Vous êtes sur la page 1sur 75

Droit des sociétés commerciales

Introduction

Le droit des sociétés commerciales a essentiellement pour objet de


déterminer les règles de constitution, de fonctionnement, de dissolution et de
liquidation des sociétés commerciales. Autrement dit, le droit des sociétés
commerciales peut, d’une manière générale, être considéré comme l’ensemble
des règles de droit privé régissant la vie des sociétés depuis leur naissance
jusqu’à leur disparition avec tous les rapports complexes qui peuvent naître
entre les différentes parties.

Le droit des sociétés commerciales a toujours constitué un aspect majeur du


droit commercial.1 Il est invité à jouer une fonction juridique et économique.2 Il
a, en outre, un caractère pluridisciplinaire par excellence puisqu’il met en
rapport le droit civil, le droit social, le droit pénal, le droit fiscal, le droit
comptable et la liste pourrait s’allonger.3

Dans le cadre de cette introduction, on va mettre l’accent sur trois


questions. La première porte sur les sources du droit des sociétés commerciales

(paragraphe I). La seconde se rapporte à la définition de la société (paragraphe


II). La troisième concerne la classification des sociétés (paragraphe III).
1
Le droit commercial est classiquement défini comme l’ensemble des règles de droit privé applicables aux
commerçants et aux actes de commerce. Cette définition fait apparaître d’emblée l’une des ambiguïtés de la
matière, tenant à la coexistence de deux conceptions. Dans la conception subjective, le droit commercial est le
droit des commerçants : il s’agit d’un droit professionnel et dont l’application est déclenchée par la qualité des
personnes en cause. Dans la conception objective, le droit commercial est le droit des actes de commerce,
c'est-à-dire des opérations commerciales : son application est conditionnée non pas par la profession de
l’intéressé mais par la nature de l’acte ou, plus largement, par la réunion de certaines circonstances
objectivement définies. D’une manière générale, on peut définir le droit commercial comme étant une branche
spéciale du droit privé qui régit l’activité commerciale, c'est-à-dire le monde des échanges économiques. Voir
Omrane (A) : DU DROIT DES SOCIETES AU DROIT DE L’ENTREPRISE : POUR UN DROIT DE
L’ENTREPRISE EN TUNISIE. P.1.
2
Voir Kharroubi (Kh) : « Droit des sociétés commerciales ». Tunis, Latrach Editions, 2008, p.19 et p26.
3
Voir Ben Ammou (N), p.9.

1
Paragraphe I : Les sources du droit des sociétés commerciales.

Pour bien comprendre les sources du droit tunisien des sociétés


commerciales, il convient de mener brièvement une lecture historique afin de
s’arrêter sur les principales évolutions enregistrées en la matière.

Si l’on remonte à l’histoire contemporaine de ce droit, il ne fait pas de


doute que le code des obligations et des contrats, promulgué en 1906, est le
premier texte ayant comporté un ensemble de dispositions régissant les sociétés.
Il s’agit en particulier des articles 1249 à 1350, encore applicables, qui
contiennent des dispositions communes aux sociétés commerciales et civiles
sans réglementer aucune des formes juridiques connues par les systèmes
juridiques de l’époque, telles que la SARL et la SA. Seulement, le code en
question prévoit des dispositions relatives à certaines espèces particulières de
sociétés ayant pour l’essentiel une vocation agricole (voir l’article 1365 du
COC et suivants).

Il fallait attendre la promulgation du code de commerce en 1959 pour qu’on


puisse parler d’une sorte de codification du droit tunisien des sociétés
commerciales. Ses articles 14 à 188, qui pouvaient être considérés comme le
droit commun en la matière, contenaient des dispositions régissant les
différentes formes de sociétés commerciales. Néanmoins, ce code comportait de
larges lacunes puisqu’il n’a pas réglementé des questions importantes touchant
la matière telles que la fusion, la scission et les groupes des sociétés. A cela
s’ajoute la parution des lois spéciales régissant certains aspects du droit des
sociétés commerciales, telle que loi relative aux emprunts obligataires, ce qui a
rendu la matière relativement compliquée et difficile à maitriser.

Pour toutes ces raisons, il était nécessaire de doter les sociétés commerciales
d’un cadre juridique achevé afin qu’elles puissent jouer pleinement leur rôle
économique. La solution adoptée, pour remédier au désordre caractérisant la

2
matière, est de rassembler le droit des sociétés commerciales dans un code
unique à savoir le code des sociétés commerciales promulgué par la loi n° 2000-
93 du 3 novembre 2000.

Ce code qui a, entre autres, abrogé les articles 14 à 188 du code de


commerce, renferme des dispositions communes aux différentes formes de
sociétés (livre 1), des dispositions relatives aux sociétés de personnes (livre 2),
des dispositions régissant les sociétés à responsabilité limité (livre 2) et des
dispositions qui concernent les sociétés par actions (livre 4). Ces nouvelles
dispositions représentent parfois une reproduction des anciennes avec une
certaine amélioration. Le nouveau code contient également des dispositions
innovatrices relatives aux fusions, scissions, transformations et groupements
de sociétés (livre 5). Ainsi, le code vise à regrouper un ensemble homogène de
questions cruciales.4

Deux remarques méritent d’être évoquées à ce niveau de l’étude. D’ une


part, il convient de souligner que, malgré la codification de la matière, certaines
sociétés commerciales à statut particulier restent réglementées par des lois
spéciales.5 Tel est le cas des banques et des établissements financiers, qui sont
régis par la loi n° 2016-48 du 11 juillet 2016, des sociétés d’investissement, qui
sont réglementées par la loi n° 88-92 du 2 aout 1988 ou encore des sociétés de
recouvrement des créances qui sont créées par la loi n° 98-4 du 2 février 1998

...etc. Cependant, le CSC reste le droit commun pour ces sociétés à statut
particulier.6

4
Voir Ban Ammou (N), p.9.
5
Cela peut signifier que la matière reste éparpillée entre différentes testes (éparpillement ou dispersion des
textes).
6
Telles que par exemple les dispositions relatives à l’immatriculation des sociétés au registre de commerce et
leur publication au JORT ou encore celles relative à la dissolution et la liquidation des sociétés.

3
D’autre part, le COC contient des dispositions de droit commun, toujours en
vigueur, applicables, en l’absence de dispositions spéciales, à toutes les sociétés
qu’elles soient civiles ou commerciales (voir le chapitre II du livre IX du COC
intitulé « De la société contractuelle- Dispositions générales aux sociétés civiles
et commerciales). Mais l’importance du COC comme source formelle du droit
des sociétés commerciales a beaucoup diminué après la promulgation du code
de 2000. En un seul mot, le COC est devenu aujourd’hui une source
extrêmement résiduelle pour le droit des sociétés commerciales.

Paragraphe II : Définition de la société.

La société peut être, bel et bien, définie en précisant sa nature juridique


(A) et en la distinguant des autres groupements de personnes (B).

A-Nature juridique de la société.

Déterminer la nature juridique de la société, c’est préciser ses caractères


fondamentaux qui permettent de l’identifier. Il s’agit tout simplement de
répondre à la question suivante : qu’est-ce qu’en définitive une société ? La
doctrine n’est pas unanime sur cette question.7 Il y a des théories classiques et
d’autres modernes.

1) Les théories classiques.

Selon les thèses classiques la société est analysée comme un contrat ou une
institution. En réalité au sein d’une même société coexistent des règle de nature
contractuelle et d’autres à caractère institution

a)La conception contractuelle.

Le législateur tunisien semble avoir tranché la question en faveur de la


conception contractuelle, et ce, dans deux textes ; l’un est général, l’autre est
spécial.
7
Voir par exemple Bertrel (JP) : « Le débat sur la nature de la société ». Litec, 1988.

4
Le premier texte est l’article 1249 du COC, qui s’applique aux sociétés
civiles, aux termes duquel « la société est un contrat par lequel deux ou
plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail ou tous les
deux à la fois en vue de partager le bénéfice qui en pourra résulter ».

Le second texte est l’article 2 du CSC qui dispose que « la société est un
contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d’affecter en
commun leurs apports en vue de partager le bénéfice ou de profiter de
l’économie qui pourraient résulter de l’activité de la société. Toutefois, dans la
SUARL, la société est constituée par un associé unique ». 8

On observe donc que le législateur tunisien, dans le CSC, n’innove pas


par rapport au COC en définissant la société comme un contrat ou en confirmant
sa nature contractuelle.9 L’innovation majeure, par rapport au COC, est de
permettre la constitution de la société par la volonté d’une seule personne.

D’ailleurs, pendant longtemps, la société a été analysée par une partie de la


doctrine10 comme un contrat d’apport en vertu duquel chaque associé doit faire

un apport soit en numéraire, soit en nature, soit encore en industrie. En


contrepartie de son apport, l’associé reçoit des droits sociaux (parts sociales ou
actions), une part dans les bénéfices et, le cas échant, contribue aux pertes. En
un seul mot, il n’y a pas de société sans apports en capital.

Sur cette base, le contrat de société doit, en principe, satisfaire à toutes les
conditions générales requises pour la formation et la validité des contrats telles

8
Dans cette même idée, l’article 3-I du CSC ajoute qu’ « à l’exception de la société en participation, le contrat
de société doit être rédigé par acte sous-seing privé ou acte authentique ».D’ailleurs, le code de
commerce, avant l’abrogation de ses dispositions, régissant les sociétés commerciales, par loi
n° 2000-93 du 23 novembre 2000, présentait aussi la société comme un contrat.
9
Voir Ben Ammou (N), Cours de droit commercial II. Les sociétés commerciales. Faculté de
droit et des sciences politiques de Tunis. Année universitaire 2005-2006, p.3
10
Voir par exemple Libchaber (R) : « La société contrat spécial ». Mélanges jeantin 1999 . Certains auteurs, tel
que le professeur Didier (P), considèrent qu’i s’agit d’un contrat qui n’a pas pour finalité de créer des
obligations réciproques mais il s’agit plutôt d’un contrat-organistation. Paul Didier la théorie contractuelle,
revue des sociétés, 2000, p.95.

5
que prévues notamment par l’article 2 du COC à savoir la capacité de s’obliger,
le consentement et la licéité de l’objet et de la cause. A ces conditions générales
s’ajoutent des conditions spécifiques au contrat de société qu’on va étudier
ultérieurement.

b) La conception institutionnelle.

La conception contractuelle a été critiquée par la théorie institutionnelle


étant donné que la notion du contrat ne peut pas expliquer tout le droit des
sociétés.11 En effet, de nombreux auteurs traitent la société comme une
institution,12 c’est-à-dire un groupement de personnes organisé de façon durable
et soumis à des règles, pour l’essentiel, impératives en vue de réaliser un but
déterminé.13

Ces auteurs ont avancé plusieurs arguments pour expliquer ou appuyer


leur point de vue. Par exemple, la modification ou la résiliation du contrat exige,
selon le principe de la force obligatoire des conventions, l’accord commun ou le
consentement unanime des contractants.

Mais, en matière de société, il est possible d’appliquer la loi de la majorité,


qui s’oppose à la loi du contrat, pour modifier ou résilier le contrat. La loi de la
majorité, qui est incompatible avec la volonté individuelle, oblige les associés
minoritaires dans les SARL et les SA ou les SCA à subir une décision à laquelle
ils n’ont pas participé.14 Dans ces sociétés, notamment dans les grandes SA,
l’idée du contrat devient, dans certains cas, imaginaire surtout que la loi impose
des organes de gestion et de contrôle qui gouvernent la société.15

11
Voir Ben Ammou (N), Cours précité, p.6.
12
Voir Champaud ( C) : « Le contrat de société existe-t-il encore ? » in le droit contemporain des contrats,
travaux et recherches de la Faculté de Rennes. Economica 1987.
13
D’ailleurs, tout en définissant la société comme un contrat, le législateur la traite dans certaines de ses
dispositions comme une personne morale. C’est le cas notamment de son article 10, alinéa 1, qui dispose que «
les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire tunisien sont soumises à la loi tunisienne ».
14
L’aspect institutionnel est plus marqué dans les sociétés de capitaux.
15
Dans ces sociétés, on est loin de l’idée de contrat. Voir Ripert (G) et Roblot (R) : « Traité de droit
commercial ». Paris, LGDJ, 13ème éd. 1989, n° 1027.

6
En outre, selon ces auteurs, la société acquiert la personnalité morale lors
de l’accomplissement d’une formalité imposée par la loi, à savoir
l’immatriculation au registre national des entreprises, et non par la volonté des
associés.

De même, ils considèrent que la SUARL n’est pas un contrat mais un acte
juridique unilatéral car on ne contracte pas avec soi-même. Cette nouvelle forme
de société est créée donc par l’acte de volonté d’une seule personne.

Enfin, ces auteurs ont constaté que la constitution et même le


fonctionnement des sociétés sont régis par des règles essentiellement
impératives alors que le contrat repose, pour l’essentiel, sur le principe de
l’autonomie de la volonté.

En conclusion, la société présente à la fois les caractères du contrat et de


l’institution.16 Et à vrai dire, cette question n’a qu’un intérêt théorique. C’est
pourquoi, les professeurs George Ripert et René Roblot ont affirmé « qu’il
devient sans doute inutile de rechercher qu’elle peut être d’une façon générale
la nature juridique de la société ».17

2) Les théories modernes.

Il a y a deux théories modernes qui rompent avec les thèses classiques en


présentant la société comme une technique d’organisation de l’entreprise18 ou
comme un acte collectif.19

16
Un contrat spécial qui about à la création d’une institution ou un contrat organisation.
17
Voir Ripert (G) et Roblot (R), op.cit, n° 670.
18
Voir Paillusseau (J) : « La société anonyme, technique d’organisation de l’entreprise ». Paris, Sirey, 1967.
19
Voir Kharroubi (Kh), Op.cit, p.42.

7
a)La société comme technique d’organisation de l’entreprise.

Selon cette conception, la société, qui est une notion juridique, apparaît
comme une technique de droit mise au service de l’entreprise qui est une notion
économique. En effet, la création d’une société permet d’assurer une
organisation de l’entreprise en lui attribuant une structure ou une formule
personnifiée qui se distingue de la personne de l’entrepreneur au niveau de
l’identité et du patrimoine. 20
L’intérêt d’exploiter l’entreprise dans le cadre
d’une société est l’unification des efforts et le rassemblement des capitaux qui
permettent de garantir sa force21 et sa continuité.22 De la sorte, le droit n’a pas
seulement une fonction normative. Il est également un instrument au service de
l’économie.

b) La société : acte unilatéral collectif.

Selon cette conception, la société peut être analysée comme un acte


unilatéral collectif. Celui-ci est caractérisé par un concours entre des volontés
qui ont toutes le même contenu et qui tendent toutes vers la réalisation d’un
même but. A titre d’exemple, constituent des actes unilatéraux collectifs, la
création d’une personne morale par la réunion d’individus agissant en
collaboration ou les résolutions votées par une assemblée délibérante.
Par contre, le contrat23 repose en principe sur des intérêts opposés ou
dissemblables.24
B) La société et les autres groupements de personnes.
20
Une séparation ou une division des patrimoines qui s’oppose à la confusion ou à l’unicité et l’indivisibilité du
patrimoine. Cette théorie n’est pas à l’abri de toute critique puisqu’il y a des sociétés sans entreprise, telles que
les sociétés de gestion de portefeuille de valeurs mobilières.
21
En effet, l’union fait la force.
22
On va voir qu’en cas du décès d’un associé, la société peut continuer entre les survivants ou même avec ceux-
ci et les héritiers.
23
On distingue entre le contrat individuel et le contrat collectif. Dans le premier, l’offre et l’acceptation émane
chacune de la volonté d’un individu. Dans le second, l’offre et l’acceptation émane de la volonté d’une
collectivité.
24
Voir Roujou de Boubée (G) : « Essai sur l’acte juridique collectif ». Note bibliographique. Revue
internationale de droit comparé, 1963, vol.15, n° 1, p.236. « Le contrat est une convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s’obligent envers, une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose
(art.1101 du code civil français).

8
Hormis le cas exceptionnel de la SUARL, la société ne peut être que
pluripersonnelle, c’est-à-dire qu’elle est le fruit d’un groupement de personnes.
Mais il ne faut pas comprendre que tout groupement représente nécessairement
une société. C’est pourquoi, il convient de distinguer la société des autres
groupements de personnes, tels que notamment l’association, l’indivision et le
groupement d’intérêt économique.25

a)Société et association.

Il y a certainement des divergences entre la société et l’association, qui est


régie par le décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, bien qu’elles soient
toutes les deux classées dans la catégorie des personnes morales de droit privé.
En réalité, hormis le fait que les règles de constitution, de fonctionnement et de
dissolution ou de partage de l’actif ainsi que les modalités de financement ne
sont pas les mêmes,26 la différence substantielle entre la société et l’association
réside principalement dans le caractère lucratif ou non des deux structures, c’est-
à-dire la possibilité ou non de réaliser des bénéfices et de les partager entre les
membres.

Selon, l’article 2 du décret-loi sus indiqué « l’association est une convention


par laquelle deux ou plusieurs personnes œuvrent d’une façon permanente à
réaliser des objectifs autres que la réalisation de bénéfices ». Il en résulte que
la vocation de l’association n’est pas la recherche du profit même si elle exerce
une activité nécessitant des capitaux importants. Son principal objet est
d’exercer une activité non lucrative n’aboutissant pas à la réalisation de
bénéfices (activité sociale, culturelle, sportive…etc.).

25
C’est la technique de qualification juridique qui assure cette distinction.
26
Sur cette question voir Germain (M) et Magnier (V) : « Les sociétés commerciales ». Paris, LGDJ, 19ème éd.
2009, p. 17 et s.

9
Au contraire, d’après les articles 2 du CSC et 1249 du COC, la société est
un groupement de personnes et de biens qui s’intéresse à l’argent. 27 La finalité
lucrative est le fondement même de la société. En d’autres termes, la réalisation
et le partage de bénéfices entre les associés, selon la règle de la proportionnalité,
est le but social recherché par toute société. Notons que, par rapport au COC, le
CSC a ajouté un nouvel objectif, à savoir le profit de l’économie 28, comme
élément de définition de la société.29

b) Société et indivision.

La société se distingue de l’indivision. Celle-ci est la situation dans


laquelle deux ou plusieurs personnes sont titulaires d’un même droit réel et que
le droit de chacune d’elles porte sur l’ensemble et non sur une portion
déterminée de la chose commune.30 Ainsi, lorsque deux ou plusieurs personnes
sont propriétaires d’un même bien (meuble ou immeuble) on les qualifie de
copropriétaires. En revanche, à l’exception de la société en participation, qui est
dépourvue de personnalité morale, les associés ne sont pas copropriétaires des
biens qu’ils apportent à la société. Ces biens deviennent la propriété de la société
dès que cette dernière acquiert la personnalité morale par son inscription au
registre national des entreprises et les associés deviennent titulaires d’un droit
personnel et non d’un droit réel.

L’autre différence entre la société et l’indivision est qu’en matière


d’indivision, et selon l’article 71 du CDR, chaque indivisaire31 «peut toujours

27
Voir Kharroubi (Kh) : « Droit des sociétés ». Vol.1, Tuins, éd. Latrache, 2008, p.31 ; Omrane (A) : «Du droit des
sociétés au droit de l’entreprise : Pour un droit de l’entreprise en Tunisie », n° 3.
28
Contrairement à la réalisation de bénéfices, le profit de l’économie ne se traduit pas par des sommes d’argent
que les associés peuvent encaisser. Il s’agit tout simplement de la diminution ou de la réduction des charges
d’exploitation et leur répartition entre tous les associés. Mais, il faut bien savoir que l’économie, qui peut être
réalisée, influe incontestablement sur la situation financière de la société.
29
Cette nouvelle finalité peut paraître comme un critère incertain de distinction entre la société et l’association.
S’il est vrai qu’il est interdit à celle-ci de réaliser des bénéfices et de les partager entre ses membres, rien
n’empêche qu’elle réalise des économies. Mais même dans cette hypothèse, les excédents ne peuvent jamais être
distribués.
30
Voir l’article 56 du CDR
31
Propriétaire indivis ou co-divisaire.

10
provoquer le partage nonobstant toute clause contraire ». Le principe,
annoncé par cet article, est que « nul ne peut être contraint à demeurer dans
l’indivision ». Ainsi, l’indivision est en général un état provisoire, 32
 dont le
partage peut à tout moment être demandé. Par contre, en matière de société, le
principe est la continuité de ce groupement de personnes. Sa dissolution n’est
pas systématique. En outre, l’indivision est dans la plupart des cas une situation
passive ou non voulue.33 En revanche, la société est une structure voulue par les
associés.

c)Société et groupement d’intérêt économique.

La société se distingue du groupement d’intérêt économique (GIE) régi par


l’article 439 et suivant du CSC. Il s’agit d’un groupement constitué, en vertu
d’un contrat, entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales ayant pour
but de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres et
d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Par exemple, on peut
imaginer la création d’un groupement d’intérêt économique entre plusieurs
entreprises pour permettre à ses membres d’acheter les matières premières
nécessaires à leur activité à des prix plus attractifs en partageant les couts.34

Bien que doté de la personnalité, 35 et par application de l’article 411 du


CSC, le GIE, contrairement à la société, peut être constitué sans capital social
et ne peut avoir pour but la réalisation de bénéfices par lui-même. Ainsi, la
véritable finalité du GIE, qui est un instrument de coopération par la mise en

32
Précaire.
33
Il y a cependant l’indivision conventionnelle.
34
Des entreprises exerçant l’activité de commerce de gros des produits alimentaires qui créent un GIE ayant
pour objet le transport des marchandises. Le GIE regroupant des commerçants locataires dans les centres
commerciaux dans le but de partager les loyers ou le GIE ayant pour objet la représentation sur les foires
commerciales ou encore les GIE organisant une assistance technique et des services communs pour des experts
comptables. On peut citer l’exemple du GIE constitué entre les trois banques publiques.

35
Et donc de la pleine capacité, et ce, à partir de la date de son immatriculation au registre du commerce. Voir
article 443 du CSC.

11
commun des moyens, est la diminution des frais et des charges et donc la
réalisation des économies. Sur ce point, le GIE ressemble à la société.

III) Classification des sociétés.

La classification des sociétés peut être effectuée selon plusieurs critères.

1-Classification selon le type de société.

Selon ce critère, on distingue les sociétés de capitaux des sociétés de


personne. Dans la première catégorie, ce qui importe le plus, c’est l’apport fait à
la société et non la personne de l’associé. C’est pourquoi, dans ce type de
sociétés, les associés peuvent ne pas se connaitre et céder librement leurs actions
à des tiers. Font partie des sociétés de capitaux la société anonyme (SA) et la
société en commandite par actions (SCA).

En revanche, dans les sociétés de personnes, l’élément essentiel est


constitué par la personne de l’associé (l’intuitu personae). Il s’agit donc des
sociétés qui se constituent entre des personnes qui se connaissent et qui se font
confiance (par exemple entre père et fils ou entre frères ou encore entre amis).
C’est pourquoi, la cession des parts à des tiers n’est admise que lorsque le
nouvel associé est agréé par les autres. Sont des sociétés de personnes, les
sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés en commandite simple (SCS) et les
sociétés en participation (SEP).

Mais, il convient de remarquer que ce critère de classification n’est pas


très déterminant puisque la société à responsabilité limitée (SARL) offre un type
intermédiaire de règles entre les sociétés de personnes et les sociétés de
capitaux.

Comme les sociétés de personnes, la SARL se constitue généralement par


un petit nombre de personnes qui se connaissent bien et qui se font confiance.
En d’autres termes, au même titre que les sociétés de personnes, telle que

12
notamment la SNC, la SARL repose en principe sur « l’intuitus personae ». A
cet effet, la cession, par les associés, de leurs parts à des tiers étrangers à la
société n’est pas en principe libre.36 De même, à l’instar des sociétés de
personnes, le dirigeant de la SARL est appelé « gérant ».37 L’autre point de
ressemblance est que le capital des sociétés de personnes et de la SARL est
divisé en parts sociales et non en actions.38

La SARL est aussi proche des sociétés de capitaux, telle que notamment
la SA, parce que les associés n’ont pas la qualité de commerçant 39 et ne sont
responsables des dettes de la société qu’à concurrence de leurs apports.40

2- Classification selon le critère du risque ou de la responsabilité.

Selon ce critère, on distingue entre les sociétés à responsabilité illimitée


ou à risque illimité et celles à responsabilité limitée ou à risque limité.

Dans la première catégorie, les associés sont responsables


personnellement et solidairement du passif social.41 Autrement dit, dans ces
sociétés, le patrimoine personnel de l’associé est exposé aux recours éventuels
des créanciers sociaux.42 Sont considérées comme sociétés à risque illimité, les
SNC,43 les SEP44 et les SCS mais seulement pour les associés commandités.45

Dans la deuxième catégorie, la responsabilité des associés à l’égard des


créanciers de la société est limitée au montant de leurs apports. Sur cette base,
les créanciers sociaux ne peuvent pas poursuivre le patrimoine personnel de
36
Voir l’article 109 du CSC.
37
Voir l’article 112 du CSC.
38
Voir l’article 92 du CSC.
39
Voir l’article 11-II du CSC.
40
Voir l’article 90 du CSC.
41
« Il y a solidarité entre les débiteurs lorsque chacun d’eux est personnellement tenu de la
totalité de la dette, et le créancier peut craindre chacun des débiteurs à l’accomplir en totalité
ou en partie, mais n’a droit à cet accomplissement qu’une seule fois » (Article 176 du COC).
42
C’est-à-dire aux poursuites des créanciers dont la créance résulte de l’activité de la société.
43
Voir l’article 54 du CSC.
44
Voir l’article 77 du CSC.
45
Voir l’article 67 du CSC.

13
l’associé. Sont qualifiées de sociétés à risque limité, la SARL, 46 la SUARL,47 la
SA48 et la SCA seulement en ce qui concerne les commanditaires.49

3- Classification selon l’objet de la société.

Ce critère oppose les sociétés commerciales aux sociétés civiles. Les


premières, qui doivent tenir une comptabilité et désigner un commissaire aux
comptes,50 sont celles qui exercent des activités naturellement commerciales,
c’est-à-dire qui se livrent à des actes de commerce par nature tels que définis
par l’article 2 du code de commerce.51 Ce sont donc des sociétés commerciales
par l’objet. Sur ce fondement, la nature commerciale d’une société dépend
de son objet.

Mais ce principe connait une exception puisque, selon l’article 7 du CSC,


« la société est commerciale soit par sa forme, soit par son objet. Sont
commerciales par la forme et quel que soit l’objet de leur activité, les SCA, les
SARL et les SA ». Il en découle que toute société, qui est constituée selon l’une
de ces formes juridiques, est commerciale même si elle a pour objet une
exploitation agricole, artisanale ou libérale, c’est-à-dire une activité civile.

Les sociétés commerciales par l’objet et par la forme sont soumises aux
lois et usages en matière commerciale (le CSC, le code de commerce, la loi n°
95-44 du 2 mai 1995, relative au registre du commerce…etc.). 52 Néanmoins, une
46
Voir l’article 90-I du CSC.
47
Voir l’article 90-II du CSC.
48
Voir l’article 160 du CSC.
49
Voir l’article 390 du CSC.
50
Voir l’article 13 du CSC.
51
Ce sont des actes réputés commerciaux par la loi et entraînent, pour leur auteur, la qualité de commerçant, s’ils
sont accomplis à titre professionnel, tels que : les actes de production (extraction des matières premières,
fabrication et transformation des produits manufacturières, exploitation d’entreprises de spectacles publics,
d’édition, de publicité, d’information), les actes de circulation (les opérations d’entrepôt ou de gestion de
magasins généraux, le transport des biens et de personnes) , les actes de spéculation (achat, vente ou location de
biens quels qu’ils soient, les opérations de change, de banque ou de bourse, les opérations d’assurance), les actes
d’entremise (les opérations de courtage et de commission, l’exploitation d’agence d’affaires, l’agent
commercial). Pour plus de détails, voir Mezghani (N) : « Droit commercial. Actes de commerce, Commerçants,
Fonds de commerce ». Tunis, CPU, 1999.
52
A tire d’exemple, l’article 1er du CSC dispose que « les dispositions du présent code s’appliquent à toutes les
sociétés commerciales ». Cet article s’exprime en termes généraux sans distinguer entre les sociétés
commerciales par l’objet et celles qui le sont par la forme.

14
société à forme commerciale et à objet civil n’a pas en principe de fonds de
commerce et ne peut, par conséquent, réclamer la propriété commerciale (le
droit au renouvellement du bail). En effet, la loi n° 77-37 du 25 mai 1977,
relative au droit au renouvellement du bail, ne s’applique qu’aux locaux dans
lesquels un fonds de commerce est exploité. 53 En un seul mot, les sociétés à
forme commerciale et à objet civil se trouvent dans l’impossibilité juridique
d’exploiter un fonds de commerce dans le local loué.54

Pour ce qui est des sociétés civiles, il s’agit de celles qui ont un objet
civil et qui ne sont pas, bien évidemment, constituées sous forme de SARL, de
SUARL, de SA ou de SCA. Elles obéissent aux dispositions de l’article 1249 et
suivant du COC et aux textes qui leur sont propres.55

Au même titre que les sociétés commerciales, les sociétés civiles disposent
de la personnalité morale ou juridique et sont soumises à l’obligation
d’immatriculation au registre du commerce.56 Mais cette immatriculation n’a pas
les mêmes effets dans les deux types de sociétés. Cela est vrai car les sociétés
civiles acquièrent la personnalité morale abstraction faite de leur
immatriculation au registre du commerce. Par contre, les sociétés commerciale

ne jouissent de la personnalité morale qu’à compter de leur immatriculation au


registre du commerce à l’exception notable de la SEP.57

4- Classification selon le critère de la personnification.

Ce critère permet de distinguer entre les sociétés qui disposent de la


personnalité morale, c’est-à-dire les sociétés personnifiées ou personnalisées, et
les sociétés dépourvues de la personnalité morale, c’est-à-dire les sociétés
53
Voir l’article 1er de la loi n° 77-37.
54
Selon l’article 189 du CC « font partie du fonds de commerce, les biens mobiliers affectés à l’exercice d’une
activité commerciale. Le fonds de commerce comprend obligatoirement la clientèle et l’achalandage. Il
comprend aussi, sauf dispositions contraires, …le droit au bail… ».
55
Voir, à titre d’exemple, la loi n° 98-65 du 20 juillet 1998, relative aux sociétés professionnelles d'avocats.
56
Voir les dispositions des articles 1 et 2 de la loi n° 95-44 qui s’expriment en termes généraux.
57
Voir l’article 4 du CSC.

15
dépersonnalisées. Dans la première catégorie, on trouve les SNC, les SCS, les
SARL, les SUARL, les SA et les SCA. Dans la deuxième catégorie, il y a
principalement la SEP en tant que société de droit.58

5- Classification selon le critère de la division du capital.

Sur le fondement de ce critère, on distingue entre les sociétés dont le capital


est divisé en parts sociales et celles dont le capital est divisé en actions. Dans la
première catégorie, on trouve les sociétés de personnes et la SARL. Les droits
des associés sont représentés, dans ces sociétés, par des parts sociales qui ne
sont pas, en principe, librement cessibles et qui ne sont pas encore négociables
en bourse. Dans la seconde catégorie, il y a la SA et la SCA. Les droits des
actionnaires, dans lesdites sociétés, sont exprimés en actions qui sont, en
principe, librement cessibles et négociables en bourse.

Chapitre I : Les règles communes A toutes les


sociétés.

Il s’agit des règles générales qui s’appliquent à toutes les sociétés


commerciales. Elles se rapportent à la constitution, au fonctionnement et à la
dissolution de ces groupements.

Section 1 : Les règles de constitution.

58
Il y a des sociétés sans personnalité morale mais qui ne sont pas reconnues par la loi. Il s’agit de la société de
fait et de la société créée de fait.

16
Exception faite de la SUARL, qui s’analyse comme un acte juridique
unilatéral,59 la société naît de l’accord de volonté des associés. Cette volonté est
exprimée en signant le contrat créant la société. Pour que ce contrat soit
régulièrement conclu, il faut respecter certaines conditions de fond et de forme.

Paragraphe 1 : Les conditions de fond.

Etant une convention, le contrat de société doit remplir les conditions


générales de formation et de validité des contrats prévus par l’article 2 du COC
(A). Mais le particularisme du contrat de société exige certaines conditions
spécifiques (B).

A) Les conditions générales.

Il s’agit des éléments communs à tous les contrats prévus par l’article 2 du
COC à savoir la capacité, le consentement et la licéité de l’objet et de la cause.

1-La capacité.60

Pour faire partie du contrat de société, il faut en principe avoir la capacité


de s’obliger ou plutôt la capacité commerciale. 61 Mais les dispositions de

59
Voir Labastie-Dahdouh (Ch.) et Dahdouh (H) : « Entreprises sociétaires et groupements
privés. Règles particulières ». Tunis, IHE Editions, 2007, p.205 ; Ben Ammou (N), Cours
précité, p. 11.
60
On distingue entre la capacité de jouissance et la capacité d’exercice. La première est l’aptitude d’une
personne à être titulaire de droit. La seconde est l’aptitude d’une personne à pouvoir, personnellement et
valablement, créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. Voir Renault-Brahinsky (C) : « L’essentiel
du droit des obligations ». Paris. Gualino, 2015, p.35 et s ; Terré (F), Simler (Ph.) et Lequette (Y) : « Droit civil.
Les obligations ». Paris. Dalloz, 11ème éd. 2013, n° 95 ; Poirret (J) : « La représentation légale du mineur sous
autorité parentale ». Thèse pour le doctorat en droit privé et sciences criminelles. Université de Paris-Est, 2011,
p.p. 1 et 2.
61
La capacité de s’obliger s’identifie en principe avec la capacité commerciale. Néanmoins, un mineur qui a
atteint 15 ans accomplis et qui est émancipé judiciairement pour accomplir des actes civils n’a pas la capacité
commerciale.

