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Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales

Université de Lille II

LE RECOUVREMENT DE LA CREANCE FACE A LA


"FAILLITE" DU DEBITEUR

Mémoire de DEA droit privé


Mlle Juliette GROSSEMY

Sous la direction de M. le Professeur Taisne

Année 2001-2002
SOMMAIRE

Introduction

CHAPITRE 1 : UN RECOUVREMENT
RALENTI PAR LES MESURES DE
REPITERREUR! CELA NE CORRESPOND
PAS À UN NIVEAU DE TITRE VALIDE.

2
INTRODUCTION

La faillite définie comme un échec1 donne à réfléchir en bien des domaines du droit. Il
y a tant de preuves de défaillances humaines, de défaillances sociales, d’échecs des
entreprises des hommes en société2.
Nous entendons ici parler de la « faillite » des débiteurs. Sont visés les débiteurs qui
relèvent de la procédure de redressement et de liquidation judiciaires ou de la procédure de
traitement du surendettement des particuliers. Le terme « faillite » désigne de façon
générique la situation du débiteur qui n’a pu et ne peut honorer ses engagements financiers,
faute de moyens ; il vient du latin populaire fallire signifiant manquer d’argent pour payer.
Les guillemets s’imposent aujourd’hui, le terme est abandonné depuis plusieurs décennies.
Le fait de ne pas honorer ses engagements financiers a toujours constitué un fléau
économique et un mal social situés au cœur des préoccupations des législateurs. Cela s’est
limité le plus souvent au secteur des relations commerciales, mais pour gagner ensuite
l’activité des particuliers dont l’endettement croissant a fini par représenter une dérive
grave qui est à l’origine de nombreuses situations individuelles très dégradées3. De
l’endettement au surendettement le pas peut être aisément franchi. Le nombre actuel de
surendettés est inconnu. L’enquête de la Banque de France, réalisée à la demande du
Ministère de l’Economie, des finances et de l’Industrie, et publiée en février 20024, révèle
que le nombre de débiteurs pouvant être considérés comme surendettés serait très inférieur
au chiffre de un million. UFC-Que-Choisir avance plusieurs estimations oscillant entre 250

1
Définition du Petit Robert.
2
Terré (F.), « Droit de la faillite ou faillite du droit ? », R.J.C., 1991, pp. 1-29, spec. p. 1.
3
Gjidara (S.), L’endettement et le droit privé, L.G.D.J., 1999, n°485.
4
Le Monde 16/02/2002, p. 10. Echantillon de l’enquête constitué sur la base des dossiers présentés à
deux séances consécutives de l’ensemble des commissions de surendettement entre le 9 avril et le 8 juin 2001
(Extrait de l’enquête : annexe 1).
3
000 et 600 000 personnes. En 2001, près de 138 000 dossiers de surendettement ont été
déposés devant les commissions de surendettement, contre 148 000 un an plus tôt. C’est la
première fois que la courbe s’inverse en sept ans. Mais pour M.Baroux5, secrétaire général
de la Banque de France, il serait « hasardeux » d’interpréter les chiffres comme un signal
annonciateur de lendemains meilleurs ; il rappelle, qu’il y a deux ans les statistiques ont un
peu gonflé après la décision prise par le gouvernement d’effacer les dettes fiscales des
personnes « en grande difficulté sociale », car pour bénéficier de la mesure il fallait
déposer un dossier ou l’avoir déjà fait. En effet, pour le début d’année 2002 la tendance
s’inverse, la Banque de France a annoncé en mai que le nombre de dossiers déposés a
encore augmenté en mars après deux mois de hausse consécutifs6. Par contre en matière de
procédures collectives commerciales, les chiffres7 traduisent une diminution sensible du
nombre des défaillances enregistrées. De 1996 à 2000, le nombre de procédures ouvertes
est passé de 65.000 à 37.300. Il faut dire que 1996 a été une année record. Depuis, le
nombre n’a pas cessé de redescendre : en 1997, 58.000 ; en 1998, 50.146 ; en 1999,
46.711 ; en 2000, 37.300.

Dès lors que le système est dualiste, il y a lieu de se demander quel est le champ
d’application respectif de chacune des deux procédures :
S’agissant de la qualité du débiteur. La procédure collective commerciale s’applique aux
personnes morales de droit privé. Les personnes physiques sont soumises aux procédures
collectives dans deux séries d’hypothèses. A titre principal, la procédure s’ouvre à
l’encontre des seules catégories de personnes physiques désignées par la loi, à savoir
commerçants, artisans et agriculteurs8. Les particuliers ne sont donc pas concernés.

5
Ibid.
6
Dépêche AFP sur le site wanadoo.fr , le 06/05/2002 (Annexe 2).
7
Pour les statistiques, Pérochon (F.) et Bonhomme (R.), Entreprises en difficulté-Instruments de crédit
et de paiement, L.G.D.J., 5è éd., 2001, n°15.
8
Un projet de loi visant à réformer les lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985, repensait le domaine
de la procédure. Celle-ci serait applicable à toute « personne physique exerçant une activité professionnelle
indépendante », c’est à dire à toutes les professions libérales.
Sur la réforme, Saint-Alary-Houin (C.), « Les intentions de réforme des lois du 1er mars 1984 et du 25
janvier 1985 », Les Petites affiches, 6 septembre 2000, pp. 64-71, spec. p. 67, n°17.
4
L’application de la loi de 1985 peut aussi s’opérer par voie de conséquence ; sont atteints
les personnes physiques membres ou dirigeants de personnes morales faisant elles-mêmes
l’objet d’une procédure collective. En revanche, la procédure de traitement du
surendettement est réservée aux personnes physiques, simples particuliers. En sont exclues
naturellement les personnes morales sans exception. Il est prévu que la procédure ne peut
pas être appliquée aux débiteurs qui bénéficient d’une autre procédure de règlement de leur
situation financière résultant de leur activité professionnelle9.
Le facteur déclenchant de la procédure n’est pas le même dans les deux cas. La procédure
collective commerciale s’ouvre en cas de cessation des paiements, laquelle résulte de
l’impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible10.
L’état de cessation des paiements est caractérisé par l’inadéquation de l’actif disponible au
passif exigible et apprécié au jour où le tribunal statue. L’actif disponible comprend les
sommes dont l’entreprise peut disposer immédiatement soit parce qu’elles sont liquides
soit parce que leur conversion en liquide est possible à tout moment et sans délai : par
exemple, caisse, solde créditeur des comptes bancaires. Le passif pris en considération est
le passif qui n’a pas été payé, alors qu’il aurait dû l’être. Plus précisément, il s’agit du
passif dont le règlement est réclamé. Le passif « exigible » est donc le passif exigé. Pour
que le paiement de la dette puisse être requis, il convient qu’elle soit certaine, liquide,
exigible. La dette non payée peut avoir un caractère civil ou un caractère commercial. La
situation est différente pour le surendettement, caractérisé par l’impossibilité manifeste
pour le débiteur de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles, exigibles et à
échoir11. La détermination du surendettement du débiteur se déroule en deux temps,
puisqu’il faut procéder à l’inventaire de ses éléments d’actif et de passif, avant de les
comparer les uns aux autres. Le passif du débiteur est constitué par l’ensemble de « ses
dettes non professionnelles exigibles et à échoir ». Aucune disposition ne prévoit

Voir Infra p. 17.


9
Article L. 333-3 al. 1 du Code de la consommation. Il procède à une énumération.
10
Article L. 621-1 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art. 3).
Sur la notion de cessation des paiements, Les Petites affiches, 25 juillet 2002, p. 4 et s. Saint-Alary-
Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, Montchrestien, 3è éd., 1999, n°344 et s.
11
Article L. 331-2 al 1du Code de la consommation.
5
d’exclusion selon la nature des dettes des intéressés, à l’exception des dettes
professionnelles12. Tous les engagements du débiteur, quelle que soit leur origine, sont pris
en compte dans l’appréciation du surendettement. Il s’agira, le plus souvent, de dettes
contractuelles, au premier rang desquelles apparaissent les opérations de crédit. Il faut
remarquer que le déclenchement d’une procédure de surendettement peut intervenir plus
tôt que celui d’une procédure collective commerciale, on est amené à prendre en
considération non seulement le passif exigible ou échu mais encore les dettes à échoir. En
ce qui concerne l’actif, le législateur n’a donné aucune précision. Il s’entend de l’ensemble
des moyens matériels et pécuniaires dont une personne dispose pour assurer son existence
et satisfaire à ses besoins, par conséquent il englobe l’ensemble « des ressources et des
biens du débiteur »13. Le surendettement correspond à une mauvaise adéquation de la
relation charge-ressource, sans qu’il soit possible de déterminer un ratio objectif tant les
situations sont diverses. Si le passif est supérieur à l’ensemble de l’actif, le surendettement
est « manifeste ». Du reste, pour prétendre au bénéfice de la procédure, le débiteur doit être
de bonne foi14. Celle-ci s’apprécie au moment où le débiteur saisit la commission, à la date
des faits qui sont à l’origine du surendettement et lorsqu’il s’agit d’emprunts, à la date où
ils ont été contractés. La conséquence de la présomption de bonne foi est que l’examen du
comportement du débiteur se fait non en terme de bonne foi, mais sous l’angle de la
mauvaise foi qui doit être prouvée par le créancier. Deux critères semblent guider le
caractère de la mauvaise foi15 : le premier relève du fait que le débiteur a ou aurait dû avoir
conscience de s’endetter au-delà de ce qu’il pouvait rembourser ; le second du fait que,
malgré sa situation d’endettement critique, le débiteur ait délibérément aggravé celle-ci,

12
La Cour de cassation s’est attachée à qualifier la « dette professionnelle ». Par trois arrêts rendus le 31
mars 1992, la première chambre civile de la Cour de cassation a indiqué que « les dettes professionnelles sont
celles nées pour les besoins ou à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur ». Cass.civ.1ère, 31 mars
1992, Bull.civ.I, n°107 ; R.J.D.A., 1992, n°1075.
13
Cass.civ.1ère, 27 octobre 1992, R .J.D.A., 1993. Toutes les ressources doivent être prises en compte
quelle qu’en soit l’origine. Il s’agit des revenus de l’intéressé, ceux de son travail ou de son capital, les
allocations ou prestations sociales diverses. Au-delà des ressources, doit être pris en compte l’ensemble des
actifs patrimoniaux tant mobiliers qu’immobiliers.
14
Article L. 331-2 al 1du Code de la consommation.
15
Haudebourg (J-F.) : « Bonne foi et surendettement des ménages », Rev.proc.coll., 1997, pp. 1-17,
spec. p. 7.
6
sans y être contraint par une évolution impossible à maîtriser et sans motif légitime. On
peut se demander quelle place occupe vraiment aujourd’hui le contrôle de la bonne foi au
moment de l’ouverture de la procédure ? Les rejets de dossiers par les commissions, au
motif de la mauvaise foi, restent relativement marginaux. M.Ancel cite, dans une
chronique16, les chiffres communiqués par le secrétaire d’état aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l’artisanat, lors de la discussion devant l’assemblée du projet
de loi contre l’exclusion, ils font état de 21 000 rejets de mars 1990 à avril 1998 ; l’enquête
de la Banque de France, publiée en février 2002, ne mentionne pas de statistiques sur la
question. Il a déjà été avancé de supprimer cette exigence de bonne foi, en prenant modèle
sur le droit des procédures collectives17. « Un amendement déposé en ce sens devant
l’Assemblée Nationale au cours des travaux préparatoires de la loi contre l’exclusion a
cependant été repoussé, au motif qu’il ne fallait pas donner l’impression que l’on veut
favoriser les débiteurs indélicats18 ». La référence à la bonne foi demeure et elle permet
d’écarter du bénéfice de la procédure certains débiteurs peu scrupuleux.

Les deux dispositifs législatifs, procédure collective commerciale ou civile, couvrent


presque la totalité du champ social. Si on met à part les membres de professions libérales
exerçant à titre individuel, ce sont aujourd’hui tous les débiteurs qui ont vocation à
bénéficier de l’une ou l’autre de ces procédures, tous les contrats qui peuvent en être
affectés. Nul n’ignore que les relations contractuelles tissées entre le créancier et le
débiteur sont largement perturbées. Il n’y a pas de situation générale des créanciers. Mais
le point commun à tous est la volonté d’obtenir paiement ou, plus exactement, satisfaction
par l’exécution de l’obligation du débiteur. Cette quête du paiement est naturelle. Le
créancier a fourni une prestation, il s’attend à en recevoir la contrepartie. Dans le cadre des
procédures collectives commerciales, nous nous intéressons au recouvrement de la créance
antérieure au jugement d’ouverture et excluons de notre étude les créanciers dont le titre

16
Ancel (P.), « le traitement des situations de surendettement des particuliers de 1989 à 1998, Du
redressement à la liquidation judiciaire », Droit et patrimoine, octobre 1998, pp. 53-61, spec. p. 53.
17
Soinne (B.), « "Surendettement " et " faillite ", unité ou dualité des régimes », Les Petites affiches, 22
décembre 1997, pp. 4-12, spec. p.6.
7
prend naissance au cours de la procédure, appelés créanciers postérieurs. En effet, ces
derniers échappent au principe de l’interdiction des paiements, énoncé par l’article L. 621-
24 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.33), qui ne concerne que les créanciers
antérieurs. Ils doivent être payés par l’administrateur ou par le débiteur au fur et à mesure
que leurs créances sont échues19.

Au regard de la théorie générale du droit des obligations, le droit de créance se présente


comme le pouvoir d’exiger du débiteur le paiement de sa dette. Par conséquent, le droit de
créance est ou n’est pas, sans que la question de sa reconnaissance ait à se poser. Or, dans
le cadre de la procédure collective commerciale, le droit de créance n’est pas acquis, mais
doit recevoir l’investiture judiciaire. Cela ne concerne que les créanciers antérieurs au
jugement d’ouverture. Les créanciers dont le titre prend naissance au cours de la procédure
n’y sont pas astreints. La procédure d’établissement des créances antérieures, qui est vécue
comme un véritable parcours du combattant par les créanciers, se déroule en deux phases
relatives successivement à la déclaration et à la vérification du passif et à l’admission des
créances. Dès le début de la procédure, les créanciers doivent adresser une déclaration de
20
leur créance au représentant des créanciers . La loi du 25 janvier 1985 a enfermé la
déclaration dans des conditions de validité très précises, auxquelles la jurisprudence a
ajouté des exigences de formalisme particulièrement lourdes, ce qui accentue la sévérité de
la sanction en cas de non-respect de cette procédure et qui conduit à l’extinction des
créances non déclarées. Toutes les créances de somme d’argent doivent en principe être
déclarées, quels que soient leur nature, leurs modalités, leur caractère éventuel ou incertain,
leur date d’exigibilité. La déclaration doit comporter de nombreuses indications
essentielles21 accompagnées des documents justificatifs. Le principal piège tendu aux
créanciers réside dans le délai de validité de la déclaration. Celle-ci doit, en principe, être
faite dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au

18
Ancel (P.), loc.cit.; Amendement n°184, JO déb.Ass.nat.1998, p. 3932.
19
Article L. 621-32 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.40).
20
Article L. 621-43 du Code de commerce (L.25 janvier 1985, art. 50).
21
Par exemple, le montant des sommes réclamées, l’existence d’une sûreté.
8
BODACC, censé être lu par tous les créanciers22. Si la déclaration n’est pas faite en temps
voulu, le créancier est forclos et ne peut plus exercer son droit dans la procédure, à moins
de solliciter du juge-commissaire un relevé de forclusion23. Mais si la créance est déclarée,
encore faut-il qu’elle soit admise, ce qui suppose que le créancier franchisse avec succès la
seconde étape de la procédure. La vérification des créances est faite par le représentant des
créanciers. Celui-ci doit agir dans le délai que fixe le tribunal24. Dans ce délai, il doit
procéder à la vérification du passif25 et remettre au juge-commissaire, après avoir sollicité
les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions
d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente26. L’importance de la
vérification des créances est amoindrie à deux égards. D’une part, la vérification est inutile
au cas de cession ou de liquidation, lorsqu’il apparaît que le produit de la réalisation de
l’actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées 27; il est
pris acte du non-paiement des créanciers. D’autre part, la vérification peut n’être jamais
terminée au moment de l’adoption du plan ou du prononcé de la liquidation judiciaire ; le
sort du débiteur peut être fixé alors que le passif n’est pas définitivement connu ! Au vu
des propositions du représentant des créanciers, le juge-commissaire décide de l’admission
ou du rejet des créances, ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la
contestation ne relève pas de sa compétence. Lorsque la créance est rejetée, elle est
considérée comme inexistante. Et lorsqu’elle n’est pas contestée, le juge-commissaire la
porte sur l’état des créances au titre des créances admises. Après son insertion au
BODACC, tout intéressé peut former un recours contre les différentes décisions rendues en
matière d’admission. L’admission a l’autorité de la chose jugée. Ainsi, le droit de créance
est définitivement fixé dans son existence, son montant et sa nature. Il ressort de nos
développements que la reconnaissance du droit de créance constitue un obstacle à la mise
en œuvre et à l’existence même des droits des créanciers. S’agissant du traitement du

22
Décret 27 décembre 1985, art. 66.
23
Article L. 621-46 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.53).
24
Article L. 621-103 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.100).
25
S’il conteste une créance, il doit en aviser le créancier concerné et l’inviter à fournir ses explications.
26
Article L. 621-103 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.100).
27
Article L. 621-102 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.99).
9
surendettement des particuliers, il ne comporte pas de procédure de vérification des
créances stricto-sensu, mais la loi et le décret ont institué une sorte de déclaration et de
vérification des créances, sous l’emprise de la commission de surendettement. Lors de la
saisine de la commission, le débiteur est tenu de déclarer les éléments actifs et passifs de
son patrimoine28, et il doit à ce titre remettre la liste de l’ensemble de ses créanciers. Il
revient à la commission de dresser l’état d’endettement du demandeur, celle-ci dispose de
certains pouvoirs en matière de vérification des créances, qui sont aussi reconnus au juge
de l’exécution, en cas de contestation par une des parties des mesures recommandées par
ladite commission. Les articles L. 331-3 al.5 et L. 332-2 al.3 du Code de la consommation
ont instauré une procédure d’appel aux créanciers, en vertu de laquelle le secrétariat de la
commission ou le secrétariat-greffe du juge de l’exécution sont chargés de publier, dans un
journal d’annonces légales du département, un appel précisant le délai imparti aux
créanciers pour déclarer leurs créances par lettre simple adressée au secrétariat concerné.
Cet appel a un caractère facultatif et lorsqu’il y est procédé, il est dépourvu de sanction à
l’encontre des créanciers négligents. Du reste, afin que les contestations concernant le
passif du débiteur soient tranchées en début de procédure, il est prévu que la commission
informe les créanciers de l’état du passif déclaré par le débiteur. Ces derniers ont trente
jours pour fournir, en cas de désaccord sur cet état, les justifications de leurs créances ; à
défaut, la créance est prise en compte au vu des seuls éléments fournis par le débiteur29. En
cas de difficultés, la commission peut, si elle l’estime opportun, saisir le juge de
l’exécution d’une demande de vérification de la validité des titres de créance et du montant
des sommes déclarées30. La pratique a révélé que la commission n’apportait pas un soin
extrême à faire le tri entre les dettes et les créances invoquées par les intéressés31. Elle ne
recourt pas souvent au juge, sa saisine ralentirait ses travaux. C’est à ce titre que l’article
14 du décret du 9 mai 1995 précise que la vérification n’est opérée que pour « les besoins
de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission ». Si le juge

28
Article L. 331-3 al.3 du Code de la consommation. Déclaration de surendettement (Annexe 3).
29
Article L. 331-3 al.6 du Code de la consommation.
30
Article L. 331-4 du Code de la consommation.

10
de l’exécution est saisi, il se trouve réinvesti de la totalité de ses pouvoirs de vérification et
d’instruction. A ce stade, il appartient aux créanciers de déclarer leur créance de manière
complète avec les justificatifs à l’appui. La créance dont la validité n’est pas reconnue est
écartée de la procédure et la décision du juge n’est pas susceptible d’appel32. Mis à l’écart
de la procédure, le créancier concerné risque en outre de se voir opposer les mesures de
redressement déclarées exécutoires33, ce qui l’empêchera par conséquent, en application
des articles L. 331-8 et 331-9 du code de la consommation, d’exécuter son titre pendant
toute la durée de ce plan34.

La dimension historique35 ne peut être négligée. Elle présente l’intérêt de montrer le


fragile équilibre sur lequel repose toute législation de la « faillite », et que ce dernier est
constamment mis à mal, tout changement législatif conduisant à protéger le débiteur au
détriment des créanciers ou l’inverse.
Ne pas payer ses dettes fut longtemps reconnu comme un crime et emportait les plus
vives réactions de la société. Les droits de l’Antiquité sont dominés par l’idée de vindicte,
qui se traduit par la violence faite à la personne même du débiteur, dont le corps répond de
l’acquittement de ses dettes. L’ancien droit romain est révélateur de cette pensée antique.
Au Ve siècle av. J-C., la Loi des Douze Tables prévoit une procédure cruelle contre le
débiteur insolvable. Elle réalise la mainmise sur le débiteur jugé. Ce dernier ne peut se
libérer de son assujettissement qu’en payant la somme réclamée, ou en offrant un vindex
qui agit en ses lieu et place. En cas d’échec, il est livré au créancier qui l’enchaîne et
l’expose sur les marchés, autant pour l’exposer à la réprobation publique que pour inciter
d’éventuels intervenants à payer ses dettes. A défaut de paiement au bout de soixante jours,

31
Paisant (G.), « La réforme de la procédure de traitement des situations de surendettement par la loi du
8 février 1995 », J.C.P., 1995-I-3844, pp. 199-206, spec.p. 204, n°33.
32
Article R. 331-12 al.2 et R. 331-13 du Code de la consommation.
33
Il est admis qu’une fois exécutoires, les mesures de redressement sont opposables à tous ceux que le
débiteur aura désignés comme étant ses créanciers et qui, à défaut d’avoir été « appelés » à la procédure,
auront été simplement « avisés » de son existence.
34
Paisant (G.), « La réforme de la procédure de traitement des situations de surendettement par la loi du
8 février 1995 », op.cit., p. 205, n°44.

11
le créancier a le droit de se faire payer sur la personne du débiteur. Celui-ci peut être mis à
mort ou vendu comme esclave à l’étranger. Nous avons là une procédure contre l’homme,
contre tout débiteur, nous dirions aujourd’hui civil ou commerçant, mais qui n’arrive pas à
devenir une procédure contre les biens. Ce n’est pas par cruauté, c’est par absence de
raisonnement et de la possibilité juridique d’accéder aux biens d’un individu. Il faut passer
par sa personne pour exercer des droits sur ses biens. Après quelques siècles, on est arrivé
à passer de l’exécution sur le débiteur à l’exécution sur ses biens. Apparue à partir de 118
av. J-C., une nouvelle procédure encore très lourde mais plus humaine se développe, la
venditio bonorum. Sur la requête d’un créancier, le prêteur accorde un envoi en possession
des biens du débiteur, dont l’objectif est de vendre en bloc les biens au plus offrant. Mais
cette exécution patrimoniale n’élimine pas la contrainte par corps, en ce sens qu’elle atteint
le patrimoine en tant que subrogé de la personne du débiteur, qu’elle expose ce dernier
moralement et socialement à la sanction de l’infamie, et le frappe jusqu’à sa mort tant qu’il
n’aura pas payé l’intégralité de ses dettes. Cette procédure s’applique encore aux
commerçants et aux non-commerçants. Elle demeurera utilisée, dans les pays de droit écrit,
jusqu’à l’Ordonnance de Colbert de 1673. Dans les pays de coutume et particulièrement
dans la coutume de Paris, se rencontre, au cours du Moyen Âge, une procédure de
contribution « au sol la livre » dont le but est de mettre en place une organisation
collective du paiement par contribution entre créanciers. A quoi s’ajoute l’incidence des
foires. Dans le cas des dettes contractées en foire, les créanciers pouvaient saisir les
marchandises de foire du débiteur insolvable et ses biens dans son pays d’origine. Les
premières ordonnances royales demeurent empreintes de rigueur à l’égard des débiteurs.
1673 est une année importante, l’Ordonnance de Colbert réalise l’unification du droit de la
faillite. La procédure, encore extrêmement répressive, est applicable à tous les débiteurs
même non commerçants, bien qu’elle fût édictée plus spécialement en vue du commerce.
L’Ordonnance comporte de multiples sanctions dont la contrainte par corps et la possibilité
de juger le débiteur « extraordinairement et capitalement ». Le débiteur peut toutefois

35
Szramkiewicz (R.), Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1989, p. 42 et s., p. 181 et s. ; Saint-
Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté,op.cit., n°9 et s ; Terré (F.), op.cit.
12
obtenir du Roi une lettre de répit lorsque la cessation des paiements n’est pas due à sa
faute. Pour échapper aux rigueurs de la faillite, le débiteur peut aussi anticiper les
poursuites de ses créanciers et réclamer le bénéfice de la cession de biens judiciaire. En
outre, l’Ordonnance institue une procédure d’atermoiement par laquelle le débiteur essaie
d’obtenir des remises de ses créanciers ou leur abandonne ses biens. Les créanciers
consentent leur accord dans un concordat. Durant la période révolutionnaire, la rigueur de
la législation contre les faillis est restée intacte. « On peut observer que jusqu’au Code de
commerce, les procédures sont animées de préoccupations diverses : châtier le débiteur qui
ne paie pas ses dettes, assurer le règlement des créanciers et préserver l’intérêt
général »36. Il ne s’agit pas d’un droit de la faillite propre aux commerçants. Les mesures
s’appliquent à tout débiteur quelle que soit sa qualité.
Lorsque le Code de commerce de 1807 voit le jour, il n’y a plus d’hésitation. Le régime
est réservé aux commerçants en état de cessation des paiements. « Le débiteur non-
commerçant qui devient insolvable tombe, dit-on, en " déconfiture " et il appartient aux
créanciers de faire individuellement diligence en se pénétrant l’idée que leur paiement est
le prix de la course »37. Le code de commerce réagit contre le phénomène courant des
faillites frauduleuses. Sous le Directoire et le Consulat, les commerçants, après faillite sur
faillite, ressurgissent honorés, puissants ; ils affichent un luxe éhonté et leurs créanciers
attendent toujours d’être désintéressés. En réaction à ces excès, est élaborée une procédure
d’une extrême sévérité pour les faillis. La faillite est ouverte par un jugement du tribunal
de commerce qui donne une date précise et qui entraîne le dessaisissement du failli. Ce
jugement ordonne également l’arrestation du failli. Et ce dernier est frappé de multiples
déchéances civiles et publiques. La faillite se termine par la vente des biens du débiteur
pour payer le passif. Elle poursuivait une fonction de sanction et une fonction
d’élimination du commerçant. Un tel système, empreint d’une telle rigueur, fut très peu
appliqué. Les commerçants réglaient, en réalité, les défaillances d’entreprises en dehors de
la juridiction consulaire. Trente ans après sa parution, le Code de commerce se révèle

36
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté,op.cit., n°12.
37
Terré (F.), op.cit., p.6.
13
souvent inutile au monde du commerce. Dès lors, les modifications deviennent nécessaires.
La première résulte de la loi du 28 mai 1838 ; elle remanie le Code dans le sens de
l’indulgence et ouvre jusqu’à la fin du XIXe siècle le chemin à la clémence à l’égard du
failli. L’incarcération est assouplie. La contrainte par corps sera supprimée par la loi du 22
juillet 1867. Sous la pression des commerçants, les juristes cherchent un système moins
sévère que celui de la faillite. C’est pourquoi la loi du 4 mars 1889 va créer une autre
procédure plus souple à côté de la faillite : la liquidation judiciaire. Elle constitue une
mesure de faveur pour les commerçants malheureux et de bonne foi. Le débiteur est assisté
par un liquidateur et peut obtenir, soit un concordat lui permettant de sauver son affaire,
soit bénéficier d’une remise de ses dettes en abandonnant ses biens. Ce n’est qu’au cas
d’échec de ce sauvetage de son commerce, que sera prononcée la faillite. Il semble que la
nouvelle procédure ait donné de bons résultats, le produit de la liquidation judiciaire étant
pour les créanciers nettement supérieur à celui de la faillite. Le système de 1889 corrigé
par des lois postérieures fonctionna ainsi jusqu’en 1955, date à laquelle parut le décret du
20 mai. Par ce décret, le règlement judiciaire orienté vers le concordat devient la procédure
normale, il remplace la liquidation judiciaire. C’est une procédure objective qui vise à
rembourser au mieux les créanciers et non à frapper de sanctions et de déchéances le
débiteur. Désormais, la faillite n’est qu’un instrument de répression et d’élimination des
commerçants indignes ; elle entraîne la liquidation forcée de tous les biens du débiteur.
L’octroi laxiste des concordats conduisit à préparer une nouvelle réforme de ce texte de
1955, réalisée par la loi du 13 juillet 1967. La distinction de l’homme et de l’entreprise est
clairement établie. Coexistent le règlement judiciaire et la liquidation des biens. Seront
susceptibles de règlement judiciaire les entreprises économiquement saines qui pourront
retrouver un fonctionnement normal après le vote d’un concordat. Sont vouées à
liquidation des biens, à la disparition, les entreprises qui ne sont pas viables. La législation
créée des sanctions et notamment la faillite personnelle, elles atteignent le chef d’entreprise
coupable de fautes et de négligences. Â côté de cette réforme, une ordonnance du 23
septembre 1967 a institué la procédure préventive de suspension provisoire des poursuites
destinée à faciliter le redressement d’entreprises importantes, qui traversent des difficultés

