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« La faillite est une espèce de vol involontaire,

admise par la loi et aggravée par les formalités ».


Honoré de Balzac.

DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES

Par : Jean Aloise NDIAYE, Conseiller référendaire à la Cour suprême

PLAN DU COURS

Introduction

PREMIERE PARTIE : LA PREVENTION DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES

Chapitre I : L’importance de la procédure d’alerte dans la prévention des


difficultés

Section 1 : L’Alerte donnée par le commissaire aux comptes

Paragraphe 1 : L’alerte dans les sociétés autres que les S.A


Paragraphe 2 : L’alerte dans les S. A

Section 2 : L’alerte donnée par les associés

Chapitre II : La nouvelle procédure de conciliation

Section 1 : Conditions d’ouverture de la procédure de conciliation

Section.2. Déroulement et dénouement de la conciliation

Chapitre III : La consolidation du règlement préventif

Section I : La phase préliminaire

Paragraphe 1 : Les conditions d’ouverture

A) Les conditions de fond

1°) Conditions relatives à l’entreprise


2°) Les conditions relatives à la situation économique

A) Les conditions de forme


Paragraphe 2 : La décision du Président du Tribunal

Section 2 : Le concordat préventif

DEUXIEME PARTIE : LE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DES ENTREPRISE

Chapitre I : L’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens

Section I : Les conditions de fond

Paragraphe 1 : Conditions concernant les entreprises

Paragraphe 2 : La situation économique et financière

Section II : Les conditions de forme

Paragraphe 1 : La juridiction compétente

Paragraphe 2 : La saisine du tribunal


A.La saisine par le débiteur
B.La saisine par le créancier
C.La saisine d’office

Paragraphe 3 : Cas du commerçant décédé ou retiré d’affaires


Section III : Le jugement

Chapitre II : Les effets du jugement d’ouverture

Section I : Effets du jugement d’ouverture à l’égard du débiteur

Paragraphe 1 : Les effets postérieurs au jugement


A. Au fond
B. Sur la forme
Paragraphe 2 : Les effets antérieurs au jugement

Section II : Les effets du jugement d’ouverture à l’égard des créanciers

Paragraphe 1 : La réunion en une masse


Paragraphe 2 : Les effets communs à tous les créanciers
Paragraphe 3 : Les effets particuliers à certains créanciers

A. Les cautions coobligés


B. Les salariés
C. Le bailleur d’immeuble
D. Les droits du conjoint
E. Les créanciers revendiquants
F. Le vendeur d’immeuble
G. L’exécution des contrats en cours

Chapitre III : Le dénouement de la procédure


Section I : La solution du redressement judicaire
Section II : La solution de la liquidation des biens
Section III : Les sanctions applicables aux dirigeants

Paragraphe 1 : Les sanctions patrimoniales


A)- L’incessibilité des droits sociaux
B)-L’action en comblement du passif
C)-L’extension des procédures collectives

Paragraphe 2 : La sanction civile

Paragraphe 3 : Les sanctions pénales

Chapitre IV : Les procédures collectives internationales

Section I : Effets d’une procédure collective unique dans les autres Etats parties

Paragraphe I : Autorité des décisions de justice


Paragraphe II : Pouvoirs du syndic
A)- Publicité des décisions
B)-Exercice des actions
C)-Effets de la procédure collective sur les actes des créanciers et de débiteurs
accomplis dans un autre Etat partie

Section II : Pluralité de procédures collectives

Paragraphe I : Devoir d’information réciproque (article 252)


Paragraphe II : Exercice des droits des créanciers (articles 253 et 255)
Paragraphe III : Clôture de la procédure collective secondaire (article 254)
Paragraphe IV : Transfert du surplus d’actif (article 256)
INTRODUCTION

Il n’est pas toujours aisé de traiter de manière exhaustive et approfondie des procédures
collectives : d’abord, sur le plan sentimental, il s’agit en quelque sorte du droit de la maladie
et de la mort des entreprises, c’est pourquoi le vocabulaire utilisé par la doctrine a une
connotation plus médicale et militaire que juridique car prévenir c’est à la fois soigner et
défendre ; ensuite la matière est complexe en raison du nombre élevé de questions et de conflits
d’intérêts qu’elle traite ; enfin elle fait appel à d’autres matières (droit commercial, droit civil,
droit bancaire, procédure et commerciale, saisies et voies d’exécution, droit pénal et droit du
travail…). Tout cela joue dans le sens de la complexité que tout professionnel du management
public comme privé doit pouvoir appréhender.

Les procédures collectives être définies comme des procédures faisant intervenir la
justice lorsque le commerçant personne physique ou personne morale, n’est plus en
mesure de payer ses dettes-on dit d’un tel commerçant aux abois qu’il est en état de
cessation de paiement- ou tout le moins, connaît de sérieuses difficultés financières, en
vue d’assurer le paiement des créanciers et, dans la mesure du possible, le sauvetage de
l’entreprise ou de l’activité.

Le droit des procédures collectives était régi par les dispositions de l’acte uniforme de
l’OHADA1 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. Ce texte,
adopté à Libreville le 10 avril 1998, et publié au Journal Officiel de l’OHADA le 1er juillet
1998, est entré en vigueur le 1er janvier 1999. Il abroge dans les pays de l’espace OHADA,
ainsi qu’il est dit en son article 257 « toutes les dispositions antérieures qui lui sont contraires
mais n’est applicable qu’aux procédures ouvertes postérieurement à son entrée en vigueur ».

Pour l’essentiel, cette législation reprenait les dispositions applicables en France (lois
n°84-148 du 1er mars 1984, n°85-98 du 25 janvier 1985, n°94-495 du 10 juin 1994) recoupe en
grande partie le droit des procédures collectives qui était appliqué au Sénégal à travers la loi
n°76-60 du 12 juin 1976 (article 927 à 1077 du COCC) et le décret n°76-781 du 23 juin 1976.
Mais l’innovation majeure était la consécration d’une évolution notable sur des points
fondamentaux qui n’étaient pas abordés par le législateur sénégalais comme la prévention des
difficultés des entreprises et les procédures collectives internationales.

