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John KIRKPATRICK

Marc BALTUS
Edouard BOURS
Jacques MALHERBE
Thierry AFSCHRIFT
Jean-Pierre LAGAE
Thomas DELAHAYE

L'ENTREPRISE ET
LE CHOIX DE LA VOIE LA
MOINS IMPOSEE
EN DROIT FISCAL BELGE

EDITIONS DU JEUNE BARREAU


1988
LA LIBERTÉ DU CHOIX DE LA VOIE LA MOINS IMPOSÉE
À LA LUMIÈRE DE LA JURISPRUDENCE RÉCENTE

par

J. KIRKPATRICK

Avocat à la Cour de cassation,


Professeur à l'Université libre de Bruxelles
CHAPITRE 1

LA DISTINCTION ENTRE LA FRAUDE FISCALE ET


LE CHOIX DE LA VOIE LA MOINS IMPOSÉE

1. - Le choixdela voie la moins imposées'oppose à lafraudefiscale,


et l'on ne peut mieux définir la première que par rapport à la seconde.

A. - La fraude fiscale

2. - Je propose de définir la fraude fiscale comme une violation de


la loi fiscale, qui comporte généralement <1l une altération de la vérité et qui
est commise dans ie but d'éviter ou de diminuer une charge fiscale.

L'altération de la vérité peut se situer uniquement dans les raports du


contribuable avec le fisc, c'est-à-dire dans la déclaration fiscale que la loi
impose de faire.

Ainsi, dans une déclaration aux impöts sur les revenus, le contribua-
ble s'abstient volontairement de déclarer certaines recettes professionnel-
les, ou présente faussement comme charges professionnelles des dépenses
revêtant un caractère privé. Dans une déclaration aux droits de succession,
l'héritier omet volontairement certains biens. Dans une déclaration à la TVA,
l'assujetti omet.le produit de ventes sans facture. A la douane, l'automo-
biliste répond négativement - et faussement - à la question de savoir s'il
n'a rien à déclarer.

Ces cas entrent dans ce que je pourrais appeler la «fraudef,scafe ordinaire».

Lorsqu'une déclaration fiscale écrite et signée est ainsi entachée d'une


altération volontaire de la vérité, il ne s'agit pas pour autant d'un faux, mais
d'une infraction purement fiscale, réprimée mains sévèrement: en matière
d'impöts sur les revenus, l'article 339 du Code punit de peines d'emprison-
nement et d'amende «celui qui, dans une intention frauduleuse ou à des-

(!) La fraude fiscale comporte généralement une altération de la vérité, mais pas néces-
sairement: ainsi, l'article 341 ancien du Code des impöts sur les revenus (CIR) punissait «qui-
conque, dans l'intention d'éluder l'impöt, se sera abstenu de produire une déclaration qu'il
doit fournir». Ce cas de fraude fiscale, quine comporte pas d'altération de la vérité, est actuellement
compris dans la disposition plus générale de l'article 339 du Code (cité infra, 3).
10

sein de nuire, contreviendra aux dispositions du présent Code ou des arrê-


tés pris pour son exécution.» (Zl

3. - Mais l'altération de la vérité peut aussi se situer à un stade anté-


rieur aux rapports du contribuable avec Ie fisc: avant de faire une fausse
déclaration fiscale, Ie contribuable éprouve parfois Ie besoin de préparer
Ie terrain.

Ainsi, il est impossible à une société commerciale de faire une fausse


déclaration fiscale dans laquelle seraient omis des stocks achetés en noir ou
Ie produit de ventes en noir, sans commettre au préalable des faux dans les
comptes annuels et dans les inventaires.

D'autre part, comme la matière imposable dépend des conventions faites


par Ie contribuable, l'altération de la vérité est souvent introduite dans ces
conventions mêmes.

lei, la fraude fiscale se confond avec la simulation du droit civil: selon


la définition de De Page, «il y a simulation lorsque les parties font un acte
apparent dont elles conviennent de modifier ou de détruire les effets par
une autre convention, demeurée secrète». 0 >

Par définition, la simulation implique que les parties n'acceptent pas


toutes les conséquences de !'acte apparent: celui-ci est uniquement destiné
à tromper les tiers - et, en matière fiscale, Ie tiers qu'il s'agit de tromper
est évidemment Ie fisc - ; mais la convention qui fait la loi des parties dans
leurs rapports entre elles est la convention secrète (appelée contre-lettre, qu'elle
soit écrite ou verbale).

Lorsque !' Administration fiscale prétend qu'une convention apparente


déguise une convention secrète, il lui incombe de faire la preuve que les éléments

(2) Sur la raison pour laquelle la fausse déclaration fiscale n'est pas considérée comme
un faux en écriture, voir mes «Réflexions sur la répression de la fraude fiscale en Belgique»,
n°s 6 et 8, dans Le droit économique et financier en 1985, Hommage à Robert Henrion, p. 345
et svtes.

(3) De Page, t. II, n° 618. - La théorie de la simulation peut être étendue à des actes
juridiques collectifs, tels que les décisions des assemblées générales d'actionnaires d'une société
anonyme: voir D. Garabedian, «Le régime fiscal du remboursement de capita!...», JDF, 1987,
p. 5 et svtes, spéc. n° 8 et les références.
11

de la convention qu'elle prétend substituer à la convention apparente sont


réunis <4l_

4. - Voici deux exemples de «fraude-simulation».

a) Pour réduire la charge du droit d'enregistrement de 12,5 % sur une


vente d'immeuble, les parties s'entendent pour passer sous silence, dans Ie
compromis, Ie «dessous de table» payé par l'acheteur au vendeur lors de
la signature du compromis.

La simulation porte ici sur un des éléments de la convention, Ie prix.

Cette fraude-simulation est si courante et si difficile à prouver que Ie


législateur a dû en limiter les effets: si la base du droit proportionnel sur
les ventes de vente d'immeubles est en principe «Ie montant du prix et des
charges stipulés» (Code des droits d'enregistrement, art. 45), elle «ne peut,
en aucun cas, être inférieure à la valeur vénale des immeubles transmis (même
Code, art. 46). <5l

b) Une société beige, dans Ie but de diminuer son bénéfice imposable,


se fait facturer des prestations imaginaires par une société suisse: c' est Ie
procédé des factures fictives.

lei, la simulation atteint son point extrême: elle porte sur l'existence
même du contrat. L'acte apparent est fictif.

5. - Lorsque l'altération de la vérité se présente ainsi à un stade anté-


rieur aux rapports avec Ie fisc (dans les comptes annuels du contribuable
ou dans les conventions), il ne s'agit plus de «fraude ordinaire» (supra, 2),
mais de ce que j'appellerai la «fraude aggravée»: en pareil cas, la fraude
fiscale comporte un faux intellectuel <5 bisJ et est réprimée de peines plus sévè-
res que Ie faux ordinaire.

(4) Cass., 5 septembre 1961, Pas., 1962, !, 29 et note W.G.; Cass., 11 janvier 1966, Pas.,
!, 611.

(5) Pour l'application de cette règle, Ie receveur de l'enregistrement a la faculté de requé-


rir !'expertise de contröle organisée par les articles 189 à 200 du Code des droits d'enregistre-
ment. Par un arrêt encore inédit, la Cour de cassation a décidé que cette procédure était applicable
même en cas de vente publique forcée (Cassation, 17 décembre 1987, arrêt n° 7912).

(5bis) Comp. P.-E. Trousse, «La simulation en droit privé et Ie faux criminel», ROP,
1968-1969, p. 625 et svtes, et les références citées en note 21, p. 631.
12

Ainsi, en matière d'impöts sur les revenus, l'article 340 du Code (modifié
par la loi du 10 février 1981, puis par la loi du 4 août 1986), punit «d'un
emprisonnement d'un mois à cinq ans (alors que la «fraude ordinaire» est
punie par l'article 339 d'un emprisonnement de huit jours à deux ans) et
d'une amende de 10.000 à 500.000 F., ou d'une de ces peines seulement,
celui qui ... aura commis un faux en écritures publiques, de commerce ou
privées, ou qui aura fait usage d'un tel faux, en vue de commettre une des
infractions visées à l'article 339» (c'est-à-dire une infraction aux disposi-
tions de la loi fiscale «dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire»).

6. - Qu'il s'agisse de «fraude ordinaire» oude «fraude aggravée»,


la fraude fiscale est donc une infraction pénalement réprimée.

Au point de vue de l'établissement de l'impöt, la fraude, lorsqu'elle


est découverte, est juridiquement inefficace.

En effet, l' Administration n'est évidemment pas liée par les déclara-
tions fiscales des contribuables. Ainsi, aux termes de l'article 245 du Code
des impöts sur les revenus, l' Administration «prend pour base de l'impöt
les revenus et les autres éléments déclarés, à moins qu'elle ne les reconnais-
se inexacts».

L' Administration n'est pas davantage liée par les comptes annuels des
commerçants et des sociétés.

Quant aux actes simulés qu'on lui oppose, l' Administration, qui est
un tiers (6l, peut, conformément aux principes généraux de la simulation,
établir celle-ci par toutes voies de droit et asseoir l'impöt d'après la con-
vention réelle.

C'est ce qu'on appelle, en droit civil, l'action en déclaration de simu-


lation. L'expression est quelque peu trompeuse, car elle pourrait faire supposer
que l' Administration doit introduire une action en justice particulière pour
faire reconnaître la simulation, alors qu'il n'en est rien: en matière d'impöts
sur les revenus, par exemple, la simulation sera invoquée au cours de la pro-
cédure d'établissement de l'impöt (avis de rectification ou avis d'imposi-
tion d'office) et, en cas de désaccord du contribuable, la question sera discutée

(6) Bien que cela ait été contesté, il en est ainsi même lorsque I' Administration agit en
vue de l'établissement de l'impöt: voir notamment Cass., 21 février 1974, Pas., I, 648; mon
examen de jurisprudence, «Les impöts sur les revenus et les sociétés» ( 1968-1982), Revue cri-
tique, 1984, p. 696, n° 16 et les références.
13

dans Ie cadre de la procédure de réclamation contre l'imposition, puis dans


Ie cadre du recours devant la cour d'appel.

B. - Le choix de la voie la moins imposée

7. - C' est par rapport à la «fraude-simulation» que se définit Ie choix


de la voie la mains imposée.

Le but de celui qui choisit une voie mains imposée est Ie même que Ie
but du fraudeur: l'un comme l'autre cherche à éviter ou à réduire une charge
fiscale.

Mais à la différence de celui qui se rend coupable de «fraude-simulation»,


celui qui choisit une voie mains imposée n'accomplit que des actes réels,
dont il accepte toutes les conséquences, et se met réellement en dehors des
conditions d'application de l'impöt. Il ne viole donc pas la loi fiscale.

Dans une conférence célèbre sur «la fraude fiscale», Ie Professeur Gothot
disait:
«Dans ce choix (de la voie la mains imposée), je ne vois rien d'autre que
la liberté laissée aux citoyens par la loi civile et par la Constitution de faire
tout ce qui n'est pas défendu. Et il n'est sûrement pas interdit d'éviter de
se placer dans les conditions d'exigibilité d'un impöt. Le désir d'échapper
à l'impöt est normal. On n'imagine même guère que Ie contribuable ait une
attitude différente. Que penserait-on de celui qui, poursuivant un but éco-
nomique quelconque, commencerait par se demander comment il doit s'y
prendre pout rendre exigible Ie plus gros impöt possible? N'est-il pas naturel
qu'il se pose la question inverse? Et en Ie faisant, ne se conduira-t-il pas
en bon père de famille, dans Ie sens latin du terme, c'est-à-dire comme un
homme diligent et soigneux ?» <7l

8. -A la différence de la fraude fiscale, qui est un délit et qui est juri-


diquement inefficace, Ie choix de la voie la mains imposée est à la fois licite
et efJicace.

C'est pour exprimer que Ie choix de la voie la mains imposée est licite
que l'on parle de la liberté du choix de la voie la mains imposée.

Le choix de la voie la mains imposée est efficace, car du moment que

(7) V. Gothot, «La fraude fiscale», dans Problèmes fiscaux d'aujourd'hui (1963), n° 2,
p. 87 et svtes, spécialement p. 91.
14

les actes accomplis par Ie contribuable ne sont pas simulés, ils sont oppo-
sables à !' Administration, en vertu du principe de droit civil selon lequel
les effets externes des conventions sont opposables aux tiers. <3l

C. - Les réactions législatives contre Ie choix de la voie la moins imposée

9. - La recherche licite de la voie la mains imposée peut conduire à


accomplir des actes anormaux, dans Ie seul but de réduire la charge fiscale.

En pareil cas, il appartient au législateur de réagir pour priver d'effi-


cacité Ie procédé jugé anormal.

En général, de telles dispositions légales sont qualifiées, soit dans l'intitulé


même des lois, soit dans !'exposé des motifs, de dispositions destinées à lutter
contre «!' évasion fiscale».

Je n'aime pas cette expression, parce qu'elle confond dans la même


réprobation la fraude fiscale et Ie choix licite de la voie la mains imposée,
alors qu'au point de vue juridique, et même au point de vue mora!, ces deux
notions sont fondamentalement distincte. Cette expression est d'ailleurs équi-
voque, car, en anglais, la «tax evasion» désigne la fraude fiscale, par opposition
à la «tax avoidance», qui vise Ie fait d'éviter l'impöt de manière licite.

En revanche, il me paraît tout à fait légitime que Ie législateur se défendre


contre les pertes que Ie choix de la voie la mains imposée fait subir au Trésor.

10. - Voici un exemple classique de procédé anormal contre lequel


Ie législateur a réagi.

Deux sociétés, A et B, dépendent d'un même groupe. La société A est


en bénéfice, et la société B a subi des pertes fiscalement récupérables. En
vue de réduire la charge fiscale du groupe, la société A consent à la société
B des avantages anormaux: par exemple, elle lui vend des marchandises
à leur prix de revient, se privant ainsi en faveur de la société B du bénéfice
que la société A aurait dû normalement réaliser. Le seul but de ventes à de
telles conditions est évidemment d'ordre fiscal: il s'agit de réduire la char-
ge fiscale de la société A, en faisant passer ses bénéfices dans la société B,
oû ils ne seront pas imposés gràce à la déduction des pertes antérieures de
la société B.

(8) Sur ce principe fondamental, voir De Page, t. Ier, n° 118.


15

De telles opérations ne comportent aucune simulation et sont donc,


du moins au point de vue fiscal, parfaitement licites.

Mais Ie législateur à réagi, dès 1959, en introduisant dans la loi fiscale


la règle qui fait aujourd'hui l'objet des articles 53 et 114 du CIR. En vertu
de ces articles, la société B ne pourra pas déduire ses pertes antérieures des
bénéfices qu'elle retire d'«avantages anormaux ou bénévoles» provenant
d'une entreprise avec lequelle elle se trouve «dans des tiens d'interdépendance».

Pour que cette règle soit applicable, il suffit que les deux sociétés soient
interdépendantes et que les avantages retirés par la société en perte soient
anormaux: du moment que ces conditions sont remplies, la règle s'appli-
que, «quand bien même les moyens ou procédés mis en reuvre n'auraient
revêtu aucun caractère juridiquement illicite ni été empreints de simu-
lation». <9>

11. - Voici un exemple plus récent de réaction législative à une com-


binaison licite ayant pour seul but de diminuer la charge fiscale.

Jusqu'en 1986, les associés des sociétés de personnes dotées de la per-


sonnalité juridique, et notamment des SPRL, pouvaient, à certaines con-
ditions, opter pour l'assujettissement des bénéfices de la société à l'impöt
des personnes physiques. Lorsque l'option était valablement exercée, les
bénéfices de la société étaient considérés fictivement comme des bénéfices
réalisés directement par les associés (CIR, art. 25 ancien). Inversément, si
la société clöturait un exercice social en perte, la perte était également con-
sidérée comme subie directement par chacun des associés et, par conséquent,
déductible des revenus professionnels de ceux-ci, même si ces revenus pro-
venaient de l' exercice d 'une profession sans lien avec la société en question
(CIR, art. 43, 2°).

On a vu dès lors des personnes à revenus professionnels élevés acheter


la quasi totalité des parts d'une SPRL en perte, à seule fin d'exercer immé-
diatement l'option (celle-ci produisait ses effets, pour un exercice social déter-
miné, à condition d'être exercé dans Ie délai de déclaration des revenus de
eet exercice) et de déduire les pertes de la société de leurs revenus professionnels.

La loi du 4 août 1986 a réagi en supprimant l'option qui était ouverte


jusque !à aux sociétés de personnes: celles-ci sont désormais sournises, comme
les sociétés anonymes, au seul régime de l'impöt des sociétés.

(9) Cassation, 26 avril 1966, Pas., I, 1081.


CHAPITRE II

LA PREMIÈRE OFFENSIVE CONTRE L'EFFICACITÉ DU CHOIX


DE LA VOIE LA MOINS IMPOSÉE:
LA THÉORIE DE LA FRAUDE À LA LOi;
SON REJET PAR À LA JURISPRUDENCE

12. - L' Administration accepte mal qu'on lui oppose avec succès des
opérations,même non simulées, qui n'ont d'autre but que de réduire la charge
fiscale.

A défaut de pouvoir provoquer assez rapidement des modifications


adéquates de la loi fiscale, elle s'est efforcée d'introduire en droit fiscal la
théorie de la fraude à la loi, qui s'est forgée en droit international privé et
qui est considérée par certains auteurs comme un principe général du droit
(«fraus omnia corrumpit») applicable en droit privé interne <10J.

La fraude à la loi consiste à utiliser un procédé juridique non simulé


et licite en lui-même, mais anormal, en vue d'échapper à une loi qui aurait
été applicable si !'on avait agi normalement. Par définition, la fraude à la
loi s'oppose à la fraude fiscale, qui implique la simulation (supra, n° 3). <11 J

Même les auteurs qui admettent l'application de la théorie de la frau-


de à la loi en droit privé interne estiment généralement qu'elle n'est pas appli-
cable en droit fiscal 0 2J.

Un éminent fonctionnaire, M. Scailteur, a cependant défendu l'application


en droit fiscal de la théorie de la fraude à la loi : selon eet auteur, ne seraient
pas opposables à l' Administration, non seulement les actes simulés, mais
même les opération réelles, dont les contribuables acceptent toutes les con-
séquences, lorsqu'elles présentent un caractère anormal et ont été accom-
(10) Voir notamment, en ce sens, en France, J. Vidal, Essai d'une théorie générale de la
fraude en droit français, Le principe «fraus omnia corrumpit» (Paris, 1957); en Belgique, L.
Simont, «De overdracht van schuldvordering tot zekerheid», in Mélanges F. Dumon, p. 259
et svtes, spéc. p. 281 et 282; contra: P. Van Ommeslaghe, «Abus de droit, fraude aux droits
des tiers et fraude à la loi», Revue critique, 1976, p. 303 et svtes.

(11) Si je Ie souligne, c' est que cette distinction est parfois méconnue: ainsi, dans un arti-
cle récent, un auteur fait appel au principe, «fraus omnia corrumpit» pour justifier que les
conventions simulées ne sont pas opposables au fisc (L. Huybrechts, «Is veinzing in fiscale
zaken een niet-werkzaam en overbodig begrip?» DAOR, 1986-1987, p. 397 et svtes, spéciale-
ment p. 401 et note 27).

(12) Vidal, ouvrage cité, p. 96 et 97.


18

plies dans Ie seul but d'éviter l'application d'un impöt qui aurait été dû si
!'on avait suivi la voie normale.

Mais à quoi reconnaîtra-t-on qu'un procédé est anormal? Suivant Scail-


teur, Ie juge doit apprécier «si Ie degré de machination dans la manreuvre
mise au point par Ie contribuable pour se dérober à l'impöt, sans heurter
Ie texte légal, est suffisant pour faire apparaître son intention de frauder
la loi». 0 3>

Il faut reconnaître que l'application d'un critère aussi subjectif par Ie


juge compromettrait la sécurité juridique.

13. - Quoi qu'il en soit, en Belgique 04 >, cette théorie a été condam-
née de la manière la plus nette par Ie célèbre arrêt de la Cour de cassation
du 6 juin 1961 (en cause Brepols, Pas., I, 1082 et les notes), qui casse un
arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 25 mars 1959 (RF, 1960, p. 213).

Apropos de la réorganisation d'une société industrielle qui s'était muée


en société financière par apport de ses actifs industriels à une société nou-
velle, puis avait consenti un prêt important à cette société, de manière que
les charges financières du prêt épongent les bénéfices de celle-ci, la Cour
d'appel avait assimilé Ie prêt à un apport et soumis les intérêts du prêt à la
charge fiscale plus élevée applicable à !'époque aux dividendes. L'arrêt fondait
cette décision notamment sur Ie motif «que les conventions avenues entre
les sociétés, avec la volonté d'en déduire toutes les conséquences juridiques,
trahissent... une volonté de fraude à la loi, ayant été réalisées principale-
ment, si pas uniquement, afin de diminuer dans la plus large mesure possi-
ble les bénéfices éventuels de la société (filiale) en augmentant ses charges».

D'après ce motif, la simulation était donc exclue, mais l'opération était


disqualifiée par application de la théorie de la fraude à la loi.

Sur Ie pourvoi de la société, pris notamment de la méconnaissance des


principes de la simulation et de l'opposabilté aux tiers des effets externes
des conventions, la Cour de cassation annule !'arrêt attaqué pour Ie motif

(13) C. Scailteur, «La fraude à la loi en droit fiscal», Rec. gén., 1959, p. 177 et svtes, spéc.
p. 188.

(14) Sur l'admission de Ia fraude à Ia Ioi oude restrictions analogues de Ia liberté du choix
de la voie la moins imposée dans d'autres pays, voir Th. Delahaye, Le choix de la voie la moins
imposée. Etude de droit fiscal comparé (Belgique, France, Pays-Bas, Royaume-Uni) (Bruylant,
1977).
19

suivant:

«Il n'y ani simulation prohibée à l'égard du fisc, ni, partant, fraude
fiscale, lorsque, en vue de bénéficier d'un régime fiscal plus favorable, les
parties, usant de la liberté des conventions, sans toutefois violer aucune obli-
gation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences,
même si la forme qu'elles leur donnent n'est pas la plus normale».

Tout Ie principe de la liberté du choix de la voie la mains imposée est


contenu dans eet attendu.

Du moment que les parties établissent des actes dont elles acceptent
toutes les conséquences, il n'y a pas simulation, et partant pas de fraude
fiscale, même si Ie procédé utilisé a pour but de faire bénéficier d'un régi-
me fiscal plus favorable et n'est pas Ie plus normal. En procédant de la sorte,
les parties ne font qu'user de la liberté des conventions et ne violent aucu-
ne obligation légale.

Cet arrêt rejoint la conclusion de Vidal sur l'inapplicabilité de la théorie


de la fraude à la loi en matière fiscale: «lorsque, pour atteindre un certain
résultat, plusieurs procédés s'offrent (au contribuable), il ne fait qu'user
de la liberté des conventions, et ne viole aucune obligation, en choisissant
Ie mains onéreux, même s'il n'est pas Ie plus naturel» (l 5l_

14. - La formule de l'arrêt du 6 juin 1961 a été reproduite, mot pour


mot, dans les motifs d'un arrêt ultérieur (Cassation, 19 octobre 1965, Pas.,
1966, I, 231) et, contrairement à ce que certains ont soutenu, la Cour de
cassation ne s'est, à mon avis, jamais départie de ce principe depuis lors. (lóJ

(15) Vidal, op.cit., p. 96

(16) Sur !'arrêt du 7 décembre 1979, en cause INES, voir infra, n° 16; sur !'arrêt du 9
juin 1976 en cause Maison d' Art Dangotte (BC, 1978, p. 107; RPS, 1978, p. 209), voir mon
examen de jurisprudence précité, Revue critique, 1987, p. 319 à 322, n° 122 et les références.
- Voir aussi, sur la portée de la jurisprudence de la Cour en matière de simulation, l'étude
de M. Ie Procureur général Dumon citée à la note suivante, JDF, 1984, p. 5 et svtes, spéc. p.
27 et 28.
CHAPITRE III

LA SECONDE OFFENSIVE CONTRE L'EFFICACITÉ DU CHOIX


DE LA VOIE LA MOINS IMPOSÉE: LA THÉORIE DES RÉALITÉS
ÉCONOMIQUES; SA CONDAMNATION PAR L'ARRÊT
DE LA COUR DE CASSATION DU 27 FÉVRIER 1987

15. - L'application en droit fiscal de la théorie de la fraude à la loi


ayant été ainsi définitivement condamnée, l' Administration a tenté d'arri-
ver au même résultat en faisant appel à l'idée que «l'impöt se fonde sur les
réalités».

On trouve dans la jurisprudence de la Cour de cassation plusieurs appli-


cations de cette idée de bon sens 0 6 bis).

a) Le réalisme du droit fiscal est parfois invoqué pour interpréter cer-


tains termes de la loi fiscale. Ainsi, selon un motif d'un arrêt du 24 septembre
1968, «la notion de bénéfice d'exploitation en matière d'impöts sur les revenus
s'appuie sur une réalité économique qui n'est pas nécessairement soumise
à la classification des biens et des droits du Code civil» 06 ter).

b) Parce que l'impöt se fonde sur les réalités, les revenus visés par la
loi sont imposables, même s'ils résultent d'opérations illicites ou nulles 01 >.

c) En matière de simulation, Ie fisc ne peut, sauf lorsque la loi en dis-


pose autrement, se prévaloir de l'article 1321 du Code civil, aux termes duquel
«les contre-lettres ... n'ont point d'effet contre les tiers». C'est ce qu'a décidé
la Cour de cassation par un arrêt du 20 mars 1958 osJ_ Dans Ie pénétrant
avis précédant eet arrêt, M. Ie Procureur général Dumon (alors avocat général)
a justifié la solution dans les termes suivants: «pour assurer la sécurité des
intérêts privés, Ie Code civil permet aux tiers de se prévaloir de situations
(16bis) C'est Ie Procureur général Dumon qui, dans une conférence récente, qualifie de
«principe de bons sens», l'idée selon laquelle «Ie droit fiscal, et notamment celui relatif aux
impöts directs, se fonde sur la réalité» («Les impöts directs, l'Etat de droit et la Constitution»,
JDF, 1984, p. 5 et svtes, spéc. p. 26).

( 16ter) Pas., I, 92, spécialement 98, col. 1. - Sur la portée de eet arrêt, voy. la conféren-
ce précitée de M. Ie Procureur général Dumon, JDF, 1984, p. 5 et svtes, spéc. p. 27.

(17) Cassation, 18 mars 1976, JDF, p. 262; Cassation, 21 mai 1982, Pas., I, 1106; comp.
mon étude «Le droit fiscal se fonde sur les réalités. - Réflexions sur quelques bons et mau-
vais usages d'un proverbe de droit», JPDF, 1969, p. 161 et suiv., spécialement n° 9 et références.

(18) Pas., 1958, I, 805.


22

non conformes à la réalité et impose quelquefois même aux tribunaux de


consacrer des droits assis sur des faits inexistants. Pareille réglementation
juridique est incompatible avec !'essence même du droit fiscal quine per-
met à l' Administration de soumettre à l'impöt que les revenus visés par la
loi et qui lui impose de rechercher la réalité» o9J_

16. - Mais!' Administration voudrait tirer de l'idée que l'impöt se fonde


sur les réalités une autre application en matière de simulation: à l'en croi-
re, il y aurait simulation, en droit fiscal, non seulement lorsque la conven-
tion présentée au fisc ne correspond pas à la réalitéjuridique, mais en outre
lorsqu'elle ne correspond pas à la réalité économique.

La Cour d'appel d' Anvers a accueilli cette thèse dans un arrêt du 2 mars
1978 (JDF, 1979, 344, arrêt rendu en cause d'une société INES, en matière
d'absorption d'une société par une société en perte, jugée «économique-
ment morte»): selon eet arrêt, si Ie contribuable peut choisir la solution fiscale
la plus avantageuse, il ne suffit pas que cette solution soit exprimée dans
des actes dont les parties ont accepté toutes les conséquences, mais il faut
avant tout que ces actes soient «une reproduction de la réalité» ou, end' autres
termes, qu'il «n'existe pas de discordance entre les constructions et formulations
juridiques et la réalité économico-commerciale».

Le pourvoi dirigé contre eet arrêt a été rejeté par un arrêt de la Cour
de cassation du 7 décembre 1979 (Pas., 1980, I, 446), mais eet arrêt n'a pas
de portée de principe et c'est à tort que M. Scailteur a cru pouvoir soutenir
que la Cour de cassation aurait, par eet arrêt, «formellement reconnu» «Ie
droit pour Ie juge du fond de décider ... que la combinaison juridique utili-
sée par les contribuables pour jouir d'un avantage fiscal est simulée lors-
qu'elle ne correspond pas à la réalité économique, tors même que ces
contribuables ont accepté, sans aucune réserve, toutes les conséquences civiles
des actes qu 'ils ont souscrits» (ZOJ.

La Cour suprême n'a pas dit et n'aurait pu <lire qu'il y a simulation


alors même que les contribuables ont accepté toutes les conséquences de
leurs actes, car c'est une contradiction dans les termes: par définition, la

(19) Pa5., 1958, I, 807, col. 1. - Pour Ie même motif, sauflorsque la loi en dispose autrement,
Ie fisc ne peut se prévaloir de l'article 1328 du Code civil, selon lequel «les actes sous seing
privé n'ont de date contre les tiers que du jour oû ils ont été enregistrés ... »: voir mon étude
précitée, JPDF, 1969, p. 161 et suiv., spécialement n° 18.

(20) C. Scailteur, «Le choix de la voie la moins imposée ... », dans Mélanges P. Sibille,
1981, p. 799 et suiv., spécialement p. 808).
23

simulation implique que les parties à la convention n'acceptent pas toutes


les conséquences de l'acte apparent (supra, n° 3).

La formule de l'arrêt de la Cour d'appel d' Anvers se retrouve néan-


moins dans certains arrêts récents de la Cour d'appel de Bruxelles. (21 l

Elle est devenue la doctrine officielle de!' Administration en matière


de simulation <21 bis) et a même trouvé un écho favorable dans Ie récent Précis
de droit fiscal de MM. Coppens et Bailleux. l22 l

En revanche, depuis !'arrêt INES, la Cour d'appel d' Anvers s'en est
tenue, dans des arrêts plus récents, au strict respect du choix de la voie la
moins imposée (voir Anvers, 4 décembre 1984, commenté infra, n ° 18; Anvers
16 septembre 1986, FJF, 1987, p. 79). La jurisprudence récente des Cours
d'appel de Mons et de Liège est également dans ce sens (23 J_

18. - La thèse selon laquelle Ie fisc pourrait ne pas tenir compte des
conventions du seul fait que celles-ci ne reflètent pas une réalité économi-
que me paraît avoir été condamnée, au moins implicitement, par un récent
arrêt de la Cour de cassation du 27 février 1987 (FJF, p. 120).

L'espèce était la suivante.

En 1975, une société avait vendu à une autre société, dépendant du même
groupe, deux bateaux, déjà entièrement amortis, pour les prix respectifs
de 10 millions et de 9 millions, et avait repris aussitöt les bateaux en loca-
tion. Le caractère normal des prix de ven te et des loyers n' était pas contesté.
(21) Bruxelles, 26 octobre 1982, JDF, 1983, p.311 (espèce dans Jaquelle, à mon avis, la
solution de ]'arrêt se justifiait par l'application de Ja théorie de la simulation: voir mon exa-
men dejurisprudence précité, Revuecritique, 1984, p. 733, n° 21); Bruxelles, 4 novembre 1986
(motifs), FJF, p. 123, Bruxelles, 31 mars 1987, FJF, p. 165, arrêt relatif à l'absorption d'une
société par une société en perte, actuellement déféré à la censure de la Cour de cassation. -
Comp. Bruxelles, 26 mai 1987, FJF, 87, p. 246 et la note (arrêt également déféré à la censure
de la Cour de cassation, dont un motif paraît admettre que Ie même acte pourrait être consi-
déré comme simulé en droit fiscal mais non en droit civil, ce qui me paraît une aberration).

(21bis) Voir réponse du Ministre des Finances à une question parlementaire, BC, 1985,
p. 2007 à 2009, qui reproduitla formule de !'arrêt de la Cour d'appel d' Anvers du 2 mars 1978,
sans citer celui-ci.

(22) Voir spécialement p. 573 à 580. - J'ai exprimé ailleurs mon désaccord sur cette con-
ception: JT, 1986, p. 292, spécialement n°s 9 et suivants.

(23) Mons, 5 février 1987, FJF, p. 81; Liège Ier avril 1987, JT, p. 647; Liège, 8 avril 1987,
FJF, p. 203.
24

Les plus-values réalisées - correspondant au montant total des prix


- étaient, à !'époque, soumises à l'impöt des sociétés au taux de moitié (alors
24 OJo au lieu de 48 OJo; aujourd'hui, pareilles plus-values pourraient pu être
immunisées sous condition de remploi, en vertu de l'article 36 du CIR, introduit
par une loi du 2 juillet 1981).
L'opération avait pour but de ressusciter, au sein du groupe, une pos-
sibilité d'amortissement épuisée par Ie vendeur: la société acquéreuse a amorti
les bateaux sur base des prix qu'elle avait payés, et a déduit ces amortisse-
ments de bénéfices imposables au taux plein.
En outre, la société acquéreuse a invoqué Ie bénéfice de la loi du 29
juin 1975 qui exemptait, à concurrence de 15 OJo de leur prix d'acquisition,
les investissements complémentaires en outillages professionnels effectués
en Belgique pendant Ie second semestre de 1975. (A la différence de la déduction
pour investissements prévue aujourd'hui par l'article 42 ter du Code, cette
loi de 1975 ne limitait pas l'exemption aux biens neufs).
Eu égard au but purement fiscal de l'opération, Ie fisc a refusé à la société
acquéreuse la déduction des amortissements et la déduction pour investis-
sement complémentaire.
Par son arrêt du 4 décembre 1984 (FJF,1985, p. 121), la Cour d'appel
d' Anvers a considéré que ce double rejet était injustifié: les deux sociétés
n'avaient fait qu'exercer Ie libre choix de la voie la moins imposée.
Le pourvoi de l' Administration contre eet arrêt invoquait, entre autres,
un moyen pris de la violation des dispositions du Code relatives aux amor-
tissements (art. 44 et 45, 4°) et - je cite - «du principe général du droit
suivant lequel les impöts directs sont établis sur base de la réalité économi-
que». En vertu de ce principe, à en croire Ie moyen, «il ne suffit pas de constater
la réalité juridique telle qu' elle apparaît dans les actes qui ont été souscrits,
mais il faut avoir égard aussi à la réalité économique et commerciale qui
forme Ie support de cette construction juridique et quine peut s'identifier
avec cette construction juridique élaborée dans Ie seul but de bénéficier d' avan-
tages fiscaux et d'éluder ainsi l'impöt pour son propre profit ou au profit
de tiers; les pertes ... résultant de pareilles constructions juridiques ne répondent
dès lors pas à une réalité économique ... spécialement en ce qui concerne ...
les amortissements de l'actif professionnel» <23 bis).
(23bis) Premier moyen, seconde branche, dont l'énoncé est reproduit dans !'arrêt de la
Cour de cassation. On a soutenu que la Cour de cassation ne se serait pas prononcée sur ce
moyen parce qu'elle l'aurait déclaré non recevable (L. Huybrechts, «Is veinzing in fiscale zaken
een niet-werkzaam en overbodig begrip?», DAOR, 1986-1987, p. 397 et svtes, spécialement
p. 398 et note 9). C'est une erreur certaine: la Cour a rejeté cette branche du premier moyen
comme «manquant en droit>>.
25

On sait que, depuis une mercuriale fameuse du Procureur général Ganshof


van der Meersch, prononcée en 1970, il est permis d'invoquer, à l'appui
d'un moyen de cassation, non seulement la violation d'une disposition légale,
mais également la violation d'un principe général du droit.

C'est toutefois la première fois, à ma connaissance, que !'on tentait


de conférer la dignité d'un principe général du droit au dicton selon lequel
l'impöt se fonde sur les réalités.

La Cour de cassation a rejeté le moyen sans se prononcer explicitement


sur l'existence de ce prétendu principe général du droit. Ceci s'explique sans
doute par Ie fait que la Cour de cassation elle-même fait certaines applica-
tions du réalisme du droit fiscal, comme je !'ai rappelé (supra, n° 15).

Pour décider que Ie moyen «manque en droit», la Cour de cassation


se fonde sur les motifs suivants: «L'arrêt (attaqué) décide en fait qu'il ne
ressort d'aucun élément de la cause que les parties contractantes n'ont pas
accepté toutes les conséquences des actes qu 'el/es ont souscrits; ... I' arrêt considère
que tant la vente que Ie transfert des bateaux ... à la défenderesse, avec tou-
tes les conséquences qui en résultent, ont été réelles et n'ont méconnu aucune
obligation légale; que la défenderesse a exploité les bateaux conformément
à son objet social <24 J et que les pertes et charges subies ou supportées sont
établies; !'arrêt (attaqué)justijie ainsi légalement la décision suivant laquelle
les pertes ... et amortissements litigieux concernant les bateaux ... sont déduc-
tibles ... ».

(24) A mon avis, il n'était pas utile de relever, pour justifier Ie rejet du moyen, que la société
acquéreuse «a exploité les bateaux conformément à son objet social» et n'a dès lors «mécon-
nu aucune obligation légale». Même si l'objet statutaire de la société acquéreuse ne lui avait
pas permis d'acquérir les bateaux en vue de les louer, cette méconnaissance de la loi sur les
sociétés aurait été sans conséquence du point de vue fiscal (Cassation, 12 avril 1937, Pas., I,
106; Claeys Bouaert, Principes, n° 27). Si, dans son arrêt de principe du 6 juin 1961, la Cour
de cassation vise l'hypothèse ou «les parties, usant de la liberté des conventions, sans toute-
Jois violer aucune obligation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les consé-
quences», il faut comprendre, ainsi que j'ai tenté de l'expliquer (supra, n° 13), qu'on ne viole
aucune obligation légale lorsqu' on établit des actes dont on accepte toutes les conséquences,
même si Ie procédé utilisé a pour but de procurer un régime fiscal plus favorable et n'est pas
Ie plus normal.
26

La Cour de cassation se borne donc à relever que, d'après les consta-


tations, souveraines en fait, des juges du fond, les parties à l'opération cri-
tiquée ont accepté toutes les conséquences juridiques de leurs conventions
- c'est-à-dire qu'elles n'ont commis aucune simulation -, ce qui suffit
à rendre ces conventions opposables au fisc, suivant la leçon de !'arrêt Brepols
du 6 juin 1961 (analysé supra, n° 13).

C'est à mon avis, non seulement la confirmation de !'arrêt de princi-


pe de 1961, mais en outre la condamnation implicite de la thèse selon laquelle
des conventions dont les parties ont accepté toutes les conséquences juridi-
ques pourraient être déclarées inopposables à l' Administration sous pré-
texte que ces conventions ne seraient pas conformes à une «réalité économique».

N'était-ce d'ailleurs pas cette thèse que visait M. Ie Procureur général


Dumon dans une conférence récente lorsqu'il disait, à propos du «princi-
pe de bon sens» selon lequel Ie droit fiscal se fonde sur les réalités: «Con-
trairement à ce que certains ont pu penser, (ce principe) ne permet pas au
juge d'apprécier librement la réalité économique et de substituer son appré-
ciation à celle à laquelle Ie législateur a eu égard, notamment en décidant
librement quels sont les faits et circonstances producteurs de revenus qui
doivent être soumis à l'impöt»? Et il ajoutait: «Existent bien des confu-
sions à ce sujet dans certaines doctrines»< 24bis>. Ces confusions, j'espère que
!'arrêt du 28 février 1987 les aura définitivement dissipées.

19. - J'ajoute que, sans attendre !'arrêt de la Cour de cassation du


27 février 1987, l 'Administration a déterminé une réaction législative qui
prive d'efficacité fiscale la vente d'un bien complètement amorti suivie de
reprise en location du même bien: la loi du 4 août 1986 a introduit dans
l'article 50 du Code un paragraphe 8 selon lequel, en pareil cas, en subs-
tance, Ie vendeur ne pourra déduire, au titre de charges professionnelles,
les loyers (ou les amortissements s'il s'agit d'une location-financement).

C'est, en principe, la réaction correcte aux abus du choix de la voie


la moins imposée (cf. supra, n°s 9 à 11). Je dis «en principe», car la dispo-
sition, qui vise à la fois Ie cas de la location ordinaire et Ie cas de la location-
financement, est affreusement mal rédigée.

(24bis) Conférence précitée de M. Ie Procureur général Dumon, JDF, 1984, p. 5 et svtes,


spéc. p. 27.
CHAPITRE IV

LES APPLICATIONS CONTESTABLES


DE LA THÉORIE DE LA SIMULATION

20. - Ni l'offensive fondée sur la théorie de la fraude à la loi (supra,


n°s 12 et suivants), ni l'offensive fondée sur l'idée que l'impöt atteint les
réalités (supra, n°s 15 et suivants) n'ont donc ébranlé, à mon avis, Ie prin-
cipe de la liberté et de l'efficacité du choix de la voie la moins imposée, tel
qu'il a été consacré par la Cour de cassation en 1961.

Si Ie principe me paraît ainsi fermement établi, son application peut


comporter des difficultés.

Sans doute, Ie critère de la simulation est clair: la question est de savoir


si les parties ont accepté toutes les conséquences juridiques de l'opération
qu'elles présentent au fisc.

Mais il arrive que les conséquences juridiques de l'opération présen-


tée au fisc diffèrent très peu des conséquences juridiques d'une autre opé-
ration plus normale qui donnerait lieu à une charge fiscale plus élevée, et
qu'à défaut d'apercevoir une différence suffisamment nette, Ie juge con-
clue à la simulation.

En voici un exemple qui a donné lieu à plusieurs arrêts.

Si les distributions de bénéfices d'une société anonyme sont soumises


à la perception du précompte mobilier, il n'en est pas de même des rem-
boursements de capita! aux actionnaires opérés «en exécution d'une déci-
sion régulière de réduction du capita! social, prise conformément aux
dispositions de l'article 72» de la loi sur les sociétés (CIR, art. 12, § Ier, 2°)
pour autant que ces remboursements portent sur du capita! réellement libéré
(par opposition au capita! formé par incorporation de bénéfices réservés
ou de plus-values de réévaluation).

Lorsque Ie capita! social se compose à la fois de capita! réellement libéré


et de bénéfices réservés qui ont été incorporés au capita!, il appartient à l'assem-
blée générale qui décide la réduction du capita! de préciser que celle-ci s'imputera
par priorité sur Ie capita! réellement libéré: l'efficacité fiscale de pareille
décision à toujours été admise (voir COM. I.R., art. 12/14).
28

Une assemblée générale extraordinaire peut donc décider librement de


réduire Ie capita! réellement libéré par remboursement aux actionnaires -
opération non taxable - plutöt que de distribuer la même somme aux action-
naires à titre de dividende - opération soumise au précompte mobilier:
il s'agit d'une application indiscutable du libre choix de la voie la moins imposée.
L'économie fiscale réalisée n'est d'ailleurs pas définitive: Ie jour oû. la société
se liquidera, Ie boni de liquidation (c'est-à-dire l'excédent des sommes réparties
entre les actionnaires par rapport au capita! social réellement libéré restant
à rembourser) sera soumis à la cotisation spéciale de l'impöt des sociétés
(CIR, art. 118 et 131, 2°) et les sommes susceptibles d'être réparties en exemption
d'impöt lors de la liquidation seront diminuées des sommes qui auront été
remboursées aux actionnaires dans Ie courant de la vie sociale à titre de réduction
du capita!. Ce que Ie fisc perd au moment de la réduction de capita!, il Ie
rattrapera donc Ie jour de la liquidation de la société.

22. - Mais la réduction du capita! par remboursement aux actionnaires


peut susciter des réactions défavorables des créanciers de la société, et spé-
cialement de ses banquiers, qui voient ainsi diminuer Ie chiffre au-dessous
duquel les actionnaires s'interdisent de réduire l'avoir social par des distri-
butions de bénéfices.

Pour prévenir ces réactions, certaines sociétés ont procédé comme suit:
au cours d'une même assemblée générale extraordinaire, les actionnaires
ont décidé, d'abord, de réduire Ie capita! par remboursement aux action-
naires conformément à l'article 72 de la loi sur les sociétés, et ensuite, de
reconstituer Ie capita! à son montant initia! par incorporation de bénéfices
réservés.

En présence de pareille opération, !' Administration considère que la


réduction du capita! et l'augmentation consécutive de celui-ci forment une
opération unique et que celle-ci est purement fictive: elle raisonne dès lors
comme si l'assemblée générale extraordinaire n'avait pas touché au capi-
ta! et avait simplement décidé une distribution de bénéfices passible du pré-
compte mobilier.

Jusqu'à présent, ce raisonnement a été admis par les cours d'appel,


et les pourvois contre ces décisions ont été rejetés. (25 >
(25) Cass., 5 novembre 1963, Pas., 1964, I, 252 (arrêt relatif au régime antérieur à la réforme
fiscale); Cass., 20 décembre 1973, Pas., 1974, I, 431; Cass., 20 février 1986, JDF, 1987, p.
27. - On peut toutefois citer en sens contraire, à propos d'une opération du même type réali-
sée dans Ie cadre d'une SPRL, un arrêt inédit de la Cour d'appel d'Anvers du 7 mai 1985, en
cause PVBA M. Borzee en Zonen (RG, n° F 15/84), arrêt rendu sur accord del' Administra-
tion et, partant, non motivé.
29

Selon les deux derniers arrêts de la Cour de cassation, «pour que Ie


remboursement partiel du capita! d'une société, opéré à la suite, d'une décision
de son assemblée générale, prise conformément à l'article 72 des lois coor-
données sur les sociétés commerciales, ne puisse être considéré comme un
revenu d'action ... il faut que cette réduction ne soit pas simulée».

Jusqu'ici, il n'y a évidemment rien à redire, mais la Cour poursuit:


«Le juge peut légalement décider qu'une réduction de capita! opérée par
l'assemblée générale est simulée, lorsqu'il constate que cette même assem-
blée générale a, par une résolution concomitante, décidé de reconstituer son
capita! initia! en y incorporant des réserves déjà taxées à concurrence d'un
montant au mains égal à celui de la réduction du capita!».

Du seul fait qu'après la décision de réduire Ie capita!, l'assemblée a décidé


de reconstituer Ie capita! à son montant initia! par incorporation de réser-
ves, peut-on vraiment conclure que les actionnaires n'ont pas accepté tou-
tes les conséquences juridiques de la réduction du capita!?

Je ne Ie pense pas.

Sans doute, à première vue, on n'aperçoit pas quelle conséquence juri-


dique, autre que fiscale, la reconstitution du capita! par incorporation de
réserves laisse subsister.

Toutefois, comme l'a minutieusement démontré Daniel Garabedian


dans une étude consacrée au dernier arrêt de la Cour de cassation (26 ), la
situation de la société et des actionnaires après cette double opération n'est
pas la même que si !'on n'avait pas touché au capita!: la société a subi tou-
tes les conséquences juridiques de cette double opération, notamment du
fait qu'elle a supporté Ie droit d'enregistrement dû sur l'augmentation de
capita! par incorporation de réserves (aujourd'hui, 0,5 0/o) et !'honoraire
proportionnel dû au notaire sur Ie même montant; d'autre part, et ceci me
paraît tout à fait décisif, la valeur des actions est moindre à la suite de cette
réduction de capita! que si la société avait simplement procédé à un distri-
bution de bénéfices du même montant: en effet, spécialement si !'on sup-
pose un achat en bloc des actions de la société, l'acheteur éventuel tiendra
compte, dans la détermination du prix, du régime fiscal du capita! de la société :
s'agit-il de «bon capita!», c'est-à-dire d'un capita! susceptible d'être rem-

(26) D. Garabedian, «Le régime fiscal du remboursement de capita! opéré en exécution


d'une décision de réduction de capita! statutaire immédiatement suivie d'une décision d'aug-
mentation du capita! statutaire par incorporation de réserves», JDF, 1987, p. 5 et suivantes.
30

boursé en exemption d'impöt, ou s'agit-il de «mauvais capital», <lont le rem-


boursement donnera lieu à la perception du précompte mobilier ou à la coti-
sation spéciale sur Ie boni de liquidation?

23. - Swift a caractérisé la règle du précédent, qui domine Ie droit anglais,


par une formule célèbre: «lorsqu'un juge anglais a eu tort une fois, il se
donne pour règle de n'avoir plus jamais raison».

Certes, la règle du précédent n' existe pas en Belgique, mais dans Ie cas
qui nous occupe, il semble bien s'être établi une règle prétorienne selon laquelle
une décision de réduction de capita! par remboursement aux actionnaires
n' est pas opposable à l' Administration lorsque Ie même acte constate la recons-
titution du capita! initia! par incorporation de réserves.

Les praticiens en tiennent compte. Pour échapper à cette application,


à mon avis injustifiée, de la théorie de la simulation, il suffit de procéder
en deux temps: par exemple, convocation d'une première assemblée géné-
rale extraordinaire en vue d'augmenter Ie capita! par incorporation de réserves,
puis convocation d'une seconde assemblée générale extraordinaire en vue
de réduire Ie capita! par remboursement aux actionnaires, avec la précision
que cette réduction s'impute par priorité sur Ie capita! réellement libéré.

Si, aujourd'hui, un notaire passait un acte de réduction-augmentation


du capita! du type de ceux dans lesquels la jurisprudence voit une simula-
tion, sans attirer l'attention de ses clients sur ce <langer, je pense qu'il manquerait
à son devoir de conseil et engagerait sa responsabilité professionnelle. Dans
des cas de ce genre, oû. il est aisé d'éviter une charge fiscale, il ne s'agit pas
seulement, pour les hommes de loi et les conseillers fiscaux, de la liberté du
choix de la voie la mains imposée, mais d'un véritable devoir professionnel
d'indiquer cette voie aux contribuables. <27 i

(27) Comparez, dans Ie même sens, V. Gothot, «La fraude fiscale», dans Problèmesfis-
cauxd'aujourd'hui (1963), n° 2, p. 87 et suiv., spécialement p. 91: «il faudrait blämer !'offi-
cier public qui, dans des hypothèses simples, par exemple de la donation d'usufruit (qui donne
lieu au droit proportionnel de donation) oude !'abandon d'usufruit (enregistré au droit fixe),
n'aurait pas attiré l'attention de son dient sur la possibilité d'éviter l'impöt. Son devoir abso-
lu de conseiller juridique lui impose d'agir ainsi.»
CHAPITRE V

L'OBJET DU PRÉSENT «RECYCLAGE»

24. - L'objet du présent «recyclage de droit fiscal» est d'illustrer, dans


la pratique, Ie choix de la voie la moins imposée, à propos de situations cou-
rantes, auxquelles les praticiens sant régulièrement confrontés et qui ne donnent
généralement pas lieu à des litiges.

Les sujets choisis sant centrés sur l'entreprise.

25. - Il sera d'abord question des sociétés belges.

On n'a pas retenu ici l'étude des procédés de récupération des pertes
fiscales d'une société, notamment par la voie de l'absorption, et ce pour
deux raisons: d'une part, ce sujet a été traité dans un précédent recyclage
de la Conférence du Jeune Barreau consacré à «l'entreprise en difficulté»;
d'autre part, la Cour d'appel de Bruxelles a rendu, Ie 31 mars 1987, un arrêt
relatif à l'absorption d'une société prospère par une société en perte et eet
arrêt est actuellement déféré à la censure de la Cour de cassation, de sorte
qu'il a paru préférable de ne pas revenir sur la question avant que cette procédure
ne soit terminée.

Les questions retenues sant, en apparence tout au moins, beaucoup


plus simples: est-il fiscalement avantageux, pour une personne physique,
de transférer à une société beige des éléments de son patrimoine privé (valeurs
de portefeuille et immeubles) ou de mettre en société son entreprise individuelle?

Dans les sociétés, il n'y a pas que les associés, il y a aussi Ie personnel:
un second ordre de sujets consistera à explorer ce que les sociétés peuvent
encore faire pour améliorer la condition matérielle de leurs dirigeants et des
membres de leur personnel sans charges fiscales démesurées.

26. - Il sera ensuite question des sociétés étrangères.

Quels avantages fiscaux les résidents belges, d'une part, et les sociétés
belges, d'autre part, peuvent-elles retirer de la constitution de sociétés à
l' étranger ?

27. - En traitant ces différents thèmes, les conférenciers indiqueront,


au passage, les développements législatifs récents en rapport avec leur sujet,
32

de manière à remplir la mission traditionnelle des recyclages du Jeune bar-


reau, qui est la mise à jour des connaissances.

28. - Enfin, comme les voies mains imposées <lont il sera question
comportent généralement l'utilisation du régime fiscal des sociétés, il a paru
intéressant d'examiner l'incidence que pourrait avoir sur certaines des questions
traitées, s'il était adopté, Ie projet de réforme de l'imposition des sociétés
et Ie leurs associés qui a été proposé par un groupe de travail constitué au
sein du Conseil supérieur des Finances et qui a été repris dans les proposi-
tions de la Commission royale d'harmonisation et de simplification de la
fiscalité, mais qui n'a pas été retenu par Ie gouvernement démissionnaire.

Le 15 janvier 1988
LE TRANSFERT À UNE SOCIÉTÉ BELGE
D'ÉLÉMENTS DU PARTRIMOINE PRIVÉ:

I. LES VALEURS DE PORTEFEUILLE

par

J. KIRKPATRICK

Avocat à Ja Cour de cassation,


Professeur à l'Université libre de Bruxelles
1. - Pour illustrer les avantages fiscaux que peut présenter, pour une
personne physique, la mise en société de valeurs de portefeuille, je pren-
drai deux exemples.
CHAPITRE I

CONSTITUTION D'UNE SOCIÉTÉ BELGE EN VUE DE TRANSFÉRER


À CELLE-CI UNE PARTICIPATION QUE L'ON POSSÈDE DÉJÀ

2. - Un riche contribuable - appelons Ie Crésus - est à la tête notam-


ment d'une importante fortune mobilière: il est, au su de tous, un des principaux
actionnaires d'une société anonyme X, cotée en Bourse, qui distribue cha-
que année des dividendes plantureux.

Crésus estime être assez riche pour se payer Ie luxe de ne pas frauder.

Il est de ceux quine doutent pas que l'argent fait Ie bonheur.

3. - Et pourtant, jusqu'en 1984, Crésus n'était guère heureux: il devait


déclarer chaque année les importants dividendes produits par ses actions
X: sur Ie montant brut de ces dividendes, majoré du crédit d'impöt, il subissait
l'impöt des personnes physiques au taux Ie plus élevé (72 % sur la tranche
de revenus dépassant 4 millions). Cet impöt était ensuite diminué du pré-
compte mobilier et du crédit d'impöt. Mais à l'impöt s'ajoutaient, d'autre
part, la taxe communale additionnelle (à !'époque, peut-être 6 % de l'impöt)
et la cotisation dite de sécurité sociale et prétendûment temporaire (cotisa-
tion ONEm) de 10% des revenus excédant 3 millions. Ol

4. - Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 1983, qui a


porté Ie précompte mobilier à 25 % en Ie rendant en principe libératoire,
Crésus est assurément un peu moins malheureux.

Il a en effet Ie choix entre deux formules.

Première formule: Crésus opte pour Ie précompte libératoire. En ce


cas, outre Ie précompte de 25 %, il subira, sur la partie du montant net de
ses revenus mobiliers qui excède 1.100.000 F, la «cotisation spéciale assi-
milée à l'impöt des personnes physiques» instaurée par l'article 42 de la loi

( 1) Instaurée par des arrêtés de pouvoirs spéciaux illégaux (arrêtés n ° 55 du 16 juillet 1982
et n ° 125 du 30 décembre I 982), cette cotisation spéciale a été légalisée rétroactivement par
la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires (art. 60 et svts), puis
prorogée, la dernière fois, par la loi de crédits provisoires du 7 novembre 1987, jusqu'à l'exer-
cice d'imposition 1988 (revenus de 1987). Il faut rendre hommage à la sollicitude du législa-
teur à l'égard des contribuables auxquels il demande les plus lourds sacrifices: votée Ie 7 novembre
1987 et publiée au Moniteur du 17 novembre, la loi imposait à ceux-ci de faire, dès Ie Ier décembre
1987, un versement provisionnel égal à JO% de leur revenu de 1987, sous peine d'intérêts de retard.
38

du 28 décembre 1983.
Le taux de cette cotisation spéciale est progressif par tranches : il va
de 2711/o (sur la tranche de 1.100.000 F à 1.500.000 F) à 4711/o (sur la tran-
che de revenus excédant 3.000.000 F).
Supposons que Ie montant net des revenus mobiliers de Crésus dépas-
se 3.000.000 F par an: sur la tranche la plus élevée, il subit donc un impöt
de 60,25 0Jo< 2>, sans possibilité d'imputer Ie crédit d'impöt. En outre, les
mêmes revenus sont soumis à la cotisation ONEm déjà citée (supra, n° 3).
Jusqu'ici, Crésus n'a pas lieu de se réjouir.
5. - Toutefois, la cotisation spéciale n'est pas due par les contribua-
bles qui prennent et observent !'engagement:
1) d'affecter, avant la fin de la deuxième année qui suit l'année des revenus,
une somme au moins égale à la base de calcul de la cotisation spéciale à la
souscription et à la libération
- d'actions de sociétés belges,
- ou d'obligations émises après Ie 31 décembre 1983 par des sociétés bel-
ges «qui se livrent à une activité industrielle» ;
2) de conserver les titres ainsi libérés pendant au mains cinq ans ou,
en cas de cession dans les cinq ans de leur libération, de remployer Ie prix
de cession, dans les trois mais de la cession, par la souscription et la libéra-
tion de titres répondant aux mêmes spécifications <3>.
Si Crésus veut échapper à la cotisation spéciale, il lui suffit donc de
réinvestir l'excédent du montant net de ses revenus mobiliers par rapport
à 1.100.000 F en souscrivant à des augmentations de capita! dans Ie délai
légal. Cette obligation de remploi a certainement contribué au succès des
augmentations publiques de capita! des sociétés belges à la fin de 1986.
Toutefois, à la fin de 1987, Crésus et ses pareils ont été saisis d'angoisse:
la chute des cours a rendu impossibles les augmentations publiques de capita!
programmées pour la fin de cette année.

