Vous êtes sur la page 1sur 17

DROIT PENAL DES AFFAIRES

Première Partie : Etude sommaire des règles gouvernant le droit pénal

Le droit pénal est une discipline juridique qui prévoit les infractions et les
sanctions qui leurs sont attachées. Il étudie aussi les personnes responsables et
les règles relatives au procès.

On peut définir l’infraction comme toute action ou omission que la société


interdit sous la menace d’une sanction. On peut la définir aussi comme étant
toute action ou omission prévue et punie par le droit pénal. L’infraction est
commise par la violation des règles mises en place les autorités étatiques pour
garantir la cohésion sociale et la sécurité des personnes et des biens.

L’infraction repose sur trois éléments : un élément légal, un élément matériel et


un élément moral.

Avant d’analyser les éléments constitutifs de l’infraction, il convient d’abord


d’examiner les différentes classifications des infractions.

Chapitre I : Les différentes classifications des infractions

On distingue entre autres la classification fondamentale du code pénal, mais


aussi la classification fondée sur le mode d’exécution des infractions.

Section I : Classification fondamentale du code pénale

C’est la division tripartite des infractions en crime, délit et contravention.

Cette classification fondamentale a son siège dans l’art 1 du code pénal. Elle est
si importante qu’il est nécessaire de traiter de son critère avant d’examiner ses
intérêts.

Para I : Critère de classification

L’art 1er du code pénal dispose : « l’infraction que lois punissent de peine de
police est une contravention, l’infraction que les lois punissent de peine
correctionnelle est un délit, l’infraction que lois punissent de peine afflictive ou
infamante est un crime. »

L’article 1er du code pénal classe les infractions en prenant en comme critère la
gravité de la peine. En effet si l’infraction est sanctionnée d’une peine de police

1
c'est-à-dire d’un emprisonnement d’un jour à un mois ou d'amende de 200
francs à 20 000 francs, l’infraction est une contravention.

Par contre si l’infraction est punie d’une peine correctionnelle c'est-à-dire d’un
emprisonnement supérieure à 1 mois et d’une amende supérieure à 20 000
francs, il s’agit d’un délit.

Enfin si elle est punie d’une peine criminelle c'est-à-dire d’une peine afflictive
ou infamante, il s’agit d’un crime. Les peines afflictives ou infamantes sont les
travaux forcés à perpétuité, les travaux forcés à temps (5 à 10 ans ou 10 à 20
ans) et la détention criminelle de 5 à 10 ans ou de 10 à 20 ans. Il existe dans le
code pénal une seule peine infamante c’est la dégradation civique qui consiste à
enlever à une personne tous ses droits. Par exemple la privation des droits de
vote, du droit d’être témoin ; du droit d’être juré, du droit de servir dans les
armées (voir article 8 du code pénal).

Para II : Les intérêts de la distinction

Cette classification des infractions en crime, délit et contravention intéresse à la


fois les règles de fond et les règles de forme.

A / Les règles de fond

Les règles de fond sont relatives à l’incrimination et à la sanction.

Pour faire ressortir les intérêts de la classification nous examinerons les trois
points suivant : la tentative, la complicité et la prescription.

1-La tentative

En matière criminelle elle est toujours punissable, en matière correctionnelle ou


délictuelle elle n’est punissable que de façon exceptionnelle. Par exemple la
tentative de délit d’abus de confiance n’est pas répréhensible mais la tentative
d’escroquerie est répréhensible. Enfin la tentative n’est pas répréhensible en
matière contraventionnelle.

2-La complicité

Elle est punissable pour les crimes et les délits. En matière contraventionnelle
elle n’est pas punissable sauf disposition contraire (complicité de tapage
nocturne et celle des rixes ou violences légères)

3-La prescription de la peine

2
L’écoulement d’un certain délai fait obstacle à l’exécution de la condamnation.
Le délai de prescription est de 20 ans pour les peines criminelles, 5 ans pour les
peines correctionnelles et de 2 ans pour les peines de police ou de contravention.

B/ Les règles de forme

Ce sont des règles relatives à la constatation et à la poursuite des infractions, à la


compétence. Pour étudier cette question il faut examiner la procédure applicable,
la prescription de l’action publique et les règles de compétence.

1-La procédure applicable

Elle varie suivant la gravité de l’infraction.

La procédure de flagrant délit est exclue en matière criminelle et


contraventionnelle.

