
mandat de gestion... Au total, le taux effectif global s'élevait à 23,88 % : il était
donc usuraire.

Cass. crim. 5 nov. 1998, Bull. Crim. n°297.

Les emprunteurs ont un intérêt évident à connaître ce TEG. C'est pourquoi


l'article 2 de la loi fait obligation de le mentionner dans tout écrit constatant un
contrat de prêt au sens de la loi. Sauf qu’au Togo, la violation de cette
prescription n’est sanctionnée d’aucune peine. En France, l'omission de cette
mention par écrit est sanctionnée par une peine d'amende.

Cass. Crim. 11.03.91 B.91 IR, p. 160.

Aix 29 septembre 1990, Rev. Banque 1991.96 note Rives-Lange (taux usuraire).

Pour vérifier si le TEG est - ou non - usuraire, il faut ensuite le comparer au taux
plafond de rémunération du crédit autorisé dans chaque cas, tel que prévu par
les dispositions de l’article de la loi.

B. Le taux d’intérêt maximum (TIM)


¬

C’est le taux plafond, tel que défini à l’art.1er de la loi et au-delà duquel le délit
d’usure est constitué. En effet, Le délit d'usure est très précisément défini par
les textes légaux, eu égard au taux plafond au-delà duquel l’infraction est
constituée. Il suppose que le TEG dépasse d'un certain pourcentage le taux de
l’usure ou TIM au moment où le prêt est accordé. Le taux de l’usure est
déterminé par le Conseil des ministres de l’Union Economique Monétaire
Ouest Africaine (UEMOA). Il est publié au Journal Officiel, ou dans un journal
d’annonces légales, à l’initiative du ministre chargé des Finances (art.1al.1).

En France, une cour a pu ainsi constater un taux de 120 % l'an dans une
convention de prêt ; (Paris, 9ème ch. B., 29 févr. 1996, Juris-Data n° 020388).

Les juges du fond doivent donc préciser dans leur décision de condamnation et
le montant du taux d’intérêt maximum (TIM) pour l'opération considérée et
l'importance du dépassement.

Cass. crim. 11 mars 1991, Bull. crim. n° 119; Dr. Pénal, juill. 1991, n°211, obs. J.-
H. ROBERT. Il s’agit d’une décision de cassation de l'arrêt qui se contente de
relever, qu'en l’espèce, les prêts litigieux étaient consentis aux taux de 45 et
48%.

Le délit d'usure n'est légalement constaté que si les juges chiffrent l'excès
d'intérêts (Aix, 11 mars 1991, Droit pénal 91 N° 211).

Paragraphe 2. L’élément intentionnel

Le délit d'usure est un délit intentionnel, ce qui est établi par l'emploi, dans
l'article 10 de l'adverbe « sciemment ». Bien que le terme « sciemment » utilisé
par l'article 10 ne semble s'appliquer qu'à celui qui apporte son concours à
l'obtention ou à l’octroi du prêt usuraire et non à celui qui consent lui-même le
prêt.
II sanctionne donc le prêteur qui, en pleine connaissance des taux plafonds
autorisés, exige un intérêt ou perçoit une rémunération globale qui les
dépasse. L'intention résulte du dépassement du taux de référence ou de la
connaissance qu'avait le contrevenant d'exclure du taux effectif global les frais
qui doivent y figurer.

Cass. Crim. 9 janvier 1979, Bull. crim. n° 16

C.A. de Reims, 29 octobre 1979, D. 1981, J. 355

Les taux autorisés, étant officiellement publiés, sont supposés connus et le


prévenu ne pourra pratiquement jamais invoquer son ignorance ou justifier de
sa bonne foi. Ainsi, la Cour de cassation approuve la condamnation de
prévenus qui avaient fixé des taux usuraires parce que les juges du fond avaient
constaté qu'il s'agissait « de professionnels avertis et expérimentés » et qui
connaissaient « nécessairement » le seuil du taux de l'usure en vigueur.

Cass. crim., 15 juin 1999, Juris-Data n° 003270.

SECTION 2- LA REPRESSION

Paragraphe 1. Le sort du prêt conventionnel usuraire

Il faut distinguer selon que les paiements sont en cours et les intérêts usuraires
encore dus ou que la créance est éteinte en capital et intérêts.
I. Paiements en cours

Dans cette première hypothèse, au regard des dispositions de l’article 13 de la


loi, lorsque le prêt est usuraire, les perceptions excessives sont imputées de
plein droit sur les intérêts normaux alors échus calculés dans les conditions
fixées à l’article 3,-(le calcul est fait en respectant le taux effectif global)- et
pour le surplus, s’il y a lieu, sur le capital de la créance (art. 13 al.1).

II. Créance éteinte en capital et intérêts

Dans la seconde hypothèse, si la créance est éteinte en capital et intérêts, les


sommes indûment perçues seront restituées avec intérêts légaux du jour où
elles auront été payées (art. 13 al.2).

CA de Paris 21.12.89, D.90 IR 34

Paragraphe 2. Les pénalités

Le délit d’usure étant un délit de droit commun, il est soumis aux dispositions
du Code de procédure pénale et relève de la compétence des juridictions
correctionnelles. Le législateur a prévu pour la répression de cette infraction
une peine principale et des peines complémentaires facultatives.

I. La peine principale

S’agissant de la peine principale, il faut distinguer selon que le coupable est un


délinquant primaire ou un récidiviste. En effet, lorsqu’il s’agit d’un délinquant
primaire, l'article 10 punit d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et
d'une amende de 50.000 à 5.000.000 FCFA ou d’une de ces peines seulement.
Il est prévu qu’en cas de récidive, le maximum de la peine sera porté à cinq ans
d’emprisonnement et à 15.000.000 FCFA d’amende.

II. Les peines complémentaires

A titre complémentaire mais facultatif, le tribunal peut en outre ordonner :

- la publication (intégrale ou par extraits de sa décision), aux frais du condamné


dans les journaux qu’il désigne, ainsi que sous toute forme qu’il appréciera ;

- la fermeture provisoire ou définitive de l'entreprise qui s’est livrée ou dont les


dirigeants se sont livrés à des opérations usuraires, assortie de la nomination
d’un administrateur ou d’un liquidateur.

En cas de fermeture provisoire, le délinquant ou l'en¬treprise devra continuer à


payer à son personnel les salaires, et indemnités (rémunérations) de toute
nature auxquels celui-ci a droit. Le tribunal fixe cette durée qui ne saura
excéder trois mois.

En cas de récidive, la loi prévoit que la fermeture définitive sera ordonnée (art.
11 al.5).

Il y a lieu de marquer que le régime de répression du délit d’usure présente


quelques particularités en ce qui concerne la détermination des personnes
punissables, la constatation de l’infraction et la prescription de l’action
publique.
Paragraphe 3. Les particularités

I. Les personnes punissables

L'article10 sanctionne quiconque aura consenti à autrui un prêt usuraire ou


apporté sciemment, à quelque titre et de quelque manière que ce soit,
directement ou indirectement son concours à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt
usuraire. Le législateur considère que l’auteur principal du délit est non
seulement celui qui « consent à autrui un prêt usuraire », mais également celui
qui « apporte sciemment à quelque titre et de quelque manière que ce soit,
directement ou indirectement, son concours à l'obtention ou à l'octroi d'un
prêt usuraire ».

En adoptant cette formulation très générale, le législateur a entendu englober


presque toutes les hypothèses de complicité au sens des articles 13 et 14 de
code pénal, (aide et assistance ou fourniture de moyens), dont les auteurs
seront eux aussi considérés comme des auteurs principaux de l’infraction.

Tel n'est donc pas le cas du directeur d'une agence bancaire qui poursuit en
justice la caution du débiteur, lorsqu'il n'a pas en connaissance de cause
participé à l'établissement ni au suivi des intérêts.

Cass. crim. 2 oct. 2002, Bull. crim. n°179; Dr. pénal 2003, comm. 11, note J.-H.
ROBERT.

Mais l’article 12 rend passibles des peines prévues à l’article 10 et


éventuellement des mesures complémentaires fixées à l’article 11, ceux qui,
chargés à un titre quelconque de la direction ou de l’administration d’une
entreprise, société, association, coopérative, ou autre personne morale,
laissent sciemment toute personne soumise à leur autorité ou à leur contrôle
contrevenir aux dispositions de la loi.

Le législateur a voulu ainsi marquer sa volonté de répression en élargissant


l’éventail des faits ou comportements susceptibles d’être sanctionnés et dont
les auteurs sont donc eux aussi considérés comme auteurs principaux de
l'infraction.

II. La prescription

Aux termes de l’article 7 du code de procédure pénale (CPP), l’action publique


est prescrite si l’infraction n’est pas déférée à la juridiction de jugement par
citation ou ordonnance de renvoi dans un délai partant du jour où elle a été
commise fixé à cinq ans en matière de délit. S’agissant du délit d’usure la
prescription quinquennale de l'action publique court à compter du jour de la
dernière perception soit d'intérêt, soit de capital ou de la dernière remise de
chose se rattachant à l’opération usuraire (art. 14 de la loi du 11 janvier 2000).

Il faut remarquer que cette disposition rompt avec celle de l’article 7 CPP
précité. En effet, L'usure est en principe un délit instantané dont la prescription
doit commencer à courir à compter du jour où le prêt a été consenti. Toutefois,
pour des raisons évidentes tenant aux nécessités de la répression, l'article 14
dispose que le délai ne court qu'à compter du jour de la dernière perception,
soit d'intérêt, soit de capital, ou de la dernière remise de chose se rattachant à
l’opération usuraire.

La jurisprudence française notamment va dans ce sens.

Cass. crim. 26 sept. 1996, Bull. Crim. n°337.


Autrement dit, la situation délictuelle continue tant que durent les versements
illicites. Cette solution permet d'éviter que dans le cas de prêts dont les
remboursements sont échelonnés sur une longue période, le prêteur puisse
percevoir en toute impunité des intérêts usuraires cinq ans après la conclusion
de la convention de prêt.

Cass. crim. 15 mars 1994, JCP 1994, éd. E, I.378, obs. GAVALDA et STOUFLET ;
Bull. crim. n° 98.

Cet arrêt parle plus justement de la dernière « prestation » de l'emprunteur


plutôt que la dernière « perception » par le prêteur. La loi togolaise qui n’en est
pas loin, parle quant à elle, de la dernière remise de chose se rattachant à
l’opération usuraire.

De même, la prescription du délit d'usure relatif à des opérations d'escompte


effectuées dans le cadre d'un compte courant se prescrit à compter de la
perception des derniers intérêts et non à compter de la clôture du compte.

Cass. crim. 26 sept. 1996: Bull. crim., n°357; RTD com. 1997, obs. B. BOULOC.

Selon toujours la jurisprudence française, cette prescription n'est pas


suspendue pendant la procédure du règlement judiciaire, le débiteur n'étant
pas dans l'impossibilité d'agir en justice. Par contre, la plainte, suivie d'un
réquisitoire introductif interrompt valablement le délai de prescription des faits
d'usure.

