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30/11/2023 11:58 Accomplir tous ses désirs est-ce une bonne règle de vie ?

- SAMABAC

Accomplir tous ses désirs est-ce une bonne règle de vie ?


6 mai 2020

Accomplir tous ses désirs est-ce une bonne règle de vie ?

Analyse du sujet
Les mots du sujet
Désir : le désir n’est pas le besoin. Ce qui caractérise le besoin est qu’il doit toujours être satisfait
sous peine de mort. Si je ne satisfais pas un désir, je ne meurs pas pour autant. Le besoin est naturel
(et aussi animal), le désir est culturel et humain. Par exemple, le désir sexuel est un besoin pour
l’espèce (elle disparaît s’il n’est pas satisfait) mais un désir pour l’individu (on ne meurt pas de ne pas
le satisfaire).
Le désir est la recherche d’un objet que l’on imagine ou que l’on sait être source de satisfaction. Il
s’accompagne donc d’un sentiment de manque, de privation.
Accomplir ses désirs, c’est les satisfaire. Le sujet précise « accomplir tous ses désirs ». « Tous »
signifie « sans exception »
Règle de vie : une règle est une formule ou une proposition indiquant une démarche ou une voie à
suivre, une manière de se conduire. Une règle de vie est donc un précepte qui nous dit comment il
faut vivre.
« Bonne » règle de vie : double sens. Une règle de vie peut être « bonne » au sens où elle nous est
utile c’est-à-dire où elle nous conduit au bonheur.
Mais est bon aussi ce qui est conforme au bien, aux normes éthiques, bref ce qui est moral
Une bonne règle de vie peut donc être aussi bien une règle de vie qui conduit au bonheur qu’une
règle de vie morale.
Le sens du problème
Il s’agit de savoir si pour être heureux et si pour être moral il faut admettre la règle, le précepte, de
satisfaire tous ses désirs sans exception ou si, au contraire, il convient de maîtriser certains d’entre
eux, voire renoncer totalement à la satisfaction de certains désirs. On remarquera que l’alternative à
« tous ses désirs » n’est pas « aucun de ses désirs » mais « quelques désirs ».

Présupposé de la question
Il est présupposé qu’il est possible d’accomplir tous ses désirs, ce qui ne va pas de soi.

Réponse spontanée
Elle est plutôt affirmative.

Plan rédigé
I Valeur du désir
1) Définition du désir
Pour comprendre la valeur du désir, il nous faut d’abord préciser ce qu’est le désir, ce qui nous
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permettra de préciser pourquoi il semble bien que nous devions le satisfaire.


Le désir est la recherche d’un objet que l’on imagine ou que l’on sait être source de satisfaction. On
ne désire que ce qu’on n’a pas. Le désir s’accompagne donc du sentiment d’un manque, d’une
privation. Pour peu que l’objet de notre désir soit difficilement accessible, ce sentiment de manque
peut devenir souffrance, douleur. On comprend, dans ces conditions, que satisfaire ses désirs c’est
mettre fin à cette souffrance et, pour peu que nous désirions réellement un objet source de
satisfaction, une source de plaisir. Or, si l’on en croit Kant, l’une des destinations à laquelle la nature
a voué l’homme est le bonheur. On a donc l’impression que satisfaire ses désirs c’est répondre à
cette destination, à condition bien sûr que le bonheur se limite à une somme de plaisirs.