La citation directe, qui permet à la victime et au ministère public de traduire


directement l’auteur d’une infraction devant les juridictions de jugement est
autorisée pour les délits et les contraventions mais elle est impossible pour les
crimes.

Enfin l’ouverture d’une instruction est obligatoire en matière criminelle et elle


se déroule devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance qui est
juge du 1er degré. En cas d’appel contre l’ordonnance du juge d’instruction,
l’affaire est portée devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel qui joue
le rôle de juge d’instruction du second degré.

Pour les délits l’instruction est en principe facultative (le procureur demande
l’ouverture d’une information judiciaire s’il s’agit d’un délit complexe), en
matière contraventionnelle elle ne joue que de façon exceptionnelle.

-La prescription de l’action publique

L’action publique, c'est l’action pour l’application des peines. Elle ne peut être
engagée que dans les délais prescrits par la loi. En dehors de ces délais une
infraction ne peut plus faire l’objet de poursuite. On dit que l’action publique est
prescrite. Le délai de prescription de l’action publique est de 10 ans pour les
crimes, 3 ans pour les délits et un an pour les contraventions.

-La compétence

3
Les crimes relèvent de la compétence des chambres criminelle des tribunaux
de grandes instances qui ont remplacées les Cours d’Assises, les délits sont
jugés par le tribunal de grande instance qui a remplacé le tribunal régional et
qui prend la dénomination de tribunal correctionnel, les contraventions sont
jugées par le tribunal d’instance qui a remplacé le tribunal départemental et
qui prend la dénomination de tribunal de police ou de simple police. Il faut
retenir que le tribunal d’instance est également compétent pour juger certains
délits appelés petits délits et qui sont au nombre de 45 (Loi 85-25 du 27 février
1985).

Par exemple le vol simple est porté devant le tribunal d’instance.

Section II : La classification fondée sur le mode d’exécution matérielle de


l’infraction

L’élément matériel est le support de cette classification. On appelle élément


matériel l’acte réalisé par le sujet pénal. Il se présente sous des aspects divers.

Para I: L’infraction d’omission et l’infraction de commission

Dans l’infraction d’omission, l’élément matériel est une abstention. L’individu


ne fait pas ce que la loi oblige de faire dans l’intérêt général. L’exemple le plus
illustratif reste la non assistance à personne en danger.

Le droit des affaires comporte de nombreuses infractions d’omission. A titre


d’exemple on peut citer l’omission pour le commissaire aux comptes de révéler
au ministère public les faits délictuels dont il a eu connaissance dans le cadre de
l’exercice de ses fonctions (art 900 de l’AU/DSC). Il est de même de la non
désignation ou la non convocation des commissaires aux comptes aux
assemblées générales (art 897 de l’AU/DSC).

Dans l’infraction de commission, la loi réprime l’accomplissement d’un fait


positif. La loi interdit par exemple de voler, de tuer. L’individu fait ce que la loi
interdit.

Dans ces infractions il faut un geste, une parole ou un écrit.

Para II : L’infraction instantanée et l’infraction continue

4
L’infraction instantanée se consomme en un trait de temps. Le vol par
exemple se consomme par l’acte de soustraction frauduleuse de la chose
d’autrui.

L’infraction continue implique un prolongement dans le temps de l’activité


répréhensible. Le délit de port illégal de décoration est un délit continu. L’acte
incriminé par la loi se prolonge tant que l’individu dans son comportement. Il
s’agit d’un acte qui se prolonge dans le temps en raison de la réitération de la
volonté coupable de son auteur.

Para III : L’infraction simple et l’infraction d’habitude

-L’infraction simple est constituée par une seule opération matérielle Pour le
vol par exemple l’acte matériel incriminé est la soustraction de la chose
d’autrui.

-L’infraction d’habitude suppose pour sa réalisation plusieurs actes matériels


semblables dont chacun pris isolément ne serait pas punissable. L’exercice
illégal de la médecine est une infraction d’habitude et cette infraction n’est
pénalement répréhensible que si la personne dépourvue de titre a, à deux
reprises au moins fait un diagnostic et prescrit un traitement.

Para IV : L’infraction simple et l’infraction complexe

L’infraction complexe suppose l’accomplissement de plusieurs actes matériels


différents.

L’escroquerie par exemple comporte deux actes distincts : les manœuvres et la


remise de la chose.