14
graves sans pour autant être en cessation de paiement. La procédure est divisée en deux
étapes. La première consiste en un moratoire avec la règle de la suspension des poursuites
individuelles. Ensuite, le débiteur présente un plan de redressement au tribunal. La loi de
1967 consacre une amélioration de la situation des débiteurs. Les aspects traditionnels de
répression envers le débiteur et de protection du créancier s’estompent au bénéfice d’une
conception à dominante économique et curative, qui se donne pour but le salut des
entreprises viables38. La loi de 1967 a tout de même fait l’objet de critiques. On a reproché
à ces procédures d’être tardives, inadaptées et lacunaires. En 1985, les textes antérieurs ont
tous été abrogés pour leur substituer un nouveau droit des entreprises en difficulté qui se
divise en deux lois : la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable
des difficultés des entreprises ; la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la
liquidation judiciaire des entreprises. La première loi met sur pied des mécanismes d’alerte
et prévoit un règlement amiable des difficultés avant l’ouverture de toute procédure qui
tend à permettre la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers sur
des délais de paiement et des remises de dette. S’agissant de la loi de 1985, elle substitue
aux trois procédures nées des textes de 1967 une procédure unitaire comportant des issues
multiples. Cette procédure est le redressement judiciaire. La dénomination retenue révèle, à
elle seule, l’inspiration profonde du législateur. Il ne s’agit plus d’exécuter les biens du
débiteur, ni régler son passif. Il s’agit de sauvegarder les entreprises. La procédure de
redressement judiciaire débute par une période d’observation, à l’issue de laquelle le
tribunal arrête un plan de redressement, qui aboutit soit à la continuation soit à la cession
de l’entreprise ou prononce la liquidation judiciaire, qui entraîne la réalisation de l’actif en
vue du règlement du passif. Il est apparu très vite en pratique que l’état de nombre
d’entreprises ne nécessitait aucune observation et exigeait une déclaration immédiate de
liquidation judiciaire. C’est ce qu’autorise la loi du 10 juin 1994. Cette réforme conduit
aussi à un rééquilibrage entre le droit du redressement de l’entreprise et le droit des
créanciers, notamment ceux qui sont titulaires de sûretés. Elle moralise les plans de

38
Gjidara (S.), op.cit., n°225 ; Renaut (M-H.), « De la faillite à la procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires », Les Petites affiches, 2 février 1998, pp. 5-13, spec.p. 9, p.12.
15
redressement, qui ne doivent plus aboutir à des liquidations différées ou déguisées ou à une
spoliation des créanciers ; et elle accélère la procédure en corrigeant certaines
imperfections techniques. Aucun texte légiférant sur les procédures collectives n’est
satisfaisant. Il est en conséquence possible de constater l’incessante volonté de modifier les
textes existants. Le ministère de la Justice a diffusé, en décembre 1998, un document
d’orientation préparatoire à la réforme des lois du 1er mars 1984 et 25 janvier 1985. Le
projet, examiné en 2001, n’est pas arrivé au terme de son parcours, mais le débat reste
ouvert… La loi du 25 janvier 1985, maintenue dans ses finalités, était repensée dans
l’organisation des procédures39. Pour l’essentiel, le projet prévoyait la possibilité d’ouvrir
un redressement judiciaire, à titre préventif, à la demande du débiteur avant que la
cessation des paiements ne soit constatée. Il envisageait aussi l’institution d’une procédure
de liquidation accélérée lorsque le débiteur n’a que de faibles actifs, mais, en toute
hypothèse, ne permettait la liquidation judiciaire que si l’activité a cessé et si le
redressement est manifestement impossible40.

A présent, il faut envisager le sort du débiteur civil. L’insolvabilité entraîne la


déconfiture de ce débiteur. Seules l’Alsace et la Moselle connaissent l’institution de la
faillite civile. La déconfiture constitue un simple état de fait dont le juge tire certaines
conséquences prévues dans des textes épars du Code civil. Elle est inorganisée puisqu’elle
laisse le débiteur en possession de son patrimoine, soumis aux poursuites individuelles des
créanciers, dont le paiement est le prix de la course. Le créancier le plus diligent aura
davantage de chances d’être payé que celui qui l’est moins. Les inconvénients de cette
inorganisation ont été en partie atténués par la procédure de traitement du surendettement
des particuliers.
Il nous faut cerner ce phénomène qui touche de nombreux ménages. L’essor du
surendettement trouve son origine dans la montée progressive de l’endettement, défini

39
Saint-Alary-Houin (C.), « Les intentions de réforme des lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985 »,
op.cit.
40
Les deux critères d’ouverture de la liquidation judiciaire pour le moment alternatifs, deviendraient
cumulatifs.
16
comme l’institution d’un rapport de crédit et de dette de nature pécuniaire41.
Etymologiquement, le surendettement évoque un excès d’endettement, une accumulation
de dettes42. L’économie française, dans la mesure où elle se voulait moderne, a dû recourir
au crédit. Les trois dernières décennies ont été marquées par un formidable essor de
l’endettement et sa généralisation à la quasi-totalité des agents économiques. C’est la
libéralisation financière, la levée progressive de l’encadrement du crédit au cours des
années quatre-vingts et sa suppression en 1986-198743, qui ont orienté l’offre de crédit vers
les particuliers, les ménages. Ces derniers sont devenus la cible favorite des dispensateurs
de crédit. « Le fort développement du crédit à la consommation et du crédit immobilier
ainsi que le succès de nouvelles formes de crédit telles que le crédit renouvelable ont
conduit dans un premier temps les pouvoirs publics à concevoir des dispositifs juridiques
destinés à protéger les emprunteurs »44, dispositifs à visée essentiellement préventive : la
loi n°78-22 du 10 janvier 1978 relative à l’information et à la protection des
consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, puis la loi n°75-596 du
13 juillet 1979 relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine
immobilier. Mais en dépit de ces mesures, l’endettement des français n’a cessé de croître
sous l’effet conjugué des conditions économiques et sociologiques. Estimant à 200 000 le
nombre de familles surendettées, au point d’avoir à supporter des mensualités de
remboursement dépassant 60% de leur revenu mensuel disponible45, le législateur a mis en
place par la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, un dispositif particulier de prévention et
de règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles. Il
s’agit du premier dispositif français d’aide et d’assistance pour les débiteurs surendettés,

41
Saterno (M-U.), Rapport Général, in L’endettement, Travaux de l’Association H. Capitant, Tome
XLVI, L.G.D.J., 1995, pp. 43-71, spec. p. 44.
42
Cornu (G.), Vocabulaire juridique, Assoc. H. Capitant, P.U.F., 8è éd., 2000, p. 845 ; il s’agit d’un
néologisme constitué à partir des mots « sur » (du latin « super » marquant ici l’accumulation, l’excès) et
« endettement ».
43
Khayat (D.), Le droit du surendettement des particuliers, L.G.D.J., Droit Privé, 1997, p. 9.
44
Hyest (J-J.), Loridant (P.), Rapport du Sénat n°60, Surendettement. Prévenir et Guérir, 1997-1998, p.
11.
45
Paisant (G.), « La réforme de la procédure de traitement du surendettement par la loi du 29 juillet 1998
relative à la lutte contre les exclusions », R.T.D.com., 1998, pp. 743-761, spec. p. 743 ; Projet de loi relatif à

17
jusqu’alors leur seule possibilité était de solliciter du juge des délais de paiement, ainsi que
le sursis à l’exécution des poursuites éventuellement engagées à leur encontre par les
créanciers46. La loi de 1989, dite « loi Neiertz », a été intégrée par une loi du 26 juillet
1993 dans le Code de la consommation aux articles L.331-1 et s. Elle institue deux
procédures pour le traitement du surendettement des personnes physiques de bonne foi
incapables de faire face à leur passif non professionnel : une procédure de règlement
amiable vise à obtenir un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers, sous l’égide
d’une commission administrative siégeant à la Banque de France. A défaut, ou même
directement à l’initiative du débiteur ou du juge, une procédure de redressement judiciaire
civil est organisée, permettant d’obtenir du juge des délais et des remises. Le succès de
cette législation fut immédiat puisque, fin 1990, pour ses dix premiers mois d’application,
elle avait donné lieu au dépôt de quelque 90 000 demandes de règlement amiable et deux
ans plus tard le chiffre de 200 000 était largement dépassé47. Dans le même temps, il est
apparu que les juges, de plus en plus saisis après échec de la procédure amiable, avaient
des difficultés à faire face à ce surcroît de contentieux. Le législateur, dans le souci de
recentrer le juge sur ses activités juridiques propres, procède par la loi n°95-125 du 8
février 1995 à la modification des modalités de traitement des situations de
surendettement, de sorte que la procédure amiable est devenue la procédure de droit
commun. Devenue unique, la procédure allait désormais essentiellement se dérouler devant
la commission. Celle-ci conserve le soin de rechercher une procédure amiable et se voit
doter, à défaut de conclusion d’un plan conventionnel de redressement, de la faculté de
recommander des mesures de traitement du surendettement. Tandis que le juge se voit
assigner pour mission d’assister la commission et de contrôler son action. Pour autant, tous
les problèmes n’étaient pas réglés. Les améliorations n’ont pas apporté tous les résultats
attendus en raison du changement de nature du surendettement de plus en plus lié à des
événements sociaux indépendants de la volonté des débiteurs (chômage, décès, divorce)

la prévention et au règlement des difficultés liées à l’endettement des particuliers, Doct. Sén. N°485, 2è
sess.extraord.1988-89, p. 2.
46
Articles 1244-1et 1244-2 du Code civil.

18
rendant impossible l’adoption d’un plan de remboursement viable. Le surendettement
passif consécutif à une insuffisance de ressources, a pris le pas sur le surendettement actif
dû à un endettement excessif. Conçue pour la seconde situation, la loi de 1989 ne
permettait pas de répondre à la première. La question ignorée du législateur de 1995, a été
remise à l’ordre du jour en 1997 avec le rapport de l’ODAS48 (Observatoire de l’action
sociale décentralisée) et le rapport des sénateurs Hyest et Loridant49. Devant la progression
des phénomènes de précarité, les pouvoirs publics ont réagi, d’abord par la loi n°98-46 du
23 janvier 1998 en cas de saisie immobilière, puis par la loi n°98-657 du 29 juillet 1998
relative à la lutte contre les exclusions. Cette dernière procède à des modifications
ponctuelles des textes antérieurs et apporte une innovation majeure, celle de prévoir pour
les cas les plus désespérés un moratoire suivi d’un effacement partiel ou total des dettes.
L’enquête de la Banque de France, publiée en février 2002, confirme l’évolution de la
nature du surendettement : en 2001, les situations de surendettement passif concernent un
peu plus de 64% des dossiers. Celles-ci sont consécutives à des « accidents de la vie », au
premier rang desquels on trouve le chômage, dans 26,5% des cas et une séparation ou un
divorce, dans 16% des cas.

Au fil des siècles, la condition du débiteur a donc évolué. En l’état actuel du droit
français, la décision de traiter l’état d’insolvabilité se traduit en pratique par la mise en
œuvre de procédés destinés à agir sur la structure, le poids, voire l’existence des dettes du
débiteur. Les deux séries de procédures, procédure collective commerciale et civile,
aboutissent à la même finalité du traitement, celle de pas punir celui qui a manqué à ses
engagements, mais de faciliter sa réinsertion dans le circuit économique et social, quitte à
précariser les droits des créanciers pour y parvenir. Accusés de tous les maux à propos du
surendettement des particuliers, et considérés non plus comme des partenaires de

47
Paisant (G.), « La réforme de la procédure de traitement du surendettement par la loi du 29 juillet 1998
relative à la lutte contre les exclusions », op.cit., p. 743.
48
Cité par Paisant (G.), loc.cit. ; Rapport ODAS, Travail social et surendettement, ODAS éditeur, 1997.
49
Hyest (J-J.),Loridant (P.), loc.cit.
19
l’entreprise mais comme une menace pour sa survie, les créanciers sont sacrifiés sur l’autel
d’un redressement le plus souvent hypothétique50. Leur situation s’est considérablement
amoindrie. Il y a une rétrogradation de la fonction de paiement, elle est devenue
secondaire, au regard des impératifs du sauvetage du débiteur.
Le créancier peut-il quand même espérer être payé ? C’est ce qu’il faut rechercher en
examinant la portée des mesures qui peuvent être accordées au débiteur en difficulté. En
effet, lorsque ce dernier ne peut plus assumer la charge de ses dettes et que, par
conséquent, sa défaillance constitue une menace pour l’emploi ou le place en situation de
précarité, plusieurs mesures curatives sont mises en œuvre. Certaines font l’objet d’un
accord entre le débiteur et ses créanciers. On trouve trace de ce type de mesure de source
conventionnelle dans la procédure de règlement amiable dont peut bénéficier une
entreprise en difficulté51, ainsi que dans le plan conventionnel de redressement qui, sous
l’égide de la commission de surendettement, peut être conclu au profit du débiteur
surendetté52. D’autres mesures sont imposées aux créanciers par le juge ; dans le cadre des
procédures de traitement du surendettement, la décision du juge est préparée par la
commission qui recommande les mesures, mais c’est toujours le juge qui rend exécutoires
ces recommandations. Seules les secondes mesures nous intéressent, elles constituent des
atteintes à l’intangibilité du contrat et à sa force obligatoire. Toutes les mesures imposées
n’ont pas la même portée, elles n’atteignent pas de la même manière les prérogatives du
créancier. Peut-on dire que certains débiteurs ont aujourd’hui un véritable droit de ne pas
payer leurs dettes ? Peuvent-ils être libérés de leur obligation initiale et les créanciers
n’avoir aucune contrepartie ? On le vérifiera au cours de nos développements. La formule
« le droit de ne pas payer ses dettes » est empruntée à Ripert qui en a fait en 1936 le titre
d’un article stigmatisant certaines lois protectrices des débiteurs en difficulté édictées par
le gouvernement du Front populaire53. Pour l’instant, on peut juste avancer que le créancier
se retrouve dans une situation peu enviable. Les mesures de répit accordées au débiteur

50
Gjidara (S.), op.cit., n°486.
51
Article L. 611-1 et s. du Code de commerce (Loi du 1er mars 1984 ).
52
Article L. 331-1 et s. du Code de la consommation.
53
Ripert (G.), « Le droit de ne pas payer ses dettes », DH. 1936, pp. 57-60.
20
ralentissent le recouvrement de la créance, et les mesures de grâce le compromettent. Il
faut en tirer les conséquences. L’ombre de la « faillite » est toujours une menace. Le
créancier est invité à garantir sa créance pour tenter d’éliminer le risque majeur de n’être
pas payé ou de ne pas l’être à l’échéance.
Dans une première partie, nous verrons que le recouvrement de la créance est ralenti
par les mesures de répit (Chapitre 1). Dans une seconde qu’il est compromis par les
mesures de grâce (Chapitre 2). Et dans une troisième partie, nous traiterons de
l’invitation à garantir la créance (Chapitre 3).

21
CHAPITRE 1 :

UN RECOUVREMENT RALENTI PAR LES MESURES DE


REPIT

Sans nier le droit des créanciers de se faire payer, la législation a multiplié les obstacles
qu’ils doivent surmonter en vue d’obtenir satisfaction. Le recouvrement même de la
créance paraît dans le cadre de la procédure collective commerciale ou civile voué à être
ralenti. Un répit est accordé au débiteur, au moins un temps, justifié par la volonté de
préserver les capacités à exécuter la prestation financière et de permettre la reconstitution
de la situation patrimoniale. Dans cette perspective, sont suspendues les poursuites
engagées contre le débiteur et du temps lui est accordé pour s’exécuter par le biais
d’allongement des délais.
L’étude des mesures de répit nous conduit à envisager d’une part la suspension des
poursuites engagées contre le débiteur (Section 1) et d’autre part l’allongement des
délais de paiement (Section 2).

22
SECTION 1 - LA SUSPENSION DES POURSUITES
ENGAGEES CONTRE LE DEBITEUR

Le contentieux de l’impayé repose, traditionnellement, sur des procédures diligentées


par les différents créanciers contre le débiteur pour assurer la satisfaction de leurs droits.
Certaines sont qualifiées de "procédures au fond", elles permettent au créancier de faire
sanctionner l’inexécution de l’obligation, d’obtenir la condamnation du débiteur au
paiement ; d’autres, les "procédures d’exécution", offrent la possibilité au créancier de
poursuivre l’exécution forcée de son titre. Mais le traitement du passif nécessite de
soustraire le débiteur des actions des créanciers. Ce "gel des actions"54 conduit à
interrompre les poursuites des créanciers contre le débiteur défaillant. Il est donc interdit
aux créanciers de contraindre le débiteur à respecter ses engagements initiaux. La mesure
s’applique dans le cadre des procédures collectives commerciales et dans le cadre des
procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers.
En matière de procédures collectives commerciales, la volonté du législateur de laisser
au débiteur en cessation de paiement le répit nécessaire à l’établissement d’un plan de
redressement s’exprime dans la règle énoncée à l’article L. 621-40 du Code de commerce
(L. 25 janvier 1985, art.47) sur la suspension des actions en justice et des voies
d’exécution. Cette disposition est d’ordre public55. Au préalable, il convient de souligner
que les solutions sont les mêmes dans le régime de la liquidation judiciaire56 et que ce gel
des droits des créanciers, inhérent à toute procédure collective, peut se manifester plus
précocement depuis que la suspension provisoire des poursuites a été intégrée au règlement

54
Le Corre (P-M.), Le créancier face au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises,
P.U.A.M., 2000, p. 388. Il parle de "gel des actions" dans le cadre de la procédure collective commerciale,
mais on peut étendre cette qualification à la procédure civile de traitement du surendettement des particuliers.
55
CA. Bordeaux, 9 juillet 1987, Gaz.Pal.1987, II-535, obs. Brault (P.) ; Cass.com., 28 mars 1995,
Bull.civ.IV, n°140.
56
Article L. 622-3 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.148-2).
23
amiable de droit commun par la loi du 10 juin 199457. Le fondement de la suspension des
poursuites a fait l’objet d’une controverse58. Selon une première thèse, la règle de la
suspension dérive du dessaisissement : le débiteur, dans l’impossibilité de se défendre, doit
être mis à l’abri des poursuites59. Une thèse contemporaine60 recherche davantage le
fondement dans le caractère collectif et égalitaire de la procédure ; on supprime les
initiatives individuelles puisqu’elles se traduiraient par le "prix de la course" sur le
patrimoine du débiteur. En définitive, la règle poursuit un triple objectif, dégagé par
M.Guyon61 : accélérer le déroulement de la procédure en concentrant toutes les actions
entre les mains du représentant des créanciers ; garantir l’équité des paiements ne résultant
pas du "prix de la course" ; éviter la vente prématurée de biens essentiels. La suspension
des poursuites individuelles a pour corollaire l’interdiction faite au débiteur ou à son
représentant légal de payer les créanciers pendant la période d’observation62.

S’agissant de la procédure de traitement des situations de surendettement, sauf accord


favorable des créanciers, la saisine de la commission n’emporte pas suspension des
poursuites individuelles63. Le législateur a réformé à deux reprises le régime de traitement,
mais ne s’est toujours pas décidé à faire de la suspension un effet obligé de l’ouverture de
la procédure, comme en matière commerciale ; il existe une autre disparité entre les deux
procédures, en matière de surendettement, la suspension ne concerne que les procédures
d’exécution, les procédures au fond ne sont pas visées. La recevabilité du dossier et la
tentative de conciliation pouvant se heurter à la résistance de certains créanciers, soucieux

57
La suspension des poursuites est néanmoins facultative.
58
Sur la controverse : Rizzo (F.), Le traitement juridique de l’endettement, P.U.A.M., 1996, n°117.
59
Lyon-Caen, Renault, Aniaud, Traité de droit commercial, T.VII, n°251 (cité par F. Rizzo).
60
Guyon (Y.), Droit des affaires, Entreprises en difficulté - Redressement judiciaire - Faillite, T.II,
Economica, 7è éd., 1999, n°1239 ; Vallansan (J.), « Redressement et liquidation judiciaires. Arrêt des
poursuites individuelles », J.Cl. Commercial, Fasc. 2355, n°5.
61
Guyon (Y.), loc.cit.
62
Article L. 621-24 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.33).
63
Le principe, selon lequel l’engagement de la procédure de traitement ne produit pas d’effet suspensif, a
été rappelé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 2001
(R.T.D.com., 2001, p. 782, obs. Paisant (G.)). La première chambre civile, dans un arrêt du 19 novembre
1991, avait déjà statué dans le même sens à propos de l’ouverture de l’ancienne procédure de redressement
judiciaire civil (Bull.civ. I, n°321).
24
de poursuivre les procédures d’exécution engagées contre le débiteur ou d’en introduire
une, le législateur donne à la commission la faculté de saisir le juge de l’exécution aux fins
de suspension des procédures d’exécution diligentées contre le débiteur. La règle est
prévue à l’article L. 331-5 du Code de la consommation64. L’alinéa 1er dispose qu’à
compter de la publication du commandement aux fins de saisie immobilière, le juge de la
saisie immobilière est seul compétent pour prononcer la suspension de cette procédure. Le
juge accueillera favorablement la demande si la situation du débiteur l’exige, c’est à dire si
les procédures d’exécution dont la suspension est demandée, sont de nature à
compromettre l’élaboration d’un plan de règlement. La demande peut être adressée dès la
décision de recevabilité du dossier65 ou ultérieurement, en cours d’élaboration du plan
amiable lorsqu’un créancier décide de rompre les négociations et de poursuivre le
recouvrement de sa créance. La loi du 29 juillet 1998 a sensiblement accru le nombre de
personnes pouvant saisir le juge d’une demande de suspension provisoire en cas
d’urgence : à la commission s’ajoutent le président de celle-ci, son délégué, le représentant
local de la Banque de France, et le débiteur. Par ailleurs, il est prévu à l’article L. 331-9 du
Code de la consommation qu’en cas d’échec de la procédure amiable, certaines mesures
imposées aux créanciers entraînent de plein droit la suspension des procédures d’exécution.

« Afin d’augmenter les chances d’aboutir à un réaménagement efficient de la dette, la


suspension des poursuites permet de centraliser les mesures thérapeutiques sur le
patrimoine du débiteur et d’isoler, pendant une durée déterminée, les difficultés soulevées
par l’inexécution des rapports juridiques établis entre ce dernier et ses créanciers »66. Il

64
Les articles R. 331-14 et 331-15 du Code de la consommation précisent les conditions procédurales de
la suspension. La demande de suspension est présentée par lettre simple au greffe du juge de l’exécution ou
le cas échéant au juge de la saisie immobilière après publication d’un commandement de saisie immobilière,
cette dernière doit être accompagnée d’une annexe établissant le relevé des éléments actifs et passifs du
patrimoine du débiteur, l’état de son endettement et la liste des procédures en cours.
65
La condition indispensable à la suspension de la procédure d’exécution est la recevabilité de la
demande de bénéfice de la procédure de surendettement. C’est ce que rappelle un arrêt de la Cour de
cassation du 19 juin 2001 : Cass.civ.1 ère, 19 juin 2001, Contrats, Conc., Consom., 2002, n°40, obs.
Raymond (G.).
66
Rizzo (F.), op.cit., n°117.
25
convient de s’attacher à préciser le domaine d’application de la suspension des poursuites
(§1) avant de préciser sa durée (§2).

§1- Le domaine d’application de la suspension


des poursuites

La faveur faite au débiteur diffère selon qu’il relève de la procédure civile de traitement
du surendettement ou de la procédure collective commerciale. La disparité entre les deux
procédures, nous conduit à distinguer le gel des poursuites diligentées contre le débiteur en
procédure collective commerciale (A) de celui prévu pour les poursuites diligentées contre
le débiteur surendetté (B).

A- Le gel des poursuites diligentées contre le débiteur relevant


des procédures collectives commerciales

En reproduction d’une solution classique, l’article L. 621-40 du Code de commerce


énonce que « Le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part
de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et
tendant :
- à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
- à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
Il arrête ou interdit également toute voie d’exécution de la part de ces créanciers tant
sur les meubles que sur les immeubles.
Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en
conséquence suspendus ».
Cette disposition fait obstacle, dès le prononcé du jugement d’ouverture, au
recouvrement forcé des créances nées antérieurement à ce prononcé, « ce qui confère au

26
débiteur une véritable immunité d’exécution »67. La règle est d’une redoutable efficacité.
Afin d’en délimiter le domaine d’application, il nous faut désigner les créanciers atteints
par la mesure (1) et déterminer les poursuites concernées (2).

1- Les créanciers atteints par la mesure


La suspension des poursuites, règle commune à tous les créanciers, est gênante. Ces
derniers risquent de se trouver dans une situation aussi grave que celle de leur débiteur en
cessation des paiements. Il ressort de la lettre de l’article L. 621-40 du Code de commerce
que la mesure a une portée générale. « Tous les créanciers » sont soumis à cette restriction,
du moment que leur créance a pris naissance avant le jugement d’ouverture. Mais si seuls
les créanciers antérieurs sont concernés, ils le sont tous, à l’exception des salariés en raison
du caractère alimentaire de la créance salariale. Peu importe qu’ils soient chirographaires
ou titulaires de sûretés, ou encore titulaires d’un privilège général, tel est notamment le cas
du Trésor et de la Sécurité sociale68. Notons que la suspension joue, même lorsque la
créance invoquée trouve son origine dans une activité distincte de celle qui a donné lieu à
l’ouverture de la procédure collective69, la règle de l’unité justifiant la solution.
Les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture se trouvent dans une situation peu
enviable. Leur vigilance est demandée au moment même où s’ouvre une procédure afin
qu’ils soient reconnus en tant que créanciers. Mais quand ce droit est reconnu, tout
problème n’est pas pour autant résolu, les poursuites individuelles sont suspendues.

Malgré ses inconvénients pour les créanciers, la règle de l’article L. 621-40 du Code de
commerce a un domaine étendu. Cette affirmation se vérifie lorsque l’on dresse
l’inventaire des poursuites concernées.

67
Gjidara (S.), op.cit., n°482 . Reprenant l’expression «immunité d’exécution » de Messieurs Derrida,
Godé, Sortais.
68
Guyon (Y.), op.cit., n°1241; Ripert (G.), Roblot (R.) par P.Delebecque et M.Germain, Traité de droit
commercial, T.2, L.G.D.J., 16è éd., 2000, n°2969.

27
2- Les poursuites suspendues
La suspension s’applique aux actions en justice et aux voies d’exécution.
S’agissant des actions suspendues par la survenance de la procédure, elles sont de deux
types :
- L’article L. 621-40 du Code de commerce vise, tout d’abord, celles qui tendent au
paiement d’une somme d’argent. Le créancier ne peut entamer une nouvelle action en
paiement et doit suspendre celle qui est engagée. Cette suspension des actions en paiement
est conçue de manière extensive, elle concerne toutes les actions tendant à la condamnation
du débiteur au paiement d’une somme d’argent, quels que soient la cause et l’objet de la
demande70. Sont ainsi suspendues l’action du vendeur en paiement du prix de vente, du
bailleur en règlement des loyers.
- Ensuite, l’article L. 621-40 du Code de commerce s’applique aux actions tendant à la
résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Il s’agit d’une
innovation essentielle de la loi du 25 janvier 1985 qui met un terme à la jurisprudence
antérieure qui statuait en sens contraire71. La solution est justifiée, car le maintien de
certains contrats est nécessaire au redressement. Désormais, par exemple, le vendeur
impayé ne pourra demander après le jugement d’ouverture la résolution de la vente pour
inexécution ou le bailleur, la résolution du bail pour non paiement des loyers antérieurs72.
Seule une clause résolutoire acquise avant le jugement ou une résolution judiciaire
définitive peut être invoquée après. Il faut noter que reste ouverte l’action visant à faire
constater la survenance d’une clause de résolution73.