(2) Ce taux est Ie total de 25 Ofo (précompte mobilier) + 47 Ofo du solde de 75 Ofo.

(3) Loi du 28 décembre 1983, article 42, § 3. - Le texte ajoute, dans Ie langage approxi-
matif qui caractérise notre législateur fiscal, que Ie remploi prévu au 2° n'est pas requis «si
la cession résulte du décès du contribuable ou d'une circonstance de force majeure». Une trans-
mission par décès n'est évidemment pas une cession. L'on comprend d'ailleurs mal pourquoi
les successeurs du défunt ne sont pas tenus de l'obligation de remploi de leur auteur.
39

En !'absence de pareil marché, il existe cependant une solution de rechange


fort simpte: Crésus peut constituer, avec l'un ou l'aötre membre de sa famille
ou avec quelques riches amis, une société à laquelle il fera apport des som-
mes nécessaires pour assurer Ie remploi requis, et cette société pourra pla-
cer les fonds comme elle l'entend.
Que Crésus souscrive à des augmentations publiques de capital ou qu'il
constitue une société privée, Ie remploi, qui doit être maintenu pendant cinq
ans, présente l'inconvénient que Crésus est privé de ses liquidités: pour échapper
à l'impöt, il est ainsi condamné à devenir de plus en plus riche et à disposer
de moins en moins de revenus.
6. - Secondeformule: si l'option pour Ie précompte libératoire ne satisfait
pas Crésus, il peut choisir de déclarer ses revenus de capitaux et biens mobiliers,
en tout ou en partie, de manière à les soumettre, dans la mesure ou il les
déclare, au régime fiscal de droit commun déjà décrit (supra, n ° 3): impöt
progressif par tranches sur Ie montant brut des revenus d'actions, majoré
du crédit d'impöt, et imputation sur l'impöt global du précompte mobilier
et du crédit d'impöt. <4l
S'il s'en tient là, cette seconde branche de l'alternative ne conduit cer-
tainement pas à un meilleur résultat que Ie précompte mobilier majoré de
la cotisation spéciale.

Toutefois, le choix du droit fiscal commun peut s'avérer avantageux,


dans certains cas, gràce à l'application de l'article 71 du Code, qui permet
de déduire de !'ensemble des revenus nets imposables «2° les intérêts de dettes
contractées en vue d'acquérir oude conserver un revenu irnmobilier ou mobilier
qui entre en compte pour la détermination du revenu imposable» (5l.
Il n'est cependant pas possible d'éponger par des intérêts d'emprunts

(4) Depuis que l'impöt des sociétés a été réduit à 43 "7o par la loi du 4 août 1986, Ie crédit
d'impöt applicable aux dividendes est de 50% du montant net encaissé (après déduction du
précompte mobilier) oude 37 ,5 "7o du montant brut (avant déduction du précompte mobilier)
(CIR, art. 135, modifié pour la dernière fois par la loi du 4 août 1986).

(5) Idéalement, il faudrait faire en sorte que la charge annuelle d'intérêt ne laisse subsis-
ter qu'un revenu mobilier net tel que la quotité de l'impöt des personnes physiques propor-
tionnellement afférente à ce montant net soit éliminée par l'imputation du crédit d'impöt.
Cette imputation n'est en effet permise qu'à concurrence de la quotité de l'impöt des person-
nes physiques qui est proportionnellement afférente aux revenus de capitaux et biens mobi-
liers (CIR, art. 197, § Ier, 2°) et Ie surplus du crédit d'impöt n'est pas restituable. En cette
hypothèse, Ie contribuable récupère d'autre part Ie précompte mobilier en l'imputant sur l'impöt
relatif à d'autres revenus (par exemple à des revenus professionnels) et en obtenant la restitu-
tion de l'excédent éventuel (CIR, art. 211, § 2).
40

les revenus imposables d'une participation préexistante de l'importance de


celle que possède Crésus.

7. - Le régime du précompte libératoire avec option pour Ie droit com-


mun, assorti de la déduction des intérêts de la base imposable, tel qu'il res-
sort de la loi du 28 décembre 1983, est tellement absurde que Ie Gouvernement
même qui l'a instauré s'en est convaincu: lorsqu'il s'est prononcé sur les
grandes lignes de la fameuse réforme fiscale qui devait assurer la reconduction
de la majorité sortante, Ie Gouvernement s' est en effet arrêté, en ce qui concerne
les revenus de capitaux et biens mobiliers, à deux amendements du régime
fiscal existant :

1) Ie précompte mobilier deviendrait obligatoirement libératoire (sans


possibilité de choisir Ie droit commun);

2) la cotisation spéciale assimilée à l'impöt des personnes physiques


serait abolie.

La chute du Gouvernement Martens VI rend toutefois impossible tout


pronostic sur la teneur de la réforme attendue.

Crésus craint que des gens comme lui n'aient rien à gagner à un nou-
veau gouvernement à participation socialiste.

8. - Dans ces conditions, existe-t-il une voie moins imposée dans laquelle
Crésus puisse s' engager sans risque?

Cette voie existe, et est même fort simple.

Je conseille à Crésus de constituer urre société anonyme ou une SPRL


avec, par exemple, un membre de sa famille qui souscrirait quelques parts.
Il me paraît inutile de l'engager dans la voie nouvelle de la société d'une
personne et je conseille que la participation de !'associé minoritaire soit réelle
et substantielle (par exemple: 1 OJo ou 2 OJo du capita!).

A la constitution de cette société, que j'appellerai Holding, Crésus fera


un apport en nature portant sur une partie de ses actions de la société X
(par exemple 50 OJo ). Cet apport en nature nécessitera un rapport de revi-
seur d'entreprises et sera soumis au droit d'apport de 0,5 %.

Aussitöt après la constitution de Holding, Crésus lui vendra l'autre moitié


41

de ses actions X moyennant un prix payable à terme. Cette vente par Ie principal
fondateur de la société est un quasi-apport, qui donnera également lieu à
un rapport de reviseur d'entreprises.

Par l'effet de cette double opération (apport, puis vente), Crésus ne


sera plus lui-même Ie principal actionnaire de la société X, mais il sera action-
naire ou associé de la société Holding, laquelle sera propriétaire de la par-
ticipation dans la société X.

9. - Une fois ce dispositif mis en place, Ie régime fiscal des dividen-


des payés par la société X à la société Holding sera Ie suivant.

a) Lors de la mise en paiement du dividende annuel, la société X devra


retenir à la source et payer au fisc Ie précompte mobilier de 25 % , comme
auparavant, mais ce précompte ne constituera pas une charge fiscale défi-
nitive pour la société Holding, car il sera imputable sur l'impót des socié-
tés dû par la société Holding et restituable dans la mesure ou il excéderait
l'impót dû (CIR, art. 211).

b) D'autre part, comme les bénéfices distribués par la société X oot


subi l'impöt des sociétés dans Ie chef de celle-ci, ils constitueront, pour la
société Holding, des revenus définitivement taxés, et seront déductibles de
la base imposable de l'impöt des sociétés, pour autant que la participation
de la société Holding soit permanente, au sens très particulier que l'article
112 du Code donne à cette expression: il faut que la société Holding ait été
propriétaire (ou usufruitière) <6l de la participation pendant tout l'exerci-
ce social au cours duquel Ie dividende a été recueilli.

Les dividendes qu'une société beige retire d'une autre société sont déduc-
tibles de la base imposable, en principe, à concurrence de 95 % de leur montant
brut (avant déduction du précompte mobilier). Cette déduction est toute-
fois limitée à 90 % pour les sociétés financières définies à l' article 113 du
Code: en simplifiant quelque peu, je dirai qu' est une société financière au
sens de eet article la société qui possède des participations <lont la valeur
d'acquisition représente plus de la moitié des fonds propres.

La société Holding sera soumise à ce régime, puisqu'elle n'a d'autre


actif que des actions de la société X: elle subira donc l'impöt des sociétés
sur Ie solde de 10 % du dividende brut distribué annuellement par la socié-

(6) Sur l'application des articles 111 et 112 du Code au cas ou la société n'a que l'usufruit
d'une participation, voy. Cass., 17 avril 1986, Ann. Liège, p. 566 et la note J. Kirkpatrick.
42

té X - à moins que ce solde ne soit absorbé par des frais, tels que, par exemple,
des charges financières.

En résumé, au niveau de la société Holding, Ie précompte mobilier retenu


par la société X subi lors de la distribution du dividende est récupéré et la
charge fiscale se limite à l'impöt des sociétés de 43 OJo sur 10 OJo au maximum
du dividende recueilli.

Gräce à ces dividendes, à peine amputés par l'impöt, la société Hol-


ding pourra rembourser progressivement Ie prix de vente qu'elle reste devoir
à Crésus.

Ainsi, à titre de paiement du prix de la vente à la société Holding de


50 OJo de sa participation X, Crésus recueillera des sommes à peu près équi-
valentes au dividende brut produit par les actions X qu'il possédait initialement.

Si l'on suppose que Ie dividende brut produit par les actions X est de
6 OJo du prix de vente par action X, la paiement total du prix de la vente de
50% des actions prendra environ huit ans. L'encaissement d'un prix par
annuités ne constitue évidemment pas un revenu imposable.

10. - On peut hésiter sur Ie point de savoir s'il faut conseiller à Cré-
sus de stipuler un intérêt sur ce prix payable à terme.

Il ne fait pas de doute que si Crésus ne stipule aucun intérêt, Ie fisc ne


pourra ajouter à ses revenus imposables un intérêt fictif: la taxation de pareils
revenus fictifs n'est prévue par la loi que dans Ie cas ou une entreprise bel-
ge consent des avantages anormaux à une entreprise étrangère (CIR, art.
24); or Crésus n'est pas une entreprise, mais un épargnant privé; de plus
la société Holding n'est pas étrangère, mais belge.

Si Crésus stipule un intérêt, les sommes payées à ce titre par la société


Holding devront faire l' objet de la retenue à la source du précompte mobi-
lier de 25 OJo, qui est en principe libératoire. Toutefois, sous Ie régime actuel,
si Ie montant net des intérêts encaissés au cours de l'année excède 316.000
F, Crésus devra en outre la cotisation spéciale assimilée à l'impöt des per-
sonnes physiques (20 OJo sur la tranche de 316.000 F à 700.000 F, 23 OJo sur
la tranche de 700.000 F à 1.110.000 F, puis, sur les tranches suivantes, les
taux indiqués supra, n° 4).

En revanche, au niveau de la société Holding, l'intérêt éventuel cons-


43

tituera une charge déductible de nature à éliminer totalement la base imposable


à l'impöt des sociétés (de 10 % des dividendes bruts recueillis).

11. - Mais, me direz-vous, qu'adviendra-t-il après huit ans, lorsque


la société Holding aura entièrement payé Ie prix?

Ace moment-là, Crésus pourra encore retirer de l'argent de sa société


sans charge fiscale en décidant une réduction du capita! par remboursement
aux actionnaires conformément à l'article 72 de la loi sur les sociétés, ce
qui permettra encore à Crésus d'éviter tout revenu mobilier taxable pour
une nouvelle période de l'ordre de huit ans.

12. - Bien entendu, il n'est pas possible de réduire Ie capita! en-deçà


de 1.250.000 F.

Que faire lorsqu'on en sera arrivé !à?

On pourra encore suggérer à Crésus de scinder sa société Holding en


une société Hl et une société H2, par apport d'une partie de l'avoir social
de la société Holding à Hl et d'une autre partie à H2. Par l'effet de la scis-
sion, Crésus recevra, en échange de ses anciens titres Holding, des titres H 1
et H2.

Cette scission implique la liquidation de la société Holding, mais est


exemptée de la cotisation spéciale sur Ie boni de liquidation en vertu de l'article
124 du Code. D'autre part, les apports faits dans Ie cadre d'une scission
sant exemptés du droit d'apport de 0,5 %. La scission ne coûte donc rien,
si ce n'est les honoraires du reviseur d'entreprises et du notaire et les frais
de publication au Moniteur.

Cette scission une fois réalisée, rien n'empêche Crésus, après un délai
raisonnable, de vendre, au fur et à mesure de ses besoins d'argent, ses actions
H 1 à la société H2.

Les plus-values résultant de pareilles ventes sant des profits résultant


d'actes de gestion normale d'un patrimoine privé consistant en valeurs de
portefeuille et ne sant dès lors pas taxables (arg. CIR, art. 67, 1°).

Certes, l'article 67, 8°, prévoit l'imposition des plus-values réalisées


par une personne physique à !'occasion de la vente d'actions d'une société
beige «si, à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la
44

cession, Ie cédant. .. a possédé directement ou indirectement, à lui seul ou»


avec des membres de sa familie, déterminés par la loi, «plus de 25 OJo des
droits dans la société dont les actions sont cédées». Jusqu'en 1984, cette
disposition était applicable en cas de vente des actions à une société, que
celle-ci fût beige ou étrangère. Toutefois, une loi du 31 juillet 1984 a exclu
l'application de cette disposition en cas de vente des actions à une société beige.

Ainsi Crésus aura encore plusieurs années de répit pendant lesquelles


il pourra vendre ses actions H 1 à H2 ets' abstenir de recevoir aucun revenu
de ses actions.

Pour éviter de devoir, ultérieurement, procéder à la scission de la société


holding, il est préférable que Crésus constitue, ab initio, deux sociétés hol-
dings Hl et H2, par apport d'une partie des actions X à Hl et d'une autre
partie à H2.

Ceci peut d'ailleurs présenter, Ie cas échéant, l'avantage de faire échapper


Crésus à la limitation légale de sa puissance devote dans la société X.

13. - Le transfert à une ou deux sociétés holding de la participation


de Crésus dans la société X ne risque-t-il pas de présenter de graves incon-
vénients Ie jour ou une occasion de vendre les actions X à des conditions
très avantageuses se présenterait, par exemple en cas d'offre publique d'achat?

Certes, si la société Holding vend ses actions X à un prix supérieur à


leur valeur d'acquisition, la plus-value réalisée sera en principe taxable à
l'impöt des sociétés:

- au taux de 43 OJo si la vente intervient moins de cinq ans après l'acqui-


sition de ces actions par Holding;

- au taux de 21,5 OJo dans Ie cas contraire (CIR, art. 130), à moins que
Holding ne remploie, en ce cas, la totalité du prix de vente, dans Ie délai
légal de trois ans, par exemple en souscrivant des actions à !'occasion d'une
émission publique oude la création d'une société filiale, auquel cas la plus-value
est immunisée (CIR, art. 36).

Mais si une OPA se présente, il sera sans doute possible de vendre à


!'auteur de l'offre, plutöt que les actions X détenues par la société Holding,
les actions de la société Holding elle-même: en ce cas, c' est Crésus qui vend
des actions Holding qui lui appartiennent; la plus-value sera réalisée dans
45

Ie cadre de la gestion normale d 'un patrimoine privé et ne sera pas imposa-


ble. Cette vente se fera hors OPA, mais Ie prix devra être déterminé sur base
du prix offert pour les actions X dans Ie cadre de !'OPA.

Je pense donc que Crésus n'a pas lieu de s'inquiéter.


CHAPITRE II

CONSTITUTION D'UNE SOCIÉTÉ BELGE EN VUE DE FAIRE


ACQUÉRIR PAR CELLE-CI LA PARTICIPATION D'UN TIERS

14. - Tout Ie monde n'est pas Crésus.

Mais on rencontre d'autres situations dans lesquelles la constitution


d'une société beige pour détenir une participation dans une autre société
beige s'impose.

Voici une société Y constituée par deux frères, Jean et Jacques Dupont,
qui prennent tous les deux une part active à la direction de la société.

Jean meurt, laissant une veuve.

Jacques, resté seul administrateur délégué, souhaite acquérir la parti-


cipation de sa belle-sreur, mais n'a pas les fonds nécessaires. Il devrait donc
emprunter en banque, mais comment remboursera-t-il eet emprunt? Ses
revenus professionnels d'administrateur délégué, si importants soient-ils,
sont mangés par l'impöt. S'il détermine la société Y à des distributions de
dividendes, ces distributions subiront Ie précompte mobilier et Jacques devra
peut-être payer en outre la cotisation spéciale assimilée à l'impöt des per-
sonnes physiques (l'achat d'actions existantes d'une société n'est pas une
remploi permettant d'éviter l'application de cette cotisation spéciale).

15. - Que faut-il conseiller à Jacques?

Qu'il commence par faire apport de ses actions de la société Y à une


nouvelle société, que j'appellerai à nouveau Holding.

C'est cette société Holding qui contractera l'emprunt bancaire (moyennant


mise en gage de ses actions Y achetées à la veuve de Jean, et des actions Y
apportées par Jacques).

lei, il faut distinguer deux hypothèses.

16. - Premier cas: Si la société Y a un montant suffisant de bénéfices


réservés qui ont déjà subi l'impöt des sociétés (par opposition aux réserves
de réévaluation et aux plus-values immunisées, dont la distribution entraî-
ne la débition de l'impöt des sociétés), elle peut décider une distribution massive
de ses réserves à ses actionnaires, c'est-à-dire principalement à la société Hol-
48

ding: celle-ci récupèrera Ie précompte mobilier retenu à la source par la société


Y et, pour autant que cette distribution intervienne à un moment ou la société
Holding a eu la propriété des actions depuis Ie début de l'exercice social,
la société Holding bénéficiera, selon Ie mécanisme déjà décrit, de la déduction
des revenus définitivement taxés (supra, n° 7). Dans ce cas-ci, la déduction
sera de 95 OJo et non de 90 OJo, bien que la valeur d'acquisition de la partici-
pation Y représente plus de 50 OJo des fonds propres de Holding: en effet,
pour déterminer si Holding est une société financière qui ne peut déduire
ses revenus définitivement taxés qu'à concurrence de 90 OJo, il n'est pas tenu
compte des participations représentant plus de 75 OJo du capita! de la socié-
té émettrice (CIR, art. 113, § 2, al. 2). La charge fiscale de Holding se limi-
tera donc à l'impöt des sociétés sur 5 OJo du montant brut des dividendes
distribués par la société Y.

Vous me direz que!' existence de réserves disponibles au passif du bilan


n'implique pas nécessairement des liquidités à l'actif pour un montant équi-
valent. l'en conviens, mais rien n'empêche Y d'emprunter pour permettre
la distribution de ces réserves à la société Holding: les charges financières
de eet emprunt seront déductibles des bénéfices imposables de la société Y.

D'autre part, gräce à cette distribution, la société Holding pourra rem-


bourser son emprunt.

Ainsi, en fin de compte, Jacques aura réussi à acquérir la participa-


tion de sa belle-sreur dans la société Y au prix d'une amputation du patri-
moine de la société Y.

17. - Second cas: Il se peut que la société Y n'ait pas un montant suf-
fisant de réserves taxées disponibles pour procéder à une distribution mas-
sive permettant à la société Holding de rembourser immédiatement !' emprunt.

Même en ce cas, la construction proposée reste avantageuse: la socié-


té Y distribuera annuellement ses bénéfices, dans la plus grande mesure possible,
et la société Holding pourra affecter la quasi-totalité du montant brut des
dividendes recueillis au remboursement des annuités de l'emprunt (puis-
que la société Holding récupère Ie précompte mobilier de 25 OJo et ne subit
l'impöt des sociétés que sur 5 OJo du dividende brut). Au contraire, si Jac-
ques était resté directement actionnaire de la société Y, les sommes dispo-
nibles pour Ie remboursement de!' emprunt auraient été amputées du précompte
mobilier de 25 OJo, voire, en outre, de la cotisation spéciale assimilée à l'impöt
des personnes physiques.
49

C'est ce qu'a fort bien mis en lumière, chiffres à l'appui, J. Cougnon,


dans un article intitulé «La société de portefeuille, un maître-choix pour
acquérir son entreprise». l 7l

18. - L'économie fiscale est donc considérable par rapport à la situation


qui se serait présentée si Jacques avait tout simplement souscrit un emprunt
pour acheter lui-même les actions de sa belle-sreur.

La situation comporte néanmoins un inconvénient si, comme il est pro-


bable, la charge des intérêts de l'emprunt supportée par la société Holding
est supérieure à 5 OJo du montant brut des dividendes retirés de la société Y
par la société Holding: en ce cas, la société Holding sera en excédent de revenus
définitivement taxés, c'est-à-dire que ses revenus définitivement taxés théo-
riquement déductibles dépasseront son bénéfice net. Or il faut savoir que
les revenus définitivement taxés ne sont déductibles du bénéfice imposable
qu'à concurrence du bénéfice net: la déduction de l'excédent éventuel est
perdue.

Comment remédier à ce gaspillage fiscal?

On peut conseiller à Jacques de faire absorber la société Holding par


la société Y. Cette opération paraît quelque peu contre nature, car elle consiste
à faire absorber la mère par la fille, mais le droit des sociétés permet pareil-
le absorption.

Pour réaliser celle-ci, la société Holding sera dissoute anticipativement


et son liquidateur fera apport à la société Yde tout l'avoir social de Hol-
ding (comportant activement les actions Y et passivement la dette de l'emprunt).

Recevant ainsi ses propres titres, la société Y devra évidemment les annuler,
de sorte que l' augmentation nette du capita! sera nulle, si l' on ne prend pas
la précaution, que je recommande en pareil cas, de faire en sorte que Ie patri-
moine de la société Holding comporte également, à concurrence d'un fai-
ble pourcentage, quelque autre élément d'actif.

Par l'effet de cette absorption, Jacques se retrouve actionnaire direct


de la société Y, cette fois pour la quasi-totalité des actions de celle-ci.

(7) RGF, 1985, p. 203. - Je renvoie à cette étude pour les calculs de l'économie fiscale
réalisée. L'auteur étudie Ie cas de l'acquisition de toutes les actions d'une société, mais Ie mécanisme
est Ie même dans l'exemple que j'ai choisi.
50

L'avantage de ce retour apparent à la case de départ est que, désor-


mais, Ie débiteur de l'emprunt contracté pour acquérir les actions de la veuve
de Jean n'est plus la société Holding mais la société Y. Celle-ci pourra déduire
intégralement les charges financières de l'emprunt de ses bénéfices impo-
sables. Si ces charges financières avaient pour effet de mettre temporaire-
ment la société Y en perte, cette perte serait déductible des bénéfices ultérieurs
de la société Y.

19. - Une fois que la société Y aura intégralement remboursé Ie prêt,


elle pourra à nouveau distribuer des dividendes, et Ie moment sera venu de
donner à Jacques Ie même genre de conseil que celui donné à Crésus dans
l'exemple précédent (supra, n°s 6 et svts).

Le 15 janvier 1988
LE TRANSFERT À UNE SOCIÉTÉ BELGE
D'ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE PRIVÉ (SUITE)

II. LES IMMEUBLES

par

MarcBALTUS

Avocat au Barreau de Bruxelles


Professeur à l'Ecole supérieure des sciences fiscales
Limitation du sujet
Le sujet a été limité
- au transfert d'éléments du patrimoineprivé; ne sera pas examiné dès lors
le transfert d'un immeuble que son propriétaire affectait à l'exercice de
sa profession
- au transfert vers une société beige, l'utilisation d'une société étrangère
faisant l'objet d'un autre exposé.

Signalons que Monsieur van Fraeyenhoven a déjà consacré, en 1981,


une excellente étude au même sujet sous le titre «Avantages et inconvénients
des sociétés civiles immobilières» dans les «Réflexions offertes à Paul Sibille»
(p. 923).

Il va de soi que le problème ne présente d'intérêt appréciable que pour


les patrimoines immobiliers importants.
CHAPITRE I

IMPÖTS SUR LES REVENUS

A. - Brei rappel des regies principales de l'imposition des revenus immo-


biliers et des plus-values immobilières

Seront seules examinées ici les situations les plus fréquentes en écar-
tant des cas particuliers tels que ceux des immeubles pour lesquels Ie pré-
compte immobilier est libératoire, ou des immeubles acquis par une personne
physique dans un but spéculatif, ou des immeubles apportés à une société
«marchand de biens» ou à une société agricole, etc.

a. Revenus

Pour une personne physique

Le revenu est d'abord soumis au précompte immobilier et à ses addi-


tionnels locaux, sur la base du revenu cadastral qui est censé représenter
Ie «revenu normal moyennet d'une année» (articles 7, 1° et 360par. 2 C.I.R.).

Le revenu immobilier est ensuite soumis, cumulé avec les autres reve-
nus, à l'impöt des personnes physiques, selon les modalités suivantes.

1° Si l'immeuble est occupé par son propriétaire, Ie revenu imposable


est Ie revenu cadastral.

Pas de déduction de charges puisqu'il s'agit d'un revenu forfaitaire net.

Mais déduction

a) en ce qui concerne la maison d'habitation principale du redevable,


d'un abattement de 120.000 F augmenté de 10.000 F pour Ie conjoint et pour
chaque personne à charge (article 10 par. Ier C.I.R.)

b) des intérêts de l'emprunt contracté pour acquérir Ie bien, à concur-


rence du total des revenus immobiliers et mobiliers imposés (article 71 par.
2 C.I.R.).

2° Si l'immeuble est loué à une personne physique qui n'affecte pas


l'immeuble à l'exercice de son activité professionnelle, Ie revenu imposa-
56

ble est le revenu cadastral, sans déduction de charges (sauf les intérêts), ni
d' abattement.

3° Si l'immeuble est loué à une autre personne (société, A.S.B.L., personne


physique qui l'affecte à l'exercice de son activité professionnelle, etc), le
revenu est constitué par les loyers et les charges locatives encaissés, pour
leur montant brut diminué, pour frais d'entretien et de réparations de 40%,
pour les immeubles bätis, sans que cette déduction puisse excéder les deux
tiers du revenu cadastral revalorisé en fonction d'un coefficient déterminé
par le Roi, ou 10 OJo pour les immeubles non bätis (article 7 par. 2 C.I.R.).

Dans tous les cas, le précompte immobilier, y compris ses addition-


nels, est imputé sur l'impöt des personnes physiques, mais seulement à con-
currence de 12,5 OJo du revenu cadastral subsistant après déduction éventuelle
de l'abattement, mais avant déduction des intérêts (article 188 C.I.R.).

Pour une société

Le loyer et les autres sommes reçues du locataire sont une recette -


ou une créance - qui entre en compte pour la détermination des résultats.

Les charges sont déductibles pour leurs montants réels.

Le précompte immobilier assis, lui, comme pour les personnes physi-


ques, sur Ie revenu cadastral, est imputable sur l'impöt des sociétés à con-
currence de 12,5 OJo du revenu cadastral, et Ie solde non imputé est déductible
comme charge professionnelle (article 45, 9° C.I.R.).

Le taux de l'impöt des sociétés varie entre 30 OJo (sur Ie premier mil-
lion) et 43 OJo (si Ie bénéfice atteint 16.600.000 F) (article 126 C.I.R.); il est
toujours de 43 OJo si la société distribue ses bénéfices pour un montant supérieur
à 13 OJo de son capita!.

b. Plus-value réalisée lors de l'aliénation de l'immeuble

Pour un particulier

L'hypothèse étant celle d'un immeuble non affecté à l'exercice de la


profession, ni à une spéculation immobilière, la plus-value est celle d'un
élément du patrimoine privé et n' est pas imposable, sauf pour certains immeu-
bles non bätis aliénés moins de neuf ans après leur acquisition (article 67,
57

7° C.I.R.).

Pour une société

La plus-value est imposable en principe, éventuellement à un tam: réduit


si l'immeuble a été conservé dans Ie patrimoine social pendant plus de 5 ans
(article 130 C.I.R.).

La plus-value peut cependant généralement être immunisée en cas de


remploi (article 36 C.I.R.).

B. - A vantages à conserver l'immeuble dans Ie patrimoine privé

Il ressort de ce qui précède que Ie transfert d'un immeuble d'un patri-


moine privé dans celui d'une société (en Ie lui apportant, en Ie lui vendant,
ou en Ie lui faisant acquérir au moyen de fonàs apportés ou prêtés) présen-
te de nombreux inconvénients.

1. - Pour une personne physique, c'est en principe Ie revenu cadas-


tral qui est retenu comme base imposable et ce forfait est souvent largement
inférieur à la réalité, tandis qu'une société est imposable sur Ie revenu réel
du bien.

La différence est moindre dans les cas ou, même pour une personne physi-
que, c'est Ie revenu réel qui est imposé (immeuble affecté par Ie locataire
à l'exercice d'une profession).

2. - Une société ne bénéficie pas de l'abattement pour «occupation


personnelle».

L'apport à une société de l'immeuble qui sert d'habitation principale


au redevable est donc rarement avantagem: puisque Ie revenu d'un tel immeuble
n'est pas imposé ou ne !'est, généralement, que faiblement, tandis qu'en
cas d'apport à une société, Ie redevable devra payer à «sa» société un loyer
normal, imposable, sous peine d'être taxé sur un avantage en nature.

3. - Le désavantage principal du transfert de l'immeuble à une société


est l'imposition, à charge de celle-ci, de la plus-value en cas d'aliénation
du bien, tandis que la plus-value d 'un immeuble appartenant à une personne
physique échappe normalement à tout impöt.
58

L'imposition de pareille plus-value est particulièrement regrettable lorsque,


en période de forte inflation, elle est purement nominale et traduit simple-
ment la dépréciation de la monnaie.

Ce désavantage est cependant atténué par la taxation à taux réduit de


la plupart des plus-values réalisées sur les immeubles, et aussi par la possi-
bilité d'immunisation en cas de remploi.

La taxation peut d'ailleurs être évitée en vendant les actions de la société


(éventuellement après scission de celle-ci) plutöt que l'immeuble mais le pro-
blème est alors, dans une certaine mesure, reporté sur l'acheteur qui acquiert
les actions d'une société grevée d'un passif fiscal latent.

Une réserve doit être faite si la vente des actions dissimule en réalité
une vente de l'immeuble (voir ei-après la section consacrée aux droits d'enre-
gistrement).

4. - Il existe, dans certains cas, un moyen plus simple que le transfert


en société, pour réduire la charge de l'impöt.

Gràce à la combinaison de la déduction des intérêts débiteurs et du pré-


compte mobilier libératoire sur les revenus mobiliers, il est possible de réduire
les revenus immobiliers imposables en recourant à un emprunt et en inves-
tissant le capital emprunté en valeurs mobilières.

Exemple

Hypothèse

- Immeubles commerciaux: revenu cadastral 400.000


loyers 1.666.666
- taux marginal de taxation (y compris la cotisation O.N.E.M.) 80%

- Revenu immobilier imposable:


1.666.666 X 0,6 = 1.000.000
- Impöt des personnes physiques:
1.000.000 X 0,8 = 800.000
moins précompte immobilier
(400.000 X 0, 125) - 50.000

lmpöt des personnes physiques enrölé 750.000


59

Si Ie contribuable emprunte 12,5 millions à 8 %, il sera redevable d'un


intérêt annuel de 1.000.000, déductible de son revenu imposable global.

Il réalisera ainsi une économie fiscale de 800.000 F, en sorte que, fina-


lement, son emprunt ne lui coûtera effectivement que 200.000 F (soit 1,6 % ).

C. - A vantages du transfert de l'immeuble à une société

1. - Une société, à la différence d'une personne physique, peut tou-


jours déduire les frais qu'elle expose réellement (entretien, réparations, assu-
rance, surveillance, quotité non imputable du précompte immobilier, etc.).
Dans bien des cas, ces frais dépassent - et parfois largement - Ie forfait
de 40 % (ou de 10 % pour les parcelles non bäties) retenu pour l' établisse-
ment du revenu cadastral (articles 366 par. 2 et 368 par. 2 C.I.R.).

L'hypothèse est particulièrement fréquente pour les domaines com-


prenant des parcelles cadastrales non bäties telles que parcs, étangs, etc. ou
les frais d' entretien sont extrêmement importants et dépassent de loin 10 %
de la valeur locative.

C' est Ie cas aussi pour des immeubles tels que chäteaux, biens histori-
ques, etc., dont les frais d'entretien et de réparations sont fort élevés.

2. - Une société peut déduire l'amortissement des bätiments (pas des


terrains) qu'elle possède, éventuellement de façon accélérée, par Ie systè-
me des amortissements dégressifs.

3. - Le taux de l'impöt des sociétés, comme dit ci-dessus, est large-


ment inférieur à la plupart des taux marginaux de l'impöt des personnes
physiques.

Reprenons les données de l'exemple précédent et supposons que Ie con-


tribuable en question apporte en société ses immeubles commerciaux pour
une valeur d' apport de 20 millions (dont 4 millions pour les terrains) et que
la moyenne des charges déductibles (en ce compris la quotité non imputa-
ble du précompte immobilier) soit de 500.000 F.
60

La base imposable à l'impöt des sociétés se présentera comme suit:

loyers 1.666.666
moins amortissement 480.000
- charges 500.000

- 980.000
bénéfice avant impöt 686.000
L'impöt des sociétés s'élèvera à
686.666 X 30% = 206.000
moins précompte immobilier imputable - 50.000

Impöt des sociétés 156.000 F


au lieu de 750.000 Fen régime d'impöt des personnes physiques.

Le bénéfice disponible de la société sera donc de 686.666


-206.000

480.666

1° Si la société ne répartit pas ce bénéfice sous forme de dividende,


elle aura en trésorerie:
- amortissement : 480.000
- bénéfice net après impöt : 480.666

960.666
qu'elle pourra investir, par exemple en valeurs mobilières.

Dans ce cas, après quelques années, la société immobilière se trouve-


ra en possession d'un portefeuille important. Elle pourra alors éventuelle-
ment se scinder en une ou plusieurs immobilières, et en une société financière.

Les avantages des sociétés financières font l'objet d'un autre exposé.

2° Si la société répartit Ie bénéfice de 480.666 F, Ie précompte mobi-


lier, libératoire, de 25 OJo sera dû, soit 120.166 F. La charge fiscale totale
(impöt des sociétés plus précompte) reste largement inférieure à l'impöt des
personnes physiques.

Cependant, si les revenus de capitaux et de'biens mobiliers de !'asso-


cié oude l'actionnaire, dépassent 1.110.000 F, celui-ci devra payer, en outre,
la cotisation spéciale sur revenus mobiliers <lont Ie taux varie de 27 à 47 OJo
61

(article 42 de la loi du 28 décembre 1983), mais il pourra échapper à cette


cotisation en procédant à certains investissements prévus par la loi.

Si les actionnaires veulent, sans répartir les bénéfices, s'attribuer une


partie de la trésorerie de la société, ils peuvent Ie faire en provoquant une
réduction du capita! qui entraînera un remboursement exempt de tout impöt.
Dans cette hypothèse toutefois Ie capita! à déduire lors de la liquidation pour
Ie calcul du boni de liquidation sera moindre et la quotité de 13 % <lont question
ei-avant (section A,a in fine) sera dorénavant diminuée.

4. - La déduction des charges et de l'amortissement, surtout s'il s'agit


d'un amortissement dégressif, peut dans certains cas faire apparaître une
perte. Si l'immeuble a été apporté (ou transféré) à une société qui a une autre
activité (commerciale ou industrielle), cette perte viendra en déduction des
bénéfices de cette autre activité.

En France, les abus, à eet égard, de ce que !'on a appelé les «sociétés-
villas» ont été tels que Ie législateur et l'administration ont vivement réagi
(voy. l'étude du professeur Cozian sur «La Chasse fiscale aux déficits fon-
ciers de complaisance» dans les Réflexions offertes à Paul Sibille, p. 355).
62

CHAPITRE II

DROITS D'ENREGISTREMENT ET T.V.A.

1. - Le droit d'apport à une société est de 0,5 OJo seulement de la valeur


de l'immeuble apporté. Il est cependant de 12,5 OJo, à concurrence du pas-
sif (l'emprunt hypothécaire antérieurement contracté par l'apporteur par
exemple) transféré à la société, comme charge de !'apport.

Ce droit d'enregistrement est une charge déductible des bénéfices comme


frais de constitution.

2. - La T. V.A. (sur immeuble «neuf») ne sera généralement pas récu-


pérable par la société puisque, dans l'hypothèse ici envisagée, la société ne
sera normalement pas assujettie à la T. V.A. parce que son activité, de nature
immobilière, n'est pas soumise à eet impöt, mais elle constituera une dépense
déductible ou amortissable.

3. - Des personnes qui se proposent, l'une de vendre un immeuble,


l'autre de l'acheter, ce qui donne lieu normalement à la perception d'un droit
d'enregistrement de 12,5 OJo ont parfois imaginé Ie système suivant: celui
qui désire aliéner l'immeuble en fait apport à une société qu'il constitue,
apport qui n'est soumis qu'à un droit d'enregistrement de 0,5 OJo; ensuite,
il vend les actions de la société à la personne qui se proposait d'acquérir
l'immeuble. Cette dernière opération ne donne lieu à la perception d'aucun
nouvel impöt.

L'administration voit généralement dans un tel procédé une simula-


tion, prétendant que l'accord réel des parties s'était fait avant la constitu-
tion de la société et avait porté non sur la vente d'actions, mais sur la vente
de l'immeuble.

Des décisions lui ont donné raison, notamment un arrêt de la Cour d'appel
de Gand du 26 mars 1965, publié avec une note de Monsieur Depret, qui
Ie critique, dans la Revue pratique des sociétés (1968, p. 161).
63

CHAPITRE III

DROITS DE SUCCESSION

1. - C' est en matière de droits de succession qu' apparaissent les motifs


qui justifient Ie plus souvent Ie transfert d'un oude plusieurs immeubles
d'un patrimoine privé, à celui d'une société.

Les dons manuels sont exempts de toute imposition, sauf s'ils sont cons-
tatés dans un acte présenté volontairement à l'enregistrement, ce qui n'est
pas obligatoire.

Or un immeuble ne peut, juridiquement, faire l'objet d'un don manuel.

Il est dès lors parfois souhaitable, et licite, de faire apport du bien à


une société, puis de faire un don manuel des actions au porteur.

S'il s'agit d'actions ou parts norninatives, la possibilité de faire une dona-


tion indirecte - également exempte d'impöt est controversée - mais, de
toutes façons Ie fisc ne pourrait invoquer, après Ie décès, la nullité de la donation
si celle-ci n'est pas attaquée par les héritiers (article 1338 du Code civil).

L'administration ne saurait ici invoquer, comme en matière de vente,


la simulation car, si la vente est un contrat consensuel, la donation est, elle,
un contrat solennel; Ie fisc ne saurait donc prétendre qu'il y a eu un con-
trat de donation de l'immeuble avant que ce dernier soit apporté à la socié-
té: forma dat esse rei.

2. - Aucun autre impöt que Ie droit d'apport de 0,5 OJo, n'est dû sur
ces opérations pour autant que Ie donateur vive encore 3 ans.

Dans l'hypothèse inverse, en effet, en vertu de l'article 7 du Code des


droits de succession, les actions données seront considérées comme faisant
partie de la succession. C'est à l'administration qu'il incombe de prouver
que la donation remonte à moins de 3 ans avant Ie décès, mais il va de soi
qu'il est préférable de se réserver à eet égard Ie maximum d'éléments d'appré-
ciation, par exemple en veillant à ce que Ie donataire comparaisse à la pre-
mière assemblée générale qui suit la donation.
65

CONCLUSION

Les considérations qui précèdent montrent qu'il n'est pas possible de


répondre d'une façon nette, et générale, à la question de savoir s'il est avan-
tageux, ou non, de transférer un immeuble à une société.

La solution dépend d'un grand nombre de facteurs, notamment l'impor-


tance des revenus des immeubles, Ie point de savoir s'ils sont ou non affec-
tés à un usage professionnel par les locataires, l'importance des autres revenus
du propriétaire, la nature des immeubles (bätis ou non bätis), les intentions
du propriétaire (conserver les immeubles ou en faire donation à des tiers), etc.
Le problème doit donc être examiné cas par cas.

On ne peut guère énoncer que les trois considérations suivantes

1) Il ne sera pas avantageux, en général, d' apporter son immeuble d'habi-


tation à une société.

2) Le redevable qui a besoin de tous ses revenus immobiliers pour vivre


ne trouvera, Ie plus souvent, à les transférer à une société, qu'un intérêt trop
faible pour justifier de s'exposer à toutes les contraintes que supposent la
constitution et la gestion d'une société.

3) Le transfert à une société s'imposera souvent lorsque l'on désire faire


passer une fortune immobilière à des héritiers ou légataires présomptifs,
en leur évitant les droits de succession.
TRANSFERT A UNE SOCIETE BELGE
D'UNE ENTREPRISE INDIVIDUELLE Y COMPRIS
LE CAS DE LA SOCIETE D'UNE PERSONNE

par

Edouard BOURS

Professeur Honoraire à l'Université de Liège


INTRODUCTION

Le problème n' est pas neuf. Nombre d'indépendants ont depuis longtemps
déjà transféré leur entreprise à une société, souvent de caractère familial.
Ce nombre ne cesse de s'accroître mais Ie contexte dans lequel la question
se pose évolue constamment en raison de diverses innovations législatives
dont nous ne citerons que les plus importantes:
- la naissance d'un véritable droit comptable (loi du 17 juillet 1975,
arrêté du 8 octobre 1976 modifié notamment par celui du 12 septembre 1983)
- les très nombreuses modifications apportées aux lois sur les socié-
tés commerciales depuis une quinzaine d'années: notamment les lois du 6
mars 1973, du 4 août 1978, du 5 décembre 1984 qui ont modifié entre autres
les règles relatives à la nullité des sociétés, celles concernant Ie nombre d'associés
requis, celles qui ont introduit dans certains cas l'exigence de la rédaction
d'un plan financier ou encore l'intervention d'un reviseur chargé de faire
rapport sur les apports en nature et sur les quasi apports;
- l'apparition dans notre droit de la société d'une personne à respon-
sabilité limitée (loi du 14 juillet 1987);
- l'évolution en des sens divergents depuis la réforme fiscale de 1962
de l'impöt des personnes physiques d'une part et de l'impöt des sociétés d'autre
part;
- l'instauration du précompte mobilier libératoire (loi du 28 décem-
bre 1983).

Il en résulte que Ie problème de la transformation d'une entreprise indi-


viduelle en société se pose en 1987 dans un contexte très différent de celui
dans lequel il se présentait il y a une vingtaine d'années, voire même il y
a 10 ans encore.

Pour concrétiser cette affirmation et justifier en même temps la sub-


division fondamentale de mon exposé, je ne citerai qu'un texte, Ie nouvel
article 1832 du Code Civil:
«Une société peut être constituée par deux ou plusieurs personnes qui con-
viennent de mettre en commun quelque chose en vue de partager Ie bénéfi-
ce qui en résulte ou, dans les cas prévus par la loi, par un acte de volonté
d'une personne qui affecte des biens à l'exercice d'une activité déterminée».

En adoptant cette nouvelle rédaction, Ie législateur a sérieusement mis


à mal deux concepts que nos professeurs nous enseignaient jadis comme
étant fondamentaux :
a) - La société étant un contrat, elle requiert l'affectio societatis;

b) - Tous les biens d'une personne constituent le gage commun de


ses créanciers: principe de l'unicité du patrimoine.

Sans doute, depuis un certain temps déjà, certains auteurs mettaient


en doute l'importance de /'affectio societatis (Cfr notamment Van Rijn, Prin-
cipes de Droit Commercial, Bruylant 1954, tome I, n° 460) tandis que des
signes avant coureurs laissaient présager l'apparition dans notre droit de
la société d'une personne.

La modification n'en est pas moins considérable. Comme dit ci-dessus,


elle est à !'origine de la subdivision demon exposé:

Première partie: société classique : mise en commun par deux ou plu-


sieurs personnes.

Deuxième partie: la société d'une personne.


PREMIÈRE PARTIE - LA SOCIÉTÉ CLASSIQUE

L'hypothèse de travail qui est à !'origine de eet exposé est simple: un


commerçant ou un industrie! exploite son entreprise à titre personnel, en
tant que personne physique; un avocat, un médecin, un notaire exerce son
activité de titulaire de profession libérale.

Les uns et les autres envisagent Ie transfert de leurs activités profes-


sionnelles dans Ie cadre d'une société dotée de la personnalité juridique <lont
ils seront Ie plus généralement les principaux associés.

Faisant abstraction des dispositions légales ou déontologiques propres


à certaines professions libérales, quels peuvent être les avantages ou les incoh-
vénients d'ordre fiscal d'une telle transformation?

Avant de tenter de répondre à cette question, il me paraît souhaitable


de résumer très brièvement quelques aspects essentiels du problème sur les
plans juridique, économique et financier.

CHAPITRE I

PLANS JURIDIQUE, ECONOMIQUE ET FINANCIER

Avantages

1. - Limitation du risque financier gràce à la séparation des patrimoines.

On objecte généralement- àjuste titre - que lorsqu'ils traitent avec


des sociétés ayant la taille de P.M.E., les organismes financiers exigent la
caution ou !'engagement solidaire des associés. La chose est exacte ... mais
la séparation des patrimoines joue à l'égard des autres créanciers.

2. - Cessibilité des parts.

Si un exploitant, personne physique, désire intéresser un tiers à son entre-


prise, il va se heurter à des problèmes quasi inextricables.
72

En société, sous réserve des restrictions applicables aux sociétés en nom


collectif et aux sociétés en commandite simple, il lui suffira de céder des
parts soit à titre onéreux, soit à titre gratuit (par exemple à ses enfants ou
à certains d'entre eux).

3. - Perennité de l'entreprise.

La mort de !'exploitant, personne physique, risque d'entraîner celle


de l'entreprise dans la mesure ou elle provoque une indivision dont certains
héritiers entendent sortir. Le décès du principal associé d'une société ne met
pas fin à la société, sous réserve ici encore des dispositions spéciales appli-
cables aux sociétés en nom collectif et aux sociétés en commandite simple.
Les héritiers recueillent des parts d'une société dont l'existence se poursuit.

Inconvénients

1. - Les frais : essentiellement frais de constitution : honoraires du notaire,


droit d'enregistrement (minime), coût du plan financier si on doit recourir
à un expert comptable, coût du rapport du reviseur en cas d'apport en nature
ou de quasi apport.

2. - Les formalités: Conseil d' Administration pour les sociétés anonymes,


assemblées générales, dépöt et publication des bilans, etc ...

3. - La nécessité de tenir une comptabilité en partie double, sauf pour


les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple dont Ie
chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 20 Millions de francs.

Nombre d'indépendants sont incapables de tenir leur comptabilité eux-


mêmes. Ils doivent s'adresser à un expert, d'ou de nouveaux frais.
CHAPITRE II

LA SOCIÉTÉ ET LE DROIT FISCAL

Section I - Généralités

Quelques notions essentielles doivent être rappelées avant que nous abor-
dions !'analyse des avantages et inconvénients d'ordre fiscal du transfert
à une société d'une entreprise individuelle.

1. - La loi du 22 novembre 1962, dont est issu notre Code des Impöts
sur les Revenus, a instauré quatre impöts:
l'impöt des personnes physiques, l'impöt des sociétés, l'impöt des person-
nes morales et celui des non résidents. Seuls les deux premiers retiendront
notre attention.

2. - En matière d'impöt des personnes physiques, Ie principe de base


était la globalisation des revenus de quatre catégories: revenus immobiliers,
mobiliers, professionnels et divers.

Dans l'état actuel des textes, deux éléments doivent être mis en évidence:

a) - Depuis 1984, les revenus mobiliers ne sont plus globalisés. Sauf


exception que nous n'envisagerons pas ici, ils sont soumis à un précompte
mobilier libératoire (en principe 25 %). Il en découle bien entendu un désé-
quilibre entre Ie régime fiscal des revenus mobiliers et celui des autres revenus.

b)- La base imposable est déterminée pour chaque catégorie de revenus


au moyen de règles qui lui sont propres. Schématiquement, nous pouvons
affirmer que, dans Ie domaine de la fortune privée - immobilière ou mobilière
- seuls les revenus sont taxés à l'exclusion des plus values en capita!. Au
contraire, une fois qu'un bien est affecté à une exploitation indépendante,
toute plus value réalisée sur ce bien est en principe imposable. Le régime
des plus values réalisées par des indépendants dans Ie cadre de leur activité
professionnelle est fort complexe: certaines sont taxables au taux plein, d'autres
sont immunisées, tandis qu'une troisième catégorie est soumise à une coti-
sation spéciale de 16,5 % : tel est Ie cas des plus values de cessation (plus
values réalisées par un indépendant à !'occasion de la cessation de son activité).

Il résulte de ces brèves considérations que Ie régime des plus values sur
patrimoine privé et celui des plus values portant sur des biens affectés à son
74

activité par un indépendant sont totalement différents.

3. - Les sociétés dotées de la personnalité juridique et poursuivant


un but lucratif ont un régime fiscal propre.

a) - Elles sont taxées sur !'ensemble de leurs bénéfices, qu'ils soient


distribués ou non.
Cependant, les rémunérations accordées à leurs administrateurs (sociétés
par actions) ou à leurs associés actifs (sociétés de personnes) constituent -
sous réserve de restrictions mineures - des charges professionnelles pour
la société. Ces rémunérations sont taxables à l'I.P .P. dans Ie chef de leur
bénéficiaire.

b) - Grosso modo, la base imposable est déterminée pour les socié-


tés selon les mêmes règles que celles prévues pour les exploitations des per-
sonnes physiques. En quelque sorte, la société est considérée fiscalement
comme une «exploitation personnalisée».

c)- Les taux de l'impöt des sociétés sont différents de ceux de l'I.P .P.
non seulement dans leur montant mais aussi dans leur structure.
Tandis que l'impöt des personnes physiques est fondamentalement un impöt
progressif, l'impöt des sociétés est essentiellement un impöt proportionnel
de 43 OJo actuellement, <lont Ie taux est toutefois dégressif en dessous d'un
certain montant de revenus.

4. - Impöts distincts à charge de redevables différents, l'IPP et l'I.Soc.


ne sont pas pour autant indépendants l'un de l'autre. Il existe entre les deux
un système de vases communicants. Nous l'avons vu à propos des rému-
nérations allouées aux administrateurs ou gérants.
Déduites des bénéfices sociaux, ces rémunérations sont taxables à l'impöt
des personnes physiques dans Ie chef de leur bénéficiaire.

Plus particulière est la situation des dividendes. Ils font partie intégrante
du bénéfice social et sont taxables dans Ie chef de la personne morale au
même titre que les bénéfices réservés. Cependant ils constituent aussi des
revenus mobiliers taxables dans Ie chef des personnes physiques actionnai-
res ou associées. Cette partie du bénéfice de la société est donc soumise à
une double taxation tempérée dans Ie cadre de la loi de 1962 par un régime
de crédit d'impöt et maintenant réduite plus substantiellement encore -
dans bon nombre de cas - par l'instauration du précompte mobilier libératoire.
75

Secüon Il -A vantages et inconvénients d'une société sur Je plan fiscal

Sous-section 1 - A vantages

1. - L'éclatement du revenu

La totalité du reveu professionnel net d'une personne physique entre


en compte pour la détermination du revenu global, sans qu'il soit tenu compte
de son affectation:

- Partie maintenue dans l'entreprise en vue d'accroître Ie fonds de roule-


ment oude permettre de nouveaux investissements.

- Partie prélevée pour assurer la subsistance de l'exploitation.

- Partie prélevée en vue d'être économisée.


/.

Tel est Ie principe: Nous faisons ici abstraction de tempéraments mineurs


auxquels nous ne pouvons nous arrêter dans Ie cadre d'un exposé de caractère
général. (à titre exemplatif: les déductions dans de strictes limites des pri-
mes d'une assurance vie individuelle).

On sait d'autre part que Ie revenu global, soumis à l'impöt progres-


sif, est constitué essentiellement par les revenus immobiliers et profession-
nels puisque les revenus mobiliers sont actuellement soumis au régime du
précompte mobilier libératoire de 25 % .

Cette évocation du problème des revenus mobiliers nous amène à fournir


une précision importante: normalement, !'exploitant doit trouver dans Ie
revenu de son entreprise Ie rendement des capitaux mobiliers qu'il y a investis.
La loi ne fait cependant pas de distinction. Dans Ie chef d'un exploitant,
tout Ie bénéfice qu'il retire de son entreprise est considéré comme un reve-
nu professionnel.

Appliquons les principes sommairement dégagés ci-dessus à un exemple


volontairement schématique: un exploitant réalise un bénéfice de 3,5 Mil-
lions qu'il ventile comme suit:

- Prélèvement en rémunération de son travail: 2 Millions.

- Prélèvement en rémunération du capita! investi: 500.000 Frs.


76

- Réserve maintenue dans l'entreprise: 1 Million.

Comme dit ci-dessus, aucune distinction n'est faite entre ces différents
éléments. La somme totale de 3,5 Millions est globalisée et subit à plein la
progressivité de l'impöt des personnes physiques.

***
Supposons maintenant que Ie même exploitant constitue une société
et que celle-ci réalise aussi un bénéfice net de 3,5 Millions qui reçoit l'affectation
suivante:

- Rémunération du principal associé, précédent exploitant: 2 Millions.

- Bénéfices non distribués: 1 Million.

- Dividendes ou revenus de capitaux investis: 500.000 Frs.

Chacun de ces éléments va être traité distinctement.

a) - Rémunérations: elles constituent normalement des charges pro-


fessionnelles pour la société. Elles ne sont donc pas taxables dans Ie chef
de celle-ci mais uniquement dans Ie chef du bénéficiaire. En outre celui-ci
pourra déduire un forfait de 5 OJo pour frais généraux (avec maximum actuel
de 125.000 Frs, montant que Ie Gouvernement MARTENS VII proposait
de réduire à 75.000 Frs).

Dans l'état actuel des textes, base imposable dans Ie chef de !'associé:
1.900.000 Frs.

b) - Les réserves et les dividendes sont taxables dans Ie chef de la société.


La base imposable pour celle-ci s'élève donc à 1 Million (bénéfice non dis-
tribué) plus 500.000 Frs (revenus de capitaux investis) = 1.500.000 Frs.

c) - Les dividendes (ou revenus de capitaux investis) sont soumis au


précompte mobilier retenu à la source. Nous savons déjà que Ie taux de celui-ci
est de 25 OJo. Cette cotisation sera donc perçue sur Ie montant de 500.000 Frs.

L'incidence pratique de eet éclatement ne pourra être déterminée que


par une comparaison des taux de l'impöt des personnes physiques et de celui
des sociétés.
77

2. - La comparaison des faux IPP et I. Soc.

Dans !'ensemble, depuis la réforme fiscale de 1962 jusqu'à l'entrée en


vigueur de la loi du Ier avril 1985 (revenus de 1986), la différence entre les
taux de l'IPP et ceux de l'I.Soc n'a cessé de croître.

Depuis l'exercice 1987, les taux de l'IPP ont été légèrement réduits.
Suivant Ie plan arrêté par la loi de 1985, ces réductions devront s'accroître
annuellement jusqu'en 1990. Elles seraient plus substantielles si la réfor-
me fiscale préconisée par Ie Gouvernement MARTENS se réalisait mais il
est impossible de se prononcer actuellement à ce sujet.

Tenons-nous en par conséquent aux chiffres applicables pour l'exer-


cice 1988, dernier exercice pour lequel nous disposons de chiffres à peu près
certains.

Soulignons aussi que les taux d'IPP envisagés ei-dessous sont ceux appli-
cables à un célibataire. Nous avons par ailleurs tenu compte de 8 OJo d'addi-
tionnels communaux. (documentation: Memento fiscal, Story Sciencia, 87 /2)

Revenu net de lmpöt Taux moyen Taux si les


tranches
500.000,- 144.508 28,9 28,9
1.000.000,- 392.571 39,2 49,5
2.000.000,- 975.123 48,75 58,2
3.000.000,- 1.642.976 54,7 66,78
4.000.000,- 2.373.056 (1) 59,3 73,0
5.000.000,- 3.137.707 (1) 62,75 76,46
(1) Abstraction faite de la cotisation spéciale de sécurité sociale sur les revenus
supérieurs à 3.000.000 Frs.

Précisons qu' en 1988, Ie taux frappant la tranche la plus élevée du revenu,


c'est-à-direau-delàde4Millions, s'élève, 80Jo d'additionnelscompris, à 71,2%,
Ie taux maximum moyen ne pouvant cependant dépasser 66, 7 OJo.

Pour les sociétés, les taux sont fixés comme suit:

jusque 1 Million: 30 OJo


de 1 à 3,6 Millions: 38%
de 3,6 à 16,6 Millions: 45 OJo
au-delà: 43 OJo
78

Le taux maximum de l'impöt des sociétés est donc de 43 OJo. On notera que
les sociétés ne sont pas soumises aux additionnels communaux.

Il ressort de eet exposé que le taux maximum de l'impöt des sociétés


est déjà inférieur au taux de l'impöt des personnes physiques frappant la
tranche de revenus comprise entre 500.000 Frs et 1 Million.

Partant de ces considérations, nous pouvons reprendre notre exem-


ple de base.

Impöt des personnes physiques dû par un célibataire dont le revenu


s'élève à 3.500.000 Frs (additionnels de 8 OJo compris mais abstraction faite
de la cotisation spéciale de sécurité sociale): 2.004. 776 Frs.

Impöt dû en cas de constitution de société, en tenant compte de la ven-


tilation indiquée supra:
Administrateur ou gérant (base imposable 1.900.000): 913.779 Frs.
Bénéfice taxable dans le chef de la société (1,5 Million): 490.000 Frs.
Précompte mobilier sur 500.000 Frs de dividendes: 125.000 Frs.
Total: 1.528.779 Frs.
La différence entre les deux impositions est donc de l'ordre de 500.000.

Cette différence provient:

1)- du fait que les bénéfices réservés ne subissent qu'un taux réduit.
Cet élément est important pour les exploitants qui désirent pratiquer l'auto-
financement en vue de développer leur entreprise. La ponction fiscale étant
moins forte sur les bénéfices non distribués, l'entreprise atteindra plus rapi-
dement ses objectifs.

2) - du fait que les revenus distribués, après avoir subi l'impöt des
sociétés, ne supportent plus que le précompte mobilier libératoire.