Para V : L’infraction matérielle et l’infraction formelle

-Il y a infraction matérielle lorsque le résultat figure parmi les éléments


constitutifs de l’infraction. Par exemple le vol n’est réalisé que s’il y a
soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Le meurtre n’est réalisé que si la
victime décède.

-Une infraction est dite formelle lorsqu’elle est considérée comme


consommée indépendamment du résultat recherché par son auteur. Par exemple
il y a empoisonnement dès l’instant que le délinquant administre des substances
toxiques à sa victime. Que victime meurt ou qu’elle ne meurt pas il y a
empoisonnement.

5
Chapitre II : Les éléments constitutifs de l’infraction

Les éléments constitutifs de l’infraction sont au nombre de trois, il s’agit de


l’élément légal, de l’élément matériel et de l’élément moral.

Section I : L’élément légal

Nous allons voir d’une part le principe de la légalité et d’autre part les
corolaires qui sont attachés au principe de la légalité.

Para I : Le principe de la légalité

Contrairement au droit civil ou tout fait quelconque de l’homme peut engager la


responsabilité de son auteur, en droit pénal l’article 4 du code pénal pose le
principe de la légalité des incriminations et des peines.
Article 4 « Nul crime, nul délit, nulle contravention ne peuvent être punis de
peines qui n'étaient pas prévues par la loi ou le règlement avant qu'ils fussent
commis. » « nullem crimen, nulla poena sine légem
Ce principe signifie que seules sont punissables et seules dans la mesure prévue,
les faits expressément visés par la loi ou le règlement au moment où ils ont été
commis. L’infraction pénale et la sanction repose donc sur un texte claire et
précis. En l’absence de celui-ci l’acte commis échappe à toute répression.

Para II : Les corollaires du principe de la légalité

Cette règle communément appelée principe de la légalité a deux corollaires ; le


principe de la non rétroactivité et l’interprétation par le juge de la loi pénale.

A : La non rétroactivité de la loi pénale

La loi pénale nouvelle ne peut pas en principe rétroagir. C'est-à-dire qu’elle ne


peut pas s’appliquer à des faits qui se sont déroulés avant son entrée en vigueur.
La loi nouvelle ne s’applique que pour l’avenir.

Ce principe ne s’applique cependant que si la loi est plus sévères Mais si la loi
pénale nouvelle est plus douce que l’ancienne, elle rétroagit. Il faut cependant
noter que le délinquant ne peut plus bénéficier de la loi nouvelle plus douce s’il
a été condamné définitivement sous l’empire de la loi ancienne. Une loi pénale
plus douce est une loi favorable au délinquant, par exemple elle peut diminuer
une peine ou même la supprimer, elle peut aussi accorder des circonstances
atténuantes ou supprimer des circonstances aggravantes.

B : L’interprétation de la loi pénale

6
Interpréter une loi c’est chercher son sens en vue d’en faire l’exacte application
aux faits portés à l’attention du juge.

En matière pénale, il est interdit au juge de raisonner par analogie c'est-à-dire


d’étendre à un fait malhonnête un texte visant un fait voisin. Il lui est demandé
d’interpréter restrictivement et strictement la loi pénale c'est-à-dire que le juge
doit appliquer le texte de droit aux seules hypothèses qu’il prévoit et seulement à
ses hypothèses. En claire le juge ne peut pas étirer un texte au-delà de ses bornes
légales pour réprimer un comportement non prévu et non sanctionné par la loi
pénale.

Par exemple celui qui se fait servir un repas dans un restaurant ne peut être
poursuivi pour vol s’il ne paie. Le vol suppose une soustraction frauduleuse
c'est-à-dire un enlèvement or cette condition n’est pas remplie en l’espèce. Cet
individu ne peut être poursuivi que pour filouterie d’aliments.

L’élément légal de l’infraction disparait avec les faits justificatifs que la légitime
défense, l’état de nécessité et l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité
légitime

Section II : L’élément matériel

En droit pénal l’infraction n’existe que si elle se révèle à l’extérieur par un fait
matériel objectivement constatable. Ce fait, on l’appelle élément matériel. Par
exemple, la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, le coup donné à une
personne, le fait de ne pas convoquer le commissaire aux comptes aux
assemblées.