S’agissant des voies d’exécution, elles sont suspendues tant sur les meubles que sur les
immeubles. Aucune voie d’exécution ne peut être entreprise, et les voies d’exécution déjà
entreprises sont arrêtées, qu’elles portent sur des meubles ou des immeubles, et quelle

69
Cass.com., 27 novembre 1991, R.J.D.A., 1992, n°192.
70
Saint-Alary-Houin (C.), op.cit., n°753.
71
Cass.com., 1er février 1977, J.C.P., 1978-II-18873, obs. Delaporte (V.) ; 22 janvier 1979, Bull.civ.IV,
n°25.
72
Sur l’irrecevabilité de la résolution de la vente : Cass.com., 28 février 1995, Bull.civ.IV, n°59.

28
qu’en soit la nature : saisie-attribution, saisie-vente, saisie immobilière et même saisie
conservatoire. L’article L.621-42 du Code du commerce (L. 25 janvier 1985, art. 49) crée
un trouble en énonçant que les voies d’exécution « autres que celles visées à l’article
L.621-40 sont poursuivies au cours de la période d’observation (…) », ce qui signifierait
que l’article L.621-40 ne concerne pas toutes les voies d’exécution. En réalité il ne s’agit
que d’une maladresse de rédaction74, ce qui ne nuit pas à la généralité de la règle.
La jurisprudence a appliqué l’article L. 621-40 du Code de commerce de manière
tellement extensive que cela aboutit à la paralysie quasi-générale des créanciers antérieurs.

Malgré sa généralité, la règle de la suspension des poursuites connaît des atténuations.


Y échappent toutes les actions qui ne sont pas expressément visées par l’article L.621-40
du Code du commerce, autrement dit toutes les actions ayant un autre fondement que le
défaut de paiement d’une somme d’argent. Par exemple, cela a été jugé pour les actions
tendant à l’annulation ou à la rescision d’un contrat75, à l’action en garantie des vices
cachés76. Mais restent soumises à cet article les actions qui, sous couvert d’une
condamnation en nature, tendent en réalité au paiement d’une somme d’argent pour une
cause antérieure à l’ouverture de la procédure ; il a ainsi été jugé qu’était suspendue
l’action tendant à faire souscrire un cautionnement à une société en redressement judiciaire
car sous couvert d’une obligation de faire, l’action tendait à obtenir de la société
l’engagement de payer une somme d’argent77.
En outre, l’article L.621-40 du Code du commerce ne peut s’appliquer aux voies
d’exécution ou aux actions en justice qui ont déjà produit leur effet légal lors du jugement
déclaratif, et qui sont donc acquises. Ce maintien des situations acquises connaît de
nombreuses illustrations en jurisprudence. La question intéresse, entre autres, la saisie-

73
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n°753.
74
Ibid, n°755. Le législateur a vraisemblablement voulu viser les voies d’exécution intentées pour
recouvrer les créances postérieures qui demeurent admises ainsi que les voies d’exécution acquises qui
échappent à l’article L. 621-40 du Code du commerce.
75
Cass.com., 8 décembre 1976, Bull.civ.IV, n°312.
76
Cass.com., 28 mars 1995, Bull.civ.IV, n°104.
77
Cass.com., 6 juin 1995, J.C.P., 1996-I-3896, n°16, obs. Pétel (P.).
29
attribution78. Aux termes de l’article 43 de la loi du 9 juillet 1991, l’acte de saisie emporte,
à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate de la
créance saisie au profit du créancier saisissant, et l’alinéa 2 de ce texte précise que la
survenance d’un jugement d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires
ne remet pas en cause cette attribution. Il est ainsi admis que la saisie-attribution effectuée
avant le jugement entraîne un effet attributif immédiat qui empêche sa remise en cause. La
situation du créancier saisissant est normalement des plus confortables. Certaines
difficultés nuisent quand même à l’efficacité de la saisie. Il faut, comme le précise un arrêt
du 19 février 2002 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, que le
créancier saisissant veille à ce que la dénonciation de la saisie-attribution soit faite à la
bonne personne, sous peine de la caducité de la mesure d’exécution79 ; le plus difficile est
quand même pour un créancier d’avoir connaissance à temps de l’ouverture de la
procédure collective. Il faut aussi préciser que la situation est nettement moins favorable
quand ce n’est pas le débiteur, mais le tiers saisi, que frappe la procédure collective. A
l’égard de ce dernier, le saisissant n’est plus qu’un créancier comme les autres. Faute de se
soumettre dans les délais à l’obligation de déclarer, le créancier verra sa créance s’éteindre.
Et même s’il effectue régulièrement sa déclaration, il subira l’effet de la suspension des
poursuites individuelles. Ainsi en a jugé la chambre commerciale de la Cour de cassation
dans un arrêt du 11 juin 200280.

78
Canet (P.), « Les voies d’exécution issues de la loi du 9 juillet 1991 face au redressement et à la
liquidation judiciaires », Rev.proc.coll., 1995, pp. 265-284 ; Ghelfi-Tastevin (F.), « Le principe de "l’effet
attributif immédiat" des saisies et le droit des entreprises en difficulté », Les Petites affiches, 18 octobre
1999, pp. 6-13 et Les Petites affiches, 20 octobre 1999, pp. 13-19.
Le jeu des clauses résolutoires soulève également un fort contentieux. La clause n’est efficace que si elle
a produit ses effets avant l’ouverture de la procédure, mais son plein effet est parfois subordonné à des
exigences supplémentaires, tel est le cas lorsque la clause est stipulée dans un bail commercial.
79
Cass.com., 19 février 2002, Dalloz Affaires. 2002, AJ, p. 1070, obs. Avena-Robardet (V.).
En l’espèce, la saisie-attribution a été engagée avant la mise en redressement judiciaire du débiteur mais
ne fut dénoncée qu’après. En temps normal, la dénonciation est faite au débiteur. Mais, lorsqu’une procédure
collective est ouverte, il faut rechercher qui, en application des articles L. 621-22 et L. 621-23 du Code de
commerce a qualité pour recevoir la dénonciation. Par exemple, si l’administrateur n’est chargé que d’une
mission de surveillance, la dénonciation au seul débiteur est suffisante.
80
Cass.com., 11 juin 2002, Dalloz Affaires. 2002, AJ, p. 2256, obs. Lienhard (A.).
30
En matière de procédure collective intéressant des professionnels, la règle de la
suspension des poursuites couvre un domaine relativement large. Celui relatif à la
suspension des procédures d’exécution, en matière de procédure de traitement des
situations de surendettement, se révèle plus restreint.

B- Le gel des procédures d’exécution diligentées contre le


débiteur surendetté

La délimitation du domaine d’application de la suspension des poursuites passe par la


désignation des créanciers qui en sont atteints (1) et par l’inventaire des procédures
suspendues (2).

1- Les créanciers atteints par la mesure


Pour assurer le redressement de la situation du surendetté, le juge a la faculté de
prononcer, sur le fondement de l’article L.331-5 du Code de la consommation, la
suspension provisoire des procédures d’exécution diligentées contre le débiteur. On
s’interroge sur l’étendue de cette mesure, vise t-elle tous les créanciers du débiteur ?
La décision de suspension n’a pas en principe d’effets collectifs et ne concerne que le
créancier contre lequel elle est demandée, mais en réalité la commission demandera la
suspension de toutes les procédures d’exécution engagées contre le débiteur de nature à
contrarier la conclusion d’un plan. En application de l’alinéa 1er de l’article L.331-5 du
Code de la consommation, la suspension ordonnée concerne les procédures déjà en cours
au moment de la saisine de la commission, une liste en est dressée par la commission81 ;
par conséquent, toute autre procédure d’exécution émanant d’autres créanciers, et qui
aurait été omise dans la liste de la commission ou dans l’ordonnance du juge, se poursuit.
Si l’ordonnance fait droit à la demande de suspension, elle est insusceptible d’appel, mais
peut faire l’objet d’une demande de rétractation émanant des créanciers poursuivants aux
termes de l’article 17 alinéa 2 du décret du 9 mai 1995.

81
Article 16 al2 du décret du 9 mai 1995.
31
Tous les créanciers sont soumis à la règle de suspension, qu’ils soient chirographaires
ou munis de sûretés. Selon les termes de l’alinéa 1 de l’article L.331-5 du Code de la
consommation, la mesure ne saurait contrarier les poursuites trouvant leur origine dans des
créances alimentaires. Cette règle n’avait été formulée par la loi qu’à propos de la
suspension prononcée au cours d’un redressement judiciaire civil avant d’être étendue, par
le décret du 21 février 1990, à celle demandée par la commission. Elle trouve sa
justification dans l’état de besoin du créancier d’aliments. L’article précité excluant les
seules dettes alimentaires, on en déduit, a contrario, que toutes les autres dettes peuvent
être concernées, même celles à l’égard du fisc et des organismes sociaux82. Il faut noter,
que pendant le moratoire recommandé par la commission en cas d’échec de la phase de
conciliation et d’insolvabilité du débiteur, la suspension des procédures d’exécution à
l’encontre des biens du débiteur, prévue à l’article L. 331-9 du Code de la consommation,
ne porte ni sur les dettes alimentaires ni sur les dettes fiscales. C’est une nouveauté.
L’article précité L. 331-9 du Code de la consommation dispose qu’aucune procédure
d’exécution à l’initiative d’un créancier privé ne peut être engagée pendant la durée
d’exécution du moratoire de l’article L. 331-7-1 et des mesures de l’article L.331-7 du
Code de la consommation, encore faut-il que les mesures recommandées par la
commission lui soient opposables. Il est prévu à l’article L. 331-8 du Code de la
consommation que les mesures sont inopposables « aux créanciers dont l’existence n’aurait
pas été signalée par le débiteur et qui n’en auraient pas été avisés par la commission ».

Après l’inventaire des créanciers concernés par la suspension des procédures


d’exécution, il convient d’établir celui des procédures suspendues.

2- Les procédures suspendues


Les demandes de suspension, fondées sur l’article L. 331-5 du Code de la
consommation, doivent être limitées aux seules procédures d’exécution dont la poursuite

82
En ce sens : Paisant (G.), « La loi du 31 décembre 1989 relative au surendettement des ménages »,
J.C.P, 1990-I-3457, n°60.
32
est de nature à compromettre l’élaboration d’un plan de redressement et aux seules
procédures d’exécution véritables, à l’exclusion des mises en demeure et commandements
de payer, qui ne sont pas des procédures d’exécution mais des préalables à celles-ci. La loi
du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution facilite la délimitation
du champ d’application de la suspension dans la mesure où elle énumère et décrit les
procédures visées83. Sont concernées, par exemple, la saisie-attribution, la saisie-vente.
Une interrogation porte sur le point de savoir si la procédure d’expulsion est réellement
concernée par cette mesure de suspension ? Selon la circulaire du 28 septembre 1995, le
juge peut suspendre une mesure d’expulsion, car celle-ci s’analyse en une procédure
d’exécution. Certes, mais la jurisprudence se révèle divisée sur la réponse. On note qu’en
matière de procédure collective applicable aux entreprises en difficulté, la Cour de
cassation considère que l’expulsion ne constitue pas une procédure d’exécution stoppée par
l’effet du jugement d’ouverture84. Il semblerait qu’en matière de surendettement, la Cour
de cassation statue aussi dans ce sens, l’expulsion n’est pas susceptible de suspension85.
Cette opinion ne souffre aucune contestation dans la mesure où l’expulsion n’a pas pour
objectif de forcer le débiteur au paiement et ne met pas obstacle à la conclusion d’un plan
de redressement86. Cependant l’expulsion constituant indéniablement un facteur
d’exclusion, le propriétaire créancier éprouvera quand même les plus grandes difficultés à
l’obtenir si l’on se réfère aux dispositions du Titre III de la loi du 29 juillet 1998
concernant les mesures relatives au maintien dans le logement. La procédure de saisie
immobilière, quant à elle, peut être interrompue du fait de l’ordonnance de suspension des
procédures d’exécution. Mme Rebboh, Présidente de la chambre des saisies immobilières
et juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Créteil, déclare que la demande de
suspension est le plus souvent accueillie favorablement87. Même après la fixation de la date
d’adjudication, les poursuites de saisie immobilière peuvent être interrompues par

83
Rizzo (F.), op.cit., n°125.
84
Cass.civ.3è, 21 février 1990, Bull.civ.III, n°52.
85
Cass.civ.1ère, 28 novembre 1995, Bull.civ.I, n°441 ; Cass.civ.1ère, 30 mai 1995, R.J.D.A., 1995,
n°1176 ; Cass.civ.1ère, 22 janvier 2002, J.C.P., 2002-IV-1367.
86
Bouteiller (P.), J.Cl. Commercial-Concurrence-Consommation, Fasc. 955, n°48.
87
Rebboh (S.), « La saisie immobilière et le surendettement », Gaz.Pal., 2002, doct., pp. 4-9, spec p. 6.
33
application des dispositions de l’article L. 331-5 al 3 du Code de la consommation. Dans
ce cas, seule la commission peut demander au juge de la saisie immobilière la remise de
l’adjudication, et ce pour causes graves et dûment justifiées. L’article R. 331-14-II du Code
de la consommation, en sa rédaction tirée de l’article 10 du 1er février 1999, prévoit que la
commission doit saisir le juge, par lettre simple, cinq jours au moins avant la date prévue
pour l’audience d’adjudication telle que fixée par la sommation, en fournissant les
indications prévues en cas de demande de suspension et en précisant les causes graves et
dûment justifiées invoquées à l’appui de la demande. Mme Rebboh constate que « la
commission de surendettement, débordée par la multitude de dossiers qui lui sont soumis,
est rarement à même de soumettre à l’examen approfondi exigé par les textes les demandes
de remise qu’elle transmet. De sorte qu’elle précise rarement les causes graves et dûment
justifiées qui sous-tendent la saisine du juge »88. Parmi lesquelles, on trouve l’importance
de l’endettement du saisi par rapport à ses ressources, l’importance de la dette dont le
recouvrement est poursuivi par la saisie, la nature du bien saisi, les efforts du saisi pour
régler sa situation, le cas échéant sa volonté de vendre à l’amiable son bien89. Par contre,
lorsque l’article L.331-9 du Code de la consommation trouve à s’appliquer, la suspension
de la procédure d’adjudication est automatique90.
La commission ne peut pas demander la suspension d’actes de poursuites ayant déjà
produit leurs effets, tel est le cas des saisies-attributions et des adjudications définitives,
excepté dans ce dernier cas la dérogation précitée de l’article L. 331-5 al 3 du Code de la
consommation. Et il convient de souligner l’absence de suspension des poursuites au fond,
contrairement au dispositif relevant de la loi du 25 janvier 1985. Il faut induire que le juge
de l’exécution ne peut s’opposer à la poursuite des procédures au fond, ni même empêcher
un créancier d’en introduire une, nonobstant l’ouverture de la procédure de traitement du
surendettement. « Cela concerne les procédures contradictoires de droit commun, la
procédure d’injonction de payer et celles tendant à faire constater ou prononcer

88
Ibid, p. 7.
89
Ibid.
90
Cass.civ.1ère, 14 novembre 2001, Contrats, Conc., Consom., 2002, n°68, obs. Raymond (G.) ;
R.T.D.com., 2002, p. 176, obs. Paisant (G.).
34
l’anéantissement d’un contrat inexécuté, comme la résolution d’une vente ou la résiliation
d’un bail »91.

Le domaine d’application de la suspension des poursuites précisé, il faut à présent


déterminer son régime. Dans le cadre de cette étude, on a pris le parti de se limiter à la
durée de la suspension parce qu’elle concentre les difficultés et permet une appréciation
plus fine de la mesure de répit restreignant les droits des créanciers. On mentionnera quand
même que des sanctions assortissent la suspension des poursuites, même si les textes
restent muets sur ce point92.

§2- La durée de la règle

Dans la mesure où elles différent, il nous faut distinguer la durée de la suspension des
poursuites en matière de procédure collective commerciale (A) de celle prévue en matière
de procédure de traitement du surendettement (B).

A- Les limites de l’étalement des dettes dans le cadre des


procédures collectives commerciales

Dès le prononcé du jugement d’ouverture d’une procédure collective, les actions


nouvelles sont purement et simplement interdites, tandis que les actions intentées
auparavant font l’objet d’une interruption d’instance. Contrairement à la lettre de l’article
L. 621-40 du Code de commerce qui vise la suspension des actions, la jurisprudence
analyse l’événement que constitue le jugement d’ouverture comme un cas d’interruption de
l’instance, au sens des articles 369 et suivants du Nouveau Code de procédure civile. Il en
résulte que l’instance peut être reprise, c’est ce que prévoit l’article L. 621-41 du Code de

91
Rizzo (F.), op.cit., n°126.
92
Ainsi, dans le cadre de la procédure collective commerciale, les actions engagées ou poursuivies
doivent être déclarées irrecevables (Douai 29 juillet 1901, DP, 1905-II-401) et il faut annuler les procédures
d’exécution introduites ou continuées et en ordonner la mainlevée (Cass.com., 2 février 1999, Rev.proc. coll.,
1999, p. 109, n°21, obs. Canet (P.)).
35
commerce (L. 25 janvier 1985, art.48), une reprise de plein droit subordonnée à la
déclaration de la créance par le créancier poursuivant. Les instances en cours au jour du
jugement d’ouverture sont reprises à dater de celle-ci93. Il faut ensuite que le représentant
des créanciers et l’administrateur, le cas échéant, ou le liquidateur aient été dûment appelés
et mis en cause. « L’action est entamée, autant la terminer »94. Mais la reprise de l’instance
est limitée dans son résultat puisqu’elle tend uniquement à faire établir l’existence, le
montant et éventuellement la nature chirographaire ou privilégiée des créances
prétendues95. Le résultat de l’action est de faire porter la créance sur l’état des créances et
par conséquent d’accélérer la fixation de la créance dans l’intérêt du créancier. La règle de
l’arrêt du cours des intérêts édictée par l’article L. 621-48 du Code de commerce (L. 25
janvier 1985, art.55) s’imposera à la juridiction saisie, qui devra procéder à la fixation de la
créance, en limitant celle-ci aux intérêts échus à la date du jugement d’ouverture96. « Le
créancier cherche à faire reconnaître son droit mais il est soumis au sort commun ; il sera
payé selon les règles applicables en matière de plan ou de liquidation »97.
La loi ne précise pas de manière uniforme la durée de la suspension des poursuites
individuelles98. Il est admis que cette mesure de répit est totale pendant la période
d’observation, dure pendant l’exécution du plan de continuation et, en cas de cession ou de
liquidation judiciaire, jusqu’à la clôture des opérations. Dans la phase de la liquidation
judiciaire, la règle de la suspension subit cependant des aménagements. Une reprise totale
du droit de poursuite individuelle intervient dans deux séries d’hypothèses99.
Premièrement, la reprise profite aux créanciers titulaires de sûretés spéciales. D’après
l’article L. 622-23 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.161), les créanciers

93
L’intérêt de l’alinéa 3 de l’article L. 621-40 du Code du commerce, aux termes duquel « les délais
impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus », est d’empêcher la
prescription ou la forclusion d’une action qui serait intervenue entre le jugement d’ouverture et la déclaration
de créance.
94
Le Corre (P-M), op.cit., n°328.
95
T.com.Paris, 7 novembre 1986, R.T.D.com., 1989, p. 543, obs. Martin-Serf (A.) ; Cass.com., 14 mars
1995, J.C.P., éd.E, 1995, Pan., p. 601.
96
Cass.com., 27 octobre 1998, Act.proc.coll., 1998, n°173.
97
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n°762.
98
Rizzo (F.), op.cit., n°128.
99
Le Corre (P-M), op.cit., n°330 et s.
36
titulaires d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque, ainsi que le
Trésor pour ses créances privilégiées, recouvrent leur droit de poursuite individuelle, dès
lors qu’ils ont déclaré leurs créances et même avant leur admission, si le liquidateur n’a pas
entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement
qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire. Il s’agit de pallier la carence du liquidateur
dans les opérations de liquidation à l’origine d’un immobilisme préjudiciable aux
créanciers privilégiés. La loi autorise le créancier titulaire de sûreté spéciale à reprendre ses
poursuites individuelles tendant à la réalisation du bien grevé. L’autorisation de reprise des
poursuites ne change pas l’ordre de répartition à intervenir sur le produit de la vente100, le
liquidateur perçoit le prix de vente du bien vendu par le créancier et le consigne à la caisse
des dépôts et consignations. Deuxièmement, la reprise du droit de poursuite intervient de
façon exceptionnelle après clôture de la procédure pour insuffisance d’actifs. Après avoir
posé le principe de l’interdiction de la reprise des poursuites individuelles, l’article L. 622-
32 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.169) énonce un certain nombre
d’exceptions101. L’alinéa 1 énonce que la reprise est possible si la créance résulte d’une
condamnation pénale ou de droits attachés à la personne du créancier. Et l’alinéa 3 dispose
que « les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle en cas de fraude à
l’égard des créanciers, de faillite personnelle, d’interdiction de diriger ou de contrôler une
entreprise commerciale ou une personne morale, de banqueroute ou lorsque le débiteur ou
la personne morale dont il a été le dirigeant a été déclarée en état de cessation des
paiements et que la procédure a été clôturée (antérieurement) pour insuffisances d’actifs ».
La lecture de l’article permet d’apercevoir qu’il y a des dettes autorisant la reprise des
poursuites et que dans certains cas, la reprise sera possible parce que les débiteurs sont non
méritants102. La possibilité de reprise est conditionnée à l’obtention d’un titre exécutoire
par ordonnance du président du tribunal103.

100
Cass.com.,19 décembre 1995, Bull.civ. IV, n°305.
101
Infra, p. 76.
102
Le Corre (P-M), op.cit., n°345 et s.
103
CA.Caen, 28 octobre 1997, Bull.Inf.C.cass., 1998, n°660.
37
Contrairement à la procédure collective commerciale, la durée maximale de la
suspension des poursuites est prévue dans le cadre du traitement des situations de
surendettement.

B- Les limites de l’étalement des dettes dans le cadre de la


procédure de surendettement

Depuis la réforme opérée par la loi du 8 février 1995, il est prévu à l’article L. 331-5 du
Code de la consommation que le blocage de toute exécution est effectif pendant toute la
durée de la procédure devant la commission, dans la mesure où il n’y a plus de délai pour
tenter une conciliation, sans toutefois pouvoir excéder un an. Le délai butoir d’un an
remplace avantageusement les anciens délais, éventuellement discontinus, de trois mois
devant la commission et deux fois deux mois devant le juge104. Aux termes de l’article L.
331- 5 alinéa 2 du Code de la consommation, si la conciliation échoue, la mesure de répit
peut être prolongée jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours dont dispose le débiteur
pour saisir à nouveau la commission au titre de la phase de recommandation. Et lorsque le
débiteur a fait usage de cette faculté, la mesure de suspension est étendue automatiquement
à la période postérieure à l’échec de la conciliation, jusqu’à ce que les recommandations de
la commission aient bénéficié de la force exécutoire du juge, ou en cas de contestation des
mesures recommandées par la commission, jusqu’à ce que le juge ait statué.
Durant toute cette période de suspension de l’exécution, le débiteur est frappé d’une
capitis diminutio lui interdisant d’accomplir les actes énumérés à l’article L. 331-5 alinéa 4
du Code de la consommation105. Il s’agit d’éviter une aggravation de son passif de nature à
porter préjudice aux intérêts des créanciers. Cependant, il est prévu que toutes ces
restrictions peuvent être levées sur autorisation du juge.

104
Paisant (G.), « La réforme de la procédure de traitement des situations de surendettement par la loi n°
95-125 du 8 février 1995 » , op.cit., n°36.
105
La décision qui prononce la suspension provisoire interdit au débiteur de faire tout acte qui
aggraverait son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu’alimentaire née antérieurement
à cette décision, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées antérieurement, de faire un
acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine ; elle interdit aussi la prise de toute garantie
ou sûreté.
38
En vertu de l’article L. 331-9 du Code de la consommation, cet effet suspensif perdure
pendant la durée d’exécution des mesures recommandées par la commission en application
de l’article L. 331-7 et pendant le moratoire recommandé par la commission en application
de l’article L. 331-7-1 lorsque le débiteur est en état d’insolvabilité durable, il peut
atteindre trois ans. Le législateur n’admet pas que des créanciers court-circuitent les
mesures prises en faveur des débiteurs surendettés. Sur le visa de l’article L. 331-9 du
Code de la consommation, la Cour de cassation a, le 14 novembre 2001106, cassé l’arrêt
d’une Cour d’appel qui avait refusé de surseoir à statuer sur l’adjudication de l’immeuble
d’un débiteur faisant l’objet d’une saisie immobilière, alors que, dans une procédure de
surendettement, il venait d’obtenir l’homologation par le juge de l’exécution des mesures
recommandées par la commission pour redresser sa situation, dont un délai de douze mois
pour vendre ledit immeuble dans les meilleures conditions possibles. La Haute juridiction,
par application stricte du texte, estime que toute procédure de surendettement suspend les
procédures d’exécution contre les biens immobiliers (mais aussi mobiliers) du débiteur,
tant que la procédure est en cours ; dés lors, tant que le délai accordé au débiteur par la
commission pour procéder à la vente amiable de son bien n’est pas expiré, le créancier doit
surseoir à ses poursuites contre le bien du débiteur. D’une manière générale, la suspension
des voies d’exécution doit durer jusqu’à ce que les délais soient totalement épuisés.
Pour le créancier, son droit de poursuite n’est que différé dans le temps, il n’est pas
supprimé mais la période de suspension peut s’avérer très longue, sous réserve des causes
de déchéances prévues par la loi107. Il est admis qu’en cas d’inexécution par le débiteur des
mesures de redressement, les créanciers ne retrouvent pas la plénitude de leur droit de
poursuite, puisqu’ils ne peuvent poursuivre que le paiement des sommes mises à la charge
du débiteur au titre du redressement dont il bénéficie108.

106
Cass.civ.1ère, 14 novembre 2001, Contrats.Conc.Consom., 2002, n°68, obs. Raymond (G.) ;
R.T.D.com., 2002, p. 176, obs. Paisant (G.).
107
Articles L. 331-5 al 4 et L. 333-2 du Code de la consommation.
108
Cass.civ.1ère, 12 janvier 1994, R.T.D.com., 1994, p. 113, n°5, obs. Paisant (G.).
39
Le traitement curatif de la dette consiste, pour partie, à accorder un répit au débiteur en
suspendant les poursuites engagées contre lui. Le droit au recouvrement s’en trouve altéré,
les créanciers ne peuvent pas contraindre le débiteur à respecter ses engagements initiaux.
Une autre atteinte est portée aux droits des créanciers, en accordant du temps au débiteur
pour s’exécuter.

SECTION 2 - L’ALLONGEMENT DES DELAIS DE


PAIEMENT

Le propre des délais est de suspendre l’exécution de l’obligation, modifier la date


d’exécution et non de dispenser définitivement de payer. Il s’agit d’offrir du temps au
débiteur pour qu’il rééquilibre le rapport entre les éléments passifs et actifs de son
patrimoine, ce rééquilibrage devant lui permettre de respecter ses engagements
financiers109. L’atermoiement du paiement trouve sa source dans les articles 1244-1 et
suivants du Code civil sur le délai de grâce. En matière de surendettement et de procédure
collective commerciale, l’exigibilité est altérée par la modification des modalités initiales
du remboursement de la dette.
Dans le cadre des procédures collectives commerciales, lorsque le tribunal arrête à
l’issue de la période d’observation, un plan de redressement orienté vers la continuation,
des délais sont accordés au débiteur. La règle est prévue à l’article L. 621-76 du Code de
commerce (L. 25 janvier 1985, art.74). Une autre disposition autorise le juge à faire
bénéficier de délais de paiement. Il s’agit de l’article L. 621-88 (L. 25 janvier 1985, art.76),
selon lequel des délais peuvent être accordés au repreneur dans le cadre d’un plan de
cession. Les développements qui suivent sont consacrés au traitement des délais arrêtés par
le plan de continuation. Ils appellent plus de précisions que ceux du plan de cession, et la
mesure de répit est en faveur du débiteur originaire.

