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Virgile est un poète latin du premier siècle avant Jésus Christ. Il est né le 15 octobre 70. Son nom
complet Publius Virgilius Maro dans un petit village du nord de l’Italie : Mantoue, une région de
cultivateurs, très fertile. Elle n’est devenue une province romaine qu’en 81 avant Jésus-Christ, soit 11
ans avant la naissance de Virgile. Ce n’est que vers 40 avant Jésus Christ que la ville, sous l’intervention
de César, obtient le droit de citoyenneté romain, Virgile fait partie de ces nouveaux romains qui ont
acquis leur droit de citoyenneté au cours de leur existence.
Il est issu d’une famille de cultivateurs, dont on hésite du niveau social. Quand il traite de la question
agricole, il traite d’un sujet qu’il connaît de près. Virgile va suivre un enseignement de haut niveau,
d’abord à Crémone non loin de Mantoue, puis dans la grande ville de la région Milan où il suit un
enseignement de rhétorique. La rhétorique donne accès aux fonctions politiques et militaires. Il suit
l’enseignement d’Epidius. Il sera aussi le professeur de rhétorique d’Octave qui, aux termes des guerres
civiles de Rome, devient le chef de Rome qui a transformé en profondeur l’organisation politique de
Rome en devenant le premier empereur sous le nom d’Auguste. Si Virgile n’a pas fréquenté Octave, il
a fréquenté des gens de son entourage, qui ont eu accès à de hautes fonctions politiques.
Le problème est que Virgile déteste la rhétorique. On a un portrait de lui comme étant quelqu’un de
timide qui n’a pas la parole aisée en public. Il fait partie de ces écrivains qui n’ont pas grand-chose à
dire lorsqu’on leur adresse la parole, sans grande qualité d’orateur. Il préfère se consacrer à des
travaux poétiques. Il faut dire que la poésie est à la mode car Rome connaît le développement des
poetae novi (poètes nouveaux), dont le plus connu est un poète du nom de Catulle, d’origine de la
Gaule Cisalpine, du nord de l’Italie comme Virgile. Il s’inspire d’une autre école, qui est celle de la
poésie alexandrine, sous l’influence de Callimaque, on assiste à un renouveau de la poésie en Grèce.
Sous cette influence, on va intégrer à Rome cette nouveauté poétique.
Virgile va ensuite s’installer à Rome. Sans beaucoup d’informations sur cette période, on estime qu’en
49 avant J.C., Virgile décide de quitter Rome qui ne lui plaît pas, sans doute parce que c’est une très
grande ville (l’une des plus désorganisée de l’Antiquité). La raison principale tient sans doute au fait
que la façon de s’illustrer à Rome par la voie oratoire n’est pas le modèle qui séduit Virgile. C’est aussi
une période de troubles politiques qui dégénèrent en coups de mains entre groupes de faction qui
s’opposent et parfois laissent des morts. Cela a conduit Virgile à se détourner de la vie romaine et à
s’orienter vers l’actuelle Naples, une ville du sud de l’Italie conquise par les Grecs. Même si Rome a fini
par prendre la domination sur le Sud de l’Italie, il est resté beaucoup de villes sous l’influence de la
culture grecque, beaucoup la philosophie.
C’est par Naples que la philosophie entre à Rome, parmi lesquels celui de l’épicurisme qui prône le
retrait du monde dans une communauté de philosophes, d’amis. C’est dans l’un de ces cercles
épicuriens, dirigé par Siron, que Virgile décide de se retirer pour se consacrer aux choses vraiment
importantes et se consacrer à un mode de vie vraiment philosophique et va devenir un fervent
partisan. Il va vivre dans cette communauté pendant plusieurs années et s’y fait plusieurs amis, donc
ceux qui ont participé à l’édition posthume de l’Eneide. A la mort de Siron, qui anime cette école
C’est en 43 que Virgile finit par se détourner de la philosophie. Il s’en détourne car il éprouve un désir
d’engagement politique, car il apparait à Rome un jeune homme que Virgile a peut-être connu à ses
cours de rhétorique, qui est en train de devenir le maître de Rome et aspire à clore l’épisode de guerre
civile et de désordre par des réformes politique. Ce jeune homme est Octave. Virgile va se rapprocher
d’Octave par l’intermédiaire de Pollion. Pollion est une des rares personnes qui, pendant le dernier
épisode de la guerre civile, a eu des liens avec les deux partis, et a continué d’évoluer vers le pouvoir
politique. Ce n’est pas un homme de parti et a pu servir régulièrement à des échanges entre les deux
partis pour être un diplomate. Pollion va conseiller Virgile par les moyens qui sont les siens : la poésie.
Virgile voulait écrire une épopée qui glorifiait Rome, mais Pollion l’en dissuade en l’orientant vers un
genre plus pastoral : les Bucoliques qu’il a composées entre 39 et 38 avant J.C. Petit à petit, le texte de
Virgile est reconnu, ce qui permet à Virgile de rencontrer Mécène.
Mécène est un homme politique, proche conseiller d’Octave, poète à ses heures, amateurs des arts et
de la littérature, et qui a dans ses projets politique de restaurer l’Etat et les valeurs traditionnelles
romaines. Il a donc l’idée de restaurer la littérature. Mécène va s’entourer d’artistes, dont Horace. Ce
sont moins des courtisans que des artistes engagés dans la restauration des valeurs de Rome. Ils
veulent construire un monde en paix. Octave, dans la domination que Rome impose sur le Rome, est
le précurseur de la Pax Romana. Rome s’efforcera alors de mettre fin à toutes les querelles à l’intérieur
de son empire. Virgile est donc entré dans le cercle littéraire de Mécène qui l’encourage à écrire les
Géorgiques. Il lui donne l’inspiration à la paix et l’inspiration aux deux valeurs fondamentales que sont
labor et pietas (le travail, et le respect des Dieux). Son poème oppose aux passions en général,
notamment les passions belliqueuses, mais aussi de l’amour, en encourageant les valeurs pacificatrices
de Rome. D’où l’agriculture, car c’est par un geste agricole que Rome a été créée, ce geste par Romulus
qui a tracé un sillon, déterminant une terre sacrée qui a causé la mort de son frère Remus qui a décidé
de la franchir.
Les Géorgiques sont composées en deux temps, le second ayant permis de corriger la première si l’on
en croit le début de la troisième. Il remet à Mécène son ouvrage qui l’a lu à Octave. Ayant enthousiasmé
Octave, il se rapproche de lui devenu Auguste. C’est dans la proximité d’Octave que Virgile entreprend
donc finalement la composition de cette épopée qui lui tient à cœur depuis le début de son ascension
politique, racontant les origines et le destin de Rome : l’Eneide qui raconte de voyage d’Enée parti de
Troy pour trouver une nouvelle patrie. Son voyage va l’entraîner tout au long de la Méditerranée sur
la côte de l’Afrique du Nord (à Cartage où il a une aventure amoureuse malheureuse avec Didon). Il s’y
fait une place lors de combats qui reproduisent les combats de l’Illiade d’Homère. C’est L’Odyssée et
l’Illiade à la hauteur des Grecs. Pendant longtemps, les romains ont vécu dans un sentiment
d’infériorité culturelle par rapport à la Grèce. Le voyage en Grèce, ou dans des villes de culture
Grecque, faisait partie des formations des élites romaines. Il y a tout un jeu de clin d’œil, dans l’Eneide,
où Virgile se confronte aux Grecs.