Le problème qu’il y a lieu de régler maintenant est de savoir à partir de quel


moment dans une activité jugée criminelle faut-il situer l’intervention du droit
pénal. Est-ce à compter de la réalisation définitive de l’infraction ou faut–il
sanctionner dès l’instant que le sujet pénal montre de par son attitude sa volonté
d’aller à l’encontre des valeurs pénalement protéger par la société ? A cette
question la loi apporte une réponse en sanctionnant la tentative. Elle intervient
également pour attirer dans son champ d’autres comportements à savoir
l’infraction manquée et l’infraction impossible.

Para I : La tentative

La loi l’article de 2 du code pénal exige deux conditions : un commencement


d’exécution et une absence de désistement volontaire.

7
A/ Le commencement d’exécution

Plusieurs définitions du commencement d’exécution ont été retenues par la


jurisprudence. La dernière formule est la suivante «  le commencement
d’exécution n’est caractérisé que par un acte devant avoir pour conséquence de
consommer le délit ». Si on s’en tient à cette formule, on peut affirmer que l’acte
cesse d’être un acte préparatoire et devient un acte d’exécution lorsqu’il
implique chez le sujet pénal la volonté définitive et certaine de commettre
l’infraction. En d’autres termes l’acte devient un commencement d’exécution
quand il n’est plus susceptible d’interprétation.

Il y a commencement d’exécution lorsque l’acte est univoque. Par exemple dans


l’escroquerie à l’assurance, l’assuré qui met le feu à sa voiture ne commet qu’un
acte préparatoire. Son comportement devient un commencement d’exécution
lorsqu’il se présente devant son assureur en vue de demander le paiement d’une
indemnité.

B/ L’absence de désistement volontaire

Outre le commencement d’exécution, il faut une absence de désistement


volontaire.

Le désistement est volontaire lorsqu’il est spontané, c'est-à-dire lorsque


l’individu a interrompu son action criminelle sans l’influence d’aucune cause
extérieure.

Le désistement est par contre involontaire lorsque l’action a avortée par qu’il y
eu l’intervention d’un tiers, de la police ou parce l’auteur s’est heurté à la
résistance de la victime. Cette forme de désistement ne justifie pas son auteur. Il
faut retenir qu’on ne peut plus parler de désistement lorsque l’infraction est déjà
consommée. Par exemple dans le délit d’abus de confiance, c’est le
détournement qui consomme l’infraction. Le délit est toujours établi même si le
caissier restitue les fonds qu’il a détournés. Le comportement de ce caissier qui
se situe après l’infraction est un repentir actif ou remord tardif. L’infraction
existe mais le juge pourra lui accorder des circonstances atténuantes.

Para II : L’infraction manquée et l’infraction impossible

A/ L’infraction manquée

Dans l’infraction manquée, le résultat n’est pas atteint à cause de la maladresse


de son auteur mais tous les actes matériels ont été exécutés de façon complète.
8
Tel est le cas de l’individu qui tire sur son adversaire et ne le tue pas parce qu’il
a mal visé.

L’infraction manquée est expressément assimilée par la loi à la tentative.

B/ L’infraction impossible

Dans l’infraction impossible le résultat ne peut matériellement être obtenu car


l’objet de l’infraction n’existe pas ou encore les moyens employés sont
insusceptibles de consommer l’infraction. Par exemple il y a infraction
impossible lorsqu’un individu désirant voler un portefeuille plonge sa main dans
la poche intérieure d’une veste alors que celle-ci est vide.

La tendance en jurisprudence est d’assimiler l’infraction impossible à une


tentative.

Section III : l’élément moral

C’est le rapport psychologique entre le sujet pénal et son acte. Le contenu de


l’élément moral varie selon qu’il s’agisse d’une infraction intentionnelle ou
d’une infraction non intentionnelle, ce que nous étudierons avant de voir la
disparition de l’élément moral.

La disparition de l’élément moral

L’élément moral ou intentionnel disparaît avec l’absence de volonté et de


clairvoyance de son auteur Si l’élément moral disparait, le sujet pénal échappe à
la répression même si son comportement correspond à l’élément matériel tel
qu’il a été décrit par la loi. L’élément moral disparait en présence des causes de
non imputabilité. Il existe trois causes de non imputabilité : la démence, la
contrainte et l’erreur.

-La démence : c’est une insuffisance du développement des facultés mentales.


Elle empêche le sujet pénal d’agir en connaissance de cause. Si elle se manifeste
au moment de l’infraction, elle fait échec à la répression. C’est dire tout
simplement que l’agent pénal va bénéficier de l’impunité.

