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CHAPITRE 3

Le désir constitue-t-il un obstacle Au bonheur ?

Introduction :

Question :

Le désir constitue-t-il un obstacle au bonheur, à la félicité ou bien le désir est-il un chemin vers celui-
ci ?

Désirer empêche-t-il ou du moins rend-il difficile l’accès au Bonheur ou bien au contraire est-il le
chemin, voir le moteur, vers la félicité ?

 reformulation du sujet précisant les 2 niveaux d’obstacle : total, partiel  

Désir : au sens général, le désir est souvent défini par le manque. On ne peut, semble-t-il désirer que
ce qui nous manque. Manque à combler, naturel ou artificiel, limité ou illimité, réel ou illusoire.

Désir/Besoin
Le propre du besoin, c’est que son manque est strictement déterminable : si mon organisme a
besoin de calcium ou de fer, en consommer pourra combler entièrement ce besoin. De même si j’ai
besoin d’une voiture pour travailler, mon besoin sera satisfait quelle que soit la marque, la couleur, la
forme de la voiture. Il n’en va pas de même si “je désire” une voiture. Certes ce désir peut se greffer
sur un besoin réel, mais le désir s’éveille dès lors qu’une part de rêve, d’image, de fantasmes est lié à
cet achat : je n’achèterai pas n’importe quelle voiture, celle qui correspondra le mieux à mes rêves.

Il y a désir quand, visant un objet, je vise à travers lui autre chose que lui, un inconnu qui
s’ouvre par l'intermédiaire de signes que je perçois confusément.
Ce que le désir met en jeu  est moins un manque de quelque chose qu’une recherche de soi, “un
manque à être”. Il appartient alors à son essence de ne pouvoir être satisfait, contrairement au besoin.
Il est une recherche sans fin. De plus, le désir met en jeu le désir de l’autre : la concurrence, la jalousie
montre que l’on désire souvent ce que les autres désir , à tel point que parfois le fait qu’autrui désir un
objet est ce qui rend cet objet désirable.

Plaisir : Satisfaction éprouvée lorsqu’un désir se réalise.

Bonheur :

Etymologiquement, la chance, le sort favorable (bonum augurium, ce qui est de bon augure, de
bon présage).
De façon générale, le bonheur se définit comme un sentiment de plénitude durable; on le
distingue du plaisir ou de la joie, qui ne sont qu’éphémères, mêmes s’ils ne sont pas nécessairement
contraires au bonheur et peuvent en être les moyens. Le bonheur est une fin en soi, une fin dernière :
on ne recherche le bonheur pour rien d’autre que pour lui-même. Appelé le Souverain Bien par les
philosophes antiques.

 Deux synonymes : béatitude, félicité.


I. Le désir constitue un obstacle au bonheur s’il est conçu comme un manque
matériel insatiable

A. Car le désir fait de nous des esclaves

Lettre 123 :
Quels principes adopter pour éviter le malheur ?
Ces principes ont été annoncés à plusieurs reprises dans les 122 lettres précédentes  ici, récapitulatif
[1] & [2] : Introduction : Récit d’une anecdote récemment vécue dont SENEQUE se sert pour rappeler
les bases de la doctrine stoïcienne dont il se présente comme le défenseur. Le stoïcisme n’est pas une
doctrine abstraite mais un mode de vie qui consiste à rester maitre de soi en toute circonstances
(stoïque).
[3] à [5] : On reste maître de soi en limitant ses désirs afin de ne pas dépendre des circonstances car
celles-ci sont imposées par la fortune (la providence)  la nécessité.
Donc, puisqu’on ne peut pas s’opposer à la nécessité, on l’accepte ; accepter est difficile car
spontanément, la colère et le chagrin s’imposent.
Spontanément : La philosophie stoïcienne apprend à dépasser cette spontanéité par la raison mais cela
suppose un entraînement.

Bilan :
Il faut préparer son âme à affronter tous les sentiments qui pourraient la troubler car ce qui trouble
l’âme la rend malheureuse, donc, pour éviter le malheur il faut rechercher la sérénité.

[6] & [7] : On reste maître de soi en réglant ses désirs non pas sur ceux imposés par la mode mais
limités par la raison.