Il s’appuie sur des connaissances techniques très solides en matière d’agriculture, son ouvrage est
même tenu comme source d’information fiables sur l’agriculture. Pour étayer son propos, Virgile se
rend donc en Grèce. C’est sur le chemin de la Grèce, qu’affaiblit par la chaleur, il meurt le 20 septembre
19.
Virgile était un perfectionniste, c’était surtout quelqu’un dont le mode de composition faisait que ces
textes sont achevés lorsqu’il en a fini la composition. Il conçoit ses poèmes comme un grand tout
orgiaque auquel il donne petit à petit de l’ampleur. La première partie n’est pas achevée lorsqu’il
Le livre 1 est consacré « Le labourage », le 2nd « Les arbres et les Vignes », le 3ème « Les troupeaux », le
4ème « Les abeilles ». Certaines réalités du monde agricole n’ont pas leur place dans cet ouvrage. Ce
n’est pas la première fois que Virgile chante la campagne. Il l’avait déjà fait dans les Bucoliques
appartenant au genre de l’églogue, où il chante la poésie et l’amour, en mettant en scène des bergers
d’opérettes occupés de poésie et d’amour, et qui évoluent dans un lieu harmonieux, agréable, locus
amoenus (lieux charmant). C’est ce doux lieu de la campagne dans lequel on peut aimer se trouver, et
qui provoque un sentiment de douceur. On voit que l’on évolue dans un contexte totalement idéalisé,
rien à voir avec les travaux de la terre et des troupeaux. Dans les Géorgiques en effet, il s’agit au
contraire de détailler les soins adonnés à la terre, une terre trop délaissée et malmenée durant les
guerres civiles que Rome a pu connaître pendant plus d’un siècle. Rome est pacifiée sous la domination
d’Octave. Il s’agit d’en célébrer la beauté profonde, réelle et non idéalisée, et pour cela il s’agit de
retisser les liens qui unissent les hommes aux végétaux et aux animaux, des liens laborieux qui passent
par le travail, par un engagement de soi. Ce rapprochement entre l’engagement du poète et celui du
paysan, le travail du poète et celui du paysan, ce lien entre l’engagement agricole et l’engagement
artistique. Dans l’espoir de retrouver avec le retour de la paix, la prospérité sous la conduite de ce
nouvel homme fort, Octave qui semble en voie s’accomplir la promesse faite par César à Rome, celle
de la paix et de la stabilité, nommé sous le nom de Pax Romana.
Le poème appartient donc au genre de la poésie didactique, l’un des grands genres poétiques pendant
l’Antiquité. Cela signifie qu’il y a dans ce poème des choses qui tiennent à l’enseignement, qui tiennent
au traité d’agriculture, et des informations techniques sur l’état des connaissance agricoles au 1er siècle
avant Jésus Christ. On n’avait pas vraiment besoin d’un traité agricole lorsque Virgile écrit les
Géorgiques, car en 37 avant Jésus Christ, un autre auteur Varon publie un traité d’agriculture « De re
rustica » (la connaissance agricole) qui suffisait amplement à l’information dans la matière. L’édition
aujourd’hui fait que l’on voit apparaître des dizaines de livres portant sur le même sujet pour des
raisons commerciales, alors que la nécessité de publier un autre texte ne se faisait sentir lorsqu’il fallait
corriger ou ajouter des connaissances. Virgile a donc d’autres objectifs en portant sur des sujets plus
profonds tels que la guerre, la paix, la mort, l’inscription de l’Homme dans la nature et même l’ordre
du monde dans le cosmos tout entier, ce qui implique des considérations sur les Dieux, sur l’action et
la présence des dieux parmi nous, et qui n’échappent pas à l’enseignement proposé par le texte.
On verra dans un second temps que les Géorgiques sont un poème didactique, et quels sont les
enseignements de ce poème.
Dans quelle mesure est que le Labor (le travail) est dans les Géorgiques une question politique.
L’évocation des grands fléaux qui frappent l’humanité, à savoir l’amour, la maladie, la mort.
I. Livre 1 : Le labourage
1) Pages 37-40
Le livre commence par une brève introduction à l’argument général faisant référence aux quatre livres.
Une voie d’invocation dédiée à Mécène précède l’invocation aux dieux tutélaires des champs et à
Octave.
2) Pages 41-43
Le traitement approfondi du sujet commence avec l’évocation des travaux agricoles à partir du
commencement de l’année au printemps, avec la fonte des neiges. Virgile y traite comment préparer
la terre pour les semailles, comment labourer, il traite de l’alternance des cultures. Tout cela procure
des connaissances précieuses sur l’enseignement à Rome. Il informe sur le traitement des cultures,
l’alternance des différentes saisons, de l’irrigation. Virgile montre qu’il y a là matière à enseigner.
4) Pages 49-64
Parmi tous ces préceptes, et les plus nombreux concernent la voute céleste des astres, leur
observation, des signes qu’ils fournissent et l’inscription du travail du paysan dans le cycle des saisons.
Les paysans devront en effet observer les astres qui serviront à les orienter ainsi qu’ils guident les
marins, les étoiles indiquent en effet le bon moment pour semer. Ici s’insère une digression sur la
course du soleil et sur les saisons. Chaque saison a des activités qui lui sont propres, même celles des
pluies, et il y a des travaux qui peuvent aussi être effectués les jours fériés. Virgile va énumérer des
recommandations suivant l’usage du temps et du calendrier. Il traite des jours plus ou moins propices
du calendrier lunaire. Certains travaux doivent être faits la nuit, d’autres le matin. En hiver, lorsque les
navires sont également au repos, on peut profiter de la chasse et d’autres divertissements. Les paysans
doivent tout de même faire attention aux changements météorologiques car les dégâts des orages
soudains sont très graves. Il existe néanmoins un moyen de prédire leur arrivée avec l’aide des dieux
2) Pages 79-79
L’ingéniosité et l’activité humaine peuvent améliorer la culture des arbres au moyen du greffage. Un
même arbre peut offrir plusieurs variétés, et en particulier la vigne.
3) Pages 79-84
Différentes plantes viennent de différentes terres et régions, mais la terre préférée du ciel est l’Italie
dont Virgile fait un large éloge.
4) Pages 84-97
Après la description de diverses natures de la terre (d’études des sols), c’est au tour de la viticulture.
Développement technique sur la préparation du sol
5) Pages 97-99
Virgile aborde la culture des oliviers et des arbres fruitiers qui présente moins de difficultés que celle
de la vigne
6) Pages 99-105
Il se clôt par une exaltation passionnée de la vie rurale. C’est sans aucun doute que dans une première
intention, son livre s’arrêtait là. C’est par la suite de discussions avec Mécène que Virgile s’est orienté
vers la culture d’élevages.
2) Pages 114-122
Suivent les recommandations pour le choix des génisses reproductrices et des étalons pour les
juments. Une digression décrit une course des chevaux dans le cirque. Une attention particulière est
nécessaire lorsque le moment de l’accouplement est proche pour les femelles dont l’inquiétude doit
être soigneusement écartée. Les soins adonnés aux veaux et aux poulains sont enfin répertoriés.