Sans doute faut-il tenir compte ici de ce que, si les revenus distribués
représentent plus de 13 OJo du capital réellement libéré, le taux de l'impöt
des sociétés sera uniformément de 43 OJo. Si on tient compte d'un impöt des
sociétés de 43 OJo et d'un précompte libératoire de 25 OJo, la charge fiscale
sur le montant net distribué représente 57,25 OJo, taux qui est déjà dépassé
en matière d'impöt des personnes physiques pour la tranche comprise entre
1.500.000 Frs et 2.000.000 Frs de revenus tout au moins si on tient compte
des additionnels perçus dans la majorité des Communes.
79

Relevons encore que si Ie montant net des revenus mobiliers attribués


à un contribuable personne physique excédait 1.110.000 Frs, l'excédent serait
en principe sournis à une cotisation spéciale (article 42 de la loi du 28 décembre
1983).

A partir de ce moment, l'attribution de revenus mobiliers perd singu-


lièrement de son intérêt.

3. - L 'étalement des bénéfices

Des explications qui précèdent il découle que de toutes les affectations


(rémunérations, mise en réserve et distribution), la moins coûteuse est la
mise en réserve. Reprenons l'exemple déjà cité et supposons que la société
mette en réserve les 3.500.000 Frs de bénéfice net qu'elle a réalisé. L'impöt
sera égal à 950.000 Frs, alors que dans Ie chef d'une personne physique céli-
bataire, il s'élèverait sur base d'un même revenu à 2.004.776 Frs. Il con-
vient toutefois de tenir compte des éléments suivants:

a) - L' exploitant qui met son affaire en société doit normalement trouver
dans celle-ci un revenu lui permettant d'assurer sa subsistance par consé-
quent, en général, il percevra une rémunération.

b)- Les bénéfices d'une société ont normalement pour vocation d'être
distribués. Autant on comprend qu'une société constitue les réserves nécessaires
pour s'auto-financer ou pour assurer son expansion, autant il est absurde
d'accumuler des millions de réserves <lont la société n'a que faire. Un jour,
ces réserves devront être distribuées et elles subiront à ce moment l'impöt
de distribution ou éventuellement la cotisation de liquidation si la réparti-
tion des réserves se réalise après dissolution de la société (voir ei-après).

Ce qui est vrai toutefois, c'est que Ie recours à la formule société per-
met un certain étalement du revenu et, par conséquent, de la pression fiscale.

Supposons qu'après avoir gagné 3.500.000 Frs une année, un exploi-


tant personne physique ne réalise que 500.000 Frs de revenus l'année sui-
vante. En vertu du principe de l'annalité de l'impöt, il subit la première année
la progressivité sur 3.500.000 Frs, ce que ne compense pas Ie fait de n'être
taxé l'année suivante que sur 500.000 Frs.

Ce contribuable aurait payé moins s'il avait réalisé pendant chacune


des deux années un revenu stable de 2.000.000 Frs.
80

Le recours à la formule de la société permet de réaliser eet étalement:


pendant les années grasses, une partie des bénéfices est mise en réserve (taxation
à taux réduit) pour être attribuée - éventuellement sous forme de rému-
nération - pendant les années maigres.

4. - La cession dufonds de commerce.

Transférant son entreprise à une société, !'exploitant est normalement


amené à céder a celle-ci les actifs corporels et incorporels affectés à l'exploitation.

Cette cession peut se réaliser de deux manières:

par apport rémunéré en droits sociaux.


- Cette opération entraîne la perception du droit d'enregistrement sur les
apports (0,50 OJo)
- Si la cession se réalise avec plus value, celle-ci sera taxée (voir ei-après).
Le cédant devra donc acquitter un impöt alors qu'il n'aura en mains que
des titres <lont il ne peut se servir pour s'acquitter de sa <lette envers Ie fisc.

par vente : Ie processus est alors généralement Ie suivant:


La société est constituée moyennant un capita! raisonnable souscrit en espèces,
en grande partie par !'ancien exploitant. Celui-ci vend ensuite son fonds
de commerce à la société qu'il vient de constituer moyennant un prix payable
en quelques annuités. L'encaissement de la première annuité ou des pre-
mières annuités du prix permet de faire face au paiement de l'impöt sur la
plus value éventuellement réalisée.

Prenons un exemple concret:


Alors que la valeur comptable restant à amortir des éléments corporels investis
dans l'exploitation est de 4 Millions, leur valeur d'exploitation peut être estirnée
à 6 Millions; par ailleurs, les éléments incorporels du fonds de commerce
constitués par !'exploitant peuvent être raisonnablement retenus pour une
valeur de 4 Millions. L'exploitant cède Ie tout pour un prix de 10 Millions,
réalisant ainsi une plus value de 6 Millions. Le prix est payable en 5 annuités.

La plus value - plus value de cessation - est taxable distinctement


à 16,5 %, soit environ 18 OJo si on y incorpore les additionnels. Le montant
dû s'élève donc à 6 Millions x 18 OJo ou 1.080.000 Frs.

La plus value est considérée comme réalisée l'année de la cession (par


hypothèse 1988) même si Ie paiement du prix est échelonné sur plusieurs
81

années. L'impöt sera donc établi au cours de l'année 1989 et exigible fin
1989. Mais si la cession est intervenue début 1988, Ie cédant aura déjà per-
çu à ce moment pratiquement 2 annuités du prix de cession et pourra aisé-
ment faire face au paiement de l'impöt. O)

Certains contribuables soucieux de ne pas payer l'impöt sur des som-


mes non encore perçues, ont imaginé des formules différentes: Ie prix de
cession n'est plus constitué par une somme fixe, mais bien par un pourcentage
soit du chiffre d'affaires, soit du bénéfice brut, semi-brut ou net à réaliser
par Ie cessionnaire au cours des X années suivant la cession.

L' Administration admet (Com. I.R. 21/60) que dans cette éventuali-
té l'impöt ne peut être perçu qu'au fur et à mesure de !'échéance des annui-
tés puisqu'au moment de la cession, Ie montant effectif du prix n'est pas connu.

Ce processus ne peut cependant être envisagé qu'avec une extrème pru-


dence.

a) - Il suscite la méfiance des Controleurs qui trouvent anormal que


Ie prix de cession d'un bien dépende du chiffre d'affaires ou du bénéfice
réalisé par Ie cessionnaire après la cession.

b) - Il a donné lieu à des abus qui ont amené l' Administration à édic-
ter dans une circulaire qui n'a pas été publiée des règles d'évaluation aussi
rigides que discutables quant au prix maximum à admettre en cas de ces-
sion de clientèle.

c) - Le taux de l'impöt frappant les plus values de cession (16,5 %


plus additionnels) peut être considéré comme assez modéré si on Ie compa-
re au taux progressif de l'impöt sur les revenus.

On ne peut craindre qu'une chose: qu'il soit majoré à plus ou moins


brève échéance.

(!) En réalité, si Ie prix est payable en 5 ans sans intérêt, la base imposable sera inférieure
à 6 Millions.
La plus value doit être déterminée en tenant compte de la valeur actuelle d'une créance paya-
ble en 5 annuités sans intérêt. Nous ne pouvons nous livrer à un calcul précis, tout dependant
du taux de capitalisation retenu et du mode de paiement: par annuités, semestrialités ou mensualités.
Supposons que la valeur actuelle d'une créance de 10 Millions payable en 5 annuités puisse,
compte tenu d'un taux d'excompte normal, être ramenée à 8.700.000 Frs. La plus value de
6 Millions que nous avions retenue serait automatiquement réduite à 4.700.000 Frs.
82

Par conséquent, en acquittant l'impöt dès l'exercice fiscal auquel la


cession est rattachée, Ie contribuable anticipe certes son versement au Tré-
sor mais il se prémunit contre Ie risque d'une modification de taux et il a
l'assurance de percevoir les annuités postérieures nettes de tout impöt.

***
Nous n'avons envisagé jusqu'ici qu'un aspect du problème: la situa-
tion du cédant. Qu'en est-il du cessionnaire?

Les décaissements que celui-ci effectue constituent pour lui, non des
charges professionnelles mais la contre partie des investissements auxquels
il a procédé. Ces décaissements ne sont pas déductibles de ses revenus (cfr
article 22, 4 ° CIR). Mais, en revanche, Ie contribuable pourra procéder à
l'amortissement des biens corporels (matériel, mobilier, etc ... ) et incorpo-
rels dont il fait l'acquisition.

Ce droit est à nos yeux incontestable. Il répond d'ailleurs à une obli-


gation imposée par la législation comptable (articles 19 et 28, § 2. de l'arrê-
té du 8 octobre 1976).

C'est dès lors avec un vif étonnement que nous avons pris connaissance
d'un arrêt de la Cour d' Appel de Mons du 5 février 1987 (FJF 87 /45) selon
lequel la cession par un dentiste de sa clientèle à une société dont il devient
Ie principal actionnaire n'autorise pas celle-ci à en amortir la valeur si elle
reste en défaut de prouver que Ie changement de régime juridique d'exploitation
du cabinet dentaire a entraîné une dépréciation de la valeur d'actif que repré-
sentent les patients, la cession n'ayant dans ce cas qu'une portée d'ordre
intérieur n'influençant en rien la valeur de la clientèle.

L'arrêt de la Cour de Mons ne met en cause ni la réalité de la cession,


ni sa validité; bien au contraire, il rejette toute idée de simulation oude fraude
à la loi. Il se borne à faire valoir qu'il n'est pas établi que Ie volume de la
clientèle ait été influencé de quelque manière que ce soit par Ie changement
de régime juridique d'exploitation, ce qui justifierait l'amortissement.

La lecture de eet arrêt nous donne quelque peu Ie sentiment de faire


un retour en arrière d'une trentaine d'années, à une époque ou le texte des
lois coordonnées prévoyait uniquement l'amortissement du matériel et des
objets mobiliers qui servaient à l'exercice de la profession.
83

Sans contester Ie principe de la faculté d'amortir des éléments incor-


porels, !' Administration soutenait à !'époque que Ie prix de reprise d'un pro-
tocole notarial ne pouvait être amorti en exemption d'impöt que dans la
mesure ou Ie cessionnaire était à même de prouver la réalité et Ie montant
de la dépréciation réellement subie par ce protocole ou par certains de ses
éléments pendant la période imposable. Elle ajoutait que la valeur du pro-
tocole avait au contraire une tendance naturelle à s'accroître, eu égard au
développement constant de la propriété bätie et des transactions immobi-
lières (instruction R.779, BCD 1948 n° 231, § 228, page 178).

La Cour de Cassation avait même soutenu que Ie rendement de l'acti-


vité professionnelle d'un notaire, cessionnaire des minutes de son prédé-
cesseur, est étranger à la dépréciation éventuelle du protocole cédé, pour
l'appréciation de l'amortissement des objets mobiliers servant à l'exercice
de la profession. (Cassation 6 mai 1952, Pas. 52.1.562)

Lajurisprudence a toutefois évolué au cours des années suivantes. C'est


ainsi qu'un arrêt de la Cour de Bruxelles du 30 décembre 1957 (JPDF 1959,
page 140) soulignait que l'énumération des charges professionnelles dans
les lois coordonnées d'impöts sur les revenus n'avait qu'un caractère exemplatif.
La Cour en déduisait qu'on pouvait admettre à titre d'amortissement la dépré-
ciation subie à la suite du temps, de l'usage ou des facteurs économiques
par un fonds de commerce dans chacun de ses éléments matériels et immatériels.

Un autre arrêt de la Cour de Bruxelles du 7 décembre 1959 (Revue Fiscale


1960, page 383) a admis que la somme payée par un notaire pour prix de
reprise des minutes et répertoires d'une étude supprimée était amortissa-
ble, pareil élément se dépréciant annuellement. La Cour précisait qu'il importait
peu que Ie notaire constitue à cöté de cette clientèle une clientèle nouvelle:
«Il s'agit !à d'un élément d'actif différent de l'élément sur lequel porte l'amor-
tissement».

La Cour ne faisait ainsi qu'appliquer un principe que la Cour de Cas-


sation venait de dégager dans son arrêt du 9 décembre 1958 (Revue Fiscale
1960, page 825; voir dans Ie même sens Bruxelles 13 juin 1961, JPDF 1962,
page 16).

Depuis lors, Ie législateur fiscal s'est attaché à mieux cerner la notion


d'amortissement en précisant dans l'article 45, 4°:

a) - Que sont rangés dans les charges professionnelles les amortisse-


84

ments des biens corporels et incorporels affectés à l'exercice de l'activité,


dans la mesure ou ils sont nécessaires et correspondent à une dépréciation
réellement survenue pendant la période imposable. (Loi du 25 juin 1973,
article 15, 1°)

b) - Ultérieurement, que sont visés les amortissements relatifs aux frais


d'établissement et aux immobilisations corporelles et incorporelles dont l'uti-
lisation est limitée dans le temps, tels que ces frais et immobilisations sont
définis par la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels
des entreprises (AR n° 48 du 22 juin '82, article 7).

Le législateur a ainsi clairement manifesté sa volonté d'aligner la législation


fiscale sur la législation comptable qui impose l'amortissement des biens
dont l'utilisation est limitée dans le temps.

Tous ces éléments ont manifestement échappé à l'attention de la Cour


de Mons.

***

Reste un important problème auquel il est impossible de donner une


réponse de principe. Quel sera le pourcentage annuel d'amortissement adrnis
dans le chef du cessionnaire? Il varie selon les secteurs d'activité, le renou-
vellement de la clientèle pouvant être plus ou moins rapide selon les cas.

Bien entendu, dans l'établissement de son plan financier, la société devra


tenir compte d'un taux raisonnable d'amortissement afin de pouvoir déterrniner
si elle sera en mesure de faire face au paiement des annuités du prix de ces-
sion convenu. C'est là une question de fait qui devra être tranchée en fonc-
tion des éléments propres à chaque cas d'espèce.

5. - La cession des parts

Ce problème peut être envisagé sous de multiples aspects: cession partielle,


cession totale, vente ou donation, cession entre vifs ou à cause de mort. Nous
ferons bien entendu abstraction ici des aspects de ce problème en droit pri-
vé, ceux-ci ayant déjà été envisagés sommairement supra.
85

A. - La cession partielle

1° La vente

L'introduction d'un associé dans une exploitation individuelle crée des


problèmes inextricables. En revanche, Ie principal actionnaire d'une société
peut vendre un certain nombre d'actions au porteur par exemple à un membre
de son personnel qu'il désire intéresser à !'affaire, à un tiers disposé à investir
certains capitaux, à un enfant qui sera appelé à reprendre la direction de
l' entreprise.

Un associé peut aussi céder aux mêmes personnes des parts nominati-
ves, sous réserve du respect des clauses statutaires relatives à leur transrnission.

Ces cessions peuvent entraîner une plus value. Sauf dans des cas excep-
tionnels et marginaux, celle-ci n'est pas taxable (plus value sur la fortune privée).

En revanche, Ie prix d'achat n'est pas amortissable dans Ie chef de l'ache-


teur pour deux raisons :

a)- S'il s'agit d'une personne physique qui effectue un investissement


à titre privé parce que les amortissements ne portent que sur les avoirs affectés
à l'exercice de la profession.

b) - S'il s'agit d'un exploitant (personne physique ou société) parce


que les titres d 'une société ne sont pas des biens qui se déprécient par Ie temps
ou par l'usage. Ce n'est qu'en cas de dépréciation effective des titres que
l'acquéreur pourra acter une réduction de valeur.

Notons d'autre part que la vente de titres de gré à gré n'entraîne aucu-
ne perception d'impöt indirect: ni droit d'enregistrement, ni TVA.

2 ° - La donation

Le fondateur de la société pourrait consentir un don manuel à ses enfants


ou à certains d'entre eux portant sur un certain nombre d'actions au por-
teur. Le don manuel de titres nominatifs est une opération plus complexe
qui suscite quelques problèmes qui ne paraissent cependant pas inextrica-
bles. Un jugement du Tribunal de Bruxelles a admis la validité de la dona-
tion indirecte de titres nominatifs. (Bruxelles 11 mai 1973, R.G. 1974, n°
21.817).
86

Le don manuel et la donation indirecte n'entraînent la perception d'aucun


droit d'enregistrement. Ils présentent par ailleurs un avantage en matière
de droits de succession, en ce sens qu'ils réduisent l'actif successoral du donateur
pour autant qu'il puisse être établi, par tous moyens de preuve de droit commun
serment excepté, que la donation a réellement été effectuée plus de trois ans
avant Ie décès.

Il est donc utile, dans ce genre d'opération, de se ménager des preuves


indiscutables de la date de l'opération.

B. - La cession totale

1° - La cession entre vifs

Arivé à l'äge de la pension, !'administrateur délégué ou gérant de la


société, qui en est aussi le principal actionnaire ou associé, désire se retirer.
N'ayant pas d'héritier appelé à lui succéder, il envisage la cession «de !'affaire».

Plusieurs formules sont possibles dont nous retiendrons les principales.

a) - La société vend son fonds de commerce et se transforme par exemple


en société financière. Dans la majorité des cas, cette formule est à écarter
en raison des charges fiscales qu'elle entraîne, notamment si la cession est
de nature à faire apparaître de grosses plus values sur les éléments incor-
porels (clientèle notamment).

b) - On peut aussi envisager la mise en liquidation de la société suivie


de la réalisation du fonds de commerce. Cette formule est moins onéreuse
que la première en ce sens que si la réalisation avantageuse du fonds de com-
merce fait apparaître un boni de liquidation, celui-ci ne sera soumis qu'à
une cotisation de 21,5 OJo, ou plus exactement de 21,5 OJo : 121,5 (formule
de l'escompte en-dedans), ce qui donne pratiquement une irnposition de l'ordre
de 18%.

c)- Troisième possibilité: la cession des parts. Cette formule déjà envi-
sagée supra permet au cédant d'éviter toute taxation (sauf au cas ou la ces-
sion serait consentie à une société établie à l'étranger. Il s'agit d'un cas marginal
que nous n'examinerons pas ici). Cette formule aura donc normalement
les préférences de l'actionnaire ou de !'associé.

On se heurte toutefois ici à une contradiction d'intérêts entre Ie ven-


87

deur et l'acquéreur. Ce dernier préfèrera généralement acheter un fonds de


commerce dont il pourra amortir Ie coût plutöt que d'acquérir des parts
dont nous avons vu qu'elles n'étaient pas susceptibles d'amortissement.

Les actionnaires ou associés seront donc parfois amenés à se rallier à


la formule de la vente du fonds de commerce pour pouvoir conclure l'opé-
ration dans de bonnes conditions financières. Notons que la cession simultanée
de toutes les parts d'une société de personnes a jadis suscité certains pro-
blèmes, !'Administration ayant voulu prétendre que cette opération entraînait
la constitution d'une société nouvelle et par voie de conséquence la disso-
lution de la société ancienne. Cette thèse a été abandonnée; elle est de tou-
te manière condamnée par l'évolution du droit des sociétés au cours des
dernières années.

2° - La cession à cause de mort

Le principal actionnaire ou associé qui décède laisse des parts à ses héritiers.
Ces parts seront évaluées en fonction de la valeur réelle de l' entreprise au
moment du décès.

La constitution d'une société ne présente ici aucun avantage. Au con-


traire, si les éléments incorporels du fonds de commerce ont été apportés
à la société quelques années auparavant pour un prix élevé, on doit s'attendre
à ce que Ie Receveur de l'Enregistrement s'empare de eet élément pour évaluer
les parts de !'affaire - et par conséquent les titres cédés - alors qu'il n'aurait
peut-être fait état que d'une valeur inférieure si l'entreprise s'était poursuivie
à titre individuel.

Nous avons vu supra que la cession d'une partie des titres entre vifs
permet de remédier à eet inconvénient pour autant qu'elle ait lieu plus de
trois ans avant Ie décès et que sa date puisse être établie avec certitude.

6. - La location ou Ie transfert de l'immeuble afjecté à l'exercice de


l'activité professionnelle.

Si !'ancien exploitant exerçait son activité dans un ou des immeubles


dont il était propriétaire, il va, lors de la constitution de la société, être confronté
à un choix:
- soit apporter ou vendre à la société ses droits immobiliers,
- soit donner l'immeuble en location à la société.
88

Il tiendra compte, très légitimement, dans l'exercice de ce choix, des


avantages et inconvénients de l'une et de l'autre formules.

Nous n'envisagerons ce problème que brièvement, certains de ses aspects


ayant déjà été traités dans le rapport de Maître BALTUS consacré au «transfert
à une société belge d'immeubles du patrimoine privé».

Rappelons tout d'abord le régime applicable à l'immeuble affecté par


un exploitant personne physique à un immeuble affecté à des fins profes-
sionnelles :

1. - Il ne peut déduire de son revenu professionnel ni loyer ni valeur


locative. En revanche, il ne doit mentionner pour ce bien ni revenu cadas-
tral, ni valeur locative parmi ses revenus immobiliers. Le revenu de l'immeuble
est censé être compris dans le revenu professionnel (article 33 CIR).

2. - L'exploitant peut procéder à l'amortissement du coût du bätiment


(terrain exclu) et à celui des aménagements effectués.

3. - Sur l'imposition calculée sur le revenu global, il y aura lieu d'imputer


12,5 OJo du précompte immobilier perçu sur le revenu cadastral de l'immeuble.
Le surplus du même précompte est déductible de la base imposable à titre
de charges professionnelles.

4. - En cas de réalisation de l'immeuble en cours d'exploitation, la


plus value éventuelle est taxée. En principe, elle est globalisée; la plus value
sera toutefois soumise à une taxation distincte au taux de 16,5 OJo, plus addi-
tionnels, en cas de réalisation plus de 5 ans après le moment ou le bien a
été affecté à l'exercice de l'activité professionnelle.

5. - En cas de réalisation du bien «en raison ou à l' occasion de la ces-


sation définitive de l'activité professionnelle», la plus value éventuellement
réalisée est taxée distinctement à 16,5 OJo (plus additionnels), quelle que soit
l'époque d'affectation du bien à des fins professionnelles.

Supposons que l' exploitant décide de constituer une société à laquelle


il fait apport de son entreprise. En ce qui concerne l'immeuble, il est con-
fronté - comme dit ci-dessus - au choix entre deux formules: la cession de
l'immeuble à la société ou sa location à celle-ci.
89

1° Cession de l'immeuble à la société.

Si cette opération fait apparaître une plus value, celle-ci est, comme
dit ci-dessus, taxable distinctement à 16,5 OJo.

Dans Ie chef de la société, Ie bien subira Ie régime des immeubles affectés


à des fins professionnelles. Dans les grandes lignes, il est similaire à celui
des immeubles affectés à leur exploitation par des personnes physiques. Pour
de plus amples détails, consulter !'exposé de Maître BALTUS.

2° Location de l'immeuble à la société.

- L'immeuble rentre dans Ie patrimoine privé de son propriétaire. Sauf


cas exceptionnels, l'opération ne fait apparaître aucune plus value impo-
sable puisque Ie bien n'est pas réalisé.

S'il est vendu ultérieurement, la plus value éventuellement obtenue à


cette occasion ne sera pas taxable puisqu'il s'agit d'une plus value sur un
bien faisant partie du patrimoine privé. Des difficultés pourraient toute-
fois surgir dans l'éventualité ou la réalisation interviendrait peu de temps
après la cessation de l'activité.

- La société déduira à titre de charges professionnelles Ie loyer de l'immeu-


ble, Ie précompte immobilier s'il est mis à sa charge ainsi que les frais d'entretien
et de réparation qui lui incombent, soit en raison des dispositions conven-
tionnelles insérées dans Ie bail soit en vertu du régime légal.

- Le propriétaire sera taxé à titre de revenus immobiliers sur un montant


égal au revenu cadastral, plus la partie du loyer et des charges locatives qui
excède Ie revenu cadastral.

Le loyer et les charges interviendront à concurrence de leur montant


brut diminué d'un forfait de 40 OJo censé couvrir les frais d'entretien et de
réparation, sans que cette déduction puisse excéder les 2/3 du revenu cadastral
revalorisé en fonction d'un coéfficient déterminé annuellement par Ie Roi.

A noter que pour les immeubles non bàtis, Ie forfait déductible est limité
à 10%.

Quelle est la formule la plus intéressante: Ie transfert de l'immeuble


à la société ou la location du bien à celle-ci?
90

Il est impossible de donner à cette question une réponse de principe,


chaque cas d'espèce devant être examiné en fonction des particularités qui
lui sont propres.

Nous pouvons cependant signaler que, dans de nombreux cas, Ie pro-


priétaire optera pour la location principalement pour deux raisons :

1) L'immeuble rentrant dans le patrimoine privé, on élimine le risque


de taxation éventuelle en cas de réalisation future puisque, dans l'état actuel
de notre législation, les plus values sur biens de patrimoine privé ne sont
pas imposables (sauf exceptions).

2) La société déduira à titre de charges professionnelles la totalité du


loyer et des charges supportée par elle. En revanche, le propriétaire ne sera
taxé que sur le montant du loyer et des charges dérogatoires au droit com-
mun, diminué d'un forfait de 40 OJo, sous réserve du plafond indiqué supra.

Soit un immeuble dont le revenu cadastral s'élève à 100.000 Frs. Le


précompte immobilier est de 45.000 Frs. L'immeuble est donné en location
moyennant un loyer annuel de 300.000 Frs, la société s'engageant en outre
à supporter le précompte immobilier.

La société portera en charge 300.000 Frs. + 45.000 Frs. = 345.000


Frs. (indépendamment des charges locatives de droit commun ou de celles
qu'elle s'est engagée à supporter).

Le propriétaire sera taxé sur un montant égal à 345.000 Frs. - 400Jo


= 207.000 Frs. Dans le présent cas d'espèce, l'abattement pratiqué n'est
pas supérieur au maximum admissible.

On constate donc que la société déduit 345.000 Frs de charges tandis


que le propriétaire n'est taxé que sur 207.000 Frs.

A noter toutefois qu'en cas de location, l'immeuble ne fait plus l'objet


d'amortissement. En effet, la société ne peut pas l'amortir puisqu'elle n'est
pas le propriétaire; le propriétaire ne le peut pas davantage puisqu'il s'agit
d'une personne privée et non d'un exploitant.

***
91

7. - L 'assurance dirigeant d'entreprise

L'indépendant qui désire se constituer un capita! pension peut contracter


une assurance individuelle. Les primes qu'il paie sont déductibles de ses revenus
tandis que Ie capita! qu'il percevra sera converti en une rente fictive dont
Ie montant devra s'ajouter sa vie durant à ses autres revenus.

Le «bénéfice» de ce régime est subordonné à diverses conditions (article


55 CIR); en outre, Ie plafond des primes déductibles est fixé à 45.000 Frs
annuellement, «avantage» auquel peut s'ajouter une réduction d'impöt d'un
montant maximum de 13.500 Frs.

La formule de l'assurance dirigeant est toute différente. Un employeur


peut convenir avec certains dirigeants (appointés), avec un administrateur
ou un gérant, de leur accorder à l'äge de la pension un capita! (cas général)
ou une rente, ce capita! ou cette rente étant éventuellement payable à la veuve
ou aux héritiers en cas de décès prématuré.

Pour pouvoir faire face à eet engagement, l'entreprise souscrit sur la


tête du bénéficiaire une police d'assurance vie - décès.

Les primes sont déductibles dans Ie chef de l'entreprise à titre de char-


ges professionnelles; cependant leur montant ne s'ajoute pas aux rémuné-
rations du dirigeant sur la tête duquel l'assurance est prise puisque celui-ci
ne les perçoit pas (elles sont versées à la compagnie d'assurance en vertu
d'un contrat conclu entre celle-ci et l'employeur).

A !'échéance, l'entreprise perçoit Ie capita! qui constitue pour elle un


bénéfice taxable mais elle porte en charge Ie capita! qu'elle verse à son diri-
geant. Normalement les deux opérations se neutralisent. Il convient toute-
fois de noter que l'entreprise ne peut déduire ce capita! que pour autant que,
converti en rente, il ne dépasse pas 80 OJo de la dernière rémunération brute
annuelle normale et tienne compte d'une durée normale d'activité profes-
sionnelle.

Le dirigeant de son cöté subit, lorsqu'il perçoit Ie capita!, une taxa-


tion de 16,5 OJo à majorer des additionnels communaux.

La formule de l'assurance dirigeant est mal vue par les Contröleurs


et suscite de nombreux litiges dont certains sont d'ailleurs dus à une mau-
vaise compréhension de la formule, soit par les entreprises, soit même par
92

certains assureurs.

L' Administration des Contributions Directes définit sa position dans


ce domaine dans une circulaire datée du 20 avril 1987. Certaines de ces dis-
positions suscitent de très vives controverses.

Cette formule beaucoup plus intéressante que l'assurance individuel-


le demande donc à être appliquée avec la plus grande prudence.

En tout état de cause, elle ne peut pas être utilisée par les indépendants.
En revanche, si ceux-ci constituent une société dont ils deviennent admi-
nistrateurs ou gérants, ils pourront en bénéficier ... sous réserve des restrictions
formulées ci-dessus.

Nous n'avons fait qu'esquisser ici très brièvement un problème com-


plexe et délicat qui mériterait à lui seul qu' on lui consacre une journée d' étude !

Sous-section 2 - lnconvénients

1. - Mode de détermination des profits des projessions libérales

Les personnes physiques titulaires de profession libérale ne sont taxa-


bles que sur leurs recettes (article 30 CIR). Aussi longtemps qu'un état d'hono-
raires n'est pas encaissé, il n'intervient pas dans la base imposable.

Lorsque l'activité de titulaire de profession libérale est exercée par une


société à forme commerciale, les bénéfices doivent être déterminés selon
les règles applicables aux exploitations. Il convient dès lors de tenir comp-
te des créances pour déterminer les résultats. Il en résulte que, dans Ie chef
d'une société entre avocats ou médecins ayant réalisé un «chiffre d'affai-
res» de 10 Millions en 1987, Ie bénéfice sera déterminé en fonction de ce
montant, même s'il subsiste au 31 décembre 1987 un montant impayé de
2 Millions.

De cette particularité découlent:

a) - une anticipation du paiement de l'impöt. Celui-ci est dû avant


même que les honoraires ne soient encaissés, contrairement à ce qui se pas-
se pour les titulaires de profession libérale exerçant leur activité en tant que
personnes physiques.
93

b) - des problèmes relatifs aux créances douteuses ou irrecouvrables.


Pratiquement, celles-ci ne pourront être portées en pertes que lorsque leur
caractère irrecouvrable aura été dûment établi.

2. - Régime des plus values

Dans les grandes lignes, Ie régime des plus values applicable aux sociétés
est Ie même que celui applicable aux personnes physiques (cfr article 96 CIR).
Les taux sont évidemment différents. Il existe cependant entre les régimes
applicables dans ce domaine aux deux types d'exploitation certaines diffé-
rences. Excluant volontairement un examen exhaustif de celles-ci, relevons
quelques éléments parmi les plus importants.

a) - Sort des immeubles affectés à l'exploitation.

Les plus value réalisées sur ces biens sont taxables dans les deux cas,
sauf remploi du prix de réalisation. (cfr articles 35 et 36 CIR); mais, si l'entre-
prise est transformée en société, !'ancien exploitant peut décider de faire
rentrer dans son patrimoine privé les immeubles précédemment affectés à
son activité professionnelle et de les donner en location à la société. La plus
value qu'il réalisera éventuellement par la suite en vendant ses immeubles
ne sera pas taxable: c' est une plus value sur patrimoine privé. Elle serait
bien entendu imposable dans la même hypothèse si les immeubles avaient
été apportés à la société.

b)- Plus values sur immeubles non bàtis investis dans l'exploitation

Ces plus values sont totalement immunisées dans Ie chef des person-
nes physiques sauf:
- s'il s'agit de marchands de biens.
- si Ie terrain a été acquis dans les 8 ans de son acquisition : la plus value
est alors imposée au titre de revenus divers (article 67, 7° CIR).

Dans Ie chef des sociétés, les plus values sur immeubles non bàtis ne
sont pas immunisées.

c) - Plus values sur éléments incorporels

Dans Ie chef des personnes physiques, elles sont taxables à 16,5 % lors-
qu'elles sont octroyées en compensation ou à !'occasion d'un acte suscep-
tible d'entraîner une réduction de l'activité ou des bénéfices de l'entreprise
(cfr articles 22, 6°, a), 30, al. 2, 2°, a) et 92, § 1, 2°, a)).
94

Dans le chef d'une société, les mêmes plus values sont taxables au taux
plein.

d) - Plus values réalisées sur certains avoirs corporels

Dans le chef des personnes physiques, les plus values réalisées sur immeu-
bles, outillage et participations ou valeurs de portefeuille affectés à l'exer-
cice de l'activité professionnelle depuis plus de 5 ans avant la réalisation,
sont taxables distinctement à 16,5 %.

Dans le chef des sociétés, les mêmes plus values sont taxables à 21,5 % .

La différence est relativement minime mais il faut tenir compte en outre


du fait que, dans les sociétés, on doit éventuellement ajouter à cette cotisa-
tion spéciale l'impöt de distribution.

e) Plus values immunisées

Dans le chef des sociétés, l'immunisation accordée à certaines plus values


est subordonnée à la condition qu' elle soit portée et maintenue dans des comptes
distincts du passif et ne soit pas traitée comme des bénéfices disponibles.

Cette condition n'est pas exigée pour les personnes physiques.

3. - Commissions secrètes

En vertu de l'article 132 CIR, il est perçu dans le chef des sociétés une
cotisation spéciale et complémentaire «en raison des charges et sommes non
justifiées incorporées à la base imposable en vertu des articles 47, § 1 et 101 ».

Historiquement, cette cotisation frappe les commissions secrètes c'est-


à-dire les rémunérations, honoraires, profits quelconques, «pots de vin»
versés à des bénéficiaires non identifiés.

Cependant, l' Administration interprète ce texte de façon extensive. C'est


ainsi qu'elle entend l'appliquer par exemple lorsque le bénéfice d'une société
est majoré suite au recours à la preuve par présomption ou à la taxation
par comparaison.
95

Les bénéfices «dissimulés» ne se retrouvant pas dans les comptes de


la société, !' Administration en déduit qu'ils sont nécessairement sortis du
patrimoine socialen faveur de bénéficiaires non identifiés. (Cfr J.P. BOURS,
De l'entreprise individuelle à la société, n° 105; consultez sur cette ques-
tion KIRKP ATRICK. Examen de jurisprudence R.C. J .B. 1985, page 690).

Le mode de calcul de la cotisation spéciale étant assez complexe, nous


ne l'exposerons pas. Contentons-nous de signaler que cette cotisation est
fort lourde et qu'elle n'est pas applicable aux personnes physiques.

4. - Régime des liquidations

Lorsqu'une personne physique cesse son exploitation, les plus values


qu'elle obtient éventuellement par·suite de la réalisation avantageuse des
avoirs corporels ou incorporels qui étaient affectés à son entreprise sont taxables
distinctement à 16,5 0/o plus additionnels (article 31 CIR).

C'est Ie régirne qui est applicable notamment lorsqu'un exploitant transfère


son entreprise à une société: Ie régime que nous avons exposé supra n'est
qu'une application de la règle que nous venons d'indiquer.

Le régime applicable aux sociétés est tout différent:

a) - Si une société réalise tous ses actifs sans être dissoute - ce qui
est possible par exemple si elle se reconvertit en société financière -, Ie régime
applicable sera celui des plus values réalisées en cours d'exploitation. Cet-
te formule est rarement utilisée car elle risque de s'avérer onéreuse, tout au
moins si la cession fait apparaître des plus values importantes.

b) - Si la société est dissoute et mise en liquidation, c' est Ie régime


des liquidations de société qui devient applicable (articles 118 et suivants
CIR). Une cotisation spéciale est perçue à charge de la société sur les avoirs
répartis par les liquidateurs entre les associés, dans la mesure ou ils excè-
dent Ie montant du capita! social réellement libéré restant à rembourser.

Deux taux sont prévus :


- 43 0/o pour la partie des sommes réparties qui n'excède pas Ie montant
des réserves existant au moment de la dissolution. Suivant la jurispru-
deP.ce entrent en compte toutes les réserves y compris celles qui ont été
immunisées. (Cass. 5/3/68, Pas. I 837, BCD n° 461, page 319; eet arrêt
est critiqué par la doctrine: cfr J. KIRKPATRICK RCJB 1987, page
96

304, n° 111 et références citées).


- 21,5 0/o pour la partie des bonis de liquidation qui excède Ie montant des
dites réserves.

Ainsi que Ie déclare à juste titre Ie Professeur Kirkpatrick, cette règle


est une des plus absurde du Code puisque Ie taux Ie plus élevé frappe notamment
les réserves qui ont déjà été taxées, tandis que!' excédent qui n'a jamais été
imposé ne subit qu'une taxation réduite de moitié !

Il existe sans doute certains moyens d'éviter eet écueil ou à tout Ie moins
d'en réduire !'impact. Il n'empêche que l'attention des constituants d'une
société doit être attirée sur ce point.
CHAPITRE III

FORME DE LA SOCIÉTÉ

Remarque préliminaire

Au risque de paraître illogique, nous aborderons d'abord les aspects


fiscaux du problème pour analyser ensuite les incidences juridiques, éco-
nomiques et financières du choix offert aux constituants.

La raison d'être de eet ordre, inverse de celui adopté dans Ie chapitre


précédent, ressortira de notre exposé.

Section 1 - Aspect fiscal

Le législateur fiscal a eu un souci qui nous paraît louable: il a cherché


à ce que Ie régime fiscal soit sensiblement Ie même quelle que soit la forme
juridique adoptée, afin d' éviter que les contribuables ne choisissent un type
de société, éventuellement peu adapté à leur entreprise, pour des raisons
d' ordre fiscal.

Dans Ie cadre d'un exposé sommaire, on peut relever que:

- Sont identiques pour toutes les sociétés les règles relatives à la notion
de bénéfice, à celle de plus value, aux immunisations, aux frais généraux
(sous la réserve indiquée ei-après).

- Sont similaires les règles relatives à la détermination du montant


total des bénéfices: bénéfices non distribués, bénéfices distribués et dépenses
non admises.

- Les taux sont les mêmes, qu'il s'agisse des taux de base ou des taux
réduits applicables à certaines opérations.

- Les règles relatives aux liquidations sont valables pour toutes les
sociétés quelle qu'en soit la forme.

Les différences relativement mineures portent sur les points suivants:


98

1. - Conjoint aidant

Dans les sociétés de personnes, Ie gérant ou tout autre associé actif peut
attribuer une «rémunération» à son conjoint pour autant que celui-ci
- l'aide effectivement dans l'exercice de son activité professionnelle.
- n'ait pas bénéficié personnellement de revenus provenant d'une activi-
té professionnelle distincte.

Ceci permet:
- soit de bénéficier du décumul lorsque le revenu imposable n'excède pas
750.000 Frs.
- soit, dans le cas contraire, de bénéficier d'une réduction d'impöt équi-
valente à la tranche marginale de revenus de 56.000 Frs.

Le bénéfice de ce régime ne peut être invoqué par les dirigeants d'une


société par actions.

2. - Administrateurs de société par actions - Gérants de société de


personnes

En principe, les rémunérations octroyées à ces organes de la société


constituent des frais généraux pour celle-ci et des rémunérations taxables
dans le chef de leurs bénéficiaires.

Une restriction doit cependant être apportée à cette règle en ce qui conceme
les administrateurs de sociétés par actions. Les rémunérations des admi-
nistrateurs non investis de fonctions réelles et permanentes sont soumises
à l'impöt des sociétés.

Quant aux administrateurs investis de telles fonctions, l'impöt des sociétés


est applicable dans la mesure ou leurs rémunérations ne dépassent pas cel-
les attribuées à leurs collègues non investis de fonction spéciales. C'est donc
uniquement l'excédent - la part qui rémunère par exemple l'activité spé-
cifique de l'administrateur délégué - qui échappe à l'impöt des sociétés.

Dans la mesure ou les rémunérations octroyées à des administrateurs


sont soumises à l'impöt des sociétés, elles sont également imposables, au
titre de revenus professionnels dans le chef de leur bénéficiaire. Il en résul-
te une double taxation qui est toutefois tempérée par l'octroi à l'adminis-
trateur d'un crédit d'impöt.
99

Il n'existe pas de règle similaire pour les sociétés de personnes.

3. - Intérêts des prêts consentis par des associés à une société de personnes.

Ces intérêts sont assimilés à des revenus de capitaux investis. Ils sont
donc soumis à l'impöt des sociétés. En outre, leur attribution entraîne la
perception du précompte mobilier libératoire.

En revanche, dans les sociétés par actions, les intérêts des avances con-
senties à la société par un actionnaire - fut-il un administrateur - con-
servent fiscalement leur caractère de revenus de capitaux prêtés. Les intérêts
payés constituent des charges professionnelles pour la société. Ces intérêts
sont bien entendu soumis au précompte mobilier qui est, en principe, libé-
ratoire dans Ie chef du bénéficiaire.

4. - Ristournes accordées par les sociétés coopératives.

Les ristournes accordées aux coopérateurs en fonction de leurs achats


ne sont pas traitées comme des bénéfices sociaux. En soi, cette règle n'est
pas exceptionnelle: des ristournes octroyées par un commerçant à certains
clients sont également déductibles de ses revenus.

5. - Emprunts contractés par un associé pour l'acquisition de parts.

Jusqu'en 1984, l' Administration admettait que les intérêts des emprunts
contractés par les associés actifs d'une société de personnes en vue de la sous-
cription oude l'achat de parts de cette société constituaient pour lui des charges
professionnelles.

Par circulaire du 13 février 1984 (BCD 1984, n° 627, page 836), l' Admi-
nistration a décidé qu' à partir del' exercice 1985, ces intérêts pourront être
déduits uniquement du revenu global dans les limites fixée par l' article 71 CIR.

Pour autant qu' on admette Ie bien fondé de la thèse administrative con-


testée par certains (J .P. BOURS - De l'entreprise individuelle à la socié-
té, n° 124), il n'y a plus de différence sur ce point entre !'associé actif d'une
société de personnes et !'administrateur d'une société par actions.

6. - L 'option des sociétés de personnes

Jusqu'en 1986, les sociétés de personnes avaient, moyennant réunion


100

de certaines conditions, la faculté d'opter pour l'irnpöt des personnes physiques,


c'est-à-dire pour la taxation directe de ses bénéfices dans Ie chef de ses associés,
actifs ou non actifs.

Ce régime de «transparence fiscale» a été supprimé par la loi du 4 août


1986.

A partir de l'exercice 1987, toutes les sociétés dotées de la personnali-


té juridique et se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère
lucratif sont indistinctement soumises à l'impöt des sociétés.

Section 2 -Autres aspects

Une fois prise la décision de constituer une société, Ie choix de la for-


me de celle-ci est Ie plus souvent - pas toujours - dicté par des considé-
rations extra fiscales, les différences sur Ie plan de l'application de l'impöt
étant relativement mineures, surtout depuis la suppression del' option pour
les sociétés de personnes.

Le plus souvent interviennent des considérations telles que:


- Ie plus ou moins grand formalisme imposé pour tel ou tel type de socié-
té. Par exemple: trois administrateurs au moins pour une société anonyme,
tandis qu'un gérant unique suffit dans une SPRL.
- Ie souci de conserver Ie caractère familial de l'entreprise ou d'éviter l'intrusion
d'étrangers: dans une SPRL, les parts sont nécessairement nominatives.
- au contraire, Ie désir - parfois illusoire - de créer ou de conserver un
certain anonymat: titres au porteur ce qui impliquera Ie recours à la société
par actions.

Soulignons ici deux types de choix guidés par des considérations extra
fiscales.

a) - la société coopérative

Nous ne sommes pas certains que Ie regain d'intérêt pour celle-ci soit
toujours dicté par un véritable esprit coopératif ! Ce sont des considérations
beaucoup plus pragmatiques et parfois contestables qui motivent souvent
ce choix: faculté de constituer la société par acte sous seing privé (d'ou:
pas de frais d'acte notarié ... mais parfois de sérieux mécomptes !) ; capita!
variable (ce qui est intéressant); absence d'exigence d'un plan financier (d'ou
pas de frais d'intervention d'un expert comptable); pas d'exigence d'un rapport
101

d'un reviseur pour les apports et quasi apports en nature; pas de limita-
tion du droit devote: en principe, une part = une voix, sauf restriction sta-
tutaire.

b) - la société en nom collectif

Cette forme de société - qui était à peu près abandonnée - réappa-


raît pour deux raisons essentielles nous semble-t-il:

1. - Certains titulaires de professions libérales soumis à une discipli-


ne professionnelle - les médecins et les avocats notamment - sont auto-
risés à constituer des sociétés mais ils doivent prendre l' engagement de répondre
solidairement avec la société des conséquences dommageables des fautes
qu'ils commettent dans l'exercice de leur profession en leur qualité d'asso-
ciés. Certains choisissent dès lors la forme de la SNC puisque - précisé-
ment - celle-ci implique l'engagement solidaire des associés.

2. - En principe, toute société doit tenir une comptabilité en partie


double, avec plan comptable, inventaires et comptes annuels. Sont seuls
dispensés de tenir cette comptabilité et autorisés à tenir une comptabilité
simplifiée, «les commerçants, personnes physiques ou sociétés en nom collectif
ou en commandite simple dont Ie chiffre d'affaires du dernier exercice, TV A
non comprise, n'excède pas 20 Millions de francs (articles 5 et 7 de la loi
du 17 juillet 1975 et article Ier de l'arrêté royal du 8/10/1976 modifié par
celui du 12/9/1983).

***
DEUXIÈME PARTIE - LA SOCIÉTÉ D'UNE PERSONNE

CHAPITRE I

GÉNÉRALITÉS

1. - Le sujet est neuf et cependant notre commentaire sera bref pour


plusieurs raisons.

a) - De nombreuses études ont déjà été consacrées à ce sujet spécifi-


que, de même que des colloques, séminaires et conférences.

b) - Les problèmes les plus importants sont ceux qu'entraîne, sur Ie


plan du droit privé, l'apparition d'un nouveau type de société.

c) - Sur Ie plan fiscal, la SPRL U. s'intègre dans les SPRL et subit


Ie même régime que celles-ci.

2. - Nombre de juristes, parmi lesquels des fiscalistes, pensent que


la SPRL U. ne connaîtra qu'un succès limité. Ils justifient leur opinion en
faisant valoir qu'ils cherchent vainement les avantages de ce type nouveau
de société par rapport aux formes classiques. Ils ajoutent que la loi du 14
juillet 1987, fort succinte, est susceptible d' engendrer certaines controver-
ses et que nul ne peut prévoir par ailleurs quelles seront les réactions del' Adrni-
nistration fiscale face à cette innovation.

Notre opinion est un peu plus nuancée. Nous pensons effectivement


que cette loi ne présente qu'un intérêt lirnité pour les commerçants et industriels
qui, sauf de rares exceptions, peuvent sans grande difficulté, constituer une
société de type classique. Pourquoi innover - avec les risques que cela comporte
- lorsqu'on peut recourir à une formule éprouvée dont l'efficacité a été
maintes fois démontrée.

La situation nous paraît différente pour les titulaires de professions


libérales soumis à une discipline professionnelle (les avocats par exemple).

Plusieurs Conseils de l'Ordre autorisent actuellement les avocats à cons-


tituer une société civile à forme commerciale. Bien entendu, seuls des avo-
cats peuvent être membres de la société. Or, un avocat qui n'hésiterait pas
à constituer une société avec sa femme ou ses enfants reculera peut-être devant
la perspective de s'associer avec un confrère. On peut penser dès lors que
certains titulaires de professions libérales, individualistes mais conscients
104

des avantages de la formule société, s'orienteront vers la constitution de


SPRL U.

3. - Dans le cadre de eet exposé de caractère général, nous voudrions


simplement mettre l'accent sur deux éléments qui ont particulièrement retenu
notre attention et qui nous paraissent d'ailleurs complémentaires.

A. - Séparation de patrimoine et confusion de patrimoine

En modifiant l'article 1832 du Code Civil, le législateur a innové dans


la mesure ou il a permis de rompre l'unicité du patrimoine de la personne
physique. L'innovation est cependant peut-être plus importante sur le plan
théorique que sur le plan pratique. Une personne physique pouvait déjà céder
son entreprise à une société <lont elle détenait 95 OJo des parts sinon plus.

De même, le risque de confusion de patrimoine existait déjà dans le


chef du principal associé qui n'avait que trop tendance à considérer la société
comme «sa société». Ce risque va s'amplifier maintenant que l'associé unique
pourra - en droit et non plus seulement en fait - considérer la société comme
son bien. Il aura «en poche» deux portefeuilles: cel ui de la société et le sien.
Ce n'est pas être pessimiste que de penser que ceci provoquera des confusions.

B. - Gérance et conflit d'intérêt

L'associé unique sera normalement le gérant de la société à laquelle


il aura apporté ou vendu son fonds de commerce. En introduisant dans notre
droit la société d'une personne, le législateur a-t-il songé au-delà de l'entorse
volontaire au «contrat» de société, que c'est la notion même de contrat qui
se trouve mise en cause: la personne physique apporte, vend, loue, prête
à «sa» société. Qu'y trouvera-t-elle comme interlocuteur? Elle-même. Qui
approuvera les comptes de la société, sinon le seul gérant? Le risque de conflit
d'intérêt est évident et les abus dans ce domaine ne peuvent que provoquer
les confusions de patrimoine déjà dénoncées ci-dessus.
CHAPITRE II

ASPECT FISCAL

lei également nous serons brefs puisque, dans l'état actuel des choses,
les règles édictées par Ie Code des lmpöts sur les Revenus en matière de sociétés,
et plus spécialement de SPRL, sont automatiquement applicables à la SPRL U.

La constitution d'une telle société va donc permettre notamment:

a)- l'éclatement du revenu: rémunération du gérant, bénéfices réservés,


revenus de capitaux investis; l' exemple cité dans la première partie de notre
exposé peut être purement et simplement transposé au cas de la société d'une
personne.

b) - Le taux de l'impöt des personnes physiques sera applicable aux


bénéfices réservés et aux sommes versées à titre de revenus de capitaux investis.

c)- L'ancien exploitant pourra céder son fonds de commerce à la société,


avec application du régime fiscal des plus values obtenues en cas de cessa-
tion d'activités.

d) - Il pourra de même céder en exemption d'impöts tout ou partie


des parts de la société.

Nous nous contenterons dès lors d'exarniner quelques aspects du problème


du choix de la voie la moins imposée face à la constitution des sociétés d'une
personne.

1. - Les sociétés fictives

Il y a une vingtaine d'années, il était relativement fréquent de voir l' Admi-


nistration fiscale ten ter - avec ou sans succès - de démontrer Ie caractère
fictif d'une société et de prouver que celle-ci dissimulait en réalité l'exploi-
tation d'une personne agissant à son profit exclusif (consulter E. BOURS,
Les sociétés fictives et les impöts sur les revenus In en hommage à Victor
GOTHOT - Faculté de Droit de Liège, 1962).

Au fil des années, Ie nombre de litiges de ce genre a diminué, sans doute


en raison de la difficulté d' établir la sirnulation mais aussi par suite del' évolution
des lois sur les sociétés commerciales :
106

- Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 mars 1973, lorsque les engage-


ments de tous les associés sauf un seul sont reconnus fictifs, la société
doit être considérée comme frappée de nullité mais, en vertu de l'article
13, 4° des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, cette nullité
n'a d'effet que pour l'avenir.
Peut-on encore fiscalement - au nom de la simulation - faire état du
caractère fictif de la société alors que, sur Ie plan du droit privé, l'exis-
tence de celle-ci est reconnue par la loi aussi longtemps que la nullité n'est
pas prononcée?
- Deux époux séparés de biens peuvent actuellement constituer entre eux
une société.
- La réunion de tous les titres d'une société en une même main n'entraîne
plus la dissolution de celle-ci.

A tous ces éléments, s'en ajoute maintenant un autre: une personne


physique peut constituer seule une société. Si elle choisit de constituer une
société avec un tiers, Ie fisc s'efforcera-t-il encore de démontrer que cette
société est fictive au motif que cette personne ne pourrait faire indirecte-
ment (société d'une personne sous les apparences d'une société classique)
ce qu'elle peut faire directement (société d'une personne)?

Mettons cependant nos auditeurs en garde contre une pratique qui reste
malgré tout dangereuse à tous égards: la constitution d'une société par une
personne qui «donne» une part à son comptable, à sa tante ou à sa grand'mère
et se considère ensuite comme Ie seul maître de !'affaire.

Il faut en tous domaines raison garder et respecter l'esprit de la légis-


lation qu'on entend appliquer !

S'il est légitime par exemple qu'un père de famille constitue une société
avec ses enfants ou avec certains d'entre eux, encore convient-il que la par-
ticipation souscrite par ses associés, même si elle est minime, soit raison-
nable. Il faut penser aussi que, si les résultats Ie permettent, les associés ont
droit à une rémunération décente de leur investissement.

2. - Contrats avec soi-même

La constitution d'une société implique d'abord des apports à celle-ci,


ensuite des achats par elle, des prises en location, etc ...

L'associé unique va donc d'abord apporter des capitaux ou des biens


107

en nature à la société qu'il constitue. Ensuite, il pourra lui vendre son fonds
de commerce ou lui donner un immeuble en location.

Ceci pose des problèmes auxquels Ie législateur ne semble pas avoir songé.
Si l'apport n'est plus nécessairement un contrat depuis la modification de
l'article 1832 du Code Civil, la vente ou Ie bail restent des opérations con-
ventionnelles impliquant un accord de volonté.
Or, avec qui Ie vendeur ou Ie bailleur va-t-il traiter? Avec la société sans
doute ... mais la volonté de celle-ci ne peut être manifestée que par ses organes,
c'est-à-dire en l'espèce par Ie gérant qui sera normalement l'associé unique.

Celui-ci va donc traiter avec lui-même, agissant en une autre qualité.

Laissons de cöté les prolongements que cette réflexion impliquerait sur


Ie plan de l'étude des «contrats» et tenons-nous en l'espèce à l'aspect fiscal
du problème. Le controleur se méfiera instinctivement de ces opérations
conclues par un personnage à double casquette !

Si la contre partie «convenue» lui paraît excessive, il ne manquera pas


de faire état de simulation. Il conviendra donc de faire preuve de modéra-
tion, de veiller à ne fixer que des contre parties raisonnables et défendables.
Pour les apports et les quasi apports, l'associé et sa société trouverons éven-
tuellement des éléments de défense intéressants dans Ie rapport du reviseur,
indispensable en l'occurrence.

3. - L'assurance dirigeant

Nous avons fait état dans notre exposé relatif aux sociétés tradition-
nelles de l'assurance dirigeant, soulignant qu'elle est encore actuellement
la source de nombreux litiges d'ordre fiscal.

Nous avons souligné que cette opération comportait deux contrats dis-
tincts : celui par lequel la société garantit à son dirigeant un capital pension,
soit à son décès, soit au moment de la mise à la retraite; elle contracte par
ailleurs auprès d'une compagnie d'assurance un contrat sur la tête de son
dirigeant afin de pouvoir faire face aux obligations contractées envers celui-ci.

Il s'agit donc de deux opérations différentes intervenant entre des per-


sonnes distinctes, Ie second (Ie contrat d'assurance) n'ayant d'autre objet
que de garantir financièrement l'exécution de la première opération (enga-
gement de verser un capital pension).
108

Transposons ces données à la SPRL U.

a)- La société représentée par son gérant (!'associé unique) va s'engager


envers celui-ci à lui verser un capita!.

b) - Ensuite la société, toujours représentée par son gérant, va sous-


crire sur la tête de celui-ci, auprès d'une compagnie d'assurance, un con-
trat destiné à garantir l'exécution de son engagement.

Quelle différence y a-t-il entre eet ensemble d'opérations et la conclu-


sion d'un contrat d'assurance individuel pour lequel la déductibilité des primes
est soumise à des limitations draconiennes? Elle nous paraît fort ténue, ce
qui nous incite à conseiller aux constituants d'une SPRL U. de ne pas s' engager
dans cette voie, dans l'état actuel de la législation tout au moins.
LES ENTREPRISES A LA RECHERCHE
DE VOIES MOINS IMPOSÉES
POUR LEURS DIRIGEANTS ET LEUR PERSONNEL
DE CADRE (PREMIÈRE PARTIE) .

I. LE PASSAGE AU STATUT D'INDÉPENDANT OUDE SOCIÉTÉ

II. L'UTILISATION DE SOCIÉTÉS ET D'ÉTABLISSEMENTS


ETRANGERS (*)

par

Jacques MALHERBE

Avocat au Barreau de Bruxelles


Maître de conférences à l'Université Catholique de Louvain

* Nos remerciements vont à M. André Buelinckx, qui nous a communiqué ses intéressantes
réflexions en la matière, ainsi qu'à Me. Benoît Nibelle pour son aide dans la préparation de
cette étude.
CHAPITRE I

LE PASSAGE AU STATUT D'INDÉPENDANT

1. - Celui qui, désirant travailler pour une entreprise ou étant avec


elle dans les liens d'un contrat de travail, souhaite placer les relations de
travail sous statut d'indépendant, peut envisager deux solutions: si la nature
de ses fonctions Ie permet, l'acceptation d'un mandat d'administrateur; dans
tous les cas, la conclusion d'un contrat d'entreprise.

Dans les deux hypothèses, la sécurité sociale des indépendants s'appliquera


au lieu de la sécurité sociale des travailleurs salariés. Au lieu d'une charge
égale, en 1987, à 12,07 p.c. des rémunérations non plafonnées pour !'employé
et à 32 p.c. au moins pour l'employeur, s'appliqueront les cotisations per-
çues à la charge exclusive du travailleur indépendant. Pour 1987, les coti-
sations étaient plafonnées à un revenu annuel de 1. 715 .267 F, ne pouvant
donc dépasser 252.807 F par an.Ol

La cotisation provisoire de début d'activité était de 15.472 F par tri-


mestre, soit 61.888 F par an.

Ces cotisations sont déductibles fiscalement.

A. - Mandat d'administrateur

2. - L'administrateur d'une société ne bénéficie bien entendu pas de


la protection assurée par la loi sur le contrat de travail dès qu'il ne peut éta-
blir que sa subordination entraîne l'existence simultanée d'un tel contrat
et d'une fonction d'administrateur. Il est révocable ad nutum.

Il encourt d'autre part les responsabilités résultant des lois coordon-


nées sur les sociétés, de législations spéciales, sur les faillites notamment,
et du droit commun.