Cass. Crim. 20 octobre 1993, D. 94 IR 17

En droit togolais, s’agissant des dispositions concernant les actes interruptifs de


la prescription, aux termes de l’article 7 al. 2 et 3 du CPP, le délai de
prescription qui est prorogé de six mois si l’instruction ouverte avant son
expiration n’est pas achevée, est suspendu par l’exercice des voies de recours
contre les ordonnances du juge d’instruction et les arrêts de la chambre
d’accusation.
Paragraphe 3. Les difficultés liées à la constatation de l’infraction

Le délit de prêt usuraire suppose la détermination d’un taux plafond au-delà


duquel l’usure est constituée. Par conséquent, la décision de condamnation
pour prêt usuraire doit préciser le taux effectif global du prêt, et l'importance
du dépassement par rapport au taux de l’usure ou taux effectif moyen de
référence.

Cass. Crim. 11 mars 1991, B. 119 p. 304.

Cette détermination du taux plafond suppose souvent l'accomplissement de


calculs mathématiques assez compliqués qui ne peuvent que susciter
l'inquiétude chez les juristes chargés de les mettre en œuvre ou de les
contrôler. Par l’application des dispositions des art. 4, 5 et 6 de la loi, on
conclut qu'il n'y a pas un TEG unique, mais un TEG propre à chaque type de
contrat de prêt ou à chaque opération équivalente d'ouverture de crédit
rémunéré. Le calcul de ce taux effectif global fait appel à des formules
mathématiques qui ne sont pas toujours à la portée des magistrats et autres
juristes.

Pour cette raison, en France, l'article L. 313-6, Code de la consommation a


prévu la mise en place d'une commission consultative chargée de donner son
avis tant sur le taux effectif moyen (TEM) que sur le TEG pratiqué dans l'espèce
considérée et soumise à l'appréciation de la justice. Cette commission peut
être saisie par les autorités judiciaires compétentes en tout état de la
procédure : enquête préliminaire, instruction ou jugement.

Suivant l'avis de la Commission consultative, la Cour d’appel de Paris a décidé


dans un cas qui lui était soumis, que le délit d'usure était manifestement
constitué. Le taux effectif global du prêt excédait, en effet, tant le taux dit de
référence que le taux dit plafond.
Cour d'appel de Paris, 1er mars 1979 D. 1981, J. 355

Pour conclure ce chapitre sur l’usure il faut retenir que le taux d'intérêt légal
(TIL) est, en toute matière, fixé pour la durée de l'année civile. II est, pour
l'année considérée, égal à la moyenne pondérée du taux d'escompte pratiqué
par la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest au cours de l'année
civile précédente. Il est publié au Journal Officiel, à l'initiative du ministre
chargé des Finances. Selon la jurisprudence, en l'absence de stipulation écrite,
seul le taux d'intérêt légal est applicable.

Aux termes de l'article 16 de la loi du 11 janvier 2000, en cas de condamnation


au paiement d’intérêts aux taux de l’intérêt légal, celui-ci est majoré de moitié
à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de
justice est devenue exécutoire, fut-ce par provision.

CHAPITRE III - LA REGLEMENTATION DE LA CORRUPTION

Depuis les années 2006, sous l’égide de L’Union Européenne, la Banque


Mondiale, le Fonds Monétaire International, l’Agence Française de
Développement, et d’autres bailleurs de fonds, la réforme de l’administration
publique, la réforme de la Justice, la rénovation des commandes ou des
marchés publics, l’assainissement des finances publiques, et la lutte contre la
corruption en particulier.
S’agissant de la lutte contre la corruption, il y a lieu de noter que le phénomène
se manifeste sous plusieurs aspects et perceptible dans les différents secteurs
de vie administrative, économique et sociale. Le code pénal qui incrimine un
comportement qualifié de corruption, identifie au Titre IV, Chapitre V, Section 3
dudit code :

- Premièrement, les faits de corruption des agents publics nationaux


(Articles 594 à 596) ;
- Deuxièmement, les faits de corruption des agents publics étrangers et
des fonctionnaires internationaux (Articles 597 à 599) ;
- Et troisièmement, les faits de corruption dans le secteur privé (Articles
600 à 606).

Le code assimile ensuite expressément à la corruption :

- Le trafic d’influence (Articles 608 à 610) ;


- L’abus de fonctions (Articles 611 et 612) ;
- La prise illégale d’intérêt (Articles 613 à 619) ;
- L’enrichissement illicite (Articles 620 et 621) ;

Il est cependant légitime, et ce, conformément à l’esprit de la Convention des


Nation-Unies sur la corruption, de considérer aussi comme des faits de
corruption :

- Les détournements de deniers publics (Articles 586 bis à 589) ;


- Les détournements de biens publics (Articles 590 et 591) ;
- Et enfin, la concussion.

Pour prévenir et réprimer tous ces agissements au Togo, il est institué un cadre
juridique et institutionnel approprié qui prend en compte le cadre juridique
international (I), le cadre juridique national (II) et le cadre institutionnel (III).
I. LE CADRE JURIDIQUE INTERNATIONAL DE LA LUTTE CONTRE LA
CORRUPTION

Pour venir à bout de la corruption, la communauté internationale a mis en


place plusieurs instruments internationaux de lutte avec des outils et
mécanismes appropriés qui, lorsque bien utilisés, permettent de réduire, voire
d’éradiquer ce phénomène.

Parmi ces instruments juridiques internationaux, on compte en premier la


Convention des Nations Unies contre la corruption qui a été signée par 140
pays et ratifiée par 174 Etats Parties. Le Togo a signé la Convention des Nations
Unies contre la corruption le 10 décembre 2003 et l’a ratifiée le 18 mai 2005 à
travers une loi autorisant la ratification adoptée le 18 mai 2005. Il a déposé son
instrument de ratification auprès du Secrétaire général le 6 juillet 2005. Cette
Convention est un instrument juridique contraignant de portée universelle de
lutte contre la corruption. Le champ étendu de la Convention et le caractère
impératif du nombre de ses dispositions en font un instrument exhaustif pour
faire face au problème global de la corruption. Aux termes de l’Article premier
de cette convention, la Convention a pour objet de promouvoir et renforcer les
mesures visant à prévenir et combattre la corruption de manière plus efficace ;
de promouvoir, faciliter et appuyer la coopération internationale et l’assistance
technique aux fins de la prévention de la corruption et de la lutte contre celle-
ci, y compris le recouvrement des avoirs; de promouvoir l’intégrité, la
responsabilité et la bonne gestion des affaires publiques et des biens publics.

Le Togo est également partie à la Convention de l’Union africaine sur la


prévention et la lutte contre la corruption et au Protocole de la Communauté
économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la corruption (tous
deux ratifiés le 14 septembre 2009).
II. LE CADRE JURIDIQUE NATIONAL DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Au sommet des textes applicables en matière de lutte contre la corruption au


Togo se trouve la Constitution de la Quatrième République du 14 octobre 1992,
telle que révisée par la loi n° 2002-029 du 31 décembre 2002, qui dispose en
son article 46 : « Les biens publics sont inviolables. Toute personne ou tout
agent public doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de
sabotage, de vandalisme, de détournement de biens publics, de corruption, de
dilapidation est réprimé dans les conditions prévues par la loi. ».

La Constitution crée également la Cour des Comptes (Article 108 et suivant).

La Constitution de la IVe République, en son article 145, édicte aussi un


principe de déclaration des biens en ces termes : « Le Président de la
République, le Premier Ministre, les membres du Gouvernement, le Président
et les membres du bureau de l’Assemblée Nationale et du Sénat et les
directeurs des administrations centrales et des entreprises publiques, doivent
faire devant la Cour Suprême une de leurs biens et avoirs au début et à la fin de
leur mandat ou de leur fonction. Une loi détermine les conditions de mise en
œuvre de la présente disposition. ».

La loi organique n° 2009-003 du 15 avril 2009 portant statut des juges de la


Cour des comptes ;

La loi organique n° 96-11 du 21 août 1996 sur le statut des magistrats ;

La loi n° 2015-10 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal ; (Lire


quelques infractions en matière de corruption) ;

Le statut général de la fonction publique ;


La loi n° 2014 – 009 du 1er juin 2014, portant code de transparence dans la
gestion des finances publiques ;

Loi n° 2009 – 019 du 07 septembre 2009 portant règlementation bancaire ;

Les lois sur les professions réglementées (notaires, avocats) ;

La loi n° 2007-016 du 6 juillet 2007 relative à la lutte contre le blanchiment de


capitaux ;

La loi n° 98-008 du 18 mars 1998 portant contrôle des drogues ;

Le Décret n° 2009-277/PR portant code des marchés publics et délégation des


marchés publics ;

Le Décret N° 2008-92/PR du 29 juillet 2008 portant régime juridique applicable


aux comptables publics ;

III. LE CADRE INSSTITUTIONNEL DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

. La loi n° 98-014 du 10 juillet 1998 portant organisation et


fonctionnement de la Cour des comptes, laquelle est opérationnelle depuis
2009 ;

• La Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et infractions assimilées


créée par la Loi N° 2015-006 du 09 Juillet 2015. Elle est la nouvelle institution
qui remplace Commission Nationale de Lutte contre la corruption et le
sabotage économique créée par les Décrets présidentiels n° 2001-095/PR du 09
mars 2001 et 2001-109/PR du 19 mars 2001 portant nomination des membres
de la Commission.

La nouvelle entité, est une institution administrative indépendante, chargée de


promouvoir et de renforcer la prévention et la lutte contre la corruption et les
infractions assimilées dans les administrations, les établissements publics, les
entreprises privées et les organismes non étatiques. Elle jouit d’une autonomie
administrative et financière. Elle vient d’entrer en fonction au Togo depuis
quelques mois.

• La loi n°2009-013 du 30 juin 2009 relative aux marchés publics et


délégations de services publics, a permis de mettre en place des organes de
passation, de contrôle et de régulation des marchés publics et délégation de
service public dont l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) ;

• La Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF,


mise sur pied par la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux de
2007). La CENTIF a été établie conformément aux obligations du Togo dans
l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui préconise des
dispositions harmonisées sur le blanchiment d’argent et sur les cellules de
renseignement financier dans les huit États de l’Union. Le Togo est aussi
membre du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment
d’argent (GIABA).

• Le Décret N° 2010-029/PR du 30 mars 2010 créant l’Initiative pour la


Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Il s’agit ici d’une réforme
globale pour promouvoir les bonnes pratiques de la transparence et de la
redevabilité dans la gouvernance du secteur extractif, notamment les secteurs
pétroliers, gaziers et miniers.

• L’Inspection Générale d’Etat ;

• L’Inspection Générale des finances ;


• L’adoption à l’unanimité, le 10 décembre 2012, la Loi N°2012-016
portant création de l’Office Togolais des Recettes, en abréviation ‘’OTR’’,
promulguée le 14 décembre 2012 par le Chef de l’Etat.