4) Pages 127-133
Le propos sur poursuit en parlant des chèvres et des moutons. A cette occasion, il est question de la
vie des peuples nomades d’Afrique. On notera aussi cette dimension du texte qui consiste à élargir le
propos dans tous les sens, c’est-à-dire dans tous les lieux connus, ainsi des fabuleux Sythes. Virgile
énumère ensuite les préceptes pour obtenir une laine de première qualité, un bon lait et un excellent
fromage de brebis.
5) Pages 133-134
Un court passage rend également compte des chiens de garde et de chasse qui doivent être élevés eux
aussi.
6) Pages 134-142
Il est important que le bétail soit généralement protégé de la vermine et des maladies. Le livre se
termine ainsi par une dimension dramatique par l’évocation des épidémies de peste animales dans le
Norique.
2) Pages 153-161
Une large place est donnée alors à la description des mœurs des abeilles avec un clin d’œil à la théorie
selon laquelle les abeilles participent à l’âme divine. Après avoir mentionné la récolte du miel, les
maladies des abeilles et les remèdes associés, le livre parle de la méthode pour reproduire les essaims
à partir des cadavres de bêtes en décomposition : la bougonie.
3) Pages 161-176
La bougonie prépare la longue fable de « l’invention d’Aristée » qui entoure le récit du mythe d’Orphée
avec le souvenir de son voyage aux enfers et de sa malheureuse tentative pour faire revivre sa femme
Eurydice.
4) Page 177
Le poème se conclut très rapidement par un épilogue de goût autobiographique.
On a, pendant longtemps, dit que le poète aurait obéi aux injonctions d’Octave, futur Auguste, et de
son ministre Mécène afin de participer à une propagande en faveur d’un retour à la culture de la terre.
On n’entendait pas autrement qu’une attitude aux courtisans. Les travaux des historiens
contemporains ont montré que cette hypothèse ne tient pas la route car on n’a aucune preuve
qu’Octave ait conduit une politique de rénovation de l’agriculture. Il a entrepris des travaux de
rénovation en ville (à Rome), des routes. Il a favorisé le commerce et les échanges, permis que les
ressources agricoles puissent parvenir plus rapidement à Rome, lutté contre le brigandage. Mais pas
de trace de politique en faveur de rénovation de l’agriculture, ce qui invite à lire autrement l’œuvre de
Virgile.
Si Virgile a bien adhéré au programme de politique d’Auguste et à ses ambitions pour Rome, ces images
d’un courtisan aux services du pouvoir est un contre sens. Ce sont des motivations propres à son art,
et sans doute à son évolution philosophique qui expliquent que Virgile ait voulu se rapprocher de
Mécène, puis d’Auguste. Tout cela donne à ce texte de multiples niveaux de lecture, ce qui explique
que l’on se soit réinvesti dans les Géorgiques en voyant des choses que l’on ne voyait pas avant.
2) Niveaux de lectures
a) 1er niveau de lecture : des informations techniques précises
On ne peut pas le négliger, Virgile a su rassembler toute une bibliothèque de textes importants sur
l’agriculture de l’époque. On a, au début de chacun des livres, les sources qui sont indiquées. Son livre
est l’une des deux sources d’informations principales sur ce qu’était l’agriculture à cette époque.
Dès 73, Rome doit affronter une crise particulièrement grave qui est la révolte de Spartacus, un
gladiateur qui est à l’origine d’une guerre servile (la 3ème dans l’histoire de Rome) où les esclaves
prennent les armes et mettent en péril toute l’organisation sociale, politique et économique de Rome
qui est une oligarchie esclavagiste. Il a fallu plusieurs mois pour que Rome arrive à mettre à mal cette
révolte avec des légions romaines. La réponse des Romains a été particulièrement brutale, et les
Romains ont érigés des croix sur lesquelles ils ont crucifié des esclaves.
10 ans plus tard, en 63, une conjuration éclate au cœur de la république conduite par Catilina. Là
encore, une crise politique très grave car Catilina est un sénateur romain, et pas n’importe lequel car
il s’est déjà présenté deux fois à l’élection au consulat (chaque année, les Romains élisaient deux
consuls pour un mandat d’une année qui étaient chargés de gérer les affaires publiques). Ayant échoué
par deux fois, il décide de s’octroyer le pouvoir par ses propres moyens en organisant secrètement un
coup d’état visant à éliminer (physiquement) une partie de l’élite et à s’emparer du pouvoir suprême.
Catilina ne parvient pas à réussir son coup d’état, sa tentative de prise du pouvoir par la force est
défaite par l’un des deux consuls de l’époque en fin de mandat. Cicéron gère les affaires courantes
avant de remettre son pouvoir au nouveau consul élu. Devant l’ampleur de la crise, il se fait nommer
dictateur pour une durée déterminée (à la manière d’un état d’urgence). Il rend ses pleins pouvoirs
après la conjuration et avoir éliminé leurs principaux leaders.
La république est sauvée après cette tentative de prise de pouvoir par la force. Mais ses institutions
ne sont pas si fortes que ça car elles aboutissent en 60 à un partage du pouvoir (accord secret) entre
les hommes forts de Rome (les deux plus influents : Pompée et César). Pour éviter que les choses ne
dégénèrent, ils choisissent de se partager le pouvoir et rajoutent à leur équipe une Crassus qui créa le
premier triumvirat. Pompée est un type de dictateur, César veut se faire couronner roi et Crassus est
un homme riche, facilité par l’action énergique de ses hommes de mains. Crassus est envoyé contre
les Parthes et finit emprisonner et condamné à mort en lui coulant de l’or en fusion dans la gorge. Le
problème est que dans le partage du pouvoir entre Pompée et César, il y a des scènes de violences
quotidiennes, la ville est en proie de luttes entre des groupes armés. Cela dégénère tellement qu’en
César devient dictateur à vie, autrement dit roi (le terme n’est pas utilisé). Mais un certain nombre de
personnes montent une conjuration pour l’assassiner en plein Sénat, ne souhaitant qu’il ne devienne
roi pour restaurer la république. Parmi les conjurés, on trouve Brutus et Cassius, mais ils ne
parviennent pas à restaurer les institutions républicaines, et troublent la paix qu’avait pu instaurer
César, où s’ouvre une nouvelle période de troubles. Ce sont les proches de César qui finissent par
l’emporter, les républicains sont en déroute. Et pour éviter d’empirer la crise, les chefs du parti
césarien portent un accord pour décider de remettre à plupart leur confrontation.
Il y a un deuxième triumvirat avec Marc-Antoine qui n’est pas absolument pas un militaire mais un
jeune homme intellectuel fils adoptif de César, Octave et Lépide. Parmi les décisions qui sont prises se
trouve celle d’assassiner Cicéron dans sa résidence, qui est un des rares républicains qui n’a pas pris
parti lors de l’assassinat de César. Cicéron demande aux gladiateurs un temps pour se préparer à la
mort, et accepte celle-ci. Ce pour quoi le triumvirat a été instauré parvient à son terme car le camp des
républicains est défait à la bataille de Philippes en 42. Il n’y a plus un seul républicain à Rome après 42.