109
Rizzo (F.), op.cit., n°131.
40
Depuis la réforme de 1998, on distingue nettement en matière de surendettement deux
catégories de mesures de répit, applicables à deux catégories de débiteurs. L’article L. 331-
7 du Code de la consommation s’applique aux débiteurs ordinaires, dont la situation
permet d’envisager un redressement et l’article L. 331-7-1 vise, quant à lui, les débiteurs
en situation d’insolvabilité.

Il nous faut présenter les mesures réaménageant l’exigibilité de la dette (§1) avant de
préciser la durée des nouveaux échéanciers (§2).

§1- Les mesures réaménageant l’exigibilité de la


dette

Concrètement un nouvel échéancier est établi pour le paiement des dettes. Il faut
distinguer selon que le débiteur relève de la procédure collective commerciale (A) ou de la
procédure de traitement des situations de surendettement (B), dans la mesure où les
dispositifs permettant d’établir l’échéancier différent.

A- L’établissement du nouvel échéancier en matière de


procédure collective commerciale

Même lorsque les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure se


trouvent dans une situation qui se présente comme étant la meilleure pour eux, à savoir la
continuation de l’entreprise110, les obstacles au non paiement existent et de manière très
réelle111. Le plan de continuation a pour objet le sauvetage de l’entreprise et l’organisation
du règlement du passif. Dans cette perspective d’apurement du passif, le juge peut imposer

110
La continuation est la solution retenue par un peu plus de 70% des plans. Ce qui ne représente
toutefois qu’une infime partie des procédures, puisque la plupart du temps celles-ci se terminent par une
liquidation (90%). Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n°854.
111
Campana (M-J.), « La situation générale des créanciers dans la procédure », Extrait du Colloque
CRAJEFE de Nice du 22-23 mars 1991, Les Petites affiches., 24 juillet 1991,pp. 26-31, spec. p 28.
41
aux créanciers des délais qui peuvent être parfois longs, « ce qui est une manière élégante,
mais certaine, d’écorner le montant nominal de leur créance »112.
Le plan de continuation s’analyse en un moratoire, il prévoit en effet un paiement
différé des créances113. Il résulte de l’article L. 621-76 du Code de commerce, que le
tribunal commence par donner acte aux créanciers des délais qu’ils ont acceptés dans le
cadre de la consultation organisée lors de la préparation même du plan de continuation.
Ces délais peuvent, le cas échéant, être réduits, ce serait le cas lorsque le tribunal trouve les
créanciers trop généreux !, mais ne peuvent être augmentés. Ensuite, aux autres créanciers
qui n’ont pas donné leur accord, si le tribunal ne peut pas leur imposer de remise contre
leur gré, il peut imposer des délais uniformes de paiement, sous réserve, en ce qui concerne
les créances à terme, des délais supérieurs qui auraient pu être stipulés par les parties avant
l’ouverture de la procédure. Y sont soumis, les créanciers « récalcitrants » qui ont refusé
les propositions du débiteur ou de l’administrateur et les créanciers « négligents » qui n’ont
pas donné réponse à la consultation que leur avait adressée le représentant des créanciers.
L’article L. 621-76 du Code de commerce prévoit des délais uniformes de paiement sans
distinction, le sort des créanciers titulaires de sûretés est donc aligné sur celui des
créanciers chirographaires114. Sur le plan des techniques, l’article renvoie au concept de
délai de paiement, sans préciser les procédés. Il n’est pas exclu que le juge recourt aux
mesures de report et de rééchelonnement de dettes115. Les créances ne sont plus exigibles
au terme stipulé par le contrat qui leur a donné naissance, mais au terme fixé par le
jugement qui arrête le plan. Les reports doivent être les mêmes pour tous les créanciers qui
y sont soumis. Toutefois l’article L. 621-77 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985,
art.75) prévoit que le plan peut laisser aux intéressés le choix d’un paiement plus précoce,
mais assorti d’une réduction proportionnelle au montant de la créance. Pour M. Guyon,
cette disposition peut avoir un effet pervers. A juste titre, il pense que compte tenu du

112
Ibid.
113
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n°872-1.
114
Ibid, n°877; Guyon (Y.), op.cit., n° 1266.
Cass.com., 6 février 1996, R.J.D.A., 1996, 499 ; CA.Versailles, 3 mars 1988, Rev.proc.coll., 1988, 316.
115
Les techniques de report et de rééchelonnement sont étudiées dans le cadre de la procédure de
surendettement, infra, p. 46.
42
caractère incertain de l’avenir, beaucoup de créanciers préféreront un paiement plus rapide,
même s’il est partiel et que le tribunal pourrait indirectement, en décidant de reports
démesurés, contraindre les créanciers à accepter un abattement afin d’être payés plus tôt116.
Le domaine d’imposition des délais est général, toutefois l’article L. 621-78 du Code
de commerce (L. 25 janvier 1985, art.76) fait exception en faveur des créances salariales et
des petites créances. Elles échappent au plan et doivent être payées immédiatement. La
première catégorie d’exception se justifie par des préoccupations sociales et la seconde par
des considérations pratiques117 : les versements de dividendes minimes afférents à des
petites créances entraînent souvent des frais supérieurs au montant remboursé, et
compliquent considérablement la procédure. Aussi, dans la limite de 5% du passif estimé,
les créances les plus faibles prises dans l’ordre croissant de leur montant, et sans que
chacune puisse excéder 152 € sont remboursées sans délai ni remise ; cette disposition ne
s’applique pas lorsque le montant des créances détenues par une même personne excède un
dixième du pourcentage global, ou lorsqu’une subrogation a été consentie, ou un paiement
effectué pour autrui118. Outre ces deux dérogations expresses au paiement différé, un
paiement immédiat est également possible au profit des créanciers inscrits en cas de vente
du bien grevé de leurs sûretés. L’article L. 621-80 du Code de commerce (L. 25 janvier
1985, art. 78) admet qu’ils peuvent recevoir un paiement anticipé, suivant l’ordre de
préférence existant entre eux et précise que le montant de leurs créances est susceptible
d’être réduit en fonction de ce paiement anticipé. Par ailleurs, les créanciers revendiquants
échappent au plan par le fait même qu’ils peuvent récupérer le bien vendu ou loué dont ils
sont restés propriétaires. Sur le même fondement, se soustrait au sort commun le gagiste
qui peut se faire attribuer le gage ou qui peut, en période d’observation, en réclamer le
retrait119.

116
Guyon (Y.), op.cit., n° 1266.
117
Ripert (G.), Roblot (R.) par P.Delebecque et M.Germain, op.cit., n°3190.
Les délais et remises sont inapplicables aux créances garanties par le super-privilège des salariés et à
toutes les créances résultant d’un contrat de travail et garanties par le privilège général des salariés lorsque
leur montant ne fait pas l’objet d’une subrogation ou d’une avance par l’AGS.
118
Ibid.
119
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit.,n°882.
43
Le créancier est, en principe, payé aux échéances énoncées par le plan. Mais, bien des
paiements ne sont pas effectués aux échéances prévues. Dans ce cas, il peut poursuivre à
titre personnel la partie exigible de sa créance sur le patrimoine du débiteur ; il peut agir
par la voie du référé, et particulièrement du référé-provision120. Par ailleurs, en application
de l’article L. 621-82 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.80), si le débiteur
n’exécute pas ses engagements financiers, le créancier impayé peut saisir le tribunal aux
fins de résolution du plan.

Il nous faut maintenant examiner l’établissement du nouvel échéancier en matière de


procédure de surendettement.

B- Le nouvel échéancier en matière de procédure de traitement


du surendettement

Dans le cadre du règlement amiable, le débiteur et ses créanciers peuvent se mettre


d’accord sur toutes sortes de mesures destinées à aménager le passif. En revanche, les
mesures qui peuvent être imposées aux créanciers par la voie des recommandations de la
commission, à défaut d’accord, sont nécessairement limitées. L’article L. 331-7 du Code
de la consommation prévoit deux grandes catégories de mesures : d’une part, le report et le
rééchelonnement des dettes du débiteur et d’autre part, certaines réductions. Nos
développements portent sur les mesures de répit, nous étudierons donc les seules mesures
de report et de rééchelonnement (1), lesquelles sont applicables aux débiteurs ordinaires.
Depuis la réforme du 29 juillet 1998, les débiteurs en situation d’insolvabilité bénéficient,
eux, d’un moratoire (2).

120
CA.Paris, 27 avril 1989, Rev.proc.coll., 1990, 154.
44
1- Les mesures de report et de rééchelonnement du paiement de la dette
S’interroger sur les techniques de report et de rééchelonnement de l’article L. 331-7 du
Code de la consommation conduit à rechercher sur quelles dettes elles peuvent porter et en
quoi elles consistent précisément :
Sont expressément exclues par la loi, les dettes alimentaires, fiscales, parafiscales et
envers les organismes de sécurité sociale. Ces exclusions impliquent qu’a contrario toutes
les autres dettes sans exception sont prises en considération pour l’établissement du nouvel
échéancier. La commission ne doit pas être limitée dans son champ d’action. Ainsi, les
dettes professionnelles qui ne sont pas prises en compte pour apprécier l’état de
surendettement, doivent l’être en revanche au cours de la procédure de traitement du
surendettement et sont susceptibles de faire l’objet des mesures de l’article L. 331-7 du
Code de la consommation121. Par ailleurs, le cadre du droit commun est dépassé : ces
mesures s’étendent aux dettes à échoir122. La quasi totalité des dettes du débiteur peut donc
être réaménagée.
Le report consiste à différer le paiement des dettes et ajourne l’exigibilité de la dette.
En renvoyant à plus tard le paiement, l’intéressé a le temps de rétablir sa situation. Pendant
ce laps de temps, il ne remboursera rien. Mais au terme de cette période, les échéances
reportées devront faire l’objet d’un remboursement global ; le débiteur risque alors de se
trouver dans une situation plus délicate. Le report ajournant l’exigibilité de la dette, le
débiteur ne doit pas régler de pénalités et d’intérêts de retard.
Par le rééchelonnement, on cherche à modifier le montant et la périodicité des
échéances. En effet, les échéances sont payables, conformément à un nouvel échéancier, à
des dates postérieures à celles initialement prévues par les parties pour le remboursement
définitif. Et les versements sont adaptés aux capacités de remboursement du débiteur. Les
sommes portant intérêts plus longtemps, la charge financière risque de s’aggraver. Ainsi, la
commission associe régulièrement la prorogation de l’échéancier avec une réduction, une

121
Cass.civ.1ère, 2 décembre 1992, R.T.D.com., 1993, p. 174, obs. Paisant (G.).
122
Cass.civ. 1ère, 2 juin 1993, R.T.D.com., 1993, p. 572, obs. Paisant (G.).
45
suppression du taux d’intérêt ou encore avec une décision d’imputation prioritaire du
paiement sur le capital123.
Le texte issu de la loi de 1989 laissait paraître l’ambiguïté quant à la possibilité de
cumuler ou non les mesures de report et de rééchelonnement compte tenu de l’emploi de la
conjonction « ou ». Très tôt, la Cour de cassation, manifestant la volonté d’interpréter les
dispositions dans un sens favorable au débiteur, a considéré que le paiement de l’intégralité
d’une dette peut faire l’objet à la fois d’un report et d’un rééchelonnement124. Dans un avis
publié en novembre 1992125, elle indique en réponse à une question posée par les
juridictions du fond que « le report de la dette pouvait se combiner avec son
rééchelonnement ». Puis, dans le droit fil de cette interprétation, elle censure, le 27 janvier
1993126, une décision envisageant exclusivement l’échelonnement des dettes et la réduction
du taux de l’intérêt alors qu’elle aurait dû également prévoir le report de tout ou partie des
dettes des époux pour leur permettre de faire face à leurs obligations avec leurs ressources.
La seule limite à ce cumul réside dans l’observation du délai maximum prévu par la loi
pour ces mesures127. Cette position de la Haute juridiction rejoint la pratique de la
commission.

Le législateur de 1998 a apporté diverses modifications aux mesures de redressement


établies en 1989, sont concernées les mesures de report et de rééchelonnement des dettes.
Alors que le projet de loi prévoyait de ne plus accorder à la commission la possibilité de
reporter les dettes pour ne pas faire double emploi avec le moratoire de l’article L. 331-7-1
du Code de la consommation, une combinaison du report et du rééchelonnement est encore
possible suite à un amendement sénatorial128. Depuis, l’article L. 331-7,1° du Code de la
consommation dispose que la commission peut recommander le rééchelonnement des
dettes, le cas échéant en « différant le paiement » d’une partie d’entre elles. La possibilité

123
Voir infra p. 63.
124
Khayat (D.), op.cit., p.126.
125
Bull.inf.C.cass., 1er novembre 1992, p. 27.
126
Cass.civ.1ère, 27 janvier 1993, D.1993, p.343.
127
Cass.civ.1ère, 17 octobre 1995, J.C.P., 1995-IV-2586.
128
JO. Sénat, CR, 13 juin 1998, p. 3180.
46
d’obtenir un report pur et simple est donc supprimée, il doit en effet être nécessairement
associé à un rééchelonnement des dettes. Cette modification est logique puisque ce type de
mesure ne profitait en réalité qu’aux débiteurs en situation désespérée pour lesquels un
régime spécifique est désormais prévu.
Le législateur de 1998 a aussi voulu une application raisonnable des mesures de
redressement de sorte que le débiteur puisse, malgré leurs mises en œuvre, conserver
quelques ressources pour faire face aux dépenses de la vie quotidienne. Il a posé à l’article
L. 331-2 alinéa 2 du Code de la consommation l’exigence de ce que l’on appelle le « reste
à vivre » ou « minimum vital », sans distinguer selon que les mesures arrêtées au profit du
débiteur sont conventionnellement acceptées, recommandées par la commission ou arrêtées
par le juge. Cette réforme est le fruit de l’expérience acquise, auparavant le système
présentait un double défaut auquel il fallait remédier129. La somme restante était
généralement très basse et variait selon les commissions. Le « reste à vivre » est la
différence entre les ressources du surendetté et ce qui va être affecté aux remboursements
de ses dettes. Dans un souci d’harmonisation des pratiques et de respect du principe
d’égalité des citoyens devant la loi, le législateur a posé des exigences. Le « reste à vivre »
est fonction d’un double plancher. Il ne peut être inférieur ni à la quotité insaisissable des
salaires dans les termes de l’article L. 145-2 du Code du travail ni au revenu minimum
d’insertion susceptible d’être alloué au ménage. L’enquête de la Banque de France130
montre que dans la grande majorité des cas (65%) le « reste à vivre » se situe entre 5000 et
10.000 F (soit entre 760 et 1520 €) ce qui est supérieur au minimum légal. Les résultats
région par région font apparaître certaines différences, il est précisé qu’elles sont
directement liées au niveau des revenus. On peut tout de même penser qu’elles sont dues
au fait que les deux cent dix-sept commissions ne statuent certainement pas sur les mêmes
bases.
La commission arrête librement les mesures destinées à réaménager la dette dans les
limites imparties par le législateur et n’est pas tenue d’assurer l’égalité des créanciers dont

129
Sinay-Cytermann (A.), « La réforme du surendettement », J.C.P., 1999-I-106, pp. 195-200, spec. p.
195, n°8.

47
les situations respectives sont déterminées par l’intérêt du débiteur131. L’ordre établi doit
permettre en principe, un meilleur traitement de la situation de surendettement. Le
créancier est, en principe, payé aux échéances énoncées par le plan. L’inexécution de ce
plan par le débiteur permet au créancier de demander que ce dernier soit déchu du bénéfice
du plan.

Les procédures mises en place par la loi de 1989 avaient pour finalité explicite
d’essayer d’aboutir à un redressement de la situation du débiteur en difficulté. On espérait
permettre au débiteur, à la fin du plan, de reprendre ses remboursements. Or cette
philosophie a changé à partir de 1993, il est apparu que l’objectif de redressement n’est
plus le seul possible. Pour la Cour de cassation, « le juge saisi du redressement judiciaire
civil n’est pas tenu d’assurer le redressement dans un quelconque délai et il doit envisager
l’application de toutes les mesures de l’article 12 de la loi du 31 décembre 1989, et
notamment le report de tout ou partie des dettes du débiteur, pour permettre à celui-ci de
faire face à ses obligations avec ses ressources »132. Si le redressement de la situation du
débiteur n’est pas possible, il faut l’aider, dans le présent, en allégeant le plus possible ses
charges de remboursement. « Ce n’est pas dire que l’objectif de redressement a
complètement disparu, mais il n’a plus de sens que pour une certaine catégorie de
débiteurs, ceux pour lesquels cet objectif n’est pas irréaliste »133. Dans cette logique, le
législateur de 1998 a pris de nouvelles mesures, radicales, particulièrement adaptées aux
cas de grande détresse.

2- La pratique du moratoire en cas d’insolvabilité du débiteur

130
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p.5 (Annexe 1).
131
La Cour de cassation approuve le traitement inégalitaire des créanciers. En ce sens, Cass.civ.1ère, 26
janvier 1994, Banque, novembre 1994, p.95. La jurisprudence élaborée sous l’empire de la loi du 31
décembre 1989 conserve à cet égard toute sa valeur.
132
Cass.civ.1ère, 17 mai 1993, Bull.civ.I, n°179.
133
Ancel (P.), « Le traitement des situations de surendettement des particuliers de 1989 à 1998 : Du
redressement à la liquidation judiciaire civile ? », Dt.et Patrimoine, octobre 1998, pp. 53-61, spec. p. 59.
48
Le dispositif de traitement mis en place par l’article L. 331-7-1 du Code de la
consommation est réservé aux seules personnes qualifiées d’insolvables. Cette
insolvabilité134 est strictement « caractérisée par l’absence de ressources ou de bien
saisissables de nature à permettre d’apurer tout ou partie de ses dettes ou rendant
inapplicables les mesures prévues à l’article L. 331-7 ». Elle induit l’impossibilité pour le
débiteur de payer ses créanciers. Dans le cas où la mise en place d’un plan conventionnel
n’est pas jugée possible, la commission ou le juge saisi sur recours peut recommander la
suspension de l’exigibilité des créances autres qu’alimentaires ou fiscales. L’appréciation
de cette notion d’insolvabilité peut s’avérer délicate puisqu’elle impose de raisonner par
rapport au résultat que produiraient à échéance de plusieurs années les mesures de l’article
L. 331-7 dans l’hypothèse où celles-ci seraient effectivement mises en œuvre. C’est la
démarche qu’ont suivi les juges de la Cour de Paris, dans un arrêt du 23 février 2000135,
l’une des premières applications jurisprudentielles de cette mesure de traitement. Après
avoir relevé qu’un rééchelonnement sur huit ans des dettes dans les conditions de l’article
L. 331-7 obligerait le débiteur à s’acquitter de mensualités de remboursement supérieures à
ses ressources, les juges considèrent que ce dernier se trouve en situation d’«
insolvabilité » et décident de le faire bénéficier du moratoire.
Ce moratoire global permet au débiteur de se stabiliser. Il n’annule pas la dette mais il
en reporte l’exécution. Pendant cette période, les dettes cessent d’être exigibles mais les
intérêts continuent de courir au taux légal sur le capital, ce qui fait dire à certains que, plus
que d’un report de l’exigibilité, on est en présence d’une suspension des procédures
d’exécution136.

134
Infra, p. 81.
135
CA.Paris 23 février 2000, R.T.D.com., 2001, p. 785, obs. Paisant (G.) ; Contrats, Conc., Consom.,
2001, n°35, obs. Raymond (G.).
136
Ancel (P.), « Le traitement des situations de surendettement des particuliers de 1989 à 1998 : Du
redressement à la liquidation judiciaire civile ? », op.cit., p. 60. Il faut rappeler qu’aux termes de l’article L.
331-9 du Code de la consommation, aucune procédure d’exécution à l’initiative d’un créancier ne peut être
engagée pendant le moratoire.
49
Le débiteur se voit accorder du temps pour respecter ses engagements financiers. Les
mesures de répit à l’origine de cette faveur étant précisées, il convient maintenant d’en
déterminer leur durée d’application.

§2- La durée du nouvel échéancier

Les délais de paiement octroyés au débiteur sont prévus pour une durée limitée, certes,
mais qui peut s’avérer fort longue, la limite des deux ans fixée par l’article 1244-1 du Code
civil est dépassée. Les limites légales de cet étalement des dettes varient selon que le
débiteur relève de la procédure collective commerciale (A) ou de la procédure de
traitement des situations de surendettement (B).

A- Les limites de l’étalement des dettes dans le cadre des


procédures collectives commerciales

Dans la logique de la loi de 1985, les plans de redressement étaient élaborés et exécutés
sans que le paiement des créanciers soit la préoccupation majeure. Ils ont été les
instruments d’un certain nombre d’abus auxquels le législateur de 1994 s’est efforcé de
porter remède137. Pour les créanciers « récalcitrants » ou « négligents », la durée des plans
était fixée en toute liberté par le juge. Excepté des décisions isolées, les tribunaux
retenaient depuis de nombreuses années une durée oscillant entre 8 à 12 ans138. Prenant
acte de cette évolution, le législateur a limité cette durée à 10 ans139 et à 15 ans en matière
agricole. La règle est prévue à l’article L. 621- 66 du Code de commerce (L. 25 janvier
1965, art.65). Cependant, le tribunal demeure toujours maître de la durée des délais
uniformes de paiement, qui aux termes de l’article L. 621-76 du Code de commerce
« peuvent excéder la durée du plan ». Cette dissociation de la durée du plan et de la durée

137
Devèze (J.), « Le paiement des créanciers », in La situation des créanciers d’une entreprise en
difficulté, Actes du Colloque de l’Université de Toulouse, Montchrestien, 1998, pp. 35-43, spec. p. 37.
138
Cellard (P.), De Valbray (J-F.), « La réforme des procédures collectives », Les Petites affiches, 18
mai 1994, pp.15-20, spec. p.17.

50
des délais de paiement est source d’incertitude lorsque le plan est terminé et que le débiteur
reste tenu de payer certaines échéances. La durée des délais de paiement est arrêtée compte
tenu des nécessités de redressement. « Les paiements n’ont pas besoin de s’échelonner de
manière égale pendant toute la durée du plan, l’essentiel de l’effort peut être retardé
jusqu’à la dernière année »140. Toutefois l’alinéa 2 de l’article L. 621-76 énonce que le
premier paiement doit intervenir au cours de la première année ; il a été ajouté par la loi du
10 juin 1994 pour lutter contre une habitude fréquente des tribunaux consistant à différer le
premier versement pour donner de la trésorerie au débiteur141. Or ce correctif, apporté à la
liberté d’appréciation, n’a qu’une portée symbolique, le tribunal pouvant toujours fixer
librement le montant de ce premier paiement.
Il faut observer la tendance des tribunaux à traiter égalitairement les créanciers qu’ils
soient chirographaires ou titulaires de sûretés, conciliants ou réfractaires lors de la
consultation. Le tribunal peut tout de même arrêter un plan réservant un traitement plus
sévère aux créanciers réfractaires, mais sous la condition de justifier l’allongement des
délais de paiement de manière objective, c’est à dire par les nécessités économiques tenant
à la continuation de l’activité et non par le souci de sanctionner leur refus aux offres
formulées au cours de la phase de consultation.
La loi prévoit des dispositions particulières au contrat de crédit bail. L’article L. 621-76
alinéa 3 dispose que « ces délais prennent fin si, avant leur expiration, le crédit bailleur
lève l’option d’achat. Celle-ci ne peut être levée si, sous déduction des remises acceptées,
l’intégralité des sommes dues en vertu du contrat n’a pas été réglée ». L’organisme de
crédit-bail échappe ainsi éventuellement aux délais uniformes du plan.

Il faut maintenant étudier les limites légales de cet étalement des dettes dans le cadre de
la procédure de traitement des situations de surendettement.

139
Le rapport Houillon de la commission des lois de l’Assemblée Nationale suggérait cette durée de 10
ans. Rapp.Ass.nat. n°411, déposé le 11 juillet 1993, p. 41.
140
Guyon (Y.), op.cit., n°1266.

51
B- Les limites de l’étalement des dettes dans le cadre de la
procédure de surendettement

Il faut reprendre la division établie dans le cadre de l’étude des mesures de répit et
distinguer la durée des mesures de report et de rééchelonnement (1) de celle du moratoire
(2).

1- La durée des mesures de report et de rééchelonnement de dettes


Le législateur fixe la limite légale du délai accordé à l’endetté pour s’exécuter. Du fait
de l’étalement des dettes, le droit au recouvrement du créancier est paralysé
temporairement. Le temporaire, il est vrai, peut être fort long. Pour augmenter les chances
du redressement, la loi du 29 juillet 1998 a modifié l’alinéa 1 de l’article L. 331-7 du Code
de la consommation pour porter de cinq à huit ans le délai maximum du répit judiciaire.
L’enquête de la Banque de France nous apprend que plus de la moitié des
recommandations s’exécutent sur une durée comprise entre cinq et huit ans. Cela laisse
penser que les commissions font un plein usage des mesures de report et de
réaménagement142.
Toutefois cet étalement connaît, en vertu du même texte, deux tempéraments :
Le délai maximum à ne pas dépasser varie selon que l’on est ou non en présence
d’un « emprunt en cours ». Dans l’affirmative, le délai ne doit pas excéder la moitié de la
durée de remboursement restant à courir. Déjà prévue par la loi du 31 décembre 1989, cette
exception peut conduire au dépassement du délai normal de huit ans143. M. Paisant,
commentant un arrêt du 6 novembre 2001 rendu par la première chambre civile de la Cour

141
Saint-Alary-Houin (C.), « La réforme des plans de redressement », Les Petites affiches, 14 septembre
1994, pp. 107-111, spec. p. 111.
142
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p.6 (Annexe 1).
143
Cass.civ.1ère, 31mars 1992, Bull.civ.I, n°101. A l’époque, le délai maximum de report ou de
rééchelonnement était de 5 ans.
52
de cassation, rappelle la méthode pour calculer la durée de rééchelonnement des emprunts
en cours inaugurée en 1992144. Elle consiste à ajouter au terme, contractuellement prévu
pour les remboursements, un délai équivalent à la moitié de la durée restant à courir au jour
où la décision devait être prise. Ainsi, un prêt sur vingt ans et remboursé depuis dix ans,
peut être rééchelonné sur quinze ans. L’hypothèse d’un emprunt qui n’est plus en cours
englobe toutes les dettes qui ne sont pas nées d’une ou pour une opération de crédit, celles
qui ne prennent pas la forme d’un emprunt, ou encore celles devenues exigibles à la suite
de la déchéance du terme. Dans cette hypothèse de déchéance, le principe est, depuis la loi
du 8 février 1995, que le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de
la durée qui restait à courir avant la déchéance. Là encore, le délai peut excéder huit ans145.
Certains avaient imaginé rallonger la durée en combinant les articles L. 331-7 du Code
de la consommation et 1244-1 du Code civil, afin d’ajouter les deux ans de délais de ce
second texte. La Cour de cassation a logiquement condamné cette pratique146. Les
dispositions légales relatives au traitement du surendettement ne sont pas cumulables avec
celles de l’article 1244-1 du Code civil.
Il convient de souligner que la situation du créancier peut se trouver aggravée à la fin
de la durée du plan par le fait que les délais peuvent être renouvelés. Rien n’empêche
l’ouverture d’une seconde procédure de traitement du surendettement lorsque le premier
plan a été complètement exécuté, sans que le passif ait été apuré147. L’enquête de la
Banque de France fait apparaître que les échecs constatés dans l’exécution des plans
représentent moins de 9% des causes de redépôts, la première explication du % des
redépôts étant l’expiration d’un moratoire (46% des redépôts)148.