Par cette loi, l’OTR intègre les directions générales des Douanes et des
Impôts au sein d’une structure unique, laquelle est un établissement public à
caractère administratif, doté d’une autonomie de gestion administrative et
financière. L’article 5 de la Loi portant création de l’OTR, précise les missions
de cette entité placée sous la tutelle du ministre chargé des finances, en ces
termes, je cite : «

• Asseoir, administrer, recouvrer pour le compte de l’Etat, les impôts, taxes


et droits de douanes à caractère national, conformément aux textes
applicables en la matière ;

• Asseoir, administrer, recouvrer pour le compte de l’Etat, les impôts, taxes


et autres droits locaux perçus pour le compte des collectivités locales,
conformément aux textes applicables en la matière ;

• Conseiller le gouvernement sur toutes les questions se rapportant à la


politique fiscale ;

• Promouvoir le consentement volontaire à l’impôt auprès des


contribuables ;

• Assister le gouvernement dans sa politique de promotion de


l’investissement privé et de facilitation des échanges commerciaux ;

• Combattre la fraude et l’évasion fiscale et coopérer à cette fin avec les


pays étrangers ;
• Accorder des exonérations fiscales et douanières conformément à la
réglementation nationale et aux accords régionaux et internationaux ;

• Représenter le ministre chargé des finances sur sa demande dans les


instances régionales et internationales sur toute question concernant la
politique fiscale et douanière ;

• Produire et publier les statistiques concernant la collecte des recettes


fiscale et douanière » ; fin de citation.

Pour remplir ces neuf (09) missions qui viennent d’énumérer, l’Office
Togolais des Recettes, s’est doté le 29 octobre 2015 de deux (02) outils
juridiques entrés en vigueur le 1er janvier 2016. Il s’agit premièrement, du
Statut du personnel, et deuxièmement, du Code de conduite et procédures
disciplinaires. L’on ajoutera aussi la mesure La déclaration de biens ou de
patrimoine qui est une norme visant à prévenir l’enrichissement illicite, le
conflit d’intérêt etc., mesure qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive,
sans parler des jurons et autres grincement de dents. Cette disposition de
déclaration de biens est pourtant prévue par la Convention de l’Union Africaine
sur la prévention et la lutte anti-corruption, la Charte Africaine de la Fonction
Publique etc, ratifiée par le Togo le 14 septembre 2009. Pour la première fois
au Togo, la déclaration des biens est expérimentée par l’OTR (Office Togolais
des Recettes) qui l’a introduit dans sa panoplie de dispositions anti-corruption.
Tout agent de l’OTR doit déclarer ses propres actifs et engagements et ceux de
certains membres de sa famille y compris les enfants: maisons, terrains,
comptes bancaires, dons, véhicules, bijoux etc. bref, tout bien valant plus de
200. 000 F CFA. Enfin, l’instauration d’un numéro vert.

Autres mesures en cours au Togo en vue de lutter contre la corruption il


s’avère aussi intéressant d’inclure l’élaboration d’une stratégie nationale de
lutte contre la corruption (en cours) qui est initiée par la Cellule Millenium
Development Challenge Account (MCA), basée à la présidence de la
République.
La poursuite pénale pour les faits de corruption ;

La loi n° 83-01 du 2 mars 1983 portant Code de procédure pénale.

• La mise en mouvement de l’action publique

• L’instruction

• Le jugement

• Les saisies et confiscation des biens et avoirs.

CHAPITRE IV : Le cas spécifique de la Lutte contre la corruption et la fraude


dans les marchés publics

Dans les pays en développement à l’instar du Togo, on parle de la corruption et


de la fraude dans les marchés publics même si ces cas ne sont pas très
documentés.

En attendant la documentation de ces situations qui constituent une véritable


plaie à nos économies déjà fragiles, très fragiles, dans le cadre de ce cours, il
est opportun d’en ouvrir une fenêtre sur la situation de la France, un pays de
l’Union européenne aussi gangrené par ledit phénomène de corruption et de
fraude dans les marchés. Beaucoup d’enseignements peuvent être tirés à partir
de ces réalités.

Plus de vingt ans après la loi Sapin relative à la prévention de la corruption et à


la transparence de la vie économique, plus de trente ans après la grande
décentralisation, que reste-t-il du contrôle et de la lutte contre la corruption
dans la commande publique ?

De nombreux rapports de chambres régionales des comptes et diverses


révélations illustrent dérives et failles en tous genres. Ces affaires de
favoritisme, d’ententes, de pactes de corruption, font aussi l’objet de
signalements par des lanceurs d’alerte salariés d’entreprises délégataires
fonctionnaires et chefs d’entreprises mais sont rarement suivies d’effets
judiciaires.

Le rapport de ANTICOR se devait de donner l’alerte sur ces dérives, liées


notamment aux conflits d’intérêts, pratiques d’influence, et surtout à la
démission des autorités de contrôle. Ce rapport comprend certains exemples
de situations dénoncées par l'association, et dont la justice est saisie. Il tire
aussi les conséquences de ces constats en formulant des propositions.

Alors qu'une nouvelle ordonnance relative aux marchés publics a été publiée le
23 juillet 2015, nous en appelons à un assainissement et à un renforcement des
moyens de prévention, de lutte et de sanction contre la corruption.

Préambule

1. Les marchés publics, pièges à corruption.

1.1. Les montages

1.2. Le rôle de la criminalité organisée

1.3. Une situation aggravée par les restrictions budgétaires.

2. Les alertes

2.1. Le rapport de l'Union européenne

2.2. Le rapport du Service central de prévention de la corruption

2.3. Le rapport d'information du Sénat.

3. Les failles de la chaîne de contrôle

3.1 Un contrôle a priori négligé

3.2. Un contrôle de l'exécution aléatoire

3.3. La faiblesse du contrôle des chambres régionales des comptes

3.4. Des autorités administratives affaiblies.


4. La difficulté à donner l'alerte

4.1. Absence de veille

4.2. Des fonctionnaires lanceurs d'alerte vulnérables.

4.3. Un contrôle citoyen délicat

5. Une réponse juridictionnelle insuffisante

5.1. La lenteur de la procédure devant les tribunaux administratifs.

5.2. Des juridictions judiciaires peu spécialisées.

5.3. L'irresponsabilité des élus ordonnateurs.*

6. Renforcer la coopération sur un plan européen.

Résumé des propositions

Préambule

Le retour à une saine transparence et à des mécanismes efficients de contrôle


doit contribuer à restaurer la confiance perdue dans notre modèle
démocratique et notre

Etat de droit. C'est un enjeu citoyen de cohésion sociale, au-delà de la seule


dimension économique de tels risques.

1. Les marchés publics, pièges à corruption

Dans tous les domaines d’activité, les marchés publics constituent l’un des
supports privilégiés du développement de la corruption et des détournements
de fonds publics. Tous les montages possibles ont été réfléchis,
professionnalisés et les argumentations huilées et organisées dans les
moindres détails afin de ponctionner sans risque les caisses publiques.
1.1. Les montages

Les montages sont conçus et adaptés à chacune des phases des marchés et
permettent de « guider » la décision portant le choix du bénéficiaire. Ces
manipulations ont pour conséquence financière une surévaluation du coût de
la prestation. En effet, le paiement de la corruption inhérente à ces
manipulations exige pour l’entreprise l’émission de surfacturations des
prestations qui permettent de payer le corrompu.

Les montages générant des flux de corruption concernent l’ensemble des


opérations liées aux marchés :

• Les études effectuées en amont de la passation du marché peuvent faire


l’objet de surfacturations voire pour des montants plus faibles de vraies fausses
factures, s’agissant de prestations immatérielles il est plus aisé de procéder de
cette manière. Ces études peuvent aussi orienter les offres vers un bénéficiaire.

• L’évaluation du besoin et la préparation de l’appel d’offres peuvent


également faire l’objet de manipulations.

• L’évaluation des offres et la désignation du bénéficiaire peuvent être biaisées.

• Au cours de l’exécution des travaux des surfacturations ou la remise de


prestations de moindre qualité permettent de disposer de fonds pour
rémunérer les corrompus.

• Au moment de la réception des travaux un contrôle inefficace valide les


manipulations précédentes tout comme lors de l’émission des avenants.

• Enfin des contentieux non causés peuvent majorer les pertes de la


collectivité.

Ces montages se matérialisent par des surfacturations, par des prestations sans
existence générant une caisse noire à la disposition du corrupteur. Les experts
évaluent la « déperdition » financière due aux fraudes relatives aux marchés
publics à 20 % des montants engagés et à près de 25 % pour les marchés privés.

Bien entendu ces chiffres sont toujours difficiles à valider en raison du


caractère occulte de cette infraction.
En outre, les marchés publics sont souvent le théâtre de lourds conflits
d’intérêts.

S’est-on jamais intéressé aux emprunts toxiques des collectivités ? Qui s’est
soucié des édiles qui détiennent des postes de contrôle, en général
d’administrateurs dans les banques qui ont vendu ces contrats ? Qui s’est
intéressé dans le cadre de partenariats publics privés aux liens directs ou
indirects entre les édiles et les sociétés qui ont bénéficié de cette manne ? Qui
s’est intéressé à la cohorte d’intermédiaires qui ont démarché des collectivités
pour placer ces produits nocifs et ces prestations incontrôlables ? Qui s’est
intéressé aux liens pouvant exister entre les membres des divers conseils
régionaux et les entreprises locales lors de la création d’éléphants blancs. Les
pays du sud ne sont pas les seuls à bâtir des barrages qui n’ont aucune
justification économique. La vente de terrains et les plus-values liées peuvent
constituer des raisons suffisantes à un engagement à fonds perdus ! Rien de
tout cela n’a été fait et pourtant certains conflits sont patents. S’il fallait
prendre une seule mesure de protection des deniers publics, nous pensons
qu’un contrôle approfondi de la régularité des opérations afférentes aux
marchés publics serait une bonne manière de protéger ces derniers.

Le constat de l’augmentation des dérives dans les marchés publics correspond


d’ailleurs, comme le décrit pertinemment Jacques de Saint Victor1, à la dérive
du capitalisme occidental qui génère des associations de prédateurs agissant
en toute bonne conscience et qui seraient extrêmement surpris s’il leur était
démontré que leur comportement ne se différencie guère d’une conduite
criminelle.

Le rapport Duchesneau décrit pour sa part un schéma intéressant de ce qui est


appelé la « corruption des ingénieurs » à Montréal. Il et fait apparaître un lien
très fort entre l’industrie, le financement occulte des partis et la corruption des
fonctionnaires sur un fond d’intrusion criminelle. D’après ce rapport 70 %
d’argent sale (surfacturé) disparaît dans les campagnes électorales, le reste
étant partagé entre les opérateurs. Il en ressort, outre le constat de la
reconnaissance du montage, un comportement sociologique poussant
l’ingénieur à se placer au même niveau que le corrupteur et il n’éprouve plus
aucun problème moral lorsqu’il reçoit des fonds occultes, cela fait partie du
système. La mise à jour de ce système, montre une fois de plus qu’il n’y a pas
de corruption politique sans corruption ou enrichissement illicite des acteurs
au préjudice de la collectivité et des contribuables.

Tous ces montages ne pourraient survivre longtemps s’ils n’étaient conçus et


réalisés en l’absence de toute transparence, et s’ils n’étaient accompagnés de
juristes, de techniciens, de comptables qui participent volontairement ou
contraints à la curée.