Toutefois, le droit OHADA des entreprises en difficulté vient de connaitre une réforme.
A l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif signé
le 10 avril 1998 à Libreville, succède un nouvel acte uniforme dans la même matière adopté le
10 septembre 2015 à grand-Bassam en Côte-d’Ivoire. La reforme a pour principaux
objectifs : De prévenir plus efficacement les difficultés des entreprises à
travers l’institution de la conciliation, d’organiser la fonction de mandataire judiciaire, de
simplifier les procédures collectives pour les adapter aux contextes économiques et d’établir

1
Le traité pour l’harmonisation des droits des affaires en Afrique a été adopté à Port Louis en Ile Maurice le 17
octobre 1993.
un nouveau régime d’insolvabilité transfrontalière basé sur la loi-type de la CNUCID.
Le nouvel acte uniforme institue des nouvelles procédures collectives : la procédure de
conciliation et les procédures simplifiées
Dans la procédure de conciliation, l’acte uniforme précise ses conditions d’ouverture, son
déroulement et son dénouement. Dans les conditions d’ouverture de la procédure de
conciliation, le nouvel article 5 de l’AUPCAP soumet l’ouverture de la procédure de
conciliation à deux types de condition : les conditions de fond et les conditions de forme. Au
fond, La procédure de conciliation a le même champ d’application in persona que le règlement
préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Jusqu’à la reforme, la position
du droit OHADA était simple : seules les personnes physiques commerçantes pouvaient faire
l’objet d’une procédure collective. La règle s’est avérée peu satisfaisante. En effet, les
personnes physiques s’investissent de plus en plus dans les domaines autres que le commerce
tel que l’immobilier et la construction. Ces domaines civils jouent un rôle
économique important, faisant appel à de nombreux partenaires concluant des marchés
considérables. En cas de cessation des paiements, la situation des créanciers est catastrophique
compte tenu de l’inorganisation de la déconfiture. C’est sans doute en considération de ses
désagréments que le nouvel acte uniforme soumet aux procédures collectives toute personne
physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale et
agricole. C’est dire que désormais, même les membres de la profession libérale n’échapperont
plus aux procédures collectives. Le critère ne tient plus à la commercialité du débiteur, il faut
et il suffit qu’il exerce de manière indépendante une activité professionnelle.
De même, pour ce qui est des personnes morales, la procédure s’applique
à toute personne morale de droit privé et à toute entreprise publique ayant la forme d’une
personne morale de droit privé.
Notons par ailleurs que le nouvel acte uniforme tient lieu de droit commun des
procédures collectives en ceci qu’il est applicable aux entreprises dont l’activité est soumise à
un régime particulier lorsqu’il n’en est pas disposé autrement dans la règlementation spécifique
régissant ladite activité. Sont visés ici les établissements de crédit au sens de la loi bancaire,
les établissements de micro finance et les acteurs des marchés financiers ainsi que les sociétés
d’assurance et de réassurance des Etats parties au traité de l’OHADA.
S’agissant de la situation financière du débiteur, la conciliation intéresse les entreprises
qui connaissent des difficultés avérées ou prévisibles, mais qui ne sont pas encore en état de
cessation des paiements. Cette condition marque la différence entre la conciliation et le
règlement préventif. Ce dernier est ouvert lorsque l’entreprise sans être en état de cessation des
paiements connait des difficultés sérieuses. Par contre il suffit pour la conciliation que la
difficulté de l’entreprise soit même tout simplement prévisible.
Sur sa forme, la conciliation est une procédure judiciaire qui obéit à certaines règles
relatives à la compétence du juge, à la saisie du tribunal et au jugement d’ouverture.

De même, le nouvela acte uniforme instaure des nouveautés dans cas d’ouverture d’une
procédure simplifiée.
Les procédures collectives simplifiées de règlement préventif de redressement
judiciaire et de liquidation des biens s’appliquent aux petites entreprises telles que définies à
l’article 1-3 de l’AUPCAP « la petite entreprise est toute entreprise individuelle, société ou
d’autres personnes morales de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égale
à vingt (20), et dont le chiffre d’affaires n’excède pas cinquante millions (50 000 000)de francs
CFA hors taxe au cours des douze (12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente ».
Ces entreprises sont donc soumissent aux procédures collectives sous réserve de certaines
règles spéciales.
Le débiteur qui souhaite bénéficier d’une procédure simplifiée, doit soumettre une
requête ou une déclaration dans les mêmes conditions que celles du règlement
préventif prévue à l’article 6, ou du redressement judiciaire et de la liquidation des biens de
l’article 25 et 26 de l’AUPCAP, en tenant compte des dérogations accordées aux petites
entreprises. Ainsi par exemple : au lieu des états financiers de synthèse, le débiteur répondant
à la définition de petite entreprise doit produire tout document de nature à établir sa situation
financière et économique. Conjointement à sa requête ou à sa déclaration, le débiteur doit
produire une déclaration sur l’honneur l’attestant.
La procédure simplifiée peut être ouverte même si aucun projet de concordat n’a été
fourni. Dans ce cas, il est établi par le débiteur avec le concours de l’expert s’il s’agit du
concordat préventif ou du syndic dans les 45 jours qui suivent la déclaration pour ce qui est
du concordat de redressement judiciaire.
Les procédures simplifiées se caractérisent par ailleurs par la réduction des délais de
procédure. Dans le règlement préventif simplifié par exemple, le délai de suspension des
poursuites individuelle est de deux mois au lieu de trois ; en redressement judiciaire simplifié,
il n’y a pas d’assemblée concordataire. Le projet de concordat doit être notifié aux créanciers
concernés 15 jours avant l’audience prévue pour son homologation. Quant à la liquidation des
biens simplifiée, la procédure est enfermée dans un délai précis qui est de 120 jours au bout
duquel elle doit être clôturée.

