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INTRODUCTION
Le droit pénal financier fait partie de ce qu’on appelle plus largement le doit pénal des affaires. Ce
dernier n’est rien d’autre que le droit pénal spécial appliqué aux affaires. Quant au droit pénal
spécial, il a pour but l’étude des différentes infractions envisagées distinctement c’est-à-dire une à
une. Il est souvent opposé au droit pénal général qui a pour objet l’étude des règles communes
applicables à toutes les infractions. Mais le développement croissant des affaires, accompagné de
leur complexification de plus en plus poussée ont donné naissance à un corps de règles particulier
applicable aux infractions nées de la pratique des affaires. Ainsi, le droit pénal des affaires s’est
affranchi du droit pénal spécial comme le droit des affaires s’est détaché du droit commun (droit
civil).
Il faut retenir que jadis, le droit des affaires était assimilé au droit commercial, mais de nos jours,
il comprend outre ce dernier des règles applicables aux activités financières, minières et même
aux relations de travail impliquant l’entreprise. Si la répression des infractions se rapportant aux
activités financières fait penser au droit pénal financier, ne serait-on pas disposé à accueillir la
notion de droit pénal économique pour caractériser la sanction des infractions à caractère
économique ? On sait qu’il y a à cette époque contemporaine une interaction entre les affaires et
l’économie de façon générale, mais entre cette dernière et les activités financières en particulier ?
(Existence d’autorités de régulation des marchés financiers et des milieux d’affaires).
De tout ce qui précède, et dans un souci de simplification, il serait mieux de retenir l’expression
droit pénal des affaires pour aborder la répression des infractions se rapportant à l’entreprise,
quant bien même le mot « affaires » est vague et son contenu évolutif. Le droit Ohada en atteste.
En effet, l’article 2 du traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique montre que le domaine du droit des affaires peut être étendu à d’autres matières qui n’y
figurent pas dès que le conseil des ministres le décide à l’unanimité conformément à l’objet dudit
traité. Comme on le voit, le droit des affaires comme le droit pénal des affaires qui l’accompagne
évoluera avec les mutations qui affecteront le milieu des « affaires ».
Pour une formation de professionnels d’entreprise, on peut considérer que le droit pénal des
affaires aura pour objet la répression des infractions commises dans le cadre l’entreprise.
Sans occulter l’entreprise individuelle, nous nous focaliseront dans le cadre de ce cours sur
l’entreprise sociétaire, c’est-à-dire sur les entreprises constituées sous forme de sociétés
commerciales. A ce niveau, nous consacreront plus de développement à la société anonyme (SA)
qui est une entité à fort enjeu financier et économique (la présence obligatoire d’un CAC en
atteste), mais aussi aux autres formes de sociétés commerciales où l’on peut rencontrer les mêmes
infractions que celles commises dans les SA.
Dans l’espace OHADA, ces infractions sont régies par deux catégories de textes : la première
d’ordre communautaire prévoit les incriminations (la définition des infractions par les actes
uniformes) et la seconde, les lois nationales prévoit les sanctions des infractions (les peines
encourues par les auteurs). Parce que la politique criminelle relève de la souveraineté des Etats, on
a souhaité laisser la latitude à chaque Etat partie de l’OHADA de déterminer sa politique pénale
en sanctionnant les infractions selon ses propres valeurs ou normes sociales.
Plus précisément, la définition des infractions se rapportant aux sociétés commerciales a son siège
dans la 3è partie de l’AUSCGIE intitulée dispositions pénales. Ces infractions sont régies par les
articles 886 à 905 dudit acte uniforme. Quant aux sanctions, elles ont leur siège au Sénégal dans
la loi 98-22 du 26 mars 1998 portant sanctions pénales aux infractions contenues dans l’Acte
Uniforme relatif aux sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. Il y a aussi
les infractions liées à la faillite économique de l’entreprise qui sont prévues par l’acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) dans ses articles
226 à 246 ; leurs sanctions relèvent des lois de chaque Etat partie de l’OHADA.
Procédons à l’étude des infractions.
TITRE PREMIER : LES INFRACTIONS LIEES A LA CONSTITUTION DES SOCIETES
Aux termes de l'article 61 de l'AUSC, toute société doit avoir un capital social. Ce capital
représente le montant des apports faits par les associés, au moment de la constitution de la société.
Son montant est fixé librement par les associés, sous réserve des limites déterminées par l'Acte
Uniforme en raison de la forme ou de l'objet de la société. Ce capital constitue un élément
essentiel dans le patrimoine de la société. C'est pourquoi il fait l'objet d'une protection tout au long
de sa constitution. Pour ce faire, l'AUSC incrimine, au même titre que le droit antérieur, des actes
mensongers particulièrement dangereux pour les tiers, les associés et la société elle-même. Ces
incriminations visent aussi bien la recherche du capital (section 1) que sa déclaration (section 2).
Dès le stade de la recherche du capital social, les associés peuvent se rendre coupables d’un
certain nombre d’infractions. C’est pourquoi L'AUSC a prévu à cette occasion deux types
d’infractions qui, bien que juridiquement différentes, sont presque identiques en pratique. En
effet, elles supposent l'une et l'autre un mensonge, mais ce mensonge est nécessairement doublé
soit d'un certain résultat, soit d'un certain but en fonction de l’infraction visée.
Les infractions dont il s’agit sont relatives à la simulation de souscriptions ou de versements (§1)
et à la publication de faits faux (§2).
1. L'élément matériel
Cet élément est double : il est constitué par les agissements de simulation et par la recherche des
souscriptions ou des versements.
a) La simulation des souscriptions ou des versements
La simulation suppose l’établissement du caractère fictif des souscriptions ou des versements
d’une part et la preuve qu’ils étaient affirmés sincères et véritables d’autre part.
) Le caractère fictif des souscriptions et des versements
Le caractère fictif des souscriptions est l'élément qui, en pratique, se rencontre le plus souvent. Il
est, en effet, difficile d'échapper au versement de fonds car les fondateurs qui les ont accueillis ont
l'obligation de les déposer chez un notaire ou une banque. L'existence des versements implique
donc que le dépositaire accepte de reconnaître qu'il a reçu des fonds qui, en vérité, ne lui ont pas
été remis. Une pareille complicité est peu vraisemblable compte tenu de la qualité des
dépositaires, même si elle reste cependant possible (Cass. Crim., 3 avril 1939, Revue trimestrielle de
droit des sociétés, n°39, p.195).
Par conséquent, bien que l'infraction soit constituée en toute hypothèse, il faut distinguer entre la
simulation de souscriptions et celle de versement, car l'une peut exister sans l'autre : la
souscription réelle n'ayant été suivie d'aucune libération effective, ou un versement réel n'ayant
fait suite qu'à une souscription fictive.
En définitive, les souscriptions sont fictives si tous les éléments requis pour la validité de
l'engagement d'entrée en société ne sont pas réunis. Par ailleurs, il faut mettre sur un pied d'égalité
les souscriptions en numéraire et les souscriptions en nature.
Et comme pour les souscriptions, les versements sont fictifs lorsqu'il est affirmé qu’ils ont été
effectués ou que les dons provenant des souscriptions ont été définitivement mis à la disposition
de la société, alors qu'en réalité il n'en a pas été ainsi. En pratique un versement est réputé fictif
dans les cas suivants : en l'absence de tout versement malgré l'affirmation contraire, en cas de
simulacre de versements ou de versements apparents, en cas de paiement par compensions, etc.
2. L’élément intentionnel
L’infraction suppose l’action commise « sciemment », c’est-à-dire avec la conscience du but
poursuivi et en connaissance de la fausseté des faits prétendus. Cette connaissance sera présumée
chez ceux dont les fonctions dans la société impliquent qu’ils doivent connaître cette fausseté.
L’élément intentionnel tient ici à la seule conscience qu’a l’agent de réaliser une simulation
susceptible d'entraîner des souscriptions ou des versements. Chez certains auteurs, la Cour de
Cassation française estime que l’intention délictueuse résulte suffisamment de ce qu’ils ne
peuvent ignorer la fausseté des faits publiés en raison des fonctions qu’ils remplissent. Donc la
mauvaise foi existe dès l’instant où l’auteur de la simulation a agi en connaissance de cause. Il est
donc nécessaire que soit établie sa participation consciente aux actes frauduleux. Mais il n’y a pas
lieu de démontrer que la simulation avait pour but d’obtenir des souscriptions ou des versements,
il suffit qu’elle les ait en fait provoqués.
Cependant, il arrive parfois que les tribunaux admettent la bonne foi des administrateurs. C’est
ainsi qu’ont notamment été relaxés : l’administrateur qui a joué un rôle effacé dans la direction de
l’affaire, faute de démonstration de sa mauvaise foi ; l’administrateur qui, bien qu’ayant envoyé
son pouvoir n’a pas assisté à la réunion du conseil de l’administration où l’emprunt a été décidé,
un administrateur, apporteur en nature, qui, aveugle, avait établi que les opérations de la société
lui avaient coûté des sommes importantes sans aucun profit en contrepartie.
B) La répression du délit
L’article 887. 3° et 4° permet de sanctionner aussi bien les auteurs que les complices.
a) Les auteurs
Il s’agit de tous ceux qui ont recours à la simulation pour obtenir des souscriptions ou des
versements. Si le délit est commis lors de la constitution de la société, ce sont généralement les
fondateurs qui seront tenus comme auteurs.
Selon M. COPPER-ROYER, les premiers administrateurs ou les premiers membres du directoire
ne sauraient être auteurs du délit, même s’ils sont de mauvaise foi (COPPER-ROYER, Revue
spéciale des sociétés, 1936, p. 348). En effet, le délit est entièrement consommé avant leur
nomination. Certes, en acceptant leurs fonctions, ils aident le délit à produire ses effets, mais cette
aide ne peut constituer au mieux qu’un cas de complicité à la condition que les premiers
administrateurs aient promis aux fondateurs d’accepter leurs fonctions avant l’exécution du délit.
Toutefois, les premiers administrateurs et même les administrateurs suivants ainsi que les
membres du directoire ou les gérants, selon le cas, sont « responsables du délit avec les fondateurs
qui ont eu recours à la simulation pour obtenir des souscriptions si, en connaissance de cause, ils
procèdent à l’appel des quarts subséquents au premier versement » (MERCADAL, B., « infractions
aux règles de constitution et d'augmentation du fonds social », Traité des sociétés, fasc.125.3. n° 34).
b) Les complices
Doivent être considérés comme complices, tous ceux qui, en connaissance de cause, préparent ou
facilitent le délit par des faits antérieurs ou concomitants à son exécution. C’est ainsi que la
jurisprudence française a eu à retenir comme complices :
- un commissaire aux comptes qui a affirmé devant l’assemblée générale des actionnaires un
bénéfice inexistant et qui a certifié sincère un bilan fallacieux ;
- un chef comptable qui falsifie les documents comptables et les procès-verbaux du conseil
d’administration ;
- les banquiers qui délivrent des reçus de complaisance.
En revanche, la complicité ne saurait être retenue à l’encontre :
- du directeur d’une société qui, malgré sa connaissance du défaut de libération des souscriptions,
n’a permis qu’ultérieurement au souscripteur fictif d’opérer un encaissement au préjudice de la
société. En effet, le fait étant postérieur à la consommation du délit, il ne peut être retenu comme
constitutif d’une complicité punissable ;
- du banquier qui a délivré des certificats relatant faussement qu’il détenait, immobilisés dans ses
caisses, des fonds représentant le premier quart, s’il n’est pas établi que lesdits certificats ont été
produits lors de la déclaration notariée.
2. Le déclenchement de la procédure
La procédure de répression peut être déclenchée aussi bien par l’action publique que par l’action
civile.
a) L’action publique
L’action publique existe dès l’instant où le délit est consommé. « Elle ne peut plus alors
disparaître : la régularisation du vice qui est à l’origine du délit n’a aucun effet sur elle». La
restitution des fonds obtenus par simulation ou le versement des fonds laissent entier le droit de
poursuivre le délit. De même, il importe peu que la société ait été ou non déclarée nulle.
L’action publique se prescrit par trois ans. Le délai court du jour de l’accomplissement du délit.
La fixation de ce moment soulève toutefois quelques difficultés et nécessite de distinguer selon
qu’il s’agit d’un délit consommé ou d’une simple tentative. Ainsi, si le délit est consommé, la
prescription part de la dernière souscription ou du versement ainsi obtenu, et en cas de tentative,
de chacun des actes qui, sous forme de souscriptions ou de versements simulés, aura eu pour effet
de provoquer d’autres souscriptions ou versements.
Mais d’autres auteurs estiment que le point de départ de la prescription devrait être le jour de
l’assemblée constitutive ou encore le jour de l’immatriculation de la société puisque c’est le
moment de la véritable naissance de celle-ci.
Toutefois M. B. MERCADAL juge que ce recul du point de départ de la prescription ne semble
pas justifié, le délit étant parfait dès l’instant où les souscriptions ou les versements ont été
obtenus. « La loi ne se préoccupe que de l’acte d’obtention, elle ne se réfère pas aux suites de ces
souscriptions ou versements ».
b) L’action civile
L’action civile appartient à toute personne qui a subi un dommage du fait de l’infraction si
certaines conditions sont remplies. En effet, il doit tout d’abord exister une relation directe entre
les souscriptions ou les versements et la simulation. Ce lien est présumé lorsque l’infraction est
consommée. La preuve contraire est cependant possible. Ensuite la victime doit être de bonne foi,
c’est-à-dire, ignorer la simulation qui l’a amenée à souscrire. En revanche, est irrecevable l’action
civile d’un actionnaire qui a souscrit en pleine connaissance de cause. Enfin, la victime ne doit pas
avoir intenté devant la juridiction commerciale, l’action en responsabilité contre les
administrateurs de la société fondée sur les mêmes causes. La règle ne joue pas, par contre, si
l’action intentée est l’action en nullité car les deux actions n’ont pas le même objet (Cass. Crim.,
27 janvier 1928, Revue des Sociétés 1928, p.109).
En pratique, l’action civile appartient aux actionnaires victimes des agissements frauduleux. Elle
appartient aussi à la société en tant qu’être collectif, l’action étant alors exercée par les
administrateurs contre les fondateurs ou d’autres administrateurs. Elle peut être également exercée
par un créancier de la société.
La publication de faits faux en vue d’obtenir des souscriptions ou des versements est prévue par
l’article 887. M. B. MERCADAL estime qu’il « s'agit là d’un même délit bien qu’à la lettre, les
textes paraissent établir trois incriminations ».
L’article 887-2° prévoit la « publication de souscriptions ou versements qui n’existent pas ou de
tous autres faits faux » tandis que l’article 887-4° retient la publication des « noms de personnes
désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à la société à un titre
quelconque ».
Dans toutes ces hypothèses, il n’y a en réalité qu’un seul type d’infraction constitué par la
publication de faits faux. Toutefois, le régime de ce délit « présente de nombreux points communs
avec le délit de simulation puisqu’ils ont le même le même but » (B. MERCADAL op. cit., n° 58).
Ce but commun poursuivi est d’obtenir des souscriptions ou des versements. Cependant, quelques
particularités les séparent tant du point de vue des éléments constitutifs que de la répression.
A) Les éléments constitutifs
Les éléments constitutifs du délit de publication de faits faux tournent autour d’un élément
matériel et d’un élément moral.
1. L’élément matériel
Matériellement le délit de publication de faits faux suppose un fait de publication, des faits faux et
l’obtention de souscriptions ou de versements.
a) La publication
La publication est réalisée par l’emploi de tout moyen d’information destiné à toucher le public.
Peu importe donc le moyen par lequel la publication est assurée. C’est ainsi que la publication
peut résulter soit d’une insertion dans des documents ayant un caractère officiel, tels que des
journaux d’annonces légales; soit d’une insertion dans des documents privés, ou de leur
distribution, tels que des circulaires ou des imprimés; soit d’articles parus dans la presse, tels que
des annonces radiodiffusées ou projetées sur un écran; soit encore de la tenue de propos en public,
notamment la présentation d’un faux bilan à l’assemblée générale des actionnaires (Cass. Crim., 18
mars 1986, Bull. crim. n°10).
En revanche, il n’y a pas de publication si les conversations sont privées ou si les faits sont
mentionnés à l’occasion de sollicitations individuelles de démarcheurs.
L’article 887-3° et 4° vise tout fait faux mais, curieusement, cite deux exemples particuliers de
faits faux : la publication de souscriptions ou de versements qui n’existent pas et la publication
des noms de personnes faussement désignées comme attachées à la société. En effet, des faits faux
quelconques, des souscriptions ou versements inexistants et des noms de personnes faussement
attachées à la société peuvent être retenus comme constitutifs du délit. D’abord, la jurisprudence
française a donné une interprétation très large du fait faux, retenant aussi bien les faits d’ordre
juridique que les faits d’ordre économique. Les faits faux d’ordre juridique sont, entre autres, ceux
qui consistent dans l’affirmation inexacte de la constitution régulière de la société, ou de la
souscription intégrale du capital social. Les faits d’ordre économique, quant à eux, peuvent
concerner : la publication de circulaires ou articles de journaux annonçant une hausse
considérable des actions, les affirmations inexactes sur le droit de propriété, la publication, dans
un code, de cours fictifs, etc.
Ensuite, on retient également la publication de souscriptions ou de versements qui n’existent pas,
même en l'absence de toute simulation, comme étant caractéristique de fait faux. Il suffit que l’on
« accrédite auprès du public un succès considérable de l’émission » alors qu’en réalité, ce sont les
fondateurs eux-mêmes qui ont souscrit cette dernière (Cass. Crim., 10 avril 1884, Revue des Sociétés
1885, p. 6).
Enfin, les noms de personnes faussement attachées à la société constituent une forme particulière
de fait faux que le législateur a cru devoir présenter à part, certainement en raison de la fréquence
de la fraude consistant à souligner les noms de personnes jouissant d'un grand crédit bien que
dépourvues de tout lien avec la société. Mais quel qu'il soit, le fait faux est répréhensible dans la
mesure où il implique une allégation de l'existence de certains faits, en réalité inexistants ou d'une
portée différente.
Il convient de noter que l'obtention de souscriptions ou de versements est un élément que ce délit
présente en commun avec celui de simulation. Il y a simplement à remarquer que la publication
doit avoir pour objet d'obtenir ou de tenter d'obtenir des souscriptions ou des versements.
2. L'élément intentionnel
B) La répression
Ce sont les mêmes peines que celles du délit de simulation de souscriptions ou de versements qui
s'appliquent en matière de publication de faits faux. Aussi convient-il d'envisager successivement
les personnes punissables et les actions en justice.
a) Les auteurs
Il s'agit de tous ceux qui ont publié des faits faux pour obtenir des souscriptions ou des
versements. En général, ce sont les fondateurs, les administrateurs ou les gérants de la société. La
détermination de ces personnes responsables se fait de la même façon que pour la simulation de
souscriptions ou de versements.
Particulièrement, il a été jugé que la qualité de coauteur peut être retenue à des individus qui
n'apparaissent pas de façon officielle comme fondateurs ou administrateurs de la société, dès lors
qu'ils ont été à l'origine de la publication des faits faux.
b) Les complices
Ont pu être considérés comme complices :
- "les démarcheurs qui, après avoir réuni les éléments mensongers destinés à faciliter l'émission
des actions, les ont portés à la connaissance du public sous forme de comptes rendus inexacts et
trop élogieux de l'affaire";
- les journalistes qui publient, en connaissance de cause, les articles mensongers conformément à
la demande des fondateurs ou administrateurs ;
- le conseil juridique qui prépare les actes frauduleux destinés à être publiés44.
2. Le déclenchement de la procédure
La procédure peut être déclenchée aussi bien par l'action publique que par l'action civile.
a) L'action publique
Elle obéit au même régime défini pour le délit de simulation de souscription ou de versement.
Seulement, la prescription de trois ans court à partir du jour du dernier versement effectué et non
du jour de la publication incriminée (Cf. C. DUCOULOUX-FAVARD, infractions aux règles de
constitution et d'augmentation du fonds social, Traité des sociétés, JCP 1988, n°8).
. Concernant la tentative, la prescription court, par contre, du jour de la publication.
b) L’action civile
C'est toujours les victimes du délit qui peuvent l'exercer dans les mêmes conditions que la
simulation de souscriptions ou de versements.
S'agissant des dommages et intérêts, la victime peut obtenir soit le remboursement des prix d'achat
des actions, soit l'allocation de la différence entre le prix d'achat et le prix de vente des titres, etc.
L'acte de société est un acte sous seing privé qui ne fait que l'objet d'une immatriculation au
registre du commerce et du crédit mobilier. Il ne fait pas l'objet d'une authentification par le
notaire. Mais pour que "soient affirmées aux yeux du public l'existence et l'authenticité du capital
d'une société par actions nouvellement créée, le législateur a exigé des fondateurs une déclaration
chez le notaire ou le dépositaire proclamant la sincérité des souscriptions et la réalité des
versements correspondants".
Et si le certificat de dépôt contient des allégations fausses, les auteurs de ces mensonges sont
punissables. En effet, selon l'article 887-1° et 2° de l'AUSC qui reprend les dispositions de l'article
433-1° de la loi française du 24 juillet 1966 : "encourent une sanction pénale, ceux qui,
sciemment, par l'établissement du certificat du dépositaire constatant les souscriptions et les
versements, auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu'ils savaient fictives ou
auront déclaré que des fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ont
été définitivement versés,…ou auront remis au dépositaire une liste des actionnaires mentionnant
des souscriptions fictives ou le versement de fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la
disposition de la société".
La réunion de certains éléments constitutifs permet l’ouverture des poursuites.
1. L'élément matériel
Les faits faux entachant la déclaration ne peuvent que porter sur les souscriptions qui sont dès lors
fictives, ou sur les versements qui n'ont pas été effectivement mis à la disposition de la société.
Pour qualifier de fictif un bulletin de souscription, il faut apprécier la validité de ce contrat tant à
l'égard de son contenu qu'à l'égard des parties et notamment, des souscripteurs. Ceux-ci doivent
"vouloir" devenir futurs actionnaires. En fait, la notion de souscripteur, pas plus que celle de
fondateur, ne se trouve dissociée de celle de futur associé. Celui qui "consent à apporter une part
du capital social, consent en même temps à devenir membre de la société. Il doit être mu par le
fameux affectio societatis, point névralgique d'une conception contractuelle de la société". C'est la
raison pour laquelle il a été jugé que lorsque ce désir de s'associer fait défaut, le souscripteur n'est
qu'un "prête-nom" et la souscription est fictive (Cass. Crim., 16 mars 1981, Bull. crim. n°94).
b) Le défaut de réalité des versements
Le certificat de souscription et de versement doit être fait non plus seulement par le notaire, qui
n'est plus nécessairement le dépositaire, mais par le dépositaire quel qu'il soit. Il est rare que celui-
ci certifie avoir reçu des fonds en dépôt si tel n'est pas le cas. Mais s’il lui arrivait de le faire,
l’exigence de réalité de versements ne serait pas satisfaite et l’élément matériel du délit serait
caractérisé.
2. L'élément intentionnel
La mauvaise foi résulte apparemment du fait que les auteurs de l'infraction savent que les
souscriptions sont fictives, notamment lorsqu'elles sont faites par des prête-noms. Comme l'avait
affirmé la cour de cassation, "l'absence d'intention réelle des prévenus de participer à la société se
déduit des éléments de fait, laissés à l'appréciation des juges du fonds, et la connaissance par ces
prévenus de la fausseté de ces déclarations résulte nécessairement de l'ensemble des éléments de
la cause". En d'autres termes, la mauvaise foi consiste à savoir que certains souscripteurs n'ont pas
l'affectio societatis.
B) Les poursuites
A côté de l'élément moral qui est l'aspect frauduleux, la lecture de l'article 887-4° fait apparaître
deux éléments matériels.
1. L'élément matériel
Il consiste dans le fait de participer à l'attribution de la valeur d'un apport et de l'existence d'une
évaluation excessive.
C'est la pratique dite du "mouillage" ou "watering" des apports. Certes, l'apporteur a le droit
d'obtenir, sauf fraude, le prix maximum de son apport. Toute la difficulté est de déterminer "la
valeur réelle" au regard de laquelle sera appréciée la majoration de valeur. La loi ne spécifie pas
ce qu'il faut entendre par valeur réelle. Les commissaires aux apports adoptent la méthode qui leur
semble la plus appropriée et ils peuvent ainsi prendre en considération certains critères objectifs
étrangers à la simple valeur vénale ou marchande. Donc, la seule valeur vénale a été écartée au
profit d'une valeur vénale corrigée. Cette notion n'est pas très précise elle aussi. Les juges avaient
admis le principe de la valeur vénale corrigée par la nature même de l'opération dans l'affaire
Willot bien qu'en l'espèce, le délit fût retenu, compte tenu d'une surévaluation manifeste (Trib.
corr. Paris, 16 mai 1974, D. 1975. 37; Crim., 12 avril 1976, Bull, 115; JCP 1977. II.18523, obs.
Guyon.)
Ce que la loi sanctionne, ce n'est pas une "bonne affaire" au profit de l'apporteur en nature mais
une évaluation manifestement excessive. Celle-ci est d'ailleurs laissée à l'appréciation des juges du
fond, toujours d'après la jurisprudence Willot. Par conséquent, toute majoration frauduleuse n'est
pas répréhensible : "elle doit être manifeste pour être punissable, ce qui implique non seulement
qu'elle procède d'une exagération de la valeur du bien, mais encore que cette exagération ne soit
pas compensée par la valeur subjective que le bien tire de son adéquation aux besoins de
l'exploitation sociale".
En plus, l'article 887-4° de l'AUSC n'exige pas que la majoration procède de "manœuvres", dès
lors qu'elle est "frauduleuse" : "le simple mensonge suffit donc à constituer l'élément matériel de
l'infraction, sans qu'il soit besoin que ce mensonge tire sa crédibilité d'une quelconque mise en
scène destinée à lui donner corps et, à la limite, une réticence dolosive opposée aux précautions ou
aux doutes réaliserait encore l'infraction.
Mais dans tous les cas, ce mensonge ou cette réticence dolosive porteront sur la valeur de l'apport
puisque la fraude implique une tromperie sur la réalité de celle-ci. C'est une valeur majorée qui
aura été invoquée : soit la valeur du bien est exagérée ; soit les charges qui la grèvent sont
occultées.
2. L'élément moral
L'élément moral reste défini comme la mauvaise foi, "sans qu'aucune différence bien nette ne
résulte, semble-t-il, de la substitution de l'adverbe "frauduleusement" au terme "sciemment" des
incriminations précédentes".
La surévaluation d'actif n'est donc pas une infraction purement objective car ceux qui "y
participent doivent être de mauvaise foi". Mais cet aspect frauduleux de l'infraction doit être
apprécié différemment selon les personnes qui ont participé à sa réalisation. La mauvaise foi des
uns et des autres résulte d'attitudes différentes. L'apporteur est en droit de faire valoir au
maximum ce qu'il apporte. N'est-il pas alors mieux adapté de requérir des manœuvres
frauduleuses à son encontre ?
Par contre, pour les commissaires aux apports qui "remplissent une fonction de gérant d'une
expertise honnête d'évaluation, l'élément moral doit être apprécié plus sévèrement. Cependant, il
n'est pas question de les rendre automatiquement responsables d'une surévaluation qu'ils auraient
dû savoir excessive. C'est le terme "frauduleusement" et non pas celui de "sciemment" qui a été
retenu par le législateur". C'est ce qui pousse les tribunaux à rechercher quelle connaissance
objective avaient les experts lorsqu'ils ont procédé à l'évaluation.
Toutefois, la seule connaissance de la surévaluation peut suffire, aucune volonté de tromper
n'étant requise expressément. Il semble impossible de tirer conséquence de la notion de fraude
pour prendre en considération, en plus du dol général, un dol spécial qui mettrait en cause le but
poursuivi par l'agent.
B) Les poursuites
La loi ne spécifie pas la qualité de la personne, auteur de l'infraction. Ce n'est donc pas un délit de
fonction. Mais généralement, les apporteurs ou les commissaires aux apports en sont les auteurs.