Monde extérieur Notre intériorité

Société, ses usages, ses modes qui cherchent à Au départ régie par la nature qui nous a donné la
influencer raison pour guide

 Changement incessant,  désir réel car il s’agit d’un besoin


 désirs illusoires

Bilan :
La société nous entraine dans une surenchère de désir qui ne sont qu’illusoires quand elle nous laisse
croire que le bonheur se trouve dans leur satisfaction alors qu’en réalité, les satisfaire fait de nous des
esclaves donc pour éviter le malheur, il faut se libérer de l’influence de la mode et ne faire confiance
qu’à la raison en ce qui concerne la maîtrise des désirs. Ces derniers sont envisagés par SENEQUE de
façon péjorative. Il faut apprendre à ne plus désirer et ne satisfaire que ses besoins (SENEQUE était
moins intransigeant dans la lettre 5).
[8] à [17] : En restant maître de soi en se protégeant des influences extérieurs qui propagent le vice au
lieu d’encourager la vertu.

Vertu : « disposition réfléchie et volontaire qui porte à faire le bien et éviter le mal ». Elle consiste à
lutter contre les désirs (la recherche des plaisirs). Lutter suppose force et courage. Du latin virtus : le
courage. Vir : l’Homme, le mâle, la virilité. Le vice est le contraire de la vertu.

Vice Vertu
Associé au mal Associé au bien

Très rependu au point de constituer la norme  il est difficile [13] : elle consiste a ne pas désirer ce qui semble le + enviable
de résister à la pression du vice. (ex : les biens matériels) et à accepter la nécessité (maladie, mort)
en toute conscience et sans se révolter. Ex : lettre 30.
Vice : perversion : attitude contre-nature.
[15] & [16] : Mise en garde contre les hypocrites qui enseignent la
Justice : Qualité morale consistant à rendre à chacun ce qui vertu mais ne la pratique pas tout en se faisant passer pour des
lui est dû c’est-à-dire à ne pas chercher à s’approprier ce qui sages.
n’est pas à nous que ce soit un bien matériel ou immatériel.
[16] & [17] : La vertu s’apprend par l’exercice.
[10] & [11] : ce qu’enseigne l’opinion vicieuse : mépris de la
vertu, de la philosophie et de la justice. Et glorification de la
jouissance par tous les moyens  Hédonisme.
 Comme les sirènes finissent par dévorer les marins attirés
par leur chant, l’homme vicieux finit détruit physiquement et
moralement par les plaisirs

Hédonisme : Au sens péjoratif : assimiler le bonheur au


plaisir sans distinction aucune.

Bilan :
Cette lettre montre en quoi consiste la philosophie dans l’antiquité : elle est une façon de vivre
(art de vivre selon la vertu) et par conséquent, elle se pratique sans se réduire à des connaissances
abstraites. En ce sens, la philosophie stoïcienne ressemble plus à ce que les orientaux appellent
« philosophie » car ce que nous appelons aujourd’hui en occident « philosophie ».
Cette lettre est un exemple d’eudémonisme. Ainsi, le stoïcisme comme d’ailleurs l’épicurisme
est une sorte de recette pour être heureux. Le bonheur stoïcien consiste dans l’apathie.

L’eudémonisme est la doctrine morale qui fait du bonheur le souverain bien, le but ultime de toute
vie.

Apathie : l’absence de passion. C’est une sorte de « self control » pour être le moins touché possible
par les accidents de la vie. C’est le moyen de se mettre en sécurité en s’habituant à vivre détaché des
plaisirs et préparé à la souffrance. En effet, nous sommes malheureux si nous sommes privé de nos
plaisirs habituels qui faisaient de nous leurs prisonniers.
 Le bonheur stoïcien suppose donc aussi la liberté
B. Car le désir nous attache à l’accidentel mais nous éloigne de l’essentiel.
Texte de St Augustin « La vie heureuse ».
 Est un philosophe et théologien romain du IVème siècle.
Un des pères de l’Eglise  à l’origine, l’assemblée de ceux qui croient en la résurrection de Jésus et
en la toute-puissance de Dieu, son père.
 Christianisme, Chrétiens.
Extension géographique et en nombre de fidèles entre les Ier et IVème siècles.
AUGUSTIN fait parti de ceux qui ont abandonné le paganisme (religion polythéiste des païens) pour
se convertir au christianisme sous l’influence de sa mère.
AUGUSTIN accède à de hautes responsabilités dans l’église. Il devient évêque d’Hippone.
Le christianisme repose sur les évangiles.
PB : ce livre : récits, témoignages.
 Ne fixe aucune règle, aucun dogme,
 Les 1er Chrétiens ne disposent d’aucune loi contrairement aux juifs (la Torah).

