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Introduction

L’activité de l’entreprise est variable ; parfois elle est prospère et elle réalise des
bénéfices, mais parfois elle connait des difficultés qui peuvent être soit
passagères tel que des difficultés de trésorerie. Et dans d’autres circonstances,
elles sont beaucoup plus graves et elles menacent l’entreprise dans son existence
pour des raisons internes ou externes.

De telles situations intéressent le droit et plus particulièrement le droit


commercial. En effet, la vie économique repose sur la stabilité des transactions
et sur la confiance entre contractants. Lorsque cette confiance se perd, le crédit
est menacé et cela peut influer sur l’économie du pays.

L’impact des phénomènes économiques sur les textes de loi est certain. Les
modifications législatives sont généralement dictées par des variations que subit
incessamment le monde des affaires. « C’est une vérité d’évidence que dans
toute communauté sociale, la vie du droit est largement conditionnée par la vie
économique ; vérité de tous les pays mais qui s’affirme de nos jours avec une
particulière insistance ; de plus en plus l’économique bouscule le juridique lui
impose sa loi, le façonne à son image1 ».

La modification profonde qu’a subie le droit tunisien des procédures collectives


par l’adoption de la loi n°95-34 du 17 Avril 1995 relative au redressement des
entreprises en difficulté économiques, a été en effet dictée par des considérations
économiques. Les dispositions du code de commerce alors en vigueur n’étaient
plus adaptées au contexte économique, ni aux situations auxquelles elles étaient
applicables.

Le législateur a alors innové et par l’abrogation des dispositions relatives au


concordat préventif, on est passé d’un droit des faillites visant à garantir le

1
L. JOSSERAND, Comment les textes de loi changent de valeur au gré des phénomènes économiques, in études
de droit civil à la mémoire d’Henri Capitant, Paris 1977, p. 367.

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paiement des créanciers et à sanctionner un débiteur défaillant, à un droit des
entreprises en difficultés ayant pour objectif primordial le redressement de celles
qui sont viables.

La distinction entre l’homme et l’entreprise est ainsi établie. La loi de 1995 a


alors remplacé les dispositions du code de commerce relative au concordat
préventif, sans pour autant qu’elle soit intégrée au code.

Il s’agit d’un texte séparé du code. Le législateur a alors décodifié la matière en


réglementant les difficultés économiques des entreprises par un texte spécial.
Cependant, ce texte fut modifié à plusieurs reprises, en 1999, la loi n°99-63 du
15 Juillet 1999 puis celle n°2003- 79 du 29 décembre 2003 afin d’améliorer les
résultats escomptés.

Historiquement

-En Droit Romain, les créanciers trouvaient un réconfort dans le principe


suivant lequel : La personne du débiteur constitue une garantie pour ses
créanciers, c’était la servitude pour dettes, les créanciers pouvaient réduire le
débiteur insolvable à l’esclavage par la suite le principe de l’exécution sur la
personne avait cédé la place à celui de l’exécution sur le débiteur et ses biens :
Outre son emprisonnement, les créanciers pouvaient procéder à la vente globale
aux enchères des biens du failli pour se répartir le prix entre eux.

-Au moyen âge, la faillite était identifiée à la fuite du débiteur qui échappait à
ses obligations et le débiteur insolvable était assimilé à un fraudeur 2. -En Droit
Civil, lorsque le débiteur devient dans l’impossibilité de payer ses dettes, on dit
qu’il est en état de déconfiture.

C’est une situation de fait qui n’offre pas une grande sécurité pour les
créanciers, car elle n’est pas constatée par un jugement. Le créancier qui veut
2
Salma KHALED, Les créanciers et le règlement judiciaire des entreprises en difficulté économiques, Mémoire
DEA, Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis, 1996, p2 et suiv.

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s’en prévaloir doit l’établir lui-même. Les créanciers du débiteur en état de
déconfiture peuvent agir individuellement, le premier qui réclame sa créance,
sera désintéressé en premier lieu : le paiement est le « prix de la course ».

En Droit Commercial, le débiteur insolvable est déclaré par un jugement du


tribunal territorialement compétent en état de faillite.

A partir de cette date, les créanciers ne peuvent plus agir individuellement, une
procédure collective est ouverte, tous les créanciers seront soumis à un
traitement égalitaire. Cette procédure était applicable uniquement au débiteur
ayant la qualité de commerçant, elle s’étend par l’effet de l’article 475 nouveau
du code de commerce aux sociétés et aux personnes physiques visées à l’article
416 du même code.

La faillite tend d’une part à sanctionner un débiteur insolvable et à payer ses


créanciers. La déclaration de la faillite était précédée par le concordat préventif
qui visait à prévenir la faillite. Il s’agit d’un accord entre le débiteur et ses
créanciers quant au paiement de ses dettes.

Cette législation méconnaissait la réalité économique des entreprises et tenait


compte de la moralité du commerçant qui pour bénéficier de la procédure devait
être de bonne foi. Une entreprise saine exploitée par un escroc sera ruinée, alors
qu’on essayera de sauver une entreprise vouée à la ruine dont le dirigeant est
connu par sa loyauté.

Inspirée de la législation française, le législateur tunisien a adopté en 1995 la loi


sur le redressement des entreprises en difficulté économiques, abrogeant les
articles 413 à 444 du code de commerce relatifs au concordat préventif. La
faillite est devenue une procédure subsidiaire, à laquelle on ne peut recourir
malgré la cessation des paiements du débiteur, qu’en cas d’échec de la
procédure du redressement ou d’impossibilité de redresser l’entreprise par
application de la loi du 17 Avril 1995.

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Cette loi a introduit une profonde mutation en droit des procédures collectives
tunisien, l’objectif n’est plus de sanctionner le débiteur défaillant mais plutôt de
l’aider à surmonter ses difficultés tant que son entreprise est encore viable et
d’assurer d’autre part un équilibre entre les différents intérêts en jeu, à savoir :
L’intérêt des employés, des créanciers et de l’entreprise débitrice.

Cependant, la mise en œuvre de la procédure établie par la loi s’est révélée


inefficace, n’ayant pas permis d’atteindre l’objectif recherché à travers le
redressement : le sauvetage des entreprises. La lenteur des procédures et
l’incompatibilité des délais, a fait que la procédure ne soit pas parfaitement
adaptée aux situations économiques et financières des entreprises bénéficiaires.
C’est pour ces raisons et bien d’autres, qu’on développera ci-après, que le
législateur tunisien a remodifié la matière en intégrant par la loi n°36-2016 du
29 avril 2016 de nouvelles dispositions relatives aux procédures collectives dans
le code de commerce.

Abrogeant la loi de 1995, la loi de 2016 l’a remplacé en intégrant le code de


commerce.

Depuis 2010, une commission de réforme a travaillé en vue de l’élaboration


d’un projet de loi réformant les procédures collectives, 5 lequel projet fut achevé
en 2012, et soumis à l’assemblée du peuple pour vote, mais sans résultat, les
priorités étaient autres.

Une autre commission chargée pour revoir le projet, qui fut repris dans certaines
de ces dispositions qui donna naissance à la loi du 29 Avril 2016. Les raisons de
cette recodification peuvent être expliquées par la diversité des textes et leur
éparpillement en dehors du code. Dans un objectif d’harmonisation, le
législateur a repris les principales dispositions de la loi de 1995 en les
améliorant d’une part et en adaptant les vieilles dispositions applicables à la
faillite à la procédure du redressement et à l’esprit de ces mesures de sauvetage

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évitant le déphasage qui existait entre l’esprit de la loi de 1995 et des
dispositions de 1959 applicables à la faillite qui répondent à une philosophie tout
à fait différente de celles des procédures de redressement.

Cette modification a été expliquée et justifiée dans l’exposé des motifs de la loi
par la nécessité d’améliorer la procédure de notification en élargissant la liste
des personnes concernées par la notification.

La loi vise aussi à améliorer la procédure du règlement amiable en insistant sur


le caractère amiable de la procédure, et précisant le rôle du juge dans le cadre de
cette procédure. Et en créant l’institution du conciliateur dont les qualités et le
rôle seront déterminés par un décret.

La loi a aussi supprimé certaines dispositions qui se sont révélées en pratique


lentes et inefficaces.

En outre et pour plus d’effectivité des procédures collectives, le législateur ne


fait plus de la faillite solution subsidiaire, mais au contraire il permet au juge de
la prononcer chaque fois que ses conditions sont réunies pendant n’importe
quelle phase de la procédure de redressement.

Il a par ailleurs renforcé le rôle de plusieurs intervenants, dans l’intérêt de la


bonne marche de la procédure, il a consolidé le rôle du juge en 6 lui conférant la
possibilité de réduire les intérêts des dettes dans le principal, et a fixé la durée
d’exécution du plan de redressement à sept années, ce qui limite
considérablement le rôle du tribunal dans la fixation de cette durée qui n’était
pas limitée.

Le débiteur a été aussi appelé à jouer un rôle effectif dans la procédure en


participant à l’élaboration du plan de sauvetage, les procédures de recouvrement
ne seront plus suspendues, contrairement aux procédures d’exécution qui le
seront. L’ambiguïté a été aussi levée concernant la période suspecte, comme

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dans la procédure de faillite, dans le règlement judiciaire il y a une période
suspecte qui permet d’annuler les actes qui y sont conclus.

La loi a aussi renforcé le rôle de l’administrateur judiciaire en précisant ses


fonctions et en insistant sur sa neutralité.

Enfin, les créanciers jouissent d’une meilleure protection, en leur permettant de


se regrouper par catégorie afin de défendre leurs intérêts et de désigner pour
chaque catégorie un représentant.

La nouvelle loi comprend cinq titres répartis comme suit :

Titre1 : Le redressement des entreprises en difficulté économique

Titre 2 : La faillite

Titre 3 : Les voies de recours

Titre 4 : de l’ordre des créanciers et de la distribution des deniers

Titre 5 : Les actions en responsabilité et les sanctions pénales

La loi aurait ainsi rajouté au code de commerce trois nouveaux titres permettant
de clarifier certaines questions qui sont restées jusque-là ambiguës.

Il convient avant d’aborder les procédures collectives telles qu’elles ont été
réorganisées par la loi de 2016 de préciser que ce texte a prévu des dispositions
transitoires dans le cadre des articles 13 à 15 . Ainsi la loi ne s’applique pas aux
entreprises soumises déjà à la procédure de faillite avant la promulgation de la
loi.

Par contre, les dispositions de l’ancienne loi restent applicables aux entreprises
pour les quelles une procédure de règlement judiciaire a été ouverte ou de faillite
à la date de la promulgation de la loi ; les entreprises pour les quelles ont été
déjà ouvertes des procédures de règlement judiciaire, à condition qu’elles soient

8
soumises aux nouvelles dispositions de la faillite à la fin du règlement judiciaire
s’il n’a pas abouti.

La société soumise à la faillite avant l’entrée en vigueur de la présente loi. Ainsi,


la loi ancienne demeure applicable pour les situations ouvertes sous son empire.

La loi de 2016 couvre ainsi le champ de notre cours relatif aux procédures
collectives, l’article 413 du code de commerce l’a précisé.

Les procédures collectives englobent selon le même texte ; les procédures de


redressement et la faillite. L’article 415 du code de commerce, précise à son tour
que le régime du redressement comprend : la notification des signes précurseurs
de difficultés économiques, le règlement judiciaire et le règlement amiable. Le
domaine de la matière étant alors précisé, il convient de fixer les finalités de la
loi ainsi que les entreprises concernées.

Quant à sa finalité, l’article 415 du code de commerce, prévoit que le régime du


redressement vise à aider les entreprises à poursuivre leurs activités, à maintenir
les emplois et à payer leurs dettes. 8 L’objectif de la nouvelle loi est le même
que celui qui a été prévu à l’article premier de la loi du 17 Avril 1995, la
première priorité est celle de permettre à l’entreprise de poursuivre son activité,
et c’est grâce à cette poursuite que les deux autres objectifs pourront voir le jour,
le maintien des emplois et le paiement des créanciers.

Avec la loi de 2016, le législateur a repris les dispositions de la loi de 1995, en y


apportant quelques modifications ; mais, il a en reprenant les dispositions de la
faillite introduit des nouvelles dispositions qui constituent une refonte de la
matière, essayant de réaliser un équilibre entre les différentes procédures
collectives et une harmonisation entre elles.

Cependant, malgré l’abrogation de la loi de 1995, ses dispositions restent en


vigueur pour les procédures déjà ouvertes et soumises à son empire. La loi

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nouvelle loi ne s’applique que sur les procédures ouvertes à partir de son entrée
en vigueur, ainsi toute nouvelle procédure de règlement amiable, ou judiciaire se
fera conformément aux dispositions des articles 413 et suivants.

En effet, le législateur a prévu des dispositions transitoires à travers les articles


13,14 et 15 de la loi de 2016 et précise à travers les articles 14 et 15 que les
entreprises pour les quelles une procédure de faillite a été déjà déclenché ne
peuvent bénéficier du régime de redressement.

L’article 15 précise quant à lui que les entreprises jouissant à la date de la


promulgation de la loi de 2016 du règlement amiable reste soumises à cette loi,
mais se verra appliquer les dispositions de la loi 2016 si une procédure de
règlement judiciaire sera ouverte. Par ailleurs, le même article précise que
l’entreprise bénéficiant du règlement judiciaire lors de la promulgation de la loi
de 2016, sera soumise à la loi de 1995 pour cette procédure, mais en cas de sa
mise en faillite, elle sera soumise aux nouvelles dispositions du code de
commerce applicables à la faillite.

Le présent cours sera présenté sous forme de quatre chapitres :

Chapitre 1 : La procédure de notification des signes précurseurs de difficultés


économiques

Chapitre 2 : Le règlement amiable

Chapitre 3 : Le règlement judiciaire

Chapitre 4 : La faillite.

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