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DÉSIR vs BESOIN
Le désir n’est pas le besoin. Le besoin est vital (j’ai besoin de manger, mon
organisme a besoin de se nourrir). Le désir n’est pas nécessaire (je désire un
gâteau, une nouvelle paire de chaussures). Le désir est la conscience d’un
manque (toujours renaissant) ET l’effort que nous faisons pour combler ce
manque.
PLAISIR
Le plaisir est compris comme la satisfaction d’un désir, la réalisation du désir.
BONHEUR
Le bonheur est un état durable de plénitude, de satisfaction ou de sérénité,
état agréable et équilibré de l'esprit et du corps, d'où la souffrance, le stress,
l'inquiétude et le trouble sont absents. Le bonheur n'est pas seulement un état
passager de plaisir, de joie, il représente un état d'équilibre qui dure dans le
temps. C'est un concept qui a été étudié en philosophie, psychologie et
sociologie.
Problématiques :
La satisfaction de tous nos désirs conduit-elle au bonheur ?
Devons-nous maîtriser nos désirs ?
Pouvons-nous nier nos désirs ?
Quelle est la vraie nature du désir ?
Sommes-nous libres de désirer ?
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LE DÉSIR
Le Désir souffrance
Le désir est considéré comme une souffrance car du désir s’exprime un manque.
« Tout vouloir procède d'un besoin, c'est-à-dire d'une privation, Vouloir = besoin = privation=
c'est-à-dire d'une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais
pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de souffrance
plus le désir est long et ses exigences tendent à l'infini ; la Satisfaction du besoin = fin de
satisfaction est courte et elle est parcimonieusement mesurée. la souffrance
Mais ce contentement suprême n'est lui-même qu'apparent ; le
désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier Fin de courte durée de la
est une déception reconnue, le second est une déception non souffrance, fin apparente.
encore reconnue. La satisfaction d'aucun souhait ne peut
procurer de contentement durable et inaltérable. C'est comme
l'aumône qu'on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd'hui la Satisfaction d’un besoin ≠
vie pour prolonger sa misère jusqu'à demain. - Tant que notre contentement, bonheur durable.
conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes
asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes
continuelles qu'il fait naître, tant que nous sommes sujets du
vouloir, il n'y a pour nous ni bonheur durable, ni repos.
Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la
jouissance, c'est en réalité tout un ; l'inquiétude d'une volonté
toujours exigeante, sous quelque forme qu'elle se manifeste,
emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le
véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir
ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner,
aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Repos (de la conscience) =
Tantale éternellement altéré. » bonheur véritable
A. Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme
représentation (1818)
THÈSE :
THÈME :
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LE DÉSIR
Si le désir est une souffrance, il est donc normal de limiter certains voire de supprimer la
totalité de ses désirs.
C’est la philosophie de l’Hédonisme :
Épicuriens
Épicuriens et stoïciens considèrent le désir
comme une souffrance. C’est un contre
sens d’imaginer les épicuriens comme des
« gloutons » satisfaisants tous leurs désirs.
Ils vivaient comme des ascètes, en se
contentant du minimum.
Pour Épicure, le bonheur est un état de
paix perpétuelle qu’il nomme ataraxie. Ce
L’hédonisme est une doctrine qui trouble ce bonheur, cette paix de
philosophique grecque selon laquelle la
l’esprit, ce sont les désirs insatisfaits.
recherche du plaisir et l'évitement du
Donc, pour éviter de souffrir, il conseille la
déplaisir constituent l'objectif de
limitation des désirs au maximum, se
l'existence humaine.
contentant des besoins naturels et
nécessaires (les besoins, c’est ce dont
Être heureux est l’objectif des hédonistes,
dépend notre survie : la nourriture, la
le bonheur est un but, le but à atteindre
boisson, le sommeil, dans une moindre
dans la vie. Le plaisir permet d’accéder
mesure, la sexualité).
au bonheur, mais le plaisir est avant
De cette façon, nous évitons aussi la
tout l’absence de souffrance, donc
dépendance.
épicuriens et stoïciens limitent leurs désirs Le Coup de Phil' #12 - L'Epicurisme d'Epicure
mais chacun à leur manière.
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LE DÉSIR
« Parmi les choses, les unes dépendent de nous, les autres n’en
dépendent pas. Celles qui dépendent de nous, ce sont l’opinion, la
tendance, le désir, l’aversion: en un mot tout ce qui est notre oeuvre.
Celles qui ne dépendent pas de nous, ce sont le corps, les biens, la
réputation, les dignités: en un mot tout ce qui n’est pas notre oeuvre.
Les choses qui dépendent de nous sont par nature libres; nul ne peut
les empêcher, rien ne peut les entraver; mais celles qui ne dépendent
pas de nous sont impuissantes, esclaves, sujettes à empêchement,
étrangères à nous. Souviens-toi donc que, si tu crois libres ces
choses qui, de par leur nature, sont serviles, et propres à toi celles qui
sont étrangères, [alors] tu seras entravé, affligé, troublé, tu accuseras
dieux et hommes. Mais si tu crois tien cela seul qui est tien, et
étranger ce qui en effet t’est étranger, [alors] nul ne le forcera jamais
à faire une chose, nul ne t’en empêchera; tu ne te plaindras de
personne, tu n’accuseras personne; tu ne feras pas involontairement
une seule action; personne ne te nuira, et d’ennemi, tu n’en auras
point, car tu ne souffriras rien de nuisible. »
Epictète
THÈSE : «
.»