17
l’article 11 du CSC comportent des solutions différentes en la matière. Aux
termes de cet article « nul ne peut être associé dans une SNC ou commandité
dans une SCS ou par actions s’il n’a pas la capacité requise pour la profession
commerciale. Toutefois, les personnes qui n’ont pas la capacité requise pour
l’exercice du commerce peuvent être des associés commanditaires dans une
SCS ou associés dans une SARL ou actionnaires dans une SA ou dans une
SCA ».

Ces dispositions font donc la distinction entre le type de société voire


même la forme de celle-ci quant à la capacité exigée pour être associé ou
actionnaire.

Pour ce qui est des sociétés de personnes, en particulier la SNC, l’associé a


la qualité de commerçant. Il est donc personnellement et solidairement
responsable des dettes sociales.62 Mais si, dans la SCS, la capacité commerciale
est requise pour le commandité, elle ne l’est pas pour le commanditaire. Ce
dernier n’est pas commerçant et sa responsabilité est limitée à l’apport fait à la
société.63 C’est pourquoi le mineur,64 même dépourvu de discernement,65 peut

être associé commanditaire dans une SCS. Seulement, pour l’enfant dépourvu de
discernement, sa participation doit être faite en son nom par le tuteur ou le
représentant légal après autorisation spéciale du juge compétent.66 Pour ce qui
est de l’enfant pourvu de discernement, 67 la validité de son acte est subordonnée,

62
Voir les articles 54 et 55 du CSC.
63
Voir l’article 67 du CSC.
64
Le mineur est celui qui n’a pas atteint 18 ans accomplis ou même, s’’il n’a pas atteint cet âge, n’a reçu aucune
émancipation.
65
Est considéré comme enfant dépourvu de discernement, celui qui n’a pas attient l’âge de 13 ans accomplis.
Voir l’article 156-I du CSP.
66
Voir l’article 15 du COC.
67
Est considéré comme enfant pourvu de discernement, celui qui a attient l’âge de 13 ans accomplis et n’a pas
atteint 18 ans accomplis.

18
dans ce cas, à l’accord du tuteur68 étant donné que le contrat de société est un
contrat aléatoire.69

Sur la base de ce qui précède, la capacité commerciale (18 ans accomplis)


est requise pour être associé dans une SNC ou commandité dans une SCS.
Notons que « le mineur devient majeur par le mariage s’il dépasse l’âge de 17
ans, et ce, quant à son statut personnel et à la gestion de ces affaires civiles et
commerciales ».70

Pour ce qui est des sociétés de capitaux, à savoir la SA et la SCA, la


capacité commerciale n’est pas exigée. La même chose pour être associé dans
une SARL. Néanmoins, la capacité commerciale est requise pour être
commandité dans une SCA.

En outre, pour le cas particulier de l’associé unique dans la SUARL, s’il est
vrai que cet associé n’a pas la qualité de commerçant, il est également vrai qu’il
doit avoir la capacité pour gérer la société à savoir la capacité civile (18 ans
accomplis) puisque l’article 154 du CSC dispose que « l’associé unique ne peut
déléguer la gestion sociale à un mandataire ».71

Le problème se pose vraisemblablement pour être associé dans une SEP.


En effet, l’article 11 du CSC a gardé le silence quant à la capacité des associés
dans cette société. Il en va de même des articles de 77 à 89 du même code
régissant la société en question. Dans un arrêt n° 2931 rendu le 30 avril 1981, 72
la cour de cassation, tout en rappelant le principe selon lequel il est interdit au

68
Voir l’article 156-II du CSP.
69
Parce que l’activité de la société peut aboutir à la réalisation de bénéfices ou de pertes.
70
Voir l’article 153-II du CSP qui consacre un cas d’émancipation juridique par le mariage.
71
On va voir que la capacité commerciale est requise pour gérer une SNC ou une SARL même si, dans cette
dernière, le gérant n’a pas la qualité de commerçant
72
Bull. cass. 1981, p.219. Cité par Kharroubi (Kh), op.cit, p. 251.
19
mineur d’entreprendre une activité commerciale, considère qu’il peut faire un
apport dans une SEP étant donné que la loi n’a pas donné la qualité de
commerçant à l’associé dans ladite société.

A notre avis, cette position est discutable puisque selon l’article 79 du


CSC « si la société se révèle aux tiers de quelque manière que ce soit, les
associés seront tenus dans les mêmes conditions que ceux d’une SNC ». On a
vu que, dans ces sociétés, les associés sont personnellement et solidairement
responsables des dettes sociales. Sur cette base, il est difficile d’admettre qu’un
incapable (mineur ou interdit) puisse être associé dans une SEP car il risquerait
de voir sa responsabilité illimitée ou solidaire mise en jeu si la société se
révélait aux tiers.

Pour cette raison, la capacité commerciale semble nécessaire pour être


associé dans une SEP. Soulignons que cette capacité reste, en toute logique,
requise pour l’associé qui contracte avec les tiers en son propre nom sans monter
qu’il traite pour le compte des autres associés. C’est donc le gérant de la société
qui s’engage à titre personnel et sous sa responsabilité pour le compte de tous les
associés et les tiers n’ont de relations juridiques qu’avec celui-ci.73

2-Le consentement.

De façon générale, lorsqu’une personne accepte de faire partie d’un contrat


de société, elle exprime sa volonté par la signature des statuts. Cette signature
manifeste clairement l’échange de consentement. Celui-ci doit être réel ou
73
Voir l’article 80 du CSC.
20
sincère. Autrement dit, la volonté doit être dirigée vers la création d’une société.
Celle-ci ne doit donc pas être fictive .74 De même, le consentement ne doit pas
être affecté de vices75 tels que l’erreur,76 le dol et la violence.77

3-La licéité de l’objet et de la cause.

Pour ce qui est de la licéité de l’objet, il ne fait pas de doute que l’objet
social, c’est-à-dire l’activité pour l’exercice de laquelle la société est constituée
doit être licite et, par conséquent, ne doit pas être contraire à l’ordre public et
aux bonnes mœurs. Dans ce cadre, l’article 1253 du COC, qui représente le
droit commun en la matière, précise que « la société est nulle si elle a pour
objet des choses qui ne sont pas dans le commerce ».78

Pour ce qui est de la licéité de la cause, l’article 2 du CSC précise que la


finalité de la société est de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui
pourrait résulter de son activité. Autrement dit, la licéité de la cause n’est autre
chose que l’enrichissement des associés qui peut résulter du partage de bénéfices

ou de l’économie réalisée. D’ailleurs, l’article 1252 du COC, qui est un texte


général, dispose que « toute société doit avoir un but licite. Est nulle de plein
droit, toute société ayant un but contraire aux bonnes mœurs, à la loi ou à
l’ordre public ».
74
Le consentement ne doit donc pas être simulé (fictif) en dissimulant un acte juridique d’une autre nature. Il y a
donc un acte apparent et un acte dissimulé. Par exemple, un contrat de société apparent peut dissimuler un
contrat de vente ou une donation. Les parties peuvent utiliser la société comme un montage juridique pour
réaliser une opération de vente ou une donation, et ce, afin d’échapper à l’impôt. En particulier pour ne pas
payer les droits d’enregistrement exigibles au titre des ventes ou des transmissions à titre gratuit de biens
immeubles ou de fonds de commerce. Le principe est qu’entre les parties l’acte secret s’applique. En revanche
pour les tiers, la règle est celle d’une option, soit le tiers choisit l’acte secret, soit l’acte apparent (voir l’article 26
du COC).
75
Selon l’article 43 du COC « est annulable le consentement donné par erreur, surpris par dol ou extorqué par
violence ».
76
L’erreur peut porter sur la nature de la chose, sur la personne ou sur sa qualité
77
Par exemple, un associé, qui a fait un apport en numéraire, a constitué une société d’informatique avec un
associé, qui a fait un apport en industrie, en croyant que ce dernier est ingénieur en informatique alors qu’il est
en réalité un simple technicien en la matière.
78
Par exemple une société qui a pour objet le commerce des produits interdits, telle que la drogue, ou des
organes humains ou encore une société de prostitution.

21
B) Les conditions spécifiques.

Ces conditions spécifiques sont propres au contrat de société. Elles


montrent son particularisme par rapport aux autres contrats. Il s’agit de la
pluralité des associés (1), de l’affectio societatis (2), de la mise en commun des
apports (3) et de la participation aux résultats de l’exploitation (4).

1-La pluralité des associés.

Exception faite de la SUARL, qui est constituée par un associé unique, la


pluralité des associés est une condition nécessaire à la constitution de la
société.79 Par exemple, la SNC doit être constituée au moins entre deux
associés.80 La même chose pour la SEP81 et la SARL.82 Quant à la SA, elle ne
peut être constituée que par sept actionnaires au moins. 83 Concernant la SCS,
l’utilisation du pluriel dans la désignation des « commanditaires » et des
« commandités » laisse supposer que leur nombre ne peut être inférieur à deux,
c’est-à-dire deux commanditaires et deux commandités.84 Pour la SCA et selon
la version française de l’article 390 du CSC, celle-ci doit être constituée au
moins avec cinq personnes ; deux commandités85 et trois commanditaires.86

2-L’affectio societatis.

On va définir l’affectio societatis (a) avant de préciser son intérêt (b).

a) Définition de l’affectio societatis.

79
Voir l’article 2 du CSC.
80
Voir l’article 54 du CSC.
81
Voir l’article 77 du CSC.
82
Voir l’article 90 du CSC.
83
Voir l’article 160 du CSC.
84
Voir l’article 67 du CSC
85
Selon la version arabe, on lira « un ». En cas de contradiction entre le texte arabe et le texte français, c’est le
premier qui doit s’appliquer.
86
L’article 390-II du CSC précise que « le nombre des commanditaires ne peut être inférieur à trois ».

22
La loi ne comporte pas et ne définit pas cet élément fondamental du contrat
de société. Il s’agit d’un élément psychologique qui signifie l’intention de
s’associer ou d’agir comme associé ou encore la volonté d’union (l’esprit
sociétaire). Cette intention de s’associer se manifeste notamment par la
réalisation en commun de l’objet social et la collaboration de tous les
associés. Ainsi, la volonté ne suffit pas parfois à elle seule pour parler de la
société. Les chambres réunies de la cour de cassation définissent cet élément
comme suit : « L’affectio societatis suppose que la volonté de chaque associé
tende vers la coopération positive sur un pied d’égalité en vue de la réalisation
de l’objet social ».87

Cet élément distinctif du contrat de société existe réellement dans les


sociétés de personnes et les SARL. Il est parfois inexistant dans les grandes
sociétés de capitaux où les actionnaires ne se connaissent pas forcément et
cherchent plutôt à réaliser un investissement ou un placement financier.88

b) Intérêt de l’affectio societatis.

L’affectio societatis sert à distinguer la société des autres situations telle que
notamment la société créée de fait qui se distingue de la société de fait.

S’agissant de la société créée de fait, 89 celle-ci est la situation dans laquelle deux
ou plusieurs personnes se comportent dans l’apparence comme des associés sans avoir
l’intention réelle ou sincère de constituer une société ou sans exprimer clairement la
volonté de former une société.90 Il n’y a donc pas d’affectio societatis dans la

87
Cass.civ. Cham. Réun. n° 48915 du 25 avril 1996. Cité par Ben Ammou (N), cours précité, p.22.
88
Certaines décisions judiciaires ont annulé la société pour défaut d’affectio societatis surtout lorsque la
mésentente entre les associés paralyse le fonctionnement de la société. Notons que cet élément n’a pas de sens
dans la SUARL
89
C’est une invention jurisprudentielle,
90
C’est une société qui est constatée à partir des comportements des associés de fait.

23
conscience des associés de fait.91 Tel est le cas de la situation de deux personnes 92 qui
exploitent en commun une activité commerciale ou moyen d’apports avec partage de
bénéfices sans qu’il y ait, en droit, une volonté expresse de créer véritablement une
société.93

Cette situation peut en principe poser deux problèmes quand elle sera portée
devant les tribunaux.94 Un premier problème consiste à savoir si le créancier de
l’associé de fait, avec qui il a contracté, peut demander le paiement de la dette de
celui-ci à l’autre associé de fait. Un deuxième problème consiste à savoir si l’associé
dans une société créée de fait peut réclamer sa part dans les bénéfices de l’exploitation.
Le droit tunisien ne réglemente pas de telles situations.95 De même, notre jurisprudence
ne comporte pas de solutions en la matière. Quoi qu’il en soit, quand l’existence de la
société est établie, il faut la soumettre au droit pour la faire disparaître après avoir
réglé tous les problèmes.96

S’agissant de la société de fait, il s’agit tout simplement d’une société qui a été
voulue par les associés mais qui a été constituée en violation des règles légales.
Autrement dit, à la différence de la société créée de fait, dans la société de fait, il
y a bel et bien une volonté de créer une société sauf que les associés

n’ont pas respecté certaines règles imposées par la loi telles que notamment les
formalités d’immatriculation ou de publicité. C’est une société qui, dans la
plupart des cas, a fonctionné avant son annulation. Mais, bien qu’elle soit
annulée, la société maintient ses effets pour la période antérieure à son

91
Dans les faits, on peut constater cet élément, c’est-à-dire qu’on peut observer la collaboration, sur un pied d’égalité,
entre deux personnes exerçant en commun une activité commerciale. Le juge, en cas de litige, dès qu’il observe cet
élément dans les faits, il en déduira que la volonté des intéressés était dans ce sens alors qu’ils ne sont pas conscients qu’ils
œuvrent dans une société.
92
Par exemple un homme et sa femme ou des concubins ou même des amis.
93
Par exemple un entrepreneur (propriétaire d’une entreprise individuelle) recrute un salarié et lui dis  : vous ne serez
rémunéré que si l’entreprise réalise des bénéfices, ce qui est illégal. En cas de litige, le juge peut procéder à une
requalification du contrat de travail en considérant qu’il s’agit d’une société créée de fait.
94
Le recours aux tribunaux n’est pas d’office ou systématique. Les parties peuvent trouver une solution amiable.
95
La situation est différente en droit français. Celui-ci prévoit que les règles régissant la SEP sont applicables à la société
créée de fait. Sur cette base, le créancier qui n’a pas pu obtenir sa créance auprès du débiteur avec qui il a contracté, peut la
demander à l’autre associé. En plus, l’associé de fait peut demander sa part dans les bénéfices de l’exploitation.
96
Voir Kharroubi (Kh), Op.cit, p.268.

24
annulation.97 Autrement dit, la nullité de la société ne remet pas en cause les
effets produits au passé.98 Il y a donc des conséquences sur les rapports de la
société avec les tiers et d’autres sur les rapports entre les associés de fait. Dans
le premier rapport, les actes passés par la société et les tiers de bonne foi,
produisent leurs effets. Dans le second rapport, la société doit être liquidée
conformément aux dispositions statutaires et aux règles de droit relatives à la
liquidation des sociétés dissoutes.99 « La notion de société de fait tend ainsi non
pas à maintenir la société nulle pour l’avenir mais à régler les conséquences des
actes passés sans rétroactivité ».100

Au début, la société de fait était une théorie de la doctrine et même une


solution de la jurisprudence. Aujourd’hui, les textes de droit consacrent cette
notion. Par exemple, le CSC, dans son article 103, a évoqué la société de fait
pour déterminer le régime de la SARL non encore immatriculée au registre du
commerce.101 De même, l’article 4 du code de l’IRPP et de l’IS prévoit, entre
autres, que sont personnellement soumis à l’impôt, les associés des sociétés de
fait.

3-La mise en commun des apports.

Chaque associé doit faire un apport à la société. L’article 5 du CSC


prévoit trois types d’apports ; l’apport en numéraire, l’apport en nature et
l’apport en industrie. Il précise que « l’ensemble de ces apports, à l’exception
97
Le principe est que la nullité d’un acte est rétroactive. Un acte est nul est celui qui ne produit aucun effet, ni au
futur ni au passé. Par exemple, un contrat de vente annulé ne produit pas d’effet réel à savoir le transfert de
propriété (il n’y a que les effets personnels).
98
Par exemple, les contrats passés par la société avant son annulation produisent leurs effets.
99
Voir Ben Ammou (N), Cours précité, p.12.
100
Ripert et Roblot, par Germain, n° 687. Cité par Ben Ammou (N), Cours précité, p.12.
101
Selon l’article 103-II du CSC « tant qu’elle n’est pas immatriculée au registre du commerce, la société est
considérée comme une SARL en cours de constitution et elle reste soumise au régime de la SNC de fait ». Ces
dispositions sont mal rédigées ou formulées. Il aurait fallait dire : « …est considérée comme une société de faite
soumise au régime de la SNC ».

25
de l’apport en industrie, constitue le capital de la société. Ce dernier est le
gage exclusif des créanciers sociaux ».

-Pour ce qui est, d’abord, de l’apport en numéraire, il s’agit d’un apport


de somme d’argent (paiement en espèces, par virement bancaire ou par
chèques…). Dans ce cadre, il convient de distinguer entre « souscription » et
« libération » de l’apport en numéraire. La souscription exprime la promesse
émanant de l’associé de réaliser un apport d’une somme déterminée. La
libération est l’exécution, par l’associé, de son engagement, c’est-à-dire le
versement du montant promis.

-Pour ce qui est, ensuite, de l’apport en nature, il peut s’agir d’un bien
meuble (corporel102 ou incorporel103) ou immeuble. Sa valeur est évaluée, selon
les cas, soit par les associés eux-mêmes, soit par un commissaire aux apports.104

L’apport en nature se présente généralement sous trois formes ; il peut être


fait en pleine propriété, en jouissance et en usufruit.

Concernant l’apport en pleine propriété, il se rapproche de la vente parce


qu’il entraîne le transfert de la propriété de la chose apportée à la société. Etant
une personne morale, celle-ci devient donc propriétaire du bien apporté, mais, en

contrepartie de son apport, l’associé ne reçoit pas un prix mais des droits sociaux
(actions ou parts).

Concernant l’apport en jouissance, l’apporteur met à la disposition de la


société un bien déterminé, mais il en conserve la propriété. La société
bénéficiaire du droit de jouissance sur le bien apporté est tenue à une obligation
102
Par exemple, un camion ou un matériel.
103
Par exemple, un fonds de commerce.
104
Voir, à titre d’exemple, l’article 100 du CSC applicable à la SARL.

26
de restitution à l’expiration de la durée convenue. Ce bien ne fera pas partie du
patrimoine social et échappera donc aux poursuites des créanciers sociaux.

Concernant l’apport en usufruit, l’associé devient nu-propriétaire et la


société a le droit d’user et de jouir, comme le propriétaire lui même, du bien
apporté en percevant notamment les revenus qu’il génère, mais à charge d’en
conserver la substance.105 Selon l’article 159 du CDR, « la durée de l’usufruit
constitué au profit d’une personne morale ne peut excéder trente ans ».

-Pour ce qui est, enfin, de l’apport en industrie, l’associé apporte à la


société son travail ou son expérience et sa compétence. Si, en principe, la part de
chaque associé dans les bénéfices et les pertes est proportionnelle à sa mise,
l’article 1300 du COC dispose que « la part de celui qui n’a apporté que son
industrie est évaluée d’après l’importance de cette industrie pour la société ».
Les statuts de la société peuvent ainsi prévoir certains avantages lui permettant
de disposer d’une part des bénéfices sans avoir à apporter une chose déterminée
ou une somme d’argent.

L’apport en industrie, qui ne fait pas partie du capital social, est admis
dans les sociétés de personnes, telles que la SNC, la SEP et la SCS mais
seulement pour les associés commandités. Selon le dernier paragraphe de
l’article 67 du CSC, « l’associé commanditaire ne peut faire un apport en
industrie ».

Dans toutes ces sociétés, un associé peut, par exemple, faire un apport de
son fonds de commerce et l’autre peut apporter son activité pour exploiter ce
fonds.

105
Voir l’article 142 du CDR.

27
Concernant la SARL, le dernier paragraphe de l’article 97 du CSC, tel que
modifié par l’article 16 de la loi n° 2007-69 du 27 décembre 2007, relative à
l’initiative économique, dispose que « l’apport en société peut être en industrie.
L’évaluation de sa valeur et la fixation de la part qu’il génère dans les
bénéfices se font par commun accord entre les associés dans le cadre de l’acte
constitutif ».

Pour ce qui est des sociétés de capitaux, il est à observer que l’apport en
industrie est interdit dans la SA. C’est ce qui résulte de l’article 166-II du CSC
aux termes duquel « les actions ne peuvent représenter des apports en
industrie ». Dans la SCA, la règle est, en principe, celle prévue pour la SCS.
Seuls donc les commandités peuvent, ce qui paraît, faire un apport en industrie.

Faut-il enfin ajouter que selon l’article 1256 du COC « l’apport peut
consister dans le crédit commercial d’une personne ».

4-La participation aux résultats de l’exploitation.

La participation aux résultats de l’exploitation peut prendre deux


manifestations : la vocation aux bénéfices et aux pertes et le profit de
l’économie.

La vocation aux bénéfices n’est un droit que lorsque la société décide de


répartir les bénéfices réalisés sous forme de dividende. En réalité, la société
existe indépendamment de la réalisation de bénéfices. Même lorsqu’elle les
réalise, aucune disposition légale générale ne lui impose de les répartir entre les
associés à l’exception de l’article 140 du CSC relatif à la SARL aux termes
duquel « au cas où des bénéfices sont réalisés, les dividendes seront distribués
dans une

28
proportion qui ne peut être inférieure à 30%, au moins une fois tous les trois
ans, et ce, après constitution des réserves légales et statutaires, sauf si
l’assemblée générale des associés décide le contraire à l’unanimité ».

La loi impose à la société, avant toute décision de distribution, de


procéder à la constitution des réserves légales dans la limite de 5% des bénéfices
nets réalisés à la fin de chaque exercice.106 Mais ce prélèvement cesse d’être
obligatoire lorsque les réserves légales constituées atteignent 10% (le dixième)
du capital des SARL107 et des SA108 et 5% du capital des autres sociétés.109

Outre les réserves légales, les statuts de la société peuvent prévoir le


prélèvement d’autres réserves obligatoires à savoir les réserves statutaires. En
outre, il y a les réserves facultatives qui sont décidées par les associés lors d’une
assemblée générale ordinaire.

Une fois la société décide de répartir les bénéfices entre les associés, cette
répartition doit être en principe proportionnelle à leurs apports. En cas de doute,
les parts des associés sont présumées égales. Cette règle, qui s’applique
également en cas de perte, est exprimée dans l’article 1300 du COC.

Il convient de remarquer, à ce stade de l’étude, que les dispositions de


l’article 1300 et suivant du COC interdisent les clauses léonines. Ce sont des
clauses qui attribuent à un associé une part dans les bénéfices, ou dans les pertes,
supérieure à la part proportionnelle à sa mise ou qui privent un ou plusieurs
associés de tout droit aux bénéfices ou encore qui les exonèrent de toute
participation aux pertes.

106
Voir l’article 140 du CSC relatif à la SARL, l’article 287 du même code relatif à la SA et l’article 1305 du COC
applicable aux autres sociétés.
107
Voir l’article 140 du CSC.
108
Voir l’article 287 du CSC.
109
Voir l’article 1305 du COC.

29
Selon l’article 1301 du COC « est nulle et rend nul le contrat de société,
toute stipulation qui attribuerait à un associé une part dans les bénéfices, ou
dans les pertes, supérieure à la part proportionnelle à sa mise ». De même,
selon l’article 1302 du même code « lorsque le contrat attribue à l’un des
associés la totalité des gains, la société est nulle et le contrat constitue une
libéralité de la part de celui qui a renoncé aux bénéfices ». Le même article
(1302 du COC) ajoute que « la clause qui affranchirait l’un des associés de
toute contribution aux pertes est nulle mais n’annule pas le contrat ».
Néanmoins, l’article 1303 du COC précise qu’ « il peut être stipulé que celui
qui a apporté son industrie aura dans les bénéfices une part supérieure à celle
des autres associés ». Cet article considère donc valables les clauses statutaires
accordant à l’apporteur en industrie une part importante dans les bénéfices
pouvant être supérieure à celle attribuée aux associés qui ont fait un apport en
numéraire ou en nature.

Paragraphe 2 : Les conditions de forme.

A – L’exigence de l’écrit :

Selon l’article 3 du CSC, « à l’exception de la société en participation, le


contrat de la société doit être rédigé par acte sous seing – privé ou acte
authentique  ». Selon le même article, «  Si les apports comprennent des
apports en nature ayant pour objet un immeuble immatriculé, l’acte doit être
rédigé selon la législation en vigueur sous peine de nullités ».

Il en résulte que si l’apport consiste en un immeuble immatriculé, le


contrat de société doit être rédigé par un avocat en exercice, non stagiaire, par un
notaire ou encore par le conservateur de la propriété foncière (voir article 377
bis du CDR).

De même, lorsque l’apport consiste en un fonds de commerce dont la


propriété est transmise à la société, l’acte de société doit être rédigé par un
30
avocat en exercice non stagiaire (voir article 189 bis du code de commerce).
Dans cette même idée, l’article 2 du décret loi n° 2011-79 du 20 août 2011,
portant organisation de la profession d’avocat, précise que l’avocat est investi
d’une compétence exclusive en matière de rédaction des statuts des sociétés, de
l’augmentation ou de réduction de leur capital chaque fois qu’il s’agit d’un
apport de fonds de commerce. Le même article ajoute que l’avocat est
exclusivement compétent en matière de contrats d’apports immobiliers dans le
capital des sociétés commerciales sans toutefois empiéter sur le domaine
réservé, par la loi, aux notaires et aux rédacteurs d’acte relevant de la
conservation de la propriété foncière. Les actes rédigés par des personnes autres
que celles qui sont ci-dessus mentionnées sont frappés de nullité absolue.

Selon l’article 9 du CSC, les statuts (le contrat) doivent obligatoirement


préciser la forme, la durée, la raison ou la dénomination sociale, le siège social
et le montant du capital social.

Cet écrit (‫ )الكتب‬a un double rôle. D’une part, il fixe les rapports entre les
associés puisque l’article 3 alinéa 4 dispose qu’ « aucune preuve n’est admise
entre les associés contre les statuts ».110 D’autre part, il permet d’informer ou
d’aviser les tiers à travers la formalité de publicité.111

B – La publicité des sociétés :

La publicité se réalise en passant par plusieurs étapes. D’abord, les statuts


doivent être enregistrés à la recette des finances (voir article 3 du CDET).

Ensuite, et dans un délai d’un mois à compter de la date de sa constitution, la


société doit être immatriculée au registre de commerce du tribunal de son siège,

110
Le même alinéa ajoute que « toutefois, les pactes conclus entre associés en raison de la société sont
valables et obligent leurs parties lorsqu’ils se limitent à régir les droits qui sont propres à ceux-ci et qui ne
sont pas contraires aux dispositions des statuts ».
111
Selon le dernier alinéa de l’article 3 du CSC, « les tiers peuvent, s’il y a lieu, être admis à prouver, par tous
les moyens, l’existence soit de la société, soit d’une ou de plusieurs clauses du contrat de société ».

31
et ce, par le dépôt des statuts et des documents prévus par la loi relative au
R.N.E.

Enfin, dans un délai d’un mois à partir soit de la constitution définitive de la


société, soit de la date du procès verbal de l’assemblée générale constitutive,
toute société, à l’exception de la société en participation, doit procéder à la
publication de ses actes constitutifs par une insertion d’extrait au JORT. Les
formalités de publicité sont effectuées par le représentant légal de la société et
sous sa responsabilité (voir article 15 du CSC).

Il convient de souligner, dans ce cadre, que l’immatriculation au registre


du commerce entraîne la naissance de personnalité morale de la société à
l’exception de la société en participation (article 4 CSC). Cela veut dire que la
signature des statuts, si elle aboutit en principe à la constitution de la société,
n’entraine pas la naissance de la PM.

Cette PM permet à la société d’avoir un patrimoine propre distinct des


patrimoines personnels des associés, un capital social, une dénomination ou une
raison sociale ( le nom de la société), un siège social, une nationalité, une
capacité et une responsabilité ( civile et pénale).

C- La nullité pour irrégularité de forme :

D’une manière générale et d’après les dispositions de l’article 3 du CSC,


l’absence de l’écrit n’entraîne pas d’office la nullité du contrat de société.
Avant la promulgation du CSC, l’article 16 du code de commerce sanctionnait
expressément l’absence de l’écrit par la nullité de la société. Cette sanction a été
abandonnée par le CSC. Ainsi, l’écrit n’est plus en principe une condition de

32
validité du contrat de société.112 Toutefois, le non respect de la formalité de
l’écrit engendre systématiquement la nullité du contrat de société pour les
cas dans lesquels le législateur exige que l’acte soit rédigé par certaines
personnes sous peine de nullité (voir article 3-II du CSC, article 377 bis du
CDD, article 189 bis du CC et article 2 du décret loi du 20 Aout 2011 portant
organisation de la profession d’avocat).

Pour ce qui est du non respect des formalités de publicité, l’article 17 du


CSC dispose que «  l’inobservation des formalités de publicité prescrites par
les articles précédents entraîne la nullité de la société nouvellement constituée
et la nullité de l’acte ou de la délibération sous réserve de la régularisation
prévue par le présent code ». Cet article prévoit un principe et une exception.
Le principe, qui représente une sanction civile, est la nullité de la société en
cas de non accomplissement des formalités de publicité dans les délais fixés par
la loi. Cette nullité ne peut être opposée aux tiers ni par les représentants légaux
de la société, ni par les associés.113

L’exception, qui tient compte de la rigueur de la sanction, 114 est que cette
nullité peut être évitée ou couverte par la régularisation de la cause de la nullité.
Mais l’article 17 précité, qui constitue une disposition d’ordre générale
applicable à toutes les sociétés commerciales, pose un problème puisque le
régime de cette régularisation n’est pas clairement défini.

En effet, le CSC ne traite de la régularisation, d’une manière claire, que


pour la SARL et la SA et garde le silence quant à la régularisation de la nullité
pour irrégularité de forme des autres sociétés.

112
Voir Ben Ammou (N), cours précité, pp.23-24.
113
Voir les articles 18, 104 al.2 et 179 al.2 du CSC.
114
La nullité de la société est une sanction grave et très dommageable pour les associés et pour les tiers. Voir
Ben Ammou (N), cours précité, p.26.

33
Pour la SARL, l’article 108 du CSC permet à toute personne, ayant intérêt
à régulariser la société, dont la nullité est fondée sur une violation des règles de
publicité, de mettre celle-ci en demeure d’y procéder dans un délai de 30 jours.
A défaut de régularisation dans ce délai, tout intéressé peut demander au juge
des réfères la désignation d’un mandataire chargé d’accomplir les formalités
manquantes.

D’ailleurs selon l’article 107 du même code, toute nullité est couverte par
la régularisation de sa cause. L’action en nullité est éteinte lorsque la cause de
la nullité a cessé d’exister et cela même le jour ou le tribunal statue sur le fond
en 1er instance, sauf si la nullité est fondée sur l’illicite de l’objet social. Le
même article ajoute que, si pour couvrit une nullité, une assemblée doit être
convoquée ou une consultation des associés doit être effectuée, le tribunal
accorde le délai nécessaire pour que les associées puissent procéder à la
régularisation. Dans la même idée, le dernier paragraphe de l’article 107 sus
indiqué précise que le tribunal saisi d’une action en nullité peut, même d’office,
fixer un délai pour permettre de couvrir la nullité.

Pour la SA, l’article 179 du CSC retient pratiquement les mêmes solutions
pour procéder à la régularisation. Ces solutions spécifiques montrent
l’originalité de cette nullité et la volonté législative d’éviter, autant que possible,
que la nullité des sociétés commerciales soit prononcée. Pour les autres sociétés,
bien que les dispositions du CSC les régissant soient, sur ce point, lacunaires,
rien n’empêche, à notre avis, de retenir les possibilités de régularisation offertes
aux SARL et aux SA.

Mais, il faut bien préciser, à ce niveau de l’étude, que ce régime de


régularisation est inapplicable aux conditions générales de formation et de
validité des conventions prévues par les articles 2 et suivant du COC.

34
L’autre question, qui mérite d’être envisagée, consiste à s’interroger sur les
effets de la nullité. La nullité, qui entraîne la disparition de la société pour
l’avenir, a-t-elle un caractère rétroactif ? Le CSC ne comporte pas de solutions
claires susceptibles de s’appliquer à toutes les formes de sociétés. Toute autre
est la situation en droit français. En effet, conformément à la théorie de la
société de fait, dégagée par la jurisprudence et retenue par le législateur, la
nullité n’a pas d’effet rétroactif. Elle ne fonctionne que pour l’avenir.

Le CSC semble adopter cette solution mais uniquement pour la SARL, et


ce, dans les articles 103 alinéa 2 et 104 alinéa 3 en la considérant comme une
SNC de fait. Une telle solution permet, d’une part, de protéger les droits des
tiers, qui ont traité avec la société avant qu’elle soit annulée, et de régler, d’autre
part, la situation des associés. C’est pourquoi, cette solution doit être généralisée
à toutes les sociétés par la jurisprudence surtout qu’il y a d’autres dispositions
qui peuvent, à notre avis, servir de base pour dire que la nullité n’est pas en
principe rétroactive.115

Section 2 : Les règles relatives au fonctionnement de la


société commerciale.

Le fonctionnement de la société est tout ce qui se rapporte à la vie de ce


groupement et son organisation. Le fonctionnement des sociétés commerciales
peut être étudié en mettant l’accent sur les organes de gestion, les organes de
délibération et les organes de contrôle. Tous ces organes doivent fonctionner
conformément à l’intérêt social (‫ )مصلحة الشركة‬qui est l’intérêt suprême.

115
Il s’agit, en particulier, des dispositions des articles 18, 104 al.2 et 179 al.2 du CSC qui prévoient que la
nullité ne peut être opposée aux tiers ni par les représentants légaux de la société, ni par les associés. Autrement
dit, les tiers qui ont, par exemple, contracté avec la société antérieurement à son annulation sont en bon droit de
poursuivre, selon les cas, soit les associés, soit le représentant légal de la société pour se faire payer de leurs
créances.

35
Paragraphe 1 : Les organes de gestion.

Au sens strict du terme, la gestion de la société consiste à disposer d’un


pouvoir effectif et permanent pour la diriger. Ce pouvoir permet à son auteur de
représenter la société dans ses rapports avec les tiers et notamment de prendre,

en toute souveraineté et indépendance, des décisions, de les exécuter ou de les


faire exécuter avec, bien évidemment, la possibilité d’engager ladite société.

Au sens large du terme, la gestion comprend non seulement l’organe de


direction, mais également l’organe d’administration, c’est-à-dire celui qui établit
la politique ou la stratégie générale de l’activité sociale.

L’organe chargé de la gestion est désigné, en principe, dans les statuts. Il


peut être également désigné ou nommé par un acte postérieur ou une décision
ultérieure, c'est-à-dire un acte séparé ou acte extra statutaire.116

Dans les sociétés de personnes, telle que la SNC, et dans la SARL, l’organe
de gestion est représente par le gérant. Celui-ci est le dirigeant de la société. Il
assure sa gestion interne ou externe. C’est ainsi que le gérant contracte au nom
et pour le compte de la société. En particulier, il accomplit les actes
d’administration et les actes de disposition (location, recrutement du personnel,
vente, emprunt…). Il représente la société auprès des tribunaux tant en demande
qu’en défense.

Le gérant peut être associé ou non associé, c'est-à-dire parmi les tiers. 117 En
outre, le gérant peut être une seule personne ou plusieurs personnes physiques

116
Voir l’article 58 du CSC relatif à la SNC et l’article 112 du même code relatif la SARL.

117
Voir l’article 58 du CSC relatif à la SNC et l’article 112 du même code relatif à la SARL.

36
ou morales. Néanmoins, dans la SARL, les gérants ne peuvent être que des
personnes physiques.118

Dans les sociétés de capitaux, une distinction doit être faite entre la SA et la
SCA. S’agissant de la SA, le CSC donne le choix entre la gestion de type
classique, inspirée du droit français, avec un conseil d’administration et un
président et celle de type moderne, inspirée du droit allemand , avec un
directoire et un conseil de surveillance.

Pour la gestion de type classique, on distingue entre la SA à structure


moniste et celle à structure dualiste. Dans la structure moniste, la direction
est assurée par le président-directeur général (PDG).119 Celui-ci, qui est
obligatoirement un actionnaire personne physique, exerce ses fonctions sous
le contrôle du conseil d’administration qu’il préside. 120 De la sorte, il cumule les
fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général.
Exceptionnellement et temporairement, il peut être remplacé par un
administrateur délégué.121

Dans la structure dualiste,122 il ya une dissociation entre les fonctions de


président du conseil d’administration,123 qui ne dispose pas normalement des
pouvoirs

118
Voir les article 58- II et 60- II du CSC relatifs à la SNC et l’article 112 du même code relatif à la SARL.

119
Le PDG doit être nommé administrateur de la société avant qu’il soit désigné à la tête du conseil
d’administration.
120
La SA est administrée par un conseil d’administration composé de trois membres au moins et douze membres
au plus. C’est l’assemblée générale des actionnaires qui nomme les administrateurs. Ces derniers désignent,
remplacent et révoquent le président qui est obligatoirement un actionnaire. Les administrateurs, qui peuvent ne
pas être actionnaires, sont eux-mêmes révocables à tout moment par l’assemblée générale des actionnaires. (Voir
les articles 189, 208 du CSC).
121
Voir l’article 210 du CSC.
122
Voir l’article 215 du CSC.
123
Dans ce cas et conformément aux dispositions des articles 215 et suivants du CSC, il n’est pas nécessaire
qu’il soit actionnaire. Il suffit qu’il soit membre du CA pour le présider puisque le conseil peut comprendre
des non-actionnaires

37
de direction générale de la société, et celles de directeur général124 qui assure,
en principe et sous sa responsabilité, la direction générale de la société et qui
peut se faire assister par un ou plusieurs directeurs généraux adjoints.125

Pour la gestion de type moderne, la direction de la SA est assurée par un


directoire 126
(‫ة إدارة جماعية‬ll‫) هيئ‬qui assume la responsabilité de sa direction et
exerce sa mission sous le contrôle d’un conseil de surveillance 127 (‫)مجلس مراقبة‬.

Pour le cas particulier de la société en commandite par actions (SCA), qui


se trouve à mi -chemin entre la SCS et la SA, elle est gérée par un ou plusieurs
gérants qui doivent être choisis parmi les associés commandités ou choisis par
eux et qui exercent leurs fonctions sous le contrôle permanent d’un conseil de
surveillance.128 La gestion de la SCA nous rappelle celle de la SCS puisque dans
cette dernière, seuls les commandités peuvent être chargés de la gestion. 129
Autrement dit, les commanditaires ne peuvent s’immiscer dans la
gestion.130Mais, contrairement à la SCA, dans la SCS, le contrôle de la gestion
est exercé directement par les commanditaires sans que ceux-ci soient réunis
dans un conseil de surveillance.

Il convient enfin de souligner que les dirigeants sociaux assument une


responsabilité civile et même pénale en cas de violation des statuts ou de la loi.

124
Il est nommé et révoqué par le CA. Il doit être une personne physique. Il n’est pas nécessaire qu’il soit
membre du CA (voir art. 217 du CSC).
125
Voir l’article 217, al.6 du CSC.
126
Le directoire peut se composer de cinq membres au maximum, y compris son président, nommés par le
conseil de surveillance. Ils doivent être obligatoirement des personnes physiques. Mais ils peuvent être choisis
en dehors des actionnaires. Si une seule personne exerce les fonctions relevant du directoire, elle sera
dénommée directeur général unique. Voir les articles 225 et 226 du CSC.
127
Le conseil de surveillance est composé de trois membres au moins et 12 membres au plus nommés et
révoqués par l’assemblée générale des actionnaires. Ils doivent être obligatoirement des actionnaires, personnes
physiques ou morales, et ne peuvent, en même temps, faire partie du directoire de la même société. Voir les
articles 225, 235, 237, 238, 239 et 240 du CSC.
128
Le conseil de surveillance, qui est désigné par l’assemblée générale ordinaire, est composé de trois
actionnaires au moins ayant la qualité de commanditaires. Les commandités ne peuvent pas participer à la
désignation des membres du conseil de surveillance. Voir les articles 393 à 397 du CSC.
129
Voir l’article 67 du CSC.
130
Voir l’article 71 du CSC.

38
Paragraphe 2 : Les organes de délibération

L’associé possède des droits de nature différente. On trouve les droits


patrimoniaux (les droits pécuniaires ou financiers) et les droits
extrapatrimoniaux (les droits non pécuniaires ou non financiers). S’agissant
des droits patrimoniaux, il s’agit essentiellement des dividendes131 et du boni de
liquidation.132 Pour ce qui est des droits extrapatrimoniaux, on peut citer le droit
à l’information et le droit au vote qui sont des droits politiques.

Le droit au vote est exercé dans le cadre des assemblées des associés. Il
s’agit en particulier de l’assemblée générale ordinaire et de l’assemblée générale
extraordinaire.

Le droit de vote est prévu par l’article 11du CSC qui dispose que «  tout
associé a le droit de participer aux assemblées générales. Il bénéfice d’un
nombre de voix proportionnel aux apports et actions qu’il détient … ». Selon
le paragraphe 4 du même article « l’associé vote personnellement au par
l’intermédiaire de son représentant pour la totalité de ses parts et actions. Il ne
peut donner mandat de vote sur une partie de ses parts ou actions ». Il résulte
de ces dispositions, qui sont de portée générale, que le législateur reconnait à
tout associé, quel que soit le type de société, le droit de participer à la prise de
décisions collectives dans les assemblées.

Concernant l’AGO, celle-ci est une réunion qui doit avoir lieu au moins
une fois par an. Elle rassemble les associés ou les actionnaires d’une même
société. A cette occasion, le ou les gestionnaires de la société présentent les
comptes annuels afin qu’ils soient approuvés par les membres de l’assemblée.

131
Les dividendes sont la part des sommes distribuables (bénéfices ou réserves disponibles) de l’exercice
déterminée conformément aux dispositions légales et statutaires. Voir Olivaux (J.L) : « La distribution de
dividendes : les domaines financiers, fiscaux et juridiques en France et aux Etats- Unis ». Thèse, Paris IX, 1983,
p.2.
132
Le boni de liquidation est le résultat positif ou le dividende final qui peut apparaître à l’issu des opérations de
liquidation.

39
Les associées ou les actionnaires prennent aussi des décisions se rapportant aux
orientations de la société ou à sa politique future ou encore des décisions
relatives à l’affectation des résultats. Les associés ou les actionnaires peut se
réunir en AGO pour contrôler les actes de gestion. Par exemple pour approuver
les actes accomplis par le dirigeant en dehors de l’objet social ou ceux dépassant
ses pouvoirs statutaires ou encore les contrats conclus par le dirigeant avec la
société qu’il gère.

Dans les sociétés de personnes, telle que la SNC, les décisions sont prises
en principe à l’unanimité ce qui confère à l’associé un droit de véto quel que
soit le nombre de ses parts ou l’importance de ses apports.133

Il convient de remarquer, dans ce cadre, que le CSC n’exige aucune forme


pour la prise de décisions dans la SNC. Cela veut dire que la réunion en
assemblée n’est pas obligatoire.

Par contre dans les SARL, c’est la règle de la majorité qui est retenue pour
les décisions prises dans le cadre d’une AGO.134 Il en va de même pour la SA.135

Concernant l’AGE, il existe plusieurs raisons qui peuvent amener les


dirigeants à convoquer les associés en AGE. Il s’agit surtout de toute décision
qui implique la modification des statuts, tels que l’augmentation ou la réduction
du capital, le changement du siège social ou encore le changement de l’objet
social. Il en va de même de la dissolution anticipée de la société, de sa fusion, de
sa scission ou de sa transformation.

133
Les dispositions du CSC régissant la SNC ne prévoient aucune règle de majorité. Mais, les statuts de la
société peuvent modifier ces règles pour certaines décisions à l’ exclusion des modifications statutaires.
134
Le principe, prévu par le paragraphe I de l’article 130, est que dans le cadre d’une AGO, les décisions ne sont
adoptées que si elles ont été votées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du capital social.
Le paragraphe II du même article prévoit des exceptions à cette règle.
135
Voir les articles 278 et 279 du CSC

40
Dans les sociétés de personnes, notamment la SNC, ce genre de décision
est pris en principe à l’unanimité. En revanche, dans les SARL et dans les SA,
les décisions sont prises à la majorité.136

Pour ce qui est du droit à l’information, l’article 11-4 du CSC précise que
tout associé «  a le droit, à tout moment de l’année, soit personnellement, soit
par un mandataire, de consulter et de prendre copie de tous les documents
présentés aux assemblées générales tenues au cours des trois dernières
exercices. L’associé peut également obtenir copie des procès verbaux des dites
assemblées ».

Paragraphe 3 : Les organes de contrôle

En principe, le pouvoir de contrôle appartient à l’assemblée générale des


associés. Mais il s’agit là d’un pouvoir général de contrôle. En réalité,
l’exercice de cette tache appelle souvent un organe spécialisé à savoir le
commissaire aux comptes.

Selon l’article 13 du CSC, toute société commerciale doit désigner un


commissaire aux comptes parmi les experts comptables ou parmi les spécialistes
en comptabilité. Mais, si la présence du commissaire aux compte est toujours
obligatoire dans les SA et les SCA, sa présence peut, dans certains cas, ne peut
être obligatoire pour les autres sociétés. Par exemple, ces sociétés sont
dispensées de la désignation d’un commissaire aux comptes au titre du 1 er
exercice.

D’une manière générale, la mission essentielle du commissaire aux


comptes consiste à vérifier la régularité et la sincérité des comptes
conformément à la loi relative aux systèmes comptable.

136
Voir l’article 131 du CSC pour la SARL et l’article 291 du même code pour la SA.

41
Section 3 : La dissolution des sociétés commerciales.

On va étudier les causes de dissolution (A) avant d’aborder ses effets (B).

A) Les causes de dissolution :

La dissolution d’une société peut résulter de la volonté des associés


(dissolution volontaire). Elle peut être imposée par la loi (dissolution de plein
droit) ou décidée par le tribunal (dissolution judiciaire). L’article 21 du CSC
donne une liste indicative des causes communes de dissolution des sociétés
commerciales. A ces causes générales de dissolution, il y a des causes propres à
chaque type de société.

Selon l’article 21 du CSC, la société est dissoute à l’expiration de sa


durée.137 Mais le paragraphe I de l’article 22 du même code, qui évoque la
même cause, précise que « la société peut être prorogée par une décision prise
par l’assemblé générale délibérant selon les conditions prévues par les
statuts ». Il s’agit d’une prorogation explicite (‫)تمديد صريح‬. Le paragraphe II du
même article prévoit une prorogation implicite (‫ )تمديد ضمني‬lorsque les associés
maintiennent l’activité de la société à l’expiration de sa durée. La prorogation
est présumée faite d’année en année à condition de procéder aux formalités de
publicité.

En outre, selon l’article 21 précité, la société est dissoute par la fin de son
activité sociale. Il s’agit le plus souvent de la réalisation de l’objet social. 138

Presque dans cette même idée, l’article 25 du CSC dispose que « la société est
dissoute de plein droit par l’extinction de l’objet social ». Il y a extinction de
l’objet

137
Selon l’article 8 du CSC, la durée de la société ne peut excéder quatre-vingt dix neuf ans. Cette durée pourra,
le cas échéant, être prorogée.
138
Par exemple, une société a été constituée pour construire un complexe commercial ou touristique. A la
réalisation de cette activité, la société doit en principe être dissoute.

42
social, lorsque l’activité pour laquelle la société a été constituée est devenue
juridiquement ou matériellement impossible.139

Conformément à l’article 21 susvisé, la société peut être dissoute par la


volonté des associées. Dans ce cadre, l’article 26 du CSC prévoit que « … la
société peut être dissoute par une décision prise par les associés selon les
conditions prévues par les statuts ». Il s’agit d’une dissolution statutaire. En
effet, lors de l’établissement de l’acte constitutif, les associés peuvent insérer
une clause prévoyant la dissolution de la société en cas de survenance de
certains événements. Aussi, les associés peuvent, à tout moment, décider de
mettre fin à la société sans qu’il y ait une clause statutaire prévoyant sa
dissolution.

Par ailleurs, selon l’article 21 du CSC, la société est dissoute par le décès
de l’un de ses associés. Mais cette règle n’est pas impérative et ne concerne pas
toutes les sociétés. Par exemple, selon l’article 65 du CSC, « sauf clause
contraire des statuts, en cas de décès de l’un des associés, la SNC continue
entre les survivants si le décédé n’a pas laissé d’héritiers auxquels ses droits sont
dévolus. Au cas contraire, la société continue avec les héritiers qui prennent la
qualité d’associés commanditaires et la société se transforme de droit en une
société en commandite simple qui doit faire l’objet des mesures de publicité
légale ». Toute autre est le cas de la SARL. Celle-ci ne peut, selon l’article 141
du CSC, être dissoute par le décès d’un associé et toute stipulation contraire des
statuts est réputée non écrite. 

139
*Exemples de l’impossibilité juridique de l’activité sociale.
Une société a été constituée pour la commercialisation d’un produit. Mais, ultérieurement, ce produit est devenu
inaccessible puisque la législation a changé en interdisant son commerce. Une société qui a pour objet
d’exploiter des immeubles, mais le contrat de vente portant sur ces immeubles est annulé. Une société qui a pour
objet d’exploiter un brevet, mais celui-ci est annulé. Une société comptable radiée de l’ordre des experts-
comptables ou une société d’avocats radiée de l’ordre des avocats.
* Exemples de l’impossibilité matérielle de l’activité sociale.
 L’extinction de la chose représentant l’objet social ce qui entraîne sa disparition ou l’impossibilité de le réaliser.
Tel est le cas d’une société ayant été constituée pour exploiter une carrière de sable, de pierre ou de gravier.
L’extinction de la carrière aboutit en principe à l’extinction de l’objet social et donc à la dissolution de la société.

43
Selon l’article 23 du CSC, en cas de réunion de toutes les parts sociales
d’une société de personnes ou d’une SARL entre les mains d’un seul associé, la
société se transforme en SUARL. A défaut de régularisation dans un délai d’un
an à partir de la date de la réunion de toutes les parts en une seule main, tout
intéressé peut demander en justice la dissolution de la société.

L’autre cas cité par l’article 21 du CSC est la dissolution judicaire. Dans
ce cadre, l’article 26 du CSC précise que tout associé peut conformément aux
dispositions spécifiques à chaque société saisir la juridiction compétente en vue
de faire prononcer la dissolution de la société pour justes motifs. Le juste motif
est tout changement affectant le bon fonctionnement de la société. L’article 1323
du COC cite à titre indicatif des cas de juste motif, tels que «  les
mésintelligences graves survenues entre les associés (‫ركاء‬ll‫)نزاع قوي بين الش‬, le
manquement d’un ou plusieurs d’entre eux aux obligations résultant du
contrat, l’impossibilité où ils se trouvent de les accomplir ».140 Dans ce cas, la
dissolution est de la compétence de la chambre commerciale.141

Outre les causes de dissolution déjà citées, l’article 24 du CSC évoque le cas
de la perte ou de l’inutilité de la chose objet d’un apport en propriété ou en
jouissance.142 Néanmoins, le même article donne la possibilité aux associés de
maintenir la société.