1.2. Le rôle de la criminalité organisée

1 Un pouvoir invisible : les mafias et la société démocratique (XIXème-XXIème


siècle),

Gallimard, 2012

L’implication criminelle n’est jamais très éloignée des marchés publics : cela
permet

aux criminels et mafieux divers de rester proche des pouvoirs de décision,


politiques ou autres.

De nombreuses pratiques mêlant marchés publics et criminalité sont


régulièrement constatées qui consistent notamment:

• à confier des travaux publics à des entreprises connues comme étant


détenues par des structures criminelles ;

• à confier des travaux de sous-traitance à des entreprises liées à des groupes


criminels. L’intérêt de cette pratique est évident les criminels prennent en
charge les divers financements illégaux et la « fourniture » des salariés
clandestins lors de la réalisation des travaux.

Le racket affecte aussi l’achat public : il faut payer pour se protéger d’un risque
qui n’existerait pas sans la présence criminelle. Il se matérialise, entre autres,
par des vols de métaux, des vols de matériel, des prêts usuraires à des
entreprises en difficulté, des chantages à l’embauche fictive ou par l’obligation
d’utiliser tel ou tel sous-traitant proche des criminels. Les vols divers sur les
chantiers (câbles, etc.) sont tels que, pour éviter l’arrêt des travaux, les
produits à risque sont livrés en plus grand nombre que nécessaire, le racket est
donc anticipé. Plus de cent cinquante millions seraient perdus par an pour ce
motif. Précisons toutefois que cette pratique affecte le secteur public comme le
secteur privé.

Certains bailleurs sociaux endurent la pression des caïds locaux désireux de «


taxer » les entreprises sur leur territoire. Cette forme de racket récurrente peut
être très violente ; des salariés ont même été blessés dans la région parisienne
par des armes à feu. Désormais, certaines entreprises travaillent bien avant
potron-minet et ferment le chantier avant le réveil des caïds pour limiter ces
risques. Des dispositifs regroupant les entrepreneurs, les structures policières
et judiciaires ainsi que les fédérations concernées ont été créés. Certaines
entreprises hésitent parfois à porter plainte, elles pensent ainsi protéger leurs
salariés et les marchés à venir, elles ont tort car elles facilitent la criminalisation
du secteur.

Fort discrète, « l’éco-mafia », ce néologisme qui décrit l’activité mafieuse dans


l’économie environnementale, s’accélère dans diverses régions et tout
récemment près de Paris. Un clan œuvrant dans le trafic de drogue, à l’instar
des « Soprano » de la série TV, aurait diversifié son activité en enfouissant des
déchets pouvant être toxiques sur des sites non conformes. Certains
agriculteurs auraient accepté, apparemment pour « rehausser » leur terrain de
recevoir ces déchets contre rémunération. Pour ce faire, une société écran et
une société spécialisée dans l’évacuation des chantiers BTP ayant accès aux
marchés publics auraient été utilisés. Des gravats pouvant contenir de
l’amiante auraient ainsi été disséminés tout près de l’autoroute de l’Est. Ces
exemples ont marqué l’opinion car ils ont été largement rapportés dans la
presse, le problème réside dans le fait que ce ne sont pas les seuls cas identifié
dans l’hexagone et nous craignons que l’ensemble des régions ne soient
concernées.

La corruption affecte les agents publics et privés et constitue l’une des dérives
majeures des marchés publics et privés internationaux. Elle se matérialise par
des montages organisés en amont des grands marchés (on paye pour obtenir
un marché) et par des paiements de facilitation destinés à « huiler » l’exécution
des travaux. Elle affecte aussi bien les « vieilles démocraties » que les pays
émergents.
Mais encore une fois ces modes de prédation ne seraient pas possibles si elles
n’étaient accompagnées par des techniciens du droit, des techniciens « métier
» et tout un ensemble d’accompagnateurs sans lesquels ces montages
deviendraient réellement risqués. Il est vain de traiter les problématiques de
corruption dans les marchés publics sans y intégrer les problématiques de
blanchiment. Les manipulations comptables savantes permettent d’emplir les
caisses noires et les comptes camouflés des corrompus, de les gérer et
d’installer à cette fin une protection juridique pertinente, de favoriser leur
rémunération financière et de rendre l’utilisation personnelle aisée.

C’est ce qu’on appelle le blanchiment. Dans cette opération se mélangent les


fonds provenant de la corruption, ceux de la fraude fiscale et ceux des activités
criminelles, l’ensemble étant agencé au millimètre par des conseillers avisés.

Il serait pertinent de poursuivre chaque fois qu’un cas de corruption est


identifié les organisateurs de ces montages qui consistent, rappelons-le, en une
appropriation d’argent public. Enfin les banques sans la complicité desquelles
ces opérations seraient quasiment impossibles à réaliser.

1.3. Une situation aggravée par les restrictions budgétaires.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, les acteurs économiques voient


leurs ventes se réduire auprès des structures publiques, dont le rôle jusqu'alors
consistait

à opérer des corrections économiques contracycliques qui consistaient à


investir quand l'économie va mal.

Ainsi le secteur privé peut être tenté ou contraint d'offrir certains « pot de vin »
à ceux qui acceptent ce type d'arrangement. De même, certains élus
favoriseraient leurs entreprises locales pour maintenir l'emploi. Au niveau
européen, plus de 4 entreprises sur 10 considèrent la corruption, mais aussi le
clientélisme et le népotisme, comme une source de problèmes dans les
affaires. Lorsqu’on leur demande précisément si la corruption est une source
de problèmes dans les affaires, 50 % des entreprises dans le secteur de la
construction et 33 % dans le secteur des télécommunications/technologies de
l'information estiment qu’il s’agit d’un problème grave2.
Par ailleurs, les entrepreneurs honnêtes qui dénoncent de telles manœuvres
frauduleuses sont de plus en plus exposés à des pratiques de rétorsion de type
mafieux. Ils ne bénéficient d'aucune protection de l'Etat et sont même mis en
cause dans certaines procédures, notamment pour diffamation. Ceci contribue
à mettre en place un réel système de cooptation entre personnalités politiques
et entreprises, parfois sous la contrainte.

2 Eurobaromètre sur la corruption 2014.

M est un entrepreneur de l'Est de la France. Il a été sollicité pour créer avec

des partenaires une entreprise intervenant dans les travaux publics. En tant

que co-gérant il était amené à signer des paiements de l'entreprise. Il s'est vite
rendu compte que ses "partenaires" entretenaient des ententes avec d'autres
entreprises. Un jour, on lui a demandé de signer et remettre un chèque pour le
compte d'un élu local aux fins de financer une campagne électorale. Il a
rapidement pris la décision de dénoncer à la direction générale de la
concurrence, de la répression et de la répression des fraudes (DGCRRF) ces faits
délictueux. Sur la base de ces faits, une instruction a été ouverte, qui a connu
aujourd'hui trois magistrats différents. Depuis dans sa région d'exercice, aucun
marché ne lui est attribué, même lorsque sa nouvelle société apparaît la mieux-
disante ; il a dû ainsi déposer son bilan. Mais ce qui est plus grave c'est que M.
M a été victime d'atteintes directes à sa sécurité. Il demande aujourd'hui à
l'Etat d'organiser sa protection et celle de sa famille. Cette affaire qui a plus de
cinq ans n'a toujours pas été jugée.

2. Les alertes

2.1. Le rapport de l'Union européenne

Dans son rapport de février 2014, la Commission européenne considère que


lutter contre la corruption "contribue à la compétitivité de l’UE dans
l’économie mondiale".
En effet, la corruption contredit les principes de libre concurrence des
opérateurs sur un marché économique, et participe au manque de
transparence d'accès et d'égalité devant la commande publique.

Pour la Commission, la valeur des appels d’offres publiés au Journal officiel en


pourcentage des dépenses totales en travaux, biens et services publics s’élevait
18,5% du PIB de la France en 2011 soit 380 milliards d'euros3.

Dans son rapport sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment


de capitaux publié le 26 septembre 2013, le Parlement européen considère que
bien souvent, la corruption d'agents de la fonction publique sert la criminalité
organisée dans ses trafics illicites en ce qu'elle lui permet, notamment, d'avoir
accès à des informations confidentielles, d'obtenir de faux documents, de
piloter des procédures de passation de marchés publics, de recycler ses
revenus et d'échapper aux mesures répressives des autorités judiciaires et de la
police

4. Le rapport recommande que les agents économiques enregistrés dans des


paradis fiscaux reconnus comme tels par les organisations internationales
soient exclus de toute participation à des marchés publics.

Il recommande aussi un renforcement des mécanismes destinés à accroître la


transparence et l'intégrité et à réduire la bureaucratie dans l'administration
publique

3. Annexe au rapport anticorruption de l'UE, 3 février 2014, Com(2014) 38; la


Commission retient une acception large de la notion de commande publique;

4 Rapport sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de


capitaux : recommandations sur des actions et des initiatives à entreprendre,
Parlement européen, 26 septembre 2013; et les autres organismes publics, à
commencer par le domaine très délicat des procédures de passation de
marchés publics.

2.2. Le rapport du Service central de prévention de la corruption (SCPC)

Le rapport 2014 du SCPC décrit le droit des marchés publics comme "mouvant
et facilement contourné": l'acheteur public dispose de nombreuses possibilités
de détourner les règles pour avantager certaines entreprises à des fins
d’enrichissement personnel, ou pour soutenir des proches, ou encore pour
financer l’action politique".

Et le risque n'est pas moins élevé en matière de délégation de services publics


et de partenariat public-privé5.

Le code pénal prévoit un délit spécifique condamnant les manquements à la


réglementation relative aux marchés publics: le délit de favoritisme. Le SCPC a
toutefois relevé qu’entre 2007 et 2010, aucune peine de prison n’avait été
prononcée sur le fondement de cette disposition: il a recensé 25
condamnations ayant donné lieu à des peines d’emprisonnement avec sursis et
20 affaires dans lesquelles des amendes avaient été infligées. Ces amendes
étaient comprises entre 2 333 € et 5 333 €.

2.3. Le rapport d'information du Sénat.

Le rapport d'information du Sénat, publié le 25 janvier 2012 (n°300) constatait


que le contrôle de légalité était devenu “une passoire à géométrie variable” : la
situation et les perspectives d'évolution de ces contrôles suscitent souvent,
chez les acteurs de la décentralisation, pessimisme, découragement, voire
désarroi : élus et fonctionnaires territoriaux contestent l'effectivité, l'efficacité,
l'utilité d'un contrôle de légalité en déliquescence qui, pour nombre d'entre
eux, représente au mieux une fiction, au pire une contrainte plutôt qu'une
forme d'assistance ; la portée de l'examen de la gestion n'est à la hauteur ni
des enjeux, ni de la qualité des membres des chambres régionales et
territoriales des comptes".

Les mécanismes de contrôle et de gestion des risques demeurent insuffisants,


bien que la France se soit dotée de la plupart des instruments juridiques et des
institutions nécessaires pour prévenir et combattre la corruption.

3. Les failles de la chaîne de contrôle

3.1. Un contrôle a priori négligé

Le contrôle a priori s'effectue lors de la procédure de contractualisation, dans


les collectivités locales:

- au moment de la sélection des candidats lors des commissions d'appel


d'offres, puis des conseils municipaux
5 Rapport du SCPC pour 2014.

10

- au moment de la contractualisation, par le contrôle de légalité dans les


collectivités, et s'il y a lieu par le juge des référés lors de référés
précontractuels.

Les commissions d'appel d'offres (CAO) sont constituées à titre permanent


d'élus de la majorité et de l'opposition. Le comptable publique et un
représentant de la Direction départementale de la protection des populations
(DDPP) peuvent également être invités. Les élus sont désignés pour toute la
durée de leur mandat.

Cependant il peut être difficile de réunir le quorum puisque dans les grandes
collectivités ces commissions sont régulières et se déroulent souvent en
journée. De plus l'analyse réelle des offres, parfois complexes, a été
préalablement réalisée par les services de la collectivité qui ne font que
présenter le résultat de leur analyse sans réellement avoir le temps de rentrer
dans le dossier. Il n'existe pas de base normative ni en termes de définition et
choix des critères de sélection, ni en termes de méthode d'analyse. Ceci laisse
une grande liberté aux pouvoirs adjudicateurs, et il devient dès lors difficile
d'expliciter une méthode plutôt qu'une autre devant le juge, Il est regrettable
que les CAO ne soient pas plus collégiales et ouvertes sur des personnalités
civiles tirées au sort par exemple ou sur un complément de personnalités
qualifiées respectant une compétence métier. La convocation des
représentants de l'Etat que sont le comptable public et la DDPP est seulement
facultative (contrairement aux commissions de délégation de service public).

En deçà d’un certain seuil (207 000 € HT pour les marchés de fournitures et de
service et 5 186 000 € HT pour les marchés de travaux), les marchés publics ne
passent même pas devant la CAO. Le pouvoir adjudicateur peut également
prévoir une phase de négociation dans la plus grande opacité. Quant aux
marchés de moins de 15 000 €, la mise en concurrence n’est pas obligatoire.

Le contrôle de légalité pêche aujourd'hui par une réduction des moyens qui le
rend presque inopérant, puisque tous les actes n'y sont pas forcément soumis
et que les agents chargés du contrôle sont de moins en moins nombreux et
formés. Ce sont souvent des agents de catégorie B qui doivent contrôler
aujourd'hui des montages complexes pour lesquels ils n'ont pas été formés
(type partenariat public-privé, délégation de service public) et qui ont été
élaborés en collectivité par des fonctionnaires A+.

Avec la dématérialisation des actes, des contrôles automatisés pourraient être


effectués (par exemple pour connaître l'historique d'un marché et contrôler la
passation d'avenants qui ne doivent pas faire dépasser le montant initiale du
marché de plus de 15 %). Par ailleurs les actes de sous-traitance sont une voie
d'exécution des prestations ne sont pas soumis au contrôle de légalité. Ils
échappent donc à tout contrôle, et ne peuvent faire l'objet d'un recours,
l'information n'étant pas publique.

Proposition n° 1 : Renforcer les Commissions d’appels d’offres :

D’une part, en créant des jurys citoyens volontaires par tirage au sort
concernant tout ce qui aurait trait à la conception ou l'attribution des marchés,

y compris négociés. Ainsi des CAO citoyennes paritaires (élus, citoyens,


personnalités qualifiées) devraient valider les dossiers de consultations des

11 entreprises préalablement à toute publicité et l'attribution suivraient cette


même procédure.

D’autre part, en rendant obligatoire la convocation du comptable public et d'un


représentant de la Direction départementale de la protection des populations.

3.2. Un contrôle de l'exécution aléatoire

Les risques de corruption s'avèrent plus élevés au niveau local, où les garde-
fous et les contrôles internes tendent à être moins stricts qu’au niveau
national. En collectivité, les agents des services marchés et finances effectuent
un contrôle interne avant paiement (contrôle ordonnateur). Ensuite la
Direction générale des Finances publiques (DGFIP) après visa de la dépense met
au règlement les sommes dues.

Sur le contrôle interne à la collectivité, les agents des services fonctionnels


concernés se trouvent en difficulté quand c'est leur plus haute hiérarchie
(Direction générale, Maire ou Président) qui est elle-même partie prenante à la
dérive frauduleuse. Il devient dès lors très délicat de s'y opposer même en
termes d'alerte simple. On ne peut ignorer que les détenteurs du pouvoir
disciplinaire abusent de leur autorité pour restreindre toute velléité des
fonctionnaires à faire éclater la vérité.

Mme K est haut fonctionnaire territorial d'une collectivité importante de la


région parisienne. En tant que directrice des finances et de la commande
publique elle a constaté depuis son arrivée en 2011 que bien que le maire soit
magistrat, la ville avait peu recours aux marchés formalisés pour ses
prestations courantes notamment en matière de dépenses de communication.

En période électorale, après avoir constaté l'existence d'emplois fictifs, de


fausses factures, de loyers impayés notamment pour des élus de la ville, ainsi
que des frais de campagne et de coaching de l'ancien comme du nouveau
maire là aussi sans consultation, elle a décidé de ne plus exercer sa délégation
de signature. Après en avoir informé sa hiérarchie, elle a été contrainte de faire
un signalement au procureur au titre de l'article 40, comme la loi l'y oblige.
Depuis après avoir été suspendue de ses fonctions, et après que le maire ait
plaidé la révocation des cadres, Mme K a fait l'objet d'une mesure d'exclusion
sans salaire et sans droit au chômage d'une durée de deux ans, le dossier
monté par le maire repose sur de faux témoignages non signés, avec des griefs
non matérialisés ou obsolètes. Elle a demandé au tribunal administratif
l'annulation mesure disciplinaire mais elle doit affronter la longueur de la
procédure. Entre-temps la ville lui interdit d'exercer dans le secteur privé et le
secteur public comment est-ce possible ? La ville refuse aussi sa mutation, ce
qui est contraire à la Constitution et à la Déclaration des Droits de l'Homme.
Mme K est dépourvue de tout revenu. Les comptables publics qui dépendent
de la DGFIP sont aujourd'hui en réelle difficulté, seuls à pouvoir être traduits
devant le juge des comptes. En effet ce service a vu ses moyens se réduire de
manière drastique ces dernières années. Ainsi a été mis en place ce qu'on
appelle le contrôle hiérarchisé de la dépense qui laisse à 12 chaque comptable
la possibilité de définir son plan de contrôle qui ne peut être qu'aléatoire,
l'exhaustivité du contrôle n'étant plus opérable. Les comptables sont donc
tentés d'identifier "les gros risques" c'est-à-dire les montants importants et le
contrôle des marchés. Mais ils laissent souvent passer les pratiques de
saucissonnage ou l'absence de recours à une mise en concurrence puisque
considérés comme risques faibles (sauf si on les agrège bien sûr). Les
comptables publics chargés des seuls paiements n'analysent que les pièces
contractuelles signées, et donc pas l'amont des procédures d'appel d'offres
(publicité, critères de sélection).

Enfin le contrôle des actes d'exécution a posteriori n'existe pas, et un


comptable public ne peut revenir sur une dépense qu'il a préalablement visée
même par erreur, sans l'autorisation de l'ordonnateur.

Par ailleurs, nous constatons aussi que, majoritairement non assujetties à la


TVA, les collectivités et établissements publics font très peu l'objet de contrôles
fiscaux ou même de contrôles de l'URSSAF. Or compte-tenu des sommes en jeu
en matière contractuelle, ou de l'emploi important de vacataires ou
d'entreprises intermittentes du spectacle, cette source d'enquête n'est pas
neutre dans la connaissance des filières de corruption.

3.3. L’insuffisance du contrôle des Chambres Régionales des Comptes

Le contrôle de la phase d'exécution (postérieure à l'attribution) semble faire


l’objet d’un suivi moins attentif. Même si les chambres régionales des comptes
sont devenues des acteurs incontournables de la détection des lacunes et
faiblesses des procédures de marchés publics, elles ont peu de moyens pour
condamner de telles pratiques.

Leur compétence regroupe deux ordres: le contrôle de la gestion des


ordonnateurs (qui ne rend qu'un simple avis sur la bonne utilisation des deniers
publics); et le contrôle juridictionnel, qui juge les comptes des seuls comptables
publics.

Or le contrôle de gestion est très aléatoire et irrégulier dans le temps. Ainsi


certaines collectivités ne sont presque jamais contrôlées, celles de plus de
50000 habitants en général tous les cinq ans. Le résultat du contrôle donne lieu
à de simples recommandations, qui sont dans cette matière insuffisamment
suivies, puisque personne ne s'assure de leur effectivité. Enfin la méthodologie
de chaque magistrat instructeur est très disparate, si certains utilisent des
formulaires de contrôle assez exhaustifs (en demandant des listes bien
détaillées des prestations hors marchés, du montant des avenants etc..),
certains se contentent des documents parfois non chiffrés produits par la
collectivité. Le plan de contrôle, la doctrine de l'institution et sa méthodologie
d'analyse de base ne sont définies nulle part au niveau interne. Le résultat des
avis et recommandations ne peut être que disparate.

3.4. L’affaiblissement des autorités de contrôle

En France, il n'y a pas d'agence anticorruption ni de stratégie nationale en


matière de contrôle des marchés publics. Or ce problème devrait être abordé
d'une manière

13. globale : il devient urgent qu'un pilotage et une coordination des services
soient mis en place et que les administrations travaillent de concert.

Le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC), créé en 1993 par la loi

Sapin de prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique,


analyse les données sur la corruption en France et coordonne les politiques de
prévention. Placé auprès du ministre de la justice et dirigé par un magistrat, le
SCPC dresse l’état des lieux sur la corruption, met en évidence certains
problèmes, et formule des recommandations dans son rapport d’activité
annuel. Il n'est pas procédé à la collecte systématique des données sur
l'étendue des réseaux et des incidents de corruption. Au fil des ans, plusieurs
projets destinés à réviser et à étendre ses compétences ont été élaborés. Le
SCPC observe lui-même que ses pouvoirs ne sont plus adaptés aux nécessités
actuelles de la prévention de la corruption, publique ou privée, nationale ou
internationale. Il était recommandé d’explorer la possibilité que les citoyens
puissent faire part anonymement au SCPC

de soupçons de corruption, ainsi que de permettre aux personnes physiques et


morales de s’adresser au SCPC ou à des services similaires en cas de suspicions.

Le SCPC ne peut pas enquêter sur des allégations ni réparer les préjudices
qu'un lanceur d'alerte est susceptible d'avoir subis.

La Mission interministérielle d'enquête sur les marchés et les conventions de


délégation de service public a été créée par une loi de 1991 relative à la
transparence et à la régularité des procédures de marchés. Ses pouvoirs ont
été renforcés par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la
corruption. Elle devait vérifier les conditions de régularité et d'impartialité dans
lesquelles sont préparés, passés ou exécutés les marchés et les conventions de
délégation de service public. Entre 1991 et 2004, elle a ainsi été saisie de 375
affaires (186 demandes de rapport et 189 demandes d'avis). 106 procédures
ont été transmises au parquet. L'objet de la mission était de relever les
manquements commis par des acheteurs publics dans la passation de marchés
ou de conventions de délégation de service public.

Ses membres pouvaient constater par procès-verbal les infractions au code des
marchés publics. Ils avaient, sur autorisation judiciaire, le pouvoir de procéder
à des perquisitions et saisies. Ils étaient habilités pour effectuer des enquêtes
sur des marchés couverts par la secrète défense. Mais, à partir d'avril 2003
aucune ne demande d'enquête n'a plus été adressée à la Mission. Le dernier
rapport, paru en 2004, fait état d'une réticence des autorités habilitées à saisir
la Mission en raison du risque pénal encouru par les acheteurs publics. Puis la
mission a été neutralisée par le non renouvellement de ses effectifs.

Les officiers de police judiciaire sont aussi compétents pour constater les
infractions en matière de marchés publics. Mais il n'existe plus de service
central réunissant l'expertise de plusieurs ministères et prenant en compte la
complexité de la commande publique.

La neutralisation de la Mission se situe dans un contexte général


d'affaiblissement du contrôle des marchés publics. Trois décrets de 2008 ont
ainsi augmenté les seuils au dessous desquels les marchés peuvent être conclus
sans publicité ni concurrence

14 préalables, pour les aligner sur les montants de l'Union européenne. Un élu
d’une collectivité de taille moyenne peut désormais passer l’essentiel de ses
marchés de travaux sans recourir à l’appel d’offres.

Par ailleurs, les services de la direction générale de la concurrence, de la


répression et de la répression des fraudes ont été éclatés dans des entités
départementales, placés sous l'autorité des préfets, ce qui rend plus difficile la
coordination contre des pratiques illicites sur le plan national. D'autant plus
que ces structures n'ont pas seulement pour mission de surveiller les marchés
publics. Elles ont de nombreuses autres attributions et les préfets ne font pas
du contrôle des marchés publics une priorité.
L'obligation de convoquer le représentant de la direction générale de la
concurrence aux commissions d'appel d'offres des collectivités locales a été
supprimée. Pourtant, ces fonctionnaires étaient bien placés pour alerter les
autorités compétentes sur les irrégularités en matière d'appel d'offres, et leur
participation pouvait faire obstacle aux pratiques de favoritisme.

Enfin, la consultation de la Mission d'appui à la réalisation des contrats de


partenariat, organisme expert rattaché au ministre chargé de l'Économie et des
Finances, et chargé de procéder à l'évaluation des projets de partenariat
Public-Privé n'est pas obligatoire pour les collectivités territoriales, ce qui est
inquiétant pour la sécurité de la passation des contrats de partenariat.

Proposition n° 2 : Créer des structures spécialisées et développer les conditions


de contrôle de la commande publique.

Ces structures devraient notamment disposer d'un pouvoir de contrôle


renforcé :

• par l'utilisation obligatoire d'un logiciel de gestion des marchés publics et la


création d'un fichier central de passation des marchés publics ;

• par l'établissement systématique de rapports de négociation afin d’assurer,


pour les marchés négociés, la traçabilité de l’ensemble de la procédure de
négociation (notamment lorsque apparaît une modification du classement des
offres après la négociation) ;

• par la clarification du régime permettant de passer des avenants à un marché


ou à une délégation de service public ;

• par l'accès effectif des conseillers aux documents afférents aux marchés et
contrat en temps utile avant les réunions délibératives ;

• par l'obligation pour les exécutifs locaux de publier le compte rendu de


l'exécution des opérations d'équipement.

Plus généralement, le développement de l'audit de fraude, l'établissement


d'une cartographie des risques, des recherches ciblées, qui étaient auparavant
de la compétence de la mission interministérielle, pourraient être confiés au
SCPC.4. La difficulté à donner l'alerte15
4.1. L'absence de veille

Les services instructeurs des marchés, au moment des constitutions de dossier


de consultation, sont essentiellement actifs sur l'aspect rédactionnel, pour
l'écriture des conditions réglementaires des candidatures. Il n'y a que rarement
des contrôles financiers, de cohérence (éviter le saucissonnage), ou des retours
d'expérience etc.

Il n'y a pas d'observatoire économique des secteurs marchands concernés par


un appel d'offre, ni en interne ni en mutualisation externe. Ceci permettrait
déjà, à un stade préalable, de connaître l'organisation oligopolistique des
secteurs concernés, leurs ententes statutaires ou officieuses, leurs types de prix
etc., comme le ferait un grand acheteur privé. Il est probable que si les
groupements de commandes in house ou externalisés se développent, via
l'Union des Groupements d'Achat Public

(UGAP) par exemple, cette approche économique se renforce.

Il devrait aussi exister une base de données accessible aux acheteurs publics ou
un lien vers les plateformes centralisées d'achat, qui recenserait les données
des tribunaux et chambres de commerce concernant les entreprises
soumissionnaires (reprises d'activité, cessation de paiement, etc..).

Les clubs d'acheteurs sont pratiquement inexistants alors qu'ils permettraient


aux administrations d'harmoniser leurs pratiques ou leurs contrôles de manière
plus partagée. A cet effet il semblerait légitime que la DGFIP puisse jouer un
rôle d'animation et de veille constructif. Nous constatons aujourd'hui que c'est
le Groupe

Moniteur émanation du secteur du BTP, qui est le plus proactif sur ces
questions, même si la question de sa neutralité peut se poser. Du point de vue
de la formation et de la montée en compétence des agents sur des procédures
de plus en plus complexes et auxquelles s'ajoutent un certain nombre de
contraintes techniques ou réglementaires, environnementales, la puissance
publique n'a pas l'ingénierie de formation nécessaire aujourd'hui. D'ailleurs la
formation continue, notamment des cadres dans la Fonction Publique
Territoriale (FPT) ou la FPH (Fonction Publique
Hospitalière), atteint des niveaux inquiétants. Enfin, il est manifeste que dans
les secteur des travaux publics, de la gestion de l'environnement, de
l'aménagement urbain et du développement d'infrastructures, devant cette
complexité technique croissante, les entités publiques recrutent de plus en plus
de chargés d'opérations issus de bureaux d'études techniques, souvent
prestataires permanents des acheteurs publics. Si une vigilance existe
concernant le contrôle du pantouflage c'est-à-dire le départ d'un fonctionnaire
dans le secteur privé, il serait opportun que l'inverse puisse aussi faire l'objet
au moins d'un code de déontologie spécifique ou de procédures de contrôle.

Proposition n° 3 : Développer la formation initiale et continue des élus locaux


et des fonctionnaires, comprenant notamment une sensibilisation à la
prévention des atteintes à la probité ; ces formations seraient assurées par un
"Réseau des écoles de service public" qui en garantirait la qualité.

4.2. Des fonctionnaires vulnérables.

16

La France a fait le choix d'avoir une fonction publique sous protection


statutaire, pour elle seule garante d'une neutralité de ses agents d'exécution
devant le pouvoir exécutif, contribuant ainsi à limiter le développement de la
corruption. Encore faudrait-il que cette protection statutaire soit une réalité.
L'article 40 du code de procédure pénale libère partiellement le fonctionnaire.
Il permet notamment aux agents de signaler des faits au procureur sans en
référer à leur hiérarchie. Ainsi, pour un agent qui avait révélé au parquet des
fraudes lors d'un recensement et révoqué par le maire : la sanction a été
annulée, et sa réintégration ordonnée par le Conseil d'Etat4. Depuis 2007,
l'article L2211-2 du code général des collectivités territoriales fait même
explicitement obligation aux maires de signaler les infractions.

Mais le non respect de l'article 40 n'est pas sanctionné et la hiérarchie n'incite


guère au signalement d'affaires sensibles. C'est un dispositif imparfait et
largement sousutilisé6.

Cela s'explique par le fait que les agents sont sous l'autorité hiérarchique des
élus et d’autres fonctionnaires. Ils sont soumis au pouvoir disciplinaire des élus
siégeant en
Commission Administrative Paritaire (CAP), constituées de pairs mais aussi
d'élus qui peuvent être de leur propre collectivité.

Et des deux tiers des 36 497 recrutements externes effectuées en 2011 par les
collectivités locales et les Etablissements Publics de Coopération
Intercommunale ont été effectuées sans concours (agents contractuels et
agents de la catégorie C).

Le recrutement des agents de catégorie C est discrétionnaire avec un risque


élevé de clientélisme. Le recrutement de contractuels s’effectue souvent dans
des conditions de transparence médiocres (publicité des vacances de postes
éludée ou réduite au strict minimum, motivation du recrutement faiblement
développée). Dans un contexte de crise sur le marché de l’emploi, ces
recrutements sont susceptibles de donner lieu à contrepartie matérielle
(services) ou morale (engagement politique).

Proposition n° 4 : Instaurer la transparence du recrutement et de la promotion


des agents publics locaux.

La bourse interministérielle de l’emploi public ne concerne pas, à l’heure


actuelle, la fonction publique territoriale. Or, la transparence dans le
recrutement des agents territoriaux est un élément important pour limiter le
risque de dépendance clientéliste au sein du personnel des collectivités et de
leurs groupements et de création d’un climat de connivence favorable à la
commission d’atteintes à la probité. Il en va de même de la transparence des
promotions.

C'est pourquoi il conviendrait notamment :

6 Laure Romanet, le dispositif d'alerte éthique de l'article 40 al. 2 du code de


procédure pénale,

Revue du Grasco

17

• de rendre obligatoire la convocation d’un représentant syndical et d’un


membre de l’opposition aux jurys de recrutement
• d'améliorer la transparence du recrutement et de la promotion des agents
locaux en créant un portail national unique de l'emploi public local

• d'élaborer un statut protecteur pour les directeurs généraux des services,


apparenté à celui des directeurs d’hôpitaux ou des directeurs d’offices publics
d’HLM afin de faciliter la possibilité éventuelle de résister à des ordres illégaux.

Le cas échéant, il est difficile pour les agents de trouver un avocat de droit
public pour les défendre, car les collectivités travaillent avec beaucoup de
cabinets en matière d'urbanisme, de contrats, mais aussi de discipline et il est
donc soit plus rentable d'avoir un contrat avec une collectivité apporteuse
d'affaires, ou simplement il existe dans beaucoup de cas des conflits d'intérêts
des avocats qui ne peuvent défendre leurs dossiers. Et contrairement à ce que
l'on croit, il existe peu de présence syndicale, surtout dans les petites
structures et leurs représentants ne connaissent pas suffisamment l'approche
de la dénonciation motivée d'infractions en droit public. Enfin les frais dits de
dépens des affaires administratives que sont les procédures disciplinaires sont
mises à la charge des seuls fonctionnaires et sont très importants, alors que ces
mêmes charges pour la partie adverse publique rédactrice d'un acte
disciplinaire est mis à la charge de la collectivité. Il y a donc une distorsion de
moyens ouverts en termes de voies de défense entre les parties.