THÈME : «
.»
« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre
que la fortune (1), et à changer mes désirs que l’ordre du monde, et
généralement de m’accoutumer à croire qu’il n’y a rien qui soit
entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu’après que
nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont
extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous
/
absolument impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour
m’empêcher de rien désirer à l’avenir que je n’acquisse, et ainsi pour
me rendre content(2); car notre volonté ne se portant naturellement à
désirer que les choses que notre entendement lui représente en
/
quelque façon comme possibles, il est certain que si nous
considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également
éloignés de notre pouvoir, nous n’aurons pas plus de regret de
manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque
nous en serons privés sans notre faute, que nous avons de ne posséder
pas les royaumes de la Chine ou de Mexique; et que faisant, comme
on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d’être
sains étant malades, ou d’être libres étant en prison, que nous faisons
maintenant d’avoir des corps d’une matière aussi peu corruptible que
les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux. »
DESCARTES
(1) les hasards de la vie
THÈSE :
THÈME :
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LE DÉSIR
Critiques du stoïcisme :
3. Accepter que l’on ne peut agir, c’est accepter de ne pas être libre. (critique du
déterminisme). Si ne peut pas agir sur les évènements, on subit le monde qui
est déterminé, pour les stoïciens, l’homme n’est pas libre. « Est-ce que
accepter de ne pas être libre, c’est être vraiment libre ? » (Y-a-t-il vraiment
un déterminisme qui rend libre ?)
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LE DÉSIR
Pour Spinoza (1632, 1677, néerlandais), un homme sage est celui qui sait désirer et
prendre du plaisir : « user des choses et y prendre plaisir autant que se peut est d’un
homme sage ». La philosophie de Spinoza s’oppose donc complètement au stoïcisme,
c’est une philosophie du désir.
Mais attention, Spinoza ne donne pas au terme « désir » la même signification que dans
le sens courant (attraction physique, voire intellectuelle). Il l’entend au sens ontologique 1,
comme une propriété insécable de l’homme : l’homme est une machine qui désire, il ne
fait même que cela. La philosophie de Spinoza présente tout d’abord cette originalité (par
rapport à ses prédécesseurs) qui consiste à affirmer que l’Homme est essentiellement un
être de désirs :
« L’appétit (le désir) n’est par là rien d’autre que l’essence même de l’homme...
» (Ethique, Scolié proposition IX, pages 144-146). C’est bien le désir qui apparaît à
Spinoza comme étant constitutif de la nature humaine, et par là même il rompt avec
toute une tradition philosophique qui avait immédiatement situé dans la raison
l’essence de l’homme.
Or Spinoza refuse de réduire le désir à un sentiment de manque, de souffrance. Le modèle
du désir n’est donc pas pour lui la faim comme sentiment de manque mais l’appétit
comme puissance de manger plus que ce dont nous avons besoin, puissance qui révèle
notre amour de la vie, notre envie de l’éprouver dans sa plénitude, c’est-à-dire dans sa
Totalité et sa puissance illimitée :
« Si la faim est manque de nourriture, donc souffrance, l’appétit est puissance de manger
(y compris quand la nourriture ne manque pas) et de jouir de ce qu’on mange. Le désir est
premier, la puissance est première. C’est l’anorexique qui manque de quelque chose, non
celui qui mange de bon appétit. C’est le mélancolique qui manque de quelque chose, non
celui qui aime la vie et qui la croque, comme on dit, à pleines dents. » (A. Comte-
Sponville, Petit Traité des grandes vertus, éd. P.U.F. p. 326).
Dans cet extrait, l’auteur présente clairement la définition spinoziste du désir. Le désir
n’est pas pour Spinoza une affection triste, c’est-à-dire une souffrance liée à un sentiment
douloureux de manque. Le désir n’est vécu ainsi que lorsque l’homme a perdu sa
puissance, c’est-à-dire son amour de la vie, comme nous l’indique dans la citation
l’exemple de l’anorexique. Mais justement l’anorexique révèle une perte pathologique de
l’amour de la vie, une déperdition du sentiment de puissance (sentiment de la vie comme
totalité) qui pervertit le sens du désir.
Pour Spinoza, le désir n’est pas une souffrance mais une force de vie, une puissance
d’être.
1 L'ontologie dans son sens le plus général s'interroge sur la signification du mot « être ». « Qu'est ce que l'être ? »,
considérée comme question inaugurale, c'est-à-dire première dans le temps et première dans l'ordre de la connaissance.
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LE DÉSIR
Pour Spinoza, la liberté est une illusion. En cela, il est déterministe. L’homme serait
libre tout comme une pierre que l’on pousserait du haut d’une pente et qui imaginerait
qu’elle puisse être libre. Nous ne sommes pas libres, nous croyons l’être parce que nous
ignorons les causes qui nous poussent à agir. La pierre roule « nécessairement ».