Enfin, l’une des grandes innovations du nouvel acte uniforme porte sur la règlementation des
mandataires judiciaires à qui le législateur OHADA a consacré le tout premier titre. Sont
mandataires judiciaires au sens de l’AUPCAP les experts en règlement préventif et les
syndics de redressement judiciaire et de liquidation des biens. L’acte uniforme détermine
les conditions d’accès et d’exercice de la fonction de mandataire judiciaire, leurs obligations et
responsabilité sans oublier le fameux problème de rémunération.
La réforme du droit OHADA des procédures collectives apporte des solutions à
plusieurs interrogations sur cette matière ; mais laisse aussi bien d’autres en suspend. C’est le
cas de la question de la triple identité du syndic susceptible d’engendrer un conflit de fonction.
C’est aussi le cas du service d’enquête commercial dont l’institution pourrait permettre une
information rapide et l’accélération de l’ouverture de la procédure collective.
Dans la mise en œuvre des procédures collectives, on peut retenir les traits
caractéristiques traditionnels des procédures collectives sont maintenus. Ces traits
caractéristiques sont au nombre de quatre.

Le premier est leur aspect collectif en ce sens que les créanciers sont regroupés et
soumis à un ensemble de règles destinées à les discipliner afin que leur paiement se fasse dans
l’égalité et la justice.
Le deuxième trait leur aspect conflictuel : un conflit d’intérêt existe, d’une part entre
les créanciers et le débiteur ou l’entreprise, d’autre part à l’intérieur du groupe des créanciers
entre les créanciers chirographaires, les créanciers munis de suretés et les créanciers pouvant
se prévaloir d’un droit de préférence, en l’occurrence un droit de propriété.

Le troisième trait caractéristique réside dans l’intervention du juge qui marque la


tendance à la judiciarisation des procédures collectives et c’est le tribunal régional qui a la
compétence en la matière. Cette intervention du juge est essentielle car étant destinée à protéger
les intérêts en présence et à assurer l’efficacité et la moralité de la procédure et l’intensité de
l’intervention judicaire varie suivant qu’il y a ou non cessation des paiements et suivant qu’il
s’agit de redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, déclenchement (possibilité
d’une saisine d’office exécution (surveillance du juge commissaire) et clôture (jugement de
clôture).

Pouvait-il en être autrement ? Non, dès lors que ces mécanismes doivent arbitrer entre
des intérêts lourdement contradictoires comme ceux des créanciers et ceux du débiteur ou de
l’entreprise, entre créanciers chirographaires (le paiement n’est plus le prix de la course).

Enfin le quatrième trait caractéristique tient de l’exigence de la qualité de commerçant


en la personne du débiteur. Ainsi, outre les commerçants, les personnes morales de droit privé,
même non commerçants, même non commerçants (article 929 du COCC), l’Acte Uniforme
l’étend à « toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit
privé ». Ainsi pour cette catégorie de personnes morales qui, au Sénégal, relevaient dans le
domaine du traitement de leurs difficultés de la loi 84-64 du 16 août 1984, l’acte uniforme a
désormais vocation à s’appliquer

Pour ce qui concerne les objectifs, en dehors de l’aspect prévention, l’Acte Uniforme
se situe dans la tradition des législations sur les procédures collectives :

 Sauvegarde de l’entreprise et apurement de son passif au moyen d’un concordat


de redressement (redressement judiciaire antérieurement désigné au Sénégal
sous le terme de règlement judiciaire) ; En réalité le sauvetage des entreprises
redressables ou viables, même au prix d’une certaine entorse au droit des
créanciers, dans le but de sauver les emplois et de conserver les effets bénéfiques
qu’exerce l’entreprise sur l’économie (balance des paiements, balance
commerciale, recettes fiscales…).
 Protéger les créanciers impayés et assurer leur désintéressement dans les
meilleures conditions possibles, d’où l’importance de leur rôle dans le
dénouement de la procédure (discipline collective-solidarité).
 Réalisation de l’actif du débiteur pour apurer son passif (liquidation des biens) ;
 Définition des sanctions patrimoniales, professionnelles et pénales relatives à la
défaillance du débiteur et des dirigeants de l’entreprise débitrice. Il s’agit en
réalité de punir et d’éliminer le commerçant qui n’honore pas ses engagements
(dissuasion-assainissement des professions commerciales).

La difficulté avec acte uniforme c’est qu’il ne fait pas suffisamment la hiérarchisation
entre les différents objectifs précités de l’AUPCAP. En effet, entre les impératifs de protection,
de sauvegarde et de punition, le penchant des rédacteurs de l’acte uniforme n’est pas
suffisamment clair. Faut-il privilégier les créanciers au détriment de la sauvegarde de
l’entreprise donc du tissu économique ? Il s’agit en réalité de rechercher un équilibre entre ces
objectifs.

L’Acte Uniforme sur les procédures collectives à l’instar des autres actes uniformes n’a
pas bouleversé l’attribution des compétences dans l’ordre judiciaire interne des Etats.

Au Sénégal, le Tribunal Régional demeure la juridiction compétente et sur le plan


territorial, c’est le tribunal dans le ressort duquel le débiteur « a son principal établissement
ou, s’il s’agit d’une personne morale, à son siège social est à l’étranger, la procédure se
déroule devant la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le principal centre
d’exploitation situé sur le territoire national » (article 4).

C’est du reste l’application de ces dispositions qui débouche sur les procédures
collectives internationales.

Les mécanismes institués dans l’acte uniforme s’orientent autour de deux axes :
prévenir ou guérir.

 La prévention des difficultés ;


 Le traitement des difficultés.
PREMIERE PARTIE : LA PREVENTION DES DIFFICULTES

Prévenir les difficultés, c’est anticiper en décodant les signaux qui annoncent un
fonctionnement anormal de la société. « La prévention des difficultés consiste à intervenir
avant qu’il ne soit trop tard… Il s’agit de s’attaquer aux racines du mal, sans en attendre les
manifestations, de prévenir plutôt que guérir… »2. L’on a coutume de dire « mieux vaut
prévenir que guérir ». Cette vielle sagesse populaire est particulièrement vraie pour les
entreprises en difficultés où l’intervention tardive risque d’être totalement inefficace, comme
le médecin après la mort pour les personnes physiques. C’est aussi prendre les mesures qui
s’imposent pour éviter que l’entreprise ne soit dans une situation qui mette en péril son
existence.

