Vous êtes sur la page 1sur 2

Chapitre IV - Le bonheur est-il accessible aux Hommes ?

« Tous les Hommes veulent être heureux, même celui qui va se pendre », Pascal

Le bonheur vient du latin « bonum augurum » qui signifie de bonne augure, c’est à dire ce qui arrive par
hasard et par chance. En français, c’est une contraction de ce qui arrive à la bonne heure. Etymologiquement,
c’est le bonheur qui nous choisit et pas nous qui le choisissons. Le bonheur n’est pas un sentiment mais un
état de totale satisfaction durable dans le temps contrairement à la joie qui elle est temporaire. Le bien-être
est le plaisir que l’on éprouve lorsque l’on a satisfait un besoin ou un désir. La félicitée, la béatitude sont des
bonheurs mais d’ordre plus spirituels et religieux.

D’après l’étymologie, on ne peut qu’attendre le bonheur. Doit-on attendre le bonheur, ou le construire ?

I - En quoi le bonheur est-il indéfinissable ?

Le bonheur semble indéfinissable car on ne peut le généraliser et il est propre à chacun. Selon Kant, si la
question du bonheur est insoluble, c’est parce que l’Homme est dans l’impossibilité de déterminer à l’avance
ce qui nécessairement le rendra heureux. L’Homme imagine parfois ce qui le rendra heureux mais comme il
n’est pas omniscient, il n’a pas la capacité à tout connaitre, il ne peut pas avoir de certitudes. Attention, Kant
ne dit pas qu’on ne peut pas trouver le bonheur, mais il dit qu’il est impossible d’en donner une définition
précise car on n’a aucun certitude. Peut-être que, pour éviter les erreurs d’aiguillage dans la construction de
notre bonheur, il faudrait apprendre à mieux nous connaitre, c’est à dire savoir à quoi nous aspirons. Ainsi,
nous pourrions vivre en harmonie avec nous-même.

II - Doit-on attendre le bonheur ?

D’après l’étymologie on ne peut qu’attendre le bonheur, qui ne dépend pas de nous mais du hasard et de la
chance. En conséquence, l’Homme serait réduit à attendre que le bonheur lui tombe dessus. Il s’interdirait
donc d’intervenir sur le cours des évènements (passivité). Il est vrai que dans la vie, tout ne se passe pas
toujours comme prévu. Les stoïciens distinguaient ce qui ne dépend pas de nous, de ce qui dépend de nous.
Ne dépendent pas de nous tous les évènements extérieurs. Celui qui prétendrait que tout dépend de lui serait
malheureux car il prendrait ses désirs pour des réalités et il serait prisonnier de ses illusions. Attention, ce
n’est pas parce qu’on admet qu’il existe un principe de réalité que la réalité est nécessairement l’ennemi de
notre bonheur. On est heureux parfois au moment ou ne s’y attend pas, la réalité dépasse parfois la fiction.
Penser à l’opposé que seul la chance nous sourira et que notre bonheur ne dépend pas du tout de nous, c’est
renoncer à le construire et c’est accepter l’idée d’être né sous une bonne ou une mauvaise étoile. Un Homme
ne peut se résoudre à l’idée qu’il est condamné à être heureux ou condamné à être malheureux. Peut-être que
le meilleur moyen d’apprivoiser la chance est d’accepter humblement l’idée que la chance ne dépend pas de
nous, qu’il n’est pas en notre pouvoir de la convoquer. Ne pas attendre la chance, car si on passe sa vie à
l’attendre, on risque d’être malheureux de ne pas être heureux. Il faut savoir saisir la chance lorsqu’elle se
présente et se concentrer uniquement sur ce qui dépend de nous.

III - Comment faire pour être heureux même si tout ne dépend pas de nous pour y arriver ?

1) Faut-il rechercher le bien-être pour être heureux ?

Le bien-être, c’est le plaisir éprouvé lorsque l’on a satisfait un besoin et plus largement, lorsque l’on satisfait
un désir. A l’heure actuelle, on a tendance à confondre bonheur et bien-être. Le problème est que si on pense
que le bonheur c’est de posséder, alors quand on possède on a envie de posséder toujours plus. La logique
économique actuelle tend à nous faire croire que le bonheur se trouve dans la prospérité. La preuve : à
l’heure actuelle, on mesure le moral des ménages aux revenus et à la consommation. Cette confusion
bonheur/bien-être est un héritage des Lumières du 18ème siècle. Ils cherchaient à éradiquer le malheur,
l’ignorance, la superstition et avaient foi au progrès des sciences et des techniques. En conséquence, à
l’heure actuelle, la moindre souffrance physique, la moindre perturbation est considéré comme une anomalie,

Page 1 sur 2
alors que vivre c’est rencontrer des moment plus ou moins difficiles. Nous voulons être heureux à temps
complet. Le malheur est devenu hors la loi. Le problème est que plus le PIB d’un pays est élevé, plus sont
élevées les meurtres, les suicides, les dépressions. Il semblerait qu’on fasse fausse route en conjuguant
bonheur et prospérité.

2) Faut-il maîtriser nos désirs ?

L’Homme est un être de désir. Le mot désir vient du latin desiderare : siderus = étoile. Etymologiquement,
cela signifie « le regret de l’absence d’une étoile ». Un étoile est inaccessible, donc le désir est
perpétuellement insatisfait. C’est la raison pour laquelle durant l’Antiquité, le désir était considéré comme
l’ennemi du bonheur. Le désir est un état de manque car on ne désire que ce que l’on n’a pas. Le manque ne
permet pas d’atteindre l’ataraxie. C’est la raison pour laquelle, selon Épicure, il faut maitriser nos désirs
pour atteindre l’ataraxie. Vouloir combler tous ses désirs est impossible. Le mieux est donc d’effectuer un tri
dans ses désirs. Seuls les désirs naturels et nécessaires doivent être comblés. Il disait : « Le plaisir est le
commencement et la fin d’une vie heureuse ». Attention, il ne s’agit pas d’un plaisir de débauché. Le vrai
plaisir consiste à ne pas être troublé. D’où seule la satisfaction de nos besoins nous permettra d’être heureux.
Il n’est pas épicurien car à l’heure actuelle, par épicurien on entend celui qui est un bon vivant. Il proposait
un genre de vie très austère. Les Stoïciens considéraient que le désir excessif était l’ennemi du bonheur. Il
faut donc se détacher de tous ses désirs excessifs. Pour eux, le bonheur c’est de parvenir à se détacher de tout
ce qui pourrait nous perturber. C’est un idéal d’indifférence et d’imperturbabilité. Penser que le bonheur
consiste à maitriser voire à supprimer certains désirs c’est aliéner l’Homme, qui est un être de désir. Un
Homme sans désir n’aurait plus rien à attendre de la vie. Nos désirs sont nos raisons de vivre. En créant ses
désirs, l’Homme a compris qu’il pouvait orienter le cours de son existence, contrairement à l’animal qui ne
fait que suivre aveuglément ses instincts. Au fond, l’Homme désire désirer avant tout et le désir n’est pas une
menace pour notre bonheur à partir du moment où on restera maître de nos désirs.

3) Comment être heureux dans un monde malheureux ?

L’Homme ne peut pas être heureux tout seul. Le désir n’est pas un idéal égoïste. Contrairement à l’animal,
l’Homme ne peut pas se contenter de plaisirs physiques. Faire un bon repas, être en bonne santé sont des
biens précieux mais humainement cela ne nous suffit pas. Dans l’Antiquité, on pensait que l’humain ne
pouvait s’accomplir que dans la société. D’où Aristote disait de l’Homme qu’il est un animal politique, qu’il
faut qu’il soit actif pour construire le bien-vivre ensemble. Rien ne vaut un pays en paix, une bonne
éducation, une société qui offre des droits et des libertés. On doit vouloir le bonheur de tous et non un
bonheur égoïste. Attention, ce n’est pourtant pas à l’Etat de s’occuper de notre bonheur (texte Tocqueville).
Le but de la politique, ce n’est pas de faire notre bonheur à notre place, mais c’est de faire en sorte qu’on soit
le moins malheureux possible ensemble. Il faut être réaliste, les Hommes fonctionnent à l’égoïsme et non à la
générosité. Le rôle de l’Etat est de nous rendre égoïste ensemble et non les uns contre les autres et de
développer en nous la solidarité (que l’on vise un but commun).

Conclusion

Les Hommes sont souvent malheureux de ne pas être heureux à temps complet. Tout le monde sait que les
instants de bonheur sont plutôt rares et que souvent on en prend conscience une fois qu’ils sont terminées.
Jacques Prevert : « j’ai reconnu le bonheur au bruit qu’il faisait en partant ». Peut-être que la vraie sagesse
n’est pas de rechercher le bonheur à tout prix car on va être frustrés de ne pas y parvenir, mais c’est peut-être
plus modestement d’être heureux de ne pas être malheureux. Sur un plan psychologique, il existe des traits
de caractère qui prédisposent au bonheur. Avoir de l’estime de soi, être optimiste, permet de prendre la vie
avec plus de légèreté. Un Homme qui s’estime va prendre plus rapidement des décisions pour agir. S’il
échoue, cela ne remettra pas en question le regard qu’il porte sur lui-même. On appelle ces traits de caractère
le système immunitaire du psychisme, ils permettent de nous protéger. Dans le domaine philosophique, on ne
peut pas accepter l’idée que le bonheur soit le fruit du hasard. Le bonheur est propre à chacun et on sait qu’il
y a quand même des composantes qui sont nécessaires : pour être heureux, il faut avoir le sentiment de
décider du sens qu’on donne à sa vie, de la contrôler, il faut entretenir des relations positives aux autres, il
faut essayer de profiter du monde et ne pas se lamenter en permanence.

Page 2 sur 2

Vous aimerez peut-être aussi