 Lois et dogmes vont être fixés par les pères de l’église dont St Augustin.
Ce dernier rejette les principes et les valeurs du monde antique en particulier l’idée que le bonheur
existe.
Philosophie antique : Bonheur existe à condition d’adopter un mode de vie respectueux 
eudémonisme.
Philosophie chrétienne : Bonheur sur terre n’existe pas, seule la vie dans l’au-delà permet de le
connaître  la vie terrestre est une « vallée de larmes ».

Texte de Saint Augustin « la vie heureuse ».


Quels biens mènent au bonheur ?
1. « Une chose qu’on a quand on veut »  une chose qui dépend de nous.
2. « Permanent », qui ne dépende pas de « la fortune, le hasard »  une chose qui dépend de
nous à tous moments (≠ « mortel » « caduc »).
Objection de l’opinion : pourtant, on observe que des Hommes qui ont eu de la chance (ex : faire un
gros héritage inattendu) mènent une vie agréable même si les biens qu’il possède sont périssables.
Réponse : Plus on possède de biens matériels, plus on éprouve l’inquiétude de les perdre  on est
prisonniers des biens matériels mais aussi des sentiments pour les êtres mortels (peur de les perdre).

Complément à la réponse : posséder beaucoup n’empêche pas de désirer encore plus


 Sentiment de manque ≠ bonheur.
1 exception : les hommes capables de limiter leurs désirs, mais dans ce cas, leur bonheur provient de
cette capacité qui est une qualité morale (vertu) et non de la possession matérielle.
 Le bonheur ne se trouve donc pas dans le matérialisme, que ce soit au sens philosophique
(voir ci-dessous Epicure) ou au sens courant : croyances selon laquelle le bonheur réside dans
la possession et la consommation illimité de biens matériels et dans la réalisation de tous ses
désirs physique.
Mais alors, quel bien dépendant de nous, n’est pas soumis au temps et n’est pas matériel ?

Mais vous âme remplis, de la lumière de dieu, ne passera pas. Les ténèbres ne l’engloutiront pas. »
Cette citation met en évidence l’opposition entre l’essentiel et l’accidentel.

Essentiel : Ce qui fait qu’une chose est et ne pourrait être autrement ; ex : l’âme, Dieu.
L’accidentel : Ce qui est mais pourrait ne pas être ou être autrement ; ex : le corps, les civilisations
bâties par les hommes.
C. Car le désir n’a pas de fin dans tous les sens du terme.
Pour Schopenhauer, le bonheur n’est qu’illusion, un idéal que les hommes se sont forgés mais
qu’ils ne parviendront jamais à atteindre. Selon lui, l’homme est sans cesse obsédé par ce qu’il n’a pas,
sans se réjouir de ses acquis : nous serions l’esclave de nos désirs. Nous serions donc condamné à
désirer sans répit, nous croyant libre alors que nous sommes manipulé par notre volonté.
 Rapprochement entre Arthur Schopenhauer et Georges Duroy, personnage pessimiste du
roman « Bel Ami » de Maupassant.
Ccl : Nous sommes asservis à nos désirs ce qui nous empêche d’accéder au bonheur et à l’idéal que
nous nous sommes fixés.

II. Mais est-ce le désir lui-même qui empêche d’être heureux ou sa nature ?
A. Seuls les désirs naturels sont largement des besoins qui conduisent au bonheur ?

EPICURE p. 554 à 557


Hédonisme, matérialisme, ataraxie p.568
ATTENTION : le langage actuel donne aux mots épicuriens et à l’épicurisme un sens qui n’a plus de
rapport avec la philosophie d’EPICURE.

La philosophie d’EPICURE est un hédonisme non pas au sens péjoratif du mot (voir I. A. : rechercher
aveuglément tous les plaisirs et fuir systématiquement tous les déplaisirs). Mais au sens
philosophique : elle fait résider le bonheur dans le plaisir  le bonheur n’est pas spirituel mais
matériel = EPICURISME
 La philosophie d’EPICURE est matérialiste, selon le matérialisme au sens philosophique, rien
n’existe en dehors du monde matériel, ce que l’on appelle esprit n’est qu’un prolongement de
celui-ci, le monde matériel est constitué d’atomes qui prennent des formes multiples.
 Etudier ce monde matériel c’est étudier la nature : la physique dont la connaissance permet
d’adopter un mode de vie qui rendra heureux car il sera conforme à la nature.

Hédonisme : « Le plaisir est le principe et la fin de la vie bienheureuse »


Principe : le début, le commencement
La fin : but, finalité
 Il n’y a pas de Bonheur en dehors du plaisir (= de la satisfaction d’un désir MAIS il ne s’agit
pas de satisfaire tous ses désirs, il faut identifier leur nature et ne réaliser que ceux qui
fonctionnent « la santé du corps l’absence de trouble dans l’âme).

 Il faut distinguer les désirs : p. 355,4

 Naturels, nécessaires  besoins, leur satisfaction calme la douleur engendrée par le


manque.
Ex : l’eau calme la douleur.
Ces désirs peuvent tous être satisfaits par des produits puisés directement dans la nature
(eau, fruits…).

 Naturels non nécessaires ; ex : la sexualité.


 Désirs vains (vanité : ce qui est vide, qui ne contient rien de fondamental) ; qui sont créés
par la société (richesse, gloire, possession amoureuse).

Lorsque les désirs naturels nécessaires sont satisfaits et que l’on s’abstient de satisfaire les
désirs vains, on atteint l’ataraxie = l’absence de troubles physiques car suivre la nature permet de
rester en bonne santé ; or, être en bonne santé est une condition du bonheur ; mais parfois, pour rester
en bonne santé, il faut accepter momentanément la douleur.
D’autre part, c’est l’absence de troubles psychologiques en s’habituant à ne satisfaire que ses
désirs naturels, on s’habitue a se contenter de peu. Par conséquent, on ne risque pas d’être malheureux
à cause de privation et sera capable d’apprécier pleinement ce qui sort de l’ordinaire.
Enfin, en ne recherchant pas la gloire, en ne se mêlant pas de politique et en fuyant les
complications amoureuses, on évite toutes les causes d’inquiétude et d’angoisse qui rendent en général
malheureux.

Athènes  EPICURE (-111ème siècle)


Rome  LUCRECE (1er siècle)

B. Mais que vaut la notion de désir naturel dans la société ?


Texte de Karl Marx « Travail salarié et capital ».
Pour l’épicurisme, tant qu’un désir est naturel, il n’est pas un obstacle au bonheur  les épicuriens
invitent à vivre à l’écart de la société et de ses tentatives (jardin) afin de ne pas connaître la frustration.
Frustration : Souffrance causée par la non satisfaction d’un désir.
 Ce qu’Epicure appelle désir naturel est en réalité le besoin.
PB : Que vaut cette équivalence, tous les besoins sont-ils naturels ?

Journaliste, économiste, philosophe et homme politique Allemand du 19 ème siècle. Il développe une
doctrine matérialiste (au sens philosophique).
Epicure : besoins fixés par la nature.
 Ils sont absolus et universels (identiques partout et toujours).

Marx : « Nos besoins sont relatifs par nature ».

Nature : leurs caractéristiques fondamentale.


Relatif : Dépendant de la société.
Nos besoins : Ne sont pas limités à des besoins originels naturels mais évoluent en même temps que
le progrès technique et social.
Marx réfute donc la notion de besoin naturel. Tout besoin est en réalité un manque que l’on constate en
comparant sa capacité à le satisfaire ou non à celle des autres. Ainsi, même si posséder une maison qui
permet d’être correctement logé semble suffire au bonheur ce ne sera pas le cas si cette maison ne
dispose pas de tout le confort dont bénéficie la grande majorité des autres maisons. Par conséquent,
dans la société industrielle qui invente sans cesse de nouvelles techniques et les commercialise, les
besoins ne cessent de s’accroitre car l’objet nouveau qui répondait au départ à un simple désir peut
s’avérer indispensable pour être intégré socialement.
C. Et si le désir rendait heureux seulement en ne se réalisant pas.

Idéal/ réel
Texte de Rousseau « Julie ou la nouvelle Héloïse ».
Problématique : La réalisation d’un désir conduit-elle au bonheur ou bien à la désillusion ?

1ère partie : De « Tant qu’on désire » ligne 1 à « avant d’être heureux » ligne 8.
2ème partie : De « En effet, l’homme » ligne 8 à « au gré de sa passion » ligne 13.
3ème partie : De « Mais tout ce prestige » ligne 14 à la fin du texte.

Mots de liaison  plan du texte en 2 ou 3 parties avec possibilité de sous-parties.


1e possibilité : de la ligne 1 à 8, Rousseau affirme que désirer rend « heureux » « en effet » ligne 8
introduit une justification : c’est imaginer le bonheur qui rend heureux « mais » ligne 14 marque une
opposition, la concrétisation du désir déçoit.
2ème possibilité : de la ligne 1 à 3, Rousseau associe l’espoir au bonheur ; « ainsi » lui permet de
déduire que l’absence de désir constituait le malheur. Il justifie son point de vue « en effet » en
opposant « mais » l’imagination qui rend possible tous les plaisirs (ligne 8 à 14) à la réalité décevante
(ligne 15 à la fin).

Rousseau distingue l’idéal ≠ le réel.

L’idéal : Ce qui n’existe pas dans la réalité, ce qui est abstrait car existant seulement dans l’esprit.
 La perfection, le modèle rêvé offre tous les possibles.

Le réel : Ce qui existe dans la réalité, qui est concret ou du moins perceptible, sensible.
 La confrontation entre notre rêve et le monde réel. Le rêve n’est jamais à la hauteur du rêve
car il est limitatif, fini.

Rousseau réhabilite le désir car contrairement au philosophe stoïcien ou chrétien, il ne


l’associe pas au vice ou au péché mais il en fait un moyen pour accéder au bonheur. Avec Rousseau, le
désir n’est donc plus un obstacle au bonheur. Cependant, cette réhabilitation reste limitée puisque,
contrairement à Epicure par exemple, Rousseau associe désir et bonheur à condition de ne pas réaliser
ses désirs. Ainsi, le bonheur selon Rousseau consiste dans l’attente, l’espoir, le rêve, toujours plus
satisfaisant que la réalité.

III. Et si le bonheur résidait au contraire dans la réalisation de ses désirs ?


A. Le sage accède au bonheur en apprenant à connaître ses désirs et en réalisant
certains d’entre eux.
SPINOZA, philosophe du 17ème siècle.
Il écrit l’Ethique. Cet ouvrage qu’il ne publiera pas développe le principe essentiel de sa philosophie :
la libération de l’homme par la connaissance.
Il le rédige à la façon des démonstrations mathématiques car il emprunte à Descartes l’idée que le
raisonnement mathématique doit servir de modèle à tout raisonnement.
CQFD – ce qu’il fallait démontrer.

L’éthique :
 De façon général, elle consiste à s’interroger sur ce qu’est vivre bien et à fixer des règles pour
y parvenir mais, contrairement à la morale, ces règles sont individuelles.
 L’éthique est un terme mieux adapté pour parler des règles de vie proposées par les anciens
que le terme morale car il préserve une large part de liberté et de raison dans la recherche du
bien.
 Ce sens ancien se retrouve chez SPINOZA qui propose une philosophie pour la conduite de
l’existence.

Le désir pour SPINOZA : un effort, un dynamisme visant au maintien individuel dans l’existence.


Ce désir est fondateur : par lui, l’individu s’efforce d’accroitre sa puissance d’exister. « Le désir est
l’appétit avec la conscience de lui-même : or, l’appétit est l’essence même de l’homme en tant qu’elle
est déterminée à faire ce qui est utile à sa conservation ».
Spinoza propose donc une définition qui contredit la conception traditionnelle du désir.
Tradition, ex : Sénèque : désir = manque  souffrance.
Spinoza : Désir = instinct de survie (« impulsions »)  ne conduit pas nécessairement à la souffrance.
Il s’oppose donc aux stoïciens et aux chrétiens qui associent le désir au vice, au mal, à la tentation, au
péché.
Le désir est donc « neutre ». Il peut conduire vers la joie ou la tristesse.

La Joie La Tristesse

Par joie, j’entendrai donc dans la suite une Et par tristesse une passion par laquelle on passe
passion par laquelle l’esprit passe à une plus à une perfection moindre.
grande perfection…

Pourquoi le désir peut-il conduire à la tristesse, c’est-à-dire la servitude et la souffrance ?