Le conflit menace d’éclater avec les partisans de César car Octave et César sont suffisamment sage
pour ne pas en venir directement à une confrontation militaire et décident de s’éloigner en se
partageant l’empire. Octave reste à Rome, alors que Marc-Antoine prend la partie la plus riche qui a la
plus grande culture : l’Egypte. Octave a affaire en mers aux fils de Pompée qui veulent diriger Rome,
et demande à Marc-Antoine de lui envoyer des bateaux en échange quelques légions romaines pour
que Marc-Antoine puisse régler le problème des Parthes, mais n’a jamais envoyé les légions. Marc-
Antoine prend les choses très mal et une nouvelle guerre civile éclate et dure plusieurs années pour
s’achever le 2 septembre 31 lors de la bataille d’Actium. L’armée d’Octave laisse effectuer le travail
militaire aux gens dont c’est le métier (le premier à faire cela), et son armée l’emporte sur celle de
Marc-Antoine. L’année suivante, Marc-Antoine et Cléopâtre décident de se suicider plutôt que de se
livrer à Octave. Octave organise alors à Rome l’année suivante en août 29 son triomphe et étend à tout
l’empire les réformes politiques qu’il prévoyait dans la partie occidentale de l’empire.
La république meurt en 27, l’année où Octave reçoit du Sénat le titre d’Auguste (celui qui suscite de la
vénération, du respect). Il ne répète pas l’erreur de César en ne détruisant pas les anciennes
institutions politiques, bien qu’elles n’aient plus de pouvoir. Il ne s’impose pas empereur, mais reçoit
le titre de Princeps par le Sénat. Auguste devient un puissant orateur des discussions en couvrant
plusieurs décennies de paix dans l’histoire romaine. Auguste est un réformateur politique et a su tirer
des conséquences politiques à Rome, et c’est à ce projet là qu’a adhéré Virgile, de retrouver les valeurs
fondatrices de Rome pami lesquelles le travail, et cette idée de reconstruire la paix.
La première influence est celle de la poésie alexandrine, car au cours du 2ème et du 3ème siècle avant JC,
le monde grec a connu une réforme littéraire et poétique : une réinvention de la poésie. Elle s’est
développée autour de cercles littéraires officiés en Egypte dans la ville d’Alexandrie, d’où le nom de la
poésie alexandrine. La culture grecque est une culture religieuse, et dont les romains s’inspirent. Tout
homme inspiré par la littérature fait un grand voyage en Grèce, et les formations littéraires s’achèvent
souvent en Grèce ou dans une ville sous grande influence grecque. Les intellectuels romains parlent
couramment grec, c’est en grec qu’ils lisent. Le grec est la langue de la culture comme le français
comme la langue du 18ème siècle. Virgile fait partie de cette génération de poètes qui veulent donner
à Rome une littérature d’une ambition égalable à celle de la Grèce.
La poésie alexandrine s’est développée dans le monde grec, et en particulier à Alexandrie. Un certain
nombre d’artistes très virtuoses ont réuni tout le vocabulaire artistique nouveau pour en créer de
nouveaux. C’est une poésie très savante qui se favorise un goût pour la recherche formelle, pour les
références érudites et mythologique. C’est une poésie qui s’adresse à des lecteurs qui connaissent la
poésie. Ce sont en même temps des poètes qui s’intéressent à retrouver des formes archaïques et
notamment, partant du fait que toute la poésie grecque est née de la lignée d’Omer, ils décident de
créer une nouvelle lignée en s’inspirant d’un autre poète archaïque, Hésiode. Virgile s’inscrit
directement dans cette lignée de la poésie alexandrine qui entend revivifier les modèles anciens. La
thématique qui s’impose chez eux est la thématique de l’amour. On retrouve ce modèle chez Virgile
avec les nombreuses références, et à côté cette thématique de l’amour. Les grands noms de cette
poésie sont Callimaque, le fondateur du mouvement ; Apollonios de Rhodes, très important car
l’auteur d’une épopée, les Argonautiques ; et aussi Aratos auteur d’un poème didactique : les
Phénomènes.
On s’articule dont dans une dichotomie des désirs. Il va falloir distinguer les désirs dont il vaut le coup
de se satisfaire, et ceux dont il faut remettre la satisfaction. Il distingue les désirs qui sont naturels ou
non, et ceux qui sont nécessaires ou non. Il distingue enfin les plaisirs vains. Il faudra chercher à
satisfaire les plaisirs naturels et nécessaire. Dans les plaisirs qui sont naturels et non nécessaires sont
à examiner. Ils sont des plaisirs qui peuvent nous satisfaire, mais peuvent aussi être menaçant. C’est
le cas de l’amour qui est naturel et dont il faut se méfier. Il y a les désirs vains comme l’accumulation
des richesses qui est la voie sûre vers la souffrance et vers le malheur, ou les désirs naturels devenus
limité dont c’est le cas de la passion amoureuse, mais aussi de la bonne chose comme pour celui qui
contenu à manger quand il n’a plus faim. Cette gestion des plaisirs et des désirs doit pouvoir conduire
l’aspirant à la sagesse le philosophe épicurien et le conduire vers une forme de contentement ou
d’harmonie, c’est-à-dire une absence de souffrance du corps et de l’âme, l’ataraxie.
L’épicurisme s’efforce de guérir ces souffrances morales. En particulier, elle s’exprime sous la forme
de la crainte : la peur des dieux, de la mort ; et pour lutter contre ces craintes, Epicure se fait physicien.
La philosophie épicurienne a fait la promotion de la physique, et Epicure s’est rapproché de Démocrite
qui a fait le fondement de l’atomisme et de la physique moderne. Il explique alors la mort comme le
moment de la dégradation des atomes, et il n’y a rien à craindre de la mort et il faut l’accepter comme
un processus naturel. La sensibilité est liée au fait d’être le corps vivant que l’on est, on ne souffre pas
la mort car on ne la vit pas, on souffre car on est vivant. Les positions des épicuriens est très radicale
car c’est une philosophie matérialiste. Elle contribue grandement à éloigner de nous les différents de
crainte qui pourraient nous empêcher de nous comparer à cette quête du bonheur. L’athéisme est
relativement moderne au 17ème siècle. Donc sans être athée, les épicuriens professent à l’égard des
dieux une indifférence que les dieux ont aussi à notre égard. Les dieux restent utiles, mais il n’y a
aucune interaction entre les hommes et les dieux qui ne dirigent pas la destinée, ni favorisent ou
défavorisent les hommes.
Le dernier principe de l’épicurisme. Pour conduire cette recherche du bonheur qui est intellectuelle
est morale, les épicuriens se retirent du monde et forment une sorte de communauté « vivons
heureux, vivons cachés ». De la même façon que les moines au début du christianisme. C’est dans une
de ces communautés dirigées par Siron à Naples que vivait Virgile avant de prendre ses distances de
l’épicurisme pour deux raisons religieuse et politique. Une première motivation religieuse, il a été
difficile pour Virgile de concevoir que les dieux se désintéressent du sort de l’homme. Dans sa poésie,
au contraire, les dieux sont là et agissent. C’est comme ça que Virgile affirme dès le livre 1 que c’est
Jupiter qui a conduit les hommes à travailler, qui les a forcés avec une souffrance nécessaire pour faire
Une autre raison est liée au désengagement politique qui est celui des épicuriens, même sans s’en
désintéresser. Le désordre politique a conduit un certain nombre de personnes pendant la guerre
civile, à s’orienter vers cette philosophie qui invite à se rechercher dans le retrait du monde. Le
désengagement a pu tenter certains hommes comme Virgile, mais ne représente pas la vertu romaine :
c’est Romulus qui a tracé les limites de Rome avec sa charrue et qui en même temps un soldat, le
romain est un soldat paysan. Voilà qu’Octave semble offrir à Rome un retour au calme, à la stabilité et
à la paix, et Virgile se rend compte que la solution n’est pas l’épicurisme mais l’engagement politique.