Il lui appartient de s'assurer contractuellement une protection adéquate

(1) En 1987, les cotisations étaient basées sur les revenus de 1984 et se montaient, par tri-
mestre, à:
trache de revenu inférieure à 1.288.059 F:
3,825% x 104%(15,912%l'an)
tranche de revenu de 1.288.059 F à 1.715.267 F:
2,6925% x 104% (11,2008% !'an).
114

et de conclure les assurances nécessaires, sans que ces stipulations dénatu-


rent le mandat d'administrateur.

3. - Notre propos se limite à l'aspect fiscal des changements de fonc-


tions envisagés.

La jurisprudence fiscale a imposé comme administrateurs ceux qui,


sans en avoir le titre, exerçaient des fonctions analogues à celles d'un admi-
nistrateur<2>. De simples fonctions de gestion journalière ne suffisent pas
à entraîner ce changement de qualification.

En revanche, dès lors que le statut d'administrateur est choisi, que les
fonctions exercées soient de gestion journalière ou soient plus vastes, le régime
fiscal des rémunérations sera celui des «administrateurs ou autres person-
nes exerçant des mandats ou fonctions analogues soit près des sociétés par
actions, belges ou étrangères, soit près de toutes autres personnes morales
de droit beige ou étranger qui sont assimilées à des sociétés par actions pour
l'application de l'impöt des sociétés ou qui y seraient assimilées si elles avaient
en Belgique leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de
direction ou d'administration»< 3>.

Le cocontractant de la société pourrait, s'il préférait ne pas porter le


titre d'administrateur, se faire conférer des fonctions analogues à celles d'un
administrateur, par exemple au sein d'un comité de direction.

4. - Le forfait de charges déductibles des administrateurs est plus limité


que celui des salariés:
5 0/o au lieu de:

20 0/o de la première tranche de 150.000 F;

100/o de la tranche de 150.000 F à 300.000 F;

5 0/o de la tranche excédant 300.000 P 4>.

Le forfait étant en tous cas plafonné à 125.000 F, le contribuable pré-


férera généralement déduire ses charges réelles.

(2) Coppens et Bailleux, Droit fiscal, Les impöts sur les revenus, p. 343 et réf. citées.
(3) C.l.R., art. 20, 2°, b).
(4) C.l.R., art. 51.
115

5. - Un second choix peut s'opérer entre Ie statut d'administrateur


exerçant, en vertu d'une délégation ou d'un contrat, des fonctions réelles
et permanentes, et celui d'administrateur non chargé de telles fonctions.

Il s'agit en pratique d'un choix, puisque !'administrateur qui exerce


des fonctions réelles et permanentes Ie mentionne dans une déclaration qui
est jointe à la déclaration fiscale de la société.

Les rémunérations de !'administrateur chargé de telles fonctions seront


déductibles pour la société, étant entendu qu'une même personne ne peut
faire bénéficier plus de deux sociétés de la déduction< 5>.

Les tantièmes et autres rémunérations, fixes ou variables, perçus par


d'autres administrateurs, font partie de la base imposable de la société<6>.

La déduction accordée à la société ne concerne que la partie de la rému-


nération de !'administrateur à fonctions réelles et permanentes qui dépas-
se les émoluments versés à ses collègues non investis de fonctions spéciales<7>.

L'administrateur qui reçoit des tantièmes imposables à l'impöt des sociétés


bénéficie d'un crédit d'impöt de 37,5 0Jo< 8>, équivalant à peu près à 50 OJo de
l'impöt des sociétés perçu au taux de 43 0/o. Ce crédit constitue un supplé-
ment de revenu< 9>, mais est imputable sur l'impöt.

Exemple
Montant destiné aux tantièmes avant 1. Soc 100
I.Soc. - 43
Tantième attribué 57
C.l. 57 X 37,5 0Jo = 21,375
Base imposable pour !'administrateur 78,375
(5) C.I.R., art. 99.
(6) C.I.R., art. 98.
(7) Il existe une controverse quant à la définition des «fonctions spéciales». Certains les
identifient à des fonctions réelles et permanentes (Bruxelles, 5 mars 1985, F.J .F., 85/179). D'autres
y voient les attributions d'une troisième catégorie d'administrateurs (Bruxelles 29 mars 1976,
J .D.F. 1977, p. 214, obs. L. Simone!). A suivre cette dernière thèse, si, de deux administra-
teurs rémunérés, l'un exerce des fonctions réelles et permanentes et l'autre des fonctions spé-
ciales, la totalité des rémunérations du premier est déductible.
(8) C.I.R., art. 135, § 1, 2°.
(9) C.I.R., art. 27, § 1, 3°.
116

L'administrateur d'une société en perte pour l'exercice ou d'une société


non imposable ou peu imposable aura parfois intérêt à choisir Ie régime des
tantièmes, prélevés sur des bénéfices d'exercices antérieurs en cas de perte
de l'exercice.

6. - Qu'il reçoive des rémunérations déductibles ou des tantièmes,


!'administrateur ne doit pas porter de TVA en compte à la société00 l.

7. - Les rémunérations périodiques d'un administrateur sont soumises


au précompte professionnel à des taux progressifs. Les tantièmes et jetons
de présence non périodiques sont soumis à un tarif spéciaJ< 11 >. Dans la mes u-
re ou il n'est pas couvert par Ie précompte professionnel, l'impöt afférent
aux revenus d'indépendant, y compris les revenus d'adrninistrateur, est majoré
s'il n'est pas acquitté par voie de versements anticipés0 2>.

B. - Contrat d'entreprise

8. Celui qui fournit ses services dans Ie cadre d'un contrat d'entrepri-
se, ab initio ou à la suite de la résiliation d'un contrat de travail, réalise,
comme !'administrateur de société, une économie de cotisations de sécuri-
té sociale, non une économie fiscale. Il peut négocier avec son «dient» une
rémunération tenant compte de l'économie de cotisations sociales patro-
nales réalisée par celui-ci.

Le contrat d'entreprise est susceptible de s'appliquer à des hypothè-


ses plus variées que Ie mandat d'administrateur: un comptable, un spécia-
liste de marketing oude !'information, un conseiller juridique, à qui l' entreprise
ne souhaite pas confier de responsabilités de gestion, peuvent y recourir.

9. - Les parties veilleront à ce que leur convention corresponde à la


réalité et éviteront de créer dans leurs relations Ie lien de subordination carac-
téristique du contrat de travail. Il a été jugé que l'indépendance d'un tra-
vailleur n'était incompatible ni avec un travail à temps plein dans les locaux

(10) Code TVA, art. 18, § 1, 3°.


(11) Jusqu'à 1.000.000 F 6%
de 1.000.001 F à 1.500.000 F 11%
de 1.500.001 F à 2.000.000 F 16%
de 2.000.001 F à 2.500.000 F 27%
de 2.500.001 F à 4.000.000 F 32%
au-delà de 4.000.000 F 37%
(12) C.l.R., art. 89.
117

de l'entreprise, ni avec l'adoption d'un horaire coincidant avec les heures


d'ouverture de l'entreprise, ni avec un controle des prestations, ni même
avec la signature de courrier au nom de l'entreprise03 l.

10. - Le travailleur indépendant facturera ses prestations avec appli-


cation de la TV N 14l. L'entreprise ne récupérera celle-ci que si elle entre elle-
même dans la catégorie des assujettis.

11. - L'indépendant peut déduire ses charges réelles ou les mêmes charges
forfaitaires qu'un travailleur salarié.

12. - L'impöt sera payé à I'initiative du travailleur lui-même, par voie


de versements anticipés s'il veut éviter la majoration de sa <lette fiscale.

Les jeunes indépendants, ägés de moins de 35 ans, qui s'établissent pour


la première fois, sont dispensés pendant trois ans de l'obligation d'effec-
tuer des versements anticipés pour échapper à la majoration< 151 •

13. - Si Ie travailleur emprunte pour effectuer ces versements, les intérêts


de l'emprunt constitueront une charge déductible. Si Ie montant lui est avancé
par l'entreprise, comme si celle-ci lui consent tout autre prêt sans intérêt,
un avantage en nature est ajouté à son revenu, calculé au taux d'intérêt de
référence fixé par l'arrêté royal d'exécution du Code pour chaque année.
Pour un emprunt <lont les intérêts ne seraient pas déductibles, Ie travail-
leur ne paierait néanmoins dans cette hypothèse que l'impöt sur l'intérêt,
au lieu de payer l'intérêt lui-même.

(13) Cfr p. ex. Cour Trav. Bruxelles, 10 décembre 1985, J.T.T., 1986, p. 378.
(14) N'en sont dispensées que certaines personnes fournissant des services à titre d'appoint
à des assujettis:
- les personnes salariées ou appointées à titre principal;
- les pensionnés;
- les personnes sans profession qui effectuent des travaux de secrétariat d'accueil ou autres
pendant quelques heures par jour;
- les étudiants (circulaire n° 19 du 22 janvier 1971). Si ces travaux sont exécutés pour des non
assujettis, la taxe est due.

(15) C.I.R., art. 89, § 9 bis.


CHAPITRE II

L'UTILISATION D'UNE SOCIÉTÉ DE SERVICES BELGE

14. - Un pas de plus sera franchi si Ie mandat d'administrateur ou


Ie contrat d'entreprise sont conclus par une société, unipersonnelle ou non,
qui fournit à l'entreprise cocontractante les services de son associé, gérant
ou administrateur.

15. - Une personne morale, si elle ne peut être gérante d'une société
privée à responsabilité limitée< 16>, peut en effet être administrateur d'une
société anonyme0 7l.

A défaut de réglementation légale, l'exercice par une société d'un mandat


d'administrateur engendre différentes difficultés qui dépassent Ie cadre de
la présente étude. La personne morale désignera-t-elle un représentant per-
manent ou choisira-t-elle un intermédiaire différent selon la décision à prendre?
Plus fondamentalement, peut-elle se faire représenter par un mandataire
alors que la fonction d'administrateur doit être exercée personnellement et
ne peut faire l'objet d'une subdélégation? En va-t-il de même si la société
agit par ses organes légaux, Ie plus souvent deux administrateurs dotés d'un
pouvoir de représentation générale au sens de !'art. 54, alinéa 4 des lois coor-
données sur les sociétés? Les solutions diffèrent-elles si les statuts de la société
administrée autorisent expressément à désigner un administrateur person-
ne morale et organisent Ie cas échéant !'exercice effectif du mandat? La société
ainsi gérée pourrait-elle récuser Ie représentant sans pour autant révoquer
Ie mandat d'administrateur confié à !'être mora!?

16. - L'administration fiscale considère que les rémunérations allouées


ou attribuées par une société par actions à une autre société, qui ferait par-
tie de son conseil d'administration, ne sant pas comprises dans les revenus
imposables de la société qui les attribue 08 l.

En effet, l'administration est d'avis que, même s'il n'est pas exclu qu'une

(16) L. coord. soc., art. 129.


(17) Cfr., malgrécertaines réserves, Frédéricq, T. V, n° 417; Van Ryn, Principes, T.l,
p. 261; Heenen, De la possibilité pour une personne morale d'être l'organe d'une société ou
d'une association ayant la personnalité juridique, R.P.S., 1954, p. 81; Cass. 17 mai 1962, Pas.,
1962, I, 1054, R.P.S., 1962, p. 254 et concl. Hayoit de Termicourt; Cass. 12 décembre 1980,
Pas., 1981, I, 432 R.P.S., 1982, p. 26.
(18) Com. l.R. 98/14.1
120

société puisse elle-même participer à l'administration d'une autre société,


elle ne peut être considérée comme une personne visée à l'article 20, 2°, b,
du Code qui vise les rémunérations des administrateurs, commissaires, liqui-
dateurs ou de toute autre personne exerçant des mandats ou fonctions analogues
près des sociétés par actions. Dès lors, les rémunérations allouées à une société
administrateur ne peuvent pas être considérées comme des tantièmes pour
l'application de l'impöt des sociétés dans Ie chef de la société débitrice. Par
voie de conséquence, elles ne peuvent pas non plus être soumise au précompte
professionnel ni donner droit à un crédit d'impöt d'administrateur.

La TV Ane sera pas due dans les relations entre la société administra-
teur et la société administrée( 19>_ En revanche, si une société, quine peut être
gérant d'une société privée à responsabilité lirnitée, agissait en qualité d'associé
actif, la taxe serait due sur sa rémunération si elle se rapportait à des pres-
tations de services imposables à la TV A< 20>.

17. - lei encore, la simulation devra être soigneusement évitée, tant


dans la création et Ie fonctionnement de la société que dans ses relations
avec l'entreprise administrée ou cocontractante.

Sans doute, la nullité d'une société ne peut-elle être prononcée que par
une décision judiciaire, qui produira ses effets ex nunc< 21 >. L'administra-
tion pourrait néanmoins, si l'exploitation était en fait celle d'une personne
physique, considérer que les revenus sont recueillis directement par celle-ci.

18. - L'administration remet fréquemment en cause les factures éta-


blies par une telle société lorsque l'imprécision de leur libellé ou la simulta-
néité de prestations fournies par la personne physique et par la société rend
la preuve de la réalité, de la nature et de la mesure des services difficile.

Si la convention des parties est claire et couvre des prestations identi-


fiables, fût-ce parce qu'il n'en existe pas d'autres de la même personne, elle
doit recevoir effet fiscalement. Il n'y a pas lieu de traiter différemment cette
hypothèse et celle de la mise à disposition d'un oude plusieurs travailleurs
par une société du groupe ou une société de conseil en général.

(19) Code T.V.A., art. 18, § I, 3°.


(20) Question parlementairen° 148 du 28 janvier 1987, Sén. Windels, Bull. Q. et R. Sén.,
session 1986-1987, p. 1338, B.C., 1987, n° 666, p. 2250.
(21) Lois coord. soc. comm., art. 13 quinquies; Parent, La jurisprudence fiscale et les
sociétés fictives depuis la loi du 6 mars 1973, obs. sub. Civ. Bruxelles (réf.), 28 mars 1985,
Ann. Dr. Liège, 1986, p. 518.
121

19. - Dans certains pays étrangers, Ie législateur est intervenu pour


limiter l'usage de telles sociétés, confirmant a contrario leur licéité en !'absence
de telles dispositions.

Aux Etats-Unis, seront considérés comme des revenus de société hol-


ding personnelle les montants reçus en exécution d'un contrat de fournitu-
re de services personnels, lorsque Ie prestataire des services peut être désigné
par un autre que la société ou est nommément désigné et lorsque ce presta-
taire détient 25 OJo ou plus des titres de la société<22 i.

Si 60 OJo au moins du revenu ordinaire ajusté d'une société consiste en


revenus de ce type et en revenus passifs et si plus de 50 OJo de ses actions appar-
tiennent à cinq personnes physiques ou moins, la société subira sur son revenu
non distribué un impöt au taux marginal de l'impöt sur Ie revenu des indi-
vidus<23i _

Ces dispositions sont anciennes.

La loi de réforme fiscale américaine de 1986 a en outre interdit la déduction


des pertes subies dans Ie cadre de certaines «activités passives» (sic), telles
que la location d'immeubles, des revenus d'autres activités< 24 l_ Cette règle
s'applique aux sociétés de services personnels, dont les employés prestataires
des services détiennent 10 OJo des actions.

20. - Une telle structure présentera tous les avantages de la forme socié-
taire par rapport à l'entreprise individuelle, décrits dans les études consa-
crées ici à ce sujet.

L'avantage ne sera toutefois significatif que si la rémunération per-


çue est suffisamment élevée et si une part des profits peut être mise en réserve
sans compromettre Ie budget personnel du prestataire de services.

(22) Internal Revenue Code·(l.R.C.), § 543 (a) (7).


(23) I.R.C., § 541-542.
(24) I.R.C., § 469.
CHAPITRE III

L'UTILISATION DE SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES OU


D'ÉTABLISSEMENTS ÉTRANGERS

A. - Division des rémunérations de salariés entre la Belgique et l'étrnnger.

21. - Le salarié, résident beige, qui exerce son activité partiellement


en Belgique et partiellement à l'étranger, peut trouver un avantage à ce que
sa rémunération soit, dans la mesure des prestations étrangères, payée et
imposée à l'étranger<25 >.

Le total de l'imposition beige et des impositions étrangères< 26> sera en


effet généralement inférieur à ce qu'aurait été l'imposition beige au taux
normal sur tout Ie revenu. La répartition du revenu («income splitting»)
aboutit à atténuer la progressivité de l'impöt.

Le résultat atteint est différent selon qu'intervient ou non un traité fiscal


susceptible d'exonérer en Belgique Je revenu étranger<27 >_

De plus, la cotisation spéciale de sécurité sociale applicable depuis l' exercice

(25) Dilley, Belgium: Taxation of Foreign Source Employrnent Income: High Relief Potential
for the Itinerant Executive, Tax Management International Journal, 1981, p. 8; Using C.I.R.
Article 88 to Reduce the Belgian Taxes Payable by Itinerant Executives, in Réflexions offer-
tes à Paul Sibille, Bruxelles, 1981, p. 451; Liebman, Taxation of Employees Working Abroad
Belgium, Tax Management International Forum, 1982, n° 2, p. 3.
(26) Pour des comparaisons internationales cfr.p.ex. Deloitte, Haskins & Sells, Taxation
of International Executives, 1985; van der Beek et Bonte, (Ernst & Whinney), Taxes on Sala-
ries, Kluwer, Deventer, 1982. Il faudra tenir compte non seulement des impöts, mais encore
des charges sociales étrangères. Au sein de la C.E.E., Ie règlement 1408/71 évitera aux ressor-
tissants des Etats membres un double assujettissement: seul Ie régime de sécurité sociale de
l'Etat de résidence s'appliquera à celui qui est salarié en Belgique et à l'étranger (art. 14, 2),
b) (i)). En revanche, la sécurité sociale des salariés du pays d'accueil s'appliquerait à celui qui
serail indépendant en Belgique et salarié à l'étranger (art. 14 quater, § 1, b) et annexe VII du
règlement).
Les conventions bilatérales conclues par la Belgique en matière de sécurité sociale trouveront
également à s'appliquer (Cons. Willems, Les prélèvements sociaux, élément de la charge fis-
cale pesant sur les entreprises engagées dans des activités internationales, Belgique, Cah. dr.
fisc. intern., 1984, pp. 233-235; Van Houtte, Sociale zekerheid en internationaal privaatrecht,
in Raakvlakken tussen sociale zekerheid en administratief recht. .. , Bruxelles, 1979, p. 106).
Elles laisseront généralement subsister un double assujettissement en cas d'exercice habituel
d'une activité dans les deux Etats (B. Hanotiau, Les problèmes de sécurité sociale des travail-
leurs migrants, Bruxelles, 1973, p. 109).
(27) Cfr. exposé in Fiscaal compendium, pp. A 9/053 à /061.
124

d'imposition 1983 aux personnes <lont Ie revenu imposable globalement dépasse


un montant fixé initialement à 3 millions de francs< 28 >, chiffre indexé à partir
de l'exercice d'imposition 1987<29 >, s'applique aux revenus étrangers impo-
sables au taux réduit, mais non aux revenus exonérés en vertu de conven-
tions internationales préventives de la double imposition<30 >.

Le versement provisionnel afférent à cette cotisation, qui est déducti-


ble, sera imputé proportionnellement sur les revenus belges et sur les reve-
nus d'origine étrangère imposables au taux réduit( 31 >.

1. - Droit fiscal interne en /'absence de traité

22. - En application de l'article 88 du Code des impöts sur les reve-


nus, la partie de l'impöt qui correspond proportionnellement aux revenus
professionnels qui ont été réalisés et imposés à l'étranger est réduite de moitié.

23. - La réduction ne s'applique qu'aux revenus imposables globa-


lement, à l'exclusion des revenus qui seraient effectivement imposés dis-
tinctement aux taux prévus par l'article 93 du Code. Toutefois, les indemnités
de dédit et arriérés de rémunération litigieux, imposables au taux moyen
de la dernière année d'activité professionnelle normale, peuvent bénéficier
de la réduction de taux 02 >. Il en est de même du pécule de vacances de
départ, qui est taxable au taux afférent à !'ensemble des autres revenus impo-
sables01>.

24. - Un revenu professionnel peut être considéré comme réalisé à


l'étranger si l'activité qu'il rémunère y est exercée(34>. Il n'est pas requis qu'en
(28) Loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, art. 60 à
73, remplacés par les art. 7 à 10 de la loi de redressement du 31 juillet 1984 et prorogés par
la loi du 7 novembre 1987.
(29) Même loi, art. 61 ter introduit par !'art. 117 de la loi du 4 août 1986 portant des dis-
positions fiscales. Pour les revenus de 1987: 25 "7o sur la partie du revenu comprise entre 3.187.000
F et 5.311.000 F; 10% sur la partie du revenu qui dépasse 5.311.000 F.
(30) Circulaire n° Ci. RH. 26/362.190 du 28 avril 1986, B.C., 1986, n° 651, p. 1091, n°
17; Glineur, La cotisation spéciale et la cotisation complémentaire de sécurité sociale, in Obs-
tacles et stimulants fiscaux et sociaux à l'investissement et à l'emploi, Louvain-la-Neuve, 1985,
vol. Il, XVIII, pp. 12-14.
(31) Circulaire n° Ci. RH. 26/340.227 du 18 octobre 1984, B.C., 1984, n° 634, p. 3028,
n° 26.
(32) C.I.R., art. 93, § 1, 3°; Com. I.R. 88/10 et 93/36.
(33) C.I.R., art. 93, § 1, 4°; Com. !.R. 93/42.8.
(34) Com. !.R., 88/15 et 16.
125

outre le revenu soit payé par un employeur étranger. La preuve de la natu-


re étrangère des rémunérations sera toutefois facilitée si elles sont payées
par une filiale ou une succursale étrangère<35 l.

L'article 88 ne définit pas Ie revenu réalisé à l'étranger. Toutefois, il


précise, en ce qui concerne les rémunérations d'administrateurs et d'asso-
ciés actifs, que la réduction ne leur sera applicable que «dans la mesure ou
ces revenus sont imputés sur les résultats d'établissements situés à l'étran-
ger, en raison de l'activité exercée par les bénéficiaires au profit de ces éta-
blissements». A contrario, si cette condition n'est pas exigée pour les
rémunérations, on ne voit pas d'autre critère de leur réalisation à l'étran-
ger que l'exercice à l'étranger de l'activité correspondante( 36l, encore
qu'accessoirement, Ie lieu de paiement des revenus ou cel ui de la situation
du débiteur des revenus puisse contribuer à caractériser une réalisation à
l' étranger< 37l.

De plus, si Ie Code définit, dans Ie cas d'un non habitant du Royau-


me, les revenus professionnels produits ou recueillis en Belgique comme com-
prenant les rémunérations à charge d'un habitant du Royaume, d'une société
beige oude l'établissement belge d'un non résident< 38l, il en excepte les rému-
nérations de salariés versées par ces débiteurs, dans la mesure ou elles rému-
nèrent une activité exercée à l'étranger et les rémunérations d'administrateurs
ou d'associés actifs dans la mesure ou elles sont imputées sur les résultats
d'établissements étrangers, en raison d'une activité exercée au profit de ces
établissements< 39 l. Il est logique de définir par la même référence au lieu
d'activité les rémunérations réalisées à l'étranger pour l'application de l'article

(35) Sibille, Problèmes fiscaux posés par l'activité temporaire à l'étranger des employés
des entreprises à vocation internationale, Belgique, Cah. dr. fisc. intern. vol. LIX b, 1974,
p. Il/73, J.P.D.F., 1974, pp. 19-20.
(36) Defoort, Verkenning naar de grenzen van het toepassingsgebied van artikel 88 W.I.B.
inzake bezoldigingen, Fiskofoon, 1982, p. 102.
(37) Zondervan, Les impöts sur les revenus et l'extranéité, p. 214. Camp. Vanistendael,
Unilateral measures to prevent double taxation, Belgium, Cah. dr. fisc. intern., vol. LXVI
b, 1981, p. 217, insistant, à propos des revenus professionnels en général, sur la nécessité d'avoir
un établissement à l'étranger.
(38) C.I.R., art. 140, § 2, 4°.
(39) C.I.R., art. 141, 2°. En raison de la rédaction des textes, on ne peut considérer que
l'article 141 complète la définition des revenus produits ou recueillis en Belgique. Il constitue
uneexception à cette définition (Cass. 5 mars 1979, Pas., 1979, I, 790, J .D.F., p. 276; Hinne-
kens, De territorialiteit van de Belgische belastingen in het algemeen en op de inkomsten in
het bijzonder, pp. 107-109; Afschrift, Exemption vaut impöt, principe général de droit en matière
d'impöts sur les revenus?, J.D.F., 1980, pp. 69-70).
126

88<40>, le membre de phrase relatif à la source des revenus d'administrateur


et d'associé actif étant d'ailleurs identique dans les deux textes.

25. - Un revenu professionnel doit être considéré comme imposé à


l'étranger s'il y a subi son régime fiscal, fût-il l'exonération<41 >: il suffit donc
que Ie revenu soit imposable en principe à l'étranger, même s'il est exemp-
té d'impöt.

Si la rémunération est versée par un employeur étranger, l'adminis-


tration ne demandera pas de preuve d'une imposition à l'étranger<42 >.

Si l'activité est exercée dans un pays extra-européen avec lequel la Belgique


n'a pas conclu de convention, il peut être admis, même si le salarié est payé
par un employeur beige, que 30 p.c. de sa rémunération, dirninuée des charges
sociales obligatoires belges et étrangères, ont été imposés à l' étranger< 43 >.

26. - Le revenu imposable en Belgique est Ie revenu net, l'impöt étranger


étant considéré comme une charget 44 >, au même titre que les charges sociales
étrangères<45 >: le contribuable beige bénéficie simultanément, au titre de
l'imposition étrangère, d'une déduction et d'une réduction de taux.

(40) Claeys Bouuaert, Les règles pour déterminer !'origine nationale ou étrangère des revenus
et des charges, Belgique, Cah. dr. fisc. intern. vol. LXV b, 1980, pp. 282-283.
(41) Zondervan, Les impöts sur les revenus et l'extranéité, p. 216; Cass., 15 septembre
1970, Pas., 1971, I, 37, J.T., 1970, p. 626, B.C. 1971, n° 489, p. 1618, à propos d'une plus-
value sur titres non imposée au Canada; Corn.1.R. 88/21; Coppens et Bailleux, op.cit., p. 270.
Pour M. Afschrift, cette interprétation est contraire à la loi. Le principe «exemption vaut impöt»
n'est en effet pas un principe général de droit. L'article 88 requiert l'imposition à l'étranger
(Exemption vaut irnpöt, principe général de droit en matière d'impöts sur les revenus?, J .D.F.,
1980, p. 79).
(42) Corn. !.R. 88/22.
(43) Circulaire n° Ci. RH. 241/256.219 du 8 février 1979, B.C., 1979, n° 572, p. 548.
Ces travailleurs peuvent exclure de leur rémunération imposable divers éléments (rembourse-
ment de frais médicaux, indemnité de logement, indemnité pour frais de voyage, indernnité
pour frais scolaires spéciaux des enfants). lis peuvent déduire, outre les charges profession-
nelles forfaitaires, un cornplérnent de 30 p.c., avec maximum de 450.000 F, pour les charges
spéciales occasionnées par l' activité exercée à l' étranger. Ce régime est réservé aux Belges. L' étran-
ger, habitant du Royaume, ne peut y prétendre que s'il exerce l'activité dans un pays <lont il
n'a pas la nationalité.
(44) Zondervan, Les impöts sur Ie revenu et l'extranéité, p. 202; Comp. Com.1.R. 44/430.
(45) Com. !.R. 44/419.1.
127

27. - L'impöt doit en outre être légalement établi<46>. Il ne suffirait


pas de payer à tort un impöt étranger indu pour que Ie revenu soit considé-
ré comme imposé à l'étranger et que eet impöt soit déductible. En revan-
che, dès lors qu'un impöt est établi à l'étranger, 1~ contribuable a Ie droit
de ne pas Ie contester, sans que l'administration puisse substituer sa pro-
pre appréciation à celle du redevableC47 >.

28. - Si Ie résident beige est citoyen d'un pays qui, comme les Etats-
Unis, taxe ses ressortissants sur base de la nationalité, la condition èl'imposition
à l'étranger sera toujours remplie. L'article 88 n'exige en effet pas que l'impo-
sition soit Ie fait de l'Etat étranger ou l'activité est exercée< 48 >.

Le fisc beige n' a en effet pas à déterminer la source du revenu imposé


à l' étranger< 49 >.

29. - L'impöt à répartir entre revenu beige et revenu étranger est l'impöt
de base, réduit par l'application notamment des réductions pour charges
de familie. La répartition s'opère entre revenus nets imposables globale-
ment (immobiliers, mobiliers, professionneis<50> et, Ie cas échéant, divers),
avant déduction des dépenses et charges visées à l'article 71 du Code et des
au tres dépenses déductibles du total des revenus nets .<5 1>.

Le «principal» de l'impöt est la quotité de l'impöt de base réduit qui,


après déduction de la réduction pour revenu d'origine étrangère, est effec-
tivement due par le contribuable.

(46) Tiberghien, Manuel de Droit fiscal, 1987, p. 152; Cass., 28 mai 1968, Pas., 1968,
I, 1118, J.P.D.F., p. 242, obs. critiques Baltus.
(47) Baltus, obs. précitées, J.P.D.F., 1968, p. 245.
(48) Dilley, Taxation of Foreign Source Employment Income: High Relief Potential for
the Itinerant Executive, Tax Management International Journal, 1981, p. 12.
(49) Chypre perçoit un impöt au dixième du taux normal sur les rémunérations payées
par un employeur chypriote. Certains employeurs détachant du personnel au Moyen-Orient
l'ont engagé à l'intervention d'une société chypriote. Aux Pays-Bas, il en résultait une exemption
totale du revenu imposé à Chypre. Le fisc néerlandais à réagi en exigeant un lien effectif entre
l'impöt et!' activité y donnant lieu (Van Haaren, End of the «Cyprus route» for Dutch employees
assigned abroad, Strategy in international taxation, 1985, p. 122).
(50) Pour la répartition des charges professionnelles entre revenus belges et étrangers et
l'imputation de pertes éventuelles, cfr A.R.-1.R., art. 13 à 13 sexies.
(51) Cfr. par. ex. Cire. Ci. RH. 331/360.376 du 25 mars 1985, Notice relative au calcul
des cotisations à l'I.P.P. pour !'ex. d'imp. 1984, nos 121 à 124; Cours adm. !.P.P., nos 944à 947.
128

2. - Traités fiscaux

30. - Les traités conclus par la Belgique font en règle générale passer
les rémunérations d'origine étrangère du régime de l'imposition au taux réduit
à celui de l'exonération avec réserve de progressivité.

Aux termes de l'articles 15 de la Convention-modèle de l'O.C.D.E.


(1977), les salaires, traitements et autres rémunérations similaires reçus par
Ie résident d'un Etat contractant( 52 l ne sont imposables que dans l'Etat con-
tractant ou réside Ie salarié, sauf si l'activité est exercée dans l'autre Etat.
Dans ce cas, la rémunération y est imposable, à titre non exclusif.

Il y a lieu alors d'appliquer la disposition conventionnelle relative à


la prévention des doubles impositions< 53 l_

Les conventions conclues pour la Belgique appliquent pour les reve-


nus au tres que mobiliers la méthode de!' exemption avec progressivité: en
tant qu'Etat de la résidence, la Belgique exempte Ie revenu imposé à!' étranger,
mais peut, pour calculer Ie montant de ses impöts sur Ie reste du revenu de
son résident, appliquer Ie même taux que si les revenus en question n'avaient
pas été exemptés.

L'impöt beige sera donc réduit proportionnellement à la partie des revenus


exonérés dans Ie total des revenus( 54J.

31. - Un revenu qui serait imposable distinctement s'il était d'origi-


ne beige, tel qu'une indemnité de dédit, sera pris en considération pour déter-
miner Ie taux de l'impöt applicable à !'ensemble des revenus s'il est d'origine
étrangère et exonéré par traité< 55 l.

32. - Ace régime fait exception la règle «des 183 jours»<56 l. Si Ie titu-
laire du revenu séjourne(57 l dans Ie pays d'accueil pendant une période

(52) Ce régime ne s'applique qu'aux personnes physiques.


(53) Convention-modèle O.C.D.E., art. 23.
(54) C.l.R., art. 87 quater; Question parlementairen° 266 du 8.6.1984, Sén. de Clippe-
le, Bull. Q. et R. Sén., sess. 1983-1984, p. 1718, B.C., 1984, n° 634, p. 3096. Ces revenus seront
mentionnés dans la déclaration à l'impöt des personnes physiques, après déduction des impöts
étrangers.
(55) Liège, 21 avril 1982, F.J.F., 82/75, p. 125, J.D.F., 1983, p. 225, obs. critiques R.V.
(56) Convention-modèle O.C.D.E., art. 152.
129

n'excédant pas 183 jours<58> au cours de l'année fiscale considérée, s'il est
payé<59l par un employeur qui n'est pas un résident du pays d'accueil et si
la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement sta-
bie de l'employeur dans Ie pays d'accueil, Ie revenu ne sera taxable que dans
l'Etat de la résidence.

Ce régime est susceptible de s'appliquer si Ie travailleur est, à l'étran-


ger, au service d'un employeur beige.

Le but visé ici sera d'éviter l'application de cette exception dans les cas
ou Ie cumul de l'imposition étrangère sur Ie revenu étranger et de l'imposi-
tion beige sur Ie revenu beige (au taux qui se serait appliqué au revenu total)
est plus avantageux que l'imposition en Belgique du revenu total. La réduction
de moitié de l'impöt beige serait en tous cas exclue, Ie revenu n'étant pas
imposable à l'étranger.

Afin d'obtenir Ie bénéfice du «split rate», il suffit que la rémunéra-


tion soit payée par un employeur établi dans l'autre Etat contractant.

Si elle est payée par un employeur établi dans l'Etat de résidence, en


l'espèce en Belgique, elle pourra néanmoins être exonérée si la règle des 183
jours ne s'applique pas, notamment parce que la rémunération est payée
par un établissement stable de la société beige sis à l'étranger.

Diverses particularités de texte permettent d'éviter l'application de la


règle des 183 jours.

33. - Les traités visent l'année civile, l'année fiscale ou la période impo-
sable. Dans certains pays, l'année fiscale ne coïncide pas avec l'année civi-
le: au Royaume-Uni et en Irlande, elle court du 6 avril au 5 avril de l'année
suivante. La durée de séjour doit être calculée entre ces deux dates<60>.
(57) Les conventions visent indifféremment la durée du «séjour» ou des «activités» du
bénéficiaire. Dans les deux cas, la durée est calculée en incluant les interruptions normales de
travail, telles que week-ends, jours fériés, congés (Com. Conv. 15/15).
(58) 182 selon la convention belgo-américaine.
(59) Sur la distinction entre paiement et prise en charge, cfr Himpler, lnterprétation de
l'article 15 de la Convention-modèle O.C.D.E. et de l'article 140, § 2, 4° C.l.R., R.G.F., 1979,
pp. 141-142.
Il faut considérer que Ie paiement implique, dans Ie langage des conventions, la prise en char-
ge (Defoort, Gevallen van niet-belasting voor niet-inwoners die in België een dienstbetrekking
uitoefenen, Fiskofoon, 1980, p. 44).
(60) Com. Conv. 15/15.
130

Parfois, les 183 jours se calculent à l'intérieur d'une période ininter-


rompue de 12 mois, même chevauchant deux exercices<61 >.

34. - Pour certaines conventions, l'employeur doit être non seulement


extérieur au pays d'accueil, mais aussi être résident du même Etat que le
travailleur< 62 > ou, au moins constituer un établissement stable dans eet
Etat< 63 >.

35. - La charge des rémunérations ne peut être supportée par un éta-


blissement stable situé dans le pays d'accueil. Généralement, seule la récu-
pération directe de la charge est visée, qu'il y ait paiement par l'établissement
ou paiement par le siège central et imputation fiscale à l'établissement.

Même si l'établissement impute fiscalement une quote part des dépenses


du siège central, comprenant la rémunération en question, la règle des 183
jours s'appliquera<64 >.

La convention prévoit que la charge ne peut être supportée «comme


telle»< 65 >ou «directement»<66>.

En revanche, si la convention adopte le texte de l'O.C.D.E. sans modi-


fication(67>, toute récupération, même indirecte, de la rémunération à charge
d'un établissement situé dans le pays d'accueil exclura l'application de la
règle des 183 jours.

36. - Le résident beige qui exerce une activité salariée à l'étranger sera
dorre exonéré - avec réserve de progressivité - si son employeur est une

(61) Conventions avec l'Indonésie et la Malaisie.


(62) Etats-Unis, France, Singapour, Thai1ande.
(63) Etats-Unis. Cfr. Com. Conv. 15/16.
(64) Com. Conv. 15/17.
(65) Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Grèce, Irlande, Israël, lta-
lie, Malaisie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Tunisie.
(66) Canada, Luxembourg, Royaume-Uni, Singapour, Suède.
Certaines conventions exigent que les rémunérations ne soient pas déductibles lors de la déter-
mination des bénéfices imposables d'un établissement stable que l'employeur a dans l'autre
Etat (Australie, Inde, Thai1ande). La convention avec !'Inde exige en outre que les rémunéra-
tions soient imposables dans l'Etat de résidence du salarié.
(67) Brésil, Chine, Corée, Cöte d'Ivoire, Finlande, Hongrie, Indonésie, Japon, Malte,
Maroc, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Philippines, Pologne, Roumanie, Sri Lanka, Suisse, Tché-
coslovaquie, Yougoslavie.
131

société étrangère ou si, s'agissant d'un employeur beige, le séjour à l'étranger


dépasse 183 jours ou si la rémunération est supportée par un établissement
stable de l'employeur beige dans l'Etat d'exercice de l'activité.

B. - Mandats d'administrateurs de sociétés

1. - Droit fiscal interne

37. - Les rémunérations d'administrateurs, commissaires, liquida-


teurs ou autres personnes exerçant des mandats ou fonctions analogues dans
des sociétés belges ou étrangères ainsi que les rémunérations d'associés actifs
dans des sociétés belges autres que des sociétés par actions ou dans des sociétés
étrangères assimilables à ces sociétés ne peuvent bénéficier de la réduction
de moitié du taux de l'impöt que si ces revenus, réalisés et imposés à l'étranger,
sont en outre imputés sur les résultats d'établissements étrangers en raison
de l'activité exercée par les bénéficiaires au profit de ces établissements<68 l.

Qu'il s'agisse de tantièmes ou jetons de présence, rémunérant la seule


fonction de membre d'un conseil ou collège, oude rémunérations de fonc-
tions actives, analogues aux fonctions réelles et permanentes, il suffira que
les montants ne soient pas imputés sur les résultats du siège social de la société
beige ou d'un établissement beige de la société étrangère.

Toutefois, les tantièmes de sociétés belges sont toujours considérés comme


rémunérant l'activité exercée au siège social<69l.

2. - Traités fiscaux

38. - La rédaction des traités amène à distinguer:

(68) C.I.R., art. 88, 2°. En application du règlement CEE 1408/71, la sécurité sociale beige
des indépendants sera seule applicable au ressortissant de la CEE, résidant en Belgique et exerçant
une activité d'indépendant dans plusieurs Etats membres (art. 14 bis, 2)).
La même solution résulterait, p. ex. de la Convention belgo-américaine sur la sécurité sociale
du 19 février 1982, approuvée par la loi du 3 mai 1984 (art. 5.3.).
En revanche, la cotisation de solidarité (A.R. n° 186 du 30 décembre 1982) oude modé-
ration (A.R. n° 289 du 31 mars 1984) des indépendants n'est, elle, due que sur les revenus pro-
fessionnels acquis en Belgique (Question parlementairen° 55 du 9.7.1986, Représ. Merckx
- Van Goey, Bull. Q. et R., Chambre, sess. 1985-1986, p. 3413, B.C., 1987, n° 658, p. 385).
Comme l'administration des contributions directes communique globalement à l'I.N.A.S.T.I.
!'ensemble des revenus d'indépendant, l'intéressé écrira au service C.S.S.B. de l'I.N.A.S.T.I.
en mentionnant les revenus professionnels acquis à l'étranger.
(69) Com. !.R. 88/8.
132

- les tantièmes, jetons de présence et autres rétributions similaires reçus


en qualité de membre du conseil d'administration oude surveillance d'une
société;

- les autres rémunérations, rétribuant par exemple des fonctions de ges-


tion journalière ou des activités techniques.

a. - Tantièmes

39. - Les tantièmes, au sens large, payés à un résident d'un Etat con-
tractant par une société résidente de l'autre Etat contractant, ne sont irnposables
que dans l'Etat de résidence de la société(7°>. Il n'y a pas lieu d'examiner si
l'activité de !'administrateur est exercée à l'étranger ou non, cette détermi-
nation étant souvent difficile< 71 >.

Alors que les conventions visent en général toutes rétributions de la


fonction, la convention belgo-américaine ne couvre que les «tantièmes ...
quine sont pas déductibles au titre de charges professionnelles dans Ie chef
de la société, mais sont traités, dans l'Etat de résidence de la société, com-
me des bénéfices distribués».

Elle n'est pas susceptible d'application aux Etats-Unis, ou toutes les


rémunérations d'administrateur sont déductibles< 72>.

40. - Les conventions conclues par la Belgique contiennent certaines


variantes quant aux mandataires et aux sociétés visés.

Mandataires

Les conventions visent les membres d'un conseil d'administration ou


de surveillance, conformément au modèle de l'O.C.D.E.< 73 >, Parfois, elles
y ajoutent les membres d'un organe quelconque, éventuellement qualifié
de similaire<74>.
(70) Convention-moçlèle O.C.D.E., art. 16.
(71) Commentaire O.C.D.E., art. 16/1.
(72) Dilley, Belgium: Taxation of Foreign Source Employment Income: High Relief Potential
for the Itinerant Executive, Tax Management International Journal, 1981, p. 17 et note 49.
Le traité ne prévoit pas quelle disposition s'appliquera à défaut de l'article 16 relatif aux tan-
tièmes (professions dépendantes ou indépendantes, disposition résiduelle relative aux revenus
non désignés ailleurs).
(73) Australie, Inde, Irlande, Israël, Japon, Maroc, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni,
Singapour, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie, Tunisie.
133

41. - D' autres conventions visent uniquement les membres d 'un conseil
d'administration( 75 l oude direction(76l et parfois ceux d'un organe analo-
gue à un conseil d'administration<77l.

42. - Certaines conventions, enfin, énumèrent les fonctions visées.


La convention franco-beige, par exemple, vise les administrateurs, com-
missaires, liquidateurs, associés gérants et autres mandataires analogues;
la convention belgo-néerlandaise les «commissarissen» et «bestuurders»<78 l.

43. - Le texte s'applique aussi aux fonctions exercées par des personnes
morales, dans la mesure ou Ie droit des sociétés de l'Etat du siège Ie per-
met. La convention belgo-américaine ne couvre que les personnes physiques.

Sociétés:

44. - Certaines conventions visent, comme la convention-modèle, toutes


les sociétés(79l. Ce terme est défini par la convention.

45. - D'autres traités ne couvrent que les sociétés par actions< 80l ou
les sociétés par actions et au tres sociétés de capitaux(81 l.

46. - Une énumération est parfois donnée:

- France: sociétés anonymes,sociétés en commandite par actions, socié-


tés coopératives, sociétés à responsabilité limitée;
- Pays-Bas: sociétés anonymes, y compris les «besloten vennootschappen»;

(74) Allemagne, Autriche, Brésil, Canada, Chine, Corée, Cöte d'Ivoire, Danemark, Espagne,
Finlande, Grèce, Hongrie, !talie, Luxembourg, Malte, Philippines, Pologne, Portugal, Rou-
manie, Thai1ande.
(75) Malaisie, Sri Lanka.
(76) Yougoslavie.
(77) Pakistan.
(78) Indonésie: «pengurus» ou «Kommissaris».
La convention belgo-pakistanaise s'étend aux rétributions reçues par un employé d'une société
occupant une fonction élevée de direction et qui exerce en fait des fonctions de nature analogue.
(79) Australie, Corée, Danemark, Etats-Unis, Finlande, Inde, Indonésie, Irlande, Israël,
Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Royaume-Uni, Singapour, Sri Lanka, Suède,
Suisse, Tchécoslovaquie, Thailande, Yougoslavie.
(80) Brésil, Canada, Chine, Cöte d'Ivoire, Espagne, Grèce, Hongrie, !talie, Malte, Maroc,
Norvège, Philippines, Pologne, Roumanie, Tunisie.
(81) Allemagne, Autriche, Luxembourg.
134

- Portugal: sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions et sociétés


«por quotes».
48. - Certaines conventions contiennent des extensions expresses<82l,
d'autres des exclusions, écartant par exemple les sociétés holding luxem-
bourgeoises et les corporations de placement canadiennes appartenant à des
non-résidents.

b. - Rémunérations de fonctions spéciales


Les rémunérations de fonctions que le droit belge appellerait «réelles
et permanentes» ou «spéciales» subissent un régime conventionnel diffé-
rent selon les traités. Trois groupes de conventions peuvent être distingués.
49. - Dans un premier groupe de dispositions, les rémunérations relatives
à une activité journalière sont, si elles sont supportées par un établissement
stable situé dans l'Etat autre que celui de la résidence de la société, impo-
sables dans ce dernier Etat< 83 l. Le résident beige, administrateur d'une société
allemande, mais rémunéré pour une activité journalière au service de l'éta-
blissement beige de cette société, serait donc imposable en Belgique.
L'exercice de fonctions réelles et permanentes par un administrateur
dans un Etat y donne naissance à un établissement stable de la société, puisque
cette notion recouvre notamment les sièges de direction effective<84l.
Encore faut-il, pour que la rémunération y soit taxable, que la rému-
nération soit supportée par l'établissement.
50. - Un deuxième groupe de dispositions assimile les rémunérations
perçues en raison d'une activité journalière de direction oude caractère tech-
nique aux traitements et salaires, visés par l'article relatif aux revenus de
professions dépendantes< 85 l.

(82) - Rémunérations perçues par les «associés-gérants majoritaires de sociétés à res-


ponsabilité limitée» : Maroc et Tunisie;
- rémunérations d'un associé commandité d'une société en commandite par actions: Italie,
Tunisie;
- rémunérations d'un membre du conseil de direction ou d'un gérant d'une société de capi-
taux (y compris GmbH): Allemagne;
- rémunérations des administrateurs et commissaires des sociétés à responsabilité limitée et
des sociétés coopératives: ltalie.
(83) Allemagne, Autriche, Danemark, Grèce, Norvège, Pays-Bas, Sri Lanka.
(84) «Place of management». Tel sera Ie cas même en !'absence d'un bureau (Commen-
taire O.C.D.E., art. 5/12). Cfr Com. Conv. 16/23.
135

Pour rappel, ces rémunérations seront taxables au lieu ou l'activité est


exercée, sauf séjour de moins de 183 jours et paiement par l' employeur étranger,
sans prise en charge par un établissement stable dans Ie pays d'exercice.
L'administrateur beige d'une société étrangère, chargé de fonctions
permanentes, qu'il n'exerce pas à l'étranger, mais en Belgique, y créera par
Ie fait même un établissement stable de cette société. Toutefois, il sera imposable
même si la rémunération n'est pas prise en charge par l'établissement.
51. - Un troisième groupe de conventions renvoie, pour les rémuné-
rations que Ie mandataire reçoit «en une autre qualité», au régime des pro-
fessions dépendantes ou indépendantes selon les cas<86>.
Cette dernière qualification viserait cel ui qui, en étant administrateur,
exercerait des fonctions de conseiller, d'avocat, d'architecte ... Il sera imposable
à l'étranger s'il y dispose d'une base fixe et exerce son activité au départ
de cette base fixe. A défaut, il reste imposable dans son pays de résidence.
52. - En pratique, il sera donc possible de faire imposer à l'étranger
soit des tantièmes de société étrangère, sans condition d'exercice à l'étran-
ger d'une activité, soit d'autres rémunérations d'administrateur; dans ce
dernier cas, si la convention applicable ne les assimile pas aux tantièmes,
mais aux traitements et salaires, l'activité correspondante devra être exer-
cée à l'étranger. Si elles sont assimilées aux tantièmes, il suffira qu'elles ne
grèvent pas les résultats d'un établissement stable beige, étant entendu que
Ie seul exercice de l'activité en Belgique y créera un tel établissement.

(85) Convention-modèle de l'O.C.D.E., art. 15. Cfr supra A. Australie, Corée, Cöte d'Ivoire,
Etats-Unis, Finlande, Hongrie, Indonésie, Irlande, Israël, Japon, Malaisie, Malte Nouvelle-
Zélande, Philippines, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Singapour, Suède, Thai1ande, You-
goslavie.
Généralement, Ie traité précise que l'article visant les salariés est appliqué «comme s'il
s'agissait de rémunérations qu'un employé tire d'un emploi salarié et comme si l'employeur
était la société.
Le traité belgo-américain exclut des tantièmes les revenus qu'un mandataire perçoit en
raison de fonctions dirigeantes, mais les cite dans la disposition visant les salaires.
(86) Brésil, Canada, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Maroc, Portugal, Suisse, Tché-
coslovaquie, Tunisie.
La convention belgo-indienne prévoit expressément que Ie clause concernant les «tantiè-
mes» n'est pas applicable «aux rémunérations allouées pour l'exercice d'une activité journa-
lière de direction oude caractère technique», mais aucun texte spécifique ne vise ces rémunérations.
II n'y a pas non plus de clause dite «résiduelle» s'appliquant aux revenus quine sont pas expres-
sément mentionnés dans d'autres articles. Dès lors, chaque Etat conserve Ie droit d'imposer
ces revenus selon les dispositions de sa législation interne en appliquant, Ie cas échéant, les dis-
positions de Ia convention applicable aux revenus auxquels ils sont assimilés.
....
w
ANNEXE O'I

Exemple 1

Cadre, résident beige, marié, 2 enfants, exercice 1987.

Rémunération brute: 3.569.000 FB.

Additionnels communaux: 6 C1,7o.

Lieu d'activité: Belgique, France, Etats-Unis.

Hypothèses:

a) rémunération à charge de l'employeur beige

b) rémunération répartie entre employeurs beige, français et américain au prorata de l'activité exercée dans chaque pays.
Belgique: 8 mois
France: 1 mois
Etats-Unis: 3 mois

a) b)
Rémunération brute 3.569.000 3.569.000
Sécurité sociale beige 430.780 323.090
Sécurité sociale US 63.797
Impöt beige 1.609.790 1.055.818
lmpöt US 170.863
lmpöt français 37.510
Revenu net 1.528.430 1.917.922
Exemple 2
Résident beige célibataire, exercice 1984 (1)
Revenus Net (2) Impöt de base Réductions
Revenus immobiliers 130.000 119.696 73.428
Revenus professionnels:
Traitements
beige 3.000.000 2.708.211 1.661.370
pays sans convention 1.000.000 902.738 553.791 276.896
pays avec convention 2.000.000 1.914.827 1.174.663 1.174.663
6.000.000
charges 75.000
5.925.000
Pensions
beige 250.000 228.541 140.200 2.118 (3)
exonérée par conv. 125.000 121.191 74.345 1.059 (3)
375.000 73.286
6.300.000
Assurance-vie - 45.000
6.385.000
Dépenses déductibles
intérêts 110.000
actions 40.000
cotisation ONEM 239.796
389.796
- 389.796
5.995.204 5.995.204 3.677.797 1.528.022
Résultat: la réduction totale pour revenus d'origine étrangère est de 1.528.022 F
(1) V. Notice relative au calcul des cotisations I.P.P. pour l'exercice 1984, p. 59 et 88.
(2) Après imputation proportionnelle des déductions, la cotisation ONEM n'étant pas imputée sur les revenus exonérés.
(3) Réductions pour pension.
-
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--..1
LES ENTREPRISES À LA RECHERCHE DE VOIES
MOINS IMPOSÉES POUR LEURS DIRIGEANTS ET
LEUR PERSONNEL DE CADRE (seconde partie)

LES A VANTAGES EN NATURE; LES OPTIONS SUR ACTIO NS;


LES ÉMISSIONS À DES CONDITIONS DE FAVEUR

par

Thierry AFSCHRIFT

Suppléant à l'Université Libre de Bruxelles


Avocat au Barreau de Bruxelles
INTRODUCTION

1. - Toutes les études économiques récentes montrent qu'au cours


des quinze dernières années le pouvoir d'achat des cadres des entreprises
belges a subi une très nette régression.

Cette situation ne trouve pas sa cause essentielle dans la crise écono-


mique, ni dans une redistribution des salaires bruts au sein de l'entreprise.

Au contraire, le coût, pour celle-ci, de l'utilisation des cadres n'a ces-


sé de croître.

La perte de pouvoir d'achat des cadres résulte dès lors avant tout de
l'augmentation extrêmement sensible de la différence entre leur coût pour
l'entreprise et Ie revenu net qu'ils perçoivent, c'est-à-dire de l'augmenta-
tion très sensible des impöts et des cotisations de sécurité sociale.

Les entreprises n'ont cessé de chercher, afin d'éviter l'exode de leurs


meilleurs dirigeants, et de continuer à motiver suffisamment les autres, divers
moyens de réduire la charge fiscale pesant sur eux.

2. - Il est notoire que dans certaines entreprises, les méthodes adop-


tées pour aboutir à ce résultat ont consisté en une violation délibérée de la
loi fiscale, une partie de la rémunération étant payée sans être déclarée.

Dans une société, Ie paiement d'une rémunération non déclarée ne peut


toutefois se faire que de deux manières.

Soit les fonds utilisés pour payer «en noirn les membres du personnel
proviennent eux-mêmes de recettes non déclarées, et dans ce cas la comp-
tabilité est nécessairement inexacte et les bilans faux, ce qui suppose la com-
mission de faux en écriture en vue d'éluder l'impöt <!).

Soit des montants sont attribués à des membres du personnel au moyen


de recettes déclarées de l'entreprise, mais celle-ci n'établit pas de fiches <2>
mentionnant l'identité de leurs bénéficiaires et refuse de la révéler. Cette
méthode, qui implique une fraude de la part du bénéficiaire - quine déclare
pas les revenus perçus - ne comporte en revanche aucune violation de la
(1) voy. à ce sujet !'exposé de John KIRKPATRICK, La liberté du choix de la voie la
moins imposée à la lumière de la jurisprudence récente, ci-dessus, n° 3.
(2) n° 321.10.
142

loi pénale de la part des dirigeants de la société. Celle-ci s'expose toutefois


à l'application, sur les montants ainsi payés en «commissions secrètes», de
la cotisation spéciale sur les commissions secrètes, prévue par l'article 132
du Code des impöts sur les revenus <3l, selon lequel «une cotisation spécia-
le et complémentaire est établie en raison des charges ou sommes non justi-
fiées incorporéesà la base taxableen vertu desarticles47 § leret 101», c'est-à-dire
des montants payés par la société, sans être déclarés, à titre de commissions,
courtages, honoraires, rémunérations ou autres.

Cette cotisation «est égale à la différence entre, d'une part les 67,5 centièmes
du triple de ses charges ou sommes et d'autres part, la quotité de l'impót des
sociétés... qui se rapporte proportionnellement au triple des dit es charges ou
sommes».

En pratique, pour une société imposée au taux normal de 43 %, son


tauxestde430Jo + 3 x (67,5 - 43) = 116,5%. Pourunesociétéquine
paierait pas d'impöt des sociétés, par exemple parce qu'elle est en perte ou
parce qu'elle n'a disposé que de revenus définitivement taxés <4l, ce taux
atteint Ie triple de 67,5 %, soit 202,5 OJo.

3. -Aussi élevés que ces taux puissent paraître, Ie paiement de cette


cotisation représente toutefois, pour les rémunérations payées sous forme
de commissions secrètes à des cadres très bien rémunérés, une charge mains
importante que Ie total de !'ensemble des charges fiscales et sociales frap-
pant normalement, pour de tels revenus, une rémunération déclarée.

En effet, Ie taux de cette cotisation a été calculé pour représenter la


charge fiscale maximale que paierait un cadre imposé au taux marginal Ie
plus élevé de l'impöt des personnes physiques. Ce calcul ne tient toutefois
pas compte des cotisations de sécurité sociale, et notamment de la cotisa-
tion spéciale, dite de sécurité sociale, due à !'Office National de l'Emploi
par les titulaires de revenus excédant 3.000.000 F <5l_

4. - Le paiement de rémunérations non déclarées implique toutefois


nécessairement une fraude, soit de la part de l'entreprise, soit de la part du
bénéficiaire. Il s'agit donc d'un procédé sortant du cadre du présent recy-
(3) ei-après: Ie Code.

(4) soit essentiellement des dividendes visés à l'article 111 du Code des impöts sur les revenus.

(5) art. 60et suiv. de la loi du 28 décembre 1983; à ce sujet, voy. P. GLINEUR, L'arrêté
royal n° 55 est-il conforme à la loi d'habilitation et à la Constitution, J .T. 1983, 93.
143

dage, relatif au choix Iicite, de Ia voie la moins imposée.

Le choix de celle-ci pour réduire, dans la mesure du possible, Jes char-


ges fiscales et sociales frappant un cadre ou un dirigeant d'une société, peut
impliquer deux types de réactions.

La première consiste en un changement radical du statut du cadre, qui


cesse d'être lié par un contrat de travail pour devenir indépendant, voire
même constituer sa propre société, ou utiliser une société étrangère. C'est
là l'objet de !'exposé de M. MALHERBE.

Lorsque Ie recours à de tels procédés n'est pas possible, soit parce que
Ie cadre n'a aucune activité à l'étranger, soit parce que son activité à réelle-
ment et nécessairement Iieu sous un Iien de subordination, il faut bien se
résoudre à recourir à des moyens, aux conséquences souvent plus modes-
tes, quine comportent ni modification du statut d'employé de l'intéressé,
ni création d'un élément d'extranéité.

Tel est l'objet du présent exposé.

5. - Parmi les méthodes utilisées par les entreprises figure depuis Iong-
temps l'attribution d'avantages en nature, sous diverses formes. Nous exa-
minerons dans une première partie les conditions dans lesquelles, malgré
plusieurs modifications Iégislatives successives, il est encore possible d' obtenir
une certaine réduction de la charge fiscale en attribuant de tels avantages.