- La contrainte : c’est une force qui pèse sur la personne et qui abolit sa
volonté.

9
Par exemple le caissier qui obligé de remettre la caisse de l’entreprise à des
bandits qui l’ont menacé en mettant sur sa tempe un revolver échappe à la
répression parce que conformément à l’article 50 du code pénal, sa volonté a été
abolie.

« Etre contraint par une force à laquelle on n’a pas pu résister » article 50.

-L’erreur : c’est la mauvaise représentation de la réalité. On peut relever


plusieurs formes d’erreur : l’erreur de fait et l’erreur de droit.

Dans les infractions intentionnelles, l’erreur de fait peut exclure l’intention, en


pareil cas le sujet échappe à la répression.

Par exemple il y erreur de fait lorsqu’un individu confond son véhicule avec
celui d’un tiers.

Il faut relever que quel que soit l’infraction, l’erreur de droit ne peut faire échec
à la répression. Cette solution est dictée par la règle « nul n’est censé ignorer la
loi »

Deuxième Partie : Les infractions relatives à la vie des affaires

Chapitre I : Les infractions contre les biens

Il s’agit du vol, de l’escroquerie, de l’abus de confiance, et du recel. Mais dans


le cadre cet enseignement nous ne traiterons pas du vol.

Section 1 : L’escroquerie

Appelé aussi délinquance d’astuce, l’escroquerie est le fait pour l’agent pénal de
se faire remettre la chose convoitée en usant de manœuvre et de subterfuge.
C’est l’article 379 du code pénal qui réglemente l’escroquerie. Cet article
dispose : « quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou fausses qualités
soit en employant des manœuvres frauduleuses quelconques, se fera faire
mettre ou délivrer ou aura tenté de se faire remettre ou délivrer des fonds,
des meubles ou des obligations, dispositions, billets, promesses, quittances

10
ou décharges, et aura par un de ces moyens escroqué ou tenté d’escroquer
la totalité ou partie de la fortune d’autrui, sera puni d’une peine
d’emprisonnement d’un (1) an à cinq (5) ans et d’une amende allant de 100
000FCFA à 1 000 000FCFA ».
A travers ce texte on entrevoit les éléments constitutifs de l’escroquerie que l’on
peut retrouver en élément matériel et en élément immoral.

Para I : L’élément matériel de l’escroquerie


Il s’agit de moyens frauduleux devant aboutir à la remise d’une chose.

A : Les moyens frauduleux


a) Usage de faux noms ou de fausses qualités
Le faux nom se réalise aussi bien par l’usurpation du nom d’un tiers par l’emploi
de son propre nom en abusant d’une homonymie que par recours à un nom
imaginaire.
La fausse qualité est soit l’usurpation d’un état (lien de parenté ou d’alliance)
soit l’usurpation d’un titre (par exemple un titre universitaire, un titre de la
fonction publique). Comme exemple un agent de recouvrement licencié par sa
société et qui se dit encore en service et se fait remettre à ce titre des fonds ou
des objets appartenant à son ex-employeur par des clients de ce dernier.

L’usage du faux nom ou de la fausse qualité implique de la part du délinquant


une attitude positive.
Pour être pris en compte dans le cadre de l’escroquerie l’usage du faux nom ou
de la fausse qualité doit être la cause déterminante de la remise de la chose. Il
peut s’agir de l’abus d’une vraie qualité.

b) Les manœuvres frauduleuses

11
Il peut s’agir soit de l’intervention d’un tiers (complice de l’auteur qui vient
corroborer les dires de l’escroc) soit de véritables machinations, c’est-à-dire
des manœuvres de nature à imprimer à des allégations mensongères, l’apparence
de la sincérité et à commander la confiance de la victime. Les manœuvres ont
nécessairement pour but la tromperie. On peut par exemple citer le fait pour un
directeur d’une société d’obtenir un prêt en présentant à une banque des bilans
établis à partir d’une comptabilité falsifiée qui fait ressortir une situation
prospère alors qu’en réalité si ces bilans avaient été sincères, ils auraient été
déficitaires.
Les manœuvres frauduleuses peuvent aussi s’analyser à la production d’un
écrit. Est considérée comme une manœuvre frauduleuse dès lors qu’elle donne
un crédit aux allégations mensongères de l’escroc, peu importe que l’écrit émane
de lui ou d’un tiers. C’est le cas de l’employé qui produit des factures de
complaisance pour se faire rembourser des frais de mission qui n’existent pas.

