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N° 562 Septembre 2016

NCAL/S 1090 CFP-NCAL/A 1910 CFP- POL/A : 2090 CFP


SOMMAIRE N° 562/SEPTEMBRE 2016
Guerre froide
V
ous connaissez la chanson : je
vous parle d’un temps que les
moins de 20 ans ne peuvent
pas connaître… C’était la guerre
froide, c’était le temps ou les MiG
faisaient trembler l’ouest. Pas un
conflit sans ses nuées de MiG et
singulièrement celles des MiG-21.
Un chasseur redoutable, le meilleur
adversaire du “Mirage” III, le cau-
chemar des pilotes américains qui
mirent du temps au Viêtnam avant
de savoir échapper aux griffes de
ce véloce rapace. Il servit de mètre
Des MiG-21 protègent étalon aux bureaux d’études occi-
l’Union soviétique. dentaux lorsqu’ils se penchaient sur
Composition les chasseurs du futur. Et puis les
de Daniel Bechennec. temps ont changé, le mur de Berlin
DR

est tombé. Restent quelques symboles comme cette silhouette si caractéristique. La guerre
froide est dans les pages d’histoire. D’autres conflits éclatent. Le MiG-21 est une espèce
en voie de disparition. Quand le dernier s’en ira, une grande page d’histoire se tournera.
Je vous souhaite une bonne lecture. Le Fana
Espace Clichy, immeuble SIRIUS
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4 Actualités
Patrick Casasnovas Mythe ou réalité ?
PRÉSIDENTE DU DIRECTOIRE
Stéphanie Casasnovas
DIRECTEUR GÉNÉRAL
44 De l’influence
Frédéric de Watrigant
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
ET RESPONSABLE DE LA RÉDACTION :
9 Courrier des courses sur les
Patrick Casasnovas
ÉDITEUR : Karim Khaldi
chasseurs américains
RÉDACTION
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11 Abonnements Les courses ne font pas toujours de bons
sprinteurs…
Rédacteur en chef : Alexis Rocher
Rédacteur en chef adjoint : Xavier Méal Il fit trembler le monde
Rédacteur graphiste : François Herbet
Secrétaire de rédaction : Antoine Finck
Secrétariat : Nadine Gayraud
14 MiG-21, la flèche rouge René Dorme (1894-1917)
54 La croisade du Lorrain
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(réservé aux diffuseurs et dépositaires) Une exception dans l’escadrille
Chef de produit : Agathe Chaillat bonne formule de chasseur supersonique.
Tél. : 01 41 40 56 95 des Cigognes ?
IMPRESSION : Imprimerie Compiègne Le Laté 17 n° 622 de l’Aéropostale
Avenue Berthelot 60200 Compiègne.
28 Un Latécoère historique Le 51st FG en Chine-Birmanie-Inde
66 Défendre le “Hump”
DIFFUSION : MLP
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Rencontres autour d’une enquête sur un
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Ce jour-là… 27 septembre 1956
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(ANCIENS NOS/DOCAVIA/MINIDOCAVIA) Le gros “Thunderbolt” s’arrache d’un et un drame
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France : 1 an soit 12 nos + 2 HS : 89,50 € Quand un Grand Champion et une baleine
80 Pas d’échelle pas de pot.
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sous la seule initiative de leurs expéditeurs. Ce numéro comprend un document de promotion pour le hors-série “Collection moderne” n° 7
au format A4 déposé sur l’ensemble de la diffusion destinée aux abonnés.
ACTUALITES