Dans une seconde partie, nous étudierons dans quelle mesure Ie même
objectif peut être atteint par l'attribution d'actions ou d'obligations à des
membres du personnel.
CHAPITRE I

LES AVANTAGES EN NATURE

A. - Principes applicables

a. - Conditions d'imposabilité

6. - L'article 26 du Code des impöts sur les revenus pose en principe


que «les rémunérations (imposables) sant, quels qu'en soient Ie débiteur, la
qualification et les modalités de détermination et d'octroi, toutes cel/es qui
constituent pour Ie travailleur, Ie produit du travail au service d'un employeurn.

Cette règle générale a pour conséquence qu' en principe, tout ce qui cons-
titue la contrepartie du travail presté est imposable.

Il en est ainsi, non seulement de ce qui est payé en espèces, et ce à quelque


titre que ce soit, mais également des «avantages de toute nature que Ie tra-
vailleur obtient en raison ou à /'occasion de l'exercice de son activité profes-
sionnelle», ainsi que Ie prévoit expressément l'article 26, al. 2, 2° du Code.

En principe, il n'est donc pas possible d'échapper à l'impöt en trans-


formant une rémunération payée en argent en un avantage en nature. Celui-ci
constitue, en vertu du texte précité, une rémunération au même titre que
Ie paiement d'une somme.

Il semble que Ie texte, modifié par la loi du 8 août 1980 ait entendu
étendre la taxation des avantages en nature de la manière la plus large pos-
sible. Il prévoit en effet que les rémunérations sont imposables «quels que
soient Ie débiteur, la qua/ification et les modalités de détermination et d'octroi».
Il n' est par conséquent, ni pour des paiements en ar gent, ni pour des avan-
tages en nature, possible d'éviter l'imposition, en faisant, par exemple, supporter
l' avantage par un dient, un fournisseur, ou encore une autre société du même
groupe que l' employeur.

7. - En outre, selon certains, Ie texte, à nouveau tant pour les traite-


ments et salaires proprement <lits que pour les avantages de toute nature,
serait à ce point extensif qu'il couvrirait n'importe quels somme ou avan-
tage octroyés aux travailleurs, sans même que l'administration doive éta-
blir qu'ils constituent la contrepartie du travail fourni.
146

Il est exact que le texte vise non seulement les traitements, indemnités
et avantages obtenus en raison de l'exercice de l'activité professionnelle,
mais également ceux attribués à l' occasion de celle-ci. C' est ce qui a amené
le Ministre des finances, au cours des travaux préparatoires de la loi du 8
août 1980, modifiant notamment l'article 26 du Code, à déclarer que, pour
que les avantages soient imposables, il suffit qu'ils «se rattachent à !'activi-
té professionnelle» (6l.

On a toutefois relevé à juste titre (7J qu'au cours des mêmes travaux
préparatoires, le Ministre des finances avait également déclaré que «pour
que les avantages obtenus par une contribuable constituent des revenus pro-
fessionnels imposables en principe, il faut - et il suffit - que ces avantages
proviennent de - trouvent leur source dans - l'exercice par celui qui les
obtient, de son activité professionnelle; qu 'ils se rattachent à cette activité;
qu 'ils en constituent un produit direct ou indirect, principal ou accessoire.
En d'autres termes, il doit y avoir un tien causa! - une relation de cause à
effet - entre l'exercice de l'activité professionnelle et l'obtention d'avanta-
ges, pour que ceux-ci constituent des revenus professionnels imposables en
principe dans Ie chef de celui qui les obtient» (Bl.

Il en résulte à notre avis que seuls les avantages constituant la contre-


partie des prestations fournies par l'employé, c'est-à-dire ceux qui n'auraient
pas été attribués si l'employé n'avait pas exercé son travail, constituent des
rémunérations imposables.

8 - Il ne faut toutefois pas en déduire que seuls les avantages expres-


sément prévus par les conventions collectives ou les contrats de travail sont
imposables. Ainsi, de même qu'une gratification exceptionnelle, rémuné-
rant des services particuliers prestés par le travailleur, est imposable, même
si elle n'est pas prévue par le contrat, un avantage du même type, accordé
pour les mêmes raisons fera partie de la rémunération taxable. Il suffit en
effet que le lien de causalité entre le travail effectué et l'avantage puisse être
établi par l'administration.

Dans la pratique, il faut bien reconnaître que dans la quasi totalité des
cas, cette preuve pourra être produite sans guère de difficulté. A notre avis,

(6) voy. rapport, Chambre, seetion 1979-1980, doe. 323, n° 47, p. 16.

(7) voy. VAN FRAEYENHOVEN et André BAILLEUX, La notion d'avantages de toute


nature professionnels, in, Des avantages en nature aux avantages de toutes natures, p. 20.

(8) rapport, Chambre, eession 1979-1980, doe. 323, n° 47, p. 22.


147

seuls des avantages accordés à des travailleurs en raison d'une véritable intention
libérale de!' employeur, exempte de toute corrélation avec Ie travail presté
ou à prester, pourraient échapper à l'imposition. Il faut alors, en outre, admettre
que, dans Ie chef de l'employeur, un avantage accordé au travailleur dans
de telles conditions étroites, ne constitue pas une dépense supportée dans
Ie but d'acquérir oude conserver des revenus professionnels, et doit donc
être écarté des charges professionnelles.

b. - Evaluation des avantages en nature

9. -A la différence des rémunérations attribuées en espèces, les rému-


nérations consistant en des avantages en nature, doivent faire l'objet d'une
évaluation. C'est l'article 32ter du Code qui régit cette question. Il dispose
en principe que «des avantages de toute nature qui sont obtenus autrement
qu'en espèces, sont comptés pour la valeur réel/e qu'ils ont dans Ie chef du
bénéficiaire».

Cette règle suppose par conséquent que c'est la valeur pour Ie bénéfi-
ciaire qui doit être prise en considération, c'est-à-dire Ie coût qu'il aurait
dû supporter pour obtenir un avantage similaire, et ce sans avoir égard au
prix payé par l'employeur pour lui attribuer eet avantage.

Par conséquent, il n'est pas du tout évident, contrairement à ce qui


a pu être exposé lors des travaux préparatoires de la loi du 8 août 1980 <9>
que Ie montant déduit par l'employeur sera exactement le même que celui
imposé dans Ie chef de !'employé.

Selon les circonstances, il est en effet possible que l' employeur, par exem-
ple, en raison du secteur d'activité ou il exerce, pourra fournir un avanta-
ge à !'employé, à moindre coût que si celui-ci s'était adressé normalement
au marché. Ainsi, par exemple, si une agence de voyages offre un voyage
gratuit à un de ses employés, il est vraisemblable que Ie coût pour cette agence
sera moindre que Ie prix normal qu'aurait dû payer !'employé pour réali-
ser ce voyage sans l'assistance de son employeur.

Inversément, on peut concevoir que certains avantages, en raison par


exemple d'une certaine rigidité, administrative dans Ie chef de l'employeur,
coûtent à celui-ci bien davantage que ce que !'employé aurait dû payer s'il
se l'était fait facturer personnellement. Toujours en prenant l'exemple d'un
avantage en nature consistant en un voyage, on pourrait envisager Ie cas

(9) rapport précité, p. 23.


148

de l'employé d'une firme autre qu'une agence de voyages, qui, en prenant,


davantage que son employeur, le temps de se renseigner sur les différents
tarifs aériens applicables, aurait pu obtenir des conditions plus avantageu-
ses que celles facturées à son employeur.

10. - Comme l'observent AUTENNE et DE GROOTE, l'évaluation


de l'avantage a par conséquent un caractère subjectif, dans la mesure ou,
si la détermination de la valeur en numéraire d'un avantage de toute natu-
re doit être objective, il faut néanmoins tenir compte, pour cette évalua-
tion, de l'échelle de valeur que le contribuable accorde à l'avantage.

S'il est vrai que «dans de nombreux cas, la valeur que Ie contribuable
accorde à un avantage de toute nature qu 'il accepte correspondra à la valeur
normale de eet avantage, c'est-à-dire au prix qu'il devrait payer, dans des
conditions normales de concurrence, pour obtenir eet avantage» <10>, il faut
également préciser que, comme l'évaluation de l'avantage doit se faire uni-
quement «dans Ie chef du bénéficiaire», pour répondre au prescrit de l'art.
32ter du Code, il convient d'apprécier cette valeur «enfonction de la per-
sonne qui en est Ie bénéficiaire et non d'une évaluation monétaire accordée
généralement par un bénéficiaire quelconque»01 >.

En pratique, cela revient, à notre avis, à apprécier tout d'abord dans


quelle mesure il y a effectivement avantage accordé au travailleur. Ainsi,
si, par exemple, celui-ci est autorisé à participer à un voyage d'affaires de
deux jours, mais que l'employeur l'autorise à rester surplace, aux frais de
l'employeur, deux jours de plus à titre privé, on ne pourra se contenter de
considérer que la valeur de l'avantage consiste en la moitié des frais enga-
gés par l'employeur. C'est en effet dans le chef du bénéficiaire, et non dans
celui de l'employeur qu'il faut évaluer l'avantage. De plus, pour tenir compte
du caractère «subjectif» de l'évaluation, on ne pourra simplement procé-
der au calcul des frais évités par le travailleur pour profiter de deux jours
de vacances. Le montant ainsi obtenu doit selon nous être pondéré en tenant
compte du fait que l'arrangement ainsi conclu avec son employeur suppo-
se pour lui diverses concessions: s'il avait choisi de prendre deux jours de
vacances, en dehors de toute considération d'ordre professionnel, il aurait
peut-être choisi un hötel mains onéreux que celui requis, pendant les deux
premiers jours du voyage, pour assurer le standing de la firme ...

(10) AUTENNE et DE GROOTE, Mode d'évaluation des avantages de toute nature, in,
Des avantages en nature aux avantages de toute nature, p. 34.

(11) ibidem, p. 36.


149

11. - C'est pourquoi, lorsqu'on procède à une évaluation «réelle»,


par opposition à l'évaluation «forfaitaire», prévue pour certains avanta-
ges, il convient de tenir compte d'un ensemble d'éléments de fait.

Il s'agit là de questions qui doivent de préférence être réglées par un


accord entre l'employeur et son controleur; à défaut d'accord, c'est évi-
demment Ie directeur, saisi d'une réclamation, voire la Cour d'appel qui
tranchera, sur la base de !'ensemble des éléments de fait.

Pour éviter les discussions de fait particulièrement nombreuses qu'un


régime d'évaluation réelle pourrait entraîner, l'article 32ter, al. 2 du Code
a prévu que «dans les cas qu 'il détermine, Ie Roi peut fixer des règles d'éva-
luation forfaitaire» des avantages en nature.

Ce régime permet d'éviter toute discussion, en édictant, sur la base de


critères objectifs, un mode d'évaluation s'imposant, quelles que soient les
circonstances, tant à l'employeur qu'au travailleur, d'une part, et à l'admi-
nistration d'autre part.

Dans Ie cadre de eet exposé, il n' est évidemment pas possible de décri-
re en détail Ie mode d'évaluation de tous les avantages en nature pour les-
quels une évaluation forfaitaire est prévue, par l'article 9quater de l'arrêté
d'exécution du Code des impöts sur les revenus, introduit par l'arrêté royal
du 17 décembre 1980.

12. - Il nous semble toutefois utile de préciser que les avantages en


nature, pour lesquels une évaluation forfaitaire est prévue, sont les suivants :

- lorsqu'un employeur consent à un membre de son personnel un prêt sans


intérêt ou à un taux d'intérêt réduit, il s'agit en principe d'un avantage
en nature, évalué forfaitairement à la différence entre un taux d'intérêt
de référence, prévu par arrêté royal, et Ie taux supporté par Ie travail-
leur <12J;

- pour la disposition gratuite d'immeubles oude partie d'immeubles, l'avan-


tage est toujours fixé forfaitairement à 100/60èmes ou à 100/90èmes du
revenu cadastral de l'immeuble, suivant qu'il s'agit d'un immeuble bàti
ou d'un immeuble non bäti;

- pour les travailleurs disposant gratuitement d'une seule pièce, mise à leur

(12) art. 9 quater, point 1 de l'arrêté royal d'exécution.


150

disposition par l'employeur, l'avantage est évalué forfaitairement à 30


F par jour ou 10.800 F par an;

- pour la fourniture gratuite par l'employeur de chauffage et d'électrici-


té, un montant forfaitaire, distinct suivant qu'il s'agit du personnel de
direction ou d'autres bénéficiaires, est prévu par l'arrêté royal;

- il en est de même pour la mise à disposition gratuite de domestiques,


d'ouvriers domestiques, de jardiniers oude chauffeurs;

- par ailleurs, l'arrêté royal procède à une évaluation forfaitaire des avantages
en nature recueillis par le personnel domestique lui-même, et consistant
en la prise de repas, en le logement, Ie chauffage et l'éclairage, aux frais
de l'employeur;

- une disposition analogue existe pour la nourriture fournie aux gens de


mer et aux ouvriers de la construction, en raison de l'éloignement du
chantier;

- une évaluation forfaitaire est aussi prévue pour les repas sociaux four-
nis gratuitement aux membres du personnel d'une entreprise;

- enfin, l'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule mis gratuitement


à la disposition des membres du personnel par l'employeur, fait l'objet
d'une évaluation forfaitaire par un arrêté royal.

13. - Les avantages faisant l'objet d'une telle évaluation forfaitaire


sont ceux qui sont accordés le plus fréquemment dans des entreprises.

Il reste que pour tous les autres, il convient de procéder à l'évaluation


réelle, en tenant compte, le cas échéant, de son caractère subjectif.

Ces avantages peuvent être présentés sous de multiples formes: prise


en charge de dépenses privées par l'employeur, vente par l'employeur à un
prix réduit à l'employé de biens lui appartenant, et par exemple d'actions
d'une autre société ou encore d'un immeuble, ou encore acquisition par
l'employeur à un prix surfait de biens appartenant à un membre de son per-
sonnel. Dans ces deux demiers cas, Ie principe del' évaluation réelle del' avantage
amènera à calculer - ce qui n'est pas toujours facile - la différence entre
la valeur normale du bien cédé et la valeur conventionnelle de celui-ci.
151

B. - Etude de voies moins imposées en matière d'avantages en nature

a. - Principes directeurs

14. - La règlementation fouillée, résultant de plusieurs modifications


législatives successives, de la matière des avantages en nature résulte natu-
rellement d'une Jutte constante entre les contribuables, qui tentent de trouver
la voie la moins imposée en exploitant les lacunes de la loi, et l'administra-
tion qui réagit en tentant de combler celles-ci.

Il ne faut dès lors pas s'étonner de constater que, d'une manière géné-
rale, les efforts du législateur, pour empêcher que des avantages en nature
<lont bénéficient certains membres du personnel échappent à l'impöt, ont
atteint leur buten restreignant très sérieusement les possibilités d' éviter l'impo-
sition des avantages en nature.

Le recours à ceux-ci dans Ie cadre d'une recherche par l'entreprise d'une


voie moins imposée pour elle et pour les membres de son personnel, ne peut
donc se concevoir que d'une manière marginale, par l'exploitation des quelques
rares possibilités de réduire l'imposition, maintenues d'ailleurs souvent cons-
ciemment, par Ie législateur.

15. -Avant d'exposer quelques-unes des possibilités subsistantes de


réduire la charge fiscale, il nous semble opportun de rappeler que l'entre-
prise qui y recourt ne peut Ie faire qu'à coup sûr si elle veut éviter des con-
séquences fiscales très dommageables.

On pourrait en effet croire, à première vue, que les avantages en nature


accordés à des membres du personnel sont toujours déductibles par
l'employeur: en effet, ou bien ils Ie sont à titre de rémunérations - ce qui
implique l'imposition de leurs bénéficiaires - ou bien ils Ie sont à un autre
titre, puisque, de toutes manières, il s'agit, lorsqu'ils sont attribués à un membre
du personnel, d'une dépense consentie dans Ie but d'acquérir oude con-
server des revenus professionnels, c'est-à-dire d'une charge professionnel-
le au sens de l'article 44 du Code.

Ce serait toutefois !à oublier que, lorsqu'il s'agit de rémunérations,


l'article 47, § Ier, 2° du Code soumet leur déduction à la condition de l'éta-
blissement d'une fiche établie au nom du bénéficiaire, et mentionnant notam-
ment la contrevaleur des avantages en nature. Dans Ie cas ou celle-ci ne serait
pas mentionnée, ou serait inférieure à la réalité, Ie montant non mention-
152

né sur la fiche ou l'insuffisance de ce montant ne sera pas déductible, et


- ce qui est encore beaucoup plus grave - sera soumis à la cotisation spé-
ciale sur les commissions secrètes (13 l_ Celle-ci n'exclut en outre nullement
la taxation dans Ie chef du bénéficiaire.

b. - Méthodes de choix de la voie la moins imposée en matière d'avan-


tages en nature

16. - Parmi les procédés d'utilisation des avantages en nature, les plus
couramment utilisés pour atténuer l'imposition, nous examinerons succes-
sivement les méthodes suivantes:

- l'octroi d'avantages évalués forfaitairement par arrêté royal lorsque cette


évaluation est inférieure à la valeur réelle de ces avantages;

- l'octroi d'avantages sociaux non imposés dans Ie chef de leur bénéficiaire;

- Ie fait de favoriser un membre du personnel sans lui accorder des avan-


tages au sens fiscal du terme;

Pour chacune de ces méthodes, nous exarninerons successivement leur


utilité fiscale, les conditions auxquelles elles sont sournises et les risques qu'elles
peuvent comporter.

1. L 'octroi d'avantages pour lesquels l'évaluation forfaitaire est infé-


rieure à la valeur réelle

17. -Ainsi que nous l'avons rappelé, l'article 9 quater de l'arrêté royal
d'exécution du Code des impöts sur les revenus prévoit un certain nombre
d'avantages pour lesquels une évaluation forfaitaire s'impose tant à l'admi-
nistration qu'à l'employeur et !'employé.

Dans certains cas, l'évaluation prévue par ce texte est inférieure, par-
fois dans une mesure appréciable, au coût réel de l'avantage en question.

Sans avoir l'ambition d'être exhaustif, nous citerons en particulier les


frais d'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule et les dispositions
gratuites d'immeubles.

18. - En ce qui concerne les frais d'utilisation d'un véhicule mis gra-

(13) art. 132 du Code; à ce sujet, voy. ci-dessus n° 3.


153

tuitement à la disposition des membres du personnel par l' employeur, l' article
9 quater, 9 dispose que «l'avantage est égal au nombre de kilomètres par-
courus à desfins personnelles multiplié par l'avantage en francs par kilomè-
tre parcouru qui, compte tenu de la puissance imposable du véhicule en matière
de taxe de circulation, est indiqué» par un tableau.

Dans la pratique, il est souvent constaté que Ie coût réel d'un véhicule
par kilomètre excède celui prévu par ce tableau. Il en est notamment ainsi
pour des véhicules <lont Ie coût d'acquisition ou d'utilisation est élevé alors
que leur puissance fiscale ne !'est pas toujours dans la même mesure.

L'avantage fiscal maxima! sera donc obtenu lors de l'acquisition de


véhicules de cylindrée relativement modeste, mais pourvus d'un confort impor-
tant, d'un équipement technique sophistiqué ou d'accessoires coûteux, ces
différents éléments étant sans incidence sur l'évaluation, forfaitaire, de l'avan-
tage <14>_

19. - De la même manière, une différence appréciable peut exister entre


la valeur forfaitaire de l'avantage consistant en l'utilisation d'une habita-
tion à des fins personnelles et Ie loyer normal d'une telle habitation.

En vertu de l'article 9 quater, 2 de l'arrêté royal, l'avantage, pour un


immeuble bäti, est égal à 100/60èmes du revenu cadastral de l'immeuble bäti.

Cette fraction ne résulte pas du hasard; elle s' explique par Ie fait que
Ie revenu cadastral est égal à 60/lOOèmes de la valeur locative normale d'un
immeuble <15 >.

Le revenu cadastral ne correspond toutefois actuellement qu'à la valeur


locative de l'immeuble au ler janvier 1975, ce qui explique de sérieuses dis-
torsions et, pour certains immeubles, une différence très importante entre
l'évaluation forfaitaire de l'avantage et Ie coût que représenterait la loca-
tion de l'immeuble dans des conditions normales.

Cette différence peut encore être accrue si !'employeur prend à sa charge


les frais de chauffage et d'électricité de l'immeuble, Ie forfait prévu en la
(14) par exemple, un véhicule de 13 chevaux peut être une BMW 324 d'un prix d'acquisi-
tion de 648.000 F, mais aussi une Porsche 944 turbo, coûtant près de 2.000.000 F. L'avantage
en nature serait évalué de la même manière pour les deux véhicules: il consistera en 12.30 F
par kilomètre.

(15) art. 366, § 2 du Code.


154

matière, étant, quelle que soit la dimension de l'immeuble ou la consom-


mation réelle, évalué à 48.000 F par an pour Ie chauffage et à 24.000 F par
an pour l' électricité, montants qui sont tous deux souvent très inférieurs
à la réalité.

Il en est de même si l'employeur fournit à son cadre ou dirigeant la


disposition gratuite d'un domestique, d'un jardinier ou d'un chauffeur; l'avan-
tage se limite en effet, pour un tel domestique travaillant à temps plein, à
un montant forfaitaire de 240.000 F, ce qui est très nettement inférieur au
coût du salaire brut de ce domestique, augmenté des charges sociales.

S'il faut convenir que Ie recours à des avantages pour lesquels Ie for-
fait est inférieur à la réalité se limite à des hypothèses bien précises, et revêt
donc un caractère marginal, il convient en revanche de souligner qu'il ne
présente guère de risques sérieux d'être contesté par l'administration: il s'agit
d'une application pure et simple de la règlementation fiscale, quine laisse
guère de place pour une appréciation, parfois subjective, en fait.

2. L'octroi d'avantages sociaux non imposables dans Ie chef du mem-


bre du personnel

20. - L'article 41, § 4 du Code, dans son texte en vigueur à partir du


ler janvier 1987, dispose que «les avantages sociaux obtenus par les travail-
leurs salariés ou anciens travailleurs salariés ou par leurs ayants droit sant
immunisés pour autant qu'il s'agisse:

- soit d'avantages dont il n'est pas possibleen raison des modalités de leur
octroi, de déterminer Ie montant effectivement obtenu par chacun des béné-
ficiaires;

- soit d'avantages qui, bien que personnalisables, n 'ont pas Ie caractère d'une
véritable rémunération;

- soit de menus avantages ou cadeaux d'usage obtenus à /'occasion ou en


raison d'évènements sans rapport direct avec l'activité professionnelle».

Les avantages de ce type sont de natures particulièrement diverses et


comprennent à la fois la distribution de repas sociaux, ou l'octroi de chè-
ques repas, dans la mesure ou l'intervention du bénéficiaire n'est pas infé-
rieure à 44 F, l'utilisation d'une crèche installée au sein del' entreprise, l' octroi,
pour des compagnies de transport, de billets gratuits, Ie séjour dans des éta-
155

blissements de vacances appartenant à l'entreprise, l'octroi d'abonnements


oude billets d'entrée à des manifestations culturelles06i.

21. - Jusqu'au ler janvie 1987, l'octroi de tels avantages présentait


le double attrait qu'ils étaient à la fois non imposables dans le chef du tra-
vailleur et néanmoins déductibles pour l'employeur. L'article 45, 7° du Code
limitait toutefois la déductibilité, par année ou exercice comptable, à un
maximum de 2,5 OJo des rémunérations brutes du personnel appelé à béné-
ficier des avantages, avec un maximum de 5 OJo de !'ensemble des rémuné-
rations brutes de cette périodeO 7l.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 1986, ces avantages, qui


restent non imposables pour Ie travailleur, ont également cessé d' être déductibles
pour l'employeur. L'article 50, 7° du Code prévoit en effet expressément
que «ne sant pas considérés comme charges professionnelles ... les avanta-
ges sociaux visés à l'article 41, § 4».

L'intérêt résultant de l'octroi de tels avantages sociaux est par consé-


quent nettement plus lirnité depuis l'entrée en vigueur de laloi du 4 août 1986.

22. - Il n'en reste pas moins que Ie recours à l'octroi de tels avanta-
ges sociaux peut encore se révéler fiscalement intéressant, pour les raisons
suivantes.

23. - tout d'abord par un simple avis, publié au Moniteur, manifes-


tement contraire au texte légal, l' adrninistration admet la déduction de certains
avantages, il est vrai très lirnités, au titre d'avantages sociaux, sans que ceux-ci
soient imposés dans Ie chef des bénéficiaires.

Cette tolérance ne concerne toutefois que des avantages minimes< 1si.

24. - Dans certains cas, la non déductibilité des avantages sociaux comme
chages professionnelles est sans incidence pour l'employeur.
(16) pour une liste plus complète, non limitative des avantages sociaux immunisés, voy.
Comm. !.R. 41/43.

(17) voy. anc. Comm. !.R. 44/409.

(18) voyages collectifs de maximum un jour, fêtes de St-Nicolas, Noë! ou Nouvel-An,


mise à disposition d'une salie de réunion, distribution de café, thé, bière ou rafraîchissements,
accès à l'économat, à une masse d'habillement ou à un service médical ou pharmaceutique,
cadeaux modiques lors de remise de distinctions honorifiques ou de mises à la retraite; voy.
Moniteur Beige du 28 novembre 1986, p. 16199.
156

Il en est ainsi des employeurs quine sont pas imposés sur leurs bénéfi-
ces et qui n'ont dès lors de toutes manières pas à déduire de charges pro-
fessionnelles.

Tel est le cas, par exemple, de l'Etat, des provinces, des communes,
des Centres publics d'aide sociale ou encore de tous les contribuables sou-
mis à l'impöt des personnes morales, telle la plus grande partie des asso-
ciations sans but lucratif. Dans de tels cas, l' octroi de tels avantages sociaux
reste toujours intéressant, puisque le membre du personnel n'est pas taxé
tandis que l'employeur ne supporte aucune charge fiscale supplémentaire
de ce chef.

25. - En pratique, cette situation se retrouve également dans le cas


d'entreprise en perte. Pour ces entreprises quine supportent aucun impöt
des sociétés sur leur bénéfice inexistant, il est, pour eet exercice, sans con-
séquence pour elles de ne pouvoir encore accroître leur perte fiscale en déduisant
les avantages sociaux. Le seul inconvénient, pour une entreprise en perte,
de ne pouvoir déduire Ie coût des avantages sociaux, est que cette charge
ne fera pas partie des pertes récupérables sur les bénéfices des cinq exerci-
ces suivants.

Cet inconvénient n'est que théorique dans Ie cas d'entreprises ayant


supporté, au cours des dernières années, des pertes tellement importantes,
qu'il apparaît exclu qu'elles puissent être récupérées sur une période de cinq
ans.

26. -Enfin, même pour une société qui réalise des bénéfices, l'octroi
d'avantages sociaux permet souvent d'atténuer la charge fiscale globale pesant
sur la société e les membres du personnel.

Certes, Ie montant de tels avantages ne sera pas déductible des bénéfi-


ces, et sera par conséquent soumis à l'impöt, en principe au tauxs de 43 OJo.
Ce taux est toutefois, dans presque tous les cas, inférieur au taux marginal
de l'impöt de personnes physiques qui frapperait un complément de rému-
nération d'une valeur égale au coût de eet avantage.

La loi du 4 août 1986 n'a dès lors rendu l'ooctroi d'avantages sociaux
désavantageux que lorsque, soit Ie bénéficiaire est soumis à une imposition
relativement faible, n'atteignant pas Ie taux marginal de 43 OJo, soit lorsque
l'employeur est une personne physique. Dans ce dernier cas, en effet,
l'employeur a en général des revenus plus importants que !'employé, et est
157

dès lors imposé plus lourdement que celui-ci, de sorte que, globalement,
il est préférable pour l'employeur d'accorder une augmentation de salaire,
déductible par lui sur une tranche de revenus plus lourdement taxée, que
d'accorder un avantage social immunisé dans Ie chef du travailleur.

27. - Tout comme les avantages pour lesquels l' évaluation forfaitai-
re est inférieure à la réalité, Ie recours à l'octroi d'avanntages sociaux don-
ne en principe lieu à peu de difficultés, la plupart des avantages de ce type
étant énumérés par Ie commentarie administratif.

En outre, Ie montant total de tels avantages n' est pas soumis à une limite.
En particulier, il n'est pas requis de plafonner la contrevaleur de ces avan-
tages à 2,5 OJo de la rémunération du personnel en bénéficiant. Cette limite,
qui n'a d'ailleurs jamais concerné que la déductibilité comme charges pro-
fessionnelles dans Ie chef de l'employeur< 19), a disparu du Code avec l'abro-
gation, par la loi du 4 août 1986, de l'article 45, 7°.

3. Procédés consistant à f avoriser des membres du personnel, sans leur


accorder d'avantages en nature au sens de la loi fiscale

28. - L'ingéniosité de certains employeurs les a souvent amené à imaginer


des solutions permettant de favoriser tout ou partie des membres de leur
personnel, sans pour autant que, par ce fait, des avantages en nature imposables
soient accordés.

Cette question n' entre dans Ie cadre du présent exposé que dans la mesure
ou les procédés utilisés se situent très souvent à la limite - voire au-delà
- de l'octroi d'avantage en nature.

La difficulté réside dans Ie fait que la loi ne définit pas la notion d' «avan-
tages».

Il va de soi que lelégislateur n'ajamais entendu imposer à ce titre tou-


te dépense de l'employeur rendant Ie travail du membre du personnel plus
attrayant: ainsi, l'administration ne songe évidemment pas à considérer comme
un avantage Ie fait, pour l'employeur, d'améliorer les conditions de travail
du personnel, par exemple par l'acquisition de nouveaux locaux, ou d'un
matériel de qualité.

29. - La question se révèle plus délicate lorsque, sous couvert de

(19) Comm. I.R. 41/42.


158

l'organisation du travail, apparaît, aux yeux de l'administration une volonté


del' employeur de présenter, sous l'apparence de nécessités professionnel-
les, des activités, jugées attrayantes par le membre du personnel, et présentant
un certain caractère privé.

C'est à ce propos que se présentent de nombreux conflits entre l'admi-


nistration et des contribuables, au sujet, par exemple, de la participation
de membres du personnel à des colloques, travaux ou séminaires, ou enco-
re à des voyages d'affaires, dont le caractère professionnel, est, en tout ou
en partie, parfois contesté par l'administration.

30. - L'appréciation de l'existence ou non d'un avantage en nature,


présentant le caractère de rémunération imposable, dépend alors de circons-
tances de fait, à apprécier cas par cas.

Ainsi, lorsqu 'une entreprise organise pour ses vendeurs un séminaire


dans un lieu de vacances, la question sera de savoir si la participation à celui-ci
présente réellement un caractère professionnel, c'est-à-dire est par exem-
ple justifiée par la nécessité d'obtenir une meilleure cohésion dans un groupe
en permettant à ses membres de se retrouver en dehors de l'entreprise, ou
par des visites ayant un véritable caractère formatif pour les intéressés.

Des éléments tels que le caractère obligatoire ou facultatif de la parti-


cipation à de tels voyages, la possibilité ou non pour les intéressés, d'y emmener
leur familie, et surtout le programme réel des activités, devront dans cha-
que cas être pris en considération.

Le plus souvent, la question reviendra en pratique à déterminer si la


dépense consentie par l'employeur provoque un enrichissement matériel pour
le travailleur, ou évite à celui-ci une dépense qui, si elle avait été assumée
par lui, ne consisterait pas en une charge professionnelle <20).

(20) Il convient toutefois de noter que, pour certaines dépenses présentant en principe
un caractère de charges professionnelles, l'administration considère qu'il s'agit néanrnoins d'avan-
tages en nature lorsque ces dépenses sont propres au travailleur. Ainsi, lorsque l'employeur
prend en charge les frais de déplacement du travailleur jusqu'au lieu de travail, ces frais qui,
s'ils étaient supportés par Ie travailleur, consisteraient pour lui en des charges professionnel-
les, n'incombent normalement pas à l'employeur. On considère dès lors qu'il y a là un avan-
tage en nature imposable, mais un montant identique peut être déduit à titre de charges
professionnelles. Ce système se révèle toutefois désavantageux pour Ie travailleur lorsqu'il déduit
des charges professionnelles forfaitaires, puisque, dans ce cas, il ne pourra compenser l'ajout
de l'avantage à son bénéfice imposable; voy. à ce sujet rapport, chambre 1979-1980, doe. 323,
n° 47, p. 28.
159

31. - Si Ie procédé consistant en la dépense, pour l' attrait du travail-


leur, de montants ne consistant pas en des avantages, au sens fiscal du ter-
me, permet en principe à la fois la déduction comme charges professionnelles
et l'absence d'imposition dans Ie chef du travailleur, et présente des possi-
bilités d'utilisation plus larges que celles examinées précédemment, il faut
en revanche noter que les dépenses en question seront souvent d'une natu-
re telle qu'elles pourront donner lieu à des litiges avec l'administration.

En pratique, on peut même dire que ces dépenses seront d'autant plus
contestables qu'elles sont souhaitées par les membres du personnel, puis-
qu'elles apparaîtront alors comme ayant davantage pour but de les avan-
tager que de poursuivre un véritable objectif d'ordre professionnel. Il convient
de rappeler à ce sujet que Ie risque, en cas de rejet de telles dépenses des
charges professionnelles, est appréciable pour l'employeur, lorsqu'il s'agit
d'une société, puisque l'avantage n'aura dans ce cas pas été mentionné sur
les fiches requises par l'article 47 du Code, ce qui entraînera l'application
de la cotisation spéciale sur les commissions secrètes (21 >.

(21) voy. ci-dessus n° 15.


CHAPITRE II

ATTRIBUTIONS DIRECTE OU INDIRECTE D' ACTIONS


OU OBLIGATIONS A DES MEMBRES DU PERSONNEL

A. - Les opüons sur acüons

32. - Dans de nombreux pays, des sociétés ont tenté, parfois avec succès,
d'attribuer un avantage non imposable ou imposable dans des conditions
relativement avantageuses, à des membres de leur personnel et essentielle-
ment à des membres de leur direction, en leur remettant, ou en leur réser-
vant la possibilité d'obtenir à des conditions de faveur des options sur des
actions de la société elle-même ou d'une autre société de leur groupe <22i.

En Belgique, Ie régime fiscal des options sur actions est particulière-


ment complexe, et son traitement par Ie législateur témoigne même d'une
rare incohérence.

33. - Rappelons tout d'abord que la convention d'options sur actions


est définie par la loi<23 l comme étant «une convention écrite par laquelle une
société s'engage, soit à céder à un travailleur à un prix déterminé et dans un
délai déterminé, un nombre déterminé d'actions au parts représentatives de
son capita! social au du capita! social de la société dont e//e est considérée
de manière irréfragable, être une filiale au sens de la législation comptable,
soit à lui permettre de souscrire, dans les mêmes conditions, à une augmen-
tation de son capita!».

L'avantage, pour Ie membre du personnel, de l'attribution d'une option


est évidemment qu'il dispose ainsi de la possibilité de bénéficier d'une plus-value
éventuelle de l'action, tandis qu'il ne court aucun risque de perte sur celle-
ci. En effet, en cas de chute de la valeur de l'action, rien n'oblige Ie bénéfi-
ciaire de l'option à exercer celle-ci.

34. - Parmi de multiples autres dispositions, la loi du 27 décembre


1984 a organisé un régime complexe, dont l'objet essentie! est de soumet-
tre l'immunité de l'avantage en nature dont bénéficierait un membre du per-
sonnel en raison ou à !'occasion de la levée d'une option sur action, dans

(22) pour un exposé succinct du régime des «stocks options» aux Etat-Unis, en Grande-
Bretagne, en France, aux Pays-Bas et en Suisse, voy. J .-F. L YCOPS, Des stocks options
aux options sur actions, un coup d'épée dans !'eau?, RGF 1985, p. 37.

(23) art. 45 de la loi du 27 décembre 1984.


162

certaines limites et à certaines conditions.

Très sibyllin, Ie texte se borne toutefois à prévoir que «si, en raison ou


à /'occasion de la levée d'une option sur action, un avantage imposable au
sens de l'article 26, al. 2, 2° du ... Code, est obtenu par un travailleur, eet
avantage est exonéré de l'imp6t des personnes physiques ou de l'imp6t des
non-résidents à concurrence du montant constitué par l'excédent que pré-
sente la valeur des actions ou parts revenant au travailleur fors de la levée
d'une option sur action par rapport au prix de l'option». On observera que
la notion de «prix de l'option» est étrangement définie comme représen-
tant «Ie prix des actions ou partsf1Xé dans la convention d'option sur actions
et qui sera réellement payé ou libéré par Ie travailleur fors de la levée de
l'optiomP4>.

35. - Le législateur ne s'est par conséquent pas prononcé expressé-


ment sur la question essentielle, qui est de savoir si l'attribution d'une option
sur action constitue un avantage imposable, et, dans l'affirmative, com-
ment il convient de déterminer Ie montant taxable.

A notre avis, il faut considérer que la valeur de l'option est égale au


prix que devrait payer une personne étrangère à l'entreprise pour obtenir
Ie même droit. Cette valeur est aisément déterminable lorsque les options
sur les actions de la société sant cotées, comme telles, dans une bourse bel-
ge ou étrangère. Tel sera cependant rarement Ie cas, peu de sociétés belges
se trouvant dans cette situation.

Dans Ie cas contraire, la détermination de la valeur de l'option sera


une question de fait. Il nous semble toutefois que seul Ie montant de la valeur
de l'option, déterminé en tenant compte des conditions du marché lors de
l'attribution de celle-ci, constitue un avantage lorsque l'option est acquise
gratuitement par Ie travailleur.

Si celui-ci doit payer un certain montant pour obtenir Ie droit d'acquérir


l'option, c'est la différence entre la valeur réelle de l'option et ce montant
qui constituera l'avantage imposable en principe.

C'est en revanche à notre avis à tort que l'administration soutiendrait


que !'ensemble de la différence entre la valeur de l'action lors de la levée
de l'option, et sa valeur lors de l'attribution de l'option constituerait un avantage
en nature imposable.

(24) art. 45, § ler, 3° de la loi.


163

En effet, cette différence ne constitue en rien la contrepartie du tra-


vail du membre du personnel en question; la même plus-value serait réali-
sée par n'importe quelle personne, même étrangère à l'entreprise, qui acquerrait
l'action ou une option sur celle-ci. Elle trouve sa cause exclusivement dans
l'évolution du cours de l'action, qui dépend d'une série d'éléments aléa-
toires ou en tous cas étrangers au travail du membre du personnel bénéfi-
ciaire de l'option.

36. - A notre avis, il n'y avait dès lors guère de sens, pour le législa-
teur, d'exonérer, sous certaines conditions, la différence entre la valeur de
l'action lors de l'exercice de l'option et cette même valeur lors de l'attribu-
tion de celle-ci.

En effet, ce montant n'est à notre avis nullement imposable, que les


conditions prévues par la loi du 27 décembre 1984 soient respectées ou non.

Lors des travaux préparatoires de la loi du 27 décembre 1984, le Ministre


des finances à d'ailleurs reconnu que «la question de savoir s'il s'agit ou non
d'un avantage imposable n 'est... pas résolue. Les règles et les interprétations
qui étaient en vigueur en la matière resteront d'application» <25 l.

Pour ces raisons, il me semble qu'il n'est nullement indispensable, pour


une entreprise organisant un régime d'option sur actions au profit de son
personnel de respecter les conditions prévues par l'article 45, § 4 de la loi
du 24 décembre 1987.

Ce n'est donc qu'à titre de précaution supplémentaire qu'une société,


si elle n'en est pas dissuadée par la lourdeur de ces conditions, introduira
celles-ci dans son règlement relatif aux options sur actions.

37. - Ces conditions sont les suivantes <26l:

a) - le bénéficiaire del' option doit être un «travailleur au sens de l'article


20, 2 ° du Code, qui exerce des f onctions réelles et permanentes au sein de
la société et qui est occupé par la même société depuis au mains un an à la
date de la convention d'option sur action» <27 J_ Cela vise, outre le person

(25) doe. pari. Chambre, 1984-1985, n° 1010/13, p. 107.


(26) !'exposé de ces conditions est tiré en substance de l'étude de T. AFSCHRIFT et P.
MALHERBE, La loi du 27 décembre 1984 portant des dispositions fiscales, n° 36 à 50, JT
1985, p. 299 et 300.
(27) art. 45, § ler, 6° de la loi.
164

nel salarié, les administrateurs de sociétés anonymes exerçant des fonctions


réelles et permanentes et les associés actifs de sociétés de personnes.

b)- l'option doit tendre soit à l'achat, soit à la souscription d'actions


ou parts représentatives du capita! de la société beige ou étrangère, qui attribue
la rémunération, oude la société mère de celle-ci, au sens de la loi compta-
ble <2sJ;

Cette dernière précision vise la société qui, directement ou indirecte-


ment, détient au moins la moitié du capita! ou la moitié du pouvoir devote
au sein de celle-ci. Il ne peut en revanche s'agir d'une société sreur, ou d'une
filiale de l'employeur.

c) - l'option doit être accordée par écrit, selon une convention-type


préalablement approuvée par l'assemblée générale des actionnaires, et visant
expressément la loi du 27 décembre 1984. Cet écrit doit contenir notam-
ment l'indication du nombre d'actions concernées, du prix et du délai fixés
pour la levée de l'option <29l;

d) - la convention ne peut stipuler d'arrhes <30 J;

e) - elle ne peut prévoir un prix d'exercice de l'option inférieur à la


valeur de l'action au moment de l'octroi de l'option;

f)- un maximum est prévu quant au nombre d'actions sur lesquelles


l'option peut porter: un même travailleur ne peut acquérir plus de 5 % des
actions ou parts émises par la société <31 J;

g) - en outre, un travailleur ne peut, par année civile, payer à titre


d'exercice de l'option, un prix total supérieur au quart de sa rémunération
payée par la société au cours de la dernière année antérieure pendant laquelle
il a eu une activité professionnelle normale. En aucun cas, Ie prix payé lors
de l'exercice de l'option ne peut excéder 500.000 F'par an.

h) - l'option doit être levée un an au plus töt et six ans au plus tard

(28) art. 45, § Ier, 2° et 3° de la loi.

(29) art. 45, § Ier, 2° de la loi du 27 décembre 1984.

(30) art. 45, § 4, 2°.

(31) art. 45, § 4, 4°.


165

à compter de la date de la convention, qui, elle, doit être conclue entre 1985
et 1990.

i) - l' option doit être levée par Ie travailleur lui-même; elle est donc
incessible et intransmissible. En outre, il faut que Ie travailleur soit toujours
au service de la même société, ou de la filiale de celui-ci, ou de la société
<lont les titres font l'objet de l'option, au moment de la levée de celle-ci;

j)- après la levée de l'option, les titres doivent être déposés à la Ban-
que Nationale, pour compte de la Caisse des dépöts et consignations, et leur
restitution est interdite pendant deux ans à partir de la date de ce dépöt.

En 1987, un projet de loi visant notamment à alléger ces conditions


avait été déposé. A notre avis, si l'on veut réellement favoriser l'octroi d'options
sur actions par une entreprise à des membres de son personnel, il serait pré-
férable de ne pas légiférer du tout, puisque, selon nous, dans Ie régime actuel
et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la loi du 27 décembre 1984, seule
la valeur, en principe minime, de l'option elle-même, peut faire l'objet d'une
imposition à titre de revenus professionnels.

B. - Les émissions d'acûons ou d'ob/igaûons à des condiûons de faveur.

38. - Des sociétés ont également envisagé de permettre à des mem-


bres de leur personnel, ou à l' ensemble de ceux-ci, d'acquérir des titres émis
par leur employeur ou par d'autres sociétés du même groupe, à des condi-
tions avantageuses.

De nombreuses formules peuvent ainsi être envisagées, parmi lesquelles


on peut citer :

- émissions, réservées aux membres du personnel, de parts bénéficiaires,


acquises à titre gratuit ou à titre onéreux, donnant droit à un dividende
pendant une durée limitée. L'intérêt pour les bénéficiaires est évidem-
ment Ie régime fiscal plus favorable des dividendes - qui ne sont sou-
mis en principe qu'au précompte libératoire dans Ie chef de leurs bénéfi-
ciaires - que celui des rémunérations ;

- émissions d'obligations pour un prix de souscription inférieur au prix


du marché, ou donnant droit à un taux d'intérêt supérieur à celui du marché;
éventuellement, une même émission d'obligations peut comporter deux
tranches: l'une pour !'ensemble du public, l'autre réservée au person-
166

nel, les obligations de cette seconde tranche pouvant être acquises dans
de meilleure condition;

- émissions d'obligations convertibles réservées à des membres du personnel,


et prévoyant des conditions de conversion avantageuses : prix de con-
version favorable, période de conversion très longue ...

- émissions d'obligations avec warrant permettant l'acquisition d'actions


de la société à des conditions favorables, sans que cela comporte un échange
de l'obligation elle-même.

39. - De telles opérations supposent en général un appel public à l'épar-


gne. Dans ce cas, il convient naturellement de respecter la règlementation
prévue en la matière et les éventuelles recommandations de la Commission
bancaire.

Dans Ie cadre de la présente étude, nous n'examinerons toutefois que


!'aspect fiscal de la question.

40. - Dans !'ensemble des hypothèses examinées ci-dessus, la ques-


tion revient toujours à déterminer si, dans Ie chef des membres du person-
nel qui acquièrent les valeurs mobilières émises dans ces conditions, il n'y
a pas lieu à taxation d'un avantage en nature.

En effet, dans toutes les hypothèses envisagées, l' opération ne présente


un intérêt particulier pour les membres du personnel, que parce que, soit
l' employeur leur accorde la possibilité d'acquérir des titres à des conditions
meilleures que !'ensemble du public, soit les titres font l'objet d'une émis-
sion particulière, réservée aux membres du personnel, et se révèlent plus
avantageux pour ceux-ci qu'un autre placement sur Ie marché des capitaux.

Dans les deux cas, il paraît incontestable qu'en principe l'employeur


accorde un avantage patrimonia! aux membres du personnel en raison de
leur qualité, puisqu'il leur offre des conditions préférables pour eux à cel-
les plus attrayantes pour l'employeur, que celui-ci obtiendrait sur Ie marché.

Ainsi, par exemple, si les obligations sont émises pour un prix de sous-
cription plus bas que cel ui que Ie marché accepterait de payer, la différen-
ce entre ce dernier prix et Ie prix de souscription effectif représente un avantage
en nature imposable dans Ie chef du travailleur.
167

41. - Toutefois, cette appréciation de principe doit souvent être nuancée


en tenant compte de l'ensemble des conditions d'émission des titres sous-
crits par les membres du personnel.

L' employeur peut en effet prévoir, pour ces titres un ensemble de con-
ditions différentes de celles qui seraient normalement proposées au public.
Parmi ces différentes conditions, certaines peuvent être plus favorables, tandis
que d'autres sont, en tout cas théoriquement, plus défavorables.

Ainsi, par exemple, l'employeur pourrait prévoir que les titres attri-
bués aux membres du personnel seraient toujours nominatifs, ou qu'ils seraient
incessibles pendant une certaine durée, ou encore que les obligations ou des
warrants ne pourraient être convertis ou échangés que contre des actions
elles-mêmes incessibles pendant une certaine période.

Dans ce cas, pour évaluer la valeur réelle de l'avantage éventuel accordé


aux membres du personnel, il convient de tenir compte de !'ensemble des
différences existant entre l'émission, ou la tranche d'émission qui leur est
réservée, et une émission destinée au public.

En particulier, il importe de tenir compte des conditions plus défavo-


rables imposées aux membres du personnel, qui représentent parfois un incon-
vénient beaucoup plus prononcé pour Ie public en général que pour les membres
du personnel.

42. - En soumettant les émissions à diverses conditions, dont certai-


nes impliqueraient un accueil défavorable de l'ensemble du public si elles
faisaient partie d'une émission destinée à celui-ci, mais, en fait, ne repré-
sentent pas un inconvénient majeur pour les membres du personnel, qui,
par ailleurs bénéficient d'autres avantages, on peut ainsi soutenir qu'aucun
avantage imposable n'existe dans Ie chef des bénéficiaires.

Cette argumentation, qui est toujours extrêmement délicate, sera évi-


demment beaucoup plus aisée à soutenir que l'administration, qui a la charge
de la preuve, ne disposera pas d'un critère de comparaison précis lui per-
mettant d' établir que Ie marché aurait, pour une émission identique qui lui
serait destinée, accepté des conditions moins avantageuses.

Il va cependant de soi que les techniques envisagées ici peuvent être


une source appréciable de conflits avec l'administration, la détermination
del' existence d'un avantage dépendant de multiples éléments de fait, et notarn-
168

ment de l'évaluation de conditions de souscription «normales», qui dépendent


parfois d'éléments aléatoires.

Conclusion

43. - L'examen auquel nous avons procédé, de diverses questions qui,


toutes, directement ou indirectement, se rattachent à l'imposition d'avan-
tages en nature, nous permet d'aboutir aux conclusions suivantes quant au
choix de la voie la moins imposée en cette matière.

Tout d'abord, l'intervention fréquente du législateur dans cette matière,


dénote de sa part une volonté d'empêcher, dans certains cas, Ie recours à
des procédés, souvent qualifiés «d'abusifs» par l'administration, visant, sans
enfreindre la loi, à faire bénéficier les membres du personnel d'un traite-
ment fiscal plus favorable que celui d'une augmentation de salaire en espèces.

Cette manière d'agir du législateur réduit certes, en cette matière, l'usage


du choix de la voie la moins imposée, à certains procédés qui, tout en étant
parfois complexes, ne présentent souvent qu'un caractère marginal, soit parce
que peu de membres du personnel en bénéficient effectivement, soit parce
que l'économie d'impöt réalisée par chacun d'eux est limitée.

Tel est par exemple Ie cas du recours à l'octroi d'avantages en natures


pour lesquels l'évaluation forfaitaire est inférieure à la valeur réelle.

Dans d'autres cas, les procédés utilisés pour choisir la voie la moins
imposée dépendent d'éléments de fait dont l'appréciation se révèle souvent
aléatoire. Le recours à de tels procédés, en raison de cette insécurité juridi-
que, n'est pas sans danger, plus encore pour l'employeur que pour Ie travailleur.

Tout en luttant contre certaines manières de choisir la voie la moins


imposée, Ie législateur crée souvent lui-même, consciemment ou non, de
nouvelles possibilités de bénéficier de régimes fiscaux plus favorables. Il en
est par exemple ainsi des avantages sociaux, même dans leur régime actuel,
ou, d'une manière beaucoup plus équivoque, du régime fiscal des options
sur actions.

On observe même que, dans des cas ou Ie législateur a formellement


exclu certains avantages fiscaux, l'administration en admet néanmoins certains
d'entre eux, par voie de dispositions administratives contra legem (voy. Ie
cas des avantages sociaux néanmoins immunisés).
169~

Enfin, la manière même dont l'administration réagit aux initiatives,


parfois pleines d'imagination, des employeurs et des travailleurs pour réduire
l'imposition, ne peut que confirmer Ie principe du choix licite de la voie la
moins imposée. L'administration ne songe en effet jamais à invoquer la théorie
de la fraude à la loi, ni celle de la prétendue «réalité économique» pour contester
Ie régime fiscal auquel prétend un contribuable en transformant une aug-
mentation de salaire en l'octroi d'un autre avantage.

Sa réaction est toujours de faire modifier la loi, et de confirmer ainsi


implicitement que sans cette modification, Ie recours, même plein d'astu-
ces et d'originalité, au choix de la voie la moins imposée est licite.
L'UTILISATION DE SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES PAR DES RÉSIDENTS
BELGES EN VUE D'EVITER L'IMPÖT BELGE

par

Jean-Pierre LAGAE

Avocat au Barreau de Bruxelles


Professeur, Katholieke Universiteit Leuven
INTRODUCTION*

L'utilisation d'une société beige permet dans certains cas d'éviter ou


de réduire l'impöt beige. L'utilisation d'une société de droit étranger ouvre
des perspectives bien plus importantes et bien plus nombreuses. En effet,
elle permet de combiner les avantages que présentent les législations fisca-
les étrangères avec ceux qui résultent de l'utilisation d'une société.

C'est la diversité des systèmes fiscaux nationaux qui rend l'utilisation


d'une société étrangère souvent fiscalement rentable. L'effort des contri-
buables de tirer profit de cette diversité est souvent désigné sous Ie terme
de «planification fiscale internationale» (international tax planning).

La planification fiscale visée dans Ie rapport concerne l'utilisation, dans


Ie respect du principe de «la liberté du choix de la voie la moins imposée»,
d'une entité juridique étrangère distincte par un individu ou une personne
morale soumis à l'impöt beige sur son revenu mondial.

Les trusts, partnerships ou autres organismes ne constituant pas une


entité juridique distincte du point de vue du droit étranger des sociétés (Il,
sont donc exclus du champ du présent rapport.

L'entité juridique distincte est, par hypothèse, constituée de façon régulière


à l'étranger et les «utilisateurs» respectent toutes les conséquences attachées
aux actes qu'ils ont posés (2)_

L'utilisation d'une société étrangère permet à un contribuable beige


d'éviter l'impöt beige en soustrayant une partie de son revenu à la souve-
raineté fiscale beige et en la soumettant à une souveraineté fiscale étrangè-
re, ce qui, par hypothèse, a des conséquences fiscales plus favorables. La
société étrangère recueille donc des revenus qui, sans l'interposition d'une
société, devraient échoir directement au contribuable beige.

Dans une première partie, Ie présent rapport tend à exposer d'une manière
pratique les mécanismes mis en ceuvre et leurs conséquences en droit fiscal
beige. Vu la grande diversité des législations étrangères, il est exclu d' explorer
toutes les possibilités offertes par l'utilisation de sociétés à l'étranger. Le
(1) Sous réserve de controverses quant à la qualification d'entité juridique distincte de
quelques entités étrangères, tel Ie partnership.
(2) Cass., 6 juin 1961 (S.A. Brepols c. Etat beige), Pas., 1961, 1, 1082; cf. deuxième cha-
pitre du présent rapport, infra, 197 et sq.
174

rapport se bornera à donner un aperçu des mécanismes les plus fréquem-


ment mis en reuvre dans ce domaine par des personnes physiques ou morales
belges afin de diminuer la charge des impöts belges sur les revenus.

La planification fiscale analysée dans Ie rapport est rentable pour Ie


contribuable mais nuit au Trésor beige. Il est donc normal que Ie fisc et Ie
législateur belges aient réagi et pris des mesures. Un bref aperçu, forcément
incomplet, de ces mesures fait l'objet de la deuxième partie du rapport.

Enfin, dans une troisième partie, l'utilisation des mécanismes et les écueils
à éviter sont illustrés dans deux cas spécifiques, à savoir la société étrangè-
re de services et la société étrangère de placements mobiliers.

* Le présent rapport a été établi avec la collaboration de Ignace Behaeghe


et Paul Tulcinsky, Avocats.

* * *
CHAPITRE I

AVANT AGES DE L'UTILISATION DE SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES

1. - Généralités

A. - Aperçu des principaux avantages

L'utilisation d'une société étrangère présente en principe les mêmes avan-


tages que l'utilisation d'une société beige (3)_ Elle présente en outre d'autres
avantages.

Parmi les principaux avantages spécifiques que présente l'utilisation


d'une société étrangère, il convient de mentionner tout particulièrement:
l'imposition moins élevée, l'imposition différée, la transformation ou requa-
lification des revenus <4> et l'utilisation de conventions de double imposi-
tion plus favorables.

Le présent rapport n'analyse que ces avantages spécifiques. Ces avantages


seront décrits isolément, alors que, dans la pratique, les utilisateurs tente-
ront de les combiner <5>_

Il peut être utile de souligner que, par l'utilisation d'une société étran-
gère, on se place dans un contexte international suite à l'introduction d'un
élément d'extranéité. Ce nouveau contexte restreint les avantages liés à l'uti-
lisation de la société étrangère dans certains cas. Ainsi, Ie transfert d'une
entreprise individuelle située en Belgique ou d'un patrimoine immobilier
de familie situé en Belgique à une société étrangère ne sera, dans de nom-
breux cas, pas justifié ou rentable d'un point de vue fiscal.

(3) Les avantages de la création et de l'utilisation d'une société beige sont analysés dans
d'autres rapports présentés lors de ce recyclage. Parmi ces avantages, !'on peut mentionner
les suivants: l'éclatement du revenu entre deux contribuables et, par conséquent, la réduction
de la progressivité de l'impöt des personnes physiques, l'étalement des bénéfices, la réalisa-
tion de plus-values taxables à taux réduit ou non-taxables, l'amortissement par la société sur
une base réévaluée, la transformation des revenus, etc.
(4) La transformation ou requalification des revenus n'est pas un avantage propre à l'utilisation
d'une société étrangère. L'utilisation d'une société étrangère permet toutefois de donner à eet
avantage une toute autre dimension, qui justifie !'analyse de eet avantage.
(5) Cf. cas d'application étudiés dans Ie troisième chapitre du présent rapport. Infra, 225
et sq.
176

B. - Conditions auxquelles l'entité étrangère doit répondre

Le but principal de la constitution d'une société à l'étranger consiste


donc, du moins dans Ie cadre du présent rapport, à soustraire, d'une manière
légale, des revenus à l'impöt beige. La réalisation de eet objectif principal
n'est possible que si certaines conditions sont remplies (fi):

(i) L 'entité étrangère doit constituer une entité distincte de ses fondateurs
ou de ses membres belges.

En effet, si l'entité étrangère n'est pas considérée comme ayant une


personnalité juridique et un patrimoine distincts de ceux de ses fon-
dateurs oude ses membres, les revenus recueillis par l'entité étrangère
seront censés être reçus directement par ses fondateurs ou par ses membres
et, par conséquent, soumis à l'imposition beige dans Ie chef de ceux-ci.

(ii) La société étrangère doit, de préférence, être établie dans un pays oû.
tout ou partie de ses revenus bénéficie d'une imposition faible, ou même
d'une exonération d'impöt (7)_

Ace propos, on se réfère souvent aux pays qualifiés de «pays refuges»


oude «paradis fiscaux». Quoiqu'il soit impossible de formuler une défi-
nition objective et claire du concept de «paradis fiscal», un tel pays
est réputé:

- soit appliquer aucun impöt direct sur !'ensemble des revenus;

- soit imposer les revenus à des taux substantiellement inférieurs


à ceux qui sont appliqués par Ie pays dont les résidents ont recours au
«paradis fiscal» <n.