Virgile va donc se faire, contre l’épicurisme, le grand poète en gardant certaines valeurs. Il se fait donc
le grand poète de l’action, de l’engagement et donc du travail, le travail agricole car il est l’un des
fondements de Rome. Il ne s’agit pas pour Virgile de manier la charrue ou de devenir fonctionnaire au
service du nouvel état dirigé par Octave car c’est en tant que poète qu’il s’engage.
La poésie de Virgile permet de répondre à une question urgente qui est celle de la place de l’homme
par rapport à l’Etat, c’est-à-dire par rapport à Rome et non seulement les institutions, la chose
publique. C’est Rome avec ses valeurs, sa structuration idéologique et avec son histoire que Virgile va
interroger dans ses trois poèmes « les Bucoliques », « les Géorgiques » et « l’Eneide ». Il ne s’agit pour
l’homme de se mettre au service de l’Etat pour favoriser une période de paix, quitte à se faire le
propagandiste des valeurs quand le parti arrive à la tête de Rome. C’est ainsi que Virgile va
successivement se rapprocher de Mécène puis d’Octave lui-même, s’engageant comme courtisan et
en tenant la plume qui défend les valeurs, les principes et les convictions qui sont celle de ce nouveau
pouvoir. On ne peut pas réduire le poète à ses convictions politique, mais sont à l’origine de leur
engagement.
Le nord de l’Italie est une région très laborieuse, et on peut comprendre que Virgile en ait été effrayé
dans sa jeunesse avant d’y revenir après son enseignement Epicurien. Virgile semble ne jamais l’avoir
oublié car en poète, quitter l’Epicurisme, c’est aussi entretenir un dialogue avec un autre immense
poète, une 3ème influence à laquelle Virgile s’est confrontée, Lucrèce l’un des plus grands poètes latins,
qui est à la génération précédente celle de Virgile et qui a popularisé les principes de la philosophie
épicurienne avec un poème plus long des Géorgiques, avec l’ampleur et l’ambition d’une épopée : le
« De Rerum Natura ». Virgile va s’y confronter en le faisant dans les Géorgiques car « De Rerum
Natura » est le plus grand poème jusqu’à présent, et Virgile qui a des ambitions doit s’y confronter. Il
s’agit aussi pour Virgile d’entamer une conversation avec lui-même, le philosophe qu’il a été. C’est
l’une des clés des Géorgiques. Cela tient à la manière très savante que Virgile a eu de pratiquer la
poésie, et tient aux références récurrentes qui reviennent tout au long des Géorgiques, dont « De
Rerum Natura » de Lucrèce.
Il est très clair qu’il y a, entre les deux poètes, une manière commune, bien que celui de Lucrèce
s’oriente à tous quand celui de Virgile exige des connaissances, et en même temps une divergence. En
étendant à l’ensemble de Virgile, ce qui est retenu est la relation de l’homme et de la nature. La nature
est à l’ordre du cosmos tout entier, quand le cosmos est une relation de corps composés d’atomes
chez Lucrèce. Le deuxième point commun est thème de la passion destructrice, où Virgile se montre
plus épicurien que Lucrèce. Un autre est la voie à suivre pour être heureux, qui ne consiste pas dans
un mode de vie fastueux mais plutôt frugal : c’est le paysan qui retourne la terre qui s’occupe des
animaux et non le sage épicurien qui fait de la philosophie dans son jardin. Les deux grands poèmes
didactiques d’avant Jésus Christ sont signés Lucrèce et Virgile.
La méthode pour atteindre l’ataraxie et la tranquillité de l’âme diverge : pour Lucrèce, la voie vers le
bonheur est dans la contemplation indifférente d’une nature indifférente à nous, qui n’est rien d’autre
que des processus physiques ramenés à des atomes par les philosophes épicuriens (de la surface des
corps se détachent en permanence des atomes qui viennent frappés l’œil qui les voit, la vision est une
sorte de toucher), ils sont les premiers à réduire l’ensemble des implications du monde à des principes
(il faudra attendre Galilée pour un avancement de cette conception dans un objectif d’apaisement
moral) ; pour Virgile au contraire, l’harmonie est à rechercher dans l’action, dans l’engagement, on
n’est plus dans le détachement épicurien, grâce notamment au travail (labor) et à la piété (pietas, les
sacrifices faits aux dieux prélevés au niveau de l’agriculture), créant des échanges entre les domaines
du travail et de la religion.
L’autre grand texte est celui qui clôt le livre 4, l’épisode final de l’épizootie ou encore le développement
sur l’amour. Il engage dans ce livre la conception et le rôle même de la poésie didactique, et c’est cela
qui fait l’objet du point suivant.
Pendant l’antiquité, on distinguait 4 grand genres poétiques : la poésie lyrique, la poésie épique, la
poésie satirique et enfin la poésie didactique.
Le premier genre lyrique renvoie, dans son nom même, à l’origine de la poésie. L’adjectif lyrique est
dérivé de la lyre, dont le premier des poètes dans la mythologie grecque s’en est accompagné pour
chanter ses poèmes. On retrouve ce genre quand Orphée fait une apparition dans les Géorgiques. Le
lyrisme est le genre qui chante les émotions et les sentiments du poète. Les thèmes récurrents sont
l’amour, la mort, la nature. Le poète évoque alors ce qu’il ressent, mais à travers aussi, ce que
ressentent tous les autres. C’est sous la plume de Victor Hugo qu’on lit « Quand je parle de moi, je
parle de vous ». Parmi les différentes formes du lyrisme, on en trouve une plus particulièrement, c’est
Le 2ème genre que l’on retrouve aussi chez Virgile est la poésie épique, c’est-à-dire l’épopée. L’épopée
est un genre qui est beaucoup moins pratiquée aujourd’hui (bien que Victor Hugo en ait écrit
plusieurs). C’est en genre poétique qui est aussi narratif qui relate la légende d’un héros ou des
événements historiques extraordinaires. L’épopée est le grand genre poétique qui montre que vous
êtes un immense poète, et d’ailleurs Virgile le fera avec l’Enéide de la plus grande manière. C’est un
genre dans lequel l’héroïsme, la grandeur et la force sont magnifiée. L’épopée caractérise aussi le rôle
du merveilleux et Virgile veut réintroduire les dieux dans le monde. Enfin, l’amplification est un
procédé caractéristique de ce 3ème genre.
Le 3ème genre est celui de la poésie satirique. Il y a malgré tout, des moments de satire discrets chez
Virgile, notamment dans le livre 4 avec les abeilles sans trop prendre au sérieux son histoire. Masi elle
n’est pas aussi présente que le lyrisme et l’épopée dans le poème. La satire est une critique des vices
ou du ridicule des hommes, qu’il s’agisse aussi bien des individus que des groupes sociaux et qui a donc
recours à une totalité humoristique ou comique. Dans le cercle de la peinture, il y a Mécène, mais il y
a aussi, dans le domaine littéraire, Horace avec « Le Rat des villes et le Rat des champs ».