144
Cass.civ.1ère, 6 novembre 2001, R.T.D.com., 2002, p. 174, obs. Paisant (G.). Pour la méthode de
calcul, Cass.civ.1ère, 14 mai 1992, Bull.civ.I, n°136.
145
Cass.civ.1ère, 4 mai 1999, Bull.civ.I, n°151.
146
Cass.civ.1ère, 16 décembre 1992, Bull.civ.I, n°317. Ancienne rédaction de l’article L. 331-7-1° du
Code de la consommation.
147
Cass.civ.1ère ,12 janvier 1994, R.T.D.com., 1994, p. 363, obs. Paisant (G.).
148
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p.6 (Annexe 1).
53
Justement, il nous faut à présent voir la durée maximale du moratoire accordé au
débiteur en situation d’insolvabilité.

2- La durée du moratoire en cas d’insolvabilité du débiteur


L’article L. 331-7-1 alinéa 1 du Code de la consommation dispose que l’exigibilité des
créances est suspendue pendant une durée maximale de trois ans. La loi ne prévoit pas de
durée minimale, la fixation est laissée à l’appréciation de la commission ou le cas échéant
à celle du juge de l’exécution, intervenant à la suite d’une contestation des mesures
recommandées149. Mais une durée trop courte serait contraire à l’esprit du texte qui est de
prévoir un délai suffisant pour permettre au débiteur de redresser sa situation. En effet, une
fois le moratoire terminé, la commission réexamine la situation du débiteur. Si celle-ci
s’est améliorée, la commission peut recommander les mesures classiques prévues à
l’article L. 331-7 du Code de la consommation. Par contre, en cas de persistance de l’état
d’insolvabilité, la commission peut recommander le prononcé de mesures d’effacement de
dettes150.
L’enquête de la Banque de France nous apprend que les moratoires sont le plus souvent
(40% des cas) d’une durée de trois ans. Les moratoires très courts (inférieurs à six mois) ne
représentent que 10% de l’ensemble et ne sauraient concerner que des débiteurs pour
lesquels aucune amélioration de la situation n’est envisageable dans un délai
raisonnable151.

149
A propos de la fixation par le juge de l’exécution de la durée du moratoire, Cass.civ.1ère, 13 février
2001, R.T.D.com., 2001, p. 783, obs. Paisant (G.).
150
Infra, p. 80.
151
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p.6 (Annexe 1).
54
En conclusion : Les mesures de répit visent toutes à améliorer le régime juridique de
la dette, au prix de nombreux sacrifices pour les créanciers. Certes on observera que, dans
certains cas, les mesures qui peuvent être obtenues par le débiteur en difficulté n’aggravent
pas vraiment la situation du créancier. Les délais sont accordés à des débiteurs qui, le plus
souvent, ne pourraient pas payer et contre lesquels l’exercice des procédures d’exécution
serait vain. Le recouvrement du créancier en sort tout de même affaibli. Une atteinte plus
franche est portée à ce droit lorsque le créancier se voit imposer une remise, une réduction.
Le paiement va s’avérer difficile pour ne pas dire compromis.

55
CHAPITRE 2 :

UN RECOUVREMENT COMPROMIS PAR LES MESURES


DE GRACE

Il n ’est jamais agréable pour un créancier d’apprendre que son débiteur est mis en
redressement ou en liquidation judiciaire ou qu’il est surendetté. Cela signifie que le
paiement est compromis car il n’interviendra le plus souvent que de manière partielle ou
jamais. En effet, le traitement d’« une situation débitoriale » fragile peut consister à
octroyer une grâce au débiteur pour alléger le poids de ses engagements financiers. La
grâce fait désormais partie de l’arsenal des mesures permettant de redresser la situation.
Elle peut se combiner avec la mesure de répit, l’allongement des délais ne résorbant pas
pour autant le passif. L’intensité de l’allégement de la dette varie en fonction de la gravité
de la situation économique du débiteur. Soit il lui est fait grâce d’une partie de sa dette soit
il lui est accordé une grâce totale.
L’étude des mesures de grâce nous conduit à envisager d’une part la grâce d’une
partie de la dette (Section 1) et d’autre part la grâce totale de la dette (Section 2).

56
SECTION 1 - LA GRACE D’UNE PARTIE DE LA
DETTE

Lorsque le débiteur ne peut assumer la charge de ses dettes, plusieurs mesures


susceptibles d’aboutir à leur réduction peuvent être mises en œuvre. Celles-ci diminuent
cependant la valeur économique de la créance. On trouve trace de ce type de réduction
dans la procédure collective commerciale et dans la procédure de traitement du
surendettement. La réduction du passif est octroyée lorsque la défaillance du débiteur
constitue une menace pour l’emploi ou le place en situation de précarité. Elle s’opère par
un allégement des intérêts de la dette et plus exceptionnellement de la dette elle-même.
Il nous faut d’abord étudier l’allégement de la dette en intérêts (§1) et ensuite
l’allégement de la dette en principal (§2).

§1- L’allégement de la dette en intérêts

La diminution de la production d’intérêts est prise en faveur du débiteur, elle


contribuerait à l’accomplissement de sa prestation. C’est une règle traditionnelle des
procédures collectives. L’article L. 621-48 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985,
art.55) pose le principe d’arrêt du cours des intérêts. Le fondement de cette règle ancienne,
57
existant bien avant 1985, doit être recherché dans la volonté de simplification du
fonctionnement de la procédure collective ; la fixation du passif va en effet s’en trouver
facilitée. Si les auteurs s’accordent sur ce premier fondement, un deuxième fondement, tiré
de la volonté d’assurer un traitement égalitaire entre les créanciers, prête à discussion dans
la mesure où le principe d’égalité des créanciers n’oblige pas à traiter de la même manière
des créanciers qui ont des droits différents152. Un troisième fondement est avancé, celui de
faciliter l’éventuel redressement du débiteur en contribuant à la minoration du passif153.
Mais il est retenu qu’avec réserve, car depuis 1994, la règle de l’arrêt du cours des intérêts
déborde le cadre du redressement pour jouer en cas de jugement ouvrant la liquidation
judiciaire (Article L. 622-3 du Code de commerce - L. 25 janvier 1985, art.148-2). Quoi
qu’il en soit, par l’arrêt du cours des intérêts, les créanciers antérieurs au jugement
d’ouverture subissent une réduction forcée de leur dette.
On constate une prolifération de dispositions supprimant ou réduisant les intérêts,
lesquelles sont animées par le souci de protéger certains débiteurs d’intérêts. Le droit de la
consommation en est le terrain de prédilection. L’article L. 331-7-3 du Code de la
consommation prévoit de telles mesures au profit des particuliers surendettés.

La mesure n’a pas la même portée, qu’elle soit prise en faveur d’un débiteur relevant
de la procédure collective commerciale ou en faveur d’un débiteur surendetté. On verra
que dans la première situation, l’arrêt du cours des intérêts est automatique (A). Et dans la
seconde, la réduction ou la suppression des intérêts n’est qu’une simple faculté (B), certes
très souvent utilisée en association avec les mesures de report et de rééchelonnement.

A- L’arrêt automatique du cours des intérêts en matière de


procédure collective commerciale

152
En ce sens, Guyon (Y.), op.cit., n°1242.
153
Pétel (P.), « L’allégement ou la suppression des intérêts », R.J.C., 1994, pp. 326-336, spec. p. 326 ;
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n°773 ; Ripert (G.) et Roblot (R.) par
M.Germain et P.Delebecque, op.cit., n°2987 ; Guyon (Y.), op.cit., n°1242.

58
L’article L. 621-48 du Code de commerce pose le principe de l’arrêt du cours des
intérêts (1), et l’assortit d’exceptions (2).

1- Le principe de l’arrêt du cours des intérêts


Il convient de déterminer le domaine de la règle (a), avant d’envisager ses effets (b).

a. Le domaine de la règle
L’arrêt du cours des intérêts constitue une règle très générale qui concerne toutes les
créances antérieures porteuses d’intérêts et s’applique indifféremment à toutes les
catégories de créances, aux créances chirographaires ou assorties de sûretés. La loi du 25
janvier 1985 l’a sensiblement remodelée en abandonnant la distinction qu’effectuait la loi
du 13 juillet 1965 entre les créanciers chirographaires soumis à la règle et les créanciers
titulaires d’une hypothèque, d’un nantissement ou d’un privilège spécial dont les intérêts
des créances continuaient à courir. Peu importe que ces créances résultent de contrats en
cours ou de prêts résiliés au jour du jugement d’ouverture154.
Quelle que soit la qualité de leur créance, les créanciers subissent une réduction de
leurs prérogatives d’autant plus importante que sont visés tous les intérêts, légaux et
conventionnels ainsi que les intérêts de retard et majorations. Les intérêts sont entendus au
sens strict, les clauses pénales ou d’indexation ne sont donc pas remises en cause par l’effet
du jugement d’ouverture155.
L’arrêt du cours des intérêts ne se produisant qu’à compter du jugement d’ouverture,
les intérêts échus avant le jugement d’ouverture ne peuvent être écartés, ils s’ajoutent au
capital de la créance. Il faut les compter jour par jour156.

154
Cass.com.,16 avril 1991, D.1991, p. 362, obs. Chaput (Y.).
155
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n°777.

59
La règle a évolué par rapport au droit antérieur, cette évolution s’est aussi répercutée
sur les effets.

b. Les effets de la règle


Avant 1985, la règle de l’arrêt du cours des intérêts n’avait qu’un effet relatif, en ce
sens qu’elle ne jouait qu’à l’égard de la masse. De ce fait, le créancier privé de ses intérêts
dans le cadre de la procédure pouvait en obtenir ultérieurement le paiement de la part du
débiteur, soit qu’il subsiste des actifs après désintéressement de la masse, soit que le
débiteur revienne ensuite à une meilleure fortune.
De façon plus catégorique, l’article 55 de la loi du 25 janvier 1985 libère le débiteur
erga omnes du paiement de ses intérêts à partir du jugement d’ouverture. Ainsi, la créance
d’intérêt cesse de prendre naissance après le jugement d’ouverture et le créancier perd
définitivement son droit aux intérêts quelle que soit l’issue de la procédure collective157.
Cet arrêt du cours des intérêts produit un allégement du passif en faveur du débiteur.

Le principe de l’arrêt du cours des intérêts connaît des exceptions.

2- Les exceptions à la règle de l’arrêt du cours des intérêts


Il convient de déterminer le domaine des exceptions (a), avant d’envisager leurs mises
en oeuvre (b).

a. Le domaine des exceptions


L’article L. 621-48 alinéa 1 du Code de commerce prévoit des exceptions pour les prêts
à moyen ou long terme afin de ne pas décourager le crédit. Ces dernières sont importantes
en pratique. Plus précisément, la continuation du cours des intérêts158 bénéficie aux

156
Ripert (G.) et Roblot (R.) par M.Germain et P.Delebecque, op.cit., n°2989. Il faut noter que les
majorations fiscales et sociales de retard dues avant le jugement d’ouverture sont écartées par application des
articles 1740 du Code Général des impôts, L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale.
157
Vallansan (J.), op.cit., n°35 ; Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit.,
n°779.
158
Soinne (B.), « La continuation du cours des intérêts », Rev.proc.coll., 1988, pp. 213-219.
60
contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an et aux contrats assortis
d’un paiement différé d’un an ou plus. La jurisprudence oscille entre une interprétation
littérale de l’article L. 621-48 du Code de commerce et une interprétation correspondant à
la réalité financière. L’interprétation littérale n’inclut que les prêts stricto sensu, tel est le
cas lorsque le contrat de crédit-bail159 et l’ouverture de crédit160 sont exclus du domaine de
l’exception. Par contre, si l’interprétation correspond à la réalité financière, les ouvertures
de crédit sont incluses. La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 9 janvier
2001. Reprenant une formule employée dans un précédent arrêt du 19 mars 1996, elle
affirme « que dès lors qu’elle est consentie pour une durée égale ou supérieure à un an,
l’ouverture de crédit est assimilable à un prêt pour l’application de l’article 55 de la loi du
25 janvier 1985 devenu l’article L. 621-48 du Code de commerce »161. Pour savoir si la
durée du contrat de prêt est égale ou supérieure à un an, il faut se situer à la conclusion de
la convention, seule compte la stipulation convenue initialement162.
S’agissant des intérêts, le texte ne vise que « les intérêts », les intérêts de retard et
majorations ne sont cette fois pas cités. Il est logique que la continuation du cours des
intérêts concerne les intérêts conventionnellement stipulés, les intérêts de retard et
majorations prévus par le contrat. La Cour de cassation a jugé en ce sens, l’objet des
exceptions correspond exactement à celui du principe de l’arrêt du cours des intérêts163.
Par ailleurs, l’article L. 621-48 alinéa 1 du Code de commerce s’applique que le contrat
soit ou non résilié au jour du jugement164.

En définitive, la détermination du domaine des exceptions pose quelques difficultés. Le


constat est identique lorsqu’on s’intéresse à la mise en oeuvre des exceptions.

159
CA.Paris, 9 octobre 1997, R.J.D.A., 1998, n°72, p. 45 ; Cass.com., 29 mai 2001, J.C.P.,2001-I-360, p.
2041.
160
Cass.com., 6 mai 1997, J.C.P., éd.E, 1997-II-996, obs. Legeais (D.).
161
Cass.com., 9 janvier 2001, R.T.D.com., 2001, p. 975, obs. Martin-Serf (A.) ; Cass.com., 19 mars
1996, R.T.D.com., 1996, p. 720, obs. Martin-Serf (A.) .
162
Il est admis qu’un crédit conclu pour une durée indéterminée n’entre pas dans le domaine de
l’exception, même si sa période d’exécution excède une année car sa dénonciation par l’une des parties peut
intervenir avant un an : Cass.com., 6 mai 1997, J.C.P., éd.E, 1997-II-996, obs. Legeais (D.).
163
Cass.com., 27 novembre 1991, R.J.D.A., 1992, n°192.

61
b. La mise en œuvre des exceptions
Le principe est celui de la continuation du cours des intérêts après le jugement
d’ouverture. La difficulté porte sur le point de savoir si ces intérêts constituent des
créances qui doivent être déclarées en même temps que le principal de la dette ou s’il faut
y voir des créances nées après le jugement d’ouverture, bénéficiant, à ce titre, d’une
dispense de déclaration et de la priorité accordée par l’article L. 621-32 du Code de
commerce (L. 25 janvier 1985, art.40)165. Dans un arrêt du 22 novembre 1994, la Cour de
cassation a opté pour la première solution166. Cette dernière se justifie dans la mesure où
les intérêts sont des accessoires de la créance principale.
Une autre difficulté se pose lorsque le juge arrête un plan de continuation. Le plus
souvent, les jugements ne prévoient aucune disposition relative au paiement des intérêts167.
La majorité des plans portent donc atteinte aux droits des créanciers qui peuvent
légitimement prétendre au maintien du cours des intérêts. Il se peut aussi que le tribunal
impose une remise d’intérêts à laquelle le créancier n’a pas consenti. Dans ce cas, il y a
violation des articles L. 621- 48 et L. 621- 76 du Code de commerce, le premier prévoit le
maintien des intérêts et le second interdit au juge d’imposer des remises de dettes, en
capital ou en intérêts. Le créancier doit agir en sollicitant l’annulation du jugement par
l’intermédiaire du représentant des créanciers.

Une diminution de la production d’intérêts peut aussi être obtenue dans le cadre de la
procédure de traitement du surendettement.

B- L’éventuel allégement des intérêts de la dette en matière de


procédure de traitement du surendettement

164
Cass.com., 16 avril 1991, R.T.D.com., 1991, p. 661, obs. Legeais (D.) .
165
Saint-Alary-Houin (C.), Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n°783.
166
Cass.com., 22 novembre 1994, J.C.P., éd.E, 1995-I-457, n°12, obs. Cabrillac (M.).
167
Soinne (B.), « La continuation du cours des intérêts », op.cit., n°12.
62
La diminution de la production d’intérêts résulte de la réduction de l’assiette (1) et du
taux de l’intérêt (2). Il conviendra de préciser le sort des intérêts lorsque la commission
constate l’insolvabilité du débiteur (3).

1- La réduction de l’assiette de l’intérêt


A défaut d’accord, la commission peut recommander, sur le fondement de l’article L.
331-7-2° du Code de la consommation, l’imputation prioritaire des paiements sur le
capital. Ainsi, le solde du capital restant dû s’amenuise au fur et à mesure des paiements.
Ce qui revient à réduire sensiblement le montant des sommes à payer par le débiteur au
titre des intérêts par la diminution des sommes portant intérêts. « C’est une façon élégante,
parce que discrète, de réduire le total de la somme due »168, mais qui n’est évidemment pas
indolore pour le créancier.
Le droit du surendettement porte une atteinte directe à l’article 1254 du code civil qui
pose le principe de l’imputation prioritaire des paiements sur les intérêts lorsque l’auteur
du paiement est à la fois débiteur du capital et des intérêts.

Si cette mesure, de l’imputation prioritaire des paiements sur le capital, permet un


apurement plus rapide de la dette, elle connaît pourtant un faible succès. La réduction des
taux d’intérêts lui est préférée.

2- La réduction du taux de l’intérêt


La commission ou le juge saisi d’une contestation de l’avis de la commission peut
prescrire conformément à l’article L. 331-7-3° du Code de la consommation que les
dettes reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit lequel peut être
inférieur au taux d’intérêt légal. Depuis la loi du 29 juillet 1998, les intérêts sur les sommes
reportées ou rééchelonnées sont plafonnés au taux légal. L’enquête de la Banque de France

168
Cabrillac (M.), « L’assiette des intérêts », R.J.C., 1994, pp. 318-325, spec. p.319.
63
nous apprend que les commissions utilisent quasi systématiquement la réduction du taux
d’intérêt169.
La question de la réduction du taux d’intérêt a profondément agité les parlementaires
au cours de la discussion du projet de loi Neiertz, au point de devoir être soumise à une
commission mixte paritaire, laquelle renonça à l’idée d’un prix plancher170. Toutefois, la
question se posa en jurisprudence de la limite de cette réduction. Les juridictions du fond
se sont rapidement divisées. La majorité était hostile à la suppression pure et simple des
intérêts, d’autres juridictions au contraire réduisaient à zéro les intérêts ou prononçaient
une réduction à un taux symbolique de 1%, voire 0,1% ou même 0,01%171. Dans un
premier temps, la Cour de cassation s’était prononcée contre la suppression totale des
intérêts dans un avis de novembre 1992, en autorisant toutefois la réduction à un taux
symbolique172. Le caractère irréaliste de la solution amena finalement la Cour de cassation
à admettre le « taux 0 », d’abord implicitement173, puis explicitement174. Contre la lettre du
texte, le concept de réduction s’étend jusqu’à la suppression. Cette extension permet
d’aider au maximum, sur le moment, les débiteurs en situation désespérée et se traduit par
une imputation des paiements sur le capital. La loi du 29 juillet 1998, comme celle du 8
février 1995, reprenant à l’article L. 331-7-3° la même expression de « taux réduit qui peut
être inférieur au taux légal », cette jurisprudence conserve toute sa valeur : la mesure de
réduction peut consister en la remise pure et simple des intérêts des dettes reportées ou
rééchelonnées. L’enquête de la Banque de France fait apparaître que dans la presque
totalité des cas (98%), le taux d’intérêt est ramené à un niveau inférieur ou égal au taux
légal, quand il n’est pas purement et simplement réduit à zéro (67% des cas)175.
Quelques précisions doivent être apportées sur la mise en œuvre de la réduction du taux
d’intérêt. La rédaction même de l’article L. 331-7-3° du Code de la consommation exclut

169
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p. 6 (Annexe 1).
170
Rapport C.M.P., Doc. Sénat n°124, ,1ere Session ordinaire 1989-1990, p. 7-9.
171
Khayat (D.), op.cit., p. 130.
172
Bull.inf.cass., 1er novembre 1992, p. 27.
173
Cass.civ.1ère, 5 avril 1993, Bull.civ.I, n°142.
174
Cass.civ.1ère, 12 janvier 1994, Bull.civ.I, n°21 ; R.T.D.com.,1994, p. 115, n°6, obs. Paisant (G.).
175
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p. 6 (Annexe 1).
64
la réduction du montant des intérêts déjà échus au jour de l’avis de la commission ou au
jour où le juge statue. Et si la commission est souveraine pour déterminer le taux de
l’intérêt, le texte la contraint à se prononcer sur une proposition spéciale et motivée et à se
fonder sur la situation du débiteur pour adopter un taux inférieur au taux légal, voir pour le
réduire à néant. Ces deux exigences sont le plus souvent combinées, car c’est par référence
aux possibilités de remboursement du débiteur, c’est à dire à ses ressources et à ses
charges, qu’est motivée la recommandation (ou le jugement) de réduction du taux d’intérêt
des dettes réaménagées.

On a constaté que les débiteurs les plus démunis, faute de ressources, étaient dans
l’impossibilité de respecter les mesures prescrites par la commission de surendettement,
qu’il s’agisse de la réduction du taux d’intérêt ou du réaménagement des dettes. Le
législateur de 1998, tirant les conséquences de cette constatation, a organisé un traitement
des cas les plus désespérés. Reste à savoir quel sort, il a réservé aux intérêts ?

3- Les intérêts et l’insolvabilité du débiteur


Pendant la durée du moratoire, recommandé par la commission en cas d’insolvabilité
du débiteur, l’exigibilité des créances est suspendue. Et sur amendement de l’Assemblée
Nationale176, pour enrayer la spirale de l’endettement, est aussi suspendu le paiement des
intérêts afférents aux créances comprises dans le moratoire, sauf proposition contraire de la
commission. La règle est prévue à l’article L. 331-7-1 du Code de la consommation. Par
ailleurs, pendant cette même période, seules les sommes dues au titre du capital sont
productives d’intérêts. Elles le sont de plein droit, mais seulement au taux légal.
A l’issue du moratoire, si la situation ne s’est pas améliorée, la commission peut
recommander l’effacement des dettes en capital et en intérêts.

A côté de ces réductions indirectes résultant d’un allégement des intérêts, une réduction
directe de la créance en capital est envisageable.

65
§2- L’allégement de la dette en principal

Pour alléger le poids des engagements financiers du débiteur, on peut diminuer la dette
elle-même. Toutefois, en vertu du principe de la force obligatoire des conventions, aucune
réduction de dettes ne peut, en principe, être imposée aux créanciers. Que ce soit en droit
du surendettement ou en droit des procédures collectives commerciales, le législateur ne
confère pas aux acteurs du traitement du passif la possibilité d’imposer des réductions de
dettes (A). Mais, qui dit principe, dit exception. En matière de surendettement, il existe une
situation dans laquelle le législateur autorise la réduction. Elle concerne l’article L. 331-7-
4° aux termes duquel la dette immobilière du particulier surendetté peut être réduite (B).

A- Le principe de la négociation des réductions

L’allégement de la dette en principal doit être négocié. En matière de surendettement,


la règle est implicite. Par contre, en droit des procédures collectives commerciales,
l’interdiction d’imposer des réductions aux créanciers a un support textuel, qui relève de la
combinaison des articles L. 621-60 et L. 621-76 du Code de commerce (L. 25 janvier
1985, art. 24 et 74).

Le principe appelle plus de précisions en matière de procédure collective commerciale.


Il apparaît que dans le cadre d’un plan de continuation, le tribunal dispose, pour assurer
l’apurement du passif, d’une marge de manœuvre étroite en ce qui concerne les réductions
de créances. Seuls les créanciers peuvent consentir une remise de leurs créances en
répondant aux propositions qu’ils ont reçues en ce sens, dans le cadre défini à l’article L.
621-60 du Code de commerce. Nous avons vu que les créanciers doivent être consultés, au
cours de la période d’observation, sur les remises et les délais qui pourraient être accordés
au débiteur. Il est certain que le tribunal ne peut imposer une remise de dette à un créancier

176
JOAN, CR, 19 mai 1998, p. 3951.
66
réfractaire177. Néanmoins, si tel était le cas, le titulaire de la créance doit agir, pour
sauvegarder l’intégrité de ses droits, en sollicitant l’annulation du jugement par
l’intermédiaire du représentant des créanciers. Il appartient donc au créancier de faire
preuve de vigilance. Par ailleurs, il faut rappeler que si la consultation a lieu par écrit, le
défaut de réponse du créancier, dans les trente jours à compter de la réception de la lettre
du représentant des créanciers, vaut acceptation selon la loi. Par l’effet de son silence, le
créancier se voit imposer le choix du représentant des créanciers.
Si le tribunal ne peut décider d’autorité de réduire les créances, cela ne signifie pas
pour autant que les créanciers n’auront pas à faire de concessions. La dépréciation
monétaire, compte tenu des délais de paiement qui peuvent excéder la durée du plan, se
chargera, en effet, de leur imposer des réductions de créances.
Parfois, on n’est pas trop loin du cas où le tribunal pourrait imposer des réductions de
dette. Le tribunal a la faculté sur le fondement de l’article L. 621-77 du Code de commerce
(L. 25 janvier 1985, art. 75) d’offrir aux créanciers le choix d’un paiement dans des délais
plus brefs que le délai général, mais assortis d’une réduction proportionnelle du montant de
leurs créances. En décidant des reports d’échéance démesurés, il peut ainsi contraindre
indirectement les créanciers à accepter un abattement afin d’être payés plus tôt178.

Si aucune réduction de dettes ne peut, en principe, être imposée aux créanciers, l’article
L. 331-7-4° du Code de la consommation apporte une exception, en ce qu’il permet de
réduire la dette immobilière du particulier surendetté.

B- L’exception : la réduction de la dette immobilière du


débiteur surendetté

L’article L. 331-7-4° du Code de la consommation permet à la commission ou au juge


de réduire le solde du prêt immobilier restant dû en cas de vente du logement principal du

177
CA.Douai, 4 juin 1987, J.C.P., éd.E, 1988-II-599 ; CA.Versailles, 5 janvier 1988, J.C.P., éd.E, 1988-
II-15280, obs. Martin-Serf (A.).
178
Guyon (Y.), op.cit., n°1266.
67
débiteur grevé d’inscription. L’enquête de la Banque de France nous apprend que près de
10% des surendettés sont accédants à la propriété179. Nombre d’entre eux rencontrent des
difficultés à rembourser les crédits souscrits pour financer leur accession à la propriété.
Pour les aider, le législateur autorise l’allégement de leur dette immobilière. L’obtention de
cette mesure exige le respect de plusieurs conditions, qu’il convient de préciser (1) avant
de mesurer l’étendue de la réduction (2).

1- Les conditions d’application de la réduction


La réduction de dettes est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions180 :
En premier lieu, le prêt doit financer l’acquisition du logement principal lequel
s’entend du lieu de vie de la personne qui a demandé à bénéficier de la procédure de
surendettement181. La commission de surendettement apprécie ce caractère d’habitation
principale au jour de la vente pour éviter les fraudes182. Il faut noter qu’un prêt immobilier
destiné non seulement à l’acquisition du logement principal mais encore à son
agrandissement et à sa rénovation, peut être réduit183, de même que le prêt substitué au prêt
initialement consenti pour l’acquisition du logement184. Sont donc réductibles, tous les
prêts destinés à financer l’immeuble principal. Fort logiquement, les prêts destinés au
financement d’un immeuble donné en location par le débiteur sont exclus de la possibilité
de réduction185. Il en va de même pour tous ceux qui auront été acquis pour des motifs
purement spéculatifs, ainsi que pour l’acquisition d’une résidence principale186.
En deuxième lieu, une sûreté grevant l’immeuble doit garantir le prêt.