Deux types de procédure sont mises en œuvre pour prévenir les difficultés de
l’entreprise : l’alerte et le règlement préventif.

Chapitre I : L’IMPORTANCE DE LA PROCEDURE D’ALERTE DANS LA


PREVENTION DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES

Elle est organisée par l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique dans ses articles 150 à 158 mais ne s’applique qu’aux
sociétés commerciales ce qui exclut de facto les entreprises individuelles. L’alerte peut être
donnée par le commissaire aux comptes ou par les associés.

Section 1 : L’Alerte donnée par le commissaire aux comptes

Elle intervient quand le commissaire aux comptes relève dans l’examen des documents
qui lui sont communiqués ou quand il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission
de « tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

Ainsi en plus de sa mission traditionnelle de certification de la sincérité et de la


régularité des comptes, le commissaire aux comptes est tenu d’attirer l’attention des organes
dirigeant de la société sur un événement ou un acte susceptible de perturber ou de compromettre
la continuité de l’exploitation. La procédure d’alerte est différente selon que la société est
anonyme ou revêt une autre forme.

Paragraphe 1 : L’alerte dans les sociétés par actions (article 150 AUDCG)

Dans les sociétés autres que les sociétés anonyme, le commissaire aux comptes
déclenche l’alerte en saisissant le gérant par lettre au porteur contre récépissé ou, par lettre
recommandée avec accusé de réception, d’une demande d’explication sur le fait qu’il estime
pouvoir compromettre la continuité de l’exploitation.

2
C. S-A-HOUIN, Droit des entreprises en difficultés, Ed. Montchrestien, EJA Paris 1995, p.51
Le gérant est tenu de répondre dans les 15 jours suivant la réception de cette
correspondance dans la même forme, en décrivant la situation et, en précisant le cas échéant,
les mesures envisagées. S’il ne reçoit pas de réponse 15 jours après ou, dans le cas où les
réponses apportées sont insuffisantes, le commissaire aux comptes informe la juridiction
compétente de ses démarches.
En cas de non-respect de ses dispositions et si en dépit des décisions prises, il constate
que la continuité de l’exploitation demeure compromise, il dresse un rapport spécial dont copie
est communiquée à la juridiction compétente et demande au gérant que ce rapport soit
communiqué aux associés ou présenté à la prochaine assemblée générale. En cas d’urgence, le
commissaire aux comptes peut convoquer lui-même une assemblée générale pour présenter les
conclusions de son rapport.

Dans le cas où le commissaire aux comptes lui en fait la demande, le gérant Le gérant
procède à la communication du rapport dans les huit (08) jours qui suivent la réception de la
demande.
Si l’issu de cela, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne
permettent pas la continuité de l’exploitation, il informe la juridiction compétente et lui
communique les résultats.

Paragraphe 2 : L’alerte dans les sociétés par actions (article 153 AUDCG)

Dans les S. A et dans les sociétés par action simplifiées, la demande d’explication du
commissaire aux comptes sur le fait est adressée au Président du Conseil d’Administration, au
Président Directeur Général ou à l’Administrateur Général selon le cas. Dans les 15 jours qui
suivent, en donnant une analyse de la situation et en précisant le cas échant les mesures
envisagées.
A défaut de réponse ou, si celle-ci n’est pas satisfaisante, le commissaire aux comptes
demande au Président du Conseil d’Administration ou, au Président Directeur Général de se
prononcer sur ces faits. L’invitation à faire délibérer le conseil d’administration est servi par
lettre au porteur avec récépissé ou lettre recommandée avec accusé de réception dans les quinze
(15) jours qui suivent la réponse donnée par l’organe qui avait été saisi. Le conseil
d’administration est convoqué dans le mois qui suit la lettre d’invitation à le délibérer.

Si les différentes étapes ci-dessus ne sont pas observées ou si la continuité de


l’exploitation demeure comprise, le commissaire aux comptes dresse un rapport spécial qui est
présenté à la prochaine assemblée générale ou en cas d’urgence, à une assemblée générale des
actionnaires qu’il convoque lui-même.

Section 2 : L’alerte donnée par les associés (Art. 157 et 158 AUDCG)

Dans toutes les sociétés commerciales, tout associé ou tout actionnaire peut deux fois
par exercice, poser par écrit des questions aux organes dirigeants sur tout fait de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation. Cet organe dirigeant doit répondre par écrit dans
le mois, réponse dont copie est adressée en même temps que celle de la question au
commissaire aux comptes.

A l’alerte par les associés, on peut rapprocher l’expertise de gestion qui permet à un ou
plusieurs associés détenant 1/5 du capital social soit individuellement, soit en se regroupant de
demander au Président de la juridiction compétente la désignation d’un ou de plusieurs experts
chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. Si la demande est
admise l’expert dresse à la fin de sa mission un rapport qui est adressé au demandeur et aux
organes de gestion de direction ou, d’administration.