Le 4ème genre est celui de la poésie didactique auquel appartenait « De Rerum Natura » de Lucrèce,
mais aussi les travaux et les jours d’Hésiode. Virgile entend donner à la littérature romaine une
grandeur à l’égale de la littérature grecque. L’un des intérêts de la poésie de Virgile est de faire des
signes du côté des 3 autres genres que didactique. Comme son nom l’indique, le poème didactique
vise à enseigner quelque chose. Il peut s’agir d’un enseignement moral, religieux, scientifique.
Le 2ème problème que pouvait poser le genre de la poésie didactique pendant l’Antiquité était la
difficulté à déceler ce qui relève ou non de la poésie didactique. Ce qui distingue le genre poétique est
d’abord la forme du vers (ce qu’on appelle le mètre). Or la poésie épique et la poésie didactique
partagent la même structure qui est l’hexamètre dactylique (l’équivalent de l’alexandrin qui donne du
souffle à la poésie). Or ce vers, qui est une suite de 6 unités rythmique, commun aux deux genres rend
la distinction entre les deux difficile. Dans les Géorgiques, Virgile fait souffler un souffle épique et
exploite la proximité des deux genres. On peut relever différents niveaux : on voit intervenir les Dieux
(caractéristique de l’épopée), il parle avec un niveau de langue qui est élevé (même pour les choses
simples de l’agriculture) qui peut-être l’amène à exclure certains sujets (il ne parle pas de l’élevage des
porcs) et en revanche aborde d’autres sujets plus nobles (comme l’apiculture). On y trouve également
des comparaisons qui se développent longuement sur plusieurs vers (caractéristique de l’épopée). On
2) L’originalité de Virgile
L’originalité de Virgile joue sans cesse à la limite des genres, même si on retrouve dans son poème les
éléments récurrents du genre didactique, à savoir dans tout poème didactique, on trouve d’abord un
exposé du sujet que l’on trouve dans Virgile au tout début du poème qui fait table des matières. Le but
est d’enseigner les choses qui sont énumérées au tout début du livre. C’est sous l’autorité des dieux
qu’est placé l’enseignement du poète. Dès le début, Virgile invoque Tibère, Cérès, car il s’agit d’imposer
la présence divine afin de mettre à distance par-là les enseignements de l’Epicurisme. Enfin, il n’y a pas
d’enseignement sans un public qui est enseigné, ni sans un élève en particulier, c’est à cela que sert à
l’adresse. Celui qui fait l’objet de l’adresse de Virgile est Mécène, en inversant le rapport
protecteur/protégé dans un rapport maître/élève. Exposé du sujet, invocation, adresse : voici 3
caractéristiques qui renforcent la dimension didactique du poème.
A travers cet enseignement, il ne s’agit pas pour Virgile de faire œuvre de courtisant mais bien
d’enseignant. Cela concerne la poésie car il revient au poète de guider par son chant l’humanité. C’est
en cela que la poésie a une fonction didactique. Cet enseignement ne se limite pas aux principes de
l’agriculture, et c’est la nature de cet enseignement qu’il s’agira de retrouver. Le texte a aussi une
dimension politique. Mais au-delà de la politique, c’est le rapport en général de l’homme et la nature
qui est considéré par Virgile
3) Un manuel d’agriculture ?
Les Géorgiques dispensent des connaissances très précises en matière d’agriculture. Tout ce qui est
traité d’agriculture n’est pas un prétexte et traite du travail agricole dans toutes ses dimensions. Nous
ne connaissons pas toutes ces références, mais celles que nous connaissons sont à tout début du livre.
On voit bien que Virgile a réuni une importante documentation, si bien que l’on peut dire que le travail
agricole n’est pas un prétexte, c’est un vrai sujet. En outre, ce qui confirme que c’est un vrai sujet est
que ce texte a longtemps été cité après Virgile par des auteurs qui se sont intéressés à l’agriculture,
notamment Pline. L’autorité de Virgile va être existé jusqu’au 16ème siècle en étant pris au sérieux quant
aux informations précises qu’il donne en matière d’agriculture.
Pourquoi cette précision d’information dans ce livre qui est un poème d’agriculture et non qu’un
manuel d’agriculture. Cela tient sans aucun doute à un élément culturel, à savoir que les romains
avaient le goût de la campagne, de la vie à la ferme, des détails techniques et naturels de la ferme.
Virgile cultive et se soucie du concret sans aucun doute avec les goûts de son public. Au fond, ce que
le public attendait du poème de Virgile est certes la beauté de la poésie, mais aussi la précision de ses
propos sur l’agriculture. On pourrait dire que la culture des romains s’enracine dans ce que l’on
pourrait appeler une idéologie agricole. L’évocation du travail agricole rejoint les attentes des romains
car les romains s’enracinent dans cette idéologie. Par exemple, le récit des origines de Rome est un
récit agricole. Comment Rome a-t-elle été bâtie, fondée ? elle a été fondée par un geste à la fois
constructeur et paysan au sommet du mont Palatin par Romulus traçant un sillon, la première enceinte
de Rome (Pomoerium). Cette enceinte créée par un geste agriculteur est aussi un geste sacré, pris à la
rigolade par son frère Remus qui saute par-dessus le sillon, et Romulus le tue. La culture romaine
s’ancre dans une idéologie paysanne et militaire.
Lino LANDRY, MP2I
Lycée Victor Hugo, Besançon
Les goûts des romains allaient à la campagne, car on vit à Rome des traquas, avec les brigands et la
saleté de Rome. C’est assez étonnant de voir que la ville est faite de brique et de broques, qu’elle est
assez dangereuse. Tout cela fait que les romains rêvent de la vie à la campagne soit car ils possèdent
déjà des propriétés, soit par le souhait d’une retraite à la campagne loin de la vie dangereuse de la
ville. On le trouve exposé chez Virgile notamment au livre 4 dans le vieillard de Tarente coulant des
jours heureux dans son jardin. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles le poète se soucie des
détails précis sur le plan agricole.
Mais ce n’est pas tout. En plus de ces détails techniques, pour le goût et la faveur du public, le texte a
d’autres thématiques que l’on peut énumérer. Au-delà de la question agricole, l’agriculture permet à
Virgile d’envisager les rapports de l’Homme et de la nature. Le mouvement du livre 1 illustre bien que
ce soit l’un des propos du poète. Virgile commence son livre (page 41) sur le ton de la prescription
pratique des manuels agricoles c’est-à-dire par l’énumération des travaux que l’agriculteur doit
entreprendre au Printemps pour préparer la terre, à savoir le labour, les semailles, l’irrigation et le
drainage… tous les détails sont donnés jusqu’à des termes que l’on n’attendrait pas dans la poésie
comme le fumier.
Puis, dans un mouvement qui va être caractéristique de tout le reste du poème, Virgile s’élève à des
considérations beaucoup plus générales sur le travail lui-même, à quoi se sont condamnés les hommes
pour les guérir de leur indolence (page 45). Cette malédiction du travail est aussi une bénédiction
puisque le travail est la condition de la créativité des hommes, la condition des arts, entendez des
connaissances techniques. Son but était alors de développer les arts. A partir de là, glissement
épique page 47 : le travail est alors présenté par Virgile comme un combat pour lequel Cérès a armé
les hommes, et le ton est volontairement épique. L’homme est alors face au malheur, au péril contre
lesquels il va falloir lutter et s’armer. Le vers commence en latin par « Dicendum » : il faut dire, il faut
chanter, il faut regarder… caractéristique de l’épopée. Il commencera aussi sa chanson épique par
« Nunc est bibendum » : c’est maintenant qu’il faut boire. Et puis page 48, Virgile revient aux
considérations techniques du début, à l’enseignement, à la poésie didactique, en entamant le récit de
la création des outils. On continue sur l’enseignement technique. On a bien une illustration de la
manière dont l’enseignement technique agricole peut s’élever au rang d’épopée.