179
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p. 3-4 (Annexe 1). La majorité écrasante est
constituée de locataire (75%).
180
Flores (P.), « Emprunteur immobilier ou les limites du surendettement », Gaz.Pal.2001, pp. 2-9, spec.
p. 5 et s.
181
Sur la notion de logement principal : Cass.civ.1ère, 19 mai 1999, Contrats, Conc., Consom., 1999,
n°151, obs. Raymond (G.).
182
La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 19 mai 1999, Ibid.
183
La Cour de cassation approuve cette interprétation dans un avis du 15 juin 1994, Contrats, Conc.,
Consom., 1994, n°188.
184
Cass.civ.1ère, 30 mai 1995, R.T.D.com., 1995, p. 654, n°4, obs. Paisant (G.).
185
Cass.civ.1ère, 21 février 1995, Bull.civ.I, n°100.
186
Cass.civ.1ère, 15 juillet 1999, Bull.civ.I, n°247.
68
En troisième lieu, la remise ne peut être envisagée en toute logique qu’après la vente du
logement du débiteur, une fois connu le montant restant dû à l’organisme prêteur. La loi du
29 juillet 1998 prévoit l’imputation automatique du prix de vente sur le capital restant dû.
L’article L. 331-7-4° exige soit une vente forcée, intervenant à la suite d’une action
engagée par un créancier, soit une vente amiable destinée à éviter une saisie immobilière.
En quatrième lieu, compte tenu des enjeux pécuniaires, la question est de savoir quels
sont les créanciers susceptibles de subir la réduction des sommes leur restant dues.
Aujourd’hui, aucune distinction n’est faite entre les établissements de crédit qui ont fourni
les sommes ayant permis l’acquisition de l’immeuble. Peu importe qu’ils bénéficient ou
non d’une inscription sur cet immeuble, dès lors que celui-ci est grevé d’une telle
inscription au profit de l’un d’entre eux. Il faut rappeler que dans un premier temps, la
Cour de cassation considérait au contraire que la réduction de la créance ne pouvait
concerner que les seuls prêts consentis par ceux des établissements de crédit qui
bénéficient d’une inscription sur l’immeuble vendu187. C’est l’arrêt du 13 juin 1995188 qui
marque la volonté de la Haute juridiction d’étendre la faculté de réduction du reliquat de la
dette. Cependant cette réduction ne peut frapper que des établissements de crédit , ce qui
exclut bien évidemment des vendeurs qui auraient accordé des délais pour le paiement du
prix de vente. Plus courante est la situation des organismes de prêts patronaux ; la Cour de
cassation a jugé dans une décision du 15 juin 1999189 que la mesure ne peut s’appliquer à
l’encontre de l’Office central interprofessionnel du logement qui, à sa manière, avait
pourtant participé au financement de l’acquisition du logement principal du débiteur. On
est conduit à s’interroger sur le bien fondé de la solution. La Cour de cassation a recherché
la définition de l’établissement de crédit dans la loi du 24 janvier 1984, or de par l’article
11 de cette même loi, ce type d’organisme dispose d’une dérogation pour effectuer des
opérations de crédit.

187
Cass.civ.1ère, 11 octobre 1994, R.T.D.com., 1995, p. 189, n°3, obs. Paisant (G.).
188
Cass.civ.1ère , 13 juin 1995, R.T.D.com., 1995, p. 654, n°4, obs. Paisant (G.).
189
Cass.civ.1ère , 15 juin 1999, R.T.D.com., 1999, p. 766, n°2, obs. Paisant (G.). Dans le même sens,
Cass.civ.1ère , 15 décembre 1999, J.C.P., 2000-IV-1223.
69
En cinquième lieu, la mesure de réduction de la dette immobilière nécessite une
proposition spéciale et motivée. La motivation spéciale est fondée sur la situation
financière du débiteur, sur ses ressources et ses charges, et non sur l’attitude du créancier
quand il a octroyé le prêt190, pas plus que sur l’importance des fonds qu’il a déjà perçus par
rapport aux autres créanciers.
En dernier lieu, cette réduction du reliquat de la dette immobilière est soumise à une
limite temporelle. Elle ne peut être invoquée plus de deux mois après sommation faite
d’avoir à payer le montant de la fraction des prêts immobiliers restant due, à moins que la
commission n’ait été saisie dans ce délai.

Une fois que les conditions de réduction sont réunies, la commission ou le juge a toute
latitude pour réduire le solde du prêt.

2- L’étendue de la réduction
L’article L. 331-7-4° du Code de la consommation prévoit que la réduction doit se faire
dans des proportions telles que le paiement assorti d’un rééchelonnement191 soit
compatible avec la capacité de remboursement du débiteur, c’est à dire compatible avec ses
ressources et ses charges du débiteur. Aucune limite n’est fixée à la réduction de la fraction
des prêts immobiliers restant due après la vente. Dès lors, si la situation du débiteur
l’exige, cette réduction peut consister en la remise totale de la dette. La Cour de cassation
approuve cette interprétation du texte192. Concrètement, si le débiteur ne dispose plus des
moyens nécessaires, la dette immobilière résiduelle peut être effacée définitivement.

En réduisant la substance de la dette, on réserve un sort sévère aux créanciers. Pour


autant la dette demeure attachée au patrimoine du débiteur et ce dernier se trouve contraint

190
La Cour de cassation approuve cette motivation. En ce sens, Cass.civ.1ère , 4 avril 1995, R.T.D.com.,
1995, p. 655, obs. Paisant (G.).
191
Le calcul du rééchelonnement est celui prévu à l’article L. 331-7-1°du Code de la consommation.

70
d’accomplir un acte libératoire pour se délier de ses engagements. En revanche, la grâce
totale libère le débiteur en le dispensant d’exécuter tout acte libératoire.

SECTION 2 - LA GRACE TOTALE DE LA DETTE

Les acteurs du traitement du passif ont la possibilité d’accorder au débiteur une grâce
totale de la dette. Cette mesure de grâce constitue un remède à l’insolvabilité, lorsqu’ils ne
trouvent plus de solution économiquement appropriée. Le débiteur se trouve déchargé de
l’ensemble de ses dettes. On parvient à ce résultat en droit des procédures collectives
commerciales et en droit du surendettement :
Le débiteur relevant des procédures collectives commerciales se trouve libéré par un
mécanisme de « purge » des dettes l’exemptant de tout remboursement. Il est prévu que les
créanciers ne recouvrent pas l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.
En matière de surendettement, devant la progression des phénomènes de précarité, il a
fallu adapter le traitement des dettes. On a naturellement songé à s’inspirer du modèle de la
« faillite civile » du droit local en vigueur dans les départements d’Alsace et de Moselle.
Mais les arguments contre l’introduction de la « faillite civile » l’ont emporté et le
législateur de 1998 a écarté pareille transposition. Le rapport présenté par deux sénateurs
MM. Hyest et Loridant avait bien mis en évidence les défauts d’un tel système193. Parmi
les motifs invoqués à l’appui de ce rejet, on trouve le risque de déresponsabilisation du
surendetté ; celui de conduire à l’exclusion par la liquidation du patrimoine du débiteur et
l’impossibilité pour ce dernier de recourir ensuite au crédit bancaire. Mais en définitive, la
solution retenue par le législateur apparaît proche de la « faillite civile ». La commission de
surendettement peut recommander, au juge de l’exécution, l’extinction des créances

192
Cass.civ.1ère , 31 mars 1992, Bull.civ.I, n°103 ; Cass.civ.1ère , 4 avril 1995, R.J.D.A., 1995, n°1177 ;
Cass.civ.1ère , 17 février 1998, Bull.civ.I, n°590.
193
Hyest (J-J.), Loridant (P.), op.cit., p. 65 et s.
71
qualifiée par la loi d’« effacement ». Cette technique permet d’exclure définitivement la
dette du patrimoine du débiteur.
Il nous faut d’abord étudier l’opération de « purge » de la dette relevant du droit des
procédures collectives commerciales (§1) et ensuite la technique de l’extinction de la dette
relevant du droit du surendettement (§2).

§1- L a «purge» de la dette du débiteur relevant


des procédures collectives commerciales

M. Rizzo rappelle que le terme de purge s’emploie surtout en droit des sûretés, où il
désigne une opération destinée à libérer un bien d’une charge qui le grève ; par analogie,
dans le cadre du traitement des dettes, il recouvre un processus visant à exclure la dette du
patrimoine, donc à libérer, décharger le débiteur de ses engagements194. La règle est
inscrite à l’article L. 622-32 du Code du commerce (L. 25 janvier 1985, art.169), relatif à
la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif. Un effet
similaire est prévu à l’article L. 621-95 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.92),
dans une autre situation juridique, le plan de cession globale. La décharge du débiteur est
exprimée par une règle négative imposée au créancier : l’interdiction de reprendre des
poursuites individuelles contre le débiteur. Un apurement du passif sans paiement est ainsi
consacré.
L’article L. 622-32 du Code de commerce innove par rapport aux solutions antérieures.
L’histoire de la « faillite »195 n’offre pas de précédent comparable. Par exemple, sous
l’Ancien Régime, la cession de biens, héritée de la venditio bonorum romaine, permettait
au débiteur surchargé de dettes de se mettre à l’abri des poursuites de ses créanciers, mais
il s’engageait à leur payer le reliquat de leurs créances s’il revenait à meilleure fortune. Le
concordat par abandon d’actif qui a existé au XIXè siècle pour les commerçants défaillants

194
Rizzo (F.), op.cit., n°376. Sur la nature juridique du mécanisme, n°379 et s.

72
ne déchargeait le débiteur de son passif qu’en vertu de remises de dettes consenties par les
créanciers eux-mêmes. « On le voit une hostilité traditionnelle de notre droit à toute
virginité patrimoniale automatique, par le seul effet de la loi »196.
Le législateur de 1985 s’est inspiré d’exemples législatifs en vigueur dans les pays
anglo-saxons197. Le droit anglais connaît cette sorte de décharge du débiteur avec l’order of
discharge introduit en 1705. Le droit américain ensuite, recueille cette institution de la
« discharge » dans la loi sur la banqueroute de 1898, modifiée en 1978. Et à son tour, la loi
américaine a influencé le droit anglais avec la loi de 1986 sur l’insolvabilité. Cet exemple
américain a aussi largement pesé sur notre réforme de 1985. Dans une intervention devant
l’Assemblée Nationale, le Garde des sceaux, M. Badinter, en a souligné l’avantage. Il
s’agit, dit-il, d’une procédure ne compromettant pas l’avenir des professionnels qui ont
échoué et assurant un traitement égalitaire des débiteurs, qu’ils soient commerçants,
artisans ou dirigeants sociaux.
Si le mécanisme de « purge » de la dette est critiqué par la majorité de la doctrine, on
observe que des auteurs praticiens, ou qui l’ont été, portent sur l’institution un regard
beaucoup plus bienveillant198.

Il convient de s’attacher à préciser le domaine d’application de la « purge » de la dette


(A) avant de mesurer les effets de cette opération (B).

A- Le domaine d’application de la « purge » de la dette

Le principe de la libération du débiteur se caractérise par sa généralité, d’une part quant


aux créanciers sacrifiés (1), et d’autre part quant aux hypothèses concernées (2). Il reste

195
Vallen (J-L.), «L’effacement des dettes du débiteur en liquidation judiciaire », Les Petites affiches, 19
septembre 1997, pp. 4 -12, spec. p. 4 ; Mestre (J.), Dureuil (B.), « La "purge"des dettes par l’article 169 de la
loi du 25 janvier 1985 », Rev.proc.coll., pp. 389-403, spec. p. 389.
196
Mestre (J.), Dureuil (B.), loc.cit.
197
Ibid.
198
Mestre (J.), Dureuil (B.), op.cit., p. 398. Pour MM. Soinne et du Pontavice, la purge n’est aucunement
choquante. Les praticiens des procédures collectives se sont en grand nombre rangés à leur avis.
73
que la règle de la non-reprise des poursuites individuelles, formulée par l’article L. 622-32
du Code de commerce, a quand même ses limites (3).

1- Les créanciers sacrifiés


A l’évidence, la « purge » des dettes concerne tous les créanciers soumis à l’arrêt des
poursuites individuelles édicté par l’article L. 621-40 du Code de commerce. Sont donc
frappés par la non-reprise des poursuites individuelles, les créanciers de sommes d’argent
antérieurs au jugement d’ouverture. Les créanciers dont la créance est née régulièrement
après l’ouverture de la procédure collective y échappent199. Il s’agit d’une règle commune
à tous les créanciers. Sont concernés les créanciers chirographaires et ceux titulaires de
sûretés. Et l’article L. 622-32 ne distingue pas selon l’origine des créances.

Après l’énumération des créanciers soumis à la « purge » des dettes, il nous faut
maintenant délimiter les situations dans lesquelles celle-ci joue.

2- Les hypothèses concernées


L’article L. 622-32 du Code de commerce vise la clôture de la liquidation judiciaire
pour insuffisance d’actif laquelle recouvre le cas où la procédure est close prématurément
sans parvenir à son terme, faute de fonds. Il va de soi qu’à cette hypothèse mentionnée par
la loi, il faut assimiler celle de la clôture de la liquidation avec insuffisance d’actif, c’est à
dire le cas où la procédure a été jusqu’à son terme, mais où l’actif est insuffisant pour
payer en totalité les créanciers200. L’insuffisance d’actif suppose, comme le dit l’article
152-1 du Décret du 27 décembre 1985, que « le produit de la réalisation des actifs du
débiteur et des actions et procédures engagées dans l’intérêt de l’entreprise ou des
créanciers ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers ». Aussi est-
il exclu que la clôture intervienne alors que subsistent des biens non réalisés, des créances
à recouvrer ou des voies de recours en déshérence. La Cour de cassation, dans un arrêt du 5

199
Cass.com. 30 octobre 2000, R.J.D.A., 2001, n°203.
200
Vallen (J-L.), op.cit., p. 7 ; Mestre (J.), Dureuil (B.), op.cit., p. 391 ; Rizzo (F.), op.cit., n°385.
74
mars 2002201, réaffirme que la clôture ne peut être prononcée pour insuffisance d’actif tant
que demeurent saisissables des éléments d’actif.
Par ailleurs, on sait que le mécanisme de purge apparaît en cas de cession totale de
l’entreprise, l’article L. 621-95 opèrant un renvoi à l’article L. 622-32 du Code de
commerce. La libération du débiteur trouvera à s’appliquer, suivant les termes de la loi,
quand le prix de cession ne suffit pas à désintéresser les créanciers. Cette dernière
hypothèse est toute aussi fréquente que les deux précédentes, les tribunaux n’hésitant pas à
arrêter des plans de cession à des prix dérisoires, parfois même insuffisants, pour payer la
totalité des créanciers de l’article L. 621-32 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985,
art.40)202. « Certes les magistrats, dans certaines décisions, avouent le regretter mais ils le
décident tout de même »203 pour permettre la sauvegarde de l’emploi. En l’occurrence, les
tribunaux adoptent une optique non financière de la cession, alors que le juge doit,
conformément à l’article L. 621-87 du Code de commerce, retenir l’offre de cession « qui
permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à
l’ensemble cédé et le paiement des créanciers »204. On aurait pu s’attendre à ce que le prix
de cession soit assez décent pour permettre le paiement intégral, sinon du moins
raisonnable, des créanciers. La Cour de cassation a admis qu’un plan de cession pouvait ne
pas assurer un règlement intégral des créanciers et a considéré que la détermination du prix
est une question de fait relevant du pouvoir souverain des juges du fond. « Autant dire
qu’elle renonce à sanctionner les spoliations mêmes les plus criantes ».205

Le législateur a introduit des limitations et des exceptions à la remise des dettes opérée
par la loi, permettant aux créanciers de recouvrer leur pouvoir de contrainte.

3- Les exceptions

201
Cass.com., 5 mars 2002, Dalloz Affaires. 2002, AJ, p. 1422.
202
Campana (M-J.), op.cit., p.28.
203
Ibid
204
Gjidara (S.), op.cit., n°497.
205
Cass.com., 26 juin 1990, B.R.D.A., 1990, p. 14, n°15-16. Cité par Saint-Alary-Houin (C.), « Les traits
généraux du sort des créanciers après cinq années d’application de la loi du 25 janvier 1985 », Les Petites
affiches, 18 mai 1992, pp. 4-8, spec. p. 7, n°16.
75
Le jeu très précis des exceptions n’est pas exactement déterminé206. Celles-ci sont en
tout cas assez disparates, elles sont de deux ordres. Les unes tiennent au débiteur lui-même
et les autres tiennent aux créances.
En premier lieu, se trouvent exclus de l’article L. 622-32 du Code de commerce, les
débiteurs qui ont commis une fraude à l’égard des créanciers. Ce cas, probablement le plus
sollicité en raison de sa souplesse, appelle quelques développements. La notion de fraude
suscite des interrogations, le législateur ne l’a pas définie. Des fautes peuvent être
qualifiées de frauduleuses chaque fois qu’elles révèlent une manœuvre dont le but est de
nuire aux créanciers207, telle la dissimulation d’une dette au représentant des créanciers208.
Contrairement à ce que laisse supposer le pluriel utilisé par le texte, la fraude peut être
commise à l’égard d’un seul créancier, lui seul recouvre son droit de poursuite
individuelle209.
La loi écarte aussi les débiteurs qui ont été frappés d’une faillite personnelle ou d’une
interdiction de diriger ou contrôler une entreprise ou une personne morale, ou encore qui
ont été condamnés pour banqueroute.
Il y a enfin les débiteurs récidivistes. Le texte est imprécis. Il vise le cas où la
procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif et le cas où le débiteur ou la personne
morale dont il a été le dirigeant, a été déclaré en état de cessation des paiements. L’adverbe
« déjà » a été oublié, cependant le sens de la règle n’a pas fait l’objet d’interprétations
contraires210. Il est admis que la reprise des poursuites individuelles ne concerne que les
créanciers de la seconde procédure.

En second lieu, peuvent être recouvrées les créances provenant de droits attachés à la
personne. Cette exception concerne ainsi les créances d’aliments, les créances de
dommages-intérêts résultant d’une atteinte corporelle.

206
Soinne (B.), « "Surendettement" et "faillite": unité ou dualité des régimes », op.cit., p.11.
207
Vallen (J-L.), op.cit., p. 9.
208
Cass.com., 16 novembre 1993, J.C.P., éd. E, 1994 I-348, n°7, obs. Cabrillac (M.)et Pétel (P.).
209
Ibid.
210
Vallen (J-L.), op.cit., p. 9.
76
La loi exclut aussi de toute remise automatique les créances qui résultent d’une
condamnation pénale prononcée contre le débiteur pour des faits étrangers à son activité
professionnelle, c’est à dire les créances hors procédure. Une autre hypothèse a été
introduite par la réforme de 1994, celle de la condamnation pénale du débiteur pour fraude
fiscale, mais elle est limitée au Trésor public.

Il est possible de pressentir l’ampleur des effets de l’opération de « purge » de la dette.

B- Les effets de l’opération de « purge » de la dette

Après la clôture de la procédure de cession ou de liquidation, les créanciers ne


recouvrent pas, en principe, leurs droits de poursuites individuelles (1). Pour autant, ils
restent bénéficiaires d’une obligation naturelle (2).

1- L’interdiction faite aux créanciers de reprendre les poursuites


individuelles contre leur débiteur
Chacun connaît la formule de l’article L. 622-32 du Code de commerce qui dit « le
jugement de clôture ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs
actions contre le débiteur ». Il interdit au créancier de poursuivre, cela définitivement, le
débiteur. Autant dire que le débiteur se trouve libéré par le mécanisme de « purge »
l’exemptant de tout remboursement et blanchi d’un passif antérieur. « Le législateur
dispense le débiteur de la réalisation de la prestation attendue par le créancier en effaçant le
rapport de contrainte issu du lien obligatoire »211. La mesure engendre des effets pervers.
Les praticiens savent bien que l’on assiste à des dépôts de bilan de la part de certains chefs
d’entreprises qui cherchent à alléger le fardeau de créances, qu’ils trouvent trop
lourd. « Véritable fraude à la loi qui consiste à se débarrasser à bon compte de créanciers

211
Rizzo (F.), op.cit., n°379.
77
devenus trop exigeants pour se refaire une santé ailleurs, en toute quiétude »212. Certes la
libération du débiteur n’est pas totale, car les créanciers peuvent récupérer leur droit de
poursuite dans certaines hypothèses213. Cette reprise est conditionnée à l’obtention d’un
titre exécutoire par ordonnance du président du tribunal214.
Lorsque le principe de l’arrêt des poursuites individuelles joue, la dette n’est pas
éteinte. Le texte édicte une extinction non pas du droit des créanciers mais seulement de
leur faculté d’agir contre le débiteur. Le créancier conserve donc son droit mais il est
démuni d’action pour le faire respecter, à la manière du bénéficiaire d’une simple
obligation naturelle215.

2- La survie de la dette : le créancier bénéficiaire d’une obligation


naturelle
« En supprimant le rapport de contrainte établi entre le créancier et son débiteur, le
mécanisme de l’article 169 (art. L.622-32 du Code de commerce) ôte à la dette sa force
juridique et ne laisse à la charge du débiteur qu’une obligation naturelle non constitutive
d’un élément du passif »216. En raison de ce texte, la dette exigible se transforme en un
simple engagement moral.
L’obligation naturelle constitue une obligation dont l’exécution forcée ne peut être
exigée en justice, mais dont l’exécution volontaire ne donne pas lieu à répétition dans la
mesure où elle est l’accomplissement d’un devoir moral217. Imaginons que le débiteur paie
spontanément, il paie ce qu’il doit. Il n’y a pas paiement indu pouvant ultérieurement
donner lieu à une action en répétition, et ce même s’il règle par erreur, c’est-à-dire dans
l’ignorance de la faveur offerte par la loi218.
Une question demeure incertaine. On se demande si la règle de l’article L. 622-32 du
Code de commerce est d’ordre public ou si le débiteur peut s’engager à payer le passif, s’il

212
Campana (M-J.), op.cit., p. 28.
213
Supra, p. 76.
214
CA.Caen, 28 octobre 1997, Bull.Inf.C.cass., 1998, n°660.
215
Mestre (J.), Dureuil (B.), op.cit., spec. p. 393 ; Guyon (Y.), op.cit., n°1339.
216
Rizzo (F.), op.cit., n°379.
217
Cornu (G.), Vocabulaire juridique de l’Association H.Capitant, P.U.F., 8è éd., 2000.

78
revient à meilleure fortune. Certes cet engagement peut entraver la protection de son
avenir. Mais il serait singulier de voir l’ordre public invoqué pour empêcher un débiteur de
payer ses créanciers219.
Le procédé choisi par le législateur, à savoir un apurement du passif sans paiement, est
trop peu respectueux des intérêts lésés. Se révèle un déséquilibre entre la situation faite aux
créanciers et celle faite au débiteur. La situation est d’autant plus « choquante » que le
débiteur en plus d’être blanchi de ses dettes impayées, peut récupérer des anciennes
créances qui auraient été dissimulées, ou simplement non recouvrées par le liquidateur220.
Les créanciers, tiers intéressés au sens de l’article L. 622-34 du Code de commerce (L ; 25
janvier 1985, art.170 ), n’ont plus qu’à demander la réouverture de la procédure collective.
Or le créancier, qui n’a pas déclaré sa créance au passif, est désarmé devant l’initiative du
débiteur rentré dans ses pouvoirs à l’issue de la clôture de la procédure.
Sans le dire, et en dépit de toutes les déclarations en sens contraire qui ont été faites au
cours des travaux préparatoires, la loi du 29 juillet 1998, réformant le traitement des
situations de surendettement des particuliers, met en place un dispositif qui n’est pas si
éloigné d’une « faillite civile », d’« une liquidation judiciaire civile ». Le législateur
permet, dans les cas les plus extrêmes, l’extinction de la dette.

§2-L’extinction de la dette du surendetté

Depuis 1989, on est allé dans le sens d’un renforcement des mesures favorables au
débiteur surendetté, la réforme de 1998 n’est que l’aboutissement d’un processus de
maturation qui s’est développé au cours des neuf années. La mise en place d’un moratoire
et d’un effacement des dettes pour les cas désespérés sont les pièces maîtresses du

218
Mestre (J.), Dureuil (B.), op.cit., p. 394.
219
En ce sens M. Guyon. Par contre MM. Rizzo, Mestre et Dureuil penchent pour le caractère impératif
de l’article.
220
Un arrêt du 17 octobre 2000 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation illustre nos
propos. En l’espèce, le liquidateur n’avait pas jugé utile de recouvrer une ancienne créance d’un artisan mis
en liquidation judiciaire. Cette décision a été qualifiée de « choquante » : Act.proc.coll., 2000, n°232, obs.
T.Bonneau ; R.T.D.com., 2001, p. 243, obs. J-L.Vallens.
79
dispositif légal. Le régime, prévu à l’article L. 331-7-1 du Code de la consommation, est
entendu comme exceptionnel. Pour autant, l’effacement des dettes prend définitivement
place parmi les mesures destinées à alléger le fardeau du débiteur, au détriment des
créanciers. L’enquête de la Banque de France221 nous apprend que le nombre
d’effacements représente 6,5% de l’ensemble des mesures recommandées. Mais il n’est
possible d’y recourir que depuis février 1999 (date d’entrée en vigueur de la loi). L’étude
explique que pour apprécier plus exactement la portée de ce dispositif, il faut attendre que
les moratoires prononcés en 1999, majoritairement d’une durée égale à deux ou trois ans,
arrivent à leur terme.
Les critiques suscitées par cette règle nouvelle portent sur le principe de la libération du
débiteur, ce dernier est en effet déchargé du passif impayé.
Il faut observer que l’effacement des dettes présente, pour les particuliers, un caractère
beaucoup moins automatique que la non-reprise des poursuites de l’article L. 622-32 du
Code de commerce. Ce n’est qu’après un examen en deux temps de sa situation que le
débiteur pourra espérer une remise de dette, et encore il n’obtiendra peut-être pas un
effacement, mais seulement une réduction. Cela étant, la perspective d’une appréciation
plus fine, nous conduit à délimiter le domaine d’application de l’effacement (A) avant de
mesurer les effets qu’il induit (B).

A- Le domaine d’application de l’effacement

Le dispositif retenu à l’article L. 331-7-1 du Code de la consommation, s’il a pour effet


de priver certains créanciers (1) de toute contrepartie, faute de patrimoine substantiel du
débiteur, est réservé aux seules personnes qualifiées d’insolvables (2).

1- Les créanciers sacrifiés


La mesure d’effacement concerne les créances entrant dans le champ du moratoire.
C’est-à-dire les créances autres qu’alimentaires ou fiscales. L’exclusion des dettes de

221
Enquête de la Banque de France publiée en février 2002, p. 6 (Annexe 1).
80
nature alimentaire est traditionnelle et a été adoptée sans difficulté. En revanche,
l’exclusion des dettes fiscales a été vivement débattue. Tous les créanciers sont concernés,
peu importe qu’ils soient chirographaires ou titulaires de sûretés.
Il faut noter qu’un régime discriminatoire aux différents créanciers peut-être appliqué.
La commission peut, en effet, tenir compte de la situation des créanciers pour n’éteindre
les dettes qu’en partie222. A des situations différentes répond un traitement différencié.
Pour certains créanciers, fournisseurs des débiteurs (bailleur…), les impayés de toutes
origines peuvent avoir de graves conséquences, il est juste de prendre en compte leurs
intérêts. Reste à savoir, si le débiteur pourra davantage rembourser les dettes subsistantes.

Le régime de l’article L. 331-7-1 du Code de commerce, entendu comme exceptionnel,


vise le débiteur qui est dans une situation d’insolvabilité persistante.

2- L’hypothèse concernée : l’insolvabilité persistante du débiteur


La mise en œuvre d’une mesure d’effacement réside dans le constat réalisé par la
commission de l’« insolvabilité » du débiteur, cette dernière se caractérisant , pour rappel,
en la circonstance « par l’absence de ressources ou de biens saisissables de nature à
permettre d’apurer tout ou partie des dettes et rendant inapplicables les mesures prévues à
l’article L. 331-7 ». Quelques remarques paraissent s’imposer. Tout d’abord, cette
définition de l’insolvabilité n’est pas exactement celle habituellement retenue dans notre
droit : l’état de celui qui ne peut payer ce qu’il doit223. Le texte ici commenté semble plus
exigeant : le débiteur ne doit absolument rien pouvoir rembourser pour être en situation
d’insolvabilité. En réalité l’insolvabilité de l’article L. 331-7-1 se présente comme la forme
aggravée du surendettement tel qu’il est défini à l’article L. 331-2. Ensuite, l’insolvabilité
de ce texte se caractérise par le fait que le débiteur ne dispose pas des ressources
suffisantes pour que l’application des mesures susceptibles d’être recommandées par la
commission s’avère d’une réelle utilité et permette de résoudre efficacement les difficultés

222
Bourcy (J-M.), « Des infinies possibilités de la loi du 29 juillet 1998 en matière de surendettement »,
Gaz.Pal.2001, pp. 6-9, spec. p.8.