La dernière cause de dissolution commune à toutes les sociétés est celle


prévue par l’article 27 du CSC qui dispose que « la société peut être dissoute
lorsque ces fonds propres se trouvent être inférieurs à la moitié de son capital
social suite aux pertes constatées dans ses documents comptables. Dans ce

140
Les motifs retenus par cet article concernent la disparition de l’affectio societatis ou l’atteinte à celui-ci. En
effet, la mésentente entre les associés ou l’inexécution des obligations qui leur incombent rendent impossible
la réalisation de l’objet social.
141
Voir l’article 40, alinéa 7 du CPCC.
142
La perte de la chose peut résulter de sa disparition de son vol. L’inutilité de la chose signifie que celle-ci
devient inutilisable.

44
cas, le représentant légal de la société est tenu de convoquer l’assemblée
générale délibérant aux conditions prévues par les statuts

pour décider de la dissolution de la société ou de sa continuation avec


régularisation de sa situation ».

B) Les effets de la dissolution.

Conformément aux dispositions des articles 16 et 29-II du CSC, la


dissolution doit être immatriculée au registre du commerce 143 et publiée au
JORT, et ce, pour informer les tiers. Sur cette, la dissolution ne sera, en
application de l’article 29-II susvisé, opposable aux tiers que du jour de
l’accomplissement de ces deux formalités.144 La dissolution de la société
entraîne, sauf dans certains cas,145 sa liquidation et le partage de son actif.

*La liquidation est une opération qui vise, d’abord, à régler les affaires en
cours de la société.146 Elle permet, ensuite, de déterminer les éléments de son
actif et payer les créanciers. Enfin, cette opération est en principe clôturée par le
remboursement des apports dans la mesure du possible. Si l’actif net147 fait
apparaître un « super-actif » ou plutôt un « boni de liquidation »,148 celui-ci
sera réparti entre les associés. Au cas où les éléments d’actif ne permettent pas
le paiement des dettes sociales, totalement ou partiellement, la liquidation doit
déterminer la part de chaque associé dans le passif social.149

143
L’inscription au registre du commerce se fait par le dépôt de l’acte ou de la délibération constatant la
dissolution.
144
L’immatriculation au registre du commerce doit être faite dans le mois qui suit la dissolution. Pour la publicité
de la dissolution au JORT aucun délai n’est prévu. Les intéressés doivent procéder à cette publicité au plutôt
possible.
145
Le cas de la fusion et de la scission.
146
C’est-à-dire les affaires dans lesquelles la société s’est engagée.
147
L’actif net est constitué du montant du capital social (apports en numéraire et en nature), des réserves, des
bénéfices de l’exercice écoulé et ceux de l’exercice en cours, diminués des charges d’exploitation et des dettes
sociales.
148
C’est la différence entre le montant de l’actif net et celui des apports.
149
Une distinction doit être faite entre les sociétés à responsabilité limitée et celles à risque illimité.

45
Selon l’article 29 du CSC, la société est en liquidation dès l’instant de sa
dissolution quelle qu’en soit la cause. La raison sociale ou la dénomination
sociale devra être suivie de la mention «  société en liquidation » sur tous les
documents émanant de la société. Le même article ajoute que la personnalité
morale de la société survit jusqu’à la clôture de la liquidation.150

Lorsque la société est dissoute, le mandat de représentation confié à ses


dirigeants prend fin avec la nomination d’un liquidateur. Ce dernier se substitue
donc aux organes de gestion, mais c’est la société qui reste propriétaire du
patrimoine sociale sur lequel les créanciers sociaux exercent leurs droits de gage
général.

Le liquidateur, qui est chargé des opérations de liquidation, est nommé


conformément aux conditions prévues par les statuts151 et, à défaut, par une
décision de l’assemblée générale des associés. Si les associés n’ont pas pu
désigner un liquidateur, celui à sera désigné par ordonnance sur requête à la
demande de tout intéressé.152

Si la dissolution est prononcée par une décision judicaire, le tribunal


nommera un ou plusieurs liquidateurs parmi ceux qui ont obtenu l’accord des
associés. A défaut d’accord, c’est le tribunal qui va le ou les nommer.153

Selon l’article 40 du CSC, la durée du mandat de liquidateur est fixée à un


an renouvelable deux fois pour la même durée par décision prise par l’assemblée
générale des associés ou, à défaut, par une ordonnance sur requête à la demande
de tout intéressé.

150
Le maintien de la personnalité morale a pour but de garder le siège social, le patrimoine social et l’activité
sociale dans les limites nécessaires à la réalisation des opérations de liquidation.
151
Les statuts peuvent régler à l’avance la liquidation.
152
Voir l’article 30 du CSC.
153
Voir l’article 30 du CSC. Dans ce cas, la nomination s’effectue conformément à la loi du 11 novembre 1997
relative aux liquidateurs, mandataires de justice, syndics et administrateurs judicaires.

46
Le liquidateur, qui est le représentant légal de la société dissoute, 154 dispose
de larges pouvoirs pour réaliser l’actif, c'est-à-dire vendre les biens meubles et
immeubles appartenant à la société, payer les créanciers,155 rembourser les
apports et répartir le solde disponible (le boni de liquidation) entre les associés
proportionnellement à leurs participations.156 Il continue l’exécution des contrats
en cours. Il peut même conclure de nouveaux contrats à conditions que ceux-ci
soient nécessaires à la liquidation.157

Il convient de souligner que, dans l’exercice de ses fonctions, le liquidateur


est soumis à deux contraintes. D’une part, il est tenu de se conformer aux
décisions de l’assemblée générales des associés qui se rapportent à
l’administration de la société et à la cession de ces biens. 158 D’autre part, il lui
est interdit de réaliser certaines opérations. En effet, sont frappées de nullité, les
cessions faites au profil du liquidateur, son conjoint, ses descendants et
ascendants, ses employés ou à toute personne morale à laquelle il est intéressé
directement ou indirectement.159

*Le partage est l’opération consistant à répartir le produit de la liquidation


entre les associés. En principe, après avoir payé les créanciers, chaque associé
reprend l’apport qu’il a fait sauf stipulation contraire des statuts. 160 S’il reste un
boni de liquidation après le remboursement des apports, il sera réparti entre les
associés proportionnellement à leurs participations dans le capital social.161

Faut-il au reste ajouter que conformément à l’article 48 du CSC, la clôture


des opérations de liquidation doit être inscrite au registre de commerce et
publiée au JORT et dans deux journaux dont l’un est en langue arabe.
154
Voir l’article 42 du CSC.
155
Le paiement des créanciers se fait selon leurs rangs.
156
Voir l’article 42 du CSC.
157
Voir l’article 42 du CSC.
158
Voir l’article 32 du CSC.
159
Voir l’article 34 du CSC.
160
Voir l’article 46 du CSC.
161
Voir l’article 47 du CSC.

47
Chapitre 2 : Les règles spécifiques à chaque forme de société.

Section 1 : La société en nom collectif.

On va aborder successivement les règles de constitution, de fonctionnement et


de dissolution de la SNC.

Paragraphe 1 : Les règles de constitution.

Il s’agit, d’une part, des conditions générales de formation et de validité des


contrats à savoir la capacité, le consentement et la licéité de l’objet et de la
cause. Il s’agit, d’autre part, des conditions spécifiques au contrat de société à
savoir la pluralité des associés, la mise en commun des apports et la
participation aux résultats de l’exploitation. A cela s’ajoutent les conditions de
forme à savoir l’exigence de l’écrit et la publicité des sociétés. Toutes ces règles
ont été bel et bien étudiées dans le cadre du chapitre 1 de ce cours semestriel.
Paragraphe 2 : Les règles de fonctionnement.

Le fonctionnement de la SNC peut être étudié en examinant le statut du


gérant et celui des associés.

A- Le statut du gérant :

On a vu que, dans les sociétés de personnes, l’organe chargé de la gestion


est représenté par le ou les gérants.

1) Nomination et révocation du gérant.

a) Nomination du gérant.

Selon l’article 57 du CSC « la gestion de la société est un droit pour tous les
associés sauf si les statuts ou une convention ultérieure ne prévoient le
48
contraire ». Cet article envisage le droit à la gestion de la société. Il nous permet
de constater que la désignation d’un gérant est possible mais non obligatoire.

Lorsque les associés n’ont pas choisi ou n’ont pas nommé ou désigné un
gérant, la règle est qu’ils ont tous la qualité de gérant, c'est-à-dire le droit de
gérer la société. Chaque associé a donc le pouvoir d’engager la société en
signant sous la raison sociale et de la représenter dans ses rapports avec les tiers
et devant les tribunaux.

Mais les statuts ou une convention ultérieure peuvent, par exemple, priver
ou exclure certains associés du droit de gérer la société ou encore réserver ce
droit à certains d’entre- eux (les associés fondateurs ou ceux ayant une certaine
ancienneté) ou également confier cette mission à une personne étrangère à la
société.

Il convient de remarquer, dans ce cadre, que les dispositions de l’article 57


précité sont applicables à la SCS.162 Seulement, la gérance ne peut pas, dans ces
sociétés, être confiée à un commanditaire.163

C’est l’article 58 du CSC qui détermine les modalités de nomination du ou


des gérants de la SNC. Son paragraphe I dispose que  « le ou les gérants sont
nommés soit par les statuts, soit par une décision ultérieure prise à
l’unanimité des associés ». Le paragraphe II du même article ajoute que «  le ou
les gérants peuvent être associés ou non associés. Dans ce dernier cas, la
décision de nomination du ou des gérants peut être prise par les associés
détenant les trois quarts du capital social ».

Ces dispositions distinguent entre le gérant associé et le gérant non


associé. Pour ce qui est du gérant associé, qu’il soit statutaire ou non,

162
Voir article 68 du CSC.
163
Voir article 71 du CSC.

49
l’unanimité est toujours exigée. Pour le gérant non associé, l’unanimité est en
toute logique nécessaire quand il est nommé dans les statuts lors de la
constitution de la société. Cela est vrai car l’article 23 du COC dispose que
« la convention n’est parfaite que par l’accord des parties sur les éléments
essentiels de l’obligation ainsi que sur toutes les autres clauses licites que les
parties considèrent comme essentielles ». Par contre, s’il est désigné dans un
acte séparé, la décision doit être prise au moins par les associés détenant les
trois quarts du capital social.

b) Révocation du gérant.

*La révocation conventionnelle.

Selon l’article 59 du CSC «  Le gérant est révocable dans les mêmes


conditions suivant lesquelles il a été nommé ».

Ces dispositions, en renvoyant aux conditions de nomination du gérant,


consacrent la règle du parallélisme des formes concernant les modalités de sa
révocation. C’est pourquoi, il convient de faire la distinction entre le gérant
associé et le gérant non associé.

S’agissant du gérant associé, s’il est statutaire, il ne peut être révoqué par
ses seuls coassociés, car sa voix est nécessaire pour modifier les statuts. 164
S’il n’est pas statutaire, sa révocation doit être prise à l’unanimité de ses
coassociés. Sa voix n’est pas donc nécessaire.

S’agissant du gérant non associé, s’il est statutaire, sa révocation doit


être prise à l’unanimité des associés. S’il n’est pas statutaire, sa révocation
peut être décidée par les associés qui possèdent les trois quarts du capital social.

164
On rappelle que le CSC ne prévoit aucune majorité pour modifier les statuts de la SNC. Sur cette base, c’est la
règle de l’unanimité qui est retenue étant donné que la société est un contrat. Dans cette même idée, l’article
242 du COC dispose que « les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui
les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la
loi ».

50
L’article 59 précité ajoute «  si la révocation est abusive, elle peut donner
droit à réparation ». Autrement dit, si la révocation n’est pas justifiée par un
juste motif, le gérant révoqué peut demander la réparation du dommage subi.

*La révocation judicaire.

Puisque le CSC est muet sur la question de la révocation judicaire du


gérant de la SNC, on peut revenir aux dispositions de droit commun de l’article
1297 alinéa 2 du COC. Ces dispositions permettent de révoquer le gérant
lorsqu’un juste motif est invoqué à son encontre (fraude, violation grave des
statuts, inaptitude physique ou intellectuelle…). Dans tous les cas, le
remplacement du gérant doit faire l’objet d’une publicité pour informer les
tiers.165

2) Les pouvoirs du gérant.

On va étudier les pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les associés et
avec les tiers.

a) Les pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les associés.

Aux termes de l’article 60 -I du CSC «  le gérant accomplit tous les actes de


gestion qu’exige l’intérêt de la société sauf limitation expresse de ses pouvoirs
par les statuts ». Ces dispositions contiennent un principe et une exception.

-Le principe est que le gérant peut faire tous les actes de gestion (*)
qu’exige l’intérêt de la société (*) sans autorisation préalable des associés (*).

*Les actes de gestion sont les actes de direction se rattachant à l’objet


social, tels que la location des locaux nécessaires à l’entreprise, le recrutement
du personnel, l’achat du matériel indispensable à l’exploitation, la réalisation des
opérations de trésorerie ou de caisse (dépôt ou retrait de l’argent)…etc.

165
Voir les articles16 et article 59 -2 du CSC.

51
Les actes de gestion peuvent comprendre certains actes de disposition
nécessaires au fonctionnement de la société et se rattachant à l’objet social, tels
que l’achat et la vente de marchandises ou d’immeubles lorsque l’activité de la
société consiste dans le commerce de biens mobiliers et immobiliers. En dehors
de ces cas, les actes de disposition doivent être autorisés par les associés (par
exemple, la remise d’une dette à un débiteur ou l’abandon d’une créance).

*Les actes de gestion doivent être accomplis dans l’intérêt de la société


(l’intérêt social). La loi n’a pas défini cette notion fondamentale du droit des
sociétés. Quand à la doctrine , il y a une approche qui considère que
l’intérêt social est l’intérêt commun des associés. Une autre approche
considère que l’intérêt social n’est pas nécessairement celui de tous les associés.
Quoi qu’il en soit, *c’est la jurisprudence qui doit en principe déterminer les
contours de cette notion au cas par cas.

* L’autorisation des associés n’est pas nécessaire quant le gérant accomplit


des actes se rattachant à l’objet de la société et dans l’intérêt de celle-ci.

-L’exception est que les statuts peuvent restreindre ou limiter les pouvoirs
normaux du gérant en lui interdisant d’accomplir un acte de gestion se rattachant
à l’objet social.

L’article 60- II du CSC précise qu’ « en cas de pluralité de gérants,


chacun d’eux détient séparément tous les pouvoirs prévus à l’alinéa
précédent ». Il en résulte que les statuts ou une convention ultérieure
peuvent désigner plusieurs gérants. Chacun d’eux peut accomplir séparèrent
tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société sans que les autres
puissent s’ y opposer.

Le paragraphe II sus-indiqué ajoute que « l’opposition formée par un


gérant aux actes d’un autre gérant est sans effet à l’égard des tiers à moins
qu’il ne soit établi qu’ils en ont eu connaissance ». Il en découle qu’en cas

52
d’opposition émanant d’un gérant aux actes d’un autre gérant, la société reste
engagée. Pour se dégager, elle doit établir que le tiers a eu connaissance de cette
opposition.

Les statuts ou une décision ultérieure peuvent aussi répartir les pouvoirs
de gestion entre les gérants en déterminant les attributions de chacun d’eux .

b) Les pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les tiers.

Aux termes de l’article 61 du CSC : « les gérants engagent la société


toutes les fois qu’ ils agissent dans les limites de leurs pouvoirs et
qu’ils signent sous la raison sociale, même s’ils usent de cette signature
dans leur intérêt personnel, à moins que le tiers contractant ne soit de
mauvaise foi ».

Il résulte de ces dispositions que le gérant engage la société à la


double condition qu’ il reste dans les limites de ses pouvoirs régulièrement
publiés (1) et qu’ il signe sous la raison sociale (2) même si l’acte est
accompli dans son intérêt personnel.166 Il y a donc une présomption simple
selon laquelle l’acte est conclu au nom et pour le compte de la société. 167 Mais
la société ne sera pas engagée quand elle prouve la mauvaise foi du tiers
contractant .168

Par ailleurs, il convient d’ajouter que les gérants sont soumis à des
obligations qui protègent la société toute entière. C’est ainsi que l’article
62 du CSC, prévoyant une obligation de non concurrence à la charge du
ou des gérants , dispose que «  les gérants ne peuvent gérer une société
ou une entreprise individuelle exerçant une activité concurrente ». En
166
Les tiers sont obligés à chaque fois de vérifier non seulement l’objet social mais aussi l’étendue ou les
limites des pouvoirs du gérant.
167
La signature sous la raison sociale laisse supposer que l’acte effectué par le gérant est conclu au nom et pour
le compte de la société.
168
Par exemple contracter un emprunt avec une banque en signant sous la raison sociale alors que la
trésorerie de la société est excédentaire (il ya un excédent de trésorerie) et qu’ il y a un lien de parenté ou
d’amitié entre le gérant et le banquier qui a accorde le crédit.