L'action publique se prescrit par trois ans à compter de la commission de l'infraction ; le point de
départ étant le jour de l'apport frauduleux, c'est-à-dire lors de l'approbation en assemblée.
La tentative n'est pas punissable, ce qui signifie que si tout a été "mis en place pour essayer de
faire adopter un apport en nature surévalué, la malhonnêteté ne peut être poursuivie sur la base de
ce texte.
Par contre, les auteurs de tels actes pourraient être poursuivis pour tentative d'escroquerie.
CHAPITRE II : L’ACTIVITE D’UNE SOCIETE IRREGULIEREMENT CONSTITUEE
Lors de la constitution de la société, ses fondateurs doivent respecter les conditions fixées par
l’Acte Uniforme. Et le droit pénal intervient pour sanctionner les constitutions irrégulières
directement ou indirectement. C’est ainsi que les articles 886 et 888 de l’AUSC incriminent
l’émission d’actions et la négociation de celles-ci lorsque la constitution de la société n’a pas été
réalisée ou bien lorsque cette constitution n'a pas été bien réalisée.
Les actions de société sont des parts d’associés dans les sociétés dites de capitaux qui sont
caractérisées par leur libre cessibilité de principe et se présentent comme des fractions du capital
social servant d’unité aux droits et obligations des associés.
L’AUSC n’a pas donné une définition des actions, mais il a déterminé les règles qui leur sont
applicables et dont la violation entraîne des sanctions tant en ce qui concerne leur émission
(Section 1) que leur cession (Section 2).
L’article 886 de l’AUSC dispose : « est constitutif d’une infraction pénale, le fait, pour les
fondateurs, (...) d’émettre des actions avant l’immatriculation, à n’importe quelle époque lorsque
l’immatriculation est obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement constituée ». Cette
infraction sanctionne donc l’obligation pour les fondateurs et les Administrateurs de vérifier la
régularité de la constitution de la société, ainsi que son immatriculation, avant de procéder à toute
émission de titre. La formulation de ces articles laisse croire que les irrégularités constituent un
élément constitutif de cette infraction. En vérité, elles constituent une condition de l’infraction, un
préalable à celle-ci.
L’article 886 de l’AUSC punit l’émission d’actions d’une société constituée de façon irrégulière.
Ces irrégularités concernent l’inobservation de certaines règles relatives à la constitution des
sociétés anonymes, à l’émission avant l’immatriculation ou à la suite d’une immatriculation
frauduleuse. En plus, l’article 905 de l’AUSC sanctionne l’émission irrégulière dans les sociétés
faisant appel public à l’épargne.
L’émission d’actions est répréhensible si l’immatriculation fait défaut ou si, d’une façon plus
générale, les formalités de constitution ne sont pas régulièrement accomplies.
B) Les règles propres à la constitution des sociétés faisant appel public à l’épargne
Sont réputées faire publiquement appel à l’épargne les sociétés dont les titres sont inscrits à la côte
officielle, à compter de cette inscription, ou qui, pour le placement des titres, ont recours à des
établissements de crédit.
En plus des formalités communes, l’article 905 de l’AUSC prévoit d’autres actes dont le défaut
rend l’émission illégale. En fait, préalablement à toute émission, une notice doit être insérée dans
un journal d’annonces légales. Les prospectus et circulaires reproduisent les énonciations de la
notice. Les affiches, les prospectus et les circulaires doivent mentionner la signature de la
personne ou du représentant de la société de qui l’offre émane et préciser si les valeurs offertes
sont cotées ou non et, dans l’affirmative, à quelle bourse.
Ces irrégularités constituent un préalable nécessaire à la réalisation du délit d’émission irrégulière
d’actions de société.
Pour que cette infraction soit constituée, il faut la réunion d'un élément matériel et d'un élément
intentionnel.
Le terme « émission » a revêtu deux sens différents. Dans son sens large, il est employé comme
synonyme d’introduction de titres en bourse ou d’appel à une souscription publique. Dans son
sens restreint le terme a un sens plus précis : les titres n’étant plus matérialisés que par une
inscription au compte de leur propriétaire, ils se transmettent par virement de compte à compte.
Ces problèmes soulevés par la notion d’émission ne se posent plus tellement. Il est tout de même
certain que « l'infraction est commise lorsque les titres, matériellement créés, sont séparés, de leur
souche et remis effectivement aux ayants droit ». Seulement, on peut retenir l'émission « …dès la
constitution définitive de la société, autrement dit, (…) définir l’élément matériel du délit
d’émission comme reposant sur la création juridique des titres » (M. DELMAS-MARTY op. cit. p.
253). Même s’il n’y a pas lieu de distinguer selon que les titres sont des actions de numéraire ou
des actions d’apport. (Cass. Crim, 6juin 1885, revue des Sociétés 1885, p.).
L’infraction est encore réalisée même si « les titres émis se rapportent à des souscriptions
régulières, dès lors que la société n’est pas légalement constituée du fait de certaines souscriptions
irrégulières ».
En outre, pour pouvoir apprécier si le délit d’émission peut ou non être relevé, il importe de faire
une distinction. En effet, s’il ne s’agit que d’une simple pièce justificative remise à un
souscripteur à l’appui de sa souscription ou de son versement, tels un récépissé, un reçu ou un
double du bulletin de souscription, un tel document ne saurait être assimilé à une action.
En revanche, le délit existe si le titre, quelles que soient sa dénomination et sa forme, délivré à
l’actionnaire postérieurement à la constitution de la société, confère à celui-ci tous les droits d’un
actionnaire. Il s’agit donc essentiellement d’une question de fait. Peu importe que le titre soit
négociable ou non. De même, il importe peu que l’émission intervienne avant ou après la
constitution de la société. Ainsi, « il faut, mais il suffit, que les titres délivrés représentent la
société comme légalement constituée, alors qu’en réalité les règles de constitution n’ont pas été
respectées». Car ce que la loi punit à travers les articles 886 et 905, ce n’est pas l’irrégularité de la
constitution, mais l’émission de titres qui font croire à une constitution régulière. (V. Cass. Crim.,
20 juill. 1906, Revue des Sociétés 1907, p. 556).
B) L’élément moral
La loi ne requiert pas une intention frauduleuse. Ainsi, le « délit peut être constitué, même en
l’absence de mauvaise foi, par le seul fait de l’émission, dès lors qu’est établie l’existence de l’une
des irrégularités exigées ».
Toutefois, une faute matérielle est nécessaire, même si parfois elle est présumée, sauf s’il y a une
« impossibilité absolue de prévoir et d’empêcher l’infraction ». Pratiquement, l’infraction est un
délit de fonction. Les personnes responsables sont en principe, celles qui étaient dans la possibilité
de commettre une faute, ne serait-ce qu’une simple négligence capable de fonder la culpabilité de
l’auteur. Il en résulte que les principaux auteurs sont en général les fondateurs, le président, les
administrateurs ou les directeurs, les gérants ou encore toute personne qui, directement ou par
personne interposée, aura en fait, dirigé, administré ou géré la société.
Section 2 : La négociation d'actions
L’article 888 dispose : « encourent une sanction pénale, ceux qui auront sciemment négocié :
- des actions nominatives qui ne sont pas demeurées sous la forme nominative jusqu’à leur entière
libération ;
- des actions d’apport avant l’expiration du délai pendant lequel elles ne sont pas négociables ;
- des actions de numéraire pour lesquelles le versement du quart du nominal n’a pas été effectué ».
A la différence de l’article 886 incriminant l’émission d’actions irrégulières, cet article ne réprime
pas l’inobservation de toutes les formalités de constitution. Il tend simplement à sanctionner la
négociation irrégulière d’actions qui peuvent faire l’objet de transactions sur le marché financier.
N'est réprimée que l’inobservation des formalités légales relatives à la défense de négociation de
certaines actions. En effet, l’article 886 vise les fondateurs et dirigeants de la société qui peuvent
être tenus pour responsables des vices de la constitution.
L’article 888, quant à lui, frappe les auteurs de la négociation quels qu’ils soient auxquels on ne
saurait reprocher que l’inobservation des formalités qui leur sont imputables.
§1 : Les irrégularités rendant illicite la négociation
Outre la négociation d’actions, l’article 888 vise des irrégularités qui ont trait à la forme des
actions, à leur délai de négociabilité et au défaut de versement du quart. Ainsi, à la différence de
l’article 434 de la loi française, la valeur des actions n’est pas prise en compte. En plus, les
coupures d’actions et les promesses d’actions ne sont pas non plus visées.
Concernant la forme des actions, la violation des prescriptions légales consiste principalement
dans la mise au porteur d’actions non encore libérées. En effet, l’action de numéraire est
nominative jusqu’à son entière libération. Ainsi, l’article 888 –1° punit la négociation « des
actions de numéraire qui ne sont pas demeurées sous la forme nominative jusqu’à leur entière
libération ». La forme au porteur de tels titres est donc irrégulière et leur négociation illicite. Mais
« si les titres au porteur, non libérés lors de la cession, l’étaient au jour de leur livraison, cette
régularisation postérieure effacerait le caractère délictueux de l’infraction ».
Ailleurs, en France par exemple, il est fait exception à la règle de non négociabilité des actions
d’apports dans les cas suivants :
- fusion ou apport par une société d'une partie de ses éléments d’actif à une autre société ;
- actions remises par une société dont les actions sont admises à la cote officielle des bourses de
valeurs ;
- apport de l’Etat ou d’un établissement public national à une société de biens faisant partie de son
patrimoine.
B) Les irrégularités relatives au délai de négociabilité
L’article 888–2° sanctionne la négociation des actions d’apport avant l’expiration du délai
pendant lequel elles ne sont pas négociables. Donc sont réputées illicites toutes les formes de
négociation de ces actions avant l’expiration du délai légal. Par contre, en France, l’interdiction
temporaire de négocier, initialement prévue à l’article 278 de la loi de1966, a été supprimée par la
loi du 05 janvier 1988.
L’article 888-3° réprime, en outre, la négociation «des actions de numéraire pour lesquelles le
versement du quart n’a pas été effectué ». Par conséquent, la liberté de négociation des actions
commence à partir de la date à laquelle est intervenu le versement du quart. Le délit de
négociation irrégulière d’actions n’existe qu’autant que la négociation porte sur des actions qui,
prises individuellement, ne sont pas libérées du quart.
Cependant, cette interprétation n’est pas unanimement adoptée. Elle est contestée par certains
auteurs (notamment COPPER-ROYER). Toutefois, la jurisprudence répressive approuvée par la
majorité des auteurs ne retient le délit de négociation que si les actions négociées ne sont pas
libérées du quart (Cass. Crim., 19 mai 1926, Journal des Sociétés 1928, p. 280). En effet, « il serait
contraire à la lettre et à l’esprit de la loi de rendre pénalement responsables des souscripteurs qui
négocient leurs titres régulièrement libérés sous le prétexte que d’autres souscripteurs n’ont pas
rempli leurs obligations».
L'infraction relative à la négociation d'action prévue par l'article 888 de l'AUSC ne peut être
constituée que lorsqu'il est établi l'existence d'un élément matériel (A) et d'un élément moral (B).
Le terme «négociation » est susceptible d’une double interprétation. Il peut signifier la vente de
titres sur un marché public, en banque ou à la Bourse, nécessitant la participation d’un
intermédiaire.
Dans une acceptation plus large, il peut s’entendre de toute aliénation de titres dans la forme
commerciale (par transfert ou virement de compte à compte, endossement ou tradition manuelle
suivant la nature du titre). « Si la doctrine s’est maintenue ferme sur cette dernière interprétation,
la jurisprudence s’est successivement prononcée pour l’une et l’autre interprétation ». A l’origine,
elle considérait comme échappant aux sanctions, les seuls transferts de propriété de titres réalisés
suivant les modes du droit civil (V. Cass, Crim., 6 juin 1885, Revue des Sociétés 1885, P. 5198).
Puis, se séparant de l’avis de la doctrine et par analogie avec l’interprétation donnée au terme
«négociation» de l’article 16 du code de commerce, elle écarta les négociations de gré à gré.
Cependant, depuis l’arrêt de la chambre criminelle du 17 octobre 1924, la jurisprudence est
revenue à sa première distinction et celle-ci paraît maintenant solidement établie (Cass. Crim, 17
oct. 1924, Journal des Sociétés 1926, p. 205 ; 10 juill. 1926, Revue des Sociétés 1926, p. 445).
En définitive, les contrats opérant les négociations susceptibles d’entraîner l’application de
l’article 888 sont les actes à titre onéreux dès lors qu’ils réalisent un transfert de propriété : vente,
dation en paiement, report en Bourse,..
Le délit de négociation suppose un élément intentionnel. En effet, l’article 888 de l’AUSC dispose
qu’il doit avoir été commis « sciemment ». Donc, la mauvaise foi est clairement requise. En
vérité, «la situation doit être nuancée, du fait que la négociation des actions n’est pas
nécessairement commise par le personnel dirigeant de la société ». Lorsqu’il s’agit d’une personne
étrangère à l’irrégularité rendant la négociation coupable, la mauvaise foi est requise pour la
constitution de l’infraction. La connaissance de l’irrégularité ne saurait être présumée si la simple
inspection du titre ne permet pas de s’en rendre compte. La preuve de la mauvaise foi doit alors
être établie.
Par contre, si l’aspect même du titre rend l’irrégularité apparente ou si la négociation irrégulière
est le fait d’une personne ayant participé à la constitution irrégulière de la société, la simple
négligence suffit alors du fait de la présomption de mauvaise foi qui frappe cet auteur. Il s’agit en
vérité, d’une présomption quasi-irréfragable de la connaissance de l’irrégularité (V. Cass. Crim., 25
nov.1937, Revue des Sociétés 1938, p. 157).
Les sanctions pénales qui peuvent être prononcées contre les auteurs des infractions relatives à
l'activité d'une société irrégulière sont mise en oeuvre à la suite d'action en responsabilité, à
l'initiative du parquet ou des victimes. Ces actions en responsabilité visent généralement les
principaux responsables c'est à dire les personnes ayant commis directement l'infraction, mais
elles peuvent également concerner les personnes qui ont collaboré à la commission du délit. Les
auteurs et les collaborateurs constituent donc les personnes punissables ( §1) qu'il faut d'abord
identifier avant de mettre en oeuvre les actions en responsabilité. (§2)
§1: Les personnes punissables
Les infractions relatives à l’activité d’une société irrégulière peuvent être l’oeuvre de personnes
qui sont soit les auteurs principaux, soit des complices.
B) Les complices
Malgré le caractère non intentionnel du délit d’émission, la complicité est réprimée, mais selon les
règles du droit commun. Cette complicité est subordonnée à la constatation de la mauvaise foi de
l’auteur, c’est-à-dire, en l’espèce, la connaissance de l’irrégularité entachant la constitution de la
société. Ainsi, pourront être poursuivis comme complices l’administrateur ou le fondateur qui
n’était plus en fonction au jour de l’émission mais qui a participé aux délibérations préalables à
cette émission (Cass Crim, 30 mai 1930, Semaine Juridique 1930, p.129), les démarcheurs, banquiers
qui ont assuré l’émission ou se sont entremis pour faciliter la constitution frauduleuse de la société
ayant procédé à l’émission (V. Cass. Crim., 28 février 1985, D. 1885, 1, p. 329).
En outre, pourront être reconnus comme complices, dans les termes du droit commun, tous ceux
qui, en connaissance de cause, ont favorisé les négociations portant sur des titres irréguliers. C’est
ainsi que la participation à la négociation irrégulière peut être considérée comme un acte de
complicité.
Les actions en responsabilité dirigées contre les auteurs du délit sont mises en oeuvre soit par le
Ministère public qui peut déclencher l'action publique, (A) le cas échéant, soit par les personnes
lésées à qui revient le droit d'exercer l'action civile pour obtenir réparation du préjudice qu'elles
ont subi (B).
A) L’action publique
La recevabilité de l’action publique, en ce qui concerne le délit d’émission n’est pas subordonnée
à l’annulation préalable de la société.
La prescription, comme pour tout délit, est de trois ans. Elle part de l’émission, même si les
irrégularités de constitution de la société remontent à plus de trois ans avant la date d’émission.
En effet, ce n’est pas l’irrégularité de constitution qui est réprimée, mais l’émission de titres
laissant croire à sa constitution régulière.
Quant à la négociation, la prescription de trois ans court à partir du jour où le délit est consommé,
c’est-à-dire de la date du transfert, de l’endossement ou de la remise du titre, selon le mode de
transmission adopté.
Toutefois, la réparation du vice n’a d’effet que si elle intervient avant la négociation car les titres
négociés ne pourront plus être considérés comme irréguliers. Par contre, une régularisation
postérieure à la négociation est sans influence sur l’action pénale, le délit étant consommé.
B) L’action civile
Toute personne lésée du fait du délit est recevable dans sa demande de dommages et intérêts, dans
les termes de l’article 1382 du code civil, et comme partie jointe à l’instance pénale. Il lui suffit de
prouver l’existence d’un intérêt direct. Toutefois, la partie civile ne réussira pas toujours dans sa
demande s’il s’agit du délit d’émission. En effet, son préjudice est malaisé à apprécier, car il tient
plus à l’inobservation des règles de constitution de la société qu’à l’émission elle-même. Dans ce
cas, l’action en partie civile appartient généralement au souscripteur des actions et éventuellement
au créancier de la société (V. Cass. Crim., 8 mai 1903, Journal des Sociétés 1903, p.342).
Quant au délit de négociation, l’action civile basée sur le préjudice imputable aux faits de
négociation de titres irréguliers est distincte de l’action en nullité de la cession de ces titres. La
partie civile, qui ne pourra être que l’acheteur des actions devra établir sa bonne foi et la relation
de cause à effet entre la négociation et le préjudice subi (Cass. Crim., 4 avril 1930 : DP 1930, 1, 95).
TITRE II : LES INFRACTIONS LIEES AU FONCTIONNEMENT DES SOCIETES
Une fois constituée, la société doit entretenir une activité pour réaliser son objet social. Il est alors
"essentiel d'assurer son fonctionnement normal; et les règles pénales vont avoir pour objet de
protéger tous ceux qu'une gestion frauduleuse, voire simplement trop imprudente, mettrait en
péril"
A ce stade, la société est supposée régulièrement constituée, "gouvernée" par ses dirigeants et
contrôlée par des commissaires aux comptes. Ces dirigeants sociaux qui ont tout pouvoir pour
engager la société sans avoir à justifier d'un mandat spécial, sont chargés d'assurer la gérance,
l'administration, la direction de la société, selon les cas. Et pour éviter des abus, le droit pénal a
prévu un certain nombre d'infractions relatives à cette gestion des affaires sociales (Chap. I)
Par ailleurs, une comptabilité est nécessaire et même obligatoire pour le fonctionnement de toute
société. Là également, les dirigeants, aidés dans leur tâche par les commissaires aux comptes, sont
appelés à administrer cette comptabilité qu'ils peuvent au demeurant mettre à leur disposition,
compromettant ainsi les intérêts des associés et même des tiers.
Aussi, le législateur a-t-il prévu également à ce niveau, une série d'infractions. (Chap. II).
Pour mener à bien la mission qui leur est confiée, les organes légaux de la société sont dotés de
pouvoirs plus ou moins étendus. Il faut alors éviter qu'ils n'en abusent ou entravent l'exercice de
droits légaux. Car il est clair que "tout homme qui du pouvoir est porté à en abuser". Comment
pouvait-il en être autrement pour les organes de la société qui, "du fait de leur position, font
confiance aux détenteurs de ces pouvoirs, lesquels trouvent dans leur situation même les moyens
d'abuser de leurs droits, et il est même un savoir qui confère à ceux qui le détiennent un pouvoir
de fait, dont certains se laissent aller à trop bien user".
Les dirigeants qui ont pour fonction d'user de ces pouvoirs et de ce savoir doivent tout de même
se garder d'en abuser aussi bien dans le cadre de la gestion proprement dite (Section1) que du
contrôle dont cette gestion doit faire l'objet (Section 2).
Dans le cadre de la gestion de la société, les dirigeants peuvent abuser des biens et du crédit de la
société (§1). De même, ils peuvent porter atteinte au droit des associés de participer à la vie
sociale (§2).
§1: L'abus des biens et du crédit de la société
L'article 891 de l'AUSC incrimine des abus portant sur des valeurs patrimoniales que représentent
les biens sociaux ou le crédit de la société. En fait, il dispose que les dirigeants de sociétés
commerciales "qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils
savaient contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour
favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés, directement ou
indirectement", encourent une sanction pénale.
Sur ce point, l'article 425 de la loi française du 24 juillet 1966 est plus sévère. En effet, ces articles
portent en plus sur les abus relatifs aux prérogatives exercées par les dirigeants sociaux dans le
cadre de leur mission, à savoir les pouvoirs et les voix dont ils disposent. S'agissant du délit d'abus
des biens et du crédit sociaux, il convient d'analyser les éléments constitutifs avant d'en arriver à
la répression.
1. L'élément matériel
Les abus incriminés sont tous caractérisés par un usage contraire à l'intérêt social. Les biens
sociaux correspondent à l'ensemble de l'actif mobilier et immobilier de la société destiné à l'intérêt
social. Par contre, le crédit social, c'est "la confiance" qui s'attache à la société en raison de son
capital, de la nature des affaires et de sa bonne marche.
Mais quel qu'en soit l'objet, l'abus nécessite un double élément matériel : il suppose d'abord, un
usage qui doit être ensuite, contraire à l'intérêt social.
a) L'usage
L'infraction est réalisée par le seul usage, même en dehors de toute appropriation. Il peut s'agir
donc d'actes de disposition ou d'administration. Il peut s'agir également d'un acte positif ou même,
selon une jurisprudence extensive, d'une abstention (Cass. Crim. 15 mars 1972, Revue des Sociétés
1973, p. 357 : le gérant s'était abstenu de réclamer à une S.A dont il est par ailleurs un administrateur
le paiement de livraisons faites à celle-ci).
101. Mais cet acte ou cette abstention peuvent en même temps être constitutifs d'un abus de
confiance, car dans tous les cas il y a une confusion entre le patrimoine social et celui de l'auteur.
Toutefois, ces abus auront, sinon toujours porté une atteinte effective au patrimoine social (Cass.
Crim., 19 oct. 1971, Bull. crim. n°272), du moins fait courir à celui-ci un risque anormal auquel il
n'aurait pas dû être exposé (Cass. Crim, idem.).
L'usage n'est punissable que s'il est contraire à l'intérêt de la société. L'appréciation n'en sera pas
laissée aux associés ou à l'assemblée : l'intérêt de la société ne se confond pas toujours avec celui
des associés. La cour de cassation considère en effet que l'accord des uns et l'assentiment des
autres ne fait pas disparaître l'abus : "la loi ayant pour but de protéger non seulement les intérêts
des associés, mais aussi le patrimoine de la société et des tiers qui contractent avec elle".
2. L'élément moral
L'élément moral est double. L'article 891 de l'AUSC se réfère à la "mauvaise foi de l'auteur de
l'abus". Mais en plus il requiert un dol spécial relatif à la poursuite de fins personnelles.
L'infraction suppose que l'agent ait su que son acte était contraire à l'intérêt social. L'acte
incriminé est donc une infraction intentionnelle caractérisée par la conscience que l'usage des
biens ou du crédit de la société est contraire à l'intérêt de celle-ci. La mauvaise foi doit être
appréciée au moment de l'acte constitutif du délit. De plus, la cour de cassation a admis que
l'infraction était constituée lorsque l'intention frauduleuse résulte de ce que "par négligence et
défaut de surveillance, les dirigeants de la société n'ont pas utilisé leurs pouvoirs pour s'opposer
aux entreprises des véritables animateurs de leur société.
b) Le dol spécial : le but d'intérêt personnel
Le but d'intérêt personnel peut être double : l'article 891 visant aussi bien un usage à des fins
personnelles, donc direct, que la faveur accordée à une ou plusieurs autres personnes.
B) La répression du délit
Le délit d'abus des biens et crédits sociaux est sanctionné par la loi sénégalaise portant sur les
sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l'Acte Uniforme relatif aux droits
des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique d'un emprisonnement d'un à
cinq ans et d'une amende de 100000 à 5000000 de F CFA (voir article 6 de la loi 98-22 du 26 mars
1998).
Les sanctions prévues ne peuvent en principe frapper à titre d'auteurs des délits que les seuls
gérants de la société. En effet, l'article 891 de l'AUSC vise expressément "les administrateurs, le
président directeur général, le directeur général, l'administrateur général ou l'administrateur
général adjoint". Cet article ne vise pas les dirigeants de fait, contrairement à l'article L.431 de la
loi de 1966. Pourtant "la cour de cassation a pu considérer, dans une espèce où les abus étaient
reprochés au président d'un GIE dont la SARL était membre, que la qualité de dirigeant de fait de
cette société ne pouvait lui être reconnue mais seulement celle de mandataire justifiant une
poursuite pour abus de confiance".
Par ailleurs, les participants au délit pourront non seulement être poursuivis en tant que complices,
mais encore, "à défaut, en qualité d'auteurs d'un recel de choses".
2. La prescription
Le point de départ du délai de prescription de l'action publique, en principe fixé au jour de l'abus
ou du moins, au jour où l'abus a pris fin, est ici reculé par la jurisprudence non seulement jusqu'au
moment où le délit est apparu mais encore jusqu'au moment où il peut être constaté dans des
conditions permettant l'action publique (Cass. Crim., 10 août 198, Gaz. Pal. 1981, 2, 696 ; Revue des
sociétés 1983, 368, note Bouloc).
Les associés représentent les porteurs de parts ou d'actions à qui la loi reconnaît un certain nombre
de droits sous la menace de sanctions pénales. Il s'agit essentiellement des droits des actionnaires
dans les sociétés par actions. Ces dispositions sont également applicables aux Sociétés à
responsabilité limitée, sociétés en nom collectif, et en commandite simple. Mais généralement les
actionnaires ne peuvent intervenir dans la vie sociale qu'en leur qualité de membre de l'assemblée
générale. Ce sont alors leurs droits au sein de celle-ci qui doivent être pénalement garantis. Ces
droits sont nombreux et divers, allant de la convocation de l'assemblée à la tenue de celle-ci, en
passant par l'exercice du droit de vote et l'accès à l'assemblée.
Toutefois, l'Acte Uniforme de l'OHADA n'incrimine que l'obstacle à l'accès à l'assemblée. Est-ce
un souci de décriminaliser après avoir apprécié l'impertinence de sanctionner pénalement des
actes de convocation ? Le titre 3 qui ne comprend que le seul article 892 dispose : "encourent une
sanction pénale, ceux qui, sciemment, auront empêché un actionnaire ou un associé de participer à
une assemblée générale".
A) L'entrave à la participation
Tout actionnaire, quelle que soit la nature de l'action (de capital, d'apport, de jouissance, de
priorité), fait partie de l'assemblée. Il s'agit d'ailleurs là d'un droit fondamental de l'actionnaire
pénalement protégé. C'est ainsi que l'article 892 de l'AUSC réprime l'entrave à la participation à
une assemblée d'actionnaires. Les peines frappent tous ceux qui ont empêché sciemment un
actionnaire de participer à une assemblée. L'infraction sera réalisée même si aucune décision n'a
été prise par l'assemblée car, "il est en effet possible que les faits d'entrave aient pour but de faire
obstacle à l'existence du quorum".
B) L'élément intentionnel
L'article 892 de l'AUSC fait de l'élément moral, une exigence : il emploie l'adverbe "sciemment".
Cette exigence d'un élément intentionnel "défini comme le fait d'agir en connaissance de cause
n'entraîne cependant pas, conformément aux principes généraux du droit pénal, l'exonération du
prévenu qui invoque l'erreur de droit".
C'est ainsi que la jurisprudence (Cass. Crim, 3 octobre 1975, précité) retient qu'est considéré comme
ayant commis l'infraction, le président du conseil d'administration qui, à la suite d'un décès, se
croyant seul propriétaire des actions en litige, empêche le mandataire des héritiers, de prendre part
aux délibérations et aux votes de l'assemblée.
Pour éviter que les dirigeants sociaux se livrent facilement à des actes d'aliénation du patrimoine
social, le législateur a prévu tout un système de contrôle de sa gestion. C'est ainsi que l'article 694
de l'AUSC précise que "le contrôle est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs
commissaires aux comptes". Toutefois, ces commissaires aux comptes ne peuvent exercer leur
fonction au mépris d'incompatibilité. En effet, l'Acte Uniforme interdit à certaines personnes de
devenir contrôleur de la société, par exemple les apporteurs en nature, les administrateurs, certains
parents ou alliés de ces personnes, etc.
L'article 898 de l'AUSC condamne tout individu qui, en son nom personnel ou à titre d'associé
d'une société de commissaires aux comptes, aura sciemment accepté, exercé ou conservé les
fonctions de commissaire aux comptes nonobstant les incompatibilités légales. Mais ne sont
visées que les incompatibilités et non les incapacités. L'infraction suppose que l'acceptation,
l'exercice ou la conservation des fonctions ait eu lieu en connaissance de cause. La prescription de
l'action publique part du jour de la cessation des fonctions ou du moment où prend fin la cause
d'incompatibilité.
Hormis ces infractions relatives aux incompatibilités, le législateur "ohada", à travers le titre 5,
aborde la question du contrôle sous un double aspect : d'une part la répression des infractions au
contrôle, commises par les dirigeants de la société et qui constituent alors un obstacle à ce
contrôle, d'autre part les infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes,
dans l'exercice de leur fonction et qui se présentent sous forme d'un refus de contrôle.
§1: L'obstacle au contrôle
Cet obstacle au contrôle est le fait des dirigeants sociaux. En effet, "désireux d'écarter un contrôle
seulement gênant ou franchement dangereux pour eux s'ils ont commis des actes délictueux, les
dirigeants sociaux peuvent y mettre obstacle de manière plus ou moins directe" (Voir les articles
376 pour les SARL et 694 pour les SA). C'est ainsi qu'ils peuvent ne pas désigner les commissaires
aux comptes ou, une fois qu'ils les ont désignés, ne pas les convoquer aux assemblées
d'actionnaires. Ils peuvent également faire obstacle à leurs vérifications ou leur refuser la
communication de documents.
Les commissaires aux comptes sont en principe désignés par les statuts de la société ou lors de la
constitution de celle-ci, par l'assemblée constitutive, ou encore lors de la vie sociale, par
l'assemblée générale ordinaire. Pourtant, malgré leur rôle essentiel pour la transparence de la
gestion, les dirigeants sociaux peuvent, par leur volonté ou par leur négligence, s'opposer à leur
désignation en ne la provoquant pas. Ils peuvent, en outre, lorsque les commissaires aux comptes
sont légalement nommés, ne pas les convoquer aux assemblées générales ; tout cela, dans la
perspective de s'opposer à l'exercice effectif de leur mission de contrôle. Pour cette raison, l'article
897 de l'AUSC menace d'une sanction pénale "les dirigeants sociaux qui n'auront pas provoqué la
désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqués aux
assemblées générales". On peut légitiment supposer également que ces dispositions concernent le
remplacement des organes de contrôle en cas de démission ou de décès.
Enfin, il convient de rappeler que toutes les sociétés ne sont pas légalement tenues d'avoir des
commissaires aux comptes. Celles qui sont obligées d'en avoir sont principalement les sociétés
anonymes et certaines SARL limitativement énumérées.
Ce délit prévu à l'article 900 de l'AUSC est plus grave que le précédent et est puni de peines plus
sévères. La loi prévoit un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 500.000 à 5000.000
de francs CFA ou de l'un de ces deux peines seulement (Article 15 de la loi 98-22 du 26 mars 1998
portant sur les sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l'Acte Uniforme relatif
aux droits des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique.)
L'obstacle aux vérifications ou au contrôle des commissaires aux comptes ou encore le refus de
leur communiquer les documents nécessaires à leur contrôle nécessite la mauvaise foi de l'auteur.
L'infraction peut être commise non seulement par les dirigeants sociaux, c'est à dire le président,
les administrateurs et les directeurs généraux, mais aussi par "toute personne au service de la
société".
1. L'élément matériel
L'élément matériel de l'infraction consiste en un obstacle mis aux vérifications ou au contrôle des
commissaires aux comptes ou encore en un refus de leur communiquer sur place toutes les pièces
utiles à l'exercice de leur mission, notamment tous contrats, livres, documents comptables et
registres de procès-verbaux. Parfois la jurisprudence a assimilé au refus proprement dit "la simple
réticence à fournir des explications, l'atermoiement inexcusable, la production partielle de
documents". Elle a même reconnu le délit réalisé alors que le commissaire aux comptes a déclaré
au tribunal qu'il "ne pensait pas que le prévenu ait fait obstacle à sa mission, car il ne lui avait
jamais refusé les documents".
2. La mauvaise foi
L'article 900 de l'AUSC exige un élément intentionnel pour que l'infraction d'obstacle aux
vérifications ou contrôle ou de refus de communication des documents de contrôle soit réalisé. En
effet il est nécessaire que l'action soit accomplie "sciemment", c'est-à-dire en toute connaissance
de cause. Mais le plus souvent cette mauvaise foi de l'auteur de l'infraction se déduira de l'élément
matériel lui-même (V. Cass. Crim., 14 janv. 1981, Gaz. Pal., 25-26 mars 1981).
.
§2 : Le refus de contrôle
Aux termes de l'article 716 de l'AUSC, "le commissaire aux comptes signale les irrégularités et les
inexactitudes relevées par lui au cours de l'accomplissement de sa mission, à la plus proche
assemblée générale. En outre, il révèle au ministère public les faits délictueux dont il a eu
connaissance, sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette révélation. De ce fait le
commissaire aux comptes est investi d'une mission permanente de contrôle de la situation
comptable de la société. Et en violant cette mission, il commet un délit analysé comme une
complicité ou un délit autonome". En effet, le commissaire aux comptes peut engager sa
responsabilité pénale sur le fondement d'une complicité du délit de présentation de comptes
annuels ne donnant pas une image fidèle de la situation de la société. Il peut aussi directement
engager sa responsabilité en refusant de dénoncer les actes délictueux des dirigeants de la société.
Dans ce cas, il se présente comme un véritable collaborateur du parquet.
En définitive, le commissaire aux comptes peut violer ses obligations professionnelles et tomber
ainsi sous le coup des incriminations prévues à l'article 899 de l'AUSC, par action en donnant ou
confirmant "des informations mensongères sur la situation de la société" ou, par omission en ne
révélant pas "au ministère public les faits délictueux dont il aura eu connaissance".
L'article 710 de l'AUSC précise que "le commissaire aux comptes certifie que les états financiers
de synthèse sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de
l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet
exercice". Et pour éviter que ce rôle de contrôle du commissaire aux comptes ne soit un vain mot,
l'article 899 prévoit une sanction pénale contre "tout commissaire aux comptes qui, soit en son
nom personnel, soit au titre d'associé dans une société de commissaires aux comptes, aura
sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société (…)".
Le texte de l'article 899 n'est pas très précis sur le point de savoir quel doit être le contenu de
l'information mensongère. Pour certains auteurs, l'objet du mensonge doit être compris de façon
restreinte car le législateur aurait en vue la situation comptable et financière de la société. Selon
ces auteurs, l'information concerne celle qui doit être donnée par le commissaire aux comptes de
la situation de la société dans ses rapports à l'assemblée générale ; et l'objet du rapport, c'est bien
la situation comptable et financière. D'ailleurs, le commissaire ne doit pas, selon eux, s'immiscer
dans la gestion de la société contrôlée et donc n'a pas à informer les associés sur cette gestion.
"Cette position a pour elle une apparente précision, mais elle ne saurait être retenue". En effet,
d'autres auteurs considèrent que la loi ne limite pas le contenu de l'information incriminée à la
seule situation financière. La limiter à celle-ci uniquement entraîne "des distinctions délicates
pour savoir si elle a ou non un caractère financier". En plus cette limitation n'a pas été retenue par
la jurisprudence.
Mais même si la doctrine dominante est en faveur d'une acception large du contenu de
l'information, un accord semble exister entre les deux positions sur l'exigence d'une information
précise.
2. L'intention coupable
Le délit de confirmation d'informations mensongères n'existe que si l'auteur des informations a eu
connaissance du caractère inexact de celles-ci. Cette recherche de l'intention frauduleuse permet
d'éviter une "politique systématiquement répressive". C'est ainsi que la nécessité de l'intention
coupable est relevée par la jurisprudence qui vérifie à chaque fois si le commissaire aux comptes
savait que telles informations étaient mensongères (Cass. Crim ; 26 mai 1986,…). L'article 899
précise bien que ces informations doivent avoir été données ou confirmées "sciemment". C'est
pourquoi, par exemple, les juges avaient conclu dans une affaire que le prévenu, en sa qualité de
commissaire aux comptes, a sciemment confirmé des informations mensongères en certifiant la
régularité et la sincérité du bilan dont il connaissait la fausseté.
Malgré le principe du secret professionnel, la loi impose au commissaire aux comptes l'obligation
de révéler au Procureur de la République, selon l'article 899, "les faits délictueux dont il a eu
connaissance" à l'occasion de l'accomplissement de sa mission. Une telle obligation peut
apparaître choquante car il peut sembler, comme le souligne B. BOULOC, "anormal qu'une
personne, qui n'est ni une autorité constituée, ni un officier public, ni un fonctionnaire, soit tenue
de dénoncer des faits délictueux sous peine de se rendre elle-même coupable d'un délit" (BOULOC,
"La liberté et le droit pénal", Revue des Sociétés 1989, pp.377et suivantes)
Mais, selon Y. GUYON, "bien que critiquée par certains, l'obligation de dénonciation paraît
opportune, du moment qu'elle est entendue de manière raisonnable et qu'elle s'accompagne de
relations confiantes entre les commissaires aux comptes et les magistrats du parquet. Elle peut
notamment renforcer l'autorité du commissaire à l'égard des dirigeants, en faisant prendre au
sérieux les observations qu'il formule au cas où il lui apparaît qu'un délit, sur le point d'être
commis, peut être encore évité"( Y. GUYON, Droit des affaires, T.1, Paris, Economica, 7e éd. ,1992,
p.393).
Mais quoi qu'il en soit l'AUSC réprime, à l'image du droit antérieur, le fait pour le commissaire
aux comptes, de ne pas révéler au procureur les faits délictueux. Ainsi ce délit suppose réunis un
élément matériel, que caractérise une non-dénonciation portant sur des faits délictueux, et un
élément moral qui résulte de la mauvaise foi.
1. L'élément matériel
L'élément matériel suppose des faits délictueux qui n'ont pas été révélés par le commissaire.
La révélation doit porter sur toutes les situations irrégulières. Mais la question qui se pose est de
savoir s'il faut entendre par fait délictueux toute infraction, quelle que soit sa nature, dont le
commissaire aurait connaissance dans l'exercice de sa mission. La doctrine dominante ( V.
DELMAS-MARTY, op. cit. p. 301; J. LARGUIER, op. cit., p. 346) estime qu'il faut retenir la
culpabilité sur la base de tout délit de société qui n'aura pas été dénoncé. Il ne s'agira donc que des
infractions concernant la constitution ou la gestion de la société contrôlée. Mais la formulation
(large) de l'article 899 semble permettre de pouvoir inclure dans les infractions à dénoncer tout
autre délit ayant pour cadre la société, ce qui englobe les infractions économiques.
Nicole STOWLY se basant sur la norme 351 de la CNCC estime que deux critères cumulatifs sont
dégagés pour conférer au commissaire aux comptes une obligation de dénoncer des faits : ils
doivent être "significatifs et délibérés". Les faits "significatifs", faisant référence aux
conséquences de l'infraction, ont pour effet de soustraire l'entreprise ou ses dirigeants des
dispositions légales spécifiques: ils modifient la présentation de la situation financière du
patrimoine ou du résultat ou l'interprétation qui peut en être faite, ou portent préjudice à la société
ou à un tiers. Les faits "délibérés" quant à eux font référence au but poursuivi par leur auteur et
s'apprécient par rapport à des éléments objectifs démontrant la conscience que pouvait avoir
l'auteur de ne pas respecter la réglementation en vigueur.
Le commissaire aux comptes qui aura constaté de tels faits devra mettre en demeure les dirigeants
de régulariser la situation avant de pouvoir, le cas échéant, saisir le procureur de la République.
b) La non révélation
La loi n'a pas entendu imposer un délai dans lequel le commissaire aux comptes est tenu de
dénoncer les faits délictueux, c'est-à-dire de les porter à la connaissance de la justice. En réalité il
est souvent difficile d'apprécier le moment où il entre en possession de ces faits. Et les juges
apprécient le moment où la dénonciation est opportune. En tout état de cause, celle-ci ne doit pas
être tardive, c'est-à-dire, intervenir après le début du procès pénal.
La révélation doit intervenir dès que le commissaire aux comptes a connaissance du caractère
délictueux des faits. C'est ainsi qu'il a été jugé que "se rend coupable du délit de non révélation de
faits délictueux, le commissaire aux comptes qui, ayant eu connaissance de la sous-évaluation des
stocks de la société qu'il contrôlait, ne dénonça le délit de présentation de bilan inexact au
procureur que cinq mois plus tard" (Affaire du Comptoir national du logement, cass. crim. 8 février. 1968,
Bull. crim. n° 42, p. 95 ; Besançon 24 mai 1984, Bull. CNCC n° 56, p. 480).
2. L'élément moral
L'élément moral est double : le commissaire aux comptes n'aura pas, sciemment, révélé les faits
délictueux dont il a la connaissance.
Il est certain que le commissaire ne pourra dénoncer que les faits dont il a la connaissance. Mais il
y a une sorte de présomption de connaissance qui pèse sur lui, en tant que professionnel. C'est
pourquoi l'erreur de droit résultant de l'ignorance du caractère délictueux des faits constatés, n'est
pas admise, d'autant qu'il a la possibilité de solliciter l'avis du parquet. L'erreur de fait non plus ne
sera pas retenue, parce que justement il a pour mission de découvrir et de contrôler ces faits.
Donc c'est seulement lorsque l'exercice normal de sa mission ne lui permet pas d'être au courant
de l'infraction que le commissaire aux comptes échappe aux foudres de l'article 899.
b) La mauvaise foi
L'infraction n'est consommée que lorsque la non révélation de faits délictueux dont le
commissaire a eu connaissance a été faite "sciemment". Ce qui suppose dès lors non seulement la
connaissance des faits mais aussi de leur caractère délictueux. Mais le mobile, c'est à dire le but
réel poursuivi par l'auteur n'est pas pris en considération, même si par exemple l'omission a eu
pour seule raison de ne pas nuire à l'expansion économique de la société. Car ce que la loi protège
à travers cette infraction, c'est moins l'intérêt de la société commerciale que l'intérêt général.
CHAPITRE II : LA COMPTABILITE DE LA SOCIETE
La comptabilité concerne tous les éléments du bilan des exercices de la société, aussi bien le
capital social que le résultat de l’exploitation. Du fait de son importance dans la vie des affaires
particulièrement dans la vie de la société, la comptabilité doit être sincère et transparente. C’est
pourquoi, tout un ensemble de documents est obligatoire pour toute société commerciale.
En France d’ailleurs, l’article 439 de la loi de 1966 sanctionne les irrégularités dans
l’établissement de la comptabilité, alors que l’AUSC n’en fait pas allusion.
Par contre, l’AUSC, à l’image des textes antérieurs, sanctionne pénalement les autres types
d’irrégularités comptables traduisant un défaut de sincérité (Section 1).
Mais ces infractions se rattachent à une conception étroite de la comptabilité envisagée comme
une simple « technique d’enregistrement des valeurs ». En fait, il existe une interprétation plus
large de la comptabilité qui correspond à une « technique d’appréciation, d’interprétation et
d’orientation de la vie financière de la société » (V. M. DELMAS-MARTY, op. cit. p. 309 ; aussi V.
G. GIUDECELLI-DELAGE, Droit pénal des affaires, Paris, Dalloz, 2e éd., 1975, p.154). Ce
deuxième sens de la notion permet d’envisager les modifications dont le capital social peut faire
l’objet (Section 2).
La loi cherche à sanctionner le défaut de sincérité comptable. Ce qui se traduit par plusieurs
incriminations prévues par les articles 889 et 890 de l’AUSC. Mais globalement, les irrégularités
sanctionnées pénalement sont la répartition de dividendes fictifs entre les associés d’une part et la
communication d’états financiers ne donnant pas une image fidèle de la situation financière et
comptable de la société, d’autre part.
L’article 889 dispose : « encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui, en l’absence
d’inventaire ou au moyen d’inventaire frauduleux, auront sciemment, opéré entre les actionnaires
ou les associés la répartition de dividendes fictifs ». Une telle distribution serait préjudiciable aux
associés de même qu’à la société car, c’est le capital lui-même qui sera entamé puisqu’en réalité il
n'y a pas de bénéfice à partager. Ainsi l’infraction sera consommée lorsque ses éléments matériel
et moral seront réunis. En fait, il faut un inventaire fictif ou frauduleux, une répartition de
dividendes fictifs et une mauvaise foi. Mais en vérité l’inventaire ne constitue qu’une condition
préalable de l’infraction.
L’inventaire apparaît comme un relevé descriptif et estimatif des créances, des dettes et des biens
de la société. C’est donc du bilan qu’il s’agit ou de tout compte rendu permettant d’apprécier l’état
du patrimoine social. Pour que l’infraction puisse exister, il faut que l’inventaire soit absent ou
frauduleux, à défaut, l’infraction disparaît même s’il y a une répartition de dividendes fictifs.
1. L’absence de l’inventaire
L’inventaire était considéré dans son large (toute situation permettant de connaître l’état
patrimonial de la société), son défaut à l’occasion de distribution de dividendes fictifs, se
rencontre rarement.
2. L’inexactitude de l’inventaire
Contrairement à l’inventaire absent, l’inventaire frauduleux est beaucoup plus fréquent.
L’inexactitude de l’inventaire s’accompagne donc de la mauvaise foi de son auteur puisque le
texte renvoi à la fraude.
Cette fraude peut se manifester par une majoration ou une minoration de l’actif.
a) La majoration de l’actif
La majoration de l’actif peut résulter d’une surestimation d’éléments réels de l’actif par exemple
la surévaluation de stocks ou de la valeur des titres ou encore l’inscription des frais généraux
comme frais et travaux de premier établissement, etc. Mais elle peut également se traduire par une
simulation de l’existence d’éléments d’actif, en réalité inexistants, par exemple, l’inscription à
l’actif de créances en réalité irrécouvrables ou la simulation de stocks inexistants, etc.
b) La minoration du passif
Pour minorer le passif de la société, on peut par exemple omettre l’inscription d’une charge, en
reportant une partie des frais généraux sur le compte de l’exercice suivant. On peut également
sous-évaluer le montant d’une dette.
1. L’élément matériel
L’élément matériel de l’infraction consiste dans un acte de distribution de dividendes qui doivent
revêtir un caractère fictif.
a) L’acte de distribution
Pour que l’on retienne l’existence d’un acte de distribution, il n’est pas nécessaire que les
dividendes mis à disposition des actionnaires aient été effectivement perçus ; l’essentiel c’est
qu’un « droit privatif soit créé au profit des actionnaires ». Le délit peut même se réaliser par
compensation. Si tel n’était pas le cas, l’attitude des bénéficiaires - négligence ou volonté-
pourrait alors retarder la consommation du délit. L'infraction sera donc réalisée par la décision des
gérants ou du conseil d'administration ordonnant le paiement du dividende, même en cas de vote
par l'assemblée générale d'un quitus ou d'une décision approuvant cette répartition.
Par contre, il n’y a pas d'infraction lorsque les dirigeants ne procèdent pas à la répartition, même
si l'autorisation de répartition a été votée. D'ailleurs, la tentative n'est pas punissable. Ainsi le
point de départ de la prescription de l'action publique commence le jour de la mise à la disposition
des associés des dividendes.
Le dividende correspond à la part du bénéfice social que l'on attribue à chaque actionnaire ou
associé. L'article 144 de l'AUSC fixe les conditions dans lesquelles cette répartition doit
s'effectuer. En effet, c'est "après approbation des états financiers de synthèse et constatation de
l'existence de sommes distribuables que l'assemblée générale détermine (…) la part de bénéfice à
distribuer, selon le cas aux actions ou aux parts sociales". Et l'article conclut que "tout dividende
distribué en violation de ces règles est un dividende fictif". Il ressort de cet article que deux
conditions doivent être remplies pour que les dividendes ne soient pas considérés comme fictifs.
D'abord, une condition de forme liée à la procédure de prise de la décision de distribution.
Ensuite, une condition de fond relative à la réalité du bénéfice.
) La violation de la condition de forme
La sanction d'une condition de forme par des dispositions pénales semble excessive ou tout au
moins dénote du caractère très formaliste de l'AUSC.
L'article 144 détermine la procédure à suivre pour pouvoir attribuer la part de chaque associé ou
actionnaire dans le bénéfice. Il faut au préalable une approbation des états financiers et une
constatation de l'existence de sommes distribuables par l'assemblée générale. Et lorsque ces règles
ne sont pas respectées, tout dividende distribué est fictif. Cette violation peut se traduire par une
répartition des bénéfices contrairement à une décision de l'assemblée des actionnaires ou tout
simplement avant l'approbation des Etats financiers.
) La violation de la condition de fond
En général, le caractère fictif des dividendes résulte des irrégularités de fond liées au bénéfice.
Alors, est fictif tout dividende distribué lorsque le bénéfice lui-même est fictif ou qu'il n'est pas
encore réalisé.
Le bénéfice fictif : La distribution de dividende est étroitement liée à l'existence du bénéfice.
Lorsque celui-ci fait défaut, le dividende sera prélevé sur le capital ou les réserves légales de la
société.
Toutefois, les tantièmes qui constituent une partie de la rémunération des administrateurs et qui
sont tirés du bénéfice distribuable, ne constituent pas des dividendes fictifs. Ils sont destinés aux
administrateurs de la société, alors que l'article 889 vise les actionnaires ou associés. Par contre,
en ce qui concerne les réserves définies comme des bénéfices non distribués ou l'excès de la
situation nette sur le capital social dont l'exigibilité est retardée, le caractère fictif ou non du
dividende tiré sur elles varie en fonction de leur nature. Ainsi, les dividendes tirés des réserves
sont considérés comme fictifs, alors que ceux tirés des réserves occultes ne le sont pas. Il en est de
même des réserves libres à la condition que la décision de l'assemblée "indique expressément les
postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués".
Le bénéficie non réalisé constitue également le délit, l’acte de distribution des dividendes tirés de
bénéfices existant en dehors de toute exigence de réalisation effective. En effet, la réalisation du
bénéfice est une condition de régularité de la distribution.
Toutefois, la notion de bénéfice réalisé n'est pas aisée à déterminer car il ne faut pas confondre la
réalité du bénéfice avec sa liquidité. C’est ce qui fait qu'un bénéfice réalisé puisse ne pas se
trouver matériellement dans les caisses de la société.
Par ailleurs, la constatation de l'existence doit se faire annuellement. De ce fait, la distribution
d'acomptes ou dividendes intercalaires semble être prohibée car contraire au principe d'annualité
de constatation du dividende. En plus, les dividendes distribués doivent exister actuellement, ce
qui rend irrégulière la distribution de bénéfices futurs.
2. L'élément intentionnel
La nécessité d'une intention délictueuse157 résulte, à l'évidence, de l'emploi des termes "fictifs,
frauduleux et sciemment. Cette mauvaise foi consiste dans la connaissance, par l'auteur, tant du
caractère fictif des dividendes que de l'inexactitude de l'inventaire ou du bilan ou des conditions
dans lesquelles la distribution des dividendes a été décidée. C'est pourquoi la jurisprudence a
décidé que la mauvaise foi de l'administrateur doit se situer à la date de la confection du bilan
(Cass. Crim, 25 juin 1927, Gaz. Pal. 1927, 2, 726) et que l'irrégularité de celui-ci n'apparaît que plus
tard, il ne saurait se prévaloir de sa bonne foi au moment de la confection si, sachant par la suite le
caractère fictif des dividendes, il met effectivement en distribution les dividendes votés. .
En outre, la négligence dont ont pu se rendre coupables certains administrateurs en ne vérifiant
pas convenablement les écritures comptables, négligence susceptible d'engager leur responsabilité
civile, ne saurait justifier leur maintien dans les liens de la prévention ( Cass. Crim. 24 avril 1891, DP.
93, 1, 49).
Par ailleurs, il n'y a pas présomption de mauvaise foi tirée de la seule qualité d'administrateur du
prévenu. Toutefois, certaines irrégularités sont de nature telle qu'elles rendent vraisemblables
l'esprit de fraude chez ceux qui ont établi le bilan. Mais même dans ces cas, la preuve de la bonne
foi peut être admise".
Le plus souvent, la mauvaise foi des auteurs ressort de leur fonction de gérant ou d'administrateur
au jour de la décision du conseil créant un droit privatif au profit des actionnaires, de l'omission
d'établir un inventaire ou de la nature et du nombre de fraudes portées sur les inventaires. Et la
bonne foi a été admise au profit du prévenu ayant joué un rôle effacé dans l'administration de la
société, de son absence aux réunions du conseil d'administration.
§2 : La communication de la comptabilité
A) L'élément matériel
Il ressort de la lecture de l'article 890 de l’AUSC que les états financiers de synthèse doivent faire
l'objet d'une présentation ou d'une publication.
a) La présentation
Toutefois la présentation pourrait résulter d'une communication faite aux actionnaires en dehors
de l'assemblée générale ou de la préparation de celle-ci (V. Trib. corr. Seine, 13 juill. 1963, Gaz.
Pal. 1963. 2. 325).
b) La publication
Elle s'entend par tout procédé portant le fait à la connaissance du public, que ce soit par voie écrite
ou orale. En plus, la communication doit être collective, bien que la multiplication de
communications individuelles ne soit pas nécessairement une communication collective.
Seulement la publication n'est pas limitée dans le temps par l'assemblée générale, comme c'est le
cas avec la présentation. Elle peut intervenir longtemps après l'établissement des états financiers
infidèles.
2. L'objet : Les états financiers de synthèse infidèles
L'article 890 de l'AUSC vise "des états financiers de synthèse ne donnant pas, pour chaque
exercice, une image fidèle des opérations de l'exercice, de la situation financière et de celle du
patrimoine". L'article 437-2° de la loi de 1966 ne vise, par contre, que les comptes annuels qui
englobent aussi bien le bilan que le compte de résultat et une annexe. A l'origine le texte ne
sanctionnait que le bilan infidèle. Les états financiers de synthèse annuelle doivent donc être
réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du
résultat de l'exercice, conformément à l'article 168 de l'AUSC.
Mais, même si strictement tout bilan est inexact, l'infidélité de l'article 890 recouvre les
manquements à l'obligation principale de régularité et de sincérité, dès lors que le but est de
dissimuler la véritable situation de la société. Cette infidélité résulte donc de toute erreur ou plus
exactement de toute irrégularité relative à l'un des postes, d'ordre matériel, formel ou d'évaluation.
Il s'agit des omissions ou des erreurs dans les écritures ou alors de surcharges. Ce genre
d'inexactitudes est rare puisque le contrôle de la comptabilité permet de les déceler facilement.
C'est le cas par exemple lorsque le bilan d'une société ne mentionne pas une dette officiellement
contractée et laisse figurer un portefeuille d'actions en réalité vendues au cours de l'exercice ( V.
Cass. Crim. 14 déc. 1966, B. 291 (bilan faisant apparaître un bénéfice alors qu'en vérité, il y a avait
des pertes)
b) Les inexactitudes formelles
Appelées encore erreurs de classement, ces irrégularités consistent à présenter des chiffres exacts
de sorte qu'ils donnent une fausse idée de la véritable situation de la société 173. Cela suppose le
plus souvent une désignation incorrecte des différentes postes ou encore un déplacement de ceux-
ci dans le temps. Il en est ainsi notamment lorsqu'on inscrit une créance de recouvrement douteux
à la rubrique effet de commerce, ou lorsqu'on fait figurer, sous la rubrique "frais de premier
établissement, "d'importantes dépenses de publicité qui ne constituaient en réalité que des charges
d'exploitation propres à cet exercice"174.
Ce sont les erreurs les plus fréquentes car se commettant le plus facilement. Elles peuvent même
être le fait de spécialistes de bonne foi en raison des difficultés liées aux évaluations. C'est ainsi
que ces inexactitudes peuvent être relevées en cas de minoration du passif, de majoration de
l'actif, de sous-évaluation ou d'erreurs d'estimation. Et puisqu'il existe plusieurs méthodes
d'évaluations, le choix de la méthode à adopter doit varier selon la nature du bien à évaluer : fonds
de commerce, brevets et marques de fabrique, matériel mobilier, stocks de marchandises, valeurs
mobilières, etc.
B) L'élément moral
Il est double, car la faute suppose un dol général résultant de l'intention coupable et un dol spécial
caractérisé par un but déterminé.
Contrairement à certains auteurs qui l'envisagent comme un mobile, la loi vise un but déterminé.
En effet alors que le mobile peut varier en fonction des individus, le but poursuivi demeure le
même pour l'infraction considérée. Il s'agit du dessein de dissimuler la véritable situation de la
société, peu importera alors le mobile: une fraude fiscale ou une recherche des intérêts de la
société.
Le dol spécial semble même résulter le plus souvent "de la réunion de l'acte matériel (présentation
ou publication de bilan inexact) et du dol général (connaissance de l'inexactitude)"( V. Crim., 18
décembre 1956, D 1957. 705, note Dalsace : la loi prohibe la présentation aux actionnaires d'un faux
bilan. "Quel que soit le mobile qui ait guidé les auteurs de ce faux bilan, dès lors qu'ils avaient en vue
la dissimulation de la situation véritable de la société"). Toutefois, il peut arriver que des dirigeants
connaissant la fausseté du bilan présenté aux actionnaires, ne cherchent pas à dissimuler la
véritable situation de la société à ces derniers mais plutôt aux autorités locales.
Le capital de la société fixé dans les statuts est en principe intangible. Cependant "la nécessité des
affaires conduit souvent à le modifier. Mais pour protéger les créanciers et les tiers, la loi
sanctionne pénalement le mécanisme juridique qu'elle organise" dans la mesure où de telles
modifications risquent de léser ces derniers. C'est pourquoi toute modification du capital est
strictement réglementée. Et le droit pénal, à l'image du droit commercial distingue les cas
d'augmentation et de réduction du capital.
§1 : L'augmentation du capital
L'augmentation du capital social peut s'effectuer suivant plusieurs procédés: nouveaux apports en
nature, incorporation de réserves, souscriptions nouvelles, concessions d'obligations en actions.
Mais quel que soit le procédé, l'augmentation implique une émission d'actions nouvelles qui
risque de nuire aux anciens actionnaires. Dès lors, comme lors de la constitution, tous les
intéressés doivent être protégés. C'est ainsi que l'émission d'actions est compensée par le droit
préférentiel de souscription.
Les textes relatifs à la constitution des sociétés sont applicables aux augmentations de capital.
Mais il existe des incriminations spécialement attachées à l'émission d'actions ou de coupures
d'actions au moment de l'augmentation du capital (Article 893 AUSC).
Par contre, des exceptions sont prévues dans les cas où les actions sont régulièrement émises par
conversion d'obligations convertibles à tout moment ou par l'utilisation de bons de souscription ou
si les actions sont remises en paiement de dividendes.
L'infraction suppose un élément matériel, l'émission d'actions ou de coupures d'action et un
élément moral, une simple faute d'imprudence. Le texte requiert en plus l'existence d'irrégularités
qui apparaissent comme des conditions préalables. La gravité de ces irrégularités justifie l'échelle
des peines prévues. C'est ainsi qu'on retrouve d'abord le non-établissement du certificat de
dépositaire ou le défaut de contrat de garantie, et le non-accomplissement des formalités
préalables à l'augmentation du capital. Ensuite, les irrégularités relatives à l'émission d'actions
sans que le capital soit antérieurement souscrit ou soit intégralement libéré ou sans que les
nouvelles actions d'apport aient été intégralement libérées avant l'inscription modificative au
registre du commerce, ou sans que les actions nouvelles de numéraires aient été libérées, lors de la
souscription, d'un quart au moins de leur valeur nominale et, le cas échéant, de la totalité de la
prime d'émission. Enfin, les irrégularités en cas de non maintien des actions de numéraire en la
forme nominative jusqu'à leur entière libération.
Les articles 894 et 895 de l'AUSC organisent la protection du droit préférentiel de souscription qui
est reconnu soit aux actionnaires, soit aux obligataires.
Aux termes de l'article 573 de l'AUSC, " les actionnaires ont, proportionnellement au montant de
leurs actions, un droit irréductible de préférence à la souscription des actions de numéraire émises
pour réaliser une augmentation de capital".
Par contre l'article 586 de l'AUSC prévoit la possibilité pour "l'assemblée générale de supprimer le
droit préférentiel de souscription". Ces deux aspects du droit des actionnaires, à savoir sa
reconnaissance et sa suppression sont pénalement contrôlés.
Elle est prévue par l'article 894-1 et 3 de l'AUSC qui incrimine l'attitude de certains dirigeants
sociaux lors d'une augmentation de capital. La peine prévue pour ce délit est une amende de
100.000 à 1000.000 de francs CFA (Article 9 de la loi 98-22 du 26 mars 1998 portant sur les
sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l'Acte Uniforme relatif aux droits des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique.)
L'élément matériel de l'infraction consiste en une omission : ne pas réserver aux actionnaires un
délai de vingt jours, à dater de l'ouverture de la souscription, pour l'exercice de leur droit ; ne pas
faire bénéficier les actionnaires, proportionnellement au montant de leurs actions, d'un droit de
préférence à la souscription des actions en numéraire…
En vue de la suppression du droit de préférence des actionnaires, l'AUSC prévoit l'exigence d'un
rapport en son article 588, et l'article 589 en fixe le contenu dans le but de mieux protéger les
bénéficiaires de ce droit. C'est ainsi que l'article 895 de l'AUSC punit les dirigeants sociaux qui
auront donné ou confirmé des indications inexactes dans les rapports présentés à l'assemblée
générale appelée à décider de la suppression du droit préférentiel de souscription. Mais l'infraction
suppose la mauvaise foi, car devant être commise "sciemment".
Seulement l'article 895 ne vise pas les commissaires aux comptes, alors que ceux-ci peuvent être
amenés à faire un rapport au même titre que le conseil d'administration ou de l'administrateur
général (article 588).
Donc vraisemblablement, comme c'est le cas en France, les commissaires aux comptes devraient
pouvoir être sous la menace de cette infraction.
Malgré l'interdiction faite à l'assemblée des obligataires de convertir des obligations en actions, il
est possible de prévoir dès l'emprunt la transformation ultérieure des obligations en actions selon
certaines conditions. Et ce sont ces obligations convertibles qui sont prises en compte par le droit
pénal de l'OHADA, à l'exclusion des obligations échangeables. Par contre ces derniers sont prises
en considération par le droit étranger, notamment la loi de 1966 en son article 450-6°.
Quant aux obligations convertibles, l'article 894 ne semble protéger que le droit préférentiel de
souscription des actionnaires et non leurs droits dans le capital social. En effet, l'article 894-4°
incrimine de la part des dirigeants sociaux le fait de ne pas réserver les droits des titulaires de bons
de souscription.
§2 : La réduction du capital
Malgré la tristesse de son sort lorsque la ruine la guette, l’entreprise en difficulté reste exposée
aux foudres de la répression pénale. Car désireux de sauver leurs affaires, les actionnaires de
l’entreprise sociétaire notamment ou les dirigeants sont parfois tentés de se livrer à des
manoeuvres qui risquent le plus souvent de menacer les intérêts des créanciers. C’est la raison
pour laquelle, en plus de la faillite, l’AUPC, à l’image des droits étrangers a consacré la sanction
pénale qui apparaît encore plus nécessaire. En France, la loi de 1985 a procédé à une large
dépénalisation par rapport à la loi de 1966. Pourtant cette évolution n’a pas été prise en compte
par la loi de l’OHADA. En effet, l’Acte Uniforme sur les Procédures Collectives d'apurement du
passif (AUPCAP) qui organise la réglementation des entreprises en difficulté incrimine
pénalement la banqueroute et les délits assimilés. Quant aux sanctions, il renvoie aux peines en
vigueur dans les Etats-parties.
Section 1 : La banqueroute
Lorsqu’une société est en état de cessation des paiements, définie par l’article 25 de l’Acte
Uniforme portant sur les Procédures Collectives d'Apurement du Passif (AUPCAP) comme la
situation de la personne (commerçante) qui est dans l’impossibilité « de faire face à son passif
exigible avec son actif disponible… », toute personne physique qui se livre à certains actes
incriminés est passible des peines de la banqueroute. Mais le délit de banqueroute suppose
l’existence de conditions préalables et la réunion des éléments constitutifs.
A) La qualité de l’agent
La loi distingue selon qu’il s’agit d’une personne physique professionnelle indépendante ou d’une
personne physique dirigeant une personne morale.
Aux termes de l’article 227 de l’AUPC, la banqueroute s’applique « aux personnes physiques
exerçant une activité professionnelle indépendante commerciale, civile, artisanale ou agricole et
aux associés des sociétés commerciales qui ont la qualité de commerçants ».
Certaines difficultés peuvent apparaître, comme en droit commercial, lorsqu’il s’agit d’apprécier
la qualité de commerçant. La jurisprudence (V. Crim. 12 oct. 1960, Bull 444 : épouse ayant participé
activement au commerce de son mari.) l’entend au sens large. Seulement l’existence d’une incapacité
entre la profession exercée, par exemple notaire, avocat, et le commerce, n’empêche pas d’être
banqueroutier ; il en est de même pour une personne qui exerce illégalement la profession de
commerçant.
Par contre les sanctions pénales ne s’appliquent pas lorsque la personne qui exerce le commerce
se trouve dans un cas d’incapacité par exemple un mineur non émancipé, un majeur en tutelle ou
en curatelle.
L’article 230 de l’AUPC vise les « personnes physiques dirigeantes de personnes morales
assujetties aux procédures collectives et les personnes physiques représentantes permanentes de
personnes morales dirigeantes de personnes morales ». Dès lors, il n’est pas nécessaire que la
personne morale soit elle-même commerçante, le seul exercice d’une activité économique suffit.
En outre, la personne morale peut ne pas être une société car le texte s’applique également aux
GIE.
L’article 230 précise aussi qu’il peut s’agir de dirigeants de droit ou de fait ou plus généralement
« de toute personne ayant directement ou par personne interposée, administré, géré ou liquidé la
personne morale sous le couvert ou aux lieux et places de ses représentants légaux ». En
application de la loi française de 1985, la jurisprudence avait retenu le délit de banqueroute à
l’encontre d’une associée d’une SARL qui « est intervenue directement dans la gestion de
l’entreprise, s’intitulant elle-même dans les effets commerciaux comme l’un des gérants, et qui se
trouvait, en raison de sa position prépondérante « cogérante de fait » ».
Le délit de banqueroute suppose, selon les articles 228 et 229 de l’AUPC, un état de cessation des
paiements, comme ce fut le cas dans la loi de 1985. Il n’est donc pas nécessaire que cet état soit
constaté par une juridiction commerciale ou civile. Les tribunaux répressifs sont donc amenés à
apprécier dans chaque cas l’existence même et le moment de la cessation des paiements.
Par contre, désormais, en France, le délit de banqueroute suppose l’ouverture d’une procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation (article 197) c’est-à-dire qu’il faut certes la cessation des
paiements, mais celle-ci doit être constatée par le tribunal compétent. Ce qui fait que le juge pénal
est dans ce cas lié par la décision des juges consulaires ou civils à qu’il revient de fixer la
cessation de paiements et la date de celle-ci.
Pourtant, là également, l’autonomie du droit pénal subsiste car selon la jurisprudence, le juge
pénal peut retenir une date de cessation des paiements autre que celle qui a été retenue par le juge
commercial ou civil. Mais toujours est-il qu’avec l’AUPCAP, c’est la cessation des paiements qui
constitue une condition de la banqueroute, alors qu’en France, c’est le jugement constatant cette
cessation.
§2: Les éléments constitutifs
L'AUPCAP distingue deux cas de banqueroute et en fonction desquels, l’élément moral est
parfois nécessaire.
1. La banqueroute simple
L’AUPCAP a retenu cinq cas de banqueroute simple dont deux similaires avec la synthèse de la
loi de 1985 en France : l’emploi de moyens ruineux et la comptabilité incomplète ou irrégulière.
En plus la banqueroute simple est réalisée si la personne en état de cessation des paiements a
contracté sans recevoir des valeurs en échange, des engagements trop importants eu égard à sa
situation lorsqu’elle les a contractées, ou si sans excuse légitime, elle ne fait pas déclaration à la
juridiction compétente de son état de cessation des paiements dans les trente jours, ou enfin si,
ayant été, déclarée deux fois en état de cessation des paiements en cinq ans, ses procédures ont été
clôturées pour insuffisance d’actif.
2. La banqueroute frauduleuse
Les cas de banqueroute frauduleuse sont plus nombreux ; deux seulement ont été repris après la
dépénalisation en France : le détournement de tout ou partie de l’actif et l’augmentation
frauduleuse du passif.
En outre, l’AUPCAP incrimine la soustraction de la comptabilité, l’exercice des fonctions de
commerçant contrairement aux interdictions, le paiement à un créancier au préjudice de la masse,
après la cessation des paiements, la stipulation avec un créancier des avantages particuliers en
raison de son vote dans les délibérations de la masse.
Enfin, l’AUPCAP sanctionne des peines de banqueroute frauduleuse, toute personne assujettie à
une procédure de règlement judiciaire qui, de mauvaise foi, présente un état financier inexact ou
incomplet ou qui accomplit des actes interdits sans autorisation judiciaire.
B) L’élément intentionnel
Apparemment la mauvaise foi n’est requise que pour la plupart des cas de banqueroute
frauduleuse. Le terme « frauduleux est lui-même révélateur ». Il est admis par la jurisprudence
que la mauvaise foi n’était pas nécessaire à la banqueroute simple.
Toutefois, le cas d’emploi de moyens ruineux semble supposer l’intention frauduleuse, car la loi
vise « l’intention de retarder la constatation de la cessation des paiements, traduisant l’exigence
d’un dol spécial ou, tout au moins, de la mauvaise foi de son auteur ».
Mais le fait, pour la loi française de 1985, d’avoir regroupé dans la banqueroute quelques anciens
cas de l’une et de l’autre banqueroute, entraîne une élimination du qualificatif « frauduleux »,
d’où l’incertitude quant à l’exigence de la mauvaise foi. Les tribunaux auront dès lors un pouvoir
d’appréciation plus ou moins étendu.
Ces délits sont le fait des dirigeants des sociétés soumises aux procédures collectives. Il s’agit de
tous dirigeants de fait ou de droit qui ont administré, géré ou liquidé la personne morale (art.230).
Ces délits sont de deux catégories. La première requiert assez curieusement la mauvaise foi de
l’auteur de l’un des faits suivants :
- l’achat en vue de revendre au-dessous du cours, ou l’emploi de moyens ruineux pour se procurer
des fonds. Ici la loi exige un dol spécial : l’intention de retarder la constatation de la cessation des
paiements;
- le fait de prendre des engagements trop importants, pour le compte d’autrui, sans valeurs en
échange;
- l’omission de déclaration de l’état de cessation des paiements dans les trente jours;
- le détournement ou la dissimulation (ou leur tentative) une partie de leurs biens ou encore le fait
de se reconnaître frauduleusement débiteur. Dans le but de soustraire tout ou partie de leur
patrimoine (dol spécial).
La plupart de ces cas de délits assimilés à la banqueroute simple ne constituent que des reprises
des cas de banqueroute simple.
Quant à la deuxième catégorie, elle reprend l’absence de déclaration de l’état de cessation des
paiements ou l’omission de joindre à la déclaration la liste des associés avec l’indication de leurs
noms et domicile, dans le cas des sociétés comportant des associés indéfiniment et solidairement
responsables de dettes de celles-ci.
Ces délits peuvent être le fait de deux catégories de personnes en relation directe ou indirecte avec
la société en difficulté : les dirigeants, les tiers.
L’article 233 de l’AUPC reprend exactement pour le compte des dirigeants, les faits incriminés
prévus à l’article 229 qui vise toute personne, à l’exception du paiement à un créancier, au
préjudice de la masse. Donc ce sont les mêmes cas de banqueroute frauduleuse qui sont repris
comme des délits assimilés lorsqu’ils sont commis par des dirigeants.
L’intérêt d’une telle distinction n’est pas très perceptible car une condition préalable à la
banqueroute est la qualité de dirigeant d’une personne morale. Les articles 234 et suivants
réglementent la poursuite des infractions de banqueroute et de délits assimilés. Ce qui les
distingue des autres infractions auxquelles appartiennent celles commises par les tiers et les
parents du débiteur qui pourtant semblent être assimilés, elles aussi, à la banqueroute frauduleuse.
L’article 240 punit des peines de la banqueroute frauduleuse les personnes qui interviennent dans
la gestion de la société en difficulté à un titre indéterminé : les tiers. Il s’agit en fait de toute
personne accomplissant un des trois actes incriminés à l’article 240.
D’abord, il y a le recel des biens du débiteur. En fait, le législateur sanctionne « les personnes
convaincues d’avoir, dans l’intérêt du débiteur, soustrait, recelé ou dissimulé tout ou partie de ses
biens meubles ou immeubles ». Ce qui n’empêche toutefois pas d’autres sanctions pénales car
l’article précise : « le tout sans préjudice des dispositions pénales relatives à la complicité ».
Ensuite l’article 240 incrimine la supposition de créances. Celle-ci résulte du fait des personnes
convaincues d’avoir frauduleusement produit dans la procédure collective, des créances supposées
; qu’elle qu’en soit la manière : soit en leur nom, soit par l’interposition ou supposition de
personne. Cette infraction ne constitue pas un cas de complicité. Il n’est pas nécessaire que le
coupable ait agi dans l’intérêt du débiteur, encore moins qu’il ait agi en accord avec ce dernier.
Enfin, est prévue l’interposition de personne, car la loi incrimine le fait pour des personnes qui, de
mauvaise foi, ont détourné ou dissimulé une partie de leurs biens, ou tenté de le faire, alors
qu’elles exerçaient le commerce sous le nom d’autrui ou sous un nom supposé.
§2 : Les autres infractions
Les articles 241 et s. prévoient des infractions dont le cadre est certes la société assujettie aux
procédures collectives mais qui se distinguent de la banqueroute. Elles relèvent plutôt du droit
pénal en vigueur dans chaque Etat-partie. Malgré leur diversité, elles sont commises soit par les
parents ou conjoint du débiteur, soit par le syndic, soit par les créanciers.
L’article 241 incrimine le fait du conjoint, ou des ascendants, descendants, collatéraux, alliés du
débiteur qui auraient détourné, diverti ou recelé des effets dépendant de l’actif du celui-ci lorsqu’il
est soumis à une procédure collective. Mais les auteurs de tels actes ne doivent pas être de
connivence avec le débiteur car l’article précise : « à l’insu du débiteur ». S’ils avaient agi de
concert avec le débiteur, celui-ci serait coupable de banqueroute et eux, de complicité. Dans ce
cas, comme dans celui des infractions des tiers, même s’il y a relaxe des prévenus, l’article 242
précise que la juridiction statue sur les dommages-intérêts et sur la réintégration, dans le
patrimoine du débiteur, des biens, droits ou actions soustraits.
Ces infractions sont commises par le syndic d’une procédure collective alors que certaines de ces
infractions prévues à l’article 207 de la loi française du 15 janvier 1985 peuvent être commises
par tout administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l’exécution du
plan.
Mais l’article 243 de l’AUPC incrimine le fait pour tout syndic d’exercer une activité
professionnelle sous le couvert de l’entreprise du débiteur masquant ses agissements, de disposer
du crédit ou des biens du débiteur comme des siens propres, de dissiper les biens de celui-ci.
En plus est sanctionné le syndic qui poursuit abusivement et de mauvaise foi, soit directement,
soit indirectement, une exploitation déficitaire de l’entreprise du débiteur, ou qui se rend
acquéreur pour son compte, directement ou indirectement, des biens du débiteur. Dans ce dernier
cas, la juridiction doit prononcer la nullité de l’acquisition et statuer sur les dommages –intérêts.
Ces infractions du créancier sont sanctionnées des peines prévues par le droit pénal en vigueur
dans chaque Etat-partie pour les infractions commises au préjudice d’un incapable. L’article 244
sanctionne d’abord le créancier qui, après la cessation des paiements de son débiteur, aura stipulé
avec lui ou avec toute personne, des avantages particuliers, ensuite qui aura fait un traité
particulier qui met à la charge de l’actif du débiteur un avantage.
La loi française regroupe ces deux conditions : la stipulation à un avantage particulier et la mise à
la charge du débiteur de cet avantage.
Par contre, l’AUPCAP semble en faire deux cas distincts d’infractions. Le premier est constitué
par la simple stipulation en raison de son vote dans les délibérations de la masse ; le second est
réalisé par la création d’un Traité duquel résulte en faveur du créancier un avantage à la charge de
l’actif du débiteur à partir du jour de la décision d’ouverture de la procédure collective.
CHAPITRE II: LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE
Lorsque la dissolution de la société s’impose, le droit pénal doit protéger tous ceux dont les
intérêts sont menacés dans cette dernière partie de la vie sociale. C’est pourquoi l’AUSC, à
l’image des textes antérieurs, a prévu, à travers les articles 901 et suivants, des dispositions
relatives à toutes les sociétés commerciales pour encadrer les deux étapes de la dissolution.
La première est antérieure à la dissolution et est particulièrement dangereuse : la perte de plus de
la moitié du capital social.
La deuxième est postérieure à la dissolution et correspond à la liquidation de la société.
Section 1 : La perte de la moitié du capital
L’article 736 de l’AUSC prévoit à côté des causes de dissolution communes à toutes les sociétés
dans les conditions et sous les effets prévus aux articles 200 et 201, une cause particulière aux
sociétés anonymes : la perte partielle d’actifs dans les conditions prévues aux articles 664 à 668 de
l’AUSC. En effet, si les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital
social, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, le conseil d’administration ou
l’administrateur général, selon le cas, est tenu de convoquer l’assemblée générale extraordinaire à
l’effet de décider, s’il y a lieu, la dissolution anticipée de la société.
L’article 901 assure la mise en œuvre de ces formalités sous la menace de sanctions pénales. Mais
la perte de la moitié du capital social constitue en fait une condition préalable à la réalisation du
délit. Aussi faut-il préciser les éléments proprement constitutifs du délit.
§1 : L'élément matériel
Il consiste en une omission caractérisée par le fait pour les dirigeants sociaux d'une société dont
l'actif net est devenu inférieur à la moitié du capital social, du fait des pertes constatées dans les
états financiers de synthèse, de n'avoir pas accompli l'une des deux formalités suivantes :
- convoquer, dans les quatre mois qui suivent l'approbation des états financiers de synthèse ayant
fait apparaître ces pertes, l'assemblée générale extraordinaire à l'effet de décider, s'il y a lieu, la
dissolution anticipé de la société;
- déposer au greffe du tribunal chargé des affaires commerciales, inscrire au registre du commerce
et du crédit mobilier et publier dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, la
dissolution anticipée de la société.
§2 : L'élément moral
Le délit suppose la mauvaise foi du dirigeant social, imposée par l'adverbe "sciemment". La cour
de cassation française l'a également rappelée.
Le prévenu ne peut arguer de sa bonne foi au motif que les bénéfices réalisés lors des exercices
ultérieurs ont permis de reconstituer un actif net supérieur "au seuil critique" du capital social.
Section 2: La liquidation de la société
La société est, selon l'article 204, en liquidation "dès l'instant de sa dissolution". La liquidation
consiste en un ensemble d'opérations visant, après règlement du passif sur les éléments de l'actif, à
convertir ces éléments en argent, en vue du partage à effectuer, éventuellement entre les associés.
Le liquidateur joue un rôle particulièrement important dans la réalisation de ces opérations. C'est
ainsi que la protection des intérêts des associés et des tiers, passe par une réglementation de ses
actes, tant en ce qui concerne sa nomination (§1) que l'exercice de sa mission (§2).
§1 : La nomination du liquidateur social
L'AUSC, contrairement à la loi française, ne prévoit pas de sanctions pénales relatives à la
désignation du liquidateur, c'est-à-dire le choix de sa personne. En France, ces infractions
concernent l'exercice des fonctions de liquidateur en cas d'interdiction ou de condamnation.
Par contre l'AUSC, comme les autres textes menace de sanctions pénales le défaut de publicité de
la nomination du liquidateur. En effet, l'article 902-1° prévoit un emprisonnement ou une amende
à l'encontre du liquidateur qui, sciemment, n'aura pas, dans le délai d'un mois à compter de sa
nomination, publié dans un journal habilité à recevoir les annonces légales du lieu du siège social,
l'acte le nommant liquidateur et déposé au registre du commerce les décisions prononçant la
dissolution.194 L'élément matériel de cette infraction résulte donc d'une omission.
§2 : La mission du liquidateur social
Pour prémunir les associées et les tiers contre les liquidations pouvant leur nuire, le législateur a
organisé minutieusement la mission des liquidateurs tout en interdisant la soustraction de l'actif de
la société. Cette intervention du législateur se traduit par des actes obligatoires et des actes
prohibés. La violation de ces règles donne lieu à des infractions d'omission ou de commission.
Sous la menace des peines prévues, encourt une sanction, le liquidateur qui ne convoque pas les
associés, en fin de liquidation, pour statuer sur le compte définitif, sur le quitus de sa gestion et la
décharge de son mandat et pour constater la clôture de la liquidation.
Il en va de même pour le liquidateur, en cas de liquidation intervenue sur décision judiciaire195,
qui n'aura pas :
- présenté, dans les six mois de sa nomination, un rapport sur la situation active et passive de la
société en liquidation et sur la poursuite des opérations de liquidation, ni sollicité les autorités
nécessaires pour les terminer;
- établi, dans les trois mois de la clôture de chaque exercice, les états financiers de synthèse au vu
de l'inventaire et un rapport écrit dans lequel il rend compte des opérations de la liquidation au
cours de l'exercice clôturé;
- Permis aux associés d'exercer, en période de liquidation, leur droit de communication des
documents sociaux dans les mêmes conditions qu'antérieurement;
- Convoqué les associés, au moins une fois par an, pour leur rendre compte des états financiers de
synthèse en cas de continuation de l'exploitation;
- Déposé à un compte ouvert dans une banque au nom de la société en liquidation, dans le délai de
15 jours, les sommes affectées aux répartitions entre les associées et les créanciers;
- Enfin, déposé, sur un compte de consignation ouvert dans les écritures du Trésor, les sommes
attribuées à des créanciers ou à des associés et non réclamés par eux.
A ce niveau, le législateur requiert la mauvaise foi pour sanctionner l'un des deux faits suivants
qui entraînent chacun une soustraction de l'actif au détriment des associés :
- l'abus des biens sociaux ou du crédit de la société en liquidation. Il s'agit pour le liquidateur de
faire des biens ou du crédit social un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins
personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était directement ou
indirectement intéressé. (Art. 904-1°)
- La cession interdite d'actif. Cette cession, totale ou partielle, d'actifs est interdite ; lorsqu'elle est
faite sans autorisation de la juridiction compétente ou consentement unanime des associés, à une
personne ayant eu dans la société la qualité d'associé en nom, de commandité, de gérant, de
membre du conseil d'administration, d'administratif général ou de commissaire aux comptes.