81
financières de l’intéressé. Ce qui impose de raisonner par rapport au résultat que
produiraient à échéance de plusieurs années les mesures de l’article L. 331-7 dans
l’hypothèse où celles-ci seraient effectivement mises en œuvre. Cette appréciation peut dès
lors s’avérer délicate.
En outre, cette insolvabilité, résultant de l’insuffisance de ressources, doit être
caractérisée par sa persistance. Pour s’en assurer, le texte impose une phase de moratoire,
qui ne peut excéder trois ans. A l’issue de cette période de suspension, la situation du
débiteur est réexaminée par la commission. Si l’insolvabilité persiste et qu’aucun espoir
d’amélioration de la situation du débiteur n’est envisageable, la commission « par une
proposition spéciale et motivée » recommande au juge de l’exécution l’effacement des
créances. On peut s’interroger sur la nécessité du moratoire de trois ans, qui risque
d’entraîner des effets pervers. Pour un débiteur, savoir que dans trois ans, si sa situation ne
s’est pas améliorée, ses dettes pourront être effacées, ne constitue pas une incitation à
l’amélioration de sa situation puisque celle-ci profitera essentiellement à ses créanciers.

Une dette peut ainsi être effacée pour ce seul motif que le débiteur ne peut pas
l’honorer. L’allusion à la proposition spéciale et motivée ne paraît pas de nature à
restreindre substantiellement la portée de cette mesure.

B- Les effets de la mesure d’effacement

Le terme « effacement des créances » est nouveau. Il ne s’agit pas de délais de


paiement ou de réduction des taux d’intérêts mais d’extinction pure et simple de la créance
(1). Corrélativement, le débiteur est libéré de ses engagements financiers à l’origine de son
état d’insolvabilité (2). Dans les cas de grande détresse, le législateur a manifestement
entendu privilégier les intérêts du débiteur.

1- L’extinction de la créance

223
Cornu (G.), Vocabulaire juridique de l’Association H.Capitant, op.cit.
82
En prévoyant l’effacement des dettes en cas d’incapacité avérée à les rembourser, le
législateur admet que le contrat ou les contrats, qui ont été conclu, ne seront jamais
exécutés et qu’éventuellement le créancier a fourni une prestation dont il ne recevra jamais
la contrepartie. La réduction des droits des créanciers est nette. Certes, le recours à
l’effacement est encadré par certaines conditions strictes et l’effacement ne peut être que
partiel.
Les créanciers n’ont plus d’action contre le surendetté, mais ils conservent toute liberté
d’initiative pour protéger leurs droits. Ainsi le propriétaire du logement retrouve la faculté
de demander l’expulsion du débiteur au titre des loyers impayés ultérieurs à la date
d’effacement des créances.
Par ailleurs, les créanciers sont autorisés à agir contre le débiteur qui a, de mauvaise
foi, dissimulé sa nouvelle situation pour bénéficier d’un effacement de ses dettes. Ce
dernier encourt la déchéance procédurale de l’article L. 333-2 du Code de la
consommation .

Cet effacement est extrêmement protecteur du débiteur surendetté, il le libère de ses


dettes.

2- La libération parfaite du débiteur


La technique de l’effacement implique la libération parfaite du débiteur, elle exclut la
dette du patrimoine du débiteur.
A l’issue d’un parcours d’obstacles, le débiteur n’obtiendra peut-être pas un
effacement, mais seulement une réduction en raison d’une extinction partielle de ces dettes.
Puisque l’effacement ne peut être que partiel, on se demande s’il est possible pour le reste
du passif de recommander les mesures de redressement de l’article L. 331-7 du Code de la
consommation. Une telle combinaison des mesures de l’article L. 331-7-1 et de celle de
l’article L. 331-7 n’est pas interdite par les textes. Pour M.Paisant, s’il est possible de

83
recommander l’effacement des dettes, il n’y a pas de raison d’interdire la prise de mesures
moins graves224.
Compte tenu de l’avantage exorbitant que représente pour le débiteur la suppression de
tout ou partie de ses dettes, le législateur a prévu qu’« aucun nouvel effacement ne peut
intervenir, dans une période de huit ans, pour des dettes similaires à celles qui ont donné
lieu à effacement ». La justification de cette disposition apparaît un peu puérile, c’est un
peu l’application de « une fois ça va, mais deux fois c’est trop »225. Cette notion de dettes
similaires peut poser des problèmes d’appréciation226. Il faut souligner que si, dans ce
délai, le débiteur est à nouveau en difficulté en raison de dettes similaires, il peut demander
à bénéficier des autres mesures prévues par la loi sur le surendettement.

En conclusion : Le risque de non paiement était de tout temps mais il s’est aggravé
incontestablement par le jeu des dispositions légales et par les besoins du redressement. Si
l’objectif recherché est louable, le procédé choisi par le législateur à savoir la grâce de tout
ou partie du passif, est trop peu respectueux des intérêts lésés. Les mesures de grâce
peuvent mettre les créanciers en difficulté et provoquer des « faillites » en chaîne. La
préoccupation du paiement s’est estompée pour faire place à l’allégement du passif. Et
lorsque la situation est désespérée, la procédure de traitement devient une procédure
d’apurement du passif sans paiement.

224
Paisant (G.), « La réforme de la procédure de traitement du surendettement par la loi du 29 juillet
1998 relative à la lutte contre les exclusions », op.cit., n°13.
225
Bourcy (J-M.), loc.cit.
226
Ibid.
84
Aucun contractant ne peut être assuré que son partenaire ne sera pas, un jour ou l’autre,
surendetté ou ne fera pas l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.
D’autant que les sujets de droit susceptibles d’être protégés sont de plus en plus nombreux,
à la mesure de l’extension croissante du domaine d’application de chacune des procédures
spéciales en vigueur. Pour se prémunir de ces risques, les créanciers sont invités à garantir
leurs créances.

CHAPITRE 3 :

UNE INVITATION A GARANTIR LA CREANCE

L’examen du traitement de la dette nous enseigne que le droit au recouvrement du


créancier se trouve paralysé, amputé et parfois même anéanti. Ce constat, qui donne une
image fidèle de la réalité de la situation des créanciers, est décevant. On l’a compris, le but
des procédures n’est point la satisfaction fût-elle partielle du créancier, il s’agit davantage

85
de sauver le débiteur en difficulté, de maintenir l’emploi, de lutter contre l’exclusion
sociale. C’est un traitement social de la dette qui est mis en place, imprégné de l’idée de
solidarité, une solidarité contrainte. L’ombre de la « faillite » est toujours une menace pour
le créancier, qui doit prendre la précaution de garantir sa créance. Mais au fond, les
garanties prises seront-elles efficaces ?
On verra, tout d’abord, que pour déjouer le traitement social de la dette, le
créancier est invité à garantir sa créance (Section 1). On s’interrogera, ensuite, sur
l’efficacité des garanties qui ont été prises. Sera étudié, plus particulièrement, le
cautionnement (Section 2).

SECTION 1- UNE CREANCE A GARANTIR CONTRE


LE TRAITEMENT SOCIAL DE LA DETTE

Il ressort de l’analyse des techniques juridiques, actuellement mises en œuvre pour le


traitement de la dette, que les aléas de la vie, l’exécution de la dette, ne sont plus supportés
par les seuls débiteurs, les créanciers prennent aussi leur part. En dépit de leurs champs
d’application distincts, les dispositions du droit du surendettement et du droit des
procédures collectives commerciales sont toutes inspirées, à des degrés divers, par un
sentiment d’indulgence à l’égard des débiteurs défaillants qui ne peuvent plus assumer leur
86
obligation. Au prix de sacrifices pour les créanciers, notre droit s’évertue à assurer la
protection des débiteurs. Sont manifestement privilégiés les intérêts du débiteur. Les
atteintes aux prérogatives du créancier font réagir. Il faut trouver une stratégie qui
permettra, dans la mesure du possible, de préserver la créance et d’obtenir le dû. Pourquoi
ne pas renvoyer le recouvrement aux jeux des sûretés ?

Il nous faut d’abord montrer que les créanciers sont contraints à faire des sacrifices et
que la protection du débiteur en difficulté est le leitmotiv auquel notre droit fait largement
écho (§1). On en tirera ensuite une leçon : garantir la créance (§2).

§1- Des sacrifices au nom de la protection du


débiteur en difficulté

L’examen du traitement de la dette laisse percevoir un glissement d’une justice


contractuelle vers une justice sociale (A). Ce qui n’est pas sans incidences à l’égard du
créancier (B).

A- Une justice sociale en faveur du débiteur en difficulté

Une justice sociale est mise en œuvre. On en conclut que la rigueur d’antan est
finalement supplantée par des sentiments de compassion (1). Et il apparaît que « le droit de
ne pas payer ses dettes » est clairement institutionnalisé (2).

1- De la rigueur aux sentiments de compassion


Les mesures, prises dans la perspective du traitement curatif, emportent allongement
des délais de paiement, allégement ou, selon que la situation du débiteur est non seulement
grave mais aussi désespérée, effacement de la dette. Le créancier peut fournir une
prestation dont il ne recevra jamais la contrepartie. C’est là un retournement de

87
perspectives par rapport à la conception classique qui considérait la « faillite » comme une
sanction. Pour mesurer l’évolution parcourue, il faut aussi se souvenir que notre droit, dans
des époques antérieures, mais qui ne sont pas si éloignées, a connu la contrainte par corps.
La rigueur a été longtemps l’attitude prépondérante. Elle est désormais largement
supplantée par des sentiments de compassion envers les débiteurs défaillants, perçus
comme des victimes plus que comme des coupables227. L’art législatif contemporain se
développe, au contact d’un courant plus humanitaire228, plus social, dans le sens d’une
altération constante de l’exigibilité de la créance et d’un allégement croissant de l’étendue
de la dette. L’inexécution des engagements financiers s’est banalisée pour devenir un
simple incident de parcours dans la vie économique.
Il faut noter que si au cours des siècles passés l’attitude du droit a été essentiellement
rigoureuse, elle n’est jamais restée sourde à la complainte des débiteurs malheureux229. Un
voyage dans le temps révèle des interventions selon les époques ou au profit de telle ou
telle catégorie socioprofessionnelle. Les préoccupations sont de deux sortes230. Les unes,
de caractère social et humain, tiennent au souci de venir en aide, principalement au
bénéfice de circonstances particulières, à des débiteurs malheureux. Les autres, de nature
directement politique, visent dans les périodes de crise, à sauvegarder la paix sociale et
traduisent, de manière permanente, la sollicitude de la démocratie pour les faibles. On peut
citer certaines interventions ponctuelles du législateur, durant la première moitié du XXe
siècle, destinées à faire face à de graves crises historiques, politiques et économiques et
consistant à accorder des moratoires aux débiteurs défaillants. Des illustrations remontent à
l’Antiquité. Une pression diffuse de l’opinion, en particulier des débiteurs dont la révolte
constituait un danger pour la Cité, explique le phénomène de la réduction ou même de
l’abolition des dettes. La première réforme de Solon consista dans l’abolition de la
contrainte par corps et des dettes passées, et dans l’interdiction, à l’avenir, de l’engagement

227
Derrupé (J.), in L’endettement, Travaux de l’Association H. Capitant, Tome XLVI, L.G.D.J., 1995,
pp. 23-39, spec. p. 24.
228
Gjidara (S.), op.cit., n°219 et s.
229
Sur ce point, Gjidara (S.), op.cit., n°229 et s ; Oppetit (B.), « L’endettement et le droit », Mélanges
A.Breton et F.Derrida, Dalloz, 1991, pp. 295-310, spec. p. 296.
230
Oppetit (B.), op.cit., p. 299.
88
de la personne du débiteur. C’est dire que l’indulgence dont notre droit contemporain fait
preuve à l’égard des débiteurs ne constitue pas un phénomène nouveau. Mais les lois se
distinguent de toutes celles du passé par leur généralité.
Lorsque le débiteur, surendetté ou en cessation de paiements, ne peut plus faire face à
ses engagements, « notre droit vole à son secours »231. Ne peut-on pas parler de « bonté du
législateur » ? M.Cornu232 se demande s’il n’est pas absurde de prêter au législateur un
sentiment ? Pourquoi pas. Il faut chercher les bontés que la loi veut cacher. Dans des cas
spécifiés, il arrive que la loi confie au juge des missions de bienveillance, de bienfaisance.
En matière de procédure collective commerciale ou civile, de telles délégations de bonté ne
sont-elles pas confiées aux acteurs du traitement de la dette ? La mesure d’effacement des
dettes n’est-elle pas l’un des gestes de bonté le plus apparent ?
L’octroi de délais ou de remises obéit à une philosophie d’humanité et de solidarité, en
vertu de laquelle le débiteur mérite des facilités pour payer un créancier qui objectivement
peut attendre233. C’est ainsi que dans le cadre des procédures collectives commerciales, le
règlement du passif du débiteur ne constitue plus aujourd’hui un objectif essentiel : il ne
figure même qu’au tout dernier rang de ceux que le législateur assigne au redressement
judiciaire ( article L. 620-1 du Code de commerce ; L. 25 janvier 1985, art.1er ) ; encore
d’ailleurs ne s’agit-il plus que d’«apurement » du passif. Autre illustration, en matière de
surendettement cette fois, la jurisprudence s’est employée à réécrire la loi en prenant
d’incontestables libertés avec l’esprit de la loi234. On rappellera que la Cour de cassation a
décidé que le juge saisi du redressement judiciaire civil n’est pas tenu d’assurer le
redressement de la situation du débiteur dans un quelconque délai. Peu importe, donc, que
les créanciers puissent un jour recouvrer leurs créances. Du reste, le pouvoir judiciaire
déploie le traitement social de la dette, tel qu’il a été présenté précédemment, sans aucun
sens de la mesure. La jurisprudence, transformant les termes de la loi, a systématiquement
fait rimer réduction et suppression. Cette interprétation, qui est également l’œuvre de la

231
Mazeaud (D.), in L’endettement, Travaux de l’Association H. Capitant, Tome XLVI, L.G.D.J., 1995,
pp. 127-142, spec. p. 136.
232
Cornu (G.), « La bonté du législateur », R.T.D.civ., 1991, pp. 283-288.
233
Gjidara (S.), op.cit., n°458.
89
commission de surendettement, concerne, pour rappel, la réduction des intérêts des
sommes reportées ou rééchelonnées et la réduction du montant de la fraction des prêts
immobiliers restant dû après la vente du logement principal du débiteur.

Le législateur et le juge235 ont multiplié les faveurs à l’égard des débiteurs, au point de
favoriser l’émergence d’un « droit » à l’aménagement des dettes236. Ce droit s’exprime tout
d’abord dans le répit accordé au débiteur pour s’exécuter et se prolonge ensuite dans la
grâce qui peut lui être faite de sa dette. Il a pour prolongement naturel « le droit de ne pas
payer ses dettes ».

2- « Le droit de ne pas payer ses dettes » : une réalité


On peut observer que les deux types de procédures, procédure civile de traitement du
surendettement et procédure collective commerciale, aboutissent d’une certaine manière à
reconnaître aux débiteurs, qui en relèvent, un droit définitif de ne pas payer leurs dettes237.
En matière de procédure commerciale, la non-reprise des poursuites par les créanciers en
cas d’insuffisance d’actif (article L. 622-32 du Code de commerce) constitue une véritable
dispense légale de payer, octroyée aux débiteurs insolvables. La même dispense peut être
accordée aux particuliers surendettés en état d’insolvabilité persistante (article L. 331-7-1
du Code de la consommation). « Le droit de ne pas payer ses dettes » stigmatisé dans des
pages célèbres, est bien devenu une réalité pour certaines catégories de débiteurs. Dire
qu’il existe aujourd’hui un tel droit n’est donc pas pur verbalisme238.
L’actuelle législation est extrêmement protectrice du débiteur en difficulté, elle institue
un apurement du passif sans paiement. Y a-t-il protection ou surprotection des débiteurs ?

234
Mazeaud (D.), in L’endettement, Travaux de l’Association H. Capitant, op.cit., p. 140 et s.
235
Dans le cadre des procédures de traitement du surendettement, la décision du juge est préparée par la
commission de surendettement qui « recommande » les mesures, mais c’est toujours le juge qui rend
exécutoires ces recommandations.
236
En ce sens, Gjidara (S.), op.cit., n°457.
237
En ce sens, Ancel (P.), « Droit au recouvrement de sa créance ou droit de ne pas payer ses dettes ? »,
Dt. et Patrimoine, mai 1998, pp. 88-98, spec. p. 92.
238
Ancel (P.), « Droit au recouvrement de sa créance ou droit de ne pas payer ses dettes ? », op.cit., p.
94.
90
En droit commercial, la procédure devient un moyen de se débarrasser définitivement
de ses dettes afin de repartir à zéro. Les créanciers sont sacrifiés, mais dans l’espoir, sans
doute illusoire, que le débiteur ainsi libéré recréera plus tard sur des bases saines, et cette
fois-ci avec succès, une autre entreprise239. Pour M. Guyon, l’extinction des poursuites a
finalement un fondement plus social qu’économique car le débiteur liquidé trouvera
rarement le crédit nécessaire à la constitution d’une nouvelle entreprise240. De même
l’effacement des dettes du surendetté permettra à ce dernier de prendre un nouveau départ
dans la vie. Mais parfois, ne se trouve t-il pas libéré pour la simple raison qu’il s’est
engagé au-delà de ses possibilités financières, sans y avoir été contraint, pour son seul
profit ? Plus encore que la non-reprise des poursuites en droit commercial, la solution
retenue par la loi du surendettement peut avoir des effets pervers. Elle risque de
déresponsabiliser les consommateurs et d’avoir pour effet de les inciter aux
surendettements excessifs. D’autant que dans la presse consumériste, s’endetter est parfois
présenté comme une stratégie patrimoniale offensive et à ce titre, comme un moyen de
s’enrichir. Déjà en 1968, paraissait en librairie Le guide de l’endetté241. La fin désignée
était : Comment vivre au-dessus de ses moyens ? « La loi est clémente pour vous, Français
endettés : vos traites impayées peuvent le rester longtemps », proclamaient les auteurs.
Au fond, dans les deux procédures, « paie qui peut »242 ! Cette nouvelle devise a
évidemment des répercussions sur le créancier.

B- Les incidences juridiques à l’égard du créancier

Le traitement de la dette aboutit à bouleverser le contrat (2). Il est à peine exagéré


d’affirmer que la patience, l’indulgence et l’oubli sont les obligations légales du créancier
(1).

239
Guyon (Y.), op.cit., n°1339.
240
Ibid.
241
Cité par J-C. Woog, in « La protection du créancier », R.J.C., 1999, pp. 1-13, spec. p. 1.
242
Mazeaud (D.), « La réduction des obligations contractuelles », Dt. et Patrimoine, mars 1998, pp. 58 -
68, spec. p. 68. M. Mazeaud emploie cette expression dans le cadre du surendettement, mais on peut
l’étendre aux débiteurs relevant des procédures collectives commerciales.
91
1- Les obligations légales du créancier : la patience, l’indulgence et
l’oubli
Au vu des mesures qui peuvent être prescrites au débiteur en difficulté, on peut
affirmer, aujourd’hui, que la patience, l’indulgence et l’oubli constituent des obligations
légales auxquelles est astreint tout créancier d’un tel débiteur243. Qu’elle puise sa source
dans le droit commercial ou dans le droit de la consommation, l’obligation de patience se
manifeste, à quelques nuances près tenant à leur intensité, par des mesures dont la nature
est identique : l’allongement des délais de paiement et la suspension des poursuites
individuelles. La patience, dont les créanciers doivent s’armer, doit se combiner avec
l’indulgence. Les créanciers doivent se plier à des exigences de solidarité, de compassion.
Au nom de la protection des débiteurs malheureux, ils sont donc contraints à faire
d’importants sacrifices. Et lorsque les créances sont effacées ou allégées, ils sont contraints
à en faire leur deuil244, ils doivent les oublier.
Les procédures actuelles de traitement du surendettement et de redressement ou de
liquidation judiciaires, même restrictivement ouvertes, sont porteuses de bouleversements
contractuels.

2- Les bouleversements contractuels


Les termes du débat sont bien connus. Les règles d’aménagement des dettes
provoquent un affaiblissement inéluctable des notions de force obligatoire, d’intangibilité
du contrat245, d’exigibilité, de terme et d’exécution des engagements.
La rigueur de l’engagement contractuel, tel qu’elle résulte des dispositions de l’article
1134 du Code civil, se trouve atténuée de manière importante par la possibilité pour les
débiteurs en difficulté d’obtenir que soient revues, corrigées ou supprimées les obligations
nées des contrats qu’ils avaient pu conclure. Les différentes mesures imposées au créancier
constituent incontestablement des atteintes à l’intangibilité du contrat, atteinte suprême au

243
Mazeaud (D.), « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contractuelle ? », in L’avenir du
Droit, Mélanges Terré, P.U.F, Dalloz et éd. Juris-classeur, 1999, pp. 603-634, spec. p. 623, n°18.
244
Ibid.
245
Dossier sur l’intangibilité du contrat : Dt et patrimoine, mars 1998, p. 42 et s.
92
principe quand elles aboutissent à la libération du débiteur. Certes, puisqu’en principe, le
contractant est définitivement engagé et que le contrat se trouve définitivement fixé dans
son contenu à l’égard de chacune des parties et chacune d’elles doit exécuter ses
obligations telles que celles-ci avaient été déterminées et suivant les modalités arrêtées.
Sous la pression d’un législateur chaque fois plus soucieux de justice sociale que du
respect des volontés individuelles, les atteintes au principe de la force obligatoire du
contrat se multiplient. « Bien qu’inscrite à l’actif du patrimoine du créancier, l’obligation
de son débiteur constituera, bien souvent, une pure illusion sur laquelle viendra s’échouer
son pouvoir de contrainte »246. Le débiteur est délié d’engagements devenus trop lourds
compte tenu du contexte économique et social. Il est soulagé du poids de ses dettes. Ce
faisant, cette politique conduit à une modification notable du contrat.
D’un autre côté, on allègue que le droit ne peut pas rester indifférent au sort de
débiteurs en difficulté ne pouvant faire face à leurs obligations, d’autant plus que leur
situation n’est pas toujours due à leur imprévoyance, elle est parfois due à l’imprudence du
créancier qui a fait des crédits inconsidérés247. Par ailleurs, si les mesures de répit et de
grâce constituent des atteintes à l’intangibilité, elles ne sont peut-être pas une négation de
l’idée même de force obligatoire. L’idée a été évoquée par la doctrine contemporaine248,
qu’on assiste peut-être à l’avènement d’une nouvelle conception de la force obligatoire du
contrat dans le droit de l’endettement, issue du droit anglo-saxon, qui serait moins fondée
sur l’engagement du débiteur que sur l’attente raisonnable du créancier. Ce dernier doit
savoir que l’exécution du contrat n’est pas une certitude, c’est à lui d’intégrer la précarité
des situations dans ses prévisions contractuelles. Cette idée sert de point de départ à la
thèse de Mlle Gjidara249. Elle explique que tout créancier d’un débiteur protégé par une
procédure de traitement collectif doit s’attendre à un allongement des délais de paiement et

246
Mazeaud (D.), in L’endettement, Travaux de l’Association H. Capitant, op.cit.,p. 127.
247
Ancel (P.), « Droit au recouvrement de sa créance ou droit de ne pas payer ses dettes ? », op.cit., p.
89.
248
Ibid ; Carbonnier (J.), in L’évolution contemporaine du Droit des contrats, P.U.F., 1986, pp. 29-39,
spec. p. 35 ; Oppetit (B.), op.cit., p. 310 ; Mazeaud (D.), in L’endettement, Travaux de l’Association H.
Capitant, op.cit.,p. 142.
249
Gjidara (S.), op.cit., n°44 et s.
93
à un allégement, voir à un effacement de la créance au moment où il stipule. Et, privé par
l’ouverture de la procédure du pouvoir d’exiger que le débiteur lui fournisse ce à quoi il
s’était obligé, le créancier devra se contenter de ce que le déroulement de la procédure lui
procurera. Se met alors en place un droit contractuel de crise, un droit social des contrats
animé par un esprit de solidarité250. L’esprit nouveau qui anime ce droit, réside dans une
dissociation entre l’obligation et l’inexécution, entre la dette et le paiement ; l’inexécution
de l’obligation n’est plus nécessairement appréhendée comme une faute du débiteur. S’il
peut paraître prématuré de conclure que ces nouvelles analyses ont définitivement
supplanté notre conception classique du droit des contrats, il est indéniable, dit-on, qu’elles
constituent un facteur explicatif de l’évolution contractuelle contemporaine, marquée par la
montée d’une législation protectrice des débiteurs. Le traitement de la dette, axé sur la
protection exclusive du débiteur, obéit à l’idée d’une justice distributive. Mais cette justice
s’oppose à l’idéal de la justice commutative sur laquelle repose notre théorie des
obligations251. Or cette conception de la force obligatoire, cette « politique juridique », peut
paraître « inquiétante » dans la mesure où elle « semble porter la ruine de la sécurité
juridique »252. En effet, cette attente raisonnable du créancier sera nécessairement définie
en dehors de lui, ce qui emporte une incertitude sur le contenu et la portée exact des
engagements contractuels. La théorie fonde la force obligatoire du contrat sur ce qu’autrui
(nécessairement le juge) estime être raisonnable de la part du créancier d’attendre253et
favorise, on le devine, l’immixtion du juge254 dans le contrat.

250
Mazeaud (D.), « La réduction des obligations contractuelles », op.cit., p. 66.
251
Gjidara (S.), op.cit., n°44 ; Mazeaud (D.), in L’endettement, Travaux de l’Association H. Capitant,
op.cit.,p. 142.
La justice est dite distributive lorsqu’elle attribue à chacun ce qui lui revient en tenant compte de la place
qu’il occupe dans la société. La justice commutative est celle qui veille à maintenir ou rétablir dans les
échanges l’équilibre antérieur.
252
Lecuyer (H.), « Redéfinir la force obligatoire du contrat ? », Les Petites affiches, 6 mai 1998, pp. 44-
45, spec. p. 45.
253
Ibid.
254
Dans le cadre des procédures de traitement du surendettement, c’est toujours le juge qui rend
exécutoires les recommandations de la commission de surendettement.
94
Avec le traitement social de la dette, le contrat est de moins en moins obligatoire pour
le débiteur et de moins en moins prévisible pour le créancier. Il faut en tirer une leçon.
L’ouverture d’une procédure collective commerciale ou civile est un risque qui peut et
même qui doit être envisagé lors de la conclusion de la plupart des contrats.

§2- La leçon à tirer : garantir la créance

Le remboursement des créanciers constitue une exigence naturelle. Mais, on a pu le


constater, les créanciers ont tout à redouter de la procédure collective commerciale ou de la
procédure de traitement du surendettement atteignant leur débiteur. Pour se prémunir
contre le risque d’insolvabilité du débiteur, ils doivent exiger des sûretés. Après avoir
montré l’intérêt pour le créancier de se procurer de telles garanties (A), la quête
permanente d’efficacité de la part des créanciers nous amène à faire un choix entre les
sûretés (B).

A- L’intérêt des sûretés pour le créancier

En plus de leur gage commun sur le patrimoine du débiteur, les créanciers doivent
chercher à réduire ou à neutraliser le risque d’un défaut de paiement en prenant des
garanties. Les sûretés renforcent plus ou moins la probabilité d’être payé et assurent
l’efficacité des obligations prises. Du reste, la constitution de sûretés permet d’établir une
confiance plus sereine laquelle variera en fonction de l’efficacité de la sûreté choisie. En
effet, le risque d’insolvabilité introduit l’incertitude dans les rapports de confiance établis
entre le créancier et son débiteur. Les créanciers savent bien que tout espoir de paiement
peut s’évanouir lorsqu’une procédure collective commerciale ou civile atteint leur débiteur.
Les sûretés ajoutent donc aux créances une facette miroitante, la sécurité255. L’idée de
sûreté est facile à saisir, il s’agit d’offrir au créancier une sécurité accrue, une chance
supplémentaire de paiement.

255
Cabrillac (M.), Mouly (C.), Droit des sûretés, Litec, 5è éd., 1999, n°1.
95
Si certains débiteurs ont, aujourd’hui, un véritable droit de ne pas payer leurs dettes, ou
du moins de ne pas les payer dans les conditions initiales, le droit des créanciers de se faire
payer ne se trouve pas, pour autant, anéanti. Tout espoir n’est pas perdu lorsqu’ils ont pris
la précaution de garantir leur créance. Comme l’a souligné M. Ancel, « c’est une chose de
constater que le créancier ne peut pas obtenir paiement, c’est autre chose d’en déduire qu’il
n’en a pas le droit ! 256». Le droit au paiement est maintenu dans les rapports avec les
garants. Garants sur lesquels pèseront les impératifs du cœur, du social que promeut notre
droit positif. « Tout se passe comme si (…) on s’efforçait, par des chemins détournés et
tortueux, de revenir à la raison, à l’économie, aux intérêts individuels des créanciers »257.