2) Désir et condition humaine


Il faut souligner que seul l’homme désire. Dieu, parce qu’il est parfait, ne manque de rien et ne saurait
désirer. Quant à l’animal, il ne désire pas mais reste cantonné à la sphère du besoin. Le désir n’est
pas le besoin. Le besoin est vital et ne pas le satisfaire conduit à la mort. Le désir, lui, n’a rien de vital.
L’animal, parce qu’il répond à ses instincts, parce qu’il est le produit d’une adaptation, vise à
satisfaire ses propres besoins qui sont les besoins de l’espèce. Seul l’homme est mu par le désir.
Or, justement, le désir n’est pas seulement corporel (le corps nous est commun avec l’animal). Il
existe aussi des désirs intellectuels. La philosophie elle-même est désir, désir de connaissance et de
savoir. Dans le Banquet, Platon identifie le philosophe à Éros (désir, amour), fils de Poros (ressource,
richesse intellectuelle ou psychologique) et de Penia (pauvreté). Éros est donc « intermédiaire » entre
la ressource ou la richesse et la pauvreté, assez riche pour combler son dénuement mais trop pauvre
pour être pleinement satisfait. Éros passe sa vie à philosopher. Les philosophes, dit le texte, ne sont
ni sages ni ignorants. Les dieux ne philosophent pas car ils sont sages et ne désirent donc pas l’être.
Les ignorants ne philosophent pas non plus car, croyant déjà connaître, ils ne désirent pas la
connaissance. Fils d’un père sage (Poros) et d’une mère pauvre (Penia), Éros ne peut être que
philosophe.
La philosophie est donc désir et ne saurait condamner absolument le désir. Il relève de la condition
humaine et semble être notre dignité par rapport à l’animal.

3) Le désir comme moteur de vie et comme créateur de valeurs


On peut même définir l’homme par le désir. C’est ce que fait Spinoza. Pour Spinoza, l’homme est
animé par ce qu’il appelle le conatus, défini comme le « désir de persévérer dans son être ». Celui-ci
ne caractérise du reste pas seulement l’homme mais la Nature toute entière (c’est-à-dire Dieu). La
Nature (dont nous sommes une petite partie) est elle-aussi désir de persévérer dans son être (elle est
« nature naturante ») et la réalisation de son conatus est la production d’elle-même (« nature naturée
»). La Nature se produit elle-même. Elle peut le faire, du reste, sans limite car, infinie, elle ne
rencontre aucun obstacle. L’homme, en tant que partie de la nature, est, lui aussi, animé par ce désir
de production de lui-même. Le conatus se manifeste en lui tant au niveau de son corps qu’au niveau
de son âme. En tant que corps, il cherche à vivre le plus longtemps possible, à garder la santé mais
aussi vise à une vie agréable, à un certain confort. Bref, il vise à l’utile. En tant qu’âme il désire
connaître, et connaître pour connaître c’est-à-dire pour permettre à son âme de persévérer dans son

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être.
Tant que nous agissons selon notre seul conatus nous éprouvons de la joie. La tristesse vient lorsque
nous sommes empêchés de réaliser notre conatus à cause de l’intervention des choses extérieures.
Satisfaire nos désirs, en tant qu’ils proviennent de nous même et non en tant que nous subissons les
actions extérieures, est donc pour Spinoza une bonne règle de vie. Accomplir ses désirs consiste
alors à rechercher l’utile qui nous est propre, ce qui est bon pour nous. Le bon se définit d’ailleurs
comme ce qui est l’objet de nos désirs. Quelque chose n’est pas désirable parce qu’il est bon mais au
contraire bon parce que nous le désirons. Le désir apparaît alors comme producteur de valeurs.
Il faut satisfaire les désirs émanant de notre conatus et suivre sa nature définit exactement pour
Spinoza notre liberté. Mais, justement, tous nos désirs proviennent-ils de nous-mêmes ? Satisfaire
tous ses désirs contribue-t-il réellement à notre bonheur ?