On a un 3ème thème possible que l’on aperçoit dès lors que le labor n’est pas le seul sujet du sujet, et
s’accompagne de la pietas, le respect des dieux car le travail est aussi une des manifestations de la
pietas. La place des dieux dans ce poème, montre que l’un des enjeux du poète est aussi une réflexion
sur les voies du bonheur, sur la quête harmonieuse qui conduit au bonheur, en restant épicurien, c’est
une forme de frugalité de se contenter de ce que l’on a. On voit bien que le poème a aussi pour thème
le bonheur.
A cela s’ajoute une interrogation sur l’amour et plus particulièrement sur la passion destructrice qui
traverse le texte à plusieurs instants. On le retrouve dans le passage sur les abeilles.
Tous ces thèmes ont déjà été abordés par un autre poète : Lucrèce. Virgile cherche à s’en distinguer
pour des raisons philosophiques. Il s’instaure donc un dialogue entre eux, qui est aussi un dialogue
avec la philosophie épicurienne. Lucrèce n’est pas un épicurien, c’est un poète, donc c’est aussi un
dialogue avec la poésie. Il y a dans ce texte un jeu intertextuel : ce texte est construit sur des références
à d’autres textes dont Virgile se distingue. Ces références inventent Virgile à méditer sur la poésie elle-
même, et aussi sur la nature du travail poétique que l’on ne considère pas encore comme un travail.
Le poète (vates) est aussi une sorte de mage ou de devin, interprète des dieux. Restaurer les
dimensions du poète est aussi l’un des objets du livre. La poésie ne saurait s’abstraire de la cité, Virgile
délivre donc des conseils politique pour le maître de Rome.
Labor signifie la peine, l’effort, la tâche. On parle encore d’une activité laborieuse qui génère de la
peine dans laquelle le labor comprend aussi le résultat. Le problème est aussi que ce sens du labor
n’est qu’un sens second en latin. Au sens premier, labor signifie le malaise, la maladie (page 47 :
« Bientôt les blés aussi connurent la maladie »). Il y a aussi un sens imagé que l’on nomme éclipse :
labor lunae : l’éclipse de lune qui est l’évanouissement, le malaise de la lune. Labor désigne en sens la
souffrance, la douleur, donc la peine, l’effort, la tâche et le résultat de cet effort : le travail. Autrement
dit dans l’esprit de Virgile, les deux sont liés. C’est à la fois la douleur, la maladie et l’effort que nous
fournissons pour lutter contre cette maladie. On l’associe donc au désordre, à la maladie, à l’éclipse
qui frappent les communautés humaines. Virgile entend opposer le modèle d’un travail acharné
capable de venir à bout de tout. Un ver résume cela page 46-47 au moment d’énoncer les raisons du
travail, d’énoncer qu’il est à la fois une bénédiction et un bienfait (« tous les obstacles furent vaincus
par un travail acharné », mais plutôt écrit « un travail opiniâtre vient à bout de tout »). L’éloge virgilien
du travail est un éloge de l’énergie, de l’opiniâtreté, de l’engagement, de l’action, et donc on comprend
que Virgile se soit montré particulièrement séduit par un homme qui a fait de l’énergie et de
l’opiniâtreté l’objectif principal de sa politique.
Dans ce combat pour la paix contre la guerre, peut-on dire que Virgile est soumis au parti politique ?
Tout en participant au parti, il s’agit par un discours de faire oublier que l’on a fait partie de la discorde.
Il joue un jeu très subtil visant à montrer qu’il n’est pas soumis au parti, au risque de finir comme
Cicéron. Les romains n’ont pas l’idée que l’on puisse s’opposer par la parole à celui qui incarne
l’autorité. Au livre 3, Virgile s’imagine retournant chez lui, dans sa petite patrie à Mantoue, et y faisant
La politique, comme le travail, c’est l’art d’imposer l’ordre au désordre. Un livre l’incarne, c’est celui
des abeilles. Mais il y a un 2nd enjeu, c’est la capacité aussi de faire naître le bien du mal, du mal peut
naître un bien de la même façon que la paix naît de la guerre. On exprime cette idée à travers le mythe
de la bougonie, à savoir la possibilité de faire naître des abeilles (spontanément) du corps d’un veau
ou d’un taureau en putréfaction. En réalité, elle illustre cette conviction politique que du mal peut
naître un bien à travers le double récit en chassé de l’histoire d’Aristée et d’Orphée.
Deux thèmes dominent l’engagement politique de Virgile, d’abord qu’il est possible d’imposer l’ordre
au désordre, et deuxièmement, ce qui la rend légitime, l’idée que du mal peut naître un bien en poète,
dans ce qui est sans aucun doute ce qui est l’œuvre la plus politique de Virgile, son livre 4.
On a une signification assez récurrente lors de l’évocation d’un roi ou d’une reine en comparaison à la
société des Hommes, d’Aristote jusqu’à Varon. Les auteurs sont nombreux à avoir fait cette
comparaison. Plus loin, les théoriciens considèrent la ruche comme un modèle pour la société, bien
bâtie, bien organisée… et Virgile joue en poète de ce rapprochement entre les Hommes et les abeilles
grâce à une tendance à l’anthropomorphisme pour souligner la proximité de ces deux mondes. Les
termes employés sont d’habitude réservés à la civilisation humaine, et non pour les abeilles.
On retrouve dans la vie sociale des abeilles les vertus louées par Virgile tout au long des Géorgiques.
La première, la place prépondérante accordée par les abeilles au travail, et puis ce qui est valorisé par
Virgile : tout ce qui en résulte, à savoir l’image d’une communauté très ordonnée par la place du travail
dans cette communauté. Au fond, la ruche développe le modèle d’une société industrieuse bien réglée,
d’autant qu’elles ne sont pas détournées de leur tâche par les passions ou les pulsions qui menacent
les autres êtres vivants. Il fait l’éloge de ce qu’il y a de vertueux dans la société des abeilles. Enfin,
règne au-dessus de cette société un roi respecté de tous.
Sur la société des abeilles, règne un roi respecté de tous, soit. Mais dans leur rapport avec leur roi, les
abeilles éprouvent vis-à-vis de leur roi une dévotion qui va jusqu’à l’oubli de soi, jusqu’à l’abnégation
que Virgile ne saurait non plus valoriser. Virgile craint que la monarchie prenne prétexte de la
souveraineté politique pour instaurer un ordre de soumission. Et justement, il compare d’ailleurs cette
abnégation avec l’admiration qu’éprouvent les peuples orientaux comme les Égyptiens, considérés
alors comme décadent. Le problème est qu’à confondre respect politique et dévotion, on néglige
quelque chose d’essentiel qui est l’Etat, ou ce que l’on appelle alors la respublica. Ce que les romains
reprochent à la monarchie dans sa version orientale comme les Egyptiens ou les Mèdes est d’avoir
méconnu ou ignoré l’existence de l’Etat. Il doit y avoir un ordre politique au-dessus des individus
auquel nul, ni même le roi, ne se substituer.