B : la remise d’une chose


Pour qu’il ait escroquerie il faut que les manœuvres frauduleuses aient eu pour
but la remise d’une chose. Plusieurs catégories de choses peuvent être remises.
En premier lieu se trouvent les fonds, l’argent, les bijoux, les valeurs
mobilières….Il peut s’agir d’un bien quelconque.
A noter que si les biens immeubles ne peuvent être volés, ils peuvent être
escroqués, C’est notamment le cas lorsque l’auteur a déterminé le propriétaire à
opérer le transfert de propriété sans avoir acquitté le prix.
A noter aussi qu’il n’est pas nécessairement que les remises profitent à l’auteur,
elles peuvent bénéficier à des tiers.

Para II : L’élément moral


Il s’agit de l’intention coupable ; c’est l’intention de s’approprier par les
moyens déjà décrits ci-dessus le bien appartenant à autrui. Peu importe le mobile

12
qui a guidé ce comportement. C’est ainsi qu’a été déclaré coupable le créancier
qui a utilisé des manœuvres frauduleuses pour se faire rembourser les sommes
qui lui sont dues.

Section 2 : L’abus de confiance

A la différence du vol et de l’escroquerie, l’abus de confiance suppose


l’existence d’une relation antérieure entre l’auteur de l’infraction et la victime. Il
faut nécessairement l’existence d’un contrat entre les deux pour qu’il puisse
exister abus de confiance. En langue économique on dit qu’ils doivent être en
relation d’affaire.
Para I : Les conditions préalables à l’abus de confiance
l’abus de confiance peut être défini comme le fait par une personne de
détourner au préjudice d’autrui un bien qui lui a été remis à charge de le
conserver, de le rendre, de le représenter ou d’en faire un usage déterminé.
Il doit donc exister une situation juridique ou matérielle entre la partie rendant
possible le comportement délictuel de l’auteur. Ces conditions préalables sont
visées par l’article 353 du code pénal qui cite six(6) catégories de contrats sans
lesquels il ne peut y avoir abus de confiance. Il s’agit : contrat de louage, contrat
de dépôt, contrat de mandat, nantissement, prêt à usage, travail salarié ou non
salarié.
-Le louage est le contrat en vertu duquel une personne s’oblige à faire jouir une
autre personne d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain
prix que celle-ci s’oblige à lui payer. Ainsi il y a abus de confiance lorsque la
personne détourne le véhicule qui lui a été loué.
-Le dépôt est l’acte par lequel une personne reçoit la chose appartenant à autrui à
charge pour elle de la garder et de la restituer en nature.
-Le mandat est la convention par la quelle une personne donne à une personne
le pouvoir d’accomplir elle un ou plusieurs actes juridiques. Ce contrat est la

13
source de plus grand nombre d’abus de confiance. Il en est ainsi parce que par
essence le mandat est le type de contrat basé sur la confiance.
-Le gage c’est le fait de donner en garantie un bien meuble corporel.
-Le prêt à usage est le contrat par lequel une personne livre à une autre une
chose pour s’en servir à charge pour cette dernière de la rendre âpres s’en être
servi.
-le travail salarié ou non salarié, par travail salarié il faut comprendre tout
contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre
moyennant un prix convenu entre elle. C’est généralement le cas des ouvriers et
des artisans. Ainsi il y a abus de confiance lorsqu’un artisan détourne la matière
remise pour la façonner ou une chose remise pour réparation.
Tous ces contrats énumères ont un dénominateur commun qui est la confiance et
dans ce seul cadre que doit se situé le juge pour accueillir une poursuite pour
abus de confiance. De ce fait il est obligé de chercher à savoir si le contrat en
cause entre bien dans les prévisions de la loi.
Pour être prise en compte la remise suppose une acceptation de la part de l’agent
et surtout une finalité spécifique.

Para II : Les éléments constitutifs de l’abus de confiance


Il y a deux éléments :

A. La non exécution des engagements

Le droit français emploie les termes de détournement et de dissipation. Et pour


mettre en relief ces deux notions, le texte utilise les expressions suivantes : « ne
pas avoir rendu la chose, ne pas l’avoir représenté, ne pas en avoir fait l’usage
ou l’emploi qui avait été déterminé ».