53
outre, selon l’article 63 du CSC «  les gérant ne peuvent, sans autorisation
spéciale des associés, passer pour leur compte personnel des marches ou
entreprises avec la société ». Par exemple, le gérant ne peut pas être
fournisseur, à titre personnel, de la société qu’ il gère sans autorisation
spéciale des associés.

3) Responsabilité des gérants :

Aux termes de l’article 60 -III du CSC «  si une personne morale est


gérant, ses dirigeants encourent les mêmes responsabilités, civile et pénale,
que s’ils étaient gérants en leur nom propre sans préjudice de la
responsabilité solidaire de la personne morale qu’ ils dirigeant ». Cet
article ne traite de la responsabilité civile et pénale du gérant que dans le
cas de la gestion par une personne morale. C’est pour quoi il convient
d’appliquer les règles de droit commun de la responsabilité et du mandat. A cet
effet, on va aborder la responsabilité du gérant à l’égard des associés et vis-à-vis
des tiers.

a)Responsabilité à l’égard des associés.


Le gérant est le mandataire des associés. Il est donc civilement
responsable169 en vers la société, conformément aux règles du mandat,170 s’il
cause à celle-ci un préjudice par une faute qui peut être une violation de la loi
ou des statuts ou une faute de gestion.
La société peut donc agir contre le gérant par l’intermédiaire d’un autre
gérant, en cas de pluralité de gérants, pour la réparation du préjudice qu’elle a
subi. Rien n’interdit l’exercice d’une action sociale en réparation par un ou
plusieurs associés au cas où le gérant unique refuse d’engager sa responsabilité.

169
Il s’agit dans la plupart des cas d’une responsabilité contractuelle.
170
Voir les articles 1104 et suivants du COC.

54
En cas de pluralité de gérants, chacun est responsable individuellement de ses
propres fautes. Mais si la faute est commune, ils sont tous responsables.171
Ajoutons que chaque associé peut exercer une action individuelle contre le
gérant pour le préjudice qu’il a subi personnellement.
Concernant la responsabilité pénale du gérant de la SNC, celle-ci reste
régie par les règles de droit commun du code pénal étant donné que les
dispositions du CSC relatives à cette société ne prévoient aucune disposition
spécifique en la matière. Par exemple, la responsabilité pénale du gérant de la
SNC sera engagée sur le fondement de l’abus de confiance s’il détourne ses
fonds.
b) Responsabilité vis-à-vis des tiers.
La lecture a contrario de l’article 61 du CSC nous permet de conclure
que la responsabilité du gérant est engagée envers les tiers chaque fois qu’il
dépasse les limites de ses pouvoirs prévus par la loi ou par les statuts ou qu’il ne
signe pas sous la raison sociale étant donné que, dans ces cas, la société
n’assume, en principe, aucune responsabilité.

B) Le statut des associés.


L’étude du statut des associés nous conduit à mettre l’accent sur leurs droits
et obligations.

1) Les droits des associés.


La SNC ne présente aucune spécificité en la matière puisque, comme dans
les autres sociétés, les associés ont droit à une part dans les bénéfices
réalisés appelée dividende ou boni de liquidation selon les cas. Ce sont les droits
patrimoniaux. Ils possèdent également des droits extrapatrimoniaux ou

171
Voir l’article 1140 du COC.

55
politiques tels que le droit à l’information et le droit de participer dans la prise
de décision.172
Dans ce cadre, il convient de rappeler que les décisions sont prises à
l’unanimité puisque le CSC ne prévoit aucune majorité en matière de SNC. En
application du principe de la force obligatoire du contrat consacré par
l’article 242 du COC, les statuts de la société ne peuvent être modifiés que par
le consentement de tous les associés. Cette règle est presque identique à celle
prévue pour la SCS puisque selon l’article 74 du CSC, «  les statuts ne peuvent
être modifiés qu’avec le consentement de tous les commandités et le
consentement de la majorité en nombre et en capital des commanditaires ».
L’autre droit consiste dans la cession des droits sociaux. L’associé, dans la
SNC, ne peut céder ses parts à un tiers sauf consentement unanime des autres
associés et à condition de se conformer aux obligations de publicité. Mais les
statuts peuvent comporter des clauses dérogeant à cette règle.173 Toute est autre
est la cession des droits ou avantages attachés auxdites parts. 174 La même règle,
comportant un principe et une exception, est consacrée pour la cession des parts
dans la SCS.175
2) Les obligations des associés.
L’obligation essentielle des associés est l’obligation au passif social, c'est-
à-dire aux dettes de la société. Cette obligation est prévue par l’article 54 du
CSC qui dispose que «  la SNC est constituée entre deux ou plusieurs
personnes qui sont responsables personnellement et solidairement du passif
social ».
Il convient de remarquer, dans ce cadre, que la situation des associés de la
SNC, au regard des créanciers sociaux, est identique à celle des commandités
172
Voir les articles 11 et 64 du CSC.
173
Voir l’article 56-I du CSC. Par exemple, les statuts peuvent prévoir que la cession est libre à des personnes
désignées à l’avance (conjoint, enfants…etc.). Les statuts peuvent, en outre, déterminer les modalités d’agrément
ou accepter une obligation de préemption en cas de refus d’agrément
174
Selon l’article 56-II du CSC, il est permis à un associé de transférer à un tiers les droits et les avantages
attachés à sa part d’intérêt. Il en résulte qu’un associé peut notamment céder à un tiers les bénéfices produits par
les parts. Cette convention conclue entre l’associé et le tiers est dite « convention de croupier ».
175
Voir l’article 75 du CSC.

56
dans la SCS puisque selon l’article 67 du CSC, les commandités, qui seuls
peuvent être chargés de la gestion de la société, répondent solidairement et
indéfiniment des dettes sociales. Par contre, les commanditaires ne sont tenus
du passif social qu’à concurrence de leurs apports.
L’obligation aux dettes sociales suppose, en principe, que c’est à la société
que les créanciers doivent s’adresser et qu’ils ne peuvent poursuivre le
patrimoine personnel des associés que si les biens de la société ne permettent
pas le paiement de tout ou partie de la dette.
Il importe de souligner, à ce stade de l’étude, que conformément à l’article
54-II du CSC, l’obligation au passif social s’étend aussi à toute personne
étrangère à la société qui accepte de laisser son nom figurer dans la raison
sociale, tel que , par exemple, le gérant non associé ou l’ancien associé qui a
quitté la société.
Dans cette même idée, l’article 55- II du CSC précise que « les associés faisant
partie de la société au moment où l’engagement social a été contracté sont
tenus solidairement sur leurs biens propres ». La lecture a contrario des
dispositions de cet article nous permet de dégager un double constat.
D’une part, l’associé qui cède ses parts avant la naissance de la dette ou de
l’obligation sociale ne sera pas responsable à l’égard des créanciers sociaux au
titre des engagements qui sont contractés après son départ.
D’autre part, l’associé qui adhère à la société postérieurement à la naissance
de l’obligation ou de la dette ne peut être poursuivi pour cette dette ou
obligation antérieure. Seul donc l’associé, qui est membre de la société au
moment où l’engagement social a été contracté, est responsable
personnellement et solidairement du passif social même s’il cède ses parts
ultérieurement.

Paragraphe 3 : La dissolution de la SNC.

57
A coté des causes communes de dissolution, qu’on a étudiées dans le
chapitre premier de ce cours, il y a des causes de dissolution propres à la SNC,
tels que l’impossibilité pour l’un des associés de céder ses parts, l’incapacité ou
la faillite d’un associé sauf si les autres associés ont décidé à l’unanimité que la
société continue entre eux ou encore en cas de stipulation, dans les statuts, de la
non continuation de la société entre les associés survivants ou entre ceux-ci et
les héritiers de l’associé décédé.176

Section 2 : La société à responsabilité limitée


L’étude de la SARL nécessite de mettre l’accent sur les règles régissant sa
constitution (paragraphe 1) son fonctionnement (paragraphe 2) sa dissolution
(paragraphe 3) et sa transformation (paragraphe 4).
Paragraphe 1 : les règles de constitution.
On va étudier les règles de fond (A) puis celles de forme et de publicité (B)
avant d’aborder les sanctions relatives au non respect de ces règles (C).
A) Les règles de fond.
Comme les autres sociétés, la constitution de la SARL doit obéir aux règles
générales de formation et de validité des contrats en plus des règles spécifiques
au contrat de société. Dans ce cadre, il convient de rappeler que les associés de
la SRAL ne sont pas des commerçants et que la capacité commerciale n’est pas
donc exigée dans ces sociétés.177 Leur nombre est de deux au moins et de
cinquante au maximum.178
Concernant l’objet social, il convient de remarquer que l’article 94 du CSC
précise que « sous peine de nullité, ne peuvent prendre la forme d’une SARL,

176
Voir l’article 65 du CSC.

177
Voir l’article 11-II du CSC.
178
Voir les articles 90 et 93 du CSC.

58
les sociétés d’assurance et les autres institutions financières, les
établissements de crédit et d’une façon générale toute société à laquelle la loi
impose de prendre une forme déterminée ».
Pour ce qui concerne le montant capital social, il était fixé, dans une
première étape, à dix mille dinars. Dans une seconde étape et pour encourager la
création des SARL, le législateur a ramené, par une loi promulguée en 2005, 179
ce montant à mille dinars. Dans une troisième étape, le législateur est intervenu
à travers la loi du 27 décembre 2007, relative à l’initiative économique 180 en
supprimant le minimum exigé.

A l’instar des sociétés de personnes, aucun minimum n’est requis par la


formation de la SARL. Aux termes de l’article 92 du CSC «  le capital de la
SARL est fixé par son acte constitutif ». Le même article ajoute que « le capital
social est divisé en parts sociales à valeur nominale égale ». Rappelons
également que, depuis la loi précitée du 27 décembre 2007, l’apport en industrie,
qui ne fait pas partie du capital social, n’est plus interdit dans la SARL. 181
L’intérêt de cet apport pour la SARL est de l’encourager à exercer les
professions libérales ou artisanales.182

Selon l’article 100 du CSC « l’acte constitutif de la société doit comporter


une évaluation de tout apport en nature ». Selon le même article « l’évaluation
de l’apport en nature doit être faite par un commissaire aux apports qui
doit être désigné à l’unanimité des associés ou , à défaut, par ordonnance
sur requête rendue par le tribunal de première instance dans le ressort
duquel est situé le siège de la société ». Le même article précise que «  cette
ordonnance est rendue à la demande du future associé le plus diligent ».

179
Loi n° 2005-12 du 26 janvier 2005 modifiant certaines dispositions du CSC.
180
Loi n° 2007 -69.
181
Voir l’article 97 –III du CSC et le chapitre premier de ce cours.
182
On a vu que l’évaluation de sa valeur et la fixation de la part qu’il génère dans les bénéfices se font par
commun accord entre les associés dans le cadre de l’acte constitutif. Voir l’article 97-III du CSC.

59
Mais cette procédure n’est pas obligatoire lorsque la valeur de chaque
apport en nature ne dépasse pas 3000 dinars.183 Dans ce cas, les associés
peuvent, à la majorité des voix, décider de ne pas recourir à un commissaire aux
apports. Ils seront alors solidairement responsables à l’égard des tiers de la
valeur attribuée  aux apports.184 L’action en responsabilité se prescrit par trois
ans à partir de la constitution.185

B) Les règles de forme et de publicité

Ces règles concernent d’abord le contrat de société qui doit être établi par
écrit (acte sous seing-privé ou acte notarié). L’acte constitutif doit comporter
certaines mentions obligatoires énumérées par les articles 9 et 96 du CSC parmi
lesquelles on cite notamment le montant du capital social avec la répartition des
parts qui le représentent, l’indication de l’institution bancaire habilitée à recevoir
les apports en numéraire, la répartition des apports en numéraire et en nature
ainsi que l’évaluation de ces derniers, le cas échéant, le ou les gérants …etc.

Dans ce cadre, le paragraphe I de l’article 97 du CSC dispose que « la


SARL n’est constituée définitivement que lorsque les statuts mentionnent que
toutes les parts représentant des apports en numéraire ou en nature ont été
réparties entre les associés et que leur valeur a été totalement libérée ». Le
paragraphe II du même article ajoute que « les fondateurs doivent mentionner
expressément dans les statuts que ces conditions ont été respectées ».

Après la rédaction des statuts et conformément à l’article 98 du CSC, les


fonds prévenant de la libération des apports en numéraire doivent être déposés

183
Il suffit que la valeur d’un seul apport en nature dépasse 3000 D pour que le recours à un commissaire aux
apports devienne obligatoire.
184
En cas de fausse évaluation qui met les tiers en erreur. Mais quand la fausse évaluation est faite par le
commissaire aux apports, c’est ce dernier qui sera responsable non seulement à l’égard des tiers mais également
vis-à-vis de l’associé qui a subi un préjudice.
185
Voir l’article 100 du CSC.

60
auprès d’un établissement bancaire au nom de la société en formation. 186 Une
fois déposés, ces fonds ne peuvent, selon le même article, être retirés par le
gérant qu’après l’accomplissement de toutes les formalités de constitution de la
société et son immatriculation au registre de commerce.

L’article susvisé contient une disposition qui encourage l’accomplissement,


par le fondateur, des formalités de constitution. En effet, si la société n’a pas été
constituée dans un délai de six mois à compter de la date de dépôt des fonds,
tout apporteur pourra obtenir, auprès du juge des référés, une autorisation pour
retirer le montant de ses apports. Au cas où les apporteurs décident

ultérieurement de constituer la société, ils doivent procéder à un nouveau dépôt


des fonds.

L’autre formalité, qui suit l’établissement de l’acte constitutif et le dépôt


des fonds, consiste à enregistrer les statuts à la recette des finances 187 et faire la
déclaration d’existence en obtenant la carte d’identification fiscale.188

La dernière formalité consiste à immatriculer la société au registre de


commerce et sa publicité au JORT.189

Dans ce cadre, le paragraphe I de l’article 103 du CSC précise que « la


société n’est valablement constituée qu’après son immatriculation au registre
du commerce ». Le paragraphe II du même article prévoit la solution suivante
en cas de non immatriculation de la société : «  tant qu’elle n’est pas
immatriculée au registre de commerce, la société est considérée comme une
SARL en cours de constitution et elle reste soumise au régime de la SNC de
fait ». Le législateur, à travers ces dispositions qui sont relativement mal
formulées, voudrait vraisemblablement dire que la SARL en cours de formation,

186
L’établissement bancaire délivre un certificat de dépôt au déposant.
187
Voir article 3 du CDET.
188
Voir l’article 56 du CIRPPIS.
189
Voir les articles 14 et 15 du CSC et voir notamment le chapitre premier de ce cours.

61
c’est-à-dire celle qui n’a pas été encore immatriculée au registre de commerce,
sera considérée comme une société de fait soumise au régime de la SNC. A
dire le vrai, la solution retenue a pour but de protéger les tiers qui ont traité avec
la SARL en cours de constitution. De ce point de vue, les tiers peuvent donc agir
contre les associés de la SARL, qui seront tenus solidairement comme les
associés d’une SNC, au titre des engagements contractés avant la naissance
de sa personnalité morale.

B) Les sanctions relatives au non respect des règles de constitution.

On va mettre la lumière sur deux catégories de sanctions à savoir la nullité


(1) et la responsabilité (2).

1-La nullité.

Aux termes de l’article 104-1 du CSC « est nulle toute SARL constituée en
violation des articles 93 à 100 du présent code ». Il s’agit notamment de la
violation des règles relatives à l’objet social, à l’établissement de l’écrit, à la
libération des apports en numéraire et en nature et l’évaluation de ceux-ci ainsi
qu’à la répartition des parts sociales entre les associés, au dépôt des fonds et à
l’immatriculation de la société au registre de commerce.

L’action en nullité 190 peut être exercée par toute personne ayant intérêt, tels
que notamment les tiers qui ont contracté avec la société ou également l’un des
associés. Notons que la nullité ne doit pas nuire aux tiers. C’est pourquoi le
législateur décide, d’une part, que «  la nullité ne peut être opposée aux tiers
par les associées »191 et que, d’autre part, la société «  sera considérée comme
une SNC de fait ».192 Il en résulte que les associés seront tenus personnellement

190
L’action en nullité se prescrit par un délai de trois ans à partir de la constitution de la société (art.104-II du
CSC).
191
Voir l’article 104-2 du CSC.
192
Voir article 104-3 du CSC.

62
et solidairement envers les tiers au titre des obligations contractées avant
l’annulation de la société ou plutôt avant la publication de ladite nullité.

Conformément à l’article 105 du CSC « la nullité de la société doit être


suivie de sa liquidation ». Néanmoins, on a vu que la nullité peut être couverte
par la régularisation de sa cause.193

2) La responsabilité.