Or, la ruche ressemble davantage à une monarchie orientale qu’à un Etat tel que Rome. Elles ne vivent
pas dans l’ignorance de la guerre, c’est-à-dire le principal problème, car y ont recours de façon
fréquente. Elles connaissent la pire des formes de la guerre, car s’agit de l’utilisation nécessaire d’une
violence pour imposer l’ordre au désordre que font le paysan, l’éleveur ou Octave Auguste. Et puis il y
a la discorde, l’esprit de guerre, entre deux rois que vient de vivre Rome avant l’arrivée d’Octave
Auguste. Les abeilles font régulièrement la guerre entre deux rois.
En réalité, le terme de discorde n’est utilisé que deux fois dans les Géorgiques, ici et dans le livre deux
pour faire allusion aux guerre fratricides. Heureusement à la fin du passage, un geste du paysan met
un terme à la guerre des abeilles, vient remettre de l’ordre dans ce désordre et vient celer la victoire
du travail sur la discorde. On ne saurait confondre les Hommes et les abeilles et Virgile le montre avec
humour.
Par un premier écart, la société des abeilles repose sur la mise en commun des biens, une sorte de
communisme platonicien, c’est-à-dire l’ordre politique plébiscité par Platon par la mise en commun
des biens et du travail. Il y a bien une allusion au communisme platonicien ainsi qu’à l’âge d’or que les
Hommes sont censé avoir connu, mais qui ne pouvait pas durer. Nous avons déjà vécu sous ce genre
de civilisation, mais Jupiter nous en a éloigné en instaurant le travail pénible en effort, mais a rendu
possible le progrès humain, car le travail des abeilles n’offre aucun moyen de se perfectionner.
Dans une seconde allusion humoristique, les abeilles connaissent la guerre, l’amour de la possession :
leur société n’est qu’un leurre. L’humour parfois plus prononcé notamment lorsqu’il évoque en un
style épique les violents combats des insectes. C’est un traitement héroïcomique en interrompant ce
combat épique par une infime action de l’apiculteur et l’effet comique est dramatisé. D’autre part,
pour empêcher les esprits inconstants des abeilles à voler sans but, il suffit d’arracher les ailes du roi
qui restera tranquille. Cet acte à lui seul suffit à réduire à lui seul l’hypothèse dans laquelle le roi
représenterait Octave.
Dans un dernier trait d’humour, il compare les abeilles avec les immenses cyclopes. Mais il manque
aux abeilles et aux cyclopes la piété. Aucun ne sait jouir de son travail. Voilà pourquoi le travail et la
piété fonctionnent ensemble. Voilà pourquoi le livre 4 finit sur un passage dont la signification est
essentiellement religieuse.
Or, le propos de Virgile s’étend progressivement de régions qui évoquent sans aucun doute celle de
Mantou jusqu’à l’Italie, voire jusqu’à l’ensemble du monde romain. Il fait donc un éloge de l’Italie
considérée dans toute son étendu, incluant les terres de culture grecque au sud et les nouvelles terres
romaines anciennement gauloise du nord de l’Italie. Il s’agit du rêve de l’Italie qui a motivé pendant
des siècles des constructions italiennes d’un espace à la mesure de l’Homme, en comparaison aux
peuples barbares. Le but est évidemment de souligner l’étendu des conquêtes romaines et de
superposer à l’image de l’ordre politique romaine celle d’une terre cultivée et travaillée en tout lieu
de l’empire. L’évocation des peuples étrangers sert notamment à souligner la supériorité de Rome
lorsqu’il est par exemple question des Scythes, un peuple de cavaliers nomades. Ils ont connu leur
apogée entre le 7ème siècle avant J.C. et la fin de l’Antiquité et qui se sont fixés dans une zone qui
correspond à l’Ukraine actuelle.
On peut aussi donner une signification religieuse, le problème est que ce passage renvoie à des mythes
et des croyances dont le sens nous échappe. Mais Virgile fait référence à une croyance qui donne corps
au deuxième principe de son crédo politique, celle que du mal peut naître un bien. Il s’agit de la
pratique qui consiste à faire naître des abeilles d’un animal en putréfaction, c’est la bougonie. C’est
une pratique qui est aussi un exercice spirituel, c’est la raison pour laquelle on croit sans jamais l’avoir
vu de ses yeux. On ne sait pas si Virgile y croit, mais Pline n’y croit pas en lisant Virgile. L’intérêt est
dans tout le passage sur le berger Aristée et la possibilité de faire naître des abeilles d’un corps en
putréfaction vient d’une croyance fondamentale selon laquelle de la vie naît de la mort, d’une
décadence provient toute naissance, du mal peut naître un bien. De même, de la destruction d’une
Rome soumise à la discorde et à la décadence politique. Il naîtra un nouveau monde harmonieux et
pacifié. Une pareille transformation ne va pas sans souffrance, comme le signifient les plaintes
d’Aristée. Seulement, par le travail, il est possible de surmonter ses plaintes. Le travail est le moyen de
se concilier les dieux, de tourner vers nous la faveur des dieux. Cette articulation du travail et de la
piétas est très clairement exposée.
Mais Virgile va plus loin aux livres 3 et 4, il étend son propos de la vie des paysans aux aspects de toute
la communauté humaine. Il évoque ses fléaux auxquels tous les êtres vivants, dépassant les limites de
la condition humaine, mais auxquels les hommes sont appelés à lutter. Ces fléaux sont d’abord les
désirs furieux, la passion destructrice, la furor et d’un autre côté, la maladie et la mort.
On avait vu que c’est un retour à la religion qui est une des causes du fait que Virgile se soit éloigné de
la philosophie épicurienne en réhabilitant les dieux. Mais la religion de Virgile exprime le désir d’une
piété simple, il n’y a qu’à voir les divinités invoquées qui sont rustiques. Cette piété s’exprime
notamment à travers la figure d’Aristée au livre 4, mais aussi par l’évocation de rituels, de sacrifices et
d’offrandes, dans lequel l’œuvres du poète. L’agriculteur est traversé de bout en bout par un éloge du
travail et doit mener un combat sans fin contre la nature, non pour la détruire ou la transformer mais
pour l’orienter : pour canaliser les forces naturelles. Le travail est évidemment une activité paradoxale
car il est très fatigant et toujours recommencé, mais c’est cela qui en fait le prix et est à mettre en lien
avec cette piété simple qui est le fond de la piété de Virgile. On pourrait dire que le travail procure à la
fois de la fierté et de l’humilité, et est la clé de ce bonheur, de cette vie heureuse dont Virgile essaie
de se faire le promoteur.
La vie heureuse pour Virgile n’est pas forcément les débordements de joie, elle consiste plutôt dans la
sérénité, c’est pour cela qu’il fait l’éloge de la piété et de l’humilité. Le bonheur consiste moins dans
les débordements de joie que dans la sérénité, qui est ce dans quoi parvient l’agriculteur lorsqu’il a fini
de travailler et qu’il peut jouir du fruit de son travail, notamment dans le livre 4 avec le vieillard de
Tarente (p.152). Il représente le modèle de la vie heureuse de Virgile, bien qu’il y ait des limites comme
avec le modèle des abeilles. Virgile évoque les souvenirs d’un vieillard cultivateur de fruits et légumes
à Tarente. Ce passage est enfermé dans une parenthèse (« je me souviens avoir vu au pied des hautes
tours […] je laisse à d’autres le soin de le traiter ») par une prétérition pour mettre en relief le propos.