Chapitre II : La consécration de la procédure de conciliation

L’acte uniforme précise ses conditions d’ouverture, son déroulement et son


dénouement.
Section 1 : Conditions d’ouverture de la procédure de conciliation
Le nouvel article 5 de l’AUPCAP soumet l’ouverture de la procédure de conciliation
à deux types de condition : les conditions de fond et les conditions de forme
Para 1 : Au fond
La procédure de conciliation a le même champ d’application in persona que le
règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens.
Jusqu’à la réforme, la position du droit OHADA était simple : seules les personnes
physiques commerçantes pouvaient faire l’objet d’une procédure collective. La règle s’est
avérée peu satisfaisante. En effet, les personnes physiques s’investissent de plus en plus dans
les domaines autres que le commerce tel que l’immobilier et la construction. Ces domaines
civils jouent un rôle économique important, faisant appel à de nombreux partenaires concluant
des marchés considérables. En cas de cessation des paiements, la situation des créanciers est
catastrophique compte tenu de l’inorganisation de la déconfiture. C’est sans doute en
considération de ses désagréments que le nouvel acte uniforme soumet aux procédures
collectives toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile,
commerciale, artisanale et agricole. C’est dire que désormais, même les membres de la
profession libérale n’échapperont plus aux procédures collectives. Le critère ne tient plus à la
commercialité du débiteur, il faut et il suffit qu’il exerce de manière indépendante une activité
professionnelle.
De même, pour ce qui est des personnes morales, la procédure s’applique
à toute personne morale de droit privé et à toute entreprise publique ayant la forme d’une
personne morale de droit privé.
Notons par ailleurs que le nouvel acte uniforme tient lieu de droit commun des
procédures collectives en ceci qu’il est applicable aux entreprises dont l’activité est soumise à
un régime particulier lorsqu’il n’en est pas disposé autrement dans la règlementation spécifique
régissant ladite activité. Sont visés ici les établissements de crédit au sens de la loi bancaire,
les établissements de micro finance et les acteurs des marchés financiers ainsi que les sociétés
d’assurance et de réassurance des Etats parties au traité de l’OHADA.
S’agissant de la situation financière du débiteur, la conciliation intéresse les entreprises
qui connaissent des difficultés avérées ou prévisibles, mais qui ne sont pas encore en état de
cessation des paiements. Cette condition marque la différence entre la conciliation et le
règlement préventif. Ce dernier est ouvert lorsque l’entreprise sans être en état de cessation des
paiements connait des difficultés sérieuses. Par contre il suffit pour la conciliation que la
difficulté de l’entreprise soit même tout simplement prévisible.

Para. 2 : Sur sa forme


La conciliation est une procédure judiciaire qui obéit à certaines règles relatives à la
compétence du juge, à la saisie du tribunal et au jugement d’ouverture.
A. La Compétence du juge : la procédure de conciliation relève de la compétence du président
de la juridiction compétente en matière de procédure collective. Il appartient à chaque Etat
partie, le cas échéant de designer cette dernière (article 3 AUPCAP). La juridiction
territorialement compétent est celle dans le ressort de laquelle le débiteur personne physique a
son principal établissement, ou la personne morale son siège social. Dans le cas où le principal
établissement ou le siège social est à l’étranger, c’est la juridiction dans le ressort de laquelle
se trouve le principal centre d’exploitation du débiteur personne physique ou personne morale
sur le territoire national qui est compétent.
B. Le mode de saisine : l’acte uniforme retient que le président de la juridiction compétente
doit être saisi par une requête du débiteur ou par une requête conjointe de ce dernier avec un
ou plusieurs de ses créanciers. C’est dire que les créanciers seuls ne peuvent être à l’origine
d’une procédure de conciliation.
C. Les règles relatives au jugement d’ouverture : la procédure de conciliation est ouverte
par le président de la juridiction compétente statuant à huis clos pour une durée n’excédant pas
trois mois. Cette durée peut être prorogée d’un mois par décision spécialement motivée du
président de la juridiction compétente à la demande du débiteur après avis écrit du conciliateur.
La conciliation prend fin à l’expiration de ces délais et une nouvelle procédure de
même nature ne peut plus être ouverte avant écoulement d’un délai de trois mois.
La décision ouvrant ou rejetant la conciliation ne peut faire l’objet d’aucune publicité
(article 5-3 AUPCAP).
La décision d’ouverture de la conciliation ne suspend pas les poursuites
individuelles. Mais, cette mesure peut être prise à l’encontre d’un créancier dont les actions
sont susceptibles de paralyser la mission du conciliateur.
La décision de la juridiction compétente nomme un conciliateur au statut clairement
défini. Celui-ci doit avoir le plein exercice de ses droits civils, justifier de ses compétences
professionnelles et demeurer indépendant et impartial vis-à-vis des parties concernées par la
conciliation. A cet effet, il ne doit pas avoir perçu à quelque titre que ce soit, directement ou
indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de tout
créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle, ou est contrôlée par lui au
cours des 24 mois précédent la décision d’ouverture. Aucun parent ou allié du débiteur jusqu’au
quatrième degré inclusivement ne peut être désigné en qualité de conciliateur. Il en va de même
pour tout magistrat en fonction ou ayant quitté ses fonction depuis moins de cinq ans.
La rémunération du conciliateur est à la charge du débiteur et fait l’objet d’une
ordonnance de taxe. Ses modalités sont déterminées par le président de la juridiction
compétente avec l’accord du débiteur au jour de l’ouverture de la conciliation.
Section.2. Déroulement et dénouement de la conciliation
Le conciliateur a pour mission d’aider le débiteur à parvenir à un accord amiable avec
ses créanciers et ses cocontractants. Il rend compte régulièrement au président de la juridiction
compétente. En cas de survenance de la cessation des paiements, il doit en informer le président
de la juridiction compétente afin qu’il prenne les mesures qui s’imposent.
L’accord signé entre le débiteur et ses créanciers ne fait l’objet d’aucune publicité. Il
reste confidentiel entre les parties signataires. En outre la décision l’homologuant n’est pas
susceptible de recours. Cependant lorsque l’accord contient ce que l’on peut appeler « le
privilège de l’argent frais » la décision l’homologuant est publiée dans les conditions de
l’article 36 et 37 AUPCAP, et, l’opposition et l’appel sont admis dans un délai de 15 jours.
« Le privilège de l’argent frais » est le privilège accordé aux personnes qui ont consenti ou
fourni, dans l’accord de conciliation, dans le concordat préventif ou judiciaire, un nouvel apport
en trésorerie ou un nouveau bien ou service au débiteur en vue d’assurer la poursuite de
l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité. Il prend effet en cas de transformation des
autres procédures en procédure de liquidation des biens.
Sur les créanciers signataires, l’accord a pour effet d’interdire ou d’interrompre toute
poursuite individuelle dans le but d’obtenir les paiements des créances qui en font l’objet.
Les créanciers peuvent demander la résolution de l’accord en cas de non-respect.
L’ouverture d’une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens met fin de plein droit à la conciliation et le cas échéant à l’accord.