Il est donc manifeste que ces agents sont très peu encouragés à dénoncer des
faits de corruption, puisqu'ils se retrouvent à en subir les risques sur leur
carrière de manière durable, d'autant que les tribunaux administratifs mettent
deux ou trois ans pour statuer sur leur cas individuel. De plus s'ils parlent, on
leur reproche d'avoir trahi leur collectivité.

Proposition n° 5 : Protéger efficacement les lanceurs d'alerte

En premier lieu, les textes doivent être clarifiés. Ainsi, au Royaume-Uni, la


législation, adoptée en 1998, protège, de façon très générale, les acteurs
publics et privés qui signalent des infractions (dont le champ est large), des
risques pour la santé et l'environnement ou encore des éléments permettant
d'établir ou de prévenir des erreurs judiciaires. La protection est acquise si le
lanceur d'alerte peut raisonnablement considérer que la divulgation est
d'intérêt général. La loi prévoit des dispositions contre le licenciement abusif,
un aménagement de la charge de la preuve en cas de procès, ainsi que la
possibilité d'être indemnisé dans la limite de cinq millions de livres.

Le Canada connaît une législation comparable pour le secteur public : la loi de


protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, promulguée

en 2005.

18

En deuxième lieu, les lanceurs d'alerte doivent être en mesure de s'adresser à


un interlocuteur sûr et clairement identifié. Le cas échéant, cet interlocuteur
doit pouvoir faire écran à la révélation de l'identité du divulgateur. La mise en
place de dispositifs d'alerte opérationnels est généralement accompagnée de la
nomination dans les organisations d'un référent ou déontologue qui peut
recueillir les signalements en toute confidentialité. Au Royaume-Uni, la loi
comporte aussi une liste de personnes ou d'autorités auxquelles le lanceur
d'alerte peut s'adresser, à défaut de son employeur.

De même, au Canada, les agents publics peuvent s'adresser à leur superviseur


ou à l'agent supérieur en matière de divulgation d'actes répréhensibles désigné
de leur administration. Ils peuvent aussi faire une divulgation protégée à un
tiers indépendant, le commissaire à l'intégrité du secteur public. La divulgation
peut être confidentielle.

En troisième lieu, la rétorsion contre le lanceur d'alerte doit être sanctionnée.


Au Canada, le commissaire à l'intégrité peut saisir le tribunal de la protection
des fonctionnaires divulgateurs. Cet organisme indépendant peut décider de
mesures de réparation, ainsi que de sanctions disciplinaires et financières à
l'encontre des auteurs de représailles. Aux Etats-Unis, la loi Sarbanes-Oxley
prévoit des peines d'amende ou d'emprisonnement pour des représailles à
l'encontre d'un lanceur d'alerte qui a fourni des éléments d'informations
véridiques sur la commission d'infractions aux autorités chargées d'assurer leur
respect

4.3. Un contrôle citoyen délicat.


Les contentieux ont lieu essentiellement au stade précontractuel, c'est-à-dire
avant la signature des contrats. La vie des contrats, qui va comporter le recours
exagéré à des avenants, une opacité entre la prestation commandée et la
prestation livrée (absence de service fait), ne fera que très rarement l'objet de
recours contentieux. Or c'est souvent là que se cache une surfacturation, un
détournement de fonds...

M. B est habitant d'une commune de région parisienne. Il a fait à maintes


reprises, la demande d'accès à divers documents administratifs depuis juillet
2014, notamment la transmission de copies relatives, entre autres, à divers
marchés publics tel que celui passé de 2008 à 2014 par sa commune avec la
« société Idée pole », filiale de Bygmalion. Il a par ailleurs demandé
communication des indemnités et frais de bouche des élus de sa commune.

La Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) a confirmé dans


un avis adressé au maire que cette demande citoyenne était bien fondée

et les documents communicables. En effet, la loi n°78-753 du 17 juillet 1978


reconnaît à toute personne le droit d’obtenir communication des documents
détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration.

Ce droit d’accès s’applique à tous les documents, quels qu’en soient la forme et
le support, que produisent les autorités administratives, mais aussi aux
documents qu’elles reçoivent des personnes publiques ou privées. L’article L.

192141-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) rappelle que le


"le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci
est un principe essentiel de la démocratie locale.

Devant l'indifférence de la mairie valant refus implicite en droit, M. B a déposé


une requête auprès du Tribunal administratif afin d'obtenir la communication
des documents sollicités il y a maintenant plus de cinq mois.

Proposition n° 6 : Prévoir une sanction pénale en cas de non-exécution d’une


décision de la Commission d’accès aux documents administratifs.

Plus généralement, il est difficile aux citoyens d'exercer leur vigilance. Dans ce
contexte, Anticor a proposé aux candidats aux élections locales la signature
d’une charte éthique. Sur ce modèle, le dernier rapport du SCPC propose
l’élaboration d’une charge déontologique-type nationale, déclinée pour chaque
collectivité, afin notamment de prévenir les conflits d’intérêts. Une formation
adéquate devrait aussi permettre aux intéressés de s’approprier les
dispositions de cette charte. Cette charte serait aussi opposable, c’est-à-dire
que des sanctions seraient attachées au non respect de la déontologie.

Proposition n° 7 : Elaborer une charte déontologique type pour les élus et


fonctionnaires locaux.

5. Une réponse juridictionnelle insuffisante

5.1. Des tribunaux administratifs peu saisis.

Les réformes successives du contrôle de légalité n’ont pas réussi à masquer la


réduction drastique des moyens dont il a fait l’objet dans le cadre de la RGPP.
Entre

2009 et 2011, les effectifs consacrés au contrôle de légalité et budgétaire ont


été réduits de plus de 20%. Ils sont essentiellement composés de personnels de
catégorie B ou C, alors que les actes des collectivités territoriales sont
majoritairement élaborés par des agents de catégorie A. Le décalage entre
«contrôleur» et « contrôlés » s’accroît, avec pour conséquence une disparition
de facto du contrôle de légalité7.

Cela explique en partie au moins, un exercice très modéré par les préfets de
leur pouvoir de déférer aux tribunaux administratifs des marchés publics
posant un problème de légalité. Cette situation n'est pas compensée que très
partiellement par la possibilité pour des citoyens de saisir cette juridiction, car
ces derniers doivent démontrer leur intérêt particulier à agir.

Certes, le Conseil d’État a ouvert récemment aux tiers justifiant d’un intérêt
lésé par un contrat administratif la possibilité de contester sa validité devant le
juge du

contrat8. Mais seuls certains tiers seront recevables à former un tel recours, et
7 Rapport du Sénat, op. cit.

8 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne.


20 d'autre part, seuls certains moyens, tirés d’illégalités particulièrement
graves ou en rapport direct avec l’intérêt lésé des tiers requérants, seront
susceptibles d'être soulevés.

Enfin, lorsqu'elle est saisie, la juridiction administrative est lente. Devant un


tribunal administratif, le délai moyen qui sépare le dépôt d’une requête de son
jugement est compris entre sept mois et deux ans et demi selon la nature et la
difficulté des dossiers.

Certes, le référé précontractuel permet aux opérateurs économiques de saisir


le juge administratif, avant même que le contrat soit signé, à un stade où les
éventuelles

violations aux règles de publicité et de mise en concurrence peuvent encore


être empêchées ou corrigées. Le référé contractuel permet de sanctionner
rapidement, après la conclusion du contrat, dans des délais adaptés aux
impératifs de la vie économique, les manquements les plus graves aux règles
de publicité et de mise en concurrence. Mais ces procédures d'urgence ne
tempèrent qu'en partie seulement la lenteur de ces juridictions.

Proposition n° 8 : Rénover le contrôle de légalité en confiant ce contrôle à une


nouvelle institution

Chiffres et témoignages conduisent à la même conclusion : le contrôle de


légalité est devenu une véritable passoire. Cette situation est un facteur
d'insécurité juridique, propice aux dérives dans l'application de la loi par les
collectivités locales.

Mais ce n'est pas seulement une question de moyens : ce contrôle de légalité


revient au préfet, qui est nommé par le président de la République. Il a donc
une dimension politique, car le préfet ne peut prendre le risque de s'opposer
durablement à des élus, surtout ceux de la majorité au pouvoir.

La possibilité de confier ce contrôle à une nouvelle institution qui serait créée


dans les juridictions administratives doit être envisagée. Cela ne change rien à
la nature de la mission des services de l'Etat en ce domaine, et notamment à la
possibilité d'apporter une assistance juridique aux collectivités locales. En
revanche, pour les manquements graves, la réponse de l'Etat ne dépendra que
de magistrats indépendants et impartiaux. D'autres pays, comme l'Espagne ou
le Portugal, disposent déjà d'un parquet administratif.

Cette réforme peut être faite à coût nul, par une évolution des fonctions des
rapporteurs publics dont le rôle est aujourd’hui limité à la présentation de
conclusions devant la juridiction administrative et la mise à leur disposition des
fonctionnaires qui sont actuellement en charge du contrôle de légalité.

5.2. Une transmission insuffisante des informations entre les juridictions.

21

En principe, la création des juridictions interrégionales spécialisées dans les


affaires de grande complexité devait apporter un remède à la difficulté de saisir
les affaires les plus importantes de commande publique.

Mais les agents d'enquête connaissent peu la finesse du droit public et


n'identifient pas toujours un soupçon de délit, s'il n'y a pas de manière
évidente dans le dossier des éléments déjà déposés de soupçon
d'enrichissement personnel.

Surtout, la compétence qui existent au niveau des tribunaux administratifs, des


chambres régionales des comptes, du trésor sur ces sujets ne sont pas mises de
manière systématique à contribution : la décision de transmettre aux
procureurs des faits susceptibles de constituer une infraction pénale dépend
des juridictions et souvent des initiatives personnelles des magistrats
concernés. Régulièrement, des circulaires rappellent l'opportunité d'une
transmission plus rapide et systématique des informations entre ordres de
juridictions, mais elles sont inégalement suivies9.

Le contrôle des juridictions financières portant souvent sur des pièces


comptables disponibles plusieurs mois après la fin de l’exercice, dont l’examen
dans le respect du principe de la contradiction nécessite du temps, il arrive que
l’action publique sur les faits signalés à l’autorité judiciaire soit déjà prescrite.
Un nombre encore trop important de signalements transmis par les juridictions
financières est classé sans suite pour des motifs liés à la prescription. Les
atteintes à la probité s’inscrivent dans des modes opératoires souvent
complexes et revêtent par nature un caractère occulte, le préjudice étant
souvent difficilement perceptible par les personnes physiques ou morales
victimes.

Monsieur H est salarié, responsable de gestion comptable de la SA d'un


aéroport régional, dont l'actionnariat est pour partie public via la Chambre de

Commerce et d’Industrie (CCI), l'Etat et les collectivités territoriales. Dans ce


cadre, il a dénoncé un montage visant à détourner en accord avec les décideurs
de l'entreprise des fonds publics. En septembre 2009, durant l'appel d'offres
"Mission de conseil et d'expertise comptable et fiscale", M. H se rend compte
que ce dernier ne respecte pas le principe d'égalité de traitement avec une
offre remise et montée par un "homme de paille", derrière lequel se cachait un
décideur de l'entreprise adjudicatrice, membre du conseil d'administration.

Par suite, un certain nombre de missions complémentaires non prévues ont été
facturées à l'aéroport, couvrant des dépenses personnelles des dirigeants.

De graves collusions d'intérêts entre ces contrats et les responsables de


l'aéroport ont pu ensuite être mis en exergue grâce à la vigilance de M. H.

Malheureusement M. H a été renvoyé de manière brutale en juin 2012, et a fait


appel au défenseur des Droits qui a demandé une enquête.

Monsieur H a été entendu par un inspecteur du Service Régional de Police

Judiciaire (SRPJ) en février 2014. En décembre 2014, l'enquêteur du SRPJ lui


explique que son "dossier sur les marchés de l'aéroport" avait opportunément

9 par ex. Circulaire du 10 décembre 2014 relative aux relations entre l'autorité
judiciaire et les juridictions financières.

22 (?) disparu, et lui indique qu'il faudrait fournir à nouveau toutes les pièces
pour

le reconstituer...

Proposition n° 9 : Prévoir l'obligation pour les juridictions administratives, les


chambres régionales des comptes et la Cour des comptes de transmettre aux
juridictions judiciaires tous les éléments de nature à faire présumer une
infraction pénale.
5.3. L'irresponsabilité des élus ordonnateurs

La chambre régionale des comptes juge dans son ressort les comptes de sa
compétence produits par les comptables publics. Elle juge également les
comptes des personnes qu’elle a déclarées comptables de fait.

Ce contrôle vise à s’assurer du respect des règles d’exécution des recettes et


des dépenses et du principe de la séparation des ordonnateurs et des
comptables. Il s’agit d’un contrôle de régularité des opérations effectuées par
les comptables publics.

Si les comptables n’ont pas satisfait en totalité aux obligations de leur charge
et, notamment, s’ils n’ont pas exercé, en matière de dépenses et de recettes,
les contrôles leur incombant, la chambre peut exiger d’eux les justifications
complémentaires nécessaires et, à défaut, les mettre en débet. Elle peut aussi
les condamner à l’amende pour retard dans le dépôt de leurs comptes annuels.

Dès lors que ceux-ci ont satisfait à leurs obligations, la chambre les décharge de
leur gestion et leur donne quitus lorsqu’ils ont quitté leurs fonctions.

Ainsi, seuls les comptables publics sont traduits devant de telles cours, étant
finalement les seuls garants de la fiabilité et de la qualité comptable. Cette
responsabilité non partagée (alors qu'ils ne sont qu'agents d'exécution des
paiements et encaissements et externes aux collectivités dont ils ne
connaissent souvent pas assez le fonctionnement interne), les amènent à être
mis en débet c'est-

à-dire personnellement condamnés à rembourser les sommes dues à hauteur


du délit. Le point essentiel c'est que leur défaillance éventuelle ne va concerner
qu'un manquement au contrôle de régularité des pièces (le contrôle de la
liquidation: existence des pièces, calculs justes, bonnes coordonnées de
paiement, créance exigible ) Mais un contrat est souvent "bien écrit", les
factures tout à fait justes fort heureusement. Ils ne contrôlent pas la légalité
des pièces au sens du respect de la procédure en amont, la réalité du service
fait, etc. Nous considérons qu'en matière d'exécution, et c'est bien à ce stade
que l'on peut caractériser un délit (un contrat écrit n'est qu'une simple
intention), personne n'est mis en responsabilité sur la légalité d'une
transaction.
Certes, les juridictions financières ont aussi une mission de contrôle budgétaire
et de gestion. Ce dernier porte sur la régularité des actes de gestion,
l’économie des 23 moyens mis en œuvre et l’évaluation des résultats atteints
par rapport aux objectifs fixés par l’organe délibérant. Mais « l’opportunité de
ces objectifs ne peut faire l’objet d’observations ». Le juge financier, ne peut
porter une appréciation sur les choix politiques faits par les élus mais il doit
examiner ex post si les choix ainsi réalisés ont été atteints au vu des moyens
financiers mis en œuvre et si l’argent public a, au final, été correctement utilisé.

Proposition n° 10 : Imposer aux collectivités de rendre public, un an après un


rapport d’observation de la Chambre régionale des comptes, le bilan des
mesures de correction prises.

La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) est chargée de réprimer


les infractions commises en matière de finances publiques. Institution associée
à la Cour des comptes, elle constitue toutefois une juridiction financière
distincte de cette dernière. Elle est chargée de sanctionner par des amendes les
infractions à l’ordre public financier (art. L.313-1 et s. du code des juridictions
financières). Les justiciables de la CDBF sont notamment les fonctionnaires
civils et militaires, les ordonnateurs, les gestionnaires des organismes et
collectivités soumis au contrôle de la Cour des comptes, ainsi que les membres
de cabinets ministériels et les comptables publics. Les membres du
Gouvernement ne sont pas justiciables de la Cour.

Point n'est besoin de commenter son activité : voici ce que nous retrouvons
dans son rapport annuel 2013 : le nombre d’arrêts rendus en 2013 s’établit à
quatre. Il est en nette diminution par rapport aux sept arrêts rendus en 2011 et
en 2012, étant précisé que les chiffres de 2011 incluent deux décisions rendues
sur voies de rétractation (demandes en rectification et en révision) dont les
délais d’instruction et de traitement sont beaucoup plus courts. Ce
fléchissement contribue à l’augmentation du nombre d’affaires en stock. Le
nombre des dossiers en stock s’établit à 34 au lieu de 31 à fin

2012 (32 à fin 2011).

Seulement neuf procédures pénales avaient pour origine un contrôle


budgétaire en
2008. La distinction entre parquets des juridictions financières et judiciaires ne
facilite pas non plus la transmission des informations. Il en va différemment
dans des pays, comme l'Espagne ou le Portugal, où le parquet constitue un
corps unique, représenté devant toutes les juridictions.

Et les ministres comme les élus ne peuvent voir leur responsabilité de


gestionnaire public engagée. Comme l'a souligné la Cour des comptes dans son
rapport public sur l'affaire d'Hénin-Baumont, "les fautes de gestion graves et
réitérées d'un ordonnateur élu ayant entraîné des préjudices importants pour
une collectivité ne sont pas susceptibles d'être déférées à la CDBF". L'ampleur
des manquements comptables et budgétaires avait pourtant conduit à la
révocation du maire en 2009 et à des poursuites pénales contre celui-ci.

En juillet 2011, quelques députés ont soutenu un amendement visant à rendre


les ministres et les élus locaux justiciables de la Cour de discipline budgétaire et
financière. Ils soulignaient que toutes les démocraties représentatives voisines
connaissent ce type de responsabilité.

Ils citaient aussi pour exemple de faits qui ne pourraient être sanctionnés ceux
commis lors de la réunion de l'Union pour la Méditerranée : "Le ministère des
affaires étrangères a dépensé 16 millions d’euros pour organiser cette
manifestation qui n’a duré que quelques heures (...) Tout cet argent a été
dépensé dans le plus grand désordre. (...). Il n’y a eu aucun appel d’offres. On a
fait n’importe quoi, au point, d’ailleurs, que le comptable a refusé de payer. Le
ministre du budget a trouvé une solution : il a expliqué à son collègue des
affaires étrangères qu’il suffisait de réquisitionner le comptable, qui, dès ce
moment, ne pouvait plus être considéré comme responsable d’avoir couvert
toutes les irrégularités afférentes à ces 16 millions d’euros. Le ministre n’étant
de toute façon pas responsable financièrement, tout était réglé !" Mais, à la
demande du gouvernement, l'amendement a été rejeté.

Proposition n° 11 : Généraliser la compétence de la Cour de discipline


budgétaire et financière à l'ensemble des ordonnateurs.

La CDBF sanctionne les fautes personnelles des fonctionnaires qui engagent des
dépenses en infraction avec les règles applicables. L'activité de cette juridiction
est modeste. Elle a rendu en moyenne trois arrêts par an depuis sa création.
Les élus ne doivent pas être exonérés de cette responsabilité. Il faut donc
permettre à la CDBF de les sanctionner.

6. Renforcer la coopération sur le plan européen.

La lutte contre la fraude et l'évasion fiscale doit être intégrée dans le droit de la
commande publique.

Proposition n° 12: Exclure des procédures de mise en concurrence des marchés


publics, dans toute l'Union européenne, les opérateurs économiques
condamnés pour des faits d'atteinte à la probité ou de fraude fiscale.

Les principes de libre échange économique dans l'Union européenne profitent


à la criminalité organisée. Déjà en 1996, des juges européens lançaient "l'appel
de

Genève": Pour avoir une chance de lutter contre une criminalité qui profite
largement des réglementations en vigueur dans les différents pays européens,
il est urgent d'abolir les protectionnismes dépassés en matière policière et
judiciaire. Il devient nécessaire d'instaurer un véritable espace judiciaire
européen au sein duquel les magistrats pourront, sans entraves autres que
celles de l'État de droit, rechercher et échanger les informations utiles aux
enquêtes en cours. (...).

En 1997, un groupe de juristes des quinze États membres, animé par Mireille

Delmas-Marty tirait les conséquences de l’échec des formes traditionnelles de


la coopération dans un cadre inter étatique. Il recommandait notamment la
création d'un parquet européen. Le traité de Lisbonne prévoit la possibilité de
créer une telle structure.

Proposition n° 13 : Soutenir la mise en place d’un Parquet européen, en le


dotant des ressources humaines et financières nécessaires ; soutenir en même
temps les agences européennes, telles qu'Europol et Eurojust, ainsi que les
équipes communes d'enquête.

Résumé des propositions :

1. Renforcer les Commissions d’appels d’offres locales en créant des jurys tirés
au sort et en rendant obligatoire la convocation d'un représentant de l’État.
2. Créer des structures spécialisées et développer les conditions de contrôle de
la commande publique.

3. Développer la formation initiale et continue des élus locaux et des


fonctionnaires, comprenant notamment une sensibilisation à la prévention des
atteintes à la probité.

4. Instaurer la transparence du recrutement et de la promotion des agents


publics locaux.

5. Protéger efficacement les lanceurs d'alerte.

6. Prévoir une sanction pénale en cas de non-exécution d’une décision de la


Commission d’accès aux documents administratifs.

7. Élaborer une charte déontologique type pour les élus et fonctionnaires


locaux.

8. Rénover le contrôle de légalité en confiant ce contrôle à une nouvelle


institution.

9. Prévoir l'obligation pour les juridictions administratives, les chambres


régionales des comptes et la Cour des comptes de transmettre aux juridictions
judiciaires les éléments de nature à faire présumer une infraction pénale.

10. Imposer aux collectivités de rendre public, un an après un rapport


d’observation de la Chambre régionale des comptes, le bilan des mesures
prises.

11. Généraliser la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière


à l'ensemble des ordonnateurs.

12. Exclure des procédures de mise en concurrence des marchés publics les
opérateurs condamnés dans un pays de l'Union européenne pour des faits
d'atteinte à la probité ou de fraude fiscale.

13. Soutenir la mise en place d'un parquet européen

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Revue trimestrielle de droit commercial (RTD com.).

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