II Le désir comme obstacle au bonheur


1) L’infini du désir
Il nous faut revenir à l’expression « accomplir tous ses désirs ». Accomplir tous ses désirs serait les
satisfaire sans exception, sans relâche, au fur et à mesure qu’ils apparaissent. Or ne s’agit-il pas là
d’un processus sans fin ?
Platon compare le désir au tonneau des Danaïdes. Selon la mythologie, les Danaïdes ont été
condamnées à remplir d’eau un tonneau percé. De la même façon que le tonneau ne sera jamais
rempli, le désir n’est jamais satisfait. À peine accompli, il renaît car de la satisfaction passée naît le
regret qui est nouveau désir. En ce sens, accomplir tous ses désirs n’est nullement une recette de
bonheur. Celui qui choisirait cette règle de vie serait sans cesse en mouvement, incapable d’atteindre
la sérénité de l’âme que suppose le bonheur. Épicure décrit de même le plaisir en mouvement,
toujours en quête, jamais satisfait, obstacle à l’ataraxie, absence de trouble de l’âme, seul compatible
avec la béatitude. Le bonheur ne saurait être la somme de satisfaction de tous les désirs car cette
satisfaction complète et totale n’existe jamais.
Il faut ajouter que la psychanalyse nous a montré que le désir est fantasme et que nous embellissons
l’objet de notre désir. Dans ces conditions sa satisfaction est souvent décevante. Le seul cas de
satisfaction intégrale des désirs se trouve dans la fiction romanesque, chez Sade par exemple, où
l’orgie a toujours lieu dans des lieux clos et isolés qui symbolisent la dimension utopique. Bataille
souligne que les personnages actifs finissent par atteindre un état de neutralité par saturation qui
n’est autre qu’une extinction du désir. Le désir se nourrit justement de l’interdit.

2) Renoncer à tous ses désirs


Faut-il alors renoncer à tous ses désirs ? C’est cette solution que préconise Schopenhauer. Selon lui,
tout dans l’univers (les êtres vivants comme les forces chimiques ou physiques) est animé de volonté.
On pourrait rétorquer que la volonté n’est pas le désir, sauf que chez Schopenhauer la volonté n’a
rien à voir avec le libre-arbitre mais est une puissance aveugle de vie, sans fondement et surtout sans
finalité. L’homme est un jouet inconscient de ce qui l’anime. Il n’existe aucun plan divin et nous
sommes esclaves de notre vouloir-vivre. Le désir est alors l’expression consciente et individuelle de
ce vouloir-vivre. On peut donc affirmer, qu’aux yeux de Schopenhauer, l’homme est esclave du désir

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et oscille entre la souffrance (quand le désir est encore insatisfait) et l’ennui (après la satisfaction). La
souffrance est alors notre condition.
La morale de Schopenhauer va alors être une morale du renoncement. Il faut d’abord renoncer à
transmettre la vie car c’est transmettre la tromperie du bonheur, le seul sentiment moral acceptable
étant la pitié qui reconnaît l’universalité de la souffrance. La seule délivrance est la négation du
vouloir-vivre, non pas dans le suicide, mais dans l’acte de non-volonté (cette thèse n’est pas éloignée
du bouddhisme). Il faut renoncer au désir qui est le mal radical.
Comment renoncer au désir ? Une première solution se situe dans la contemplation esthétique.
Comme Kant, Schopenhauer considère qu’elle est désintéressée et donc délivrée des désirs. Mais le
vrai remède, le remède radical se situe dans l’ascétisme, refus des biens de ce monde, fusion dans le
néant. Seul l’ascète a vaincu l’égoïsme dans le renoncement. Homme clairvoyant, il renonce aux
désirs et choisit la mortification pour vaincre le vouloir-vivre générateur de souffrances.
Cette solution en est-elle une ? Rien ne peut vaincre la volonté, impérissable et immuable. Même la
mort ne supprime rien. De plus, Schopenhauer omet le caractère proprement humain du désir. Si
satisfaire tous ses désirs n’est pas une bonne règle de vie, l’alternative est-elle vraiment de n’en
satisfaire aucun ?

3) Renoncer à certains désirs


La sagesse antique, dans sa recherche du bonheur, est moins radicale. Qui dit « règle » suppose «
seuil à ne pas franchir ». Une règle suppose d’introduire une norme. Quelle norme choisir ?
La position stoïcienne nous engage à distinguer ce qui dépend de nous de ce qui n’en dépend pas. Il
faut, non pas accomplir tous ses désirs, mais régler nos désirs. Le principe est de suivre la raison et
d’accorder notre vouloir à notre pouvoir. Dépendent de nous notre pensée, notre vouloir, notre
attitude face au monde. Ne dépendent pas de nous l’ordre naturel des choses et l’ordre social.
Déterministe, le stoïcien pense que la liberté d’action est vouée à l’échec. Désirer changer l’ordre du
monde ne peut que nous rendre malheureux. En revanche, vouloir l’ordre des choses, c’est être
assuré de voir ses désirs toujours se réaliser, s’intégrer activement à l’ordre du monde et, en fin de
compte, trouver le bonheur. Il s’agit, au fond, de n’avoir que des désirs raisonnables. On peut penser
à l’épisode du Petit Prince de Saint-Exupéry où il est question d’un roi qui n’a que des désirs
raisonnables et qui voit donc toujours se réaliser tous ses désirs. Réaliser tous ses désirs est alors
une bonne règle de vie mais à condition de régler le désir lui-même, de ne désirer que ce qui est
possible, que ce qui peut effectivement se réaliser.
Selon une autre optique mais restant dans une position naturaliste, Épicure propose une
classification des désirs. Il faut toujours satisfaire les désirs naturels et nécessaires parce qu’ils sont
indispensables à notre survie (mais ne s’identifient-ils pas à nos besoins ?). Manger, boire, sont des
comportements naturels et nécessaires. On satisfera de temps en temps les désirs naturels et non
nécessaires qui sont des variations des désirs nécessaires. Ainsi, il n’est pas interdit de manger des
mets raffinés ou de consommer des boissons recherchées. On se gardera néanmoins de le faire trop
souvent de peur d’en devenir esclave ; la vertu du sage se situant dans l’autarcie c’est-à-dire
l’autosuffisance. Quant aux désirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires, ils nous entraînent dans
l’infini du désir que nous avons déjà décrit et il ne faut jamais, en aucun cas les satisfaire.
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Incompatibles avec l’autarcie, ils empêchent aussi l’ataraxie. Ainsi, aux yeux d’Épicure, la sagesse
réside, non dans la renonciation complète à la satisfaction de nos désirs mais dans un calcul des
désirs qui vise au maximum de plaisir et au minimum de déplaisir. Nul désir n’est condamnable en
tant qu’il donne du plaisir mais aucun désir qui conduit à davantage de douleur que de plaisir ne doit
être accompli.
Ainsi, satisfaire tous ses désirs, sans maîtrise, n’est pas une bonne règle de vie au sens où cela ne
conduit pas au bonheur. Mais la vie bonne n’est pas seulement la vie heureuse, c’est aussi la vie juste,
conforme à la morale. Le désir est-il compatible avec la justice ?

III Le désir comme obstacle à la morale


1) Que serait un monde où chacun accomplirait ses désirs ?
Que serait une société où chacun accomplirait tous ses désirs ?
Agir selon ses désirs n’est pas agir selon sa volonté. La volonté suppose la mise en œuvre de la
raison et peut conduire à l’accord entre les hommes. Le désir, en revanche, est singulier, propre à
celui qui l’éprouve. Ce que je vois comme promesse de satisfaction n’est pas nécessairement en
accord ave le désir de l’autre. Un conflit est toujours possible. Par exemple, si je désire le bien
d’autrui, cela ne signifie pas que celui-ci désire me le donner. Accomplir tous ses désirs, c’est
accomplir beaucoup. Que penser du désir de meurtre du criminel sadique, par exemple, où le sujet
désirant fait de l’autre un objet et le nie ? Freud montre qu’une vie pleinement humaine n’est pas
compatible avec la satisfaction totale des désirs. Le désir d’inceste, par exemple, est présent chez
l’enfant. Or, la prohibition de l’inceste est le fondement même de toute société, ce qui nous rend
pleinement humain.
On peut aller jusqu’à affirmer que le désir est toujours fondamentalement désir de l’autre. Je désire
ce que les autres ont. Dès qu’un bien est possédé par tous il n’intéresse plus personne et le désir se
porte sur autre chose. Nous désirons ce que désire l’autre parce que son désir rend la chose
désirable. Le désir apparaît alors fondamentalement comme désir de reconnaissance. Hegel montre
que ce désir prend la forme d’une lutte qu’il décrit dans la dialectique du maître et de l’esclave.
Certes, on peut imaginer une reconnaissance réciproque dans une relation d’égalité (et, en ce sens,
le désir n’est pas nécessairement condamnable), mais le plus souvent le désir prend la forme d’une
lutte pour la reconnaissance, la forme d’un conflit que Hegel décrit comme une lutte à mort dont le
vainqueur deviendra le maître et le vaincu (celui qui en reste au besoin, qui veut vivre) sera l’esclave.
Mais alors la satisfaction de tous nos désirs est-elle compatible avec la morale, celle-ci devant être
universelle sous peine de n’être pas ?