Parce que les hommes sont ignorants et ne résonnent pas :

 Soit ils satisfont tous leurs désirs de façon spontanée et se nuisent à eux-mêmes et aux autres
(attitude courante de l’opinion qui conduit à la superstition au fanatisme).
 Soit ils s’efforcent de n’en satisfaire aucun et vivent dans la frustration (attitude recommandée
par la morale).
Dans les deux cas, ils subissent passivement les désirs.

Au livre IV, Spinoza explique comment faire pour que le désir conduise à la joie.
Il faut mener une réflexion éthique pour que la connaissance permette de passer de l’état passif et
servile vis-à-vis des désirs à un état actif et libre.

Autrement dit pour devenir libre.


Etre libre au sens moral, c’est décider seul et en connaissance de cause de ses actes.
 Il faut transformer les désirs, qui sont passifs puisque venus de l’instinct, en désirs actifs venus
de la raison.

Pour cela on doit :


1. Apprendre à se connaître = réflexion (observation de soi par soi)
2. Choisir, parmi ses désirs, ceux qui méritent d’être réalisés = ceux qui procureront de la joie en
ne nuisant à personne
3. Réaliser ses désirs librement choisis pour se procurer de la joie, matériau constitutif du
bonheur
L’homme libre

 Recherche son bien (=joie) et celui d’autrui non par crainte du mal mais pour lui-même.
 S’est débarrassé des préjugés, des superstitions
 Méprise les faux biens
 Se méfie des ignorants et des dangers du monde social
 Recherche la vérité plus que la gloire
 Recherche une jouissance concrète d’exister sans peur du péché
 Est plus soucieux de la vie que de la mort
Grâce à l’ensemble des joies procurées par la satisfaction active et libre des désirs, atteindra le
bonheur, la béatitude, c’est-à-dire l’état de perfection accessible aux hommes.

Le bonheur par la joie est immanent

Immanent : Ce qui est présent dans le monde concret, réel, et se limite à lui.

Transcendant : Ce qui dépasse l’ordre de la réalité et qui correspond donc à l’idéal (ex : Dieu, le
bonheur après la mort…). 

Mais au livre 5, Spinoza précise que c’est le privilège du sage


« On voit par là quelle est la force du Sage et comment il est supérieur à l’ignorant, conduit par ses
seuls désirs sensuels. »

B. Comment réhabiliter le plaisir et l’intérêt personnel peut-il contribuer au bonheur ?


Moral, intérêt, utilitarisme.
De l’intérêt au bonheur : l’utilitarisme de Mill.

L’intérêt :
Au sens financier, somme versée par l’emprunteur au prêteur  l’argent rapporte de l’argent 
condamnation de l’Eglise, interdiction aux chrétiens d’être banquiers.
 Sens très péjoratif qui se retrouve dans le langage courant ; ex : être aimable par l’intérêt.
Pourtant, on dit par exemple de telle œuvre d’art qu’elle a de l’intérêt (= est intéressante) ou n’en a pas
(= ne vaut pas la peine qu’on lui prête attention).

Donc, dans les deux cas, l’intérêt motive


Mais il est déprécié et même condamné par la morale chrétienne qui n’y voit qu’égoïsme et avarice…
… alors qu’il est valorisé par un courant de pensée qui va se développer chez le Anglais au 18 ème &
19ème siècles, l’utilitarisme.
Un philosophe utilitariste, Mill (1806 – 1873).
Travaillait avec son père pour la Compagnie de Indes lorsqu’il était jeune. Un des premier grand
féministe anglais. Il est venu se réfugier en France après le décès de son épouse. Il était le parrain de
Bertrand Russell.

Qu’est-ce que l’utilitarisme ?


Doctrine qui fait de l’utilité, le seul critère de la moralité : une action est bonne dans la mesure où elle
contribue au bonheur du plus grand nombre.
 Les hommes étant guidés dans leurs actions par leur seul intérêt, au lieu de lutter contre cette
tendance comme le fait la morale chrétienne, l’utilitarisme propose de l’exploiter tant qu’elle
profite à la majorité.

Le Bonheur selon l’utilitarisme


Ce qu’il n’est pas : Un état de perfection où la souffrance et le manque seraient absents or l’opinion a
trop souvent cette illusion, ce qui l’empêche d’être heureuse.
Ce qu’il peut être : Un ensemble de satisfactions matérielles et « spirituelles » qui domine mais
n’exclus pas certaines souffrances.
Le bonheur est constitué de plaisirs satisfaisants les désirs qui n’entrent pas en contradiction avec
l’intérêt de la majorité.

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