Cependant, la société étrangère peut aussi bien être établie dans un pays
(6) Cf. SPRUYT, A., «Base companies»: fiscaaljuridische analyse, Bruxelles, Bruylant,
1986, nos 69-85, p. 95-114.
(7) Contra SPRUYT, A., o.c., nos 51-56, p. 69-76. Remarquons que eet auteur ne retient
pas l'établissement de la société dans un pays à faible imposition comme un élément détermi-
nant de la définition d'une «base company». Toutefois, dans l'hypothèse ou l'objectif pour-
suivi est l'atténuation de la charge fiscale par une planification fiscale internationale, l'importance
de cette condition ne pourrait être niée.
(8) O.C.D.E., L'évasion et la fraude fiscales internationales, Rapport du Comité des Affaires
Fiscales de l'O.C.D.E., Paris, Publications de l'O.C.D.E., 1987, n° 13, p. 22; Commentaire
du Code des impöts sur les revenus (ei-après «Com.I.R.»), n° 24/19 et n° 44/67.3.
177

caractérisé par un niveau d'imposition relativement élevé et même com-


parable au niveau d'imposition belge, mais ou:

- soit certains revenus sont soumis à des taux d'imposition insi-


gnifiants ou bénéficient même d'une exonération totale d'impöt (9 >;

- soit certains types de sociétés bénéficient d'un régime fiscal favo-


rable, ce qui implique que la totalité de leurs revenus sont quasi-exonérés
d'impöts (I 0 >.

(iii) La société étrangère doit être contrölée par des intérêts belges qui y dis-
posent d'une influence prépondérante afin de pouvoir déterminer l'affec-
tation des revenus recueillis par la société étrangère.

Il n'est toutefois pas requis que la société étrangère soit contrölée par
des intérêts belges lorsque la politique d'affectation des revenus de la
société étrangère correspond à l'objectif poursuivi par Ie contribua-
ble actionnaire beige (11 >.

(9) Tel est, par exemple, Ie cas pour les dividendes reçus par une société par actions éta-
blie aux Pays-Bas. La législation fiscale des Pays-Bas ne connaît pas de régime spécifique pour
les sociétés holdings. Cependant, les dividendes reçus par une société par actions néerlandaise
sont exclus du bénéfice imposable de la société à condition que:
- la société néerlandaise détienne au moins 5 % des actions des sociétés qui distribuent les
dividendes;

- la participation ait été détenue par la société néerlandaise sans interruption depuis Ie début
de l'exercice ;

- les sociétés qui distribuent les dividendes soient soumises à un régime normal d'imposition
à l'étranger ;

- les participations ne soient pas détenues par la société néerlandaise uniquement comme des
placements.

Ce régime spécifique est connu sous Ie nom d'«exonération de participation» («deelnemings-


vrijstelling»).
(10) Tel est notamment Ie cas, sous certaines conditions, des sociétés holdings luxembour-
geoises ou suisses, des centres de coordination belges, etc.
( 11) Tel est notamment Ie cas de certaines sociétés étrangères de placements. Cf. cas d'appli-
cation étudiés dans Ie troisième chapitre du présent rapport. Infra, 237 et sq. (sp. 242).
178

2. - Analyse des avantages

A. - Imposition moins élevée

Le premier - et probablement Ie principal - objectif qu'un contribua-


ble peut poursuivre en constituant une société à l'étranger est de tirer pro-
fit de la fiscalité mains élevée du pays étranger, soit sur les revenus recueillis
par la société étrangère, soit sur les dépenses payées par la société étrangère.

Si Ie contribuable souhaite tirer parti de la législation fiscale étrangère


en ce qui concerne les revenus recueillis par la société étrangère, il transfé-
rera les revenus qu'il devrait normalement recueillir lui-même et qui seraient
soumis à imposition en Belgique, à une société étrangère bénéficiant d'une
imposition plus favorable. A cette fin, Ie contribuable a Ie choix entre les
méthodes de transfert «direct» et les méthodes de transfert «indirect».

Si Ie contribuable souhaite tirer profit de la législation fiscale étrangè-


re en ce qui concerne les dépenses payées par la société étrangère, il trans-
férera ses dépenses à une société étrangère, c.-à-d. fera transiter ses dépenses
par une telle société.

1. Transferts àe revenus

a. Les méthodes de transfert «direct»

Le transfert «direct» de revenus consiste en la cession par Ie contri-


buable beige à la société étrangère de biens générateurs des revenus. Après
la cession, les revenus seront recueillis directement par la société étrangè-
re, et non plus par Ie cédant beige.

Dans ce cadre, différentes modalités peuvent être envisagées:

- Le résident beige, qui exerce une activité commerciale, transfère la totalité


de son entreprise ou une branche d'activité de cette entreprise à une société
étrangère. Les bénéfices commerciaux de cette entreprise ou de cette branche
d'activité seront dorénavant réalisés par la société étrangère et ne seront
plus passibles de l'impöt beige, à condition bien sûr que la présence résiduelle
en Belgique ne puisse être considérée comme constitutive d'un «établis-
sement stable» (si la société étrangère est établie dans un pays avec lequel
la Belgique a conclu une convention de double imposition) (121 ou d'un
179

«établissement beige» (en l'absence de convention de double impo-


sition) <13 ).

- Le résident beige, propriétaire de valeurs mobilières, fait apport de ses


valeurs à une société étrangère qu'il controle et qui, par la suite, recueille
les dividendes et intérêts.

- Le résident beige cède les droits de propriété intellectuelle ou Ie «know-


how» dont il est titulaire, à une société étrangère; les redevances et au tres
revenus similaires sont ainsi versés à cette société.

- Le résident beige transfère des liquidités à une société étrangère qui prend
en charge la gestion et Ie placement de ces fonds, par exemple en accor-
dant des prêts, soit au contribuable beige, soit à des sociétés affiliées.
Ceci a pour conséquence que les revenus produits par les liquidités ainsi
placées seront recueillis, non pas par Ie résident beige, mais par la socié-
té étrangère.

Exemple n° 1
(i) Une société beige est titulaire d'un brevet d'invention, qui est, d'une part,
utilisé par la société beige pour la production en Belgique et, d'autre part,
concédé par licences à différentes sociétés étrangères. La société beige
perçoit des redevances pour la concession du brevet.

bénéfice brut d'origine beige 75


14
redevances d'origine étrangère < i 25
bénéfice brut total 100
charges professionnelles (50)
bénéfice avant impöt 50
impöt des sociétés (43 %) (21,5)
bénéfice après impöt 29,5

(ii) La société beige fait apport du brevet d'invention à une société suis-
se bénéficiant d'une exonération d'impöts cantonnaux et commu-

(12) Article 7 §2 de la convention-modèle de l'O.C.D.E.


(13) Article 148 2° juncto article 140 §3 C.l.R.
(14) Il est supposé que les redevances n'ont pas été soumises à l'étranger à une imposi-
tion à la source. Par conséquent, elles sont imposables en Belgique sans l'imputation de la «quotité
forfaitaire d'impöt étranger» (Q.F.1.E.) (article 187 C.I.R., a contrario).
180

naux sur ses revenus étrangers (Domizilgesellschaft) (l 5 l. Cette société


suisse reste toutefois passible de l'impöt fédéral sur ses revenus
(dont il est tenu compte au taux maxima!, soit 9,8%). La société
beige reçoit une concession de licence, en vertu de laquelle elle est
tenue de payer une redevance annuelle. La société suisse recueille
des redevances d'origines beige et étrangère.

Belgique:
bénéfice brut 75
redevances dues (20)
autres charges professionnelles (50)
bénéfice avant impöt 5
impöt des sociétés (43 %) (2, 15)
bénéfice après impöt 2,85

Suisse:
redevances reçues de pays, autres que la Belgique 25
redevance d'origine beige 06 l 20
bénéfice avant impöt 45
impöt fédéral (9,8%) (4,41)
impöt cantonal (0)
bénéfice après impöt 40,59

Les redevances sont soumises en Suisse à un impöt de 9,8 OJo, alors qu' en
Belgique elles seraient soumises à l 'impöt des sociétés au taux de 43 OJo.
En outre, en payant une redevance à la société suisse, la société beige
diminue ses revenus imposables.

Le bénéfice total après impöts s'élève à 2,85 + 40,59 = 43,44 après Ie


transfert (hypothèse ii), à comparer avec 29,5 avant Ie transfert (hypo-
thèse i) (l 7 l.

(15) Guides to European taxation, The taxation of companies in Europe, International


Bureau of Fiscal Documentation (ed.), Vol. III, v Switzerland, nos 557-569, p. 135-137; Bianchi,
0

S., Business operations in Switzerland, in Foreign Income Portfolios, Tax Management Ine.
(ed.),A-27.
( 16) En vertu de l'article 12 § 1 de la convent ion de double imposition conclue entre la
Belgique et la Suisse, les redevances d'origine beige ne sont pas soumises au précompte mobi-
lier beige.
(17) Notons toutefois qu'un tel procédé risque de tomber sous l'application des articles
24, 46 et 250 C.l.R. et des dispositions spécifiques de la convention belgo-suisse relatives à
l'usage «abusif» de cette convention. Cf. deuxième chapitre du présent rapport, infra, 197 et sq.
181

b. Les méthodes de transfert «indirect»

Comme la société étrangère et Ie résident beige sont des personnes qui,


d'un point de vue juridique, sont autonomes, ils peuvent conclure entre eux
des contrats de vente ou de prestations de services.

Cependant, Ie résident beige peut déterminer Ie contenu et les condi-


tions de ces contrats, en raison précisément du controle qu'il exerce sur la
gestion de la société étrangère osi. Il peut délibérément gonfler ou réduire
les prix de manière à déplacer, sous Ie couvert du prix de vente des produits
ou des prestations, des bénéfices de la Belgique vers l'étranger. Le terme
«politique de prix de transfert» («transfer-pricing policy») est fréquemment
utilisé afin de décrire un tel transfert de bénéfices entre sociétés apparen-
tées <19l.

Le transfert «indirect» de revenus peut être Ie résultat (20 l:

- soit d'un manque à gagner accepté par Ie contribuable beige qui ne réclame
aucune rémunération ou une rémunération inférieure à la rémunération
normale pour des produits vendus ou des prestations fournies à la société
étrangère, c.-à-d. que Ie contribuable se prive délibérément d'un profit
qui aurait dû normalement lui revenir;

- soit d'une charge ou dépense excessive grevant les revenus imposables


du contribuable beige au profit de la société étrangère.

A !'origine, Ie tranfert de bénéfices vers des sociétés établies dans des


pays à faible imposition se réalisait surtout par des ventes entre sociétés appa-
rentées (c.-à-d. lors de la (re)vente de marchandises et de biens d'investis-
sement). De nos jours, la politique de prix de transfert est également appliquée
à diverses prestations de services entre sociétés liées. D'une manière géné-
rale, les sociétés concernées peuvent se rendre (éventuellement de manière
réciproque) les services suivants (21 i:

(18) Supra, 178.


(19) O.C.D.E., Prix de transfert et entreprises multinationales, Rapport du Comité des
Affaires Fiscales de l'O.C.D.E., Paris, Publications de l'O.C.D.E., 1979, nos 1-2, p. 7-8.
(20) JANS, Ph., Les transferts indirects de bénéfices entre sociétés interdépendantes, Bruxelles,
Bruylant, 1976, nos 1-4, p. 26-27.
(21) O.C.D.E., Prix de transfert et entreprises multinationales. Trois études fiscales, Rapports
du Comité des Affaires Fiscales de l'O.C.D.E., Paris, Publications de l'O.C.D.E., Paris, 1984,
n° 3, p. 75-76.
182

- des services de caractère administratif, tels la planification, Ie controle


budgétaire, les conseils en matières financière, fiscale, juridique ou infor-
matique, etc.;

- des services relatifs au personnel, tels Ie recrutement, la formation, etc. ;

- l'assistance dans Ie domaine de la production, des achats, de la distri-


bution, etc.;

- des services de recherche scientifique.

Exemple n° 2:

(i) Une société de production établie en Belgique commercialise elle-même


ses produits sur Ie marché européen.

frais de production 100


marge bénéficiaire 50
prix de vente 150
bénéfice avant impöt 50
impöt des sociétés (43 %) (21,5)
bénéfice après impöt 28,5

(ii) La même société beige constitue une société de distribution internatio-


nale en Suisse. Sous certaines conditions, une telle société, contrölée par
des intérêts étrangers et ne recevant que des bénéfices commerciaux d'origine
étrangère, n'est pas soumise en Suisse aux impöts cantonnaux sur les
revenus ou n'est soumise à de tels impöts que sur une fraction minime
de ses bénéfices commerciaux. Cette société de distribution internatio-
nale demeure soumise à l'impöt fédéral suisse (au taux maxima! de 9,8 OJo
dans l'exemple) sur ses revenus (22)_

A supposer que la société beige vende ses produits à la société suisse à


un prix qui est égal au prix de revient majoré d'une marge bénéficiaire
de 10 et que la société de distribution suisse applique une marge bénéfi-
ciaire de 40, la structure modifiée donne Ie bénéfice après impöt suivant:

(22) Guides to European taxation, The taxation of companies in Europe, o.c., n° 606,
p. 139; BIANCHI, S., o.c., A-28.
183

Belgique:
frais de production 100
marge bénéficiaire 10
prix de vente 110
bénéfice avant impöt 10
impöt des sociétés (43 OJo) (4,3)
bénéfice après impöt 5,7
Suisse:
frais d'achat 110
marge bénéficiaire 40
prix de revente 150
bénéfice avant impöt 40
impöt fédéral (9,8 OJo) (3,92)
impöt cantonal (0)
bénéfice après impöt 36,08
En constituant une société étrangère, la société belge a dorre pu transfé-
rér une partie de son bénéfice vers la Suisse 011 ce type de revenus béné-
ficie d'un régime fiscal favorable. Le bénéfice total après impöts est plus
élevé (5,7 + 36,08 = 41,78) que dans l'hypothèse 011 la totalité du bénéfice
commercial est réalisée par la société productrice belge elle-même (28,5).

2. Transferts de dépenses
L'entreprise belge qui encourt des dépenses doit, dans certains cas, faire
face à des obligations fiscales qu'elle estime trop onéreuses, sinon intolé-
rables. Parmi ces obligations fiscales, il convient de mentionner tout parti-
culièrement les retenues à la source et la non-déductibilité de certaines dépenses.
a. Retenues à la source
Sauf disposition contraire soit dans la législation interne, soit dans les
conventions de double imposition, l'entreprise Beige qui verse des intérêts
ou des redevances (produits de la concession de biens mobiliers) à un non-
résident, est tenue de retenir un précompte mobilier de 25 OJo ml_

(23) Articles 164 à 174 C.l.R. Les principales exceptions prévues par la législation inter-
ne sont formulées par les articles 169 à 170 C.l.R. et 87 à 97ter del' Arrêté Royal d'exécution
du Code des impöts sur les revenus (ei-après «A.1.R.»). Il convient de mentionner également
l'exonération du précompte mobilier accordée aux intérêts et redevances payés par une socié-
té établie dans une zone d' emploi ou par un centre de coordination agréé conformément à l' Arrêté
Royal n ° 187 du 30 décembre 1982 (Article 29 de la loi du 11 avril 1983 portant des disposi-
tions fiscales et budgétaires (M.B., 16 avril 1983), tel que modifié en dernier lieu par l'article
43 de la loi du 4 août 1986 portant des dispositions fiscales (M.B., 20 août 1986)).
184

La retenue du précompte mobilier réduit Ie rendement net pour Ie créancier


ou concédant étranger. Ce dernier tentera, dès Iors, de répercuter la char-
ge de ce précompte sur !' entreprise beige en stipulant un intérêt ou une redevance
nets.

L'entreprise beige peut tenter d'éviter cette retenue à la source en uti-


Iisant une société étrangère. Cette société étrangère doit être établie dans
un pays qui, soit ne perçoit pas de retenue à Ia source sur les intérêts ou rede-
vances, soit a conclu une convention de double imposition avec Ie pays de
résidence du créancier ou concédant prévoyant une exonération des inté-
rêts et redevances dans Ie pays de la source. Le but sera toutefois atteint
dans la mesure seulement ou aucun précompte ne doit être retenu par l'entre-
prise beige sur les intérêts et redevances qu'elle verse à la société étrangère.
Tel peut être Ie cas, si la Belgique a signé une convention de double imposi-
tion avec l'Etat du siège de la société étrangère prévoyant une exonération
dans Ie pays de la source.

L'utilisation d'une société étrangère afin d'éviter la retenue à la sour-


ce sur les intérêts versés à des non-résidents a été pratiquée par de nombreuses
sociétés belges qui ont établi une société aux Pays-Bas qui procédait à l'émission
ou au placement d'emprunts et qui prêtait les capitaux empruntés à la société
beige. Aucun précompte n'est dû, à certaines conditions, sur les intérêts versés
par la société beige à la société néerlandaise en vertu de la convention de
double imposition conclue entre Ia Belgique et les Pays-Bas <24>_ Aucune rete-
nue à la source n'est due, en vertu de la législation interne des Pays-Bas,
par Ia société néerlandaise sur les intérêts qu'elle verse à ses prêteurs.

b. Non-déductibilité des dépenses

Certaines dépenses ne sont pas déductibles ou ne sont déductibles que


sur production de certains documents <25 >. Quelques dépenses non justifiées
font l'objet d'une cotisation spéciale à l'impöt des sociétés (cotisation spé-
ciale sur commissions secrètes) <26 >.

L'entreprise beige pourra tenter d'échapper à cette non-déductibilité

(24) Article 11 §3 de la convention de double imposition conclue entre la Belgique et les


Pays-Bas. Cette exonération de retenue du précompte mobilier n'est prévue qu'à condition
que la participation du débiteur dans Ie capita! social du créancier, ou vice-versa, ne soit supé-
rieure à 25 "7o (Article 11 §4 2° de la même convention).
(25) Articles 47, 50, 50bis et 109 C.I.R.
(26) Article 132 C.I.R.
185

et à la cotisation spéciale sur commissions secrètes en mettant ces dépenses


à charge d'une société étrangère établie dans un pays quine prévoit pas de
telles restrictions en matière de déductibilité. La société étrangère devra toutefois
réaliser des bénéfices desquels elle déduira ces dépenses. A cette fin, un transfert
indirect de revenus peut être envisagé.

B. - Imposition différée («tax deferral»)

1. Report de l'imposition

Un résident beige n'est passible de l'impöt beige que sur les revenus
qu'il a réalisés ou recueillis, ou qu'il est censé avoir réalisés ou recueillis.

Dès lors, Ie résident beige peut envisager la constitution d'une société


étrangère qui réserve ou «accumule» les revenus afin de retarder l'imposi-
tion de ces revenus en Belgique.

En effet, les revenus étrangers recueillis par la société étrangère ne seront


plus censés être «réalisés ou recueillis» par un résident beige, et ne seront,
dès tors, pas soumis à l'impöt beige mais à un impöt étranger (plus faible
par hypothèse). Au moment seulement 011 les revenus accumulés par la société
étrangère sont redistribués aux résidents belges - sous quelque forme que
ce soit - ces revenus deviennent, en principe, imposables en Belgique.

Entretemps, la société étrangère peut réinvestir les bénéfices accumu-


lés, en ce compris l'économie d'impöt (à savoir la différence entre l'impöt
éventuellement dû par la société étrangère et l'impöt qui aurait dû être payé
si les revenus avaient été recueillis directement par Ie contribuable beige).
Un tel procédé augmente considérablement les moyens d'investissement ou
de placement du résident beige. En outre, si Ie réinvestissement prend la forme
de prêts consentis par la société étrangère au résident beige, ce dernier peut
transférer à l'étranger une autre partie de ses bénéfices imposables sous forme
d'intérêts payés à la société étrangère (créancier étranger) établie dans un
pays 011 ces intérêts bénéficient d'un régime fiscal favorable.

2. Rapatriement des bénéfices accumulés - réalisation des plus-values

Le report de l'imposition, qui n'est que temporaire - car lié à la non-


redistribution des revenus par la société étrangère - devrait pouvoir être combiné
avec d'autres méthodes de planification fiscale afin d'éviter oude diminuer
la charge fiscale beige au moment de la distribution ultérieure de ces reve-
186

nus vers la Belgique. En évitant l'imposition en Belgique lors de leur distri-


bution, ces revenus bénéficient d'une protection «au second degré» (271 , après
avoir été accumulés dans la société étrangère sournise à un faible niveau d'irnpo-
sition. Il en est de même si les plus-values réalisées lors de la cession des actions
dans la société ne sont pas imposées en Belgique.

L'«émigration fiscale» du contribuable beige concerné constitue une


première technique - quelque peu extrême. Si le contribuable déplace son
domicile fiscal vers un pays refuge, les revenus accumulés au sein de la société
pourront être distribués au contribuable émigré en exonération de tout impöt
beige. En effet, à condition que l'actionnaire beige ne conserve aucun lien
effectif avec le territoire beige, il n'est plus censé être un «résident» beige,
et il n'est donc plus assujetti en Belgique à l'impöt sur ses revenus d'origi-
ne étrangère.

En ce qui concerne les personnes physiques, !' «émigration fiscale» exige


qu'un tel «émigré fiscal» («tax exile») (281 ne conserve ni son domicile ni le
siège de sa fortune en Belgique <29 >_ Dans le cas d'une société, l'«émigration
fiscale» exige le déplacement à l'étranger non seulement de son siège statu-
taire, mais également de son principal siège administratif. Dans l'état actuel
de la jurisprudence administrative, !' «émigration fiscale» d'une société ne
sera guère envisagée, car Ie transfert du siège social, c.-à-d. du principal éta-
blissement administratif de la société, implique la dissolution et la liquida-
tion de la société et, par conséquent, l'établissement de la cotisation spéciale
à l'impöt des sociétés prévue par l'article 118 C.I.R. en cas de liquidation
et partage de l'avoir d'une société (30>.

Une autre technique consiste en la redistribution des revenus accumulés


par la société étrangère sous une qualification différente de celle sous laquelle
ces revenus ont été recueillis par la société étrangère <31 >. Cette technique peut
être utilisée pour autant que l'imposition beige sur les revenus ainsi «trans-
formés» soit dans le chef des bénéficiaires belges moins lourde que l'impo-
sition qu'auraient subie ces revenus s'ils avaient été recueillis directement (c.-à-d.
avant leur transformation) par les mêmes bénéficiaires.
(27) O.C.D.E., L'évasion et la fraude fiscales internationales, o.c., 26.
(28) International Tax Avoidance, Rotterdam Institute for Fiscal Studies (ed.), Vol. I,
Deventer, Kluwer, 1979, 31.
(29) Article 3 1° C.I.R.
(30) Q. et R. Pari., Sénat, 1979-1980, 22 janvier 1980, 656 (Question n° 47 VANDER-
POORTEN).
(31) Infra, 188.
187

Un troisième procédé permettant d'éviter ou d'atténuer l'imposition


beige sur les revenus accumulés à l'étranger lors de leur rapatriement vers
la Belgique, consiste à aliéner la participation dans la société étrangère. La
plus-value ainsi réalisée par l'actionnaire beige - dont Ie montant est nor-
malement égal au montant des revenus accumulés - n'est, en principe, pas
imposable lorsqu'elle est réalisée par un actionnaire personne physique <32 l
ou par un actionnaire personne morale soumise à I'impöt des personnes morales
(ei-après «l.P.M.») <33 l_ Elle peut être soumise au régime des plus-values
(taux réduit ou exonération) réalisées par un actionnaire-société 0 4 l.

Un quatrième procédé de rapatriement des revenus accumulés est constitué


par Ie rachat d'actions par la société étrangère. Les revenus recueillis par
I' actionnaire beige à I' occasion du rachat d'actions par la société étrangère
ne sont pas imposables si l'actionnaire est une personne physique agissant
à titre privé 0 5l ou une personne morale soumise à l'I.P.M. <36 l. Les reve-
nus recueillis à cette occasion par une société sont imposables, mais peu-
vent éventuellement bénéficier du régime des plus-values (taux réduit ou
exonération) <37 l.

Un cinquième et dernier procédé vise la Iiquidation de la société étrangère.


En effet, les plus-values réalisées Iors de la liquidation d'une société étran-
gère ne sont, tout comme dans Ie cas du rachat d'actions, pas imposables
lorsque I'actionnaire beige est une personne physique - agissant à titre pri-
vé <35l_ ou une personne morale soumise à l'I.P.M. <36l. Lorsqu'elles sont réa-
lisées par une société beige, elles peuvent éventuellement bénéficier du régime
des plus-values (taux réduit ou exonération) (37)_

Les trois derniers procédés ne seront guère utilisés par les sociétés bel-
ges, qui opteront de préférence pour la distribution des revenus accumulés
sous forme de dividendes qui bénéficient de Ia déduction de «revenus défi-
nitivement taxés», analysée ei-après <3sJ.
(32) Article 67 1° C.l.R. (plus-values réalisées dans Ie cadre de la gestion normale du patrimoine
privé).
(33) Article 137 C.I.R. a contrario.
(34) Article 130 juncto article 93 § 1 2° a) C.l.R.; article 36 juncto article 105 C.l.R.; Com.
!.R., n° 19/4 2°.
(35) Article 19 2° C.l.R.
(36) Article 137 C.I.R. a contrario
(37) Article 130 juncto article 93 § 1 2° a) C.I.R.; article 36 juncto article 105 C.l.R.; Com.
!.R., n° 19/4 2°.
(38) Infra, 240
188

Les divers modes de rapatriement des bénéfices sont analysés de façon


plus détaillée dans les cas d'application commentés dans la troisième par-
tie <39 i_

C. - Transformation ou requalification des revenus

1. Principe

Le statut fiscal des différentes catégories de revenus qu'un contribua-


ble beige peut recueillir est, en premier lieu, déterminé par la nature juridi-
que et fiscale de ces revenus dans Ie chef de leur bénéficiaire.

Le système beige de l'impöt sur les revenus des personnes physiques


(ei-après «I.P .P.») connaît quatre catégories de revenus: les «revenus des
propriétés foncières», les «revenus et produits des capitaux et biens mobi-
liers», les «revenus professionnels» et «les revenus divers» <40 l. Certaines
de ces catégories sont subdivisées en sous-catégories <41 l.

Des règles spécifiques, soit en matière de détermination de la base impo-


sable, soit en matière de taux et/oude calcul de l'impöt, s'appliquent à chacune
de ces catégories et de ces sous-catégories.

Par conséquent, Ie contribuable peut faire transiter les revenus, qui nor-
malement devraient lui être directement attribués, par une société étrangè-
re dont la fonction essentielle est de «transformer» ou de «requalifier» les
revenus, c.-à-d. de modifier la qualification juridique et fiscale de ces revenus.
Dans la mesure ou Ie régime fiscal des revenus «requalifiés» ou «transfor-
més» est plus favorable, Ie transit et la requalification des revenus peuvent
entraîner un avantage fiscal, principalement si la société étrangère est sou-
mise à une imposition faible.

2. Modalités

La transformation peut s'effectuer à deux niveaux:

a. Au niveau de la perception des revenus

Les revenus recueillis par une société sont, en droit fiscal beige ainsi
(39) lnfra, 225 et sq.
(40) Article 6 C.l.R.
(41) Cf., entre autres, article 20 C.l.R.
189

que pour l'application des conventions de double imposition, qualifiés de


bénéfices d'exploitation ou d'entreprise, alors que les mêmes revenus seraient
qualifiés de rémunérations oude profits d'occupations indépendantes s'ils
avaient été recueillis par une personne physique.
Or, les critères de rattachement utilisés par un pays pour l'imposition
des revenus recueillis par des non-résidents varient selon que ces revenus
constituent des rémunérations, des bénéfices d'entreprise ou des profits d'occu-
pations indépendantes.
En règle générale, les critères de rattachement sont plus stricts pour
les bénéfices d'exploitation ou d'entreprise (établissement beige ou stable)
que pour les rémunérations des salariés (domicile ou établissement de
l'employeur ou lieu de l'exercice d'activités) ou des profits d'occupations
indépendantes (lieu de l'exercice d'activités ou base fixe).
L'utilisation d'une société permet de requalifier les revenus au niveau
de la perception et de les soustraire ainsi à l'imposition dans Ie pays d'origine.
Il est évident que cette transformation des revenus au niveau de la per-
ception suppose que l'activité était antérieurement exercée par une personne
physique. Elle n'intéresse donc nullement une société beige qui souhaite utiliser
une société étrangère.

b. Au niveau de la distribution des revenus


La transformation des revenus au niveau de la distribution est de loin
la plus importante et la plus fréquemment utilisée.
Les revenus recueillis par une société peuvent, lors de leur distribution,
être transformés notamment en dividendes, rémunérations d'associé actif
ou d'administrateur, prix de rachat d'actions ou bonis de liquidation.
Le régime fiscal des revenus requalifiés dans Ie chef du bénéficiaire beige
dépendra du stat ut fiscal de ce dernier. La requalification variera donc selon
que Ie bénéficiaire est une personne physique, une société ou une personne
morale soumise à l'I.P.M.
Des exemples de transformation ont été mentionnés ci-dessus lors de
la description des procédés de rapatriement des bénéfices qui ont été accu-
mulés à l'étranger afin de différer l'imposition en Belgique (42 >. Deux exem-
ples classiques de transformation sont développés ei-après. D'autres possibilités
de transformation seront également illustrées dans les cas d'application déve-
loppés dans la troisième partie du rapport (43 l.

(42) Supra, 186 et sq.


(43) lnfra, 225 et sq.
190

Exemple n° 3:

L'utilisation d'une société étrangère, et notamment d'une société de


services étrangère, permet, en ce qui concerne les personnes physiques, une
double transformation des revenus:

(i) au niveau de la perception des revenus par la société étrangère de services:

- les rémunérations d'employés sont transformées en bénéfices d'exploi-


tation ou d'entreprise;

- les profits antérieurement réalisés par des indépendants sont quali-


fiés de bénéfices dans le chef de la société étrangère.

(ii) au niveau de la distribution des revenus par la société étrangère de services:

les revenus - qui, en !'absence de société, seraient qualifiés de rémuné-


rations oude profits - sont tranformés en dividendes, tantièmes, rému-
nérations d'associés actifs ou d'employés, bonis de liquidation ou prix
de rachat d'actions.

De plus amples développements sont consacrés à eet exemple dans la


troisième partie du rapport (44 >_

Exemple n° 4:

Un des procédés les plus fréquemment utilisés par les sociétés belges
consiste à transformer des intérêts, redevances ou bénéfices d'exploitation,
qui reviennent normalement directement à une société beige, en dividen-
des distribués par une société étrangère. En choisissant une société étran-
gère intermédiaire, qui n'est soumise qu'à un niveau d'imposition faible,
l'avantage fiscal pour la société bénéficiaire beige trouve essentiellement
son origine dans le régime de la déduction des revenus définitivement taxés.

(i) Une société holding beige reçoit des intérêts sur emprunt versés par une
société établie aux Pays-Bas:

Le revenu net de eet investissement se calcule de la manière suivante:

(44) lnfra, 225 et sq.


191

intérêts payés par la société néerlandaise l 00


retenue à la source aux Pays-Bas <45 l .o
précompte mobilier belge <46 l 0
intérêts reçus par La société belge 100
intérêts imposables 100
impöt belge des sociétés (43 OJo) (43)
intérêts après impöt 57
(ii) La société belge fait apport de sa créance à une société établie au Grand-
Duché de Luxembourg, qui bénéficie des avantages fiscaux conférés aux
sociétés holdings. Une telle société holding n'est soumise à aucun impöt
sur ses revenus au Luxembourg <47 l. Les intérêts que la société luxem-
bourgeoise recueille sont distribués sous formes de dividendes à la société-
actionnaire belge. Ces dividendes ne sont soumis à aucune retenue à la
source au Luxembourg. Dans Ie chef de la société belge, les dividendes
bénéficient du régime des revenus définitivement taxés.
Le revenu net de eet investissement se calcule de la manière suivante:
intérêts payés par la société néerlandaise 100
retenue à la source aux Pays-Bas <48 ) 0
intérêts reçus par la société holding luxembourgeoise 100
impöt luxembourgeois 0
bénéfice de la société holding luxembourgeoise 100
dividende brut 100
retenue à la source au Luxembourg 0
précompte mobilier beige <49 l 0
dividende reçu par la société beige 100
imposable (5 OJo) 5
impöt des sociétés (43 OJo) (2, 15)
dividende après impöt 97,85
(45) Par application d'une disposition du droit interne néerlandais, aucune retenue à la
source n'est due sur les intérêts versés par un débiteur néerlandais.
(46) Article 89 §2 10° c) A.l.R.
(47) En vertu de la loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929, est considérée comme une société
holding, la société par actions luxembourgeoise qui a pour objectif exclusif la prise de partici-
pations dans d'autres entreprises, luxembourgeoises ou non, et la gestion, ainsi que la mise
en valeur de ces participations de manière qu'elle n'ait pas d'activité industrielle propre et qu'elle
ne tienne pas un établissement commercial ouvert au public. La société holding n'est pas pas-
sible d'un impöt sur ses revenus. Le seul impöt dû est la «taxe d'abonnement annuelle» de
0,2 % sur Ie montant de la valeur moyenne des actions représentant Ie capita! social de la société
holding.
(48) Cf. note 45.
(49) Article 88 §1 A.l.R.
192

Gräce au transit et à la requalification des intérêts par une société hol-


ding luxembourgeoise, la société beige a réalisé une économie fiscale de
97,85 - 57 = 40,85 (50>.

D. - L'utilisation d'un réseau de convention de double imposition


d'un pays tiers.

Le transit de revenus de source étrangère par une société établie dans


un pays tiers peut aussi avoir pour objectif l'utilisation du réseau de con-
ventions de double imposition de ce pays tiers. Cet objectif n'intéresse évi-
demment que le contribuable beige recueillant des revenus d'origine étrangère.

La plupart des pays industrialisés ont conclu des conventions bilaté-


rales tendant à éviter les doubles impositions sur les revenus et la fortune.
U ne convention-modèle a été établie en 1963 au sein du Comité des Affai-
res Fiscales de l'O.C.D.E. (51 >. Cette convention-modèle de 1963 a été rem-
placée par la convention-modèle de 1977 (52 >. La plu part des conventions
bilatérales conclues par les pays membres de l'O.C.D.E. sont conformes
aux principes des conventions-modèles. Elles s'en écartent toutefois surplus
d'un point, notamment en ce qui concerne les taux d'imposition à la source.

Par conséquent, il est possible qu'en faisant transiter ses revenus au


travers d'une société établie dans un pays qui dispose d'un réseau de con-
ventions favorables, Ie contribuable réussisse à atténuer la charge fiscale
sur ses revenus.

Une telle stratégie est fréquemment appelée «tax treaty shopping» ou


«stepping-stone policy» (stratégie de tremplin).

Le transit par une société étrangère établie dans un pays tiers peut être
utile et avantageux dans les situations suivantes:

- Ie contribuable beige reçoit des revenus ayant leur source dans un pays
avec lequel la Belgique n'a pas conclu de convention de double imposi-
(50) Notons toutefois que l'application d'un tel procédé risque d'entrer en ligne pour l'appli-
cation de l'article 250 C.I.R. Infra, 215 et sq.
(51) O.C.D.E., Projet de Convention de double imposition concernant le revenu et la
fortune, Rapport du Comité des Affaires Fiscales de l'O.C.D.E., Paris, Publications de
l'O.C.D.E., 1963.
(52) O.C.D.E., Modèle de Convention de double imposition concernant le revenu et la
fortune, Rapport du Comité des Affaires Fiscales de l'O.C.D.E., Paris, Publications de
l'O.C.D.E., 1977.
193

tion, alors que le pays tiers a conclu une telle convention avec la Belgique;

- la convention de double imposition conclue par le pays tiers avec le pays


de la source des revenus est plus favorable que la convention conclue
par la Belgique avec ce même pays de la source.

Notons enfin que la société étrangère par laquelle les revenus transi-
tent peut, en outre, lors de la redistribution de ces revenus, «requalifier»
ces revenus et ainsi maximaliser l'économie fiscale pour le contribuable belge.

Par ailleurs, en faisant transiter des revenus ayant leur origine dans
un pays à faible imposition par un pays à forte imposition, mais disposant
d'un réseau de conventions favorables, les autorités fiscales belges ignore-
ront !'origine réelle de ces revenus, ce qui empêchera l'application de cer-
taines mesures «anti-fraude».

Dans la mesure ou l'objectifprincipal du contribuable beige est de profiter


du réseau de conventions du pays ou il envisage d'établir une société inter-
médiaire, il y a lieu de tenir compte des éléments suivants:

- Ie tarn:. d'imposition à la source appliqué par Ie pays de la source des revenus


concernés, en tenant compte de la convention de double imposition entre
ce pays et Ie pays du siège de la société intermédiaire;

- le traitement fiscal des revenus recueillis par la société intermédiaire dans


Ie chef de cette société;

- Ie taux d'imposition à la source lors de la redistribution des revenus par


la société intermédiaire;

- Ie traitement fiscal des revenus dans Ie chef du bénéficiaire beige.

Exemple n ° 5 :

(i) Une société belge détient des participations majoritaires (99 % ) dans des
filiales établies en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Suisse et en Autriche.

société beige

filiale filiale filiale filiale filiale


Allemagne Espagne Italie Suisse Autriche
A B C D E
194

En supposant que chaque filiale distribue un dividende brut de 100,


Ie bénéfice de l'actionnaire beige se calcule comme suit:

A B C D E
dividende brut 100 100 100 100 100
retenue à la source étrangère (15) (15) (15) (10) (15)
dividende net 85 85 85 90 85
total 430
imposable (5 OJo) 21,5
impöt des sociétés (43 OJo) (9,24)
bénéfice net 420,76

(ii) La société beige constitue une société holding aux Pays-Bas, qui béné-
fice de la «deelnemingsvrijstelling» <53 > en ce qui concerne les dividen-
des reçus de ses filiales étrangères. Ensuite, les bénéfices de la société
néerlandaise sont redistribués à l'actionnaire beige sous forme de dividendes.

A B C D E
dividende brut 100 100 100 100 100
retenue à la source étrangère (15) (5) 0 0 (10)
dividende net reçu par Ie
holding néerlandais 85 95 100 100 90
total 470
imposable aux Pays-Bas 0
dividende 470
impöt à la source aux Pays-Bas
(5 OJo )(54) (23,5)
dividende reçu par l'actionnaire
beige 446,5
imposable (5 OJo) 22,32
impöt des sociétés (43 OJo) (9,6)
bénéfice net 436,9

L'avantage fiscal réalisé par l'interposition d'une société holding éta-


blie aux Pays-Bas résulte:

(i) des retenues à la source moins élevées, prévues par les conventions con-

(53) Supra, note 9.


(54) Article 10 §2 de la convention de double imposition conclue entre la Belgique et les
Pays-Bas.
195

clues par les Pays-Bas, par rapport à celles prévues dans les conventions
conclues par la Belgique avec les mêmes pays (Espagne: 5 OJo au lieu de
15 OJo ; Italie: 0 OJo au lieu de 15 OJo ; Suisse: 0 OJo au lieu de 10 OJo ; Autri-
che: 10 OJo au lieu de 15 OJo);

(ii) de l'exonération de l'impöt des sociétés accordée aux dividendes reçus


par une société holding aux Pays-Bas.
CHAPITRE II

RISQUES DE L'UTILISATION DE SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES

1. - Aperçu général

Il ressort de la première partie du présent rapport que Ie contribuable


beige qui établit une société à l'étranger, cherche - et réussit souvent -
à éviter ou à réduire l'impöt beige en soustrayant (certains de) ses revenus
à l'imposition en Belgique.

Vu les conséquences budgétaires d'un tel comportement, il est com-


préhensible que Ie législateur ait pris des mesures tendant à Jutter contre certaines
formes d'évasion fiscale internationale et que l'administration fiscale ait
interprété certaines dispositions en vue de réduire les cas d'évasion fiscale
internationale.

Les mesures préventives de l'évasion fiscale peuvent être groupées en


trois catégories <55 ) :

(i) Mesures générales en vue de prévenir l'évasion fiscale

Sont visées les mesures tendant à combattre la fraude ou l'évasion fis-


cale interne (c.-à-d. la fraude ou l'évasion fiscale commise sans utili-
sation d'éléments d'extranéité), dont l'administration fiscale beige pourrait
faire usage dans sa lutte contre la fraude et l'évasion fiscales interna-
tionales. Ces mesures sont, d'une part, relatives à l'application de la
«théorie de la simulation» en droit fiscal. Sont, d'autre part, visées les
notions d' «établissement stable» ou «établissement beige», dont l'appli-
cation permet d'imposer en Belgique certains bénéfices de la société
étrangère.

(ii) Mesures spécifiques nationales contre l'évasion fiscale internationale

Les mesures générales mentionnées ci-dessus se sont avérées, dans bien


des cas, inefficaces. Le législateur beige a, dès lors, unilatéralement adopté
des mesures spécifiques contre l'évasion fiscale internationale. Dans
ce cadre se situent les articles 24, 46 et 250 du C.I.R.

(55) O.C.D.E., L'évasion et la fraude fiscales internationales, o.c., n° 46, p. 30-31.


198

(iii) Mesures spécifiques internationales contre l'évasion fiscale internationale

Cependant, ces mesures spécifiques nationales ne permettent pas de Jutter


efficacement contre certaines utilisations de sociétés étrangères, telle
notamment l'utilisation de «société relais» oude «sociétés-tremplin»
afin de bénéficier d'un réseau de conventions plus favorables («tax treaty
shopping»). Dans cette perspective, certaines conventions de double
imposition refusent aux sociétés étrangères interposées Ie bénéfice des
avantages qu'elles accordent.

Certaines conventions prévoient en outre un échange d'informations


entre les administrations fiscales, de nature à faciliter l'application -
et à accroître l'efficacité - non seulement des mesures internationa-
les, mais également des mesures spécifiques unilatérales contre l'éva-
sion fiscale internationale.

2. - Mesures générales en vue de prévenir l'évasion fiscale

A. - Théorie de Ia simulation

1. Rappel des principes

Comme Ie rapport de Me J. Kirkpatrick est consacré à la «théorie de


la simulation en droit fiscal» et afin d'éviter des doubles emplois et des redites,
Ie présent rapport se bornera à analyser !' application éventuelle de la théo-
rie de la simulation en cas d'utilisation d'une société étrangère.

Il peut, toutefois, être utile de noter que !'analyse qui suit est basée sur
Ie principe de la licéité du choix de la voie la moins imposée tel qu'il a été
reconnu par la Cour de cassation dans !'arrêt Brepols:

«Il n'y ani simulation prohibée à l'égard du fisc, ni partant fraude fiscale,
lorsque en vue de bénéficier d'un régime fiscal plus favorable, les parties,
usant de la liberté des conventions, sans toutefois violer aucune obligation
légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même
si Ia forme qu'elles leur donnent n'est pas la plus normale.»< 56 l

En consacrant Ie principe du choix de Ia voie la moins imposée, la Cour


de cassation a rejeté l'application de la théorie de la fraude à la loi en matière
fiscale, application qui a d'ailleurs été rejetée par une doctrine quasi una-

(56) Cass., 6 juin 1961, l.c., sp. 1089


199

nime (57 >,

Il convient toutefois de souligner que l'administration ne s'incline pas


devant la jurisprudence de la Cour de cassation, mais défend la théorie selon
laquelle il ne peut y avoir discordance entre la construction juridique et la
réalité économico-sociale (théorie de la réalité économique). Cette théorie
administrative a été résumée dans une réponse du Ministre des finances à
une question parlementaire:

«Toutefois, les impöts directs doivent être établis sur base de la réalité éco-
nomique; dès lors, même si Ie contribuable peut effectivement choisir la
voie fiscale la plus favorable, il ne suffit pas d'établir la réalité juridique
des actes dressés, mais il faut au surplus examiner si la construction juridi-
que mise en place traduit, elle aussi, la réalité économique et commerciale
quine peut cependant consister entièrement en une série d'actes dont Ie seul
but serait de bénéficier d'avantages fiscaux, ou d'éluder l'impöt.» <5sJ

La jurisprudence des Cours d'appel est divisée quant à l'application


de cette théorie, certaines continuant d'appliquer la doctrine «Brepols».

En vertu de l' article 196 des lois coordonnées sur les sociétés commer-
ciales, «les sociétés anonymes et les autres associations commerciales (... )
ayant leur siège en pays étranger peuvent faire leurs opérations et ester en
justice en Belgique». Par conséquent, la reconnaissance inconditionnelle
en Belgique de l 'existence de toute société étrangère est considérée comme
acquise en droit positif beige.
Cette reconnaissance de la société étrangère a pour effet que la société étrangère
peut jouir de - et exercer - tous les droits qui lui sont conférés par la «lex
societatis», c.-à-d. la loi du pays oû. est situé Ie siège de la société <59J_

Par ailleurs, en vertu du principe du choix de la voie la moins impo-


sée, Ie contribuable a Ie droit de constituer et d'utiliser une société à l'étranger
uniquement en vue d'échapper à l'impöt beige.

(57) Cf. rapport de Me J. KIRKPA TRICK et références citées.


(58) Q. et R. Pari., Sénat, 1984-1985, 9 juillet 1985, 1896 (Question n° 39 LAHAYE).
(59) ERA UW, J ., Beginselen van het internationaal privaatrecht, Gent, Story-Scientia,
1985, 257-258; DE PAGE, Ph. et VAN DE WALLE DE GHELCKE, B., «Les personnes morales
étrangères et l'ordre public international beige», Rev. Prat. Soc., 1979, n° 6002, p. 1-34 (sp.
10-12); RIGAUX, F., Droit international privé, Tome Il, Bruxelles, Larcier, 1979, nos 713-722,
p. 137-142 (sp. n° 715, p. 138).
200

Dès lors, par application des dispositions du droit des sociétés et d'une
certaine jurisprudence fiscale (doctrine «Brepols» ), la société étrangère cons-
tituée et utilisée uniquement en vue d'éviter l'impöt beige doit être recon-
nue en Belgique aux fins de l'application des impöts belges sur les revenus
. La personnalité juridique et Ie patrimoine distinct de la société étrangère
devront être respectés, à condition toutefois que la «lex societatis» octroie
de tels privilèges aux personnes morales ayant leur siège sur son territoire.

Si la doctrine «Brepols» permet de conclure à la licéité de l'utilisation


d'une société étrangère afin d'éviter l'impöt beige, elle soumet la reconnaissance
de la société étrangère à la condition que Ie contribuable accepte toutes les
conséquences de la création et de l'utilisation de la société étrangère, c.-à-d.
que la constitution et l'utilisation de la société étrangère ne soient pas simulées.

La simulation en matière d'utilisation de sociétés étrangères se rencontrera


principalement sous les aspects suivants (60 >:

- Ie société étrangère est fictive du fait que la société ne répond pas aux
conditions imposées par la «lex societatis» lors de sa création ou durant
son fonctionnement ;

- Ie siège social de la société étrangère est fictif;

- la fonction de la société étrangère est fictive ou simulée (théorie du prête-


nom) (51 >.

(60) Cf. à ce sujet AFSCHRIFT, Th., «La constitution d'une personne morale de droit
étranger dans l'unique but d'éluder l'impöt beige», in Mélanges offerts à R. Van der Elst, Bruxelles,
Nemesis, 1986, p. 27-42; HINNEKENS, L., «La société relais et la société boîte aux lettres
en droit fiscal beige», R.G.F., 1983, 81-94 (sp. 85-91).
(61) Il convient de mentionner que l'administration fiscale a, au cours des dernières années,
conclu en de nombreux cas au caractère fictif de la société beige. Ces cas concernent principa-
lement les sociétés patrimoniales, les sociétés de moyens et les sociétés professionnelles. Cf.
à ce sujet VANISTENDAEL, Fr., «Waarheid en leugen omtrent de rechtspersoonlijkheid van
de vennootschap in het belastingrecht», in Liber Amicorum Jan Ronse, Gent, Story-Scientia,
1986, 357-378; GEENS, K., «Simulatie, doorbraak, de fiscus en de eenpersoons-B.V.B.A.»,
Leuvense Vennootschapsdagen 2 en 9 oktober 1986, 1-16.
La grande majorité des études consacrées au problème de la non-reconnaissance de l'existen-
ce juridique séparée de la société aux fins de la perception des impöts sur les revenus, ne con-
cement que les sociétés belges. Les arguments et conclusions développés dans ces études ne
sont pas nécessairement applicables aux sociétés étrangères. En effet, l'existence et la validité
d'une société beige sont régies par la législation beige relative aux sociétés commerciales. Par
contre, l'existence et la validité d'une société étrangère sont régies par la loi étrangère, c.-à-d.
la «lex societatis».
201

Ces trois applications de la théorie de la simulation seront analysées


ei-après:

2. La constitution de la société étrangère est fictive ou simulée

En vertu des principes du droit international privé beige, les conditions


de constitution, de validité, de fonctionnement et de dissolution d'une personne
morale sont établies par la «lex societatis». La «lex societatis» applicable
est, elle-même, en vertu des règles du droit international privé beige, déter-
minée par la localisation du siège social réel ou du principal établissement
de la société <62 l.

Pour refuser de reconnai"tre une société dont Ie siège réel se situe à l'étran-
ger, l'administration fiscale beige doit démontrer que Ie contribuable bel-
ge n'a pas respecté les conditions et formalités de constitution prévues par
la «lex societatis». Elle ne pourrait pas, à cette fin, invoquer la méconnais-
sance des conditions constitutives prévues par la législation et la jurispru-
dence belges.

Il convient de noter que, sur base de l'exception d'ordre public inter-


national beige <63 l, on peut justifier de refuser la reconnaissance d'une société
étrangère, pourtant valablement constituée et dont Ie siège réel est réguliè-
rement situé dans un pays étranger, lorsque les principes à la base de la cons-
titution de cette personne morale étrangère sont contraires aux concepts et
normes considérés comme essentiels en la matière dans Ie droit positif bel-
ge <64 l. La détermination des principes qui doivent être censés appartenir à
«l'ordre public international beige», se fait au cas par cas. Ace sujet, la
Cour de cassation a décidé qu'une «Anstalt» constituée valablement au Liech-
tenstein ne peut pas être considérée comme contraire aux principes del' ordre
public international beige, pour Ie seul motif qu'elle est une entité consti-
tuée d'une seule personne <65 l.

3. Le siège social de la société étrangère est fictif ou simulé

Les sociétés constituées à!' étrange qui possédent la personnalité juri-


(62) ERAUW, J., o.c., 259; RIGAUX, F., o.c., n° 711, p. 136.
(63) RIGAUX, F., Droit International Privé, Tome !, Bruxelles, Larcier, 1987, n° 504,
p. 344.
(64) DE PAGE, Ph. et VAN DE WALLE DE GHELCKE, B., l.c., 15.
(65) Cass., 13 janvier 1978 (Anstalt del Sol c. Société de droit américaine Space Age Plastics
Company et erts.) Pas., 1978, !, 543-548, Rev. Prat. Soc., 1979, n° 6003, p. 35-37.
202

dique sont assujetties à l'impot beige des sociétés si elles ont en Belgique
leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou
d' administration <66 l.

Tant pour l'application du droit fiscal que pour celle du droit des socié-
tés <67 l ou du droit international privé beige (68 l, il n'est tenu compte que du
siège social «réel» lorsque Ie siège statutaire n'est qu'apparent.

Il est admis que Ie «siège social» est Ie lieu ou se concentre la conduite


des affaires sociales, ou s'exercent en fait l'impulsion génératrice et Ie con-
trole supérieur, ou se réunissent habituellement les assemblées générales des
actionnaires ou associés <69 l. C'est Ie siège de l'administration générale (ou
se trouvent les bureaux de direction, du service commercial, de la compta-
bilité centrale, etc.), Ie lieu ou se concentrent, en définitive, !' activité direc-
trice, la gestion des intérêts et des affaires sociales <70 l.

La détermination du siège social réel d'une société est essentiellement


une question de fait.

Afin d'éviter que Ie siège social étranger ne soit considéré comme étant
fictif, il est impératif que l'administration de la société et la direction de
ses activités soient établies au siège à l'étranger. Il est donc essentie! que les
réunions de l'assemblée des actionnaires ou associés et du conseil d'admi-
nistration oude gérance aient lieu à l'étranger, que les décisions y soient
prises et que la comptabilité, les livres et documents sociaux y soient tenus.

Il peut se présenter que les administrateurs de la société délibèrent à


l 'étranger, mais ex er cent la gestion et la direction de la société sous Ie con-
trole et la surveillance de l'actionnaire beige. Le fait que l'actionnaire bel-
ge exerce un tel controle et une telle surveillance est parfaitement licite et
normal pour autant que les administrateurs exercent eux-mêmes leur fonction.

Tel ne serait plus Ie cas si Ie role des administrateurs se limitait à la rati-


fication formelle des décisions prises par Ie contribuable beige. Dans un tel

(67) VAN RYN, J ., Principes de droit commercial, Tome I, Bruxelles, Bruylant, 1954,
n° 374, p. 264; RONSE, J., NELISSEN GRADE, J.M., VAN HULLE, K., LIEVENS, J.
et LAGA, H., «Overzicht van rechtspraak (1978-1985). Vennootschappen», T.P.R., 1986,
n° 51, p. 907-908.
(68) ERAUW, J., o.c., 257.
(69) Com. I.R., n° 94/7.
(70) Com. I.R., n° 94/6.
203

cas, Ie contribuable agirait en tant que gérant de fait et exercerait cette activité
en Belgique. Dès lors, la société serait considérée comme ayant son siège
réel en Belgique, Ie siège étranger étant fictif (71 l.

4. Lafonction de la société étrangère est fictive ou simulée

Il peut être utile de se référer à ce sujet à la jurisprudence en matière


de faillite et d'examiner dans quelle mesure cette jurisprudence pourrait être
utilisée en matière fiscale.

Les Cours et tribunaux ont en de nombreuses occasions étendu la faillite


de la société au «maître de !'affaire». Ils se sont, pour ce faire, basés notamment
sur la «théorie du prête-nom», qui, dans une telle situation, constitue une
simulation par interposition de personnes (72 l ou sur la théorie de «l'abus
de la technique de la personne morale» (73 l.

Selon ces théories, la société n'est qu'une personne interposée, agis-


sant comme «prête-nom», qui a pour seule mission de transmettre au véri-
table bénéficiaire les revenus qui, formellement, sont recueillis par la société.

La théorie du prête-nom ne nie nullement l'entité juridique distincte


de la société. Elle qualifie Ie röle ou la fonction de la société. La société n'agit
plus pour son prop re compte; elle agit en son propre nom, mais pour compte
du maître de !'affaire.

L'application de la théorie du prête-nom à une société étrangère créée en


vue d'éviter l'impöt beige n'est pas exclue. Pour l'appliquer, l'administration
devra prouver que les revenus recueillis par la société ont été, en fait, recueillis
par Ie contribuable beige. Parmi les éléments de fait <lont les Cours et tribunaux
ont tenu compte dans les cas d'extension de la faillite par application de
la théorie du prête-nom, on peut mentionner: Ie paiement par la société de
dettes personnelles, la confusion du crédit de la société et du crédit person-
nel, les prélèvements injustifiés, Ie détournement de biens sociaux, etc.
(71) Bruxelles, 29 juin 1982, F.J.F., 82/119, a contrario; HINNEKENS, L., l.c., 88-89;
AFSCHRIFT, Th., l.c., n° 23, p. 40.
(72) DE PAGE, H., Traité élémentaire de droit civil beige, Tome Il, Bruxelles, Bruylant,
1964, n° 620 bis, p. 621.
(73) Cf. entre au tres à ce sujet: Cass., 11 septembre 1981, Pas., 1982, I, 56; BRAECK-
MANS, H., «Toerekening van het vennootschapsfaillissement aan de achterman of de uit-
breiding van het faillissement tot de meester van de zaak», R.W., 1978-1979, 850-858; 'T KINT,
F., «L'extension de faillite», R.C.J.B., 1981, 52-86; RONSE, J., NELISSEN GRADE J.M.,
VAN HULLE, K., LIEVENS, J. et LAGA, H., l.c., nos 95-98, p. 944-951.
204

L'application de la théorie du prête-nom, en cas d'utilisation de sociétés


étrangères, nous paraît peu probable si Ie but poursuivi par Ie contribua-
ble beige en utilisant une société étrangère est de différer l'impöt beige. En
effet, dans un tel cas, la société étrangère accumulera les bénéfices et n'attribuera
aucun revenu à l'actionnaire beige.

Il n'est peut-être pas exclu que cette théorie puisse être appliquée lors-
que la société étrangère distribue à ses actionnaires les revenus qu'elle recueille,
notamment lorsque Ie but poursuivi est la transformation des revenus ou
l'utilisation du réseau de conventions de double imposition du pays étranger.
C'est d'ailleurs en quelque sorte sur la théorie du prête-nom que sont basées
certaines mesures prises contre l'usage abusif des conventions de double
imposition<74l.

B. - Etablissement beige - établissement stable

1. Rappel des principes

Une société étrangère, reconnue comme telle, est imposée en Belgique


en raison des revenus «produits ou recueillis» en Belgique <75 l. Le facteur
de rattachement au territoire beige qui justifie l'imposition en Belgique, est
un facteur matériel, à savoir la source du revenu en Belgique <76l.

La société étrangère sera donc imposée sur les revenus mobiliers et immo-
biliers de source beige <77 l. En ce qui concerne les bénéfices produits et
recueillis en Belgique, elle Ie sera, sauf dérogation, uniquement en raison
de ceux produits à l'intervention d'établissements belges r7sJ_ Toutefois, si
la société a son siège dans un pays avec lequel la Belgique a signé une con-
vention de double imposition, la société étrangère ne sera imposable en Belgique
que si elle y a un établissement stabJer 79l.

(74) lnfra, 218 et sq.


(75) Article 140 § 1 C.I.R.