Chapitre III : LE REGLEMENT PREVENTIF

Le règlement préventif vise à éviter la cessation des paiements ou la cessation d’activité


de l’entreprise et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat préventif.
Cette procédure qui existait déjà dans l’acte uniforme originel a été profondément
modifiée par l’acte uniforme révisé. Ainsi par exemple le projet de concordat figure maintenant
au nombre des pièces à fournir et la production de certaines pièces devient obligatoire. De
même, on ne parle de proposition de proposition de concordat mais de projet de concordat,
expression retenue par le droit français et surtout le projet de concordat doit maintenant revêtir
un caractère sérieux pour justifier l’ouverture de la procédure de règlement alors que cette
précision n’existait pas, ce qui permet de lutter contre le laxisme des débiteurs. Mais d’autres
innovations sont majeures et méritent d’être saluées comme la suspension des poursuites qui
s’étend désormais à toutes les créances et pas seulement à celles visées dans la requête.
Egalement il faut se réjouir de l’allongement du délai accordé à l’expert pour donner
son rapport et qui permet de présenter un concordat sérieux.

D’autres innovations sont à noter comme l’instauration du règlement préventif simplifié (article
24 à 25) pour les petites entreprises et seront étudiées au fur et à mesures.
Dans tous les cas, cette procédure se déroule toujours en en deux phases :

 La phase préliminaire de suspension des poursuites individuelles ;


 La phase du concordat préventif ;

Section I : La phase préliminaire


Face aux difficultés qu’elle vit, l’entreprise a besoin de connaître un répit et d’organiser
son redressement. Pour parvenir à cette fin, le débiteur introduit une requête en difficulté. Des
conditions sont posées pour admettre l’ouverture de cette phase, conditions qui quand elles sont
réunies aboutissent à la décision de suspension des poursuites.

Paragraphe 1 : Les conditions d’ouverture

Elles sont de deux ordres, de fond et de forme ;

B) Les conditions de fond

Les unes ont trait à la nature de l’entreprise et les autres sont relatives à la situation
économique de celle-ci.

1°) Conditions relatives à l’entreprise

Ainsi qu’il a déjà été souligné, le règlement préventif s’applique selon l’article 1-1 .

 A toute personne exerçant une activité exerçant une activité professionnelle


indépendante, civile, commerciale, artisane ou agricole ;
 A toute personne morale de droit privé ;
 Aux personnes morales de droit privé qui exercent qui exercent une activité soumise à
un régime particulier lorsqu’il n’en est pas disposé autrement dans une
réglementation spécifique régissant ladite activité (établissement de crédit ;
établissements de micro finance, acteurs du marché financiers, sociétés d’assurance et
de réassurance).
Ainsi désormais le champ d’application a été étendu aux personnes civiles qui exercent des
activités agricoles, artisanales, libérales etc.

2°) Les conditions relatives à la situation économique

Selon l’article 6 de l’acte uniforme, le règlement préventif est ouvert au débiteur, qui
sans être en cessation de paiement, justifie des difficultés financières et économiques
sérieuses.
Il s’agit en somme de constater que l’entreprise connaît des difficultés mais qu’elle n’est
pas dans une situation où elle serait en cessation d’activité ou en cessation des paiements
(voir article 1-3 sur la définition de la cessation de paiement « l’état où le débiteur se trouve
dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à
l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur
bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent lui permettent de faire face à son passif
exigible ».

C) Les conditions de forme


Trois formalités doivent être remplies par le débiteur :

1°/ Introduire une requête laquelle adressée à la juridiction compétente est déposée au
greffe de la juridiction, contre récépissé, par le débiteur ou une requête conjointe de ce dernier
avec un ou plusieurs de ses créanciers.
Dans cette requête le débiteur expose sa situation économique et financière et dresse
les perspectives de redressement de l’entreprise et d’apurement du passif. Il indique par la
même occasion les créances dont il demande la suspension des poursuites individuelles.
Toutefois, aucune requête ne peut être introduite par le débiteur :
-Si un concordat préventif ou de redressement est encore en cours d’exécution ;
-avant l’expiration d’un délai de de trois ans et non plus de cinq ans à compter de
l’homologation d’un précédent concordat préventif ;
-avant l’expiration d’un délai de dix-huit mois à compter de la fin d’un règlement
préventif n’ayant pas abouti à un règlement préventif.

2°/ Déposer un dossier qui donne des indications sur son identité, l’état de la trésorerie,
l’étendue du passif et de l’actif, le montant du chiffre d’affaires et des bénéfices imposées, le
nombre de salariés, la masse salariale etc… (Article 6-1). Ces documents qui étaient au nombre
de dix sont désormais au nombre de quatorze.

3°/ Présenter à peine d’irrecevabilité en même temps que la requête ou, au plus tard
dans les 30 jours qui suivent le dépôt de celle-ci, une offre de concordat préventif qui décrit les
mesures et conditions envisagées pour le redressement de l’entreprise (continuation de
l’activité, maintien et financement de l’entreprise etc.). L’article 7 donne une énumération non
exhaustive de ces mesures et conditions.

Paragraphe 2 : La décision du Président du Tribunal

Après examen de la recevabilité de la requête, si le projet de concordat lui parait sérieux,


le Président de la juridiction compétente ouvre la procédure et désigne un expert au règlement
préventif qui satisfait aux conditions de l’article 4-2 pour lui faire un rapport de la situation
financière et économique de l’entreprise débitrice et les perspectives de redressement, compte
tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes autres
mesures contenues dans le projet de concordat préventif.
L’expert est soumis aux conditions du mandataire judiciaire et informé de sa mission
qui est encadrée par l’article 8-1 notamment quant à sa mission, ses conditions de nominations
et révocation, sa provision etc.
La décision d’ouverture du règlement préventif suspend ou interdit les poursuites
individuelles tendant à obtenir le paiement des créances nées antérieurement à ladite décision
pour une durée maximale de rois (03) mois, qui peut être prorogé d’un (01) mois sur décision
motivée du président de la juridiction et à la demande l’expert (art. 13).

Ensuite cette suspension et désigne un expert pour lui faire un rapport sur la situation
économique et financière de l’entreprise et les perspectives de redressement en tenant compte
des mesures envisagées.

Vis-à-vis des créanciers, l’ordonnance du Président du Tribunal suspend les poursuites


tendant au paiement des créances (mesures conservatoires et voies d’exécution) désignées par
le requérant et nées antérieurement à cette décision. Cette suspension concerne tant les
créanciers chirographaires que les créanciers munis de sûretés réelles spéciales ou d’un
privilège général.

Les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance, prescription ou résolution de


leurs droits sont, en conséquence, suspendus pendant toute la durée de la suspension des
poursuites.

L’ordonnance ne s’applique cependant pas aux salariés et aux actions cambiaires contre
les signataires des effets de commerce autres que le bénéficiaire de la suspension des poursuites
et aux actions en revendication (actions en reconnaissance de droits ou de créances contestées).

Vis-à-vis du débiteur, à compter de l’ordonnance de suspension des poursuites


individuelles, il ne peut plus :

 Payer des créances nées antérieurement à l’ordonnance de suspension des


poursuites et visées par elle ;
 Désintéresser les cautions qui ont acquitté les créances nées avant la décision ;
 Disposer de biens en dehors de l’explication normale de l’entreprise.

Quant à l’expert, il dispose de pouvoirs très larges d’investigations et d’informations


auprès des banques, des administrations publiques, des organismes de sécurité sociale, du
commissaire aux comptes pour dresser la situation économique et financière du débiteur. Il lui
revient également de signaler au Tribunal la violation des interdictions faites au débiteur et de
prêter aux parties ses bons offices pour parvenir à la conclusion d’un accord sur les modalités
du redressement préventif. Sauf prorogation d’un mois accordée par décision motivée du
Président du Tribunal son rapport doit être déposé au greffe dans les deux mois de sa saisine.

Section 2 : Le concordat préventif

Dans les 8 jours du dépôt de ce rapport, le Président fait enrôler le dossier devant le
Tribunal qui statue en audience non publique après avoir invité le débiteur et l’expert à
comparaître. Il peut également convoquer tout créancier qu’il juge utile d’entendre.

L e tribunal prend sa décision en retenant une des trois options qui lui sont offertes :

o S’il constate la cessation des paiements, il peut prononcer d’office et à tout


moment l’ouverture du redressement judiciaire ou d’une liquidation des biens ;
o S’il estime que la situation du débiteur le justifie, il rend un jugement de
règlement préventif et homologue le concordat préventif ;
o S’il considère que la situation du débiteur ne relève d’aucune procédure
collective ou, s’il rejette le concordat préventif proposé par le débiteur, il annule
l’ordonnance de suspension des poursuites individuelles et remet le débiteur et
les créanciers en l’état antérieur à celle-ci.

Le tribunal se prononce dans le mois de sa saisine. Le jugement homologuant le


concordat préventif peut désigner un syndic et des contrôleurs chargés de surveiller l’exécution
du concordat préventif

Elle désigne également un juge-commissaire. Celui-ci contrôle les activités du syndic


ou des contrôleurs chargés de surveiller l'exécution du concordat préventif homologué, s'il en
a été nommé, et rédige un rapport à l'intention de la juridiction compétente tous les trois (03)
mois et à tout moment à la demande de cette dernière.

La décision d'ouverture du règlement préventif, celle y mettant fin dans les conditions
de l'article 9-1 ci-dessus, et celle rendue en application de l'article 15 ci-dessous sont notifiées
par le greffe au ministère public et aux créanciers concernés. La décision d’homologation du
concordat préventif fait l’objet d’une publicité dans les conditions du jugement d’ouverture
d’une procédure collective. Elle met fin à la mission de l’expert rapporteur.

Dès que la décision est passée en force de chose jugée, le débiteur recouvre la liberté
d’administration et de disposition de ses biens.

Le concordat préventif peut être annulé ou résolu dans les mêmes conditions que le
concordat de redressement. Ces conditions sont énoncées aux articles 139 et 140.

Section 3 : Les effets du concordat préventif


L'homologation du concordat préventif rend celui-ci obligatoire pour tous les créanciers
antérieurs à la décision d'ouverture du règlement préventif, que leurs créances soient
chirographaires ou garanties par une sûreté dans les conditions de délais et de remises qu'ils
ont consenties au débiteur sans préjudice des dispositions de l'article 15 ci-dessus.
L'homologation du concordat rend celui-ci également obligatoire pour les personnes coobligées
ou qui ont consenti une sûreté personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie lorsqu'elles
ont acquitté des dettes du débiteur nées antérieurement à cette décision.
Les créanciers munis d'un privilège général, d'un privilège mobilier spécial, d'un gage,
d'un nantissement ou d'une hypothèque ne perdent pas leurs garanties. Toutefois, ils ne peuvent
les réaliser qu'en cas d'annulation ou de résolution du concordat préventif auquel ils ont
consenti ou qui leur a été imposé.
A l'exception des personnes physiques, les coobligés ou les personnes ayant consenti
une sûreté personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des délais
et remises du concordat préventif.
La prescription demeure suspendue à l'égard de tous les créanciers qui, par l'effet du
concordat préventif, ne peuvent exercer leurs droits ou actions, y compris toute mesure
d'exécution extrajudiciaire.
Le concordat préventif suspend également, pour la même durée, les délais impartis aux
créanciers parties audit concordat à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents
aux créances mentionnées par ledit concordat.
Dès que la décision homologuant le concordat préventif est passée en force de chose
jugée, le débiteur recouvre la liberté d'administration et de disposition de ses biens.
L'expert désigné en application de l'article 8 ci-dessus rend compte par écrit de sa
mission au président de la juridiction compétente dans le délai d'un (01) mois à compter de la
décision statuant sur l'homologation du concordat préventif ou de la décision mettant fin au
règlement préventif par application de l'article 9-1, ci-dessus.
Le président de la juridiction compétente vise le compte rendu.
A défaut de retrait, par le débiteur, des papiers et effets remis par lui à l'expert, celui-ci
en est dépositaire pendant deux (02) ans à compter de son compte rendu.