Nécessaire : ce qui ne peut pas ne pas être. Contingent : ce qui peut ne pas être ou être
autrement.
Croire au déterminisme, c’est penser que l’homme est soumis à des lois, des lois
imparables, nécessaires, mathématiques et que donc, les mêmes causes produiront les
mêmes effets. Pour lui, l’homme n’est qu’un élément de la Nature parmi d’autres, il ne
diffère en rien des autres parties de la Nature. L’homme n’est pas mieux que la pierre.
Pour Spinoza, Dieu n’est pas un être transcendant, extérieur à la réalité, un être
supérieur mais Dieu est un être immanent. Dieu est la totalité de ce qui est et la totalité
de ce qui est est en Dieu. Nous sommes en quelque sorte « un morceau de Dieu », un peu
de Dieu, une partie d’un grand Tout. C’est en essayant d’être pleinement nous même, que
nous sommes totalement et réellement libres. Nous faisons quelque chose en fonction de
ce que nous sommes au plus profond de nous : « Je veux ce que je veux, parce que je
suis, ce que je suis. » En fait, sans utiliser le mot, l’homme fait partie d’un système
auquel il ne peut échapper. On retrouve cette idée que tout est lié dans certaines
philosophies asiatiques mais aussi dans l’écologie actuelle (le Monisme).
Pour lui, la liberté humaine n’est possible que si l’homme prend conscience qu’il est
déterminé à agir. Il n’y a donc pas de libre arbitre2 pour Spinoza. Mais il y a
néanmoins une liberté possible.
Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et agit par la seule nécessité de sa nature, et contrainte cette chose
qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et déterminée. [...] Vous voyez donc que je
ne situe pas la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité. [...] Pour le comprendre clairement, prenons un
exemple très simple. Une pierre reçoit d'une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par
laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l'arrêt de l'impulsion externe. Cette permanence de la pierre
dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par
l'impulsion des causes externes; et ce qui est vrai de la pierre, l'est aussi de tout objet singulier, quelle qu'en soit la
complexité et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est nécessairement déterminé par
quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, sache et pense qu'elle fait
tout l'effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu'elle n'est consciente que de son effort,
et qu'elle n'est pas indifférente, croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu'elle le
désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes
sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent.
Spinoza, Correspondance, Spinoza à G.H. Schuller
2 Le libre arbitre est la faculté qu'aurait l'être humain de se déterminer librement et par lui seul, à agir et à penser, par
opposition au déterminisme ou au fatalisme, qui affirment que la volonté serait déterminée dans chacun de ses actes par
des « forces » qui l'y nécessitent.
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LE DÉSIR
THÈSE : « Une répression sévère et sans discernement des instincts naturels de l’enfant
par les parents ou les éducateurs non seulement ne permet jamais vraiment de réduire ou
d’effacer le trouble, le problème, ce pour quoi on réprimande l’enfant mais mène,
occasionne, provoque un refoulement et qui peut conduire (a la propension à) à la
névrose. Même si l’enfant rentre dans la normalité avec la manière forte, il y a préjudice
(Freud admet ici que la manière forte marche, amène des résultats mais sans doute à court
terme). À la manière forte, Freud oppose la sublimation. La sublimation des instincts des
enfants permet de réorienter ces mêmes instincts vers « des buts plus précieux » (sans
doute à long terme). Ce serait une façon de faire meilleur usage de ces instincts. La
sublimation serait une méthode de réorientation : elle écarte les instincts du refoulement,
elles conduisent vers le bon voire un meilleur chemin. »
Imaginer qqs exemples de cette théorie : si on punit sévèrement un enfant qui parle trop, il va se taire, soit,
mais il risque de devenir timide… alors que si on réoriente ce problème, il deviendra peut-être un très bon
orateur. De même, si on punit sévèrement un enfant hyperactif, il va se tenir tranquille, mais il risque de
devenir complètement allergique au sport, et ne deviendra pas le grand champion qu’il aurait pu être.
En fait, ce qui est vu comme un défaut de l’enfant est une qualité. Dans l’instant, c’est un défaut (l’enfant
parle trop) mais en fait, c’est aussi une qualité (la preuve que l’enfant dispose de bonnes qualités pour
s’exprimer), qualités requises, si elles sont bien mises en valeur (sublimées) et non réprimées, pour devenir
un bon orateur.
THÈME :
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LE DÉSIR
Faut-il pour autant satisfaire tous nos désirs surtout à une époque où la société de
consommation fabrique tous nos désirs dont certains de manière tout à fait artificielle ?
Selon Marx, la société commence par produire un produit pour ensuite produire le désir
de ce produit. On finit toujours par consommer ce que l’industrie capitaliste a produit.
Ainsi, de nouveau, nous perdons notre liberté, l’homme n’est qu’une sorte de marionnette
aux mains de l’industrie capitaliste. Surtout, si cette manipulation fonctionne, c’est que
l’homme désire toujours au delà du nécessaire.
THÈSE : «
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THÈME : «
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Rappel :