(76) Cf. BOLUS, Cl. et LAGAE, J.P., «L'établissement et la perception des impöts à
charge des non-résidents», Cahiers de Droit Fiscal International, Vol. LXXX, 1985, 275-298;
J.D.F., 1985, 321-347.
(77) Article 140 §2 1° et 2° et article 141 1° C.l.R.
(78) Article 140 §2 3° C.l.R.
(79) Article 7 de la convention-modèle O.C.D.E.
205

Les concepts d' «établissement beige» et d' «établissement stable» sont


fort complexes (3oJ. Ils sont synonymes, mais ne se recouvrent pas totale-
ment, Ie terme d' «établissement beige» étant plus large que cel ui d' «éta-
blissement stable».

Le présent rappel des principes analysera Ie seul concept d' «établisse-


ment beige».

L'article 140 § 3 C.I.R. stipule que sont considérés comme des établis-
sements belges, même en !'absence de toute représentation capable d'engager
l'entreprise étrangère, les sièges de direction effective, succursales, fabri-
ques, usines, ateliers, agences, magasins, bureaux, laboratoires, comptoirs
d'achat oude vente, dépöts ainsi que toutes installations fixes de caractère
productif.

L'établissement suppose en général la présence tant d'un élément matériel


que d'un élément humain. L'élément matériel vise une organisation maté-
rielle <lont l'article 140 § 3 C.I.R. ne donne qu'une énumération exempla-
tive (31 J. L'élément humain vise la présence de personnes physiques ou
morales, tels des employés, gérants, administrateurs ou agents. En certains
cas, la présence de l'élément humain peut elle seule être constitutive d'un
établissement (par exemple, un agent dépendant). La présence du seul élé-
ment matériel peut, selon une certaine jurisprudence, également constituer
un établissement (82 l.

L'installation fixe d'affaires doit répondre aux conditions de stabili-


té, de productivité et de dépendance pour pouvoir être considérée comme
un établissement stable (33 J_ Ces conditions ont été interprétées de façon très
extensive par l'administration et la jurisprudence.

(80) Cf. à ce sujet: HJNNEKENS, L., De territorialiteit van de Belgische belastingen,


Bruxelles, CED-Samson, 1985, nos 94-98, p. 126-135; doctrine et jurisprudence citées par MAL-
HERBE, J ., et MALHERBE, Ph., «Examen de jurisprudence, Droit fiscal des sociétés
(1974-1981)», Rev. Prat. Soc., 1983, n° 112, p. 175-177; TJBERGHIEN, A., Manuel du droit
fiscal, CED-Samson, 1987, n° 14.231, p. 266-279; ZONDERVAN, R., Les impöts sur les revenus
et l'extranéité, Bruxelles, Pauwels, 1967, nos 103-109, p. 108-124.
(81) Cass., 21 mai 1982 (Société de droit néerlandais «Brussel Staete» c. Etat beige), Pas.,
1982, I, 1103-1105, R.G.F., 1982, 160; Bruxelles, 17 mars 1981, F.J.F., 82/14.
(82) Cf. LAGAE, J .P.,« De belastingheffing van inkomsten uit onroerende goederen van
buitenlandse lichamen», in Liber Amicorum Albert Tiberghien, Bruxelles, Anvers, CED-Samson,
Kluwer, 1984, 259-280.
(83) Com.I.R., n° 140/13 et jurisprudence citée.
206

La condition de stabilité vise une implantation durable, permanente


et fixe. Pour être productif, l'établissement ne doit pas nécessairement avoir
pour objet de produire des revenus; il suffit qu'il contribue à la réalisation
du bénéfice de !' entreprise étrangère (R 4J.

La dépendance ou !'absence d'autonomie s'apprécie plus d'un point


de vue commercial et juridique que d'un point de vue financier. Les pré-
posés et agents seront normalement considérés comme des agent non-
autonomes, alors que les courtiers et commissionnaires agissant dans Ie cadre
normal de leurs activités seront considérés comme des agents autonomes (35i.
Une société filiale ne sera pas considérée comme constituant un établisse-
ment beige de la société-mère uniquement en raison du controle exercé par
cette société (86l.

2. Application

Le risque pour certaines sociétés étrangères, créées et utilisées en vue


d'éviter l'impöt beige, d'être réputées avoir un établissement en Belgique
est réel.

Il importe donc pour de telles sociétés non seulement de veiller à ce que


leur personnalité juridique distincte, leur siège social étranger et leur fonc-
tionnement soient reconnus comme réels et non simulés, mais également
d'éviter Ie risque d'avoir un établissement en Belgique.

Ce risque est, en de nombreux cas, plus important que les risques que
présente l'application de la théorie de la simulation.

Il n'est pas possible d'imaginer tous les cas dans lesquels une société
étrangère, créée en vue d'éviter l'impöt beige, pourrait être réputée avoir
un établissement en Belgique. Il est toutefois utile d'attirer l'attention sur
deux situations qui peuvent se rencontrer fréquemment:

a. Siège de direction
Un siège de direction est constitutif d'un établissement.
(84) VANDEBERGH, H., «Overzicht van rechtspraak inkomstenbelastingen (1980-1981)»,
Fiskofoon, 1984, 32; HINNEKENS, L., o.c., n° 97, p. 131-132 et arrêts y cités qui adoptent
une interprétation «économique» de la notion «productivité». Contra: ZONDERVAN, R.,
o.c., n° 104, p. 111.
(85) Com.I.R., n° 140/17 et sq.
(86) Com.l.R., n° 140/19.
207

La société étrangère, <lont l'actionnaire principal est domicilié en Bel-


gigue et prend en fait des décisions au nom et pour compte de la société
étrangère, sera réputée avoir un établissement en Belgique, même si Ie siè-
ge social de la société à l'étranger est considéré comme réel <37 )_

Parmi les éléments de fait dont il sera fréquemment tenu compte, il


peut être fait mention des suivants: du courrier destiné à la société est adressé
au domicile de l'actionnaire (administrateur ou gérant) en Belgique; Ie conseil
d'administration oude gérance se réunit en Belgique; des commandes et/ou
des paiements sont effectués au départ de la Belgique.

La société étrangère sera, dans une telle hypothèse, imposée en Belgi-


que sur les bénéfices produits à l'intervention de ce siège de direction.

La détermination des bénéfices produits à l'intervention du siège de


direction en Belgique dépendra des circonstances de fait. Dans Ie cas d'une
société de placements qui pourrait être considérée comme ayant un établissement
en Belgique en raison du fait que des décisions de placements sont prises
dans Ie pays, les revenus et plus-values de placements ne doivent pas néc·es-
sairement être considérés comme produits à l'intervention de l'établissement
en Belgique.

b. Siège d'exploitation

La société étrangère d'exploitation, telle la société de services, court


Ie risque d'être considérée comme ayant un établissement en Belgique si un
administrateur, gérant, employé ou consultant de la société étrangère, qui
en est ou non actionnaire, est établi en Belgique et y exerce une activité pour
Ie compte de la société.

Dans une telle hypothèse, les bénéfices résultant de l'activité de la personne


établie en Belgique seront attribués à l'établissement beige et imposés en
Belgique.

Dans la mesure ou des bénéfices sont considérés comme produits à l'inter-


vention d'un établissement en Belgique, Ie but poursuivi par l'utilisation
d'une société étrangère ne sera pas atteint.

(87) Commentaire des Conventions de double imposition, (ei-après «Com. Conv.»), nos
5/202 et 16/23.
208

3. - Mesures spécifiques nationales

A. A vantages anormaux ou bénévoles consentis par un contribuable


beige à une société étrangère apparentée ou à une société établie dans un
«pays refuge» - Article 24 C.I.R.

1. Texte légal et objectif poursuivi

Le présent article 24 C.I.R. dispose dans les termes suivants:

«Lorsqu'une entreprise établie en Belgique se trouve directement ou indi-


rectement dans des liens quelconques d'interdépendance à l'égard d'une entre-
prise établie à l'étranger, tous avantages anormaux ou bénévoles qu'en raison
de ces liens elle consent à cette dernière ou à des personnes et entreprises
ayant avec celle-ci des intérêts communs, sont ajoutés à ses propres bénéfices.

L'alinéa premier est également applicable aux avantages anormaux ou


bénévoles consentis à une personne ou une entreprise qui, en vertu des dis-
positions de la législation du pays ou elle est établie, y est soumise à un régime
de taxation notablement plus avantageux que celui auquel est soumise l'entre-
prise établie en Belgique.»

L'article 24 C.I.R., dont l'alinéa premier a été introduit dans notre légis-
lation fiscale en 1938 (HSJ, a pour objectif principal de faire échec aux pro-
cédés d'évasion oude planification fiscales internationales mettant en cause
soit des sociétés étrangères et apparentées, soit des sociétés de relais établies
dans des «pays refuges». L'article 24 C.I.R. vise certaines formes de transfert
«indirect» de revenus à l'étranger.

2. Conditions d'application

L'application de l'article 24 C.I.R. suppose que l'administration fis-


cale beige apporte la preuve (39 J que les relations entre Ie contribuable bel-
ge concerné et Ie bénéficiaire étranger répondent aux conditions suivantes:

(1) Les avantages sont consentis par une «entreprise» établie en Belgique.

(88) Article 27 §2 7° des lois coordonnées, inséré par l'article 5 § 1 de la loi du 28 juillet
1938 (M.B., 2 août 1938).
(89) «Actori incumbit probatio»; Com.l.R., n° 24/16; CLAEYS BOÜÜAERT, 1., «Enkele
bemerkingen nopens bewijsproblemen in verband met inkomstenbelastingen», in Liber Amicorum
J. Van Houtte, Bruxelles, Elsevier, 1975, p. 149-177 (sp. n° 19, p. 170).
209

Le terme «entreprise» comprend toute exploitation visée par l'article


20 1° C.I.R., c.-à-d. une exploitation industrielle, commerciale ou agri-
cole (90l_ Par conséquent n'entrent pas dans Ie champ d'application de
l'article 24 C.l.R. les avantages anormaux ou bénévoles consentis par
une personne physique qui exerce une profession libérale ou autre activité
indépendante visée par l'article 20 3° C.I.R.

(II) Les avantages peuvent être considérés comme «anormaux» ou « béné-


voles».

Un avantage est censé être «bénévole» quand il est accordé sans qu'il
ne constitue l'exécution d'une obligation ou quand il est accordé sans
contrepartie. Un avantage est considéré comme «anormal» quand l'avan-
tage n'aurait pas été consenti par des entreprises indépendantes, compte
tenu des usages commerciaux en vigueur et de la situation économi-
que (9IJ_
Les cas dans lesquels des avantages anormaux ou bénévoles sant accordés
sant nombreux et variés (92 i.

(III) Le bénéficiaire des avantages concernés doit être établi à l'étranger (93 >_

(IV) Le bénéficiaire des avantages doit être :

(90) Com.1.R., n° 24/2.


(91) JANS, Ph., o.c., n° 5.9, p. 92; LAGAE, J.P., «Noties van internationaal fiscaal
recht in verband met personen en ondernemingen», T.P.R., 1982, 171-213, (sp. 199).
(92) O.C.D.E., Prix de transfert et entreprises multinationales, 1979 et 1984; Com.l.R.,
nos 24/6-24/11; jurisprudence citée par LAGAE, J .P., l.c., 200-202; KIRKPATRICK, J .,
«Examen dejurisprudence (1968-1982)», R.J.C.B., 1984, nos48-51, p. 738-745; MALHER-
BE, J. et MALHERBE, Ph., l.c., 29-33; VANDEBERGH, H., l.c., 204-205.
(93) L'administration fiscale beige (Com.1.R., n° 24/6 (ancienne version)), suivie par la
jurisprudence (Bruxelles, 13 octobre 1971, J.P.D.F., 1971, 295; Anvers, 30 juin 1981, R.G.F.,
1982, 232), a durant un certain temps défendu la position selon laquelle les avantages consen-
tis par une entreprise beige à une autre entreprise beige tombent sous l'application de l'article
24 C.l.R. lorsqu'il a été démontré que Ie bénéficiaire beige des avantages a des intérêts com-
muns avec une entreprise étrangère à l'égard de laquelle la première se trouve dans des liens
d'interdépendance. Dès lors, les avantages anormaux ou bénévoles consentis par une filiale
beige d'une société étrangère à une autre filiale beige de la même société étrangère pouvaient
être ajoutés aux revenus imposables de la première filiale.
Cette thèse à toutefois été rejetée explicitement par la Cour de cassation. La Cour a notam-
ment pris en considération Ie fait que l'intention du législateur, en adoptant l'article 24 C.l.R.,
était de prévenir Ie transfert de bénéfices vers l'étranger afin de les soustraire aux impöts bel-
ges (Cass., 3 décembre 1982 (S.A. Castro! c. Etat beige), Pas., 1983, I, 422; R.G.F., 1983,
42 et annotée par HINNEKENS, L.
210

a) soit une entreprise à l'égard de laquelle entreprise beige se trouve


directement ou indirectement dans des liens quelconques d'interdé-
pendance. Sont également visées les personnes ou les entreprises éta-
blies à l'étranger et quine se trouvent pas dans des liens d'interdépendance
avec Ie contribuable beige, mais qui, tout comme l'entreprise beige,
ont des intérêts communs avec une société étrangère, une personne tierce
ou un groupe.

L'existence du lien d'interdépendance, direct ou indirect, entre l'entreprise


beige et l'entreprise étrangère dépend des faits qui seront appréciés sou-
verainement par Ie juge du fond <94 l_ Il ressort de la jurisprudence r95 l
et du commentaire de l'administration <96 ) que ce lien d'interdépendan-
ce peut résulter:

- soit de la structure des sociétés, telle que l'intervention prépondé-


rante dans Ie capita) ou la quasi identité de la composition des con-
seils d'administration;

- soit des circonstances de fait, tels Ie fait que l'une des entreprises
ne peut fonctionner normalement que gräce aux avances consenties
par l'autre, la coopération technique ou commerciale étroite entre les
deux entreprises, l'existence d'un contrat de vente exclusive qui influence
considérablement l'activité commerciale du concessionnaire, etc.;

b) soit une personne ou une entreprise établie dans un «pays refuge»,


.c.-à-d. un pays ou elle est soumise à un régime de taxation notable-
ment plus avantageux que celui auquel est soumise l'entreprise beige.

Sont considérées comme des entreprises établies dans un «pays refu-


ge» <97 ) les entreprises étrangères qui y bénéficient

- soit d'une exemption de tout impöt direct sur leurs revenus;

- soit d'un régime de taxation de leurs revenus tel que la charge fis-
cale à laquelle seraient soumises en Belgique les sommes qui leur sont
payées, se trouve, de par l'interposition de la société étrangère, rem-
placée par une imposition étrangère considérablement inférieure.
(94) Cass., 2 mai 1962 (S.C.A.R.L. Compagnie d' Afrique pour !'industrie et la finance
c. Etat beige), Pas., 1962, I, 968-972.
(95) Cf. à ce propos la jurisprudence citée par LAGAE, J.P., l.c., 198-199.
(96) Com.l.R., n° 24/5.
211

Auparavant, Ie commentaire de l'administration contenait une liste


«exemplative» de pays qualifiés par l'administration de «pays refu-
ges» (98 >. Cette liste a été supprimée.

(V) Les avantages accordés à une entreprise interdépendante Ie sont en raison


des liens d'interdépendance.

Les avantages anormaux ou bénévoles doivent être consentis par l'entre-


prise belge à la société étrangère en raison des liens d'interdépendan-
ce qui existent entre elles. Il faut donc que Ie caractère anormal de ces
prestations ne puisse sérieusement se justifier que par la situation d'inter-
dépendance existante, ce qui excluerait les avantages trouvant leurs
causes dans d'autres motifs, telles les conditions exceptionnelles du
marché (99 >.

Notons que cette dernière condition ne doit pas être remplie lorsqu'un
avantage est consenti à une entreprise établie dans un «pays refuge».

3. Effet de l'application de l'artic/e 24 C.J.R.

Lorsque les conditions d'application de l'article 24 C.I.R. sont réu-


nies, les avantages anormaux ou bénévoles sont ajoutés aux bénéfices de
l'entreprise beige qui les a consentis. Dans l'hypothèse ou l'avantage con-
siste en une dépense à caractère excessif supportée par l'entreprise belge,
l'administration rejettera la dépense comme non-déductible. Lorsque l'avantage
consiste en un manque à gagner pour l'entreprise belge, l' avantage sera ajouté
au bénéfice imposable de l'entreprise beige. Quoique l'avantage doive être
ajouté au bénéfice imposable de l'entreprise beige qui consent l'avantage,
les règles relatives à la détermination des bénéfices des entreprises, à savoir
les dispositions des articles 21 à 34 C.I.R., ne sont pas applicables à la déter-
mination de eet avantage 000 >.

(97) Com.l.R., n° 24/19.


(98) La liste des «paradis fiscaux», qui figurait auparavant dans le Com.1.R. (ancien
Com. I.R., n ° 24/23) contenait les pays suivants: les îles anglo-normandes (Jersey, Guernsey,
Sercq); les Bahamas; les Bermudes; les lies Cayman; Dubay; Grenade; Hong Kong; Ie Liberia;
Ie Liechtenstein; les lies Vierge; Malte; l'lle de Man; Monaco; les Antilles Néerlandaises;
les Nouvelles Hébrides; les lies Norfolk; Panama; les lies Turcs et les lies Caicos. Cf. LAGAE,
J.P., l.c., 204.
(99) JANS, Ph., o.c., n° 5.13, p. 94-95.
(100) Cass., 20 septembre 1972 (S.A. Compagnie beige Transmarine c. Etat beige), Pas.,
1973, I, 72-73.
212

4. Article 24 C.I.R. et utilisation d'une société étrangère afin d'éviter


l'impót beige

Un des objectifs possibles poursuivis par l'utilisation d'une société étran-


gère est Ie transfert de revenus de la Belgique vers l'étranger. Dans la mesure
ou il s'agit d'un transfert «indirect» de bénéfices de la Belgique vers la société
étrangère, l'article 24 C.I.R. sera applicable pour autant que les autres con-
ditions contenues dans cette disposition sont remplies. Ace propos, la condition
d'interdépendance sera normalement remplie.

Il peut être utile de rappeler que l'article 24 C.I.R. n'est pas applica-
ble lorsque Ie contribuable beige n'est pas une entreprise commerciale, indus-
trielle ou agricole. Cet élément peut être important en cas d'utilisation d'une
société étrangère de services.

B. - Non-déductibilité de certaines sommes payées à des sociétés holdings


établies à l'étranger ou à des personnes et entreprises établies dans un «pays
refuge» - Article 46 C.I.R.

1. Texte légal et objectif poursuivi

«Les sommes payées au titre d'intérêts d'obligations ou d'emprunts


quelconques, de redevances pour la concession de l'usage de brevets d'invention,
procédés de fabrication et autres analogues ou de rémunérations de pres-
tations ou de services, par un contribuable à une société holding qui est établie
à l'étranger et y est soumise à un régime fiscal exorbitant du droit commun,
ne sont admises comme charges professionnelles que lorsque Ie contribua-
ble justifie par toutes voies de droit que les paiements répondent à des opé-
rations réelles et sincères et qu'ils ne dépassent pas les limites normales.

L'alinéa Ier est également applicable quand les sommes y visées sont payées
à une personne ou une entreprise qui, en vertu des dispositions de la légis-
lation du pays ou elle est établie, y est soumise, du chef des revenus del' espèce,
à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces
revenus sont soumis en Belgique.»

Le but poursuivi par Ie législateur, lors de l'introduction de cette dis-


position dans la législation fiscale beige 1111 l, était de réprimer la fraude et
l'évasion fiscales pratiquées par des transferts indirects de bénéfices d'entreprises
(11 l) Cf. !'exposé des motifs de la loi du 23 février l 954 (M.B., 6 mars l 954), dont le pre-
mier article est devenu Ie premier alinéa du présent article 46 C.I.R., tel que cité dans Ie Com.I.R.,
n° 44/62.
213

belges vers des sociétés holdings ou des sociétés établies dans des «pays refuges»
sous la couverture de paiements de certaines sommes rémunérant des pres-
tations de ces sociétés étrangères.

2. Conditions d'application
Les dispositions de l'article 46 C.l.R. ne dérogent point aux exigences
générales de l'article 44 C.l.R., relatif à la déductibilité des dépenses pro-
fessionnelles; eet article impose quelques conditions additionnelles pour l'admis-
sion en charges professionnelles de certains paiements effectués par un
contribuable beige à une société étrangère ou à des personnes établies à
l' étranger O 12 l :
(1) L'article 46 C.l.R. est applicable aux paiements effectués par tout con-
tribuable beige tendant à déduire ces sommes de ses revenus profes-
sionnels imposables.
(Il) Les paiements doivent être effectués au titre d' «intérêts», de «rede-
vances» ou de «rémunérations de prestations ou de services».
(lil) Ces sommes doivent être payées par Ie contribuable
- soit à une société holding étrangère qui, dans Ie pays ou elle est établie,
est soumise à un régime fiscal exorbitant du droit fiscal commun de
ce pays.
- soit à des personnes ou entreprises étrangères qui sont soumises à
un régime de taxation sur les revenus perçus notablement plus avan-
tageux que celui auquel les mêmes revenus seraient soumis en Belgique.
Les personnes et entreprises établies dans un «pays refuge» sont les
mêmes que celles qui sont visées par l'article 24 alinéa 2 C.I.R. o 13 l_
En ce qui concerne les holdings, l'article 46 C.I.R. ne donne aucune
définition du terme «société holding étrangère». Selon l'administra-
tion, la préférence devrait être donnée à une conception économique
et financière du terme «holding» plutöt qu'à une conception juridi-
que (ll 4J_ Par conséquent, sont visées par l'article 46 C.I.R., tant les
«sociétés de portefeuille» que les «sociétés de contröle», les «sociétés

(112) CLAEYS BOÜÜAERT, l., o.c., n° 20, p. 171; LAGAE, J.P., l.c., 205-206; VAN
CROMBRUGGE, S., «Veinzingsvermoeden, aftrekbaarheidsvoorwaarden en bewijslast in
artikel 46 van het Wetboek der Inkomstenbelastingen», Fiskofoon, 1984, 151.
(113) Supra, 210-211.
(114) Com.l.R., n° 44/63.
214

d'investissement» ou même les «sociétés de brevets», qu'il s'agisse de hol-


dings pures ou mixtes.

Toutefois, l'article 46 C.I.R. impose que la société holding soit établie dans
un pays étranger ou elle bénéficie d'un régime fiscal «exorbitant du régime
commun» de ce pays. Doivent être considérées comme soumises à un régi-
me fiscal exorbitant du droit commun, les sociétés holdings dont les reve-
nus ne sont pas taxés ou ne subissent qu'une imposition dérisoire par rapport
au régime normal de taxation prévu pour la généralité des contribuable dans
ce pays (iisJ. Notons que l'article 46 C.I.R. ne requiert nullement que la
société holding ou la société établie dans un «pays refuge» se trouve sous
des liens d'interdépendance avec Ie contribuable beige.

3. Effet de l'application de l'article 46 C.I.R.

Lorsque les conditions d'application de l'article 46 C.I.R. sont réu-


nies, la loi établit une présomption «juris tantum» de simulation, ce qui entraîne
la non-déductibilité (et, par conséquent, l'imposition) des paiements ver-
sés dans Ie chef du contribuable beige (116 l.

La présomption légale peut toutefois être renversée, à condition que


Ie contribuable beige puisse justifier, par toutes voies de droit (I 17 ', que:

- les dépenses répondent à des opérations réelles et sincères, c.-à-d. les paie-
ments en question rémunèrent des prestations réellement effectuées par
la société étrangère et justifiées par une nécessité industrielle, commer-
ciale ou financière du contribuable beige O 18l; et

- les dépenses ne dépassent pas les limites normales, c.-à-d. leur montant
peut être considéré comme «normal» compte tenu des prestations pour
lesquelles la rémunération est versée (ii 9J («at arm's length condition»).

Dans la mesure ou Ie contribuable beige réussit à apporter cette dou-


ble preuve, les paiements seront admis comme dépenses professionnelles.

(115) Com.1.R., n° 44/66.


(116) CLAEYS BOÛÛAERT, 1., o.c., n° 20, p. 170; HINNEKENS L., «La sociétérelais
et la société boîte aux lettres en droit fiscal beige», l.c., 90; LAGAE, J.P., l.c., 205.
(117) Com.1.R., n° 44/71.
(118) CLAEYS BOÛÛAERT, 1., o.c., n° 20, p. 171; VAN CROMBRUGGE, S., l.c., 153.
(119) CLAEYS BOÛÛAERT, 1., o.c., n° 20, p. 171.
215

Si seule une partie du paiement est anormale, cette partie seule doit être
rejetée ozoJ.

4. Article 46 C.I.R. et utilisation d'une société étrangère afin d'éviter


l'impót beige

Il est évident que l'article 46 C.I.R. sera fréquemment invoqué lors-


que les objectifs poursuivis par Ie contribuable belge établissant une socié-
té à l'étranger sont Ie transfert de bénéfices de la Belgique vers la société
étrangère et Ie faible niveau d'imposition de cette société.

Le transfert de bénéfices visé est un transfert «indirect», bien souvent


précédé d'un transfert «direct» de bénéfices. En effet, Ie paiement d'inté-
rêts et de redevances sera, dans de nombreux cas, précédé d'un transfert
par un contribuable belge de capitaux, brevets, procédés de fabrication à
la société étrangère, qui les remettra par contrat à la disposition du contri-
buable beige.

C. - L'inopposabilité de certaines cessions d'éléments patrimoniaux


- Article 250 C.I.R.

1. Texte légal et objectif poursuivi

«N'est pas opposable à l' Administration des contributions directes,


!'acte de vente, de cession ou d'apport d'actions, d'obligations, de créan-
ces ou d'autres titres constitutifs d'emprunts, de brevets d'invention, de procédés
de fabrication, de marques de fabrique oude commerce, oude tous autres
droits analogues, à une société holding qui est établie à l'étranger et y est
soumise à un régime fiscal exorbitant du droit commun, à moins que Ie con-
tribuable ne prouve soit que l'opération répond à des besoins légitimes de
caractère financier ou économique, soit qu'il a reçu pour l'opération une
contrevaleur réelle produisant un montant de revenus soumis effectivement
en Belgique à une charge fiscale normale par rapport à celle qui aurait sub-
sisté si cette opération n'avait pas eu lieu.

(120) Cass., 27 septembre 1966 (Etat beige c. S.A. Et. Robert Hottat), Pas., 1%7, I, 121-122,
J.P.D.F., 1967, 23; LAGAE, J.P., l.c., 207-208; contra: Com.l.R., n° 44/71.
216

L'alinéa Ier est également applicable quand !'acte y visé a été conclu
avec une personne ou une entreprise qui, en vertu des dispositions de la légis-
lation du pays oû. elle est établie, y est soumise, du chef des revenus pro-
duits par les biens et droits aliénés, à un régime de taxation notablement
plus avantageux que celui auquel les revenus de l'espèce sont soumis en Bel-
gique.»

L' article 250 C. I .R. tend à mettre l' administration fiscale beige en mes ure
de contrecarrer la planification fiscale internationale qui peut consister dans
la cession par un contribuable beige de biens générateurs de revenus à une
société étrangère. Après la cession, les revenus ne seront plus imposables
dans le chef du cédant beige, tandis qu'à l'étranger ils ne seront passibles
dans Ie chef de la société étrangère que d'un impöt dérisoire.

L' article 250 C.I. R. fut inséré dans la législation fiscale en même temps
que l'article 46 C.I.R. Ceci explique la complémentarité des deux dispositions.

2. Conditions d'application

Les conditions d'application sont les suivantes:

(1) Seuls les actes de vente, de cession ou d'apport, c.-à-d. les actes entraînant
un transfert de la propriété, sont visés. Il est indifférent que les ces-
sions soient effectuées à titre gratuit ou à titre onéreux.

(II) Seul Ie transfert de biens énumérés par la loi est visé, c.-à-d. les actions,
obligations, créances ou autres titres constitutifs d'emprunts, brevets
d'inventions, procédés de fabrication, marques de fabrique oude com-
merce ou tous autres droits analogues. Le transfert de propriétés immo-
bilières ne tombe pas sous l'application de l'article 250 C.I.R.

En ce qui conceme !'apport d'espèces, il convient de conclure qu'il n'est


pas visé par l'article 250 C.I.R. pour les raisons suivantes:

- !'apport d'espèces n'est pas repris dans l'énumération d'opérations


visées par la disposition. Or, il convient de donner à cette disposition
de caractère exceptionnel une interprétation restrictive (1211 ;

- dans sa version originale (122l, l'article 250 C.I.R. visait les seules
(121) Cass., 18 décembre 1962 (Dauge c. Etat beige), Pas., 1963, I, 489-490.
(122) Loi du 23 février 1954 (M.B., 6 mars 1954).
217

actions, obligations, créances et autres titres constitutifs d'emprunts,


ce qui couvre en gros les valeurs de portefeuille; la loi du 25 juin 1973
a ajouté à cette énumération les immobilisations incorporelles du patri-
moine industrie! (brevets d'invention, procédés de fabrication, mar-
ques de fabrique oude commerce et autres droits analogues), sans qu'il
ne soit fait mention d'une quelconque extension de l'article 250 C.I.R.
en ce qui concerne les valeurs de portefeuille, ni a-fortiori en dehors
des valeurs de portefeuille;

- la Cour d'appel de Liège précise que l'article 250 C.I.R. n'est pas
applicable aux apports en espèces <123 l< 124l.

(III) Le cessionnaire des biens doit être soit une société holding qui est éta-
blie à l'étranger et y soumise à un régime fiscal exorbitant du droit com-
mun, soit une personne ou entreprise établie dans un «pays refuge».

Cette dernière condition est identique à celle prévue par l'article 46


C.I.R. (12s)_

3. Effet de l'application de l'article 250 C.l.R.

Une vente, cession ou apport, remplissant les conditions de l'article


250 C.I.R., est réputé non opposable à l'administration fiscale, du moins
pour l'application de l'impöt sur les revenus. Par conséquent, en vertu d'une
fiction légale (126 l, Ie cédant sera toujours considéré comme Ie bénéficiaire
des revenus, de la même manière que si Ie transfert de propriété n'avait pas
eu lieu, ce qui entraîne l'imposition de ces revenus en Belgique.

Toutefois, la cession peut être rendue opposable à l'administration à


condition que Ie contribuable puisse prouver que:

- soit l'opération répond à des besoins légitimes d'ordre financier ou éco-


nomique, c.-à-d. Ie transfert peut être justifié par d'autres motifs que
la réduction de la charge fiscale en Belgique;

- soit il a reçu pour l' opération une contrevaleur réelle qui produit un montant
(123) Liège, 30 mai 1974, J.D.F., 1974, 154.
(124) Dans Ie même sens, Hof te Den Haag, eerste Kamer, 3 juin 1985, annoté par MAL-
HERBE, J., Fiscale Koerier, n° 87/261; TIBERGHIEN, A., o.c., n° 17.227, p. 356-357.
(125) Supra, 213-214.
(126) Cass., 18 décembre 1962, l.c., note 121
218

de revenus soumis effectivement en Belgique à une charge fiscale normale


par rapport à celle qui aurait existé si cette opération n'avait pas eu lieu 027 l.

Notons toutefois que l'inopposabilité de ces transferts ne peut être invo-


quée par l'administration qu'à l'égard du cédant et non à l'égard de ses ayants
cause <1281 •

4. Article 250 C.l.R. et utilisation d'une société étrangère afin d'éviter


l'impót beige

L'article 250 C.I.R. sera applicable aux transferts «directs» de reve-


nus, c.-à-d. les transferts de biens générateurs de revenus. Il est par ailleurs
indifférent que ces revenus soient d'origine beige ou étrangère.

4. - Dispositions spécifiques d'origine internationale

A. - Aperçu général

Ainsi que mentionné ei-avant 029 >, Ie contribuable beige peut, en éta-
blissant une société à l'étranger, avoir pour objectif l'utilisation du réseau
de conventions de double imposition du pays du siège de la société qui est
plus favorable que Ie réseau beige de conventions.

Dans un tel procédé de planification fiscale, la société étrangère a un


röle de pur intermédiaire et agit comme «société relais», quoique cette fonction
puisse être combinée avec d'autres, telles l'accumulation ou la transformation
de revenus.

Le principal avantage fiscal recherché est la réduction des impöts retenus


à la source dans Ie pays de la source des revenus. L'utilisation d'un tel pro-
cédé de «tax treaty shopping» nuit donc essentiellement aux intérêts du pays
de la source. Vu qu'il s'agit d'une relation bilatérale - voire triangulaire
- , régie par différentes conventions internationales, il est évident que les
mesures unilatérales belges ne permettent pas toujours de Jutter efficace-
ment contre ces procédés de «tax treaty shopping». Des dispositions spéci-
fiques incluses dans les conventions de double imposition conclues avec les
pays réputés comme lieu d'établissement de «sociétés relais», constituent
(127) HINNEKENS, L., «La société relais et la société boîte aux lettres en droit fiscal
beige», l.c., 90; LAGAE, J.P., l.c., 210.
(128) Cass., 18 décembre 1962, l.c., note 121
(129) Supra, 192 et sq.
219

des mesures plus adéquates (1301 •


Ace jour, la Belgique n'a inséré de dispositions spécifiques en la matière
que dans les conventions qu'elle a conclues avec Ie Luxembourg, la Suisse
et les Etats-Unis.
Avant de commenter brièvement ces dispositions particulières, il convient
de signaler une autre restriction dans ce domaine, qui trouve son origine
dans la convention-modèle 1977 de l'O.C.D.E. et dans Ie commentaire officie!
y relatif.
B. - La restriction des avantages prévus par les conventions au «béné-
ficiaire effectif» d'un revenu
Une des modifications apportées en 1977 par Ie Comité des Affaires
Fiscales de l'O.C.D.E. à la convention-modèle, concernait les termes des
articles 10, 11 et 12 relatifs à l'imposition des dividendes, des intérêts et des
redevances.
Ces articles limitent Ie pouvoir d'imposition du pays de la source. Les taux
des retenues à la source sur les dividendes et intérêts étant réduits, et les rede-
vances étant exonérées, l'O.C.D.E. recommandait en 1977 de ne plus allouer
cette réduction ou exonération dans les situations ou la personne qui per-
çoit les dividendes, intérêts ou redevances n'en est pas Ie bénéficiaire effec-
tif («beneficia! ownern) 0 31 1.
Il ressort du commentaire officie! de l'O.C.D.E. que la modification
apportée aux articles 10, 11 et 12 de la convention-modèle a été inspirée par
la volonté des membres de l'O.C.D.E. de n'accorder l'avantage de la limi-
tation de l'impöt dans Ie pays de la source qu'à la personne, résident de l'autre
pays contractant, qui est Ie bénéficiaire effectif des revenus, et non un sim-
ple intermédiaire (tel un agent ou autre mandataire interposé entre Ie créancier
et Ie débiteur), à moins que Ie bénéficiaire effectif ne soit lui-même un rési-
dent du pays partenaire. Il est clair que les sociétés relais étaient particuliè-
rement visées. Cependant, l'O.C.D.E. recommande que les pays qui veulent
se prévaloir d'une telle exception, Ie prévoient explicitement dans leurs con-
ventions 11321 •

(130) Les conventions de double imposition contiennent également d'autres dispositions


qui pourraient être invoquées par Ie fisc dans sa lutte contre l'utilisation de sociétés étrangè-
res. Tel est Ie cas de l'article 9 (transfer! de bénéfices) et de l'article 26 (échange de renseigne-
ments) de la convention-modèle O.C.D.E.
(131) Article 10 §2, article 11 §2 et article 12 de la convention-modèle 1977 O.C.D.E.
(132) O.C.D.E., Convention-modèle de double imposition du revenu et de la fortune,
1977, art. 10 Comm. nos 11 et 22, art. Il Comm., n° 8 et art. 12 Comm., n° 4.
220

Cette restriction de l'avantage de la réduction des retenues à la source


aux bénéficiaires effectifs des revenus aurait pour résultat que la société étran-
gère, qui est établie par Ie contribuable beige à l'étranger afin d'y profiter
d'un réseau de conventions plus favorable et qui n'agit que comme société
de transit («conduit company») entre la source des revenus et Ie bénéficiai-
re effectif beige, ne pourrait plus bénéficier de ces avantages accordés par
les conventions conclues par Ie pays ou elle est établie. Cette restriction pourrait
donc rendre inutile et superflue l'utilisation de la société de transit.

Diverses conventions de double imposition conclues par la Belgique


après 1977 reprennent les termes de la convention modèle 1977 O.C.D.E.
et réservent Ie bénéfice de la réduction oude l'exonération de l'impöt dans
Ie pays de la source au résident du pays cocontractant qui en est le bénéfi-
ciaire effectif <133 l.

L'administration des contributions directes paraît toutefois être d'avis


que cette limitation aux résidents, bénéficiaires effectifs, est applicable dans
toutes les conventions conclues par la Belgique. Les termes «bénéficiaire
effectif» ne feraient que préciser ou interpréter les termes utilisés dans la
convention-modèle 1963 O.C.D.E. et dans les conventions conclues par la
Belgique quine prévoient pas explicitement cette restriction <134l_

La mise en reuvre de cette restriction implique qu'une preuve soit apportée,


ce qui suppose donc un échange d'informations et une coopération étroite
entre les administrations fiscales concernées 0 35 l_

Il convient toutefois de souligner que ce ne sont pas les conventions


conclues par la Belgique qui intéressent particulièrement les contribuables
belges qui utilisent des sociétés étrangères, mais bien les conventions con-
clues par Ie pays du siège de la société étrangère avec les pays sources des
revenus de la société étrangère.

(133) Les conventions conclues après la publication de la convention-modèle de 1977 limitent


explicitement les réductions d'impöts à la source au seul profit du «bénéficiaire effectif»: Australie
(1977), Chine (1985), Etat,-Unis (Protocole 1987), Hongrie (1982), Nouvelle-Zélande (1981 ),
Pakistan (1980), Sri Lanka (1983), Suisse (1978), Thailande (1978).
(134) Com. Conv., n° 10/204, n° 11/204 et n° 12/203.
(135) O.C.D.E., L'évasion et la fraude fiscales internationales, o.c., n° 14, p. 104.
221

C. - Exclusion des «sociétés relais» des avantages accordés par les


conventions de double imposition 36l °
1. Législation et conventions suisses

La Suisse a, de longue date, été un lieu privilégié pour la constitution


de «sociétés relais» contrölées par des contribuables étrangers, et ceci notam-
ment en raison du niveau d'imposition faible <lont bénéficient certains types
de sociétés (sociétés holding, Domizilgesellschaften) et en raison du réseau
assez favorable des conventions suisses. Toutefois, sous une certaine pres-
sion internationale, la Suisse a pris, dès 1962, des mesures unilatérales afin
de limiter l'usage abusif par de telles sociétés relais des conventions con-
clues par la Suisse <1371 •

L'application de ces mesures a pour conséquence principale Ie refus


par l'administration fiscale suisse d'accorder à un résident suisse sa coopé-
ration et son assistance dans l'obtention de la réduction - oude l'exemp-
tion - de la retenue à la source dans Ie pays étranger, lorsqu'il est prouvé
que ce résident suisse n'a pas lui-même la jouissance des revenus et qu'il
n'agit que comme intermédiaire à l'encaissement, prête-nom ou fiduciaire
au profit de non-résidents suisses. Une demande de réduction ou d'exemption
de la retenue à la source étrangère, basée sur les conventions suisses, sera
censée être «abusive» lorsque:

- soit la société suisse qui demande Ie dégrèvement, transfère une partie


«essentielle» des revenus qui bénéficient du dégrèvement, à une (ou des)
personne(s) ne bénéficiant pas des avantages de la convention concer-
née (c.-à-d. un non-résident);
- soit la société suisse, qui est contrölée par des non-résidents, accumule
«indûment» des revenus ayant bénéficié du dégrèvement <138 l.

(136) Le Protocole du 31 décembre 1987, modifiant et complétant la Convention de double


imposition entre la Belgique et les Etats-Unis du 9 juillet 1970, comprend également une dis-
position excluant les sociétés relais du bénéfice des réductions des retenues à la source. Il est
peu probable que ce protocole qui n'a pas encore été approuvé ni ratifié, ait une incidence sur
l'utilisation par les résidents belges de sociétés américaines.
(137) Arrêt du Conseil fédéral du 14 décembre 1962, instituant des mesures contre l'utili-
sation sans cause légitime des Conventions conclues par la Confédération helvétique en vue
d'éviter les doubles impositions et circulaire de l'administration fédérale des contributions du
31 décembre 1962; RYSER, W., Introduction au droit fiscal international de la Suisse, Ber-
ne, Stacmpfli & Cie, 1980, 184-199.
(138) Les critères déterminant s'il y a «transfert abusif» ou «accumulation indue» font
l'objet de la circulaire administrative, précitée. Supra, note 137.
222

Ces mesures relatives à l'usage abusif des conventions suisses («fraus


conventionis») ont été incorporées dans certaines conventions suisses, et
notamment dans la convention conclue avec la Belgique en 1978 o39l_ Bien
que ce ne soit pas la convention conclue avec la Belgique qui intéresse tout
particulièrement les contribuables belges qui utilisent des sociétés suisses,
les dispositions de cette convention sont brièvement commentées ei-après.
En effet, tant la législation interne suisse que d'autres conventions de dou-
ble imposition conclues par la Suisse, comprennent des dispositions ana-
logues, voire identiques.
En vertu de l'article 4 §4 1° de cette convention, n'est pas considérée
comme un résident de la Suisse pour l'application de la convention, la per-
sonne (physique ou morale) qui n'est que Ie bénéficiaire apparent des reve-
nus, lorsque ces revenus reviennent en réalité, soit directement, soit
indirectement par l'intermédiaire d'autres personnes physiques ou mora-
les, à une personne qui ne peut être considérée elle-même comme un rési-
dent de la Suisse.
°
En outre, en vertu de !' article 22 § 1 de la convention 40 ), une société
suisse dans laquelle des non-résidents suisses (belges ou autres) ont un intérêt
prépondérant direct ou indirect sous forme d'une participation ou d'une
autre manière, ne peut bénéficier d'un dégrèvement des impöts retenus à
la source par la Belgique sur les dividendes, intérêts ou redevances perçus
par cette société en Belgique qu'à condition que:
- les comptes créditeurs portant intérêts ouverts au nom de non-résidents
suisses (belges ou autres) ne s'élèvent pas à plus de six fois Ie total for-
mé par Ie capita! social et les réserves apparentes;
- les dettes envers les mêmes personnes ne portent pas intérêt à un taux
excédant Ie taux normal o41 J;
- 50 % au plus des revenus provenant de la Belgique sont utilisés à servir
des engagements envers des non-résidents suisses (intérêts, redevances,
frais de développement, de réclame, de première installation, de voya-
ge, amortissements, etc.);
- les dépenses en relation avec les revenus provenant de la Belgique sont
exclusivement couvertes à !'aide de ces revenus; et
( 139) Convention entre Ie Royaume de Bclgique et la Confédération suisse en vue d'évi-
ter les doubles impositions en matièrc d'impiits ,ur !e revenu et ,ur la fortune, signée à Berne
Ie 28 août 1978 et approuvée par la loi du 2 septcrnbrc 1980 (M.B., 14 octobre 1980).
Cf. à ce sujet KELLEY, P.L. et LAGAE, J.P .. «The Belgian-Swiss lncorne Tax Treaty -
an Analysis of its Principal Features», lntertax, 1980/4, 153-163.
(140) L'article est intitulé «Prévention de l'usage abusif de la Convention».
(141) En ce qui concerne la Belgique, la convention renvoie à l'article 50 1° C.I.R.
223

- la société suisse distribue au moins 25 % de ses dividendes, intérêts ou


redevances provenant de la Belgique.
Enfin, tout dégrèvement du précompte mobilier beige est refusé en ce
qui concerne 1142 ):
- les intérêts et redevances 0 43 l provenant de la Belgique et payés à une
société suisse dans laquelle des non-résidents suisses (belges ou autres)
ont un intérêt prépondérant, direct ou indirect, et qui bénéficie en Suis-
se d'un régime d'imposition favorable au niveau cantonnal 0 44 l;
- les dividendes, intérêts et redevances provenant de la Belgique et payés
à une fondation de familie suisse si Ie fondateur ou la majorité des béné-
ficiaires sont des non-résidents suisses et que ces revenus profitent ou
doivent profiter pour plus d'un tiers à des personnes quine sont pas des
résidents de la Suisse.
Les résidents belges qui envisagent l'emploi d'une société suisse, doi-
vent tenir compte des mesures unilatérales prises par la Suisse contre les abus
des conventions suisses et de l'inclusion de ces mesures dans certaines con-
ventions conclues par la Suisse avec des Etats tiers. Ces mesures tendent
notamment à exclure de l'application de la convention (i) les sociétés relais
suisses du bénéfice de la réduction et/oude l'exemption des retenues à la
source prévues par les conventions de double imposition et (ii) les sociétés
suisses qui ne sont pas les bénéficiaires effectifs des revenus.
2. Conventions luxembourgeoises
Les sociétés holdings luxembourgeoises, qui bénéficient au Luxembourg
du régime fiscal favorable, prévu par la loi luxembourgeoise du 31 juillet
1929 et l'arrêté-loi du 27 décembre 1937, sont exclues «expressis verbis» du
champ d'application «ratione personae» de la convention belgo-
luxembourgeoise <145 l. Une telle exclusion est prévue dans toutes les conven-
tions conclues par Ie Luxembourg. Ces dispositions ont pour conséquence
que les sociétés holdings luxembourgeoises ne peuvent être utilisées pour
Ie «treaty-shopping».

(142) Article 22 §§2 et 3 de la convention.


(143) A contrario, l'article 22 §2 ne porte pas sur les dividendes distribués à une société-
holding suisse à condition que celle-ci remplisse les conditions mentionnées au§ 1 de l'article 22.
(144) Sont visées en particulier les «Domizilgesellschaften» qui, dans certains cantons,
bénéficient d'une exemption de l'impöt cantonnal. Supra, 180.
( 145) § 1 du Protocole final, Convent ion entre le Royaume de Belgique et le Grand Duché
du Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impöts sur le revenu et
sur la fortune, du 17 septembre 1970 et approuvée par la loi du 14 décembre 1972 (M.B., 27
janvier 1973).
CHAPITRE III

CAS D'APPLICATION

INTRODUCTION

Le but de cette troisième partie est d'analyser plus en détail et plus con-
crètement- et ce à titre d'exemple - tant les avantages que les risques afférents
à l'utilisation de deux catégories de sociétés étrangères: la société de servi-
ces et la société de placements mobiliers 0 46 l.

Cette analyse devrait permettre de mieux percevoir les avantages réels


et importants d'une planification internationale bien conçue. Elle doit également
attirer l'attention sur Ie fait qu'une planification fiscale internationale n'est
pas toujours aisée en raison des nombreux risques et écueils résultant des
mesures prises en vue de combattre l'évasion fiscale internationale.

1. - Sociétés de services

A. - Types de sociétés de services

Les sociétés de services peuvent être de différents types selon qu'elles


sont constituées par des employés, des indépendants ou des artistes et sportifs,
tous personnes physiques.

1. Les sociétés d'employés

Un cas de constitution d'une société étrangère par des personnes physiques


établies en Belgique est celui ou des employés cadre d'une société décident,
en général avec l'accord de la direction de leur employeur, de constituer une
société étrangère qui, par leur intermédiaire, fournira des services à leur ancien
employeur, à des filiales étrangères de leur ancien employeur ou, plus rarement,
à des clients de leur ancien employeur.

Les services ainsi rendus par la société étrangère sont souvent des ser-
vices de type intellectuel (par exemple, des services de consultants, de ges-
tion de sociétés, de comptabilité).

(146) Pour l'utilisation de sociétés étrangères («base companies») par des sociétés mul-
tinationales, cf., entre au tres, SPRUYT, A., o.c., et doctrine citée; O.C.D.E., L'évasion
et la fraude fiscales internationales, o.c., nos 24-38, p. 25-28, nos 1-17, p. 66-69 et nos
4-8, p. 98-101.
226

Ces services sont facturés par la société étrangère directement à !'ancien


employeur, aux filiales étrangères de !'ancien employeur ou aux clients de
!'ancien employeur.

2. Les sociétés d'indépendants

Un ou plusieurs indépendants (architecte, expert fiscal, comptable, con-


sultant, conseiller juridique, etc.) constituent une société à l'étranger dont
ils sont les actionnaires, gérants, administrateurs et/ou employés.

Une telle société rend des services du type de ceux auparavant fournis
personnellement par les indépendants en exécution d'un contrat de servi-
ces conclu par cette société étrangère avec des clients belges ou étrangers.

3. Les sociétés d'artistes oude sportifs

Un sort particulier doit être réservé aux sociétés constituées par des artistes
ou sportifs en raison du fait que les conventions préventives de la double
imposition leur réservent un traitement particulier qui a une influence sur
Ie choix de l'établissement d'une société à l'étranger.

L'idée est qu'un ou plusieurs artistes ou sportifs belges créent une société
de droit étranger. Ces artistes ou sportifs continuent à fournir leurs servi-
ces comme auparavant, à cette différence près qu'ils ne fournissent plus leurs
services comme des indépendants travaillant pour leur propre compte, mais
bien comme des employés ou comme des associés, gérants ou administra-
teurs de la société étrangère. La société étrangère s'engage par contrat envers
les organisateurs d'événements sportifs ou culturels et perçoit, en son pro-
pre nom et pour son propre compte, les émoluments et cachets relatifs aux
prestations de services fournies par les artistes ou sportifs concernés.

B. - Les avantages recherchés

1. Jmposition faible

La création d'une société de services à l'étranger - spécialement dans


des pays oû. Ie taux de l'impöt des sociétés est réduit, voire nul - a pour
effet de soustraire à l'impöt global sur les revenus en Belgique la partie des
revenus qui sont réalisés à l'intermédiaire de la société étrangère. Ces reve-
nus réalisés par la société étrangère sont imposables dans Ie chef de la société,
227

soit dans Ie pays du siège de la société, soit dans Ie ou les pays ou les reve-
nus ont été réalisés. En général, la préférence est donnée à une société ayant
son siège dans un pays connaissant une fiscalité modérée, sinon faible.

2. Transformation ou requalification des revenus

Le recours à l'intermédiaire d'une société établie à l'étranger permet


également au contribuable de transformer ou de donner une autre qualifi-
cation à des revenus perçus antérieurement par une personne physique résident
de la Belgique.

Cette transformation ou requalification des revenus se produit à deux


mveaux:

- au niveau de la perception des revenus par la société étrangère de services;

- au niveau de la distribution des revenus par la société étrangère de services.

Cette transformation ou requalification des revenus a une incidence


pour l'application tant du droit fiscal beige que des conventions préventi-
ves de la double imposition conclues par la Belgique.

3. lmposition différée

La constitution d'une société de services à l'étranger peut également


avoir pour effet de différer l'imposition des revenus dans Ie chef des ulti-
mes bénéficiaires des revenus.

Certaines sociétés de services n'ont pas pour vocation de distribuer


d'importants revenus à leurs actionnaires, administrateurs, gérants ou employés,
mais bien plutöt de mettre les bénéfices de l'entreprise en réserve. Ces bénéfices
sont ultérieurement «distribués» par la société étrangère, soit à !'occasion
d'un événement bien déterminé (vente des titres de la société, liquidation
de la société, äge de la retraite de l'actionnaire unique ou principal, etc.),
soit lorsqu'une telle distribution permet de réaliser une économie fiscale (dis-
tribution à un moment favorable pour Ie bénéficiaire ultime des revenus).

4. Utilisation du réseau de conventions d'un pays tiers

L'utilisation d'une société étrangère de services peut également avoir


pour objectif l'application des conventions préventives de la double impo-
228

sition du pays du siège de la société dont les dispositions pourraient être plus
favorables, sur certains points, que celles des conventions conclues par la
Belgique. De même, Ie réseau de conventions conclues par !edit pays pour-
rait être plus étendu que celui de la Belgique.

C. - lmposition des revenus de la société

L'imposition des revenus perçus par la société sera fonction de la qua-


lification de ces revenus. Or, l'utilisation d'une société de services étrangè-
re a pour conséquence la transformation ou requalification des revenus au
niveau de la perception de ces revenus par la société étrangère de services.

Cette transformation s'effectue comme suit:

- les rémunérations d'employés sont transformées en bénéfices d'entreprises;

- les profits antérieurement réalisés par des indépendants sont qualifiés


de bénéfices dans Ie chef de la société étrangère.

Cette transformation ou requalification des revenus a une incidence


notamment pour l'application des conventions préventives de double impo-
sition. Ainsi, les revenus recueillis par la société de services sont qualifiés
de bénéfices; l'article 7 des conventions de double imposition relatif aux
bénéfices d'entreprise (convention-modèle O.C.D.E.) sera donc applica-
ble plutót que les articles 14 (relatif aux professions libérales et autres acti-
vités indépendantes), 15 (professions dépendantes) ou 17 (artistes et sportifs).

La constitution d'une société étrangère peut, à certaines conditions,


avoir pour résultat de soustraire les revenus de l'activité professionnelle à
l'impót des pays ou s'exerce l'activité professionnelle, et ceci en raison de
la règle de l'établissement stable.

Le facteur de rattachement de l'établissement stable, au sens des con-


ventions préventives de la double imposition, est plus strict que les facteurs
de rattachement prévus dans les mêmes conventions en ce qui concerne les
rémunérations d'employés, les profits d'indépendants 0 47 l et les profits
d'artistes oude sportifs. La société étrangère sera dès lors plus difficilement
soumise à un impót sur ses revenus en dehors de son pays de résidence.

(147) Cf. MICHAUX, E., «An analysis of the notion 'fixed base' and its relation to the
not ion 'permanent establishment' in the OECD model». Intertax, 1987 /3, 68-74, (sp. 70-71).
229

En ce qui concerne les revenus provenant de l'activité de la société en


Belgique, leur imposition dans le pays dépend de l'existence d'un établis-
sement stable en Belgique dans l'hypothèse ou la société est établie dans un
pays qui a une convention de double imposition avec la Belgique. Par la
création de la société étrangère, il est donc possible d'éviter qu'un impöt
soit dû en Belgique sur des revenus qui y auraient été imposables, n'était-
ce l'existence de la société étrangère: tel serait le cas des revenus perçus par
un employé pour des activités exercées en Belgique, des revenus perçus par
des artistes ou sportifs pour des prestations en Belgique o4sJ, des profits réa-
lisés par des indépendants pour des activités exercées en Belgique. Dans tous
ces cas, Ie critère de l'établissement stable prend Ie pas sur Ie facteur de rat-
tachement initia!, à savoir Ie lieu d'exercice de l'activité (employés, artistes
et sportifs) ou l'existence d'une base fixe (autres indépendants).

En ce qui concerne les revenus provenant de l'activité de la société à


l'étranger, ils seront imposables dans le pays de résidence de la société ou
dans le(s) pays d'exercice de l'activité, selon les cas. Ces revenus échappent
donc, en principe, à la juridiction fiscale belge (sous réserve de ce qui sera
dit ei-dessous).

D. - lmposition des revenus distribués par la société ou des plus-values


réalisées par l'actionnaire

Le contribuable beige qui a constitué une société à!' étranger sera, pour
autant qu'il n'ait pas émigré entretemps, imposable en Belgique sur les revenus
distribués par la société étrangère ou sur les plus-values qu'il réalise.

Au niveau de la distribution également, les revenus recueillis par la société


peuvent être transformés ou requalifiés. En effet, la distribution peut se faire
sous diverses formes :
- dividendes;
- tantièmes et rémunérations d'administrateurs;
- rémunérations d'associés actifs;
- rémunérations d'employés;
- bonis de liquidation;
- rachat d'actions.
(148) Sauf si la convention préventive de double imposition conclue par la Belgique avec
Ie pays du siège de la société prévoit que Ie critère de rattachement est Ie lieu 011 l'artiste et Ie
sportif exercent leurs activités. Dans un tel cas, la «société d'artistes» sera imposée dans Ie pays
011 l'artiste ou sportif exerce son activité, même en !'absence d'un établissement stable dans
ce pays. Les dispositions en la matière des conventions conclues par la Belgique ne sont pas
uniformes. Cf. Com. Conv., n° 17/26-29.
230

Par ailleurs, l'actionnaire peut préférer céder ses actions dans la société
étrangère et réaliser une plus-value.

1. Dividendes ou revenus de parts

Les dividendes versés par la société étrangère à ses actionnaires sont


soumis, Ie cas échéant o49l, à une retenue à la source dans Ie pays ou la société
a son domicile fiscal. Cette retenue à la source peut être éventuellement réduite
par application des conventions de double imposition conclues entre Ie pays
de résidence de la société et la Belgique, en tant que pays de résidence de
l'actionnaire (i 5oi.

Le précompte mobilier est dû en Belgique sur les dividendes de socié-


tés étrangères qui sont recueillis par des personnes physiques à l'interven-
tion d'un intermédiaire établi en Belgique o51 i. A défaut d'être recueillis à
l'intervention d'un intermédiaire établi en Belgique, les dividendes d'ori-
gine étrangère sont soumis à l'impöt au taux distinct de 25 % (152l et, Ie cas
échéant, à la cotisation spéciale sur les revenus mobiliers dont Ie montant
net excède 1.110.000 FB 0 53 l_

2. Tantièmes et rémunérations d'administrateurs

Selon que ce pays a ou non conclu une convention de double imposi-


tion avec la Belgique, ces tantièmes et autres rémunérations d'administra-
teur donnent lieu à un traitement fiscal différent en Belgique.

a. Existence d'une convention

Les tantièmes et autres rétributions reçus par un administrateur en qualité


de membre du conseil d'administration de la société étrangère sont impo-
sables dans l'Etat de résidence de la société 1154 ).
( 149) D'oû la recherche par l'actionnaire d'un lieu d'établissement de la société oû les dis-
positions fiscales ne prévoient pas de retenue à la source (pour tout ou partie des revenus, pour
tout type de sociétés ou pour certaines seulement).
(150) Article 10 de la convention-modèle O.C.D.E.
(151) Article 164 3° C.I.R.
(152) Article 93 § 1 1° bis d) C.I.R., à moins que la globalisation avec les autres revenus
du contribuable ne lui soit plus favorable.
( 153) Article 42 § 1 de la loi du 28 décembre 1983, portant des dispositions fiscales et bud-
gétaires (M.B., 30 décembre 1983, 16505).
(154) Article 16 de la convention-modèle O.C.D.E.
231

La plupart des conventions conclues par la Belgique prévoient en outre que


les rémunérations perçues pour l'exercice d'une activité journalière (I 55 > sont
imposables dans le pays ou s'est exercée l'activité journalière, selon les règles
d'imposition relatives aux employés 0 56 >.