2) Désir et vertu
Il n’y a pas de morale sans liberté et donc sans maîtrise de soi. Il existe des désirs dangereux et
immoraux. Platon nous montre que la tempérance est une vertu. Je ne suis pas libre de mes désirs (ils
surgissent sans que je sache d’où ils viennent) et on peut donc considérer qu’il n’est pas de vie libre
et juste là où l’on satisfait sans discernement tous ses désirs.
Dans le Phèdre, Platon compare notre âme à un attelage tiré par deux chevaux, un cheval blanc
(Thumos, courage) et un cheval noir (Epithumia, partie désirante de l’âme). Le bon attelage est celui

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où le cocher (la raison) parvient à maîtriser les deux chevaux. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer
à tous ses désirs puisque le cheval noir aussi fait avancer l’attelage. Cela signifie simplement qu’il
faut maîtriser ses désirs. L’alternative ne se situe pas entre satisfaire tous ses désirs ou n’en satisfaire
aucun mais entre se laisser tout entier diriger par ses désirs (et renoncer à la justice et à la sagesse)
ou les canaliser dans un sens créateur et pleinement humain. Subordonné à la raison, le désir
devient positif puisque, nous l’avons vu, la philosophie aussi est désir

3) Désir et devoir
Il n’en reste pas moins que le devoir est étranger au désir. Les désirs sont sources de conflit et la
morale se veut universelle. Kant insiste sur le caractère désintéressé de la morale. Il ne suffit pas
d’agir conformément au devoir mais « par » devoir. Le commerçant qui ne vole pas sa clientèle agit,
certes, conformément à son devoir mais, s’il n’est animé que par le désir d’avoir plus de clients et
donc de gagner plus d’argent, il ne saurait être considéré comme moral. Seul est moral celui dont la
volonté est bonne et qui agit en fonction de l’unique respect pour la loi morale. Cela ne signifie pas
que le désir soit mauvais. En réalité, il n’est ni bon ni mauvais. La morale se situe simplement ailleurs.
Si la satisfaction de certains désirs peut conduire au bonheur, la fin de l’homme n’est pas seulement
le bonheur. Il y a une destination plus haute, proprement humaine, qui est la destination morale.
Ainsi, « satisfaire tous ses désirs » n’est pas « une bonne règle de vie » au sens où une bonne règle de
vie est une règle de vie morale.
Il n’empêche que, puisque la destination humaine est double (morale et bonheur), renoncer aux
désirs lorsqu’il n’est pas contraire à la morale est aussi une mauvaise règle de vie.

Conclusion
Satisfaire tous ses désirs n’est pas une bonne règle de vie et ceci aussi bien en ce qui concerne la
question du bonheur que celle de la morale. Mais cela ne signifie pas qu’il faudrait renoncer à tous
nos désirs dans une morale inhumaine et mortifère. Le désir seul peut nous orienter vers des buts
pleinement humains. Il faut faire en sorte que de puissance de vie il ne se transforme pas en son
contraire, désir de mort et donc de mort du désir. Le désir est à la fois puissance d’action et de
négation, de transformation et de destruction et c’est à nous de savoir en rester le maître. La
frustration est aussi constitutive d’une existence morale et l’homme est partagé entre ses désirs et
les règles qu’il s’impose. On peut d’ailleurs se demander si en l’absence de règle le désir se
maintiendrait tant il semble n’avoir d’intensité qu’en fonction des obstacles et des interdits qu’il
rencontre.

sosphilosophie

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