Si aucune régularisation n’a été effectuée , l’article 106- I du CSC précise


que  « les gérants et les associés auxquels la nullité est imputable sont
solidairement responsables envers les autres associés et les tiers du
dommage résultant de l’annulation » .

Le même article ajoute, dans son paragraphe II, que «  l’action en


responsabilité se prescrit par 3 ans à partir du jour ou la décision
d’annulation a acquis l’autorité de chose jugée ».

Paragraphe II : le fonctionnement de la SARL.

Deux questions méritent d’être étudiées dans ce cadre : la gestion de la


SARL et ses organes de délibération.

A) La gestion de la SARL.

On va aborder successivement les questions suivantes : la nomination


du gérant, sa révocation , sa rémunération , ses pouvoirs et sa responsabilité .

1) Nomination du gérant.

193
Voir les articles 107 et 108 du CSC et le chapitre premier de ce cours.

63
Selon l’article 112- I du CSC, «  la SARL est gérée par une ou plusieurs
personnes physiques ». Selon le paragraphe II du même article « le ou les
gérants peuvent être désignés dans les statuts ou par un acte postérieur, et ce,
parmi les associés au parmi les tiers ». Selon le même paragraphe, ils sont
nommés, sauf stipulation contraire dans l’acte constitutif ou dans un acte séparé,
pour une durée de trois ans renouvelables.

Le législateur n’ réglementé que partiellement les modalités de nomination


du gérant de la SARL en offrant le choix entre la désignation dans les statuts ou
dans un acte extrastatutaire. Il a gardé par contre le silence quant à la majorité
exigée pour le nommer, et ce, contrairement à sa révocation. C’est pourquoi, il
convient d’appliquer, selon le cas, les dispositions du COC relatives à la
formation des contrats et celles du CSC régissant la prise de décisions dans la
SARl. A cet effet, il convient de distinguer entre le gérant statutaire et le gérant
non statutaire. Peu importe s’il est ou non associé.

Lorsque le gérant est nommé dans les statuts, lors de la constitution de la


société, sa nomination doit nécessairement être décidée à l’unanimité des
associés.194 Mais, la désignation d’un gérant statutaire, au cours du
fonctionnement de la société,195 doit être décidée à la majorité requise pour
toute modification statutaire. On va voir que le principe est que les statuts ne
peuvent être modifiés que par une décision prise à la majorité des associés196
représentant au moins les trois quarts du capital social réunis en AGE.197

Lorsque le gérant n’est pas statutaire, sa nomination peut en principe


résulter du vote par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du
capital198
194
Voir l’article 23 du COC.
195
La société qui a nommé un gérant dans ses statuts peut le remplacer par un autre gérant.
196
Un seul associé détenant les trois quarts du capital social n’est pas suffisant pour prendre la décision.
197
Voir l’article 131- I du CSC. Le paragraphe II du même article permet aux associés de fixer dans les statuts
les règles de quorum et de majorité.
198
Voir l’article 130- I du CSC. Selon le paragraphe II du même article, si cette majorité n’est pas atteinte lors
de la première assemblée, les décisions seront prises, lors d’une seconde assemblée, à la majorité des voix des

64
2) Révocation du gérant.

Le gérant peut être révoqué soit par les associés, soit par le tribunal.

a)La révocation par les associés.

On doit distinguer entre le gérant statutaire et le gérant non statutaire. Peu


importe s’il est associé ou non associé. Pour le gérant statutaire, l’article 122- I
du CSC dispose que « le gérant statutaire est révocable par décision des
associés réunis en assemblée générale représentant au moins les trois quarts
du capital social ». Pour le gérant non statutaire, le même article, dans son
paragraphe II, dispose que « le gérant nommé par acte séparé est révocable
par une décision des associés représentant plus de la moitié du capital social ».
Il est donc vrai que, contrairement à ce qu’on a vu en matière de gestion de la
SNC, le législateur n’a pas retenu expressément et clairement le principe du
parallélisme des formes au niveau de la nomination et de la révocation du
gérant de la SARL.

A la différence de la révocation du gérant de la SNC, qui peut donner droit


à réparation si elle est abusive (art. 59 du CSC), le législateur n’a pas exigé
que la révocation du gérant de la SARL soit fondée sur un juste motif. Il
semble que la révocation puisse intervenir à tout moment sans que le gérant
puisse demander aucune réparation au cas où cette révocation est abusive.

b) La révocation judiciaire.

Si le CSC est muet sur la question de la révocation judiciaire du gérant de


la SNC,199 il est expressif quant à la révocation par le tribunal du gérant de la

associés présents ou représentés quel que soit le nombre des votants, sauf stipulation contraire des statuts

199
Face à ce vide législatif, il convient d’appliquer les dispositions de l’article 1297 alinéa 2 du COC qui
permettent de révoquer le gérant lorsqu’un juste motif est invoqué à son encontre.

65
SARL. Aux termes de l’article 122- III « le ou les associés représentant le
quart du capital social au moins peuvent intenter une action devant le tribunal
compétent tendant à obtenir la révocation du gérant pour cause légitime ».

Ces dispositions permettent de faciliter la révocation judiciaire du gérant


qui dispose d’une minorité de blocage ou que ses amis bloquent pour lui la
décision de révocation. De la sorte, même un seul associé possédant le quart
du capital social peut demander au juge compètent la révocation du gérant pour
cause légitime (un gérant incapable, malhonnête ou qui a commis des fautes
graves).

Comme dans les autres sociétés, la révocation du dirigeant de la SARL,


qu’elle soit décidée par les associés ou par le tribunal, doit être publiée pour être
opposable aux tiers (art. 16 du CSC).200

3) Rémunération du gérant.

Comme dans les sociétés de personnes, le législateur ne règlement pas la


rémunération du gérant de le SARL. Si les fonctions du gérant ne sont pas
exercées à titre gratuit, sa rémunération peut être fixée par les statuts au par une
délibération ultérieure des associés. Elle peut être fixe ou proportionnelle.

4) Pouvoirs du gérant.

Le CSC distingue entre les pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les
associés et avec les tiers.

a)Pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les associés.

*Etendue des pouvoirs.

Aux termes de l’article 113- I du CSC « les statuts fixent les pouvoirs du
gérant dans ses rapports avec les associés ». Le même article ajoute dans son
200
L’acte ayant pour objet la révocation du dirigeant doit être déposé au registre du commerce et publiée au
JORT.

66
paragraphe II que « sauf stipulation contraire des statuts, le gérant peut
effectuer tous les actes relevant de l’objet de la société et dans l’intérêt de
celle-ci ».

Ces dispositions, en déterminant les pouvoirs du gérant dans ses rapports


avec les associés, distinguent entre le cas de la limitation statutaire de ses
pouvoirs et le cas où ses pouvoirs ne sont pas déterminés par les statuts.

Dans le premier cas, les statuts peuvent par exemple prévoir que
l’autorisation préalable des associés est nécessaire pour la réalisation de
certaines opérations ou la passation de certains contrats importants tels que la
vente des immeubles appartenant à la société, l’emprunt, l’hypothèque ou le
nantissement du fonds de commerce …etc. Les statuts peuvent aussi, en cas de
pluralité de gérants, répartir les fonctions de gestion entre eux.

Dans le deuxième cas, c'est-à-dire en l’absence de limitation statutaire de


ses pouvoirs, le gérant peut effectuer tous les actes relevant de l’objet de la
société et dans l’intérêt de celle-ci. Ainsi, le gérant peut accomplir tous les
actes d’administration et de disposition à la double condition que ces actes se
rattachent à l’objet social et qu’ils soient réalisés dans l’intérêt de la société.

Le statut du gérant de la SARL, dans ses rapports avec les associés, est
presque identique à celui du gérant de la SNC  (art. 60 du CSC : « …tous les
actes de gestion qu’exige l’intérêt de la société sauf limitation… »). De ce
point de vue, le gérant de la SARL peut, en l’absence de limitation statutaire de
ses pouvoirs, accomplir tous les actes de gestion (acte d’administration et de
disposition selon les cas) nécessaires au fonctionnement de la société sans
autorisation préalable des associés. Il peut également réaliser tous les actes
prévus expressément par les statuts ou qui ne sont pas interdits par ceux-ci
sans consulter les associés. Mais le dépassement par le gérant de ses pouvoirs,
définis par la loi ou par les statuts, peut engager sa responsabilité envers les

67
associés. Il peut, en outre, constituer un juste motif pour sa révocation
conventionnelle ou judicaire.

*Contrats conclus avec la société.

Il s’agit des marchés (achat ou vente de produits, de matériels et


d’immeubles) qui peuvent être conclus entre le gérant et la société qu’il gère ou
entre celle-ci et l’un de ses associés. Conformément à l’article 115-1 du CSC
« toute convention intervenue directement ou par personne interposée entre la
société et son gérant associé ou non, ainsi qu’entre la société et l’un de ses
associés devra faire l’objet d’un rapport présenté à l’assemblé générale soit
par le gérant, soit par le commissaire aux comptes s’il en existe ».

Ces dispositions distinguent entre deux procédures en vue d’obtenir


l’approbation des conventions passées avec la société selon qu’il y a ou mon un
commissaire aux comptes.

Lorsque la société n’a pas de commissaire aux comptes, le gérant établit un


rapport contenant les détails de la convention et le présente aux associés pour
approbation.

Lorsque la société a un commissaire aux comptes, ce dernier établit son


rapport et le présente aux associés pour approbation. Dans tous les cas, le
gérant ou l’associé, qui a passé un contrat avec la société, ne peut pas participer
à la prise de décision portant sur l’approbation de la convention.201

Selon le paragraphe IV de l’article sus-indiqué « les conventions non


approuvées produisent leurs effets, mais le gérant ou l’associé contractant
seront tenus pour responsables, individuellement et solidairement s’il y a lieu
des dommages subis par la société de ce fait ».

201
Voir l’article 115-II du COC.

68
Il en résulte que même si les associés n’approuvent pas les conventions
passées avec la société, celle-ci reste engagée. Mais si ces conventions sont
préjudiciables pour la société, la responsabilité du gérant (ou de l’associé) peut
être donc engagée.202

Ce régime s’applique également aux convention passées entre la SARL et


une autre société dont un associé solidairement responsable, gérant,
administrateur, directeur général, ou membre du directoire ou membre du
conseil de surveillance est simultanément gérant ou associé de la SARL.203

En outre et en application de l’article 116 du CSC il est interdit à la


société d’octroyer des crédits à son gérant ou aux associés personnes
physiques, sous quelque formes que ce soit, ou d’avaliser ou de garantir leurs
engagement envers les tiers. L’interdiction s’étend aussi aux représentants
légaux des personnes morales associés ainsi qu’aux conjoints, ascendants,
descendants des personnes susvisées.

b) Pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les tiers.

Selon le paragraphe I de l’article 114 du CSC, «  dans ses rapports avec les
tiers, la société est engagée par tous les actes accomplis par le gérant et
relevant de l’objet social ». Il résulte de ces dispositions que la société est
engagée envers les tiers chaque fois que le gérant passe des actes dans le cadre
de l’objet social même si ces actes sont conclus dans son intérêt personnel.204

Selon le paragraphe II du même article, en cas de pluralité de gérants,


chacun d’eux peut accomplir séparément tous les actes qui relèvent de l’objet
202
Exemple : Un gérant a conclu une convention avec une SARL qu’il gère par laquelle il a vendu à cette
société un bien à un prix supérieur à sa valeur. Ladite convention n’a pas été approuvée par les associés. Le
contrat produit son effet et la société reste engagée. Elle doit donc payer le prix du bien acheté. Mais elle peut
engager la responsabilité de son gérant en cas de préjudice.
203
Voir l’article 115 dernier paragraphe.
204
Le critère est donc que l’acte doit relever de l’objet social.

69
social.   L’opposition formée par un gérant aux actes d’un autre gérant est sans
effet à l’égard des tiers sauf si ces derniers ont eu connaissance de cette
opposition.

Il en découle que la société reste engagée envers les tiers par les actes
accomplis par son gérant même si les autres gérants lui ont exprimé leur
opposition. Pour se dégager, la société doit prouver que le tiers a eu
connaissance de cette opposition.

Selon le paragraphe III de l’article précité, « les actes du gérant qui


dépassent l’objet social engagent la société à l’égard des tiers sauf s’il a été
prouvé que le tiers ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances. La
simple publication des statuts ne peut être considérée comme une preuve de
cette connaissance ».

Le dernier paragraphe de l’article en question ajoute que «  les clauses


statutaires limitant les pouvoirs du gérant sont imposables aux tiers même en cas
de publication des statuts ».

Ainsi les statuts comportent une clause qui limite le pouvoir de signature du
gérant à un montant de 15000 D , le contrat signé par le gérant en dépassement
de ce montant reste valable et engage donc la société même en cas de
publication des statuts.

1) Responsabilité du gérant :
a) Responsabilité Civile :

En application des dispositions de l’article 117 du CSC, le gérant engage sa


responsabilité civile vis-à-vis de la société, des associés et des tiers en cas de
nidation de la loi ou des statuts ou en cas de fautes commise dans la gestion.
Cette responsabilité peut être personnelle. Elle peut être également solidaire si
les faits générateurs de sa responsabilité sont l’œuvre de plusieurs gérants.

70
A cet effet, l’article 118-1 du CSC dispose que «  chaque associé peut exercer
individuellement l’action en responsabilité pour la réparation du préjudice subi
personnellement », par exemple, l’associé qui n’a pas pu participer à une
décision parce qu’il n’a pas été informé ou convoqué à temps, peut exercer une
action en responsabilité contre le gérant.

En outre selon le paragraphe 2 du même article, « les associés représentant le


dixième du capital social peuvent, en se groupant, intenter l’action sociale contre
le ou les gérants responsables du préjudice ». Ainsi lorsque le préjudice est subi
par la société ( en cas de violation de la loi, des statuts ou en cas de fautes de
gestion), les associés qui détiennent 10% du capital sociale ( 1/10 = 10%)
peuvent exercer l’action sociale contre ou les gérants responsables du préjudice.

b) Responsabilité pénale :

Le CSC comporte des sanctions pénales contre le gérant dans certains cas. A
titre d’exemple, le gérant est soumis selon les cas à des peines
d’emprisonnement ou sous forme d’amende en cas de présentation de comptes
annuels qui ne reflètent pas la situation véritable de la société ou en cas d’abus
des biens sociaux (voir les articles 145, 146,147 du CSC).

B) Les organes de délibération :

Aux termes de l’article 129 du CSC «  Nonobstant toute clause contraire, tout
associé dispose d’un nombre de voix égal au nombre de parts qu’il détient. Il
pourra être représente par une autre personne munie d’une procuration
spéciale ».

Cet article reconnait à tous associés le droit de participer à la prise de décisions.


Ces décisions sont prises soit en AGO (1), soit en AGE (2).

71
a) L’assemblée générale ordinaire :

L’AGO est habilité à prendre toutes les décisions qui n’entrainent pas la
modification des statuts (voir sur cette question l’article 108 du CSC et le
chapitre premier de ce cours).

Cette assemblée peut se tenir à tout moment à l’exception de l’AGO annuelle


qui doit être tenus dans un délai de 6 mois à compter la clôture de l’exercice
social (voir article 128-1 du CSC).

Selon le paragraphe 1 de l’article 130 du CSC «  une délibération n’est adoptée


que si elle a été votée par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié
du capital social ».

Le paragraphe 2 du même article précuire que si cette majorité n’est pas atteint
lors de la première assemblé, les associés sont convoqués de nouveau sans que
le délai entre le première et la seconde assemblée soit inférieure à 15 jours. Cette
convocation se fera par lettre recommandée avec accusé de réception huit jours
au moins avant la tenue de la deuxième assemblée.

Le même paragraphe ajoute que « lors de la seconde assemblée générale, les


décisions sont prises à la majorité des voix des associés présents ou représentés
quel que soit le nombre des votants, sauf stipulation contraire des statuts ».

b) L’assemblée générale extraordinaire :

L’AGE se tient pour prendre décision qui a pour objet la modification des statuts
(voir le chapitre1 de ce cours).

Aux termes de l’article 131-1 du CSC, « les statuts de la société ne peuvent être
modifiés que par une délibération approuvée par les associés représentant les
trois quarts au moins du capital social réunis en AGE ».

72
Son paragraphe 2 ajoute que «  les statuts peuvent prévoir que leur modification
s’effectue en vertu d’une décision de l’AGE qui détient en présence des associés
détenant au moins 50% des parts sociales.

Si ce quorum n’est pas atteint, une seconde assemblée se réunit après un délai au
moins égale à 60 jours, en présence des associés détenant au moins le tiers du
capital social.

La convocation pour la réunion de la deuxième assemblée s’effectue par lettre


recommandée avec accusé de réception.

Dans tous les cas, les décisions sont prises à la majorité des deux tiers des
associés présents ou représentés.

Les statuts peuvent prévoir un quorum ou une majorité plus élevés sans
possibilité de prévoir l’unanimité.

Enfin, il convient de noter que le dernier paragraphe de l’article 131 du CSC


permet au gérant de modifier les statuts à condition de soumettre ses statuts,
dans leur version modifiée, à l’approbation de la première assemblée générale
suivante.

73
74
75

Vous aimerez peut-être aussi