Le syndic ou le ou les contrôleurs désignés en application de l'article 16 ci-dessus


contrôlent l'exécution du concordat préventif. Ils signalent sans délai tout manquement au juge-
commissaire.
Ils rendent compte par écrit, tous les trois (03) mois, au juge-commissaire du
déroulement des opérations et en informent le débiteur. Ce dernier dispose d'un délai de quinze
(15) jours pour formuler, s'il y a lieu, ses observations et contestations.
Le syndic ou le ou les contrôleurs qui cessent leurs fonctions déposent leurs comptes
au greffe dans un délai de trente (30) jours suivant ladite cessation.
La rémunération du syndic en qualité de contrôleur est fixée par la juridiction qui l'a
nommé selon le barème établi conformément à l'article 4-19 ci-dessus.
A la demande du débiteur et sur rapport du syndic chargé du contrôle de l'exécution du
concordat préventif, s'il en a été désigné un, la juridiction compétente peut décider toute
modification de nature à abréger ou à favoriser cette exécution.
Les dispositions des articles 139 à 143 ci-dessous sont applicables à la résolution et à
l'annulation du concordat préventif.

Section 4 : VOIES DE RECOURS EN MATIERE DE REGLEMENT


PREVENTIF
Les décisions de la juridiction compétente relatives au règlement préventif sont
exécutoires par provision.
Les dispositions de l'article 218 ci-dessous relatives à la computation des délais sont
applicables.
Les décisions rejetant la demande d'ouverture du règlement préventif ou mettant fin au
règlement préventif par application de l'article 9-1 ci-dessus, ou rejetant l'homologation du
concordat préventif sont susceptibles d'appel formé par le débiteur devant la cour d'appel, dans
un délai de quinze (15) jours à compter de leur prononcé.
La décision d'ouverture du règlement préventif est susceptible d'appel de la part des
créanciers et du ministère public, formé devant la cour d'appel, dans un délai de quinze (15)
jours à compter de la première publicité prévue à l'article 37 ci-dessous s'ils estiment que
l'entreprise est en cessation des paiements.
La décision homologuant le concordat préventif est susceptible d'appel de la part des
du ministère public et des créanciers, formé devant la cour d'appel, dans un délai de quinze
(15) jours à compter de son prononcé pour le premier et à compter de la première publicité
prévue à l'article 37 ci-dessous pour les suivants.
La juridiction d'appel statue dans un délai de trente (30) jours à compter de sa saisine.
Si la juridiction d'appel constate la cessation des paiements, elle fixe provisoirement la
date de celle-ci et prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens et renvoie
impérativement la procédure devant la juridiction compétente pour être statué, notamment, sur
la désignation juge-commissaire.
Dans les trois (03) jours de la décision de la juridiction d'appel, le greffe de cette
juridiction en adresse un extrait au greffe de la juridiction du premier degré qui procède à la
publicité prescrite par l'article 17 ci-dessus.
Les décisions du président de la juridiction compétente visées à l'article 11 ci-dessus ne
peuvent faire l'objet que d'une opposition devant ladite juridiction dans le délai de huit (08)
jours à compter de leur prononcé.
Ces décisions sont déposées au greffe dès le jour de leur prononcé. Elles sont notifiées
sans délai au débiteur par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite.
La juridiction compétente doit statuer dans le délai de huit (08) jours à compter du jour
où l'opposition est formée.
L'opposition est faite par déclaration au greffe. Le greffe convoque l'opposant, par lettre
au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par
tout moyen laissant trace écrite, à la plus proche audience pour qu'il soit entendu en chambre
du conseil.
Les décisions de la juridiction statuant sur l'opposition ne sont susceptibles d'aucune
voie de recours autre que le pourvoie cassation.

Chapitre 4 : Le cas spécifique du règlement préventif simplifié

La procédure de règlement préventif simplifié est soumise aux règles applicables au


règlement préventif.
Tout débiteur répondant à la définition de la petite entreprise, visée à l'article 1-3 ci-
dessus, peut demander l'application de la procédure de règlement préventif simplifié de la
présente section. La « petite entreprise » est toute entreprise individuelle, société ou autre
personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20),
et dont le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, hors
taxes, au cours des douze (12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente
conformément au présent Acte uniforme.
Le débiteur souhaitant bénéficier du règlement préventif simplifié doit soumettre une
requête dans les conditions du règlement préventif de droit commun, en tenant compte
notamment des dérogations accordées aux petites entreprises.
Toutefois, pour répondre à la philosophie de cette procédure simplifiée, la procédure
peut être ouverte même si aucun projet de concordat préventif n'a été fourni.
Conjointement à la requête prévue, le débiteur produit une déclaration sur l'honneur
l'attestant.
La décision de la juridiction compétente de faire application du règlement préventif
simplifié n'est susceptible d'aucun recours et les délais de trois (03) mois et d'un (01) mois,
prévus pour le règlement préventif de droit commun sont respectivement réduits à deux (02)
mois et à quinze (15) jours.
Si le projet de concordat préventif prévu à l'article 13 n'a pas été déposé par le débiteur
au moment de la demande d'ouverture, il est établi par ce dernier avec le concours de l'expert
au règlement préventif.
Ce projet précise les mesures et conditions envisagées pour le redressement de
l'entreprise débitrice, notamment les modalités d'apurement du passif et, en particulier, la
demande de délais et de remises, les personnes tenues d'exécuter le concordat préventif, ainsi
que, s'il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer l'exécution.
En tout état de cause, ce projet précise les éléments permettant d'établir la viabilité
financière et économique du débiteur.

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