Le résident de la Belgique ne sera dorre pas assujetti à l'impöt beige


sur les tantièmes et autres rémunérations qui lui sont versés par la société
étrangère en sa qualité d'administrateur (157 >_ Ces revenus imposables à
l'étranger sont toutefois pris en considération pour la détermination du taux
de l'impöt beige applicable aux autres revenus du contribuable 058 >.

Dans la mesure toutefois ou !'administrateur a exercé une activité jour-


nalière en dehors du pays ou la société étrangère a son domicile fiscal, et
notamment en Belgique, Ie pouvoir d'imposition appartiendra au pays ou
l'activité journalière s'est exercée.

b. Absence de convention

Si la législation du pays dans lequel la société étrangère a son domicile


fiscal Ie prévoit, les tantièmes et autres rémunérations d'administrateurs peuvent
être imposés dans ce pays.

L'administrateur résident de la Belgique sera en outre imposable en


Belgique sur son revenu d'origine étrangère. La partie de l'impöt afférente
à ses revenus d'origine étrangère fera l'objet d'une réduction de moitié lorsque
les rémunérations d'administrateurs ont été imposées à l'étranger et impu-
tées sur les résultats d'un établissement étranger o59>.

(155) Les conventions conclues par la Belgique sant fort différentes l'une de l'autre quant
à la portée de cette exception. Certaines prévoient, par exemple, que l'activité journalière doit
avoir été exercée dans un établissement de la société étrangère en dehors du pays du principal
établissement; d'autres ne contiennent pas cette référence à un établissement stable.
(156) lnfra, 232 -233.
(157) Il convient de souligner que les diverses conventions conclues par la Belgique con-
tiennent des dispositions différentes en ce qui concerne Ie type de sociétés auxquelles l 'article
16 de chaque convention s'applique (sociétés par actions, sociétés anonymes, tous types de sociétés).
(158) Clause de réserve de progressivité (Article 23 de la convention-modèle O.C.D.E.
et article 87 quater C.I.R.)
(159) Article 88 2° C.I.R.
232

3. Rémunérations d'associés actifs

a. Existence d'une convention

En !'absence de dispositions spécifiques dans les conventions, les rému-


nérations d'associés actifs tombent, selon l'administration fiscale beige, sous
l'application de l'article 7 des conventions préventives de la double impo-
sition relatif aux bénéfices d'entreprise. Par ailleurs, les associés actifs sont
présumés disposer d'un établissement stable au siège de la société étrangè-
re ainsi qu'aux lieux ou la société étrangère dispose elle-même d'un établissement
stable <160l.

Dès lors, Ie résident de la Belgique sera imposé, Ie cas échéant, à l' étranger,
mais exempté en Belgique, sur les rémunérations d'associé actif qui lui sont
allouées par la société étrangère, à moins que ces rémunérations lui soient
allouées en raison d'une activité exercée dans un établissement stable en Belgique
de la société étrangère. La réserve de progressivité demeure toutefois d'appli-
cation.

b. Absence de convention

Les rémunérations peuvent éventuellement être imposées dans Ie pays


du siège de la société ou dans Ie pays ou cette société a réalisé ses bénéfices.

L'associé actif beige sera également imposé en Belgique sur les rému-
nérations qui lui sont attribuées. Toutefois, la partie de l'impöt des personnes
physiques afférente aux rémunérations d'origine étrangère (c.-à-d. celles
quine sont pas allouées en raison d'une activité exercée dans un établisse-
ment beige de la société) est réduite de moitié lorsque les rémunérations ont
été imposées à l'étranger et imputées sur les résultats d'un établissement
étranger <161 l.

4. Rémunérations d'employés

Les rémunérations versées par une société étrangère sont soumises à


imposition en Belgique selon les distinctions suivantes.

a. Existence d'une convention

(160) Com. Conv, n° 7/601 et sq.


(161) Article 88 2° C.l.R.
233

Le résident de la Belgique qui perçoit des rémunérations d'employés


est imposable en Belgique sur la partie de ses rémunérations correspondant
à son activité exercée en Belgique.

La partie de ses rémunérations afférente à son activité exercée à l'étranger


dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive
de la double imposition, doit, en règle générale, être imposable dans eet autre
pays (1621_
Par exception, !'employé reste imposable en Belgique sur la totalité de sa
rémunération, y compris donc la partie afférente à l'activité exercée à l'étranger,
si son séjour dans Ie pays ou s'exerce son activité se prolonge pendant moins
de 183 jours par période imposable, si son employeur (la société étrangère
de services) n'est pas résident du pays dans Iequel s'exerce son activité et
si sa rémunération n'est pas prise en charge par un établissement stable de
son employeur situé dans Ie pays ou s'exerce son activité 0631 •

b. Absence de convention

Tant les rémunérations d'origine beige que les rémunérations d'origi-


ne étrangère sont incluses dans la base imposable à l'impöt en Belgique. La
réduction de l'impöt afférent à des revenus d'origine étrangère est applica-
ble lorsque les rémunérations ont été imposées à l'étranger (1641 •

5. Rémunération d'artistes et sportifs

La convention-modèle 1977 O.C.D.E. et de nombreuses conventions


préventives de double imposition signées par la Belgique prévoient un régime
particulier pour les rémunérations et autres revenus des artistes et sportifs.
Le régime décrit ei-après est celui prévu par la convention-modèle 1977
O.C.D.E. <1651 et des conventions conclues par la Belgique qui suivent la
convention-modèle 0 661.

a. Existence d'une convention


Le résident de la Belgique qui perçoit des rémunérations en tant qu'artiste
(162) Article 15 §1 de la convention-modèle O.C.D.E.
(163) Article 15 § 2 de la convention-modèle O.C.D.E.
(164) Article 88 2° C.I.R.
(165) Article 17 de la convention-modèle 1977 O.C.D.E.
(166) Cf. Com. Conv., n° 17/11-29. Notons toutefois que de nombreuses conventions
dérogent à la convention-modèle 1977 O.C.D.E.
234

ou sportif est imposable en Belgique sur la partie de ses rémunérations cor-


respondant à son activité en Belgique.

La partie de la rémunération afférente à son activité à l'étranger est


imposable dans ce pays et exonérée en Belgique (exemption avec progressivité).

b. Absence de convention

Tant les rémunérations d'origine beige que les rémunérations d'origi-


ne étrangère sont imposables en Belgique. La réduction de l'impöt afférent
à des revenus d'origine étrangère est applicable lorsque les rémunérations
ont été imposées à l'étranger 0 67 l.

6. Plus-values sur titres

L'actionnaire peut donner la préférence à la cession des titres de la société


étrangère et à la réalisation de plus-values. Ces plus-values sont traitées en
droit fiscal international et en droit fiscal beige de la façon suivante:

a. Existence d'une convention

La convention-modèle O.C.D.E. (168 l confère au pays de la résidence


du cédant Ie pouvoir d'imposer les gains en capita! (plus-values) réalisés sur
la vente de biens mobiliers, à moins que Ie cédant ait dans Ie pays autre que
celui de sa résidence un établissement stable ou une base fixe auquel se rat-
tache Ie bien générateur du gain.

La Belgique se voit dorre normalement conférer Ie pouvoir d'imposi-


tion sur les plus-values réalisées sur la vente des actions de la société étrangère.

Les plus-values sur participations ne sont, en règle générale, pas imposables


en Belgique dans la mesure ou la réalisation des titres rentrent dans Ie cadre
de la gestion normale du patrimoine privé des actionnaires résidents bel-
ges. Si toutefois les réalisations de titres sont fréquentes et liées, les plus-
values pourraient éventuellement être imposables en Belgique au titre de
revenus divers, c.-à-d. de bénéfices ou profits réalisés dans Ie cadre d'une
activité excédant la gestion normale d'un patrimoine privé <169H 170>.

(167) Article 88 2° C.l.R.


(168) Article 13 §2 et §4 de la convention-modèle O.C.D.E. 1977
(169) Article 67 1° C.l.R.
235

b. Absence de convention
En !'absence de convention préventive de la double imposition, les plus-
values réalisées sur les titres de la société étrangère pourraient être impo-
sées dans Ie pays du siège de la société. Elles sont en outre imposables en
Belgique entre les mains de l'actionnaire cédant (résident de la Belgique,
par hypothèse) selon les distinctions vues ci-dessus en ce qui concerne les
plus-values réalisées sur des titres d'une société dont Ie domicile fiscal est
établi dans un pays à convention. La partie de l'impöt correspondant aux
plus-values d'origine étrangère imposées à l'étranger est réduite de
moitié 0711 •

7. Bonis de liquidation - Rachat d'actions


Ni Ie rachat d'actions par la société émettrice, ni la répartition de bonis
de liquidation ne sont des situations visées par une disposition spécifique
des conventions de double imposition.
Le régime fiscal du boni de liquidation et du rachat d'actions dans Ie
pays du siège de la société de services dépendra de la législation fiscale de
ce pays et de la qualification qu'elle donne à ces opérations ainsi que des
conventions de double imposition.
Il convient de rappeler qu'en droit fiscal beige, les revenus d'actions
ou parts payés ou attribués en cas de partage de l'avoir social (liquidation
totale ou partielle d'une société) oude rachat d'actions ne constituent pas
des revenus mobiliers 072l.
Les plus-values de liquidation et celles réalisées à !'occasion du rachat
d'actions par la société ne sont donc pas imposables lorsque les titres de la
société étrangère font partie du patrimoine privé de l'actionnaire <1731 •

(170) Les dispositions relatives à la cession de participations importantes (Article 67 8°


C.I.R.) ne sont, en principe, pas d'application puisqu'elles concement les cessions de parts
dans une société beige. Elles ne trouveraient à s'appliquer que dans l'hypothèse ou la société
étrangère serait considérée comme ayant établi son domicile fiscal en Belgique.
Les plus-values qui sont réalisées par un contibuable, personne physique, dans Ie cadre de l'exercice
de son activité professionnelle, sont imposables en principe au taux plein. Les plus-values sur
participations affectées depuis plus de cinq ans à l'exercice de l'activité professionnelle sont
immunisées à concurrence de la quotité monétaire (Article 34 §1 3° et §2 C.I.R.) et taxées au
taux réduit pour Ie surplus (Articles 93 §1 2° a) C.I.R.). Ces plus-values peuvent également
être immunisées sous condition de remploi (Article 36 C.l.R.).
(171) Article 88 2° C.I.R.
(172) Article 19 2° et 3° C.I.R.
(173) Com. !.R., n° 19/4 1°.
236

E. - Risques - Les moyens de défense du fisc beige

L'utilisation de sociétés étrangères de services présente de nombreux


risques, qui résultent en grande partie du fait que la présence et l'activité
personnelle des «acteurs», c.-à-d. employés cadre, indépendants, artistes
et sportifs devenus actionnaires, administrateurs, gérants, jouent un röle
prépondérant. Ce röle prépondérant et indispensable a pour conséquence
qu'il est impossible de séparer l'activité de la société de celle des principaux
acteurs.

Un premier risque qui découle de cette situation est Ie caractère fictif


du siège social de la société qui peut résulter du fait que la direction de la
société est établie en Belgique.

Afin de réduire Ie risque que les autorités fiscales considèrent que la


société de services a son siège social et, dès lors, son domicile fiscalen Bel-
gique, il convient d'éviter que Ie centre d'impulsion des activités de la société
soit établi en Belgique. Il est donc essentie! que Ie fonctionnement de la société
soit organisé de telle sorte que les réunions des assemblées générales des action-
naires ou associés et du conseil d' administration oude gérance, se tiennent
au siège de la société à l'étranger. Il est également essentie! que la compta-
bilité de la société soit tenue à!' étranger, que Ie courrier adressé à la socié-
té Ie soit au siège social à l'étranger et que Ie courrier envoyé par la société
Ie soit au départ du siège social à l'étranger. Ceci vaut également en ce qui
concerne la correspondance avec les banques de la société.

Un second risque qui découle du röle prépondérant des «acteurs» est


que la société étrangère soit considérée comme ayant un établissement en
Belgique. Tant par l'activité ou la présence des acteurs en Belgique que par
la présence d'un certain nombre d'indices matériels (bureaux en Belgique,
envoi de courrier à partir de et vers la Belgique, papier à lettre mention-
nant une adresse en Belgique, un numéro de téléphone, de télex ou de télé-
fax en Belgique, etc.), les autorités fiscales belges pourraient conclure à la
présence d'un établissement beige ou stable de la société étrangère en Bel-
gique. Dans ce cas, les revenus de l'activité de l'établissement (sous déduc-
tion des frais et charges y afférents) seraient imposables à l'impöt beige des
non-résidents («I.N.R.») (sociétés).

Par ailleurs, dans la mesure ou des paiements sont effectués par des
entreprises belges à la société étrangère de services, il convient de tenir compte
d'un risque d'application des articles 24 et 46 du C.I.R.
237

Finalement, les dispositons tendant à contrecarrer l'usage abusif des


conventions de double imposition pourraient être applicables.

2. - Sociétés de placements

A. - Sociétés visées

Sont visées les sociétés qui placent les fonds qui leur ont été apportés,
en valeurs mobilières (actions, obligations ou autres titres de créances).

Ces sociétés peuvent avoir une politique soit de répartition, soit de mise
en réserve (capitalisation) des bénéfices.

B. - Avantages recherchés

1. lmposition f aible

La société de placements sera de préférence constituée dans un pays


011 les sociétés de placements ne sont pas assujetties à un impöt ou sont assujetties
à un impöt très modéré sur leurs revenus mobiliers ou sur les plus-values
sur titres et 011 les dividendes distribués par ce type de sociétés ne sont pas
soumis à une retenue à la source.

2. Transformation des revenus

La société recueille des intérêts et des dividendes; elle peut également


réaliser des plus-values sur titres.

Elle peut distribuer ou répartir ces revenus et bénéfices sous forme de


dividendes, de bonis de Iiquidation oude plus-values sur rachat d'actions.
Par ailleurs, les actionnaires ou détenteurs de parts peuvent vendre leurs
actions ou parts et réaliser ainsi une plus-value, principalement si la socié-
té de placements a appliqué une politique de «capitalisation» des revenus.

3. lmposition différée

Si Ie résident belge est une personne physique ou une personne mora-


Ie soumise à l'I.P.M., l'imposition différée peut constituer un objectif majeur,
ainsi qu'exposé ei-après.
238

4. Utilisation du réseau de conventions de double imposition d'un pays


tiers

Un élément <lont il sera tenu compte lors du choix du pays étranger


est Ie réseau de conventions de double imposition de ce pays, et principale-
ment l'existence de conventions avec les pays dans lesquels la société effec-
tuera des placements.

C. - lmposition des revenus de la société étrangère

La société étrangère <lont l'activité est la gestion d'un portefeuille de


valeurs mobilières au moyen de capitaux qui lui sont apportés est soumise
à la juridiction fiscale du pays dans lequel elle a établi son domicile fiscal.
En règle générale, Ie choix se portera sur un pays ou Ie taux de l'impöt sur
les revenus de la société de placements est faible, voire nul, ou vers un pays
accordant un traitement préférentiel aux revenus de valeurs mobilières perçus
d'autres sociétés.

Une telle société n'a en général pas d'établissement en dehors du pays


ou elle est constituée et ou elle a son domicile. L'imposition dans des pays
autres que celui de son domicile fiscal se limitera, dès lors, à la retenue à
la source sur les dividendes, intérêts et autres revenus de placements ayant
leur source dans ces pays.

La société étrangère de placements entre en contact avec la sphère de


la juridiction fiscale beige et sera sournise à l'I.N.R., égal au précompte mobilier,
dans la mesure ou elle recueille des dividendes ou autres revenus mobiliers
à charge d'un résident de la Belgique (personne physique ou morale) ou d'un
établissement beige d'une société étrangère <174l.

D. - lmposition des distributions par la société étrangère

L'analyse qui suit ne traite que de l'imposition en Belgique, car il est


supposé qu'aucune retenue à la source n'est due par la société de placements
sur les dividendes qu'elle distribue et qu'aucun impöt n'est perçu par Ie pays
du siège de la société de placements sur les plus-values réalisées par les action-
naires en cas de vente de leurs actions ou en cas de liquidation de la société
oude rachat d'actions par la société.

Le régime fiscal des actionnaires dont Ie dornicile fiscal est situé en Belgique

(174) Articles 140 §2 2° et 150 C.l.R.


239

diffère selon que l'actionnaire est une personne physique, une société ou
une personne morale soumise à l'I.P.M.

1. Distribution de dividendes

a. Actionnaire personne physique

Lorsque Ie dividende est perçu via un intermédiaire établi en Belgique,


un précompte mobilier de 25 OJo sera retenu en Belgique. Ce précompte mobilier
est libératoire si la non-déclaration du dividende s'avère plus avantageuse
pour l'actionnaire <175 l_ Dans Ie cas contraire, l'actionnaire pourra décla-
rer Ie dividende afin de Ie soumettre à l'impöt global sur ses revenus et obtenir
l'imputation du précompte mobilier.

Lorsque la perception du dividende se fait sans intermédiaire beige,


Ie dividende doit être déclaré à l'impöt des personnes physiques. Il sera taxé
au taux distinct de 25 OJo 076 l, sans préjudice de l'application des addition-
nels communaux et de la cotisation spéciale sur les revenus mobilier (177l,
sauf si la globalisation est plus avantageuse.

b. Actionnaire société

Aucun précompte mobilier n'est dû sur les dividendes versés par une
société étrangère à une société établie en Belgique <178 l.

Les dividendes sont inclus dans la base imposable de la société établie


en Belgique et traités de la façon suivante:

- les participations dans la société étrangère sont des participations per-


manentes au sens des articles 111 et suivants du C.I.R.

Dans ce cas, les dividendes d'origine étrangère, qu'ils aient ou non été
soumis effectivement à un impöt sur les revenus dans Ie chef de la socié-
té étrangère, sont traités comme des revenus définitivement taxés et déduits
en conséquence de la base imposable à l'impöt beige des sociétés à con-

(175) Article 220bis C.l.R.


(176) Article 93 § 1 § 1° bis d) C.l.R.
( 177) Article 42 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgé-
taires (M.B., 30 décembre 1983, 16505)
(178) Article 88 § 1 A.l.R.
240

currence de 95 P7o ou 90% 0 79 >_

- les participations dans la société étrangère ne répondent pas à la condi-


tion de permanence.

Les dividendes sont compris dans Ie bénéfice imposable de la société action-


naire. Ils donnent droit à l'attribution à la société beige d'une quotité
forfaitaire d'impöt étranger égal à 15 % du dividende net perçu <180l, à
condition que les dividendes aient été soumis à l'étranger à une imposi-
tion comparable à l'impöt beige sur les revenus.

L'administration admet sans exiger aucune preuve que cette condition


est remplie dans Ie cas de dividendes 081 >.

c. Actionnaire personne morale

Les dividendes recueillis par une personne morale assujettie à l'I.P .M.
sont soumis au précompte mobilier de 25 % . Le précompte, s'il n' a pas été
retenu par un intermédiaire en Belgique, est dû par la personne morale elle-
même 082 J.

2. Plus-values de réalisation, de liquidation oude rachat d'actions

a. Actionnaire personne physique

Lorsque les investissements en actions de sociétés étrangères se sont


faits dans Ie cadre de la gestion du patrimoine privé, les plus-values réali-
sées lors de la vente des titres, lors de la liquidation de la société étrangère
ou lors du rachat par la société émettrice de ses propres actions, ne sont pas,
en principe, imposables 0 33 J.

b. Actionnaire société

Pour l'actionnaire société, les plus-values réalisées lors de la vente des

(179) Articles 111 à 113 C.I.R.


(180) Articles 187 et 195 C.I.R.
(181) Com. !.R., n° 186/30.
(182) Articles 136, 137 §1 et 164 alinéa 2 6° C.l.R.
(183) Article 67 1° C.I.R. a contrario; Com. !.R., n° 19/4.1. en ce qui concerne les plus-
values de liquidation et de rachat d'actions. Supra, 234-235.
241

titres, lors de la liquidation de la société étrangère ou lors du rachat par la


société émettrice de ses propres actions, constituent des plus-values impo-
sables en principe au taux plein. Les plus-values sur participations détenues
depuis plus de cinq ans peuvent éventuellement être taxées au taux
réduit o34l. Ces plus-values peuvent éventuellement être immunisées sous
condition de remploi 0 35 l.

c. Actionnaire personne morale

Les personnes morales soumises à l'I.P .M. ne sont pas imposables sur
les plus-values sur titres qu'elles réalisent.

E. - Les risques - Les mesures de défense du fisc beige

Dans l'état actuel de la Iégislation et de lajurisprudence fiscales, l'uti-


lisation d'une société étrangère pour Ie placement en valeurs mobilières présente
en fait peu de risques, pour autant qu'un minimum de précautions soient
prises. Cette situation résulte en fait de la grande mobilité des capitaux et
valeurs mobilières, de sorte qu'il est aisé d'adapter les faits à la structure
juridique choisie.

La société étrangère de placements sera reconnue comme telle pour autant


que toutes les règles de fond de de forme soient respectées lors de sa consti-
tution et durant son existence, et pour autant que la gestion se fasse au départ
de son siège social. Il est exclu que les décisions d'investissement soient prises
par des gestionnaires agissant au départ de la Belgique.

Le fait qu'une grande partie des fonds soient investis en Belgique ne


devrait pas être de nature à influencer la reconnaissance de la société de pla-
cements comme société étrangère.

Il y a une disposition spécifique à laquelle il conviendra d'être parti-


culièrement attentif, à savoir l'article 250 C.I.R.
Afin d'éviter l'application de cette disposition, Ie contribuable beige veil-
lera à n'apporter que des espèces à la société étrangère de placements, et
non des valeurs mobilières et autres titres de créances <186l.

En outre, les dispositions tendant à contrecarrer l'usage abusif des con-


(184) Article 93 §1 2° a) juncto article 130 C.I.R.
(185) Article 36 C.I.R.
(186) Supra, 215-216.
242

ventions de double imposition pourraient être applicables.

F. - Conclusion - Application

Il résulte de !'analyse qui précède que l'utilisation d'une société étran-


gère de placements permet de réaliser une importante économie fiscale, mais
que les mécanismes qui doivent être utilisés varient selon la qualité ou Ie
stat ut fiscal du bénéficiaire résident de la Belgique:

- les personnes physiques et les personnes morales soumises à l'l.P .M. (par
exemple, les fonds de pension créés sous la forme d' A.S.B.L.) donne-
ront la préférence à des distributions de revenus sous forme de plus-value.
Dans un tel cas, l'imposition des revenus capitalisés (correspondant aux
plus-values) par la société de placements se limitera en fait à la retenue
à la source, pour autant qu'il y ait dividendes encaissés par la société de
placements ;

- les sociétés (par exemple, les compagnies d'assurances) donneront la pré-


férence à une répartition de dividendes par la société de placements en
raison du régime des revenus définitivement taxés. L'importance de l'éco-
nomie fiscale qui peut résulter de la transformation d'intérêts en divi-
dende via une société étrangère de placements a été illustrée dans
l'exemple n° 4 87 >. °
Certaines sociétés étrangères répondent aux préoccupations des diverses
catégories de contribuables belges.

Tel est notamment Ie cas de la Société d'lnvestissement à Capita! Variable


(«SICAV») de droit luxembourgeois 088 >.

De telles sociétés, qui sont constituées sous la forme de sociétés anonymes


dotées de la personnalité juridique, ne sont pas assujetties à l'impöt luxem-
bourgeois sur les revenus des sociétés, ni à l'impöt luxembourgeois sur Ie
patrimoine, ni même aux taxes communales luxembougeoises. Les distri-
butions de dividendes par les SICAV ne font pas l'objet d'une retenue à
la source au Grand-Duché de Luxembourg. Enfin, de nombreuses SICAV
luxembourgeoises émettent deux sortes d'actions:

(187) Supra, 190.


( 188) Loi luxembourgeoise du 25 août 1983, relative aux organismes de placements col-
lectifs (Mém. Lux., 1983 1462) et les règlements grand-ducaux du 25 août 1983 (Mém. Lux.,
1983 2676).
243

- des titres donnant droit à l'attribution annuelle de dividendes, répon-


dant aux préoccupations des sociétés belges (dont les compagnies d'assu-
rances) qui bénéficient de la déduction des revenus définitivement taxés;
et

- des titres sans attribution de dividendes pour lesquels les bénéfices sont
réservés, répondant aux préoccupations des personnes physiques belges
et des personnes morales soumises à l'I.P .M. (tels les fonds de pension)
qui bénéficient de la non-imposition des plus-values réalisées sur parti-
cipations.
L'INCIDENCE SUR LE CHOIX DE LA VOIE LA MOINS IMPOSÉE
DES PROJETS DE REFORME DE L'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS
ET DE LEURS ASSOCIÉS

par

Thomas DELAHA YE

Avocat à la Cour de Cassation


Ancien membre de la Commission Royale d'harmonisation et de simplification de la fiscalité
INTRODUCTION

La moindre difficulté de eet exposé n'est pas qu'il y a actuellement trois


propositions de réforme qui peuvent avoir une incidence sur Ie sujet.

Outre les décisions prises par Ie défunt Gouvernement - restées sans


effet suite à la dissolution des Chambres Ie Groupe de travail du Conseil
Supérieur des Finances qui, dans la répartition des täches avec la Commis-
sion Royale pour l'harmonisation et la simplification de l'impöt, s'est chargé
d'une étude approfondie et l'impöt des sociétés, a fait des propositions qui
sont relatées dans deux rapports déposés par ce Groupe de travail les 8 septembre
1986 et 10 novembre 1987.

La Commission Royale pour l'harmonisation et la simplification de


l'impöt, pour sa part, a repris dans Ie cadre de l'impöt des personnes physiques
un certain nombre de conséquences des réformes proposées par Ie Groupe
de travail sus-indiqué.

Il est à noter que les propositions du Gouvernement sont incompati-


bles avec les propositions du Groupe de travail du Conseil Supérieur des
Finances et celles de la Commission Royale, ces dernières ne constituant
que la suite logique des propositions faites par Ie Groupe de travail du Conseil.

Après un rappel du contenu de ces propositions qui font l'objet de la


première partie de eet exposé, nous en examinerons succintement les con-
séquences sur :

- Ie transfert à une société Beige de valeurs de portefeuille;


- la mise en société Beige d'une entreprise;
- l'usage d'une société étrangère.
CHAPITRE I

EXAMEN DES PROPOSITIONS EN PRÉSENCE

1. - Les propositions du précédent Gouvernement

Dans le cadre de l'imposition des personnes physiques le précédent Gou-


vernement a proposé d'instaurer un précompte obligatoirement libératoi-
re pour tous les revenus mobiliers.

Il s' ensuit que le crédit d'impöt et le précompte ne pourront être ni imputés


ni remboursés.

Cela signifie aussi que les charges supportées pour acquérir de tels revenus
ne pourront plus être déduites de ces revenus.

Par ailleurs, le Gouvernement a proposé de supprimer la cotisation


spéciale assimilée à l'impöt des personnes physiques (A.R. n° 55 du 16 juillet
1982 et n° 125 du 30 décembre 1982 confirmés par la loi du 28 décembre
1983, cette dernière prorogée pour la dernière fois par la loi accordant des
crédits provisoires du 7 novembre 1987).

2. - Le système proposé par Ie Groupe de Travail du Conseil Supé-


rieur des tinances et son prolongement tel que repris par la Commission Royale.

Ce système peut se résumer en une phrase:

«L'intégration de l'imposition des sociétés avec celle de ses actionnai-


res ou associés» ciJ

Ce système s'intègre évidemment dans le cadre d'une globalisation des


revenus mobiliers provenant de capitaux à risque.

En conséquence il serait accordé aux actionnaires un crédit d'impöt


égal à 100 % de l'impöt des sociétés effectivement acquitté sur les bénéfi-
ces distribués.

Ce crédit d'impöt est actuellement égal à 50/lOOème du montant encaissé


ou recueilli. c2J
(1) Rapport complémentaire (p. 8)

(2) Art. 135 CIR tel que modifié par la loi du 4 août 1986.
248

Le crédit d'impöt serait entièrement imputable et remboursable alors


qu'actuellement il est imputable sur la partie de l'impöt proportionnelle-
ment afférente aux revenus mobiliers, mais non remboursable. l'alloca-
tion d'un crédit d'impöt égal à l'impöt des sociétés effectivement perçu, laisse
subsister une inégalité de traitement résultant de ce qu'en vertu de diverses
dispositions fiscales Ie bénéfice des sociétés n'est pas toujours soumis à l'impöt
au taux plein.

On se référera notamment à eet égard aux taux réduits prévus par les
articles 126, 127 et 128 du CIR ou aux bénéfices provenant d'accroissement
d'avoirs (art. 130 CIR) ou encore à la déduction pour investissement qui
permet de réduire la base imposable.

A l'heure actuelle Ie crédit d'impöt est d'autant plus élevé que Ie taux
d'impöt des sociétés effectivement acquitté est réduit.

Afin d'éviter cette distorsion, Ie Groupe de travail a donc proposé de


retenir sur les bénéfices distribués qui n'ont pas subi l'impöt au taux plein
une retenue compensatoire, également imputable et remboursable, égale
à la différence entre l'impöt des sociétés au taux plein et l'impöt effective-
ment payé, compte tenu des déductions opérées sur la base imposable et/ou
des réductions de taux.

Autrement dit les réductions d'impöt accordées aux sociétés comme


incitants ou autrement ne bénéficient qu'à la société et non à ses actionnaires.

Ce système a pour conséquence la suppression de la déduction des revenus


définitivement taxés (R.D.T.) de même que la suppression des revenus mobiliers
exonérés (R.M.E.).

les premiers, dans Ie système actuel sont des revenus d'actions oude
parts de capitaux investis, pour autant qu'ils se rapportent à des participa-
tions permanentes et, les seconds des revenus exonérés et/ou des plus values
réalisées à ('occasion du partage total ou partiel de l'avoir social.

Dans Ie système du CIR ils ont déjà subi l'impöt des sociétés et la rete-
nue de précompte et sont donc déductibles de la base imposable de la société
qui les recueille (à concurrence de 95 ou 90% en ce qui concerne les R.D.T.
selon qu'il s'agit d'une société purement financière - holding - ou non)
et ce afin d'éviter la double imposition.
249

Dans Ie système du Groupe de travail, quel que soit l'impöt des socié-
tés effectivement dû par les sociétés en raison de leurs bénéfices distribués,
Ie prélèvement global valant précompte pour les bénéficiaires serait toujours
identique (impöt des sociétés + retenue compensatoire + précompte mobilier).

La présence d'une ou plusieurs sociétés intermédiaires serait donc sans


influence fiscale sur Ie dividende net perçu par l'actionnaire personne physique
ou société. 111

Ces propositions s'inscrivent dans un ensemble dont certains points


saillants doivent être rappelés ici :

1. - Le précompte sur dividende ne serait plus libératoire à l'impöt


des personnes physiques et les dividendes sont donc globalisés étant enten-
du que Ie taux marginal de l'impöt des personnes physiques serait réduit
à 60 % avec un taux moyen maximum de 50 % .

En revanche les revenus de capitaux non a risque (emprunts) subiraient


un précompte obligatoirement libératoire.

Ces points ont été adoptés par la Commission Royale.

2. - Le taux de l'impöt des sociétés sur les bénéfices distribués devrait


être abaissé de manière significative de manière notamment à ce que, ajouté
au précompte mobilier, ce taux assure une imposition plus ou moins équi-
valente à l'imposition maximale à l'impöt des personnes physiques.

3. - Les différents régimes actuellement en vigueur pour diminuer ou


atténuer les doubles impositions internationales à savoir: 1-' 1

a) - déduction des revenus exonérés par convention;

b) - déduction au titre de revenus déjà taxés des revenus de partici-


pation permanente dans les sociétés étrangères;

c) - réduction au quart de l'impöt des sociétés afférent aux revenus


d'origine étrangère autre que mobiliers non exonérés par convent ion;

(3) Voir les tabl.eaux repris dans Ie Ier rapport du Groupe de Tra,ail (pages 75 à 77) et
second rapport (p. I 3 et svts).

(4) 2èmc rapport du Groupe de Tra,ail (pages 37 et s,ts).


250

d) - imputation d'une quotité forfaitaire d'impöts étrangers sur les


revenus mobiliers d' origine étrangère;

seraient remplacés par un régime d'imputation des impöts réellement acquittés


à l'étranger.

L'imputation serait limitée à la quotité de l'impöt des sociétés qui se


rapporte au montant net des revenus d'origine étrangère qui se retrouve dans
les bénéfices imposables en Belgique à l'impöt des sociétés.

Ces derniers régimes font l'objet d'un examen attentif du Groupe de


Travail, qui en souligne les difficultés. Ils n'ont pas comme tels été repris
par la Commission Royale étant donné à la fois leur complexité et !'absen-
ce de données suffisamment complètes sur leur incidence économique.

4. - Les taux réduit seront supprimés

La perception d'une retenue compensatoire rend ceux-ci inopérants


pour les bénéfices distribués aux actions ou parts de sociétés. Pour les bénéfices
réservés, des taux réduits pourraient cependant être prévus pour les socié-
tés dont les titres sont nominatifs, afin de leur permettre de capitaliser leurs
bénéfices, faute d'avoir accès au marché des capitaux.

5. - Enfin, la Commission Royale a proposé de supprimer toutes les


cotisations spéciales et notamment la cotisation spéciale assimilée à l'impöt
des personnes physiques.
CHAPITRE II

INCIDENCE SUR LE TRANSFERT A UNE


SOCIÉTÉ BELGE DE VALEURS DE PORTEFEUILLE

1. - Proposition gouvernementale

L'intérêt de la constitution d'une société Belge à laquelle des valeurs


de portefeuille d'une personne physique sont transférées, résidant plus par-
ticulièrement dans le fait que les dividendes recueillis par la société ainsi cons-
tituée servent à apurer le prix de la cession, les propositions gouvernementales
ne sont pas vraiment de nature a affecter cette solution sauf sur certains
points secondaires.

Ainsi par exemple la constitution d'un holding au fin de remploi des


revenus mobiliers afin d' échapper à la cotisation spéciale assimilée à l'impöt
des personnes physiques, devient sans intérêt puisque cette cotisation serait
supprimée.

En revanche, Ie précompte obligatoirement libératoire rend encore moins


intéressant la distribution par un holding de dividendes et renforce l'utilité
des schémas exposés par Monsieur KIRKPATRICK afin de perpétuer la
requalification de revenus en prix de vente.

2. - Propositions du Groupe de Travail

Les propositions du Groupe de Travail, sans diminuer l'intérêt de la


transformation de dividendes en prix de vente, renforcent cependant les avan-
tages de la constitution d'une société holding.

a) - dans Ie chef de la personne physique

On se souviendra de l'exposé de Monsieur KIRKPATRICK que sur


la partie du prix de vente dont le paiement est différé, la personne physi-
que n'avait pas avantage à stipuler un intérêt, compte tenu de l'obligation
éventuelle de payer la cotisation spéciale.

La suppression de cette cotisation et le précompte obligatoirement libé-


ratoire des intérêts d'emprunt, (tels que proposés par la Commission Royale)
encoûragera la personne physique à stipuler un intérêt sur la partie du prix
de vente dont le paiement est différé, puisque ceux-ci seront taxés à 25 OJo.
252

Cela permettra sans aucun doute de prolonger la période durant laquelle


la société emploiera ses revenus mobiliers à apurer Ie prix des actions acquises.

b) - dans Ie chef du holding

L'avantage des propositions du Groupe de Travail est ici manifeste.

Au lieu de subir Ie régime des revenus définitivement taxés qui présente


l'inconvénient de n'être admis qu'à concurrence de 90 OJo pour la société fman-
cière que serait Ie holding, celle-ci aura droit à un crédit d'impöt entière-
ment imputable et remboursable constitué de la totalité de l'impöt payé en
aval, à savoir l'impöt des sociétés, l'éventuelle retenue compensatoire et Ie
précompte.

Autrement dit, la charge d'impöt au niveau du holding dans Ie systè-


me des revenus définitivement taxés est au taux d'impöt de 43 OJo pour les
sociétés en aval, de 48, 7 OJo. Dans Ie régime du Groupe de Travail, en revanche,
cette charge sera de 43 OJo.

Si en outre la société doit des intérêts sur la partie du prix dû en vertu


du transfert d'action dont Ie paiement est différé, la base imposable sera
réduite et la charge d'impöt du holding en sera diminuée d'autant.

En revanche, lorsque l'impöt des sociétés perçu en aval n'est pas de


43 OJo mais moindre, Ie régime des revenus définitivement taxés peut s'avé-
rer plus favorable.

En effet, avec un impöt des sociétés de 29 OJo payé en aval, en régime


des revenus définitivement taxés, la charge d'impöt au niveau du holding
sera de 36, 10 OJo, alors que dans Ie système du Groupe de Travail cette charge
sera invariablement de 43 OJo, sous réserve cependant de la réduction de la
base imposable par la déduction des charges notamment d'intérêt qui peu-
vent réduire la charge d'impöt.
CHAPITRE III

INCIDENCE SUR LA MISE EN SOCIÉTÉ


D'UNE ENTREPRISE INDIVIDUELLE

1. - Proposition gouvernementale

Sous l'angle de la distribution d'un dividende plutöt que d'une rému-


nération, la mise en société d'une entreprise individuelle ne constitue, dans
Ie cadre des propositions gouvernementales, une voie moins imposée, que
dans des cas tout à fait marginaux.

Le Gouvernement ayant, en effet, proposé de limiter l'impöt des per-


sonnes physiques à 50 % , Ie régime du précompte obligatoirement libéra-
toire et donc de suppression de toute globalisation et par voie de conséquence
d'imputation du crédit d'impöt et du précompte, rend la charge d'impöt
sur la distribution d'un dividende plus onéreuse que la taxation d'une rému-
nération à l'impöt des personnes physiques, puisque cette distribution entraî-
nera, au taux de 43 % d'impöt de sociétés, une charge fiscale de 57,25 %.

Il n'en serait autrement que si les revenus de la société sont taxés à un


taux largement inférieur au taux normal. Ainsi, si l'impöt des sociétés effec-
tivement perçu est de 0%, la charge fiscale totale et définitive sur Ie divi-
dende sera de 25 % Oe précompte). Si Ie taux de l'impöt des sociétés appliqué
est de 15 % ou 29 % la charge fiscale totale et définitive sera respectivement
de 36,75 % et 46,75 %.

Cette charge devra être comparée au taux de l'I.P.P. pour savoir si elle
est avantageuse ou non.

Dans la majorité des cas, cependant, cette option sera plus onéreuse.

Il faut ajouter que la non globalisation peut entraîner pour les contri-
buables actionnaires <lont les charges d'intérêt pour acquérir notamment
ces revenus sont importantes, une taxation nettement moins favorable qu'à
l'heure actuelle.

2. - Propositions du Groupe de Travail

Dans Ie système retenu par Ie Groupe de travail combiné avec celui proposé
par la Commission Royale, l'avantage qu'il y aurait à constituer une société
de manière à obtenir une rémunération sous forme de rémunération de capitaux,
254

disparaît dans la plupart des cas.

En effet, le fait de la globalisation avec irnputation totale du crédit d'irnpöt


à 100 OJo, de la retenue compensatoire et du précompte a comme conséquence
que la charge fiscale totale supportée par un dividende s'aligne sur celle qui
eut été supportée si les rémunérations avaient été perçues sous forme de revenus
du travail.

Il est cependant un cas dans lequel la transformation d'une rémuné-


ration en dividende par la constitution d'une société restera une voie moins
imposée. C'est celui oû Ie contribuable actionnaire peut porter en compte
des charges faites pour acquérir les revenus mobiliers et immobiliers, suf-
fisantes que pour absorber totalement ou partiellement ces revenus. On se
souviendra à eet égard que la Commission Royale n'a pas proposé de modifier
substantiellement Ie système de l'article 71 du Code des irnpöts sur les revenus.
Elle s'est contentée d'écarter des charges déductibles, celles exposées pour
obtenir des revenus mobiliers non globalisables tels les intérêts d'emprunt.

Dans l'hypothèse oû les charges faites pour acquérir des revenus mobiliers
et immobiliers restent déductibles des revenus mobiliers et immobiliers, une
substantielle éconornie d'impöt pourrait être réalisée par Ie fait que les revenus
globalisés sont singulièrement réduits alors que le crédit d'impöt à 100 OJo,
la retenue compensatoire et Ie précompte sont entièrement imputables et
remboursables.

On peut même <lire que!' éconornie d'irnpöt sera, en ce cas, plus importante
qu'elle ne !'est à l'heure actuelle en cas de globalisation des revenus.

On peut donc conclure comme suit :

1) - Dans Ie système actuel, la transformation d'une rémunération


en dividende par la constitution d'une société avec précompte libératoire
n'est intéressante qu'à partir d'un revenu auquel s'applique un taux mar-
ginal de plus de 57,25 OJo. (Pour mémoire pour l'exercice 1987 le taux mar-
ginal est de 57, 1 OJo pour les revenus situées entre 1.530.000,- frs et 2.040.000,-
frs. Il est de 62,6 OJo pour la tranche jusqu'à 3.060.000,- frs.

La globalisation est en revanche intéressante soit pour les revenus <lont


Ie taux d'imposition moyen est inférieur à 25 OJo, soit pour les revenus sur
lesquels des charges financières peuvent être déduites en vertu de l'article
71 C.I.R.
255

Dans ce dernier cas l'économie d'impöt peut être substantielle, et croît


avec l'importance des revenus.

2) - Le système proposé par Ie Gouvernement avec précompte obli-


gatoirement libératoire sera fiscalement presque toujours plus coûteux que
la rémunération directe, avec un taux d'impöt des personnes physiques plafonné
à 50 OJo. En effet Ie taux de l'impöt sur dividendes est en principe égal à 57 ,25 OJo.
Il n'en serait autrement si la société ne supporte pas l'ISOC au taux plein.
Pour que la charge globale d'impöt soit inférieure a 50 OJo il faut que l'ISOC
supporté soit inférieur à 33,3 OJo.

3) - Dans Ie système proposé par Ie Groupe de travail et repris sous


certains aspects par la Commission Royale, la constitution ou non d'une
société est indifférente, sauf si des charges peuvent être déduites des reve-
nus mobiliers et immobiliers. En ce cas et à cause de l'imputation et du rem-
boursement du crédit d'impöt et Ie cas échéant de la retenue compensatoire,
Ie gain d'impöt sera encore plus considérable que la globalisation dans Ie
système actuel.
CHAPITRE IV

INCIDENCE SUR L'USAGE DE SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES

1. - Le projet Gouvernemental

Ce projet n'affecte pas particulièrement la recherche de la voie la moins


imposée sous !'aspect considéré, sauf que la non globalisation des revenus
mobiliers doit logiquement entraîner la suppression de la quotité forfaitai-
re d'impöt étranger pour les personnes physiques, ce qui peut constituer
une aggravation de la charge fiscale.

2. - Groupe de Travail

L'incidence des propositions du Groupe de Travail est plus complexe.

Ces propositions affecteront les procédés qui permettent la requalifi-


cation des revenus au stade de la distribution de ceux-ci par une société étrangère.

Ainsi que l'a exposé Monsieur LAGAE, il est actuellement possible


de faire une éconornie d'impöt considérable en faisant transiter certains revenus
par une société étrangère, soumise dans son pays d'origine à un taux d'impöt
faible ou nul, plutöt que d'encaisser directement ces revenus et ce, gràce
au mécanisme des revenus définitivement taxés.

L'exemple du holding Luxembourgeois qui receuille des intérêts d'une


société établie au Pays-Bas et les distribue à son actionnaire société Beige,
permettant ainsi une économie d'impöt de 40,85 OJo par rapport à la situa-
tion ou la société Beige receuille directement les intérêts de la société éta-
blie au Pays-Bas, serait appelé à disparaître.

La suppression du régime des revenus définitivement taxés et son rem-


placement par l'imputation de l'impöt effectivement payé à l'étranger, sup-
primera tout bénéfice résultant de la requalification gràce au transit par Ie
holding Luxembourgeois, puisque Ie taux d'impöt Beige sera de 43 OJo diminué
de l'impöt effectivement perçu au Luxembourg soit OOJo.

Il en sera de même lorsque l'économie d'impöt provient de la Q.F.I.E ..


Celle-ci étant appelée à disparaître dans Ie système du Groupe de Travail
(mais non nécessairement dans celui de la Commission Royale) tout pro-
cédé qui fait appel à celle-ci alors qu'aucun impöt ou un impöt moindre
a été payé à !' étranger, perdrait son intérêt.
258

Il faut également signaler que l'introduction d'une «retenue compen-


satoire» suggérée par le Groupe de Travail peut avoir des conséquences non
négligeables notamment sur les transferts de bénéfices à l'étranger. Elle est
en effet de nature à augmenter sensiblement l'impöt sur la distribution de
dividendes à partir d'une société Beige lorsque celle-ci ne supporte pas l'impöt
au taux normal de 43 OJo.

En outre, cette retenue compensatoire peut entraîner de nombreuses


complications pour à l'application des conventions de double imposition
selon qu' on la considère comme un précompte ou comme un complément
d'impöt de société. (5l

(5) Voir !'analyse que fait Ie Groupe de Travail à ce sujet dans son second rapport (p.
19 et svts).
TABLE DES MATIERES

LA LIBERTE DU CHOIX DE LA VOIE LA MOINS IMPOSEE


A LA LUMIERE DE LA JURISPRUDENCE RECENTE.
par John KIRKPATRICK.

Chapitre I - La distinction entre la fraude fiscale et Ie choix de


la voie la moins imposée 9

A. - La fraude fiscale 9
B. - Le choix de la voie la moins imposée 13
C. - Les réactions législatives contre Ie choix de la voie la moins
imposée 14

Chapitre II - La première offensive contre l'efficacité du choix


de la voie la moins imposée: la théorie de la fraude
à la loi; son rejet par la jurisprudence 17

Chapitre 111 - La seconde offensive contre l'efficacité du choix de


la voie la moins imposée : la théorie des réalités éco-
nomiques; sa condamnation par l'arrêt de la Cour
de Cassation du 27 février 1987 21

Chapitre IV - Les applications contestables de la théorie de la


simulation 27

Chapitre V - L'objet du présent «recyclage» 31

LE TRANSFERT A UNE SOCIETE BELGE D'ELEMENTS DU


PATRIMOINE PRIVE: LES VALEURS DE PORTEFEUILLE
par John KIRKPATRICK

Chapitre I - Constitution d'une société beige en vue de transfé-


rer à celle-ci une participation que l'on possède déjà 37

Chapitre II - Constitution d'une société beige en vue de faire acqué-


rir par celle-ci la participation d'un tiers 47
260

LE TRANSFERT A UNE SOCIETE BELGE D'ELEMENTS DU


PATRIMOINE PRIVE: LES IMMEUBLES
par Marc BALTUS

Limitation du sujet 54

Chapitre I - Impöts sur les revenus 55

A. - Bref rappel des règles principales de l'imposition des reve-


nus immobiliers et des plus values immobilières 55

a. Revenus 55
- pour une personne physique
- pour une société

b. Plus-values réalisées lors de l'aliénation de


l'immeuble 56
- pour une personne physique
- pour une société

B. - Avantage à conserver l'immeuble dans Ie patrimoine privé 57

C. - Avantages du transfert de l'immeuble à une société 59

Chapitre II - Droits d'enregistrement et'T.V.A. 62

Chapitre 111 - Droits de succession 63

Conclusion 65

LE TRANSFERT A UNE SOCIETEBELGED'UNEENTREPRISE


INDIVIDUELLE (Y COMPRIS LE CAS DE LA SOCIETE D'UNE
PERSONNE)
par Edouard BOURS

Introduction 69
Première partie - La société classique 71

Chapitre I - Plans juridique, économique et financier 71

Avantages
261

Inconvénients

Chapitre II - La société et Ie droit fiscal 73

Section I - Généralités 73

Section II -·Avantages et inconvénients d'une société sur


les plans fiscals 75

Sous-section 1 - Avantages 75

1. L'éclatement du revenu 75
2. La comparaison des taux IPP et ISoc. 77
3. L'étalement des bénéfices 79
4. La cession du fonds de commerce 80
5. La cession des parts 84

A. La cession partielle 85
1° La vente
2 ° La donation
B. La cession totale 86
1° La cession entre vifs
2 ° La cession à cause de mort

6. La location ou Ie transfert de l'immeuble affecté à


l'exercice de l'activité professionnelle 87
7. L'assurance dirigeant d'entreprise 91

Sous-section 2 - Inconvénients 92

1. Mode de détermination des profits des professions


libérales 92
2. Régime des plus values 93
3. Commissions secrètes 94
4. Régime des liquidations 95

Chapitre III - Forme de la société 97

Remarque préliminaire 97

Section 1 - Aspect fiscal 97


262

1. Conjoint aidant 98
2. Administrateurs de sociétés par action - Gérants
de sociétés de personnes 98
3. Intérêts des prêts consentis par des associés à une
société de personnes 99
4. Ristournes accordées par les sociétés coopératives 99
5. Emprunts contractés par un associé pour l'acquisi-
tion de parts 99
6. L'option des sociétés de personnes 99

Section 2 - Au tres aspects 100

a. La société coopérative 100


b. La société en nom collectif 101

Deuxième partie - La société d'une personne 103

Chapitre I - Généralités 103

Chapitre II - Aspect fiscal 105

1. Les sociétés fictives 105


2. Contrats avec soi-même 106
3. L'assurance dirigeant 107

LES ENTREPRISES A LA RECHERCHE DE VOIES MOINS


IMPOSEES POUR LEURS DIRIGEANTS ET LEUR PERSON-
NEL DE CADRE (PREMIERE P ARTIE)
par Jacques MALHERBE

Chapitre I - Le passage au statut d'indépendant 113

A. - Mandat d'administrateur 113


B. - Contrat d'entreprise 116

Chapitre II - L'utilisation d'une société de services beige 119

Chapitre 111 - L'utilisation de sociétés étrangères ou d'établisse-


ments étrangers 123
263

A. - Division des rémunérations de salariés entre la Belgique


et l' étranger 123

1. Droit fiscal interne en !'absence de traité 124


2. Traités fiscaux 128

B. - Mandats d'administrateurs de sociétés 131

1. Droit fiscal interne 131


2. Traités fiscaux 131
a. tantièmes 132
b. rémunérations de fonctions spéciales 134
Annexe 136

LES ENTREPRISES A LA RECHERCHE DE VOIES MOINS


IMPOSEES POUR LEURS DIRIGEANTS ET LEUR PERSON-
NEL DE CADRE (SECONDE PARTJE)
par Thierry AFSCHRIFT

LES A VANTAGES EN NATURE, LES OPTIONS SUR ACTIONS;


LES EMISSIONS A DES CONDITIO NS DE FAVEUR

lntroduction 141

Chapitre I - Les avantages en nature 145

A. - Principes applicables 145

a. Conditions d'imposabilité 145


b. Evaluation des avantages en nature 147

B. - Etude de voies moins imposées en matière d'avantages


en nature 151

a. Principes directeurs 151


b. Méthodes de choix de la voie la moins imposée en matiè-
re d'avantages en nature 152
1. L'octroi d'avantages pour lesquels l'évaluation
forfaitaire est inférieure à la valeur réelle 152
2. L'octroi d'avantages sociaux non imposables dans
Ie chef du membre du personnel 154
264

3. Procédés consistant à favoriser des membres du per-


sonnel, sans leur accorder d'avantages en nature au
sens de la loi fiscale 157

Chapitre II - Attributions directe ou indirecte d'actions ou obli-


gations à des membres du personnel 161

A. - Les options sur actions 161


B. - Les émissions d'actions ou d'obligations à des conditions
de faveur 165

CONCLUSION 168

L'UTILISATION DE SOCIETES ETRANGERES PAR DES RESI-


DENTS BELGES EN VUE D'EVITER L'IMPOT BELGE
par Jean-Pierre LAGAE

INTRODUCTION 173

Chapitre I - Avantages de l'utilisation de sociétés étrangères 175

1. - Généralités 17 5

A. Aperçu des principaux avantages 175


B. Conditions auxquelles l'entité étrangère doit répondre 176

2. - Analyse des avantages: 178

A. Imposition moins élevée 178


1. Transferts de revenus 178
a. Les méthodes de transfert «direct» 178
b. Les méthodes de transfert «indirect» 181

2. Transferts de dépenses 183


a. Retenues à la source 183
b. Non-déductibilité des dépenses 184

B. Imposition différée 185


1. Report de l'imposition 185
2. Rapatriement des bénéfices accumulés - réalisation
des plus values 185
265

C. Transformation ou requalification des revenus 188


1. Principe 188
2. Modalités: 188
a. Au niveau de la perception des revenus 188
b. Au niveau de la distribution des revenus 189

D. L'utilisation d'un réseau de convention de double impo-


sition d'un pays tiers 192

Chapitre II - Risques de l'utilisation de sociétés étrangères 197

1. - Aperçu général 197

2. - Mesures générales en vue de prévenir l'évasion fiscale 198

A. Théorie de la simulation 198


1. Rappel des principes 198
2. La constitution de la société étrangère est fictive ou
simulée 201
3. Le siège social de la société étrangère est fictif ou
simulé 201
4. La fonction de la société étrangère est fictive ou
simulée 203

B. Etablissement beige - Etablissement stable 204


1. Rappel des principes 204
2. Application 206
a. siège de direction 206
b. siège d'exploitation 207

3. - Mesures spécifiques nationales 208

A. Avantages anormaux ou bénévoles consentis par un


contribuable beige à une société étrangère apparen-
tée ou à une société établie dans un pays refuge-article
24 CIR 208
1. Texte légal et objectif poursuivi 208
2. Conditions d'application 208
3. Effet de l'application de l'article 24 CIR 211
4. Article 24 CIR et utilisation d'une société étran-
gère afin d'éviter l'impöt 212
266

B. Non-déductibilité de certaines sommes payées à


des sociétés holdings établies à l'étranger ou à des
personnes et entreprises établies dans un «pays
refuge» - Article 46 CIR 212
1. Texte légal et objectif poursuivi 212
2. Conditions d'application 213
3. Effet de l'application de l'article 46 CIR 214
4. Article 46 CIR et utilisation d'une société
étrangère afin d'éviter l'impöt 215

C. L'inopposabilité de certaines cessions d'éléments


patrimoniaux - Article 250 CIR 215
1. Texte légal et objectif poursuivi 215
2. Conditions d'application 216
3. Effets de l'application de l'article 250 CIR 217
4. Article 250 CIR et utilisation d'une société
étrangère afin d'éviter l'impöt beige 218

4. - Disposition spécifiques d'origine internationale 218

A.Aperçu général 218


B. La restriction des avantages prévus par les con-
ventions au «bénéficiaire effectif» d'un revenu 219
C. Exclusion des «sociétés relais» des avantages
accordés par les conventions de double imposition 221
1. Législations et conventions suisses 221
2. Conventions luxembourgeoises 223

Chapitre 111 - Cas d'application 225

Introduction 225

1. - Sociétés de services 225

A. Types de sociétés de services 225


1. Les sociétés d'employés 225
2. Les sociétés d'indépendants 226
3. Les sociétés d'artistes oude sportifs 226

B. Les avantages recherchés 226


1. Imposition faible 226
267

2. Transformation ou requalification des revenus 227


3. lmposition différée 227
4. Utilisation du réseau de conventions d'un pays tiers 227

C. lmposition des revenus de la société 228

D. Imposition des revenus distribués par la société ou


des plus-values réalisées par l'actionnaire 229
1. Dividendes ou revenus de parts 230
2. Tantièmes et rémunérations d'administrateurs 230
a. existence d'une convention 230
b. absence de convention 231
3. Rémunérations d'associés actifs 232
a. existence d'une convention 232
b. absence de convention 232
4. Rémunérations d'employés 232
a. existence d'une convention 232
b. absence de convention 233
5. Rémunérations d'artistes et sportifs 233
a. existence d'une convention 233
b. absence de convention 234
6. Plus-values sur titres 234
a. existence d'une convention 234
b. absence de convention 235
7. Bonis de liquidation - Rachat d'actions 235

E. Risques - Les moyens de défense du fisc beige 236

2. - Sociétés de placements 237

A. Sociétés visées 237


B. Avantages recherchés 237
1. Imposition faible 237
2. Transformation des revenus 237
3. lmposition différée 237
4. Utilisation du réseau de conventions de double
imposition du pays tiers 238

C. lmpositions des revenus de la sociétés étrangères 238

D. Imposition des distributions de la société étrangère 238


268

1. Distribution de dividendes 239


a. Actionnaire personne physique 239
b. Actionnaire société 240
c. Actionnaire personne morale 240

2. Plus-values de réalisation, de liquidation oude rachat


d'actions 240
a. Actionnaire personne physique 240
b. Actionnaire société 240
c. Actionnaire personne morale 241

E. Les risques - Les mesures de défense du fisc beige 241

F. Conclusion - Application 242

L'INCIDENCE SUR LE CHOIX DE LA VOIE LA MOINS IMPO-


SEE DES PROJETS DE REFORME DE L'IMPOSITION DES
SOCIETES ET DE LEURS ASSOCIES
par Thomas DELAHA YE

lntroduction 246

Chapitre I - Examen des propositions en présence 247

1. - Les propositions du précédent gouvernement 247

2. - Le système proposé par Ie Groupe de Travail du Con-


seil Supérieur des finances et son prolongement tel que
repris par la Commission Royale 247

Chapitre II - Incidence sur Ie transfert à une société beige de valeurs


de portefeuille 251

1. - Proposition gouvernementale 251

2. - Proposition du Groupe de Travail 251

a. dans Ie chef de la personne physique 251


b. dans Ie chef du holding 252
269

Chapitre III - Incidence sur la mise en société d'un entreprise


individuelle 253

1. - Proposition gouvernementale 253

2. - Propositions du Groupe de Travail 253

Chapitre IV - Incidence sur l'usage de sociétés étrangères 257

1. - Le projet gouvernemental 257

2 - Le Groupe de Travail 257

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