Le créancier trouve dans le système juridique les moyens de vaincre le risque de non-
paiement. Il peut exiger des sûretés. Encore faut-il en faire le bon choix.

B- Le choix de la sûreté

En droit des sûretés, on oppose généralement les sûretés personnelles aux sûretés
réelles. Pour les premières, un nouveau débiteur est adjoint au débiteur principal. Pour les
secondes au contraire, le débiteur affecte spécialement un bien au paiement de la dette.
Aussi s’interroge-t-on sur la meilleure des sûretés. Une sûreté n’est bonne qu’au regard des
caractéristiques contingentes de chaque débiteur. Il faut les apprécier quand les situations
sont les plus défavorables aux créanciers, c’est-à-dire la « faillite » de leur débiteur. Il
apparaît que les créanciers titulaires de sûretés réelles sont frappés de plein fouet par les
mesures accordées au débiteur en difficulté, faute de pouvoir procéder à l’exécution de leur
créance. Il faut toutefois mettre à part les titulaires de garanties qui ne supposent pas
l’exercice des voies d’exécution, comme le droit de rétention258 ; ils conserveront leurs
droits dans certains cas. En revanche, le paiement est plus souvent maintenu pour les

256
Ancel (P.), « Droit au recouvrement de sa créance ou droit de ne pas payer ses dettes ? », op.cit., p.
94.
257
Ibid, p. 98.
258
Ibid, p. 96.
96
créanciers titulaires de sûretés personnelles259. L’évolution tend à la multiplication de ces
garanties qui permettent de contourner la procédure en ménageant une action dirigée contre
un tiers et qui sont moins sensibles aux effets de la « faillite »260. Pour les créanciers qui
bénéficient d’une sûreté non accessoire, comme la garantie à première demande261, aussi
appelée garantie autonome, le droit contre le garant est indépendant de la créance
principale, il n’est donc pas affecté par les mesures qui touchent cette créance. Ces
nouvelles sûretés non accessoires sont prisées par la pratique actuelle. Elles pénètrent de
plus en plus le droit interne en raison du surcroît de sécurité qu’elle procure au créancier
par rapport au cautionnement. Pour autant, il ressort de la mise en œuvre du cautionnement
lors de la défaillance du débiteur, notamment pour cause de surendettement ou de
redressement et liquidation judiciaire, que cette sûreté est privée de son caractère
accessoire et ressemble beaucoup à une garantie autonome. Il faut noter qu’une confusion
est née entre ces deux contrats262, cautionnements et garanties autonomes, en raison des
maladresses de rédaction. Cette confusion persiste à alimenter le contentieux. Le choix
entre les deux qualifications dépend de la qualité et de l’accumulation d’indices
concordants. Ainsi, la garantie est incontestablement indépendante dès lors que le nombre
d’indices favorables à l’autonomie est supérieur à ceux caractérisant un cautionnement. Il
est recommandé de vérifier la concordance entre l’intitulé de l’acte et ses développements.
Une des caractéristiques du droit du surendettement tient, précisément, au fait qu’il
n’aborde pas véritablement le sort des créanciers titulaires de sûretés. La procédure de
surendettement ne malmène pas directement les sûretés en ce sens qu’elle ne les élimine
pas, n’en restreint pas le jeu et n’en menace pas le rang ; elle les malmène néanmoins, mais

259
Ibid.
260
Pour une confirmation de cette tendance : « Le droit des sûretés : analyse d’un renouveau », Dt. et
Patrimoine, juillet-août 2002, p. 44 et s.
261
La garantie à première demande est un contrat conclu entre un donneur d’ordre et un garant, qui est
généralement une banque. Ce contrat fait naître à la charge du garant l’obligation de payer à un tiers, le
bénéficiaire, une somme d’argent en règlement d’une créance contractuelle que détient le bénéficiaire contre
le donneur d’ordre. La garantie tient sa remarquable utilité de son caractère quasi automatique : le garant
paie, en principe, sans discuter, à première demande.
262
Maleville (M-H.), « Le point sur la confusion entre cautionnement et garanties autonomes », J.C.P.,
éd. E, 2002-I-1117, pp. 1233-1238.
97
indirectement, par le biais des mesures dont peut bénéficier le débiteur surendetté263. Par
contre en droit des procédures collectives commerciales, la réglementation affecte
directement les sûretés, plus particulièrement les sûretés réelles. Ces dernières présentent
l’inconvénient de faire entrer le créancier, qui en est titulaire, en concours avec des
créanciers de rang nécessairement préférable, tel le superprivilège des salaires ou, dans
certains cas, les créanciers de la procédure (créanciers de l’ancien article 40). Le régime
applicable à ces créanciers, même assoupli par la loi du 10 juin1994 dans le sens d’une
moindre exposition au risque de perte de leurs créances et d’un accroissement de leurs
chances de paiement, a conduit les créanciers à se reporter sur les sûretés personnelles,
permettant de cette façon d’échapper aux aléas de la procédure de redressement et de
liquidation judiciaire de son cocontractant.

La pratique est tentée, pour briser l’alternative entre les sûretés personnelles et réelles,
de donner naissance à de nouvelles sûretés hybrides, lesquelles amélioreront la protection
des créanciers. Aujourd’hui, elle recourt de plus en plus fréquemment à un mécanisme qui
semble mêler le droit du cautionnement et le droit des sûretés réelles : le cautionnement
réel264. Le cautionnement réel est une sûreté par laquelle un tiers consent au créancier un
gage ou une hypothèque pour garantir la dette du débiteur. En réalité, se juxtapose ici
l’obligation personnelle de payer que souscrit la caution réelle et le droit réel issu de
l’affectation du bien en garantie. Le succès rencontré par cette forme de garantie n’est
nullement immérité, celle-ci a la vertu singulière de cumuler, en effet, les avantages des
deux variétés de sûretés que sa dénomination évoque.

C’est bien l’ouverture d’une procédure de surendettement ou d’une procédure


collective commerciale qui permet d’éprouver l’efficacité de telle ou telle sûreté. On a pris
le parti de ne traiter que de l’efficacité du cautionnement.

263
Cabrillac (M.), Mouly (C.), op.cit., n°8.
264
Simler (P.), « Le cautionnement réel est réellement aussi un cautionnement », J.C.P., 2001, I-367, pp.
2241-2245 ; Lesbats (C.), « Le cautionnement réel sous un jour nouveau », Dt. et Patrimoine, juillet-août

98
SECTION 2- L’EFFICACITE DU CAUTIONNEMENT

Les sûretés personnelles connaissent, aujourd’hui, une fortune nouvelle. Malgré le


succès de nouvelles garanties, comme la garantie à première demande, l’engouement pour
le cautionnement ne désemplit pas. Il n’est guère de procédure collective commerciale ou
civile sans caution. Dés lors que parmi les créanciers figure un établissement de crédit, il
est statistiquement rare qu’il n’y ait pas une ou plusieurs cautions à poursuivre. Cette
sûreté a connu, ces dernières décennies, un formidable essor, compte tenu de sa simplicité,
sa souplesse, son coût et sa moindre sensibilité au droit des procédures collectives
commerciales ou civiles265. Le plus souvent, les cautionnements retenus sont solidaires. Le
créancier ne doit pas demeurer assoupi. Il faut non seulement s’entourer des précautions
fondamentales et formelles propres à la signature d’un cautionnement, mais encore
surveiller son évolution, ce qui implique la vigilance de l’information.
La poursuite de la caution d’un débiteur soumis à une procédure de surendettement ou
à une procédure collective commerciale permet de mesurer le degré d’efficacité de la
garantie au moment où l’insolvabilité du débiteur est avérée.
Il nous faut d’abord étudier la poursuite de la caution (§1) et ensuite l’étendue de cette
poursuite (§2).

§1- La poursuite de la caution

La caution poursuivie peut être une personne physique ou une personne morale. Toute
personne morale peut, en effet, se porter caution. Malgré l’essor des cautionnements par

2001, pp. 28-39 ; Le Corre (P-M.), « Le cautionnement réel à l’épreuve des procédures collectives », J.C.P.,
éd.E, 2002-I-886.
265
Mazeaud (H.,L.,J.), Chabas (F.) par Y.Picod, Leçons de droit civil, Sûretés-Publicité foncière, T.3,
Montchrestien, 7è éd., 1999, n°6-4.
99
des sociétés mutualistes, des établissements de crédit, la caution est assez souvent un
parent ou un ami du débiteur, qui a accepté de garantir la dette en raison de considérations
affectives, sans être trop regardant sur les capacités financières du débiteur. A cette
pression sentimentale, s’ajoute une piètre connaissance de la portée de l’acte. Ce qui
justifie les règles sur l’information de la caution.
L’information qu’une procédure collective commerciale ou civile est ouverte contre le
débiteur est essentielle pour la caution. Si elle n’a pas encore été actionnée, elle le sera
bientôt. La disparité entre les deux procédures, nous conduit à distinguer la poursuite de la
caution d’un débiteur soumis à une procédure collective commerciale (A) de celle d’un
débiteur soumis à une procédure de surendettement (B).

A- La poursuite de la caution d’un débiteur soumis à une


procédure collective commerciale

L’une des règles essentielles du droit des procédures collectives de paiement tient à
l’interdiction pour les créanciers de poursuivre individuellement le débiteur266. La question
se pose alors de savoir quelle sera l’influence de cette procédure sur le garant. Tout dépend
de sa qualité, personne physique ou personne morale.
La suspension des poursuites individuelles pendant la période d’observation a été
étendue par la loi du 10 juin 1994 aux cautions personnes physiques. Ce qui prive le
cautionnement d’une partie de son efficacité et illustre la tendance du législateur, ému par
le sort de la caution, à multiplier les mesures de protection au profit des cautions personnes
physiques. Cette suspension est, a contrario, sans application aux cautions réelles267. La
caution réelle pourra donc valablement être poursuivie pendant la période d’observation,
rien ne devant entraver la réalisation de la sûreté réelle si la dette garantie est exigible.
L’article L. 621-48 alinéa 2 du code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.55) suspend
« toutes actions », plus exactement il les interrompt puisqu’elles peuvent reprendre après le

266
Article L. 621-40 du Code de commerce.
267
En ce sens, Le Corre (P-M.), « Le cautionnement réel à l’épreuve des procédures collectives », op.cit.,
p. 942, n°12 ; CA.Colmar, 26 juin 1998, Banque et Droit, mai-juin 1999, p.42, obs. Rontchevsky (N.).
100
jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation268. Le texte ne
précise pas s’il s’agit des actions en paiement ou des actions tendant à l’exécution des
titres, c’est à dire les voies d’exécution. Il faut décider que toute action en justice tendant
au paiement de la caution est interrompue. Il en va de même des voies d’exécution pour le
créancier muni d’un titre contre la caution. Du reste, la rédaction du texte est encore
imprécise sur un point. Seules les poursuites entamées avant le jugement d’ouverture du
débiteur principal sont visées, qu’en est-il des procédures entamées après ? Il faut donner à
ce texte la même portée que l’article L. 621-40 du Code de commerce et considérer que
pendant la période d’observation, les poursuites en cours sont interrompues et les
poursuites nouvelles sont interdites.
La règle de l’article L. 621-48 est surprenante, la suspension des poursuites concerne
en principe le débiteur en redressement judiciaire alors que la caution est un tiers. Pour la
justifier, il est avancé que la caution, qui est souvent le dirigeant de la société en difficulté,
serait dissuadée de déposer le bilan si elle savait que les créanciers se retourneraient
immédiatement contre elle269. Cet argument est repris des travaux préparatoires de la loi du
10 juin 1994. L’alinéa 3 de l’article L. 621-48 autorise quand même les créanciers à
prendre des mesures conservatoires afin d’empêcher les cautions de profiter de la
suspension des poursuites pour organiser leur insolvabilité. La disposition soulève des
difficultés d’application car l’article 215 du décret du 31 juillet 1992 oblige le créancier,
dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à introduire une procédure ou à accomplir
les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire. Il n’y a qu’une seule solution :
l’application de l’article 215 est suspendue et ne pourra reprendre que sur justification d’un
jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur. Ainsi, il ne
saurait être procédé à l’inscription définitive d’hypothèque tant que l’un de ces deux
événements n’est pas survenu. C’est ce qu’a rappelé la deuxième chambre civile de la Cour

268
L’article 70-1 du décret du 27 décembre 1985 prévoit que les instances ou voies d’exécution
suspendues sont « poursuivies à l’initiative des créanciers (…) sur justification du jugement arrêtant le plan
ou prononçant la liquidation ».
269
Guyon (Y.), op.cit., n°1240-1.
101
de cassation dans un arrêt du 30 avril 2002270. Par ailleurs, toujours selon l’article L. 621-
48, alinéa 1 cette fois, le cours des intérêts continue à courir pour la caution, elle n’est donc
pas dégagée de sa responsabilité. Cela étant, outre la suspension des poursuites, la caution
peut se voir ensuite octroyer des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux
ans271. On se demande ce que vaut une garantie dont la mise en œuvre peut être retardée de
deux ans, même si des mesures conservatoires sont prévues ? En pratique cependant il ne
semble pas qu’il soit fréquemment fait application de délais de paiement272.
La règle de l’article L. 621-48 du Code de commerce a, en pratique, une portée toute
relative eu égard à la forte proportion de liquidation immédiate et au prononcé rapide de
liquidation. Il faut retenir qu’elle constitue une exception au principe de libre poursuite de
la caution. Du reste, la suspension des poursuites ne concerne pas les cautions données par
des personnes morales, quelle qu’en soit la forme. La solution résulte d’une interprétation
a contrario du texte. Bien évidemment, il en ira différemment si la caution, personne
physique ou personne morale, est elle-même en redressement ou en liquidation judiciaire.
Non seulement le droit de poursuite des créanciers peut-être suspendu pendant la
période d’observation, mais encore ceux-ci ne peuvent-ils pas exiger de la caution un
paiement anticipé par rapport à l’échéance initiale, puisqu’elle bénéficie de l’inopposabilité
de la déchéance du terme résultant de la cession ou de la liquidation judiciaire sauf clause
contraire de l’acte de cautionnement273. La caution doit pouvoir s’en tenir aux termes
initiaux du contrat par lequel elle s’est engagée.

La seconde hypothèse, qui présente un intérêt pour mesurer l’efficacité de la garantie,


est celle de la poursuite de la caution d’un débiteur soumis à une procédure de
surendettement.

270
Cass.civ.2è, 30 avril 2002, Dalloz Affaires. 2002, AJ, p. 2260.
271
Article L. 621-48 al.2 in fine du Code de commerce.
272
Devèze (J.), op.cit., p. 6.
273
Cass.com., 8 mars 1994, J.C.P., 1994-I-3781, obs. Billiau (M.).
102
B- La poursuite de la caution d’un débiteur soumis à une
procédure de surendettement

Contre toute attente, le législateur ne s’est pas prononcé sur le sort de la caution lorsque
le débiteur garanti est soumis à la procédure de surendettement. On constate globalement
une liberté de manœuvre du créancier. Le principe est celui de la liberté de poursuite. Cette
liberté se mesure sous l’angle de l’absence de suspension des poursuites individuelles
contre les cautions personnes physiques et personnes morales. Les articles L. 331-5 et L.
331-9 du Code de la consommation ne visent, en effet, que la suspension des procédures
d’exécution diligentées contre le débiteur. Le droit du surendettement n’accorde pas une
attention particulière à l’égard des cautions personnes physiques, il n’y a aucune
disposition similaire à celle de l’article L. 621-48 du Code de commerce.
Il en ira différemment si la caution est elle-même surendettée. En cette hypothèse, tous
les sacrifices et contraintes inhérents à l’existence de la procédure s’imposeront aux
créanciers.
La caution est actionnée par le créancier en paiement. Va t-elle remplir sa mission et
se substituer au débiteur pour payer le créancier ? Dans quelle mesure ?

§2- L’étendue de la poursuite

Compte tenu des conséquences parfois dramatiques du cautionnement, souvent non


perçues par la caution, au moment de son engagement, la loi du 29 juillet 1998 contre les
exclusions a entendu préserver le garant contre les risques d’exclusion pouvant résulter de
l’exécution de son engagement. Elle a modifié l’article 2024 du Code civil, pour limiter les
sommes dues par la caution personne physique. Le montant de celles-ci est calculé de telle
sorte que la caution ne puisse pas être privée des ressources minimales prévues à l’article
L. 331-2 du Code de la consommation. Autrement dit, elle conservera un « reste à vivre »
calculé de manière identique à celui des débiteurs surendettés. La règle semblerait

103
pertinente si elle ne concernait pas que les cautionnements non solidaires274 ! En effet,
l’article 2024 du Code civil concerne le bénéfice de discussion et seule la caution simple a
la faculté de s’en prévaloir. Or, les cautionnements non solidaires ne sont certainement pas,
et de loin, les plus nombreux en pratique, surtout quand le créancier est un établissement
financier. Le but de la nouvelle disposition consiste à modérer les poursuites du créancier,
or réduire le bénéfice de ces mesures aux seules cautions simples ne présente pas une
grande utilité. Le moyen tiré de l’emplacement du texte n’est peut être pas aussi
convainquant.
L’ouverture d’une procédure collective commerciale ou civile protége le débiteur, évite
sa ruine complète. Le but de la procédure consiste à élaborer un plan de redressement qui
comportera, éventuellement, des mesures de répit et de grâce. La question se pose
inéluctablement de savoir quelle est l’influence de ces mesures sur le contrat de
cautionnement. Il apparaît que les mesures octroyées au débiteur principal ne profiteront
pas à la caution. Cette non-extension des mesures s’impose selon que le débiteur est
soumis à une procédure collective commerciale (A) ou à une procédure de traitement du
surendettement (B).

A- La non-extension aux cautions des mesures octroyées au


débiteur relevant des procédures collectives commerciales

Dans le domaine des procédures collectives commerciales, la non-extension aux


cautions des mesures octroyées au débiteur s’impose. La question est aujourd’hui réglée
par diverses dispositions de la loi.
L’article L. 621-65 alinéa 2 du Code de commerce (L. 25 janvier 1985, art.64) édicte
que les cautions solidaires et coobligés ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan de
redressement. Ainsi, les délais de paiement résultant du jugement arrêtant le plan de
continuation et les remises qui y figurent, ne profitent pas aux cautions solidaires. Le cas
des cautions simples, qui ne sont pas visées par le texte, demeure discutable. Pour certains,

274
En ce sens, Piedelièvre (S.), « Le cautionnement dans la loi relative à la lutte contre les exclusions »,

104
le fait que la disposition ne vise que le cautionnement solidaire résulterait d’une « erreur de
droit du garde des sceaux »275. Le débat est largement théorique en raison de la rareté du
cautionnement simple. Si la jurisprudence antérieure se maintient, les délais ne devraient
pas leur bénéficier276. Toutefois, il faut rappeler que la caution personne physique,
solidaire ou non, peut se voir octroyer par le juge des délais de paiement dans la limite de
deux ans. S’agissant des cautions réelles, il est admis que les délais et remises du plan de
continuation ne leur profitent pas277.
L’article L. 621-48 alinéa 1 du Code de commerce, modifié par la loi du 10 juin 1994,
dispose que la caution ne peut se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts. Condamnant
expressément la solution retenue par la Cour de cassation278, la nouvelle disposition oblige
la caution, solidaire ou non, à payer des intérêts alors qu’ils sont éteints pour le débiteur.
Cette solution est protectrice du créancier. Certes, elle méconnaît le caractère accessoire du
cautionnement en faisant peser sur la caution des charges plus lourdes que celles dont le
débiteur est tenu.
Après clôture de la procédure s’il reste un passif impayé, les créanciers n’ont plus
d’action contre le débiteur, les articles L. 621-95 et L. 622-32 du Code de commerce
interdisant la reprise des poursuites individuelles. La question se pose de savoir si la
suppression de l’action contre le débiteur entraîne la suppression de l’action contre la
caution. La Cour de cassation a admis, avant que la loi de 1994 ne vienne implicitement
consacrer la solution dans la nouvelle rédaction de l’article L. 622-32, que la clôture de la
procédure pour insuffisance d’actif ne faisait pas perdre aux créanciers leur droit de
poursuite à l’encontre de la caution, au motif qu’elle n’entraîne pas une extinction de la
dette279. La solution est désormais implicite. L’article L. 622-32 alinéa 2 prévoit que la
caution peut recourir contre le débiteur ; or, pour obtenir remboursement, il faut

J.C.P., 1998-I-170, pp. 1795-1800, spec. p. 1799, n°21.


275
Cabrillac (M.), Mouly (C.), Droit des sûretés, op.cit., n°291.
276
Cass.com., 26 juin 1963, Bull.civ.III, n°333.
277
Cass.com., 27 octobre 1998, R.J.D.A., 1999, n°336.
278
Cass.com., 13 novembre 1990, J.C.P., éd. E, 1991-II-114, obs. Pétel (P.).
279
Cass.com., 8 juin 1993, J.C.P., 1993-II-22174, obs. Ginestet (C.) ; Cass.com., 28 juin 1994,
Dr.sociétés, 1994, n°155.
105
évidemment que la caution ait préalablement payé. Il est clairement établi la possibilité
pour le créancier de poursuivre la caution, après clôture pour insuffisance d’actif de la
liquidation judiciaire ou du plan de cession, afin d’obtenir paiement d’une créance
antérieure. Il y a là un avantage important. Le créancier garanti par une caution solvable,
sera payé avec retard, mais finira par être payé. Cette solution posée pour la caution
personnelle doit identiquement recevoir application pour la caution réelle. L’absence de
disparition de la dette principale autorise le maintien de l’action contre la caution réelle,
faute de texte en sens contraire.

En droit du cautionnement, deux tendances s’affrontent : privilégier le caractère


accessoire de la caution, donc la dispenser de rembourser plus que le débiteur principal ou,
au contraire, donner priorité à la garantie que représente la caution, donc favoriser le
créancier. En matière de procédures collectives commerciales, c’est la seconde qui
prédomine. La question se pose de savoir si la tendance est la même lorsque le débiteur
garanti relève d’une procédure de surendettement.

B- La non-extension aux cautions des mesures octroyées au


débiteur surendetté

On se demande inéluctablement si la caution a la faculté de se prévaloir des mesures


recommandées par la commission. Le législateur n’a pas pris parti sur cette importante
question. La commission et la jurisprudence ont, par conséquent, dû résoudre cette
difficulté. Il apparaît que les cautions ne peuvent pas profiter des mesures octroyées au
débiteur pendant la procédure de surendettement.
S’agissant des mesures de report, la première chambre civile de la Cour de cassation a
estimé dans une procédure soumise à la loi du 31 décembre 1989 que le redressement

106
judiciaire civil ne privait pas le créancier des garanties qui lui avaient été consenties. La
caution ne pouvait donc se prévaloir, pour se soustraire à ses engagements, des mesures
arrêtées par le juge en faveur du débiteur surendetté280, de la même façon qu’elle ne peut se
prévaloir des mesures conventionnelles281. Cette solution s’applique au nouveau régime du
traitement du surendettement, et par suite la caution ne peut en aucune façon se prévaloir
de l’une quelconque des mesures recommandées par la commission au titre de l’article L.
331-7 du Code de la consommation, à savoir les réductions282 et les allongements des
délais de paiement. En poursuivant cette logique, il faut en inférer que l’éventualité d’un
moratoire des dettes du débiteur pendant une durée de trois ans, voire d’une mesure
d’effacement partiel ou total de dette (article L. 331-7-1 du Code de la consommation),
n’est pas davantage applicable à la caution283. L’article L. 331-7-1 précité procède à
l’extinction de la dette, dès lors le principe de l’extinction par accessoire devrait s’imposer
et l’extinction de la dette principale devrait éteindre le cautionnement. Pour autant, il
s’agirait là d’une application abusive de la notion d’accessoire puisque le créancier auquel
l’effacement de sa créance est imposé, se verrait priver également du droit de mettre en jeu
la garantie destinée à le prémunir contre l’insolvabilité du débiteur principal.

En définitive, quelles que soient les mesures de redressement prises en considération de


la situation financière du débiteur principal, la caution n’est pas fondée à revendiquer à son
profit les faveurs consenties au débiteur principal, sauf à établir qu’elle-même se trouve
dans une situation de surendettement visée à l’article L. 331-2 du Code de la

280
Cass.civ.1ère, 3 mars 1998, J.C.P., 1998-II-10117 ; en ce sens, Cass.civ.1ère, 18 janvier 2000,
Contrats, Conc., Consom., 2000, n°103, obs. Raymond (G.).
281
Cass.civ.1ère, 13 novembre 1996, J.C.P., 1997-II-22780, obs. Mury (P.) ; R.T.D.com., 1997, p. 142,
obs. Paisant (G.). La Cour de cassation a refusé à la caution le bénéfice des remises consenties dans le cadre
du plan conventionnel, ces mesures ne constituant pas eu égard à la finalité du plan, des remises de dettes au
sens de l’article 1287 du Code civil. Pour la première chambre civile, les mesures de réduction contenues
dans un plan de règlement amiable, même si elles ont été acceptées par les créanciers, ne participent
d’aucune intention libérale. Elles ne procèdent que du constat de l’impossibilité manifeste dans laquelle se
trouve le débiteur d’honorer ses engagements.
282
A propos de la réduction de la dette immobilière du débiteur surendetté (art.L. 331-7-4°), Cass.civ.
1ère, 15 juillet 1999, Les Petites affiches, 26 mai 2000, p.17, obs. Courtier (J-L.)
283
En ce sens, Aubert (B.), « Cautionnement et lutte contre les exclusions », Contrats, Conc., Consom.,
1999, chron n°7, pp. 4-7, spec. p.7.
107
consommation. Il en résulte que la caution sera poursuivie par le créancier comme si, en
réalité, la procédure de surendettement n’existait pas284. La première chambre civile de la
Cour de cassation a affirmé avec netteté, dans un arrêt du 18 janvier 2000285, que « le
redressement judiciaire civil, dont les mesures n’ont d’effet qu’à l’égard du débiteur
surendetté, ne prive pas le créancier des garanties qui lui sont consenties ».

En conclusion : Au terme de ces observations, il apparaît que la caution actionnée a


fort peu d’espoir d’échapper à son sort. Quelle que se soit la procédure collective
commerciale ou civile, les mesures octroyées en raison des difficultés financières du
débiteur ne nuisent pas au créancier qui a pris ses précautions en se faisant consentir un
cautionnement. Pour M.Ancel, « il s’agit en quelque sorte de concilier le " droit de ne pas
payer ses dettes " reconnu au débiteur et le droit au recouvrement accordé au
créancier ! »286. D’une manière générale, un créancier qui bénéficie d’une « sûreté » est
mieux protégé contre l’insolvabilité de son débiteur, il est plus sûr d’être payé.

CONCLUSION

L’heure est au bilan. Le recouvrement de la créance est ralenti et compromis. Les


chances de paiement du créancier se sont considérablement amoindries. Aujourd’hui, on

284
Piedelièvre (S.), « Surendettement et cautionnement », Defrénois, 2000, pp. 1073-1086, spec. p. 1081.
285
Cass.civ.1ère, 18 janvier 2000, Contrats, Conc., Consom., 2000, n°103, obs. Raymond (G.).
286
Ancel (P.), « Droit au recouvrement de sa créance ou droit de ne pas payer ses dettes ? », op.cit., p.
98.
108
peut dire que certains débiteurs ont un véritable droit de ne pas payer leurs dettes ou du
moins de ne pas les payer dans les conditions initiales.
Le paiement des créanciers demeure, qu’on le veuille ou non, une exigence naturelle.
Par ailleurs il est vrai, le débiteur a parfois besoin de délai, d’un réaménagement du
montant de ses dettes. Difficile équilibre !
Le risque de « faillite » du débiteur doit aujourd’hui être pris en compte dans
l’évaluation des relations futures.

ANNEXES

109
ANNEXE 1 : Enquête de la Banque de France.
ANNEXE 2 : Dépêche AFP du 6 mai 2002.
ANNEXE 3 : Déclaration de surendettement.

110
ANNEXE 1

111
ANNEXE 2

112
ANNEXE 3

113
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114
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VI : ARTICLES DE PRESSE
Le Monde du 7 février 2002, p. 9.
Le Monde du 16 février 2002, p. 10.
122
Le Figaro entreprises du 13 mai 2002, p. 6.

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TABLE DES MATIERES

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