Le droit sénégalais préfère, pour faire simple, le terme de : « non exécution des
engagements », même si on sait que les caractères de cet engagement peuvent

14
être les mêmes que les caractères du détournement et de dissipation.
L’expression « non exécution des engagements » retrouve deux hypothèses :

1. Le cas où l’affectation d’un bien n’a pas été respectée

Dans cette hypothèse la chose remise reçoit une destination différente de celle
qui avait été initialement prévue.

Il y a abus de confiance lorsque les dirigeants sociaux d’une société utilisent


pendant la période pré-constitutive de la société les fonds qui ont été reçus des
souscripteurs et qui avaient été remis à une affectation bien déterminée. Il y a
aussi abus de confiance lorsque le directeur d’une société anonyme détourne les
sommes destinées au paiement des commissaires aux comptes pour payer les
salariés.

2. Le fait de dissiper la chose ou l’argent

La dissipation vise l’acte matériel de consommation, de destruction, de


détérioration ou d’abandon de la chose. La dissipation vise également un acte
juridique de disposition : la vente, la donation, la mise en gage. L’acte de
dissipation réalise tout le contraire d’une appropriation parce qu’il fait perdre à
l’agent pénal la disposition de la chose.

B. L’élément intentionnel : l’intention coupable

Cette intention coupable est nécessaire. L’agent pénal ne commet le délit d’abus
de confiance que s’il a eu conscience de la précarité de la détention. L’intention
c’est donc la connaissance de la part de l’auteur du délit, qu’il détient la chose à
titre précaire et qu’il n’a pas le droit d’en disposer. En d’autre terme l’agent
pénal ne doit ignorer le caractère illicite de son acte.

Section III : Le recel de choses

15
Le recel de chose fait suite à la commission par une personne des infractions de
vol ou d’abus de confiance. C’est le fait de détenir ou de disposer de choses
abstenues à l’aide d’une infraction soit en connaissance de cause soit en
ayant des raisons de soupçonner l’origine délictuelle. Il y a donc recel que s’il
y a eu préalablement commission d’un délit soldé par l’appréhension illégitime
d’une chose ; viennent s’ajouter à cela les éléments constitutifs de l’infraction.
Selon l’article 430 du code pénal : « Ceux qui, sciemment auront recelés, en tout
ou partie, des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou
délit,… ».Il s’agit d’une part de l’acte matériel de recel et d’autre part de
l’intention coupable.
Para I : L’acte matériel de recel
Il est composé de deux éléments :
-D’une part la réception de la chose : le texte ne dit pas expressément mais il
demeure néanmoins supposé. En effet pour détenir ou disposer de la chose il
faut l’avoir préalablement reçue.
-D’autre part la détention ou la disposition de cette chose.la détention suppose
que le receleur exerce directement ou par l’intermédiaire de ses employés sa
main mise sur la chose en gardant par exemple les ordinateurs volés dans son
magasin. Il n’est pas nécessaire que le receleur tire un profit personnel de la
garde de la chose. La détention peut être un acte purement altruiste ; l’infraction
n’en sera pas moins consommée.
La détention peut être selon les cas : dissimulée, cachée ou à vue. La dissipation
suppose la sortie de la chose du patrimoine de l’auteur.
Para II : L’élément moral : l’intention coupable
Il s’agit de l’intention coupable qui consiste en la connaissance par le receleur
de l’origine frauduleuse de la chose. Comme le dit l’article 430 : « ceux qui
sciemment… ».Peu importe que le receleur ne connaisse pas les circonstances
précises de commission de l’infraction. Il est même inutile d’exiger du receleur
une connaissance en acte de la nature de l’infraction d’origine.

16
En pratique l’intention coupable se déduit de certaines circonstances et les plus
courantes sont : le caractère anormalement bas du prix d’acquisition, l’absence
de pièces justificatives, la revente sous une fausse identité.
Mais que décider lorsque l’individu ne connaissait pas au moment de
l’acquisition l’origine délictuelle du bien et qu’il ne s’en rendre compte par la
suite ? Pour la jurisprudence actuelle, l’intention coupable doit s’apprécier au
moment de l’acquisition ou de la réception de la chose.
Pour terminer il faut marquer que contrairement au droit sénégalais, certaines
législations africaines vont plus loin (exemple le Cameroun).Il ne faut pas
nécessairement que l’auteur ait eu connaissance de l’origine délictuelle de la
chose, il suffit qu’il ait des raisons d’en soupçonner cette origine.

17

Vous aimerez peut-être aussi