Après 16 ans de restauration, le B-29 Doc

Le 17 juillet dernier, à Whichita, au Kansas, le Boeing être modifié, il avait été versé à la 3rd Air Force en mai 1945, puis
B-29 “Superfortress” baptisé Doc a fait son premier vol entreposé un an plus tard sur la base de Pyote, au Texas. La guerre
après restauration depuis la piste de la base de l’USAF de Corée lui avait fait reprendre du service, puis il avait servi à la
de McConnell. L’équipage était composé de Charles Tilghman calibration de systèmes radar de juillet 1951 à février 1955, au
(pilote), David Oliver (copilote), John Schauer (mécanicien navigant), sein d’un escadron baptisé Seven Dwarfs (les sept nains), avant de
Rick Garvis (mécanicien navigant), Don Obreite (observateur gauche) devenir remorqueur de cible pour le 17th Tow Target Squadron,
et Glenn Mount (observateur droit). basé à Yuma, dans l’Arizona. En mars 1956, le quadrimoteur avait
Ce grand moment a commencé par un faux départ. En effet, lors été transféré à l’US Navy et convoyé en vol vers la base d’essais
des essais moteurs et de la check-list finale avant de s’aligner pour d’armements de China Lake où il était devenu une cible pour des
décoller, il s’est avéré que les portes de la soute à bombes ne se missiles balistiques air-sol… qui ne l’atteignirent jamais !
fermaient pas correctement. Le pilote a donc ramené l’avion au Après avoir inspecté l’avion sous toutes ses coutures et fait appel à
parking pour vérification. Puis Doc est reparti, pour de bon cette un expert du vieillissement des appareils de Boeing, Tony Mazzolini
fois. Le vol a duré 7 minutes. En l’air, l’équipage a été confronté avait réalisé qu’il faudrait des ressources importantes et une
à des indications de problèmes moteurs ; selon les mécaniciens expertise spécifique pour remettre le B-29 en état de vol.
navigants, elles étaient fausses à 99 %, mais il a néanmoins été En mai 2000, le bombardier fut en conséquence transporté en
décidé de ne pas prolonger le vol. Depuis, l’équipe qui a accompli la plusieurs morceaux par la route jusqu’à Wichita, où il prit résidence
restauration s’affaire à éplucher toutes les données de vol qui ont été à quelques centaines de mètres de l’usine qui l’avait vu naître 55
enregistrées, et mène une inspection détaillée et approfondie des ans auparavant. Là, une équipe de bénévoles débuta sa restauration.
différents circuits et systèmes, et des commandes de vol. Les travaux connurent des hauts et des bas. En février 2013, après En haut et
Ce projet pharaonique avait été lancé en avril 1998 lorsqu’un groupe une période difficile qui durait depuis quelques années, un groupe ci-dessus,
créé par l’Américain Tony Mazzolini, mécanicien navigant du B-29 de fanas d’aviation et de chefs d’entreprises de Wichita mené par Doc le 17 juillet
Fifi de la Confederate Air Force (devenue par la suite Commemorative Jeff Turner, qui venait de prendre sa retraite du poste de P-Dg dernier,
Air Force), et baptisé United States Aviation Museum, avait obtenu de Spirit AeroSystems, créa l’association Doc’s Friends (Les amis à Whichita,
de l’État américain la propriété de l’épave d’un B-29 “Superfortress” de Doc), pour reprendre la restauration du B-29 – désormais baptisé au Kansas.
que Tony Mazzolini avait repérée dès 1987. Le bombardier, matricule Doc – là où elle s’était arrêtée ; plus aucuns travaux n’avaient été
44-69972, était depuis 1956 sur la base d’essais d’armements de réalisés depuis 2010 faute de ressources financières suffisantes.
l’US Navy de China Lake, dans le désert de Mojave, en Californie. Le 23 novembre suivant, le premier des quatre moteurs révisés Le Boeing B-29
Le 15 avril 1998, il avait été tracté par la route, jusqu’à l’aéroport par le spécialiste Anderson Aeromotive, à Grangeville, dans l’Idaho, matricule
d’Inyokern, à 60 km de China Lake… en quatre jours. avait été installé. Puis, le 18 septembre 2015, les quatre moteurs 44-69972 tel que
Ce B-29 était le dernier disponible aux États-Unis suffisamment du B-29 avaient été démarrés pour la première fois. Tony Mazzolini le
“complet” pour être restauré. Construit par Boeing dans son usine Enfin, le 19 mai dernier, la Federal Aviation Authority, l’autorité vit pour
de Wichita, il avait été livré à l’US Army Air Force en mars 1945. de l’aviation civile américaine, avait octroyé son certificat de la première fois
Après avoir été transféré à Birmingham, dans l’Alabama, pour y navigabilité à Doc, ouvrant la voie au premier vol. à China Lake.

4
En bref
s’est enfin envolé Des MD 3312 et MD 311
jouent les “Boston”
dans La Promesse de l’aube
Durant le mois de juillet, pour les besoins du tournage
du long-métrage La Promesse de l’aube avec Pierre Niney
et Charlotte Gainsbourg, par le réalisateur Éric Barbier,
trois MD 312 et un MD 311 ont été peints pour figurer des
“Boston” du Groupe Lorraine. Par ailleurs, ont été utilisés
lors du tournage MS 505 “Criquet”, Piper L-18 et Stinson
L-5 “Sentinel”, ainsi que des Stampe, tout ceci sous la
houlette d’Iza Bazin, conseillère technique à la réalisation
et coordinatrice aviation. Ce film est une adaptation pour
le cinéma du roman autobiographique de Romain Gary
paru en 1960 et l’un des plus gros budgets français de
l’année 2016 – 15 semaines de tournage dans cinq pays.
La production vise une sortie pour le prochain festival de
Cannes et dans les salles en septembre 2017.

IZA BAZIN

The Fighter Collection s’est séparée


US AIR FORCE PHOTO / AIRMAN ERIN MCCLELLAN de son TF-51D Miss Velma
et de son “Spitfire” Mk XVI

XAVIER MÉAL

The Fighter Collection a vendu à la collection North Weald


Heritage Aviation du Britannique Graham Peacock ses
TF-51D matricule 44-84847, immatriculé G-TFSI, baptisé
U.S AIR FORCE PHOTO / AIRMAN 1ST CLASS CHRISTOPHER THORNBURY Miss Velma, et Supermarine “Spitfire” Mk XIV matricule
DR
MV293, immatriculé MW763. North Weald Heritage Aviation
compte également dans sa flotte le Hawker “Sea Fury”
immatriculé G-CBEL et le Hawker “Hunter” T.8
matricule WV322, en état de vol et basés à North Weald,
ainsi que le Hawker “Tempest” Mk II matricule MW763
en cours de restauration.

Un Français en Unlimited
aux courses de Reno
Olivier Langeard, Français résidant aux États-Unis, courra en
catégorie Unlimited (warbirds, généralement modifiés) avec
un Yak-11 non modifié, lors des prochaines courses
de Reno, dans le Nevada, du 14 au 18 septembre.

5
XAVIER MÉAL

Chiffres records et champions de grande classe


L’édition 2016 d’AirVenture, le grand rassemblement Le Stinson
annuel de l’association américaine Experimental L-1 “Vigilant”
Aircraft Association qui se tient tous les étés à Oshkosh, (désigné O-49
dans le Wisconsin, aura été placé sous le signe du Martin par l'United
“Mars”, énorme (à tous points de vue) et incontesté vedette des States Army Air
aficionados comme du grand public. Au moment du spectacle Corps jusqu‘en
aérien quotidien, son imposante silhouette a quasiment éclipsé les 1942) est un
évolutions du groupe Tora ! Tora ! Tora ! pour le 75e anniversaire oiseau devenu
de l’attaque de Pearl Harbor, celle des avions évoquant le rare. On ne
25e anniversaire de l’opération Desert Storm, ou encore connaît que cinq
l’hommage rendu aux US Coast Guards. exemplaires
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1 124 avions de construction survivants aux
amateur, 371 warbirds et 1 032 avions vintage (avions civils États-Unis.
antérieurs à 1970) étaient exposés. Du côté des warbirds, on a pu
voir B-29, B-17, B-25, A-26 “Invader”, C-46 “Commando”, P-47,
Curtiss “Helldiver”, “Avenger”, plusieurs P-40, P-39 “Airacobra”,
une horde de P-51, plusieurs “Corsair”, plusieurs TBM “Avenger”,
“Wildcat”, “Sea Fury”, A-4 “Skyhawk”, F-4 “Phantom”, plusieurs
F-86, et des dizaines de T-6, T-28, T-34, Yak-52 et CJ-6
“Nanchang”, entre autres, et un rare Stinson L-1.
Quant aux juges chargés de départager les plus belles
restaurations, ils ont eu fort à faire…
Le prix de Grand Champion de la catégorie Warbird-Deuxième
Guerre mondiale a été attribué au Curtiss P-40M “Kittyhawk” III
XAVIER MÉAL
matricule NZ3119 restauré par Paul Redlich et son équipe au sein du
Tri-State Warbird Museum de Batavia, dans l’Ohio. Dans la même Le Ryan Grand
catégorie, le prix de vice-Grand Champion est allé au Stinson L-1 Champion de
restauré par Gary Norville et sa société American Aero Service la catégorie
Antique est
pour Pat Harker, de Minneapolis. Dans la catégorie Warbird-
un des cinq ST
Après Deuxième Guerre mondiale, le Grand Champion est
construits.
le North American/Temco TF-51D Toulouse Nuts de la Collings
Fondation (lire Le Fana de l’Aviation n° 561).
Dans la catégorie Antique (construits avant le 31 août 1945), le
trophée de Grand Champion a été remis à Ted Teach, de Dayton
dans l’Ohion, pour son Ryan ST/STA de 1936. Et dans la catégorie
Classic (construits d’août 1945 à 1955), c’est Richard Praiser, de
Delray Beach, en Floride, qui a remporté le titre de Grand Champion
avec son Stinson 108 de 1948.
6
En bref
Le “Broussard” n° 6 n’est plus

DENIS ROSSÉ

Le Max Holste 1521 “Broussard” n° 6 construit en 1956 a été


complètement détruit dans l’incendie qui a ravagé le hangar
dans lequel il était abrité à Bienne-Kappelen, en Suisse, dans
la nuit du 3 au 4 juillet. Immatriculé HB-RSL il était le plus
vieux “Broussard” encore en état de vol et faisait jusque-là la
joie des organisateurs de meetings helvètes. Si aucun blessé
n’est à déplorer, les pompiers n’ont pu que constater les
dégâts à leur arrivée : sept avions réduits à l’état d’épaves.

Nouvelle livrée pour le “Mustang”


de Hangar 11
Le Britannique Peter Teichman a fait repeindre le North
American P-51D “Mustang” matricule 44-72035, immatriculé
G-SIJJ, de sa collection Hangar 11 dans la livrée
Le P-40M du Tall In The Saddle, un P-51D du 99th Fighter Squadron
à AirVenture 2016 “Kittyhawk” III
matricule
NZ3119 a fait
du 332nd Fighter Group (le fameux groupe de pilotes noirs
appelé Tuskegee Airmen) en 1945.
l‘objet d‘une
première
restauration
de 2006 à
2011, mais un
accident lors
du troisième
vol d‘essai
a contraint
Paul Redlich à
une seconde
restauration, DR

couronnée du
titre de Grand
Le Virginia Aviation Museum
Champion- a fermé ses portes
Deuxième Le Virginia Aviation Museum, situé sur l’emprise de l’aéroport
Guerre international de Richmond, en Virginie, a fermé à la fin du
mondiale mois de juin. Installé dans une structure construite en 1987
à AirVenture et qui ne devait être que temporaire, le musée est victime du
2016. vieillissement de ses bâtiments. Il recevait 13 000 visiteurs par
an. Plusieurs tentatives de relocalisation ayant échoué, ses 38
avions – du Spad VII de 1917 au F-14 “Tomcat”, en passant
par les uniques Curtiss-Wright Speedwing Model A-14D et
Vultee V-1AD Special de 1936 – vont être dispersés.
XAVIER MÉAL

DR

7
ACTUALITES
En bref
Un T-28 s’est écrasé durant L’EPNER fête ses 70 ans
le Cold Lake Air Show au Canada
Le 17 juillet, le North American T-28B “Trojan” immatriculé
C-GKKD s’est écrasé alors qu’il effectuait une présentation
de voltige à basse altitude lors du Cold Lake Air Show,
sur la base de Cold Lake, dans |’Alberta au Canada.
Le pilote, Bruce Evans, bien connu dans le milieu des
warbirs canadiens, n’a pas survécu à l’accident.

Le P-51D Trusty Rusty vole


pour de bon aux Pays-Bas

HUMBERT CHARVES
Pour célébrer
L’École du personnel navigant d’essais et de réception les 70 ans
(EPNER), qui forme les futurs spécialistes des essais de l’EPNER,
expérimentaux sur tous les types d’avions et d’hélicoptères, a fêté l’“Alphajet”
ses 70 ans d’existence le 10 juillet dernier. Fondée en 1946 par n° 100 a reçu
les ingénieurs et pilotes François Hussenot, Maurice Cambois et une décoration
BEREND JAN FLOOR / AIRONLINE.NL
Charles Cabaret sur le site du Centre d’essais en vol de Brétigny- spéciale.
sur-Orge, l’école déménagea sur la base aérienne d’Istres en
Le 4 juillet dernier, à Lelystad aux Pays-Bas, Marcel en 1962. L’établissement est rattaché à la Direction générale de
Peerlkamp a procédé à un nouveau vol d’essai – concluant l’armement (DGA).
cette fois – du North American P-51D “Mustang” matricule Depuis fort longtemps, l’EPNER est reconnue au niveau mondial
44-74923, immatriculé PH-JAT et baptisé Trusty Rusty. au même titre que les écoles d’Edwards et Patuxent River pour
Après son importation en Europe, le premier vol d’essai l’US Air Force et l’US Navy, l’ETPS (Empire Test Pilot School)
avait eu lieu en mars 2012, au cours duquel un problème britannique mais aussi la NTPS (National Test Pilot School), école
avec le régulateur de pas d’hélice avait été décelé. Il privée américaine installée à Mojave (Californie). Mais l’EPNER est
a fallu beaucoup de temps à l'opérateur du chasseur, la seule à former des pilotes, des ingénieurs, des mécaniciens, des
Stichting Vroege Vogels, pour trouver une nouvelle hélice techniciens, des parachutistes et des contrôleurs de la navigation
Aeroproducts. Puis la société FastAero a été mandatée aérienne destinés au monde des essais. Plus de 2000 étudiants sont
pour conduire les vols d’essais, deux le 4 juillet, au cours passés par l’école d’Istres, dont 400 venaient de l'étranger.
desquels seuls des problèmes très mineurs ont été relevés.

L’ancien Risky Business


de retour à Reno ?
Rideau sur le SEM
Mardi 12 juillet dernier, l’histoire du SEM au sein de
Le 19 juillet, à Hollister en Californie, le North American
l’Aéronautique navale a pris définitivement fin sur la base
P-51D “Mustang” matricule 44-73693 de Mike Brown,
de Landivisiau. Équipant la Marine depuis 42 ans, le chasseur-
l’ancien Risky Business de Bill Rheinschild, qui portait le
bombardier SEM avait atterri pour la première fois sur la piste de la
n° 45 lorsqu’il courait à Reno, a fait son premier vol après
base bretonne en 1993. La Flottille 17F a célébré le retrait du service
restauration par la société Airmotive Specialties Inc. Acheté Le 12 juillet
actif du “Super Étendard modernisé” par une journée spéciale, en petit
en 2015, il a été totalement restauré et aurait été équipé dernier, au
comité. Elle avait organisé à l’intention de ses personnels et de leurs
d’un moteur “Merlin” spécialement préparé pour les courses retour du
familles, de ses anciens et de quelques invités triés sur le volet une
par le spécialiste Mike Nixon et sa société Vintage V-12s. dernier vol de
exposition statique avec quatre SEM en différentes configurations, et
Il a reçu une superbe livrée aluminium poli “façon mirroir” et trois “Super
deux “Rafale” M représentant l’avenir de la flottille – futur qui début
doré. La rumeur dit que l’avion sera baptisé Gold Finger… Étendard
dès ce mois de septembre. La journée a été clôturée par un petit
Une question demeure cependant : sera-t-il présent aux modernisés“ de
spectacle aérien avec en ouverture un “Zéphyr”, un “Paris” et un
courses de Reno du 14 au 18 septembre ? A priori non, mais la Flottille 17F,
“Hawkeye”, suivie d’une ultime “démo tactique” à deux, avec aux
il n’est pas exclu que Mike Brown fasse une surprise aux qui arborent
commandes des SEM le chef des opérations et le commandant en
organisateurs des fameuses courses, car il a plusieurs fois les différentes
second de la 17F, d’un solo du SEM n° 51 en livrée des années 1980,
couru à Reno, aux commandes de P-51 et de “Sea Fury”. livrées ayant
et enfin un duo de “Rafale” M.
existé.

AIRMOTIVE SPECIALTIES INC


F. DUPLOUICH / MARINE NATIONALE

8
LE COURRIER

Souvenirs de “Rafale”
Dans votre n° 560 de juillet,
vous racontez le premier
vol du démonstrateur
“Rafale” A, du moins tel que vu côté
“officiel”, par les chefs. Cela me
rappelle mon expérience en tant que
membre de l’équipe avion chargée
de la programmation et l’exploitation
de l’installation de mesure, des
visualisations, du suivi temps réel
(donc de la salle d’écoute) et de
la transmission et publication des
résultats. À cette occasion, notre
équipe (une dizaine d’ingénieurs
supervisés par Philippe Le Corre revenu
de St-Cloud, sous l’autorité de Jean
Differ) avait énormément de travail pour
que tout soit prêt à temps. La pression
augmentant avec l’approche de la
date fatidique, nous finissions chaque
DASSAULT AVIATION
jour plus tard, ce qui nous a amenés à Il était difficile
rester ensemble, y compris la nuit, pour devenu banc d’essais du M88 pour la de réunir premiers vols que j’ai vécus, plutôt
perdre le moins de temps possible. Ne Snecma, le motoriste n’ayant pas les toute l’équipe discrets et en petit comité, ce 4 juillet
pouvant passer la nuit sur la base, nous compétences et l’équipe maison ayant impliquée dans marque pour moi un très bon souvenir.
avons donc opté pour le local assez mieux à faire, j’ai quand même dû en le premier vol C’était mon dernier vrai travail sympa
grand le plus proche, qui se trouva reprendre la gestion de l’installation du “Rafale”… d’essais en vol en équipe tel qu’on le
être mon logement de célibataire, ou de mesure. Ce qui a fait de moi le seul rêve ou qu’on le trouve dans les livres,
j’hébergeais déjà l’ami Le Corre et son ingénieur à avoir assuré à la fois le avant les 25 ans de purgatoire de ma
épouse pour la durée de la campagne. premier et le dernier vol du “Rafale” A . fin de carrière.
Pendant les derniers jours avant le Bien que très différent des autres Jean-Dominique Marini
4, nous avons donc cohabité dans
une ambiance sympathique bien que
fiévreuse. Nous sommes d’ailleurs
restés “la tête dans le guidon”
jusqu’au soir du 4, parce que pendant À propos d’une maquette
la fiesta avec découpe de cravates
que vous rapportez, il fallait bien trier Le “Rafale” A a bien été n’existait pas encore. Le prototype
et mettre en forme les résultats que construit dans l’atelier Carnot à du “Rafale” est dans le dos du
les représentants du bureau d’études Saint-Cloud mais votre photo présente photographe. La maquette
devaient ramener le soir même à la maquette d’aménagement. Noël Gérard , d’aménagement
St-Cloud, et préparer les comptes À l’époque la maquette numérique Retraité bureau études Dassault du “Rafale” A.
rendus. C’est pourquoi seul Le Corre,
en tant que notre représentant, figure
sur la photo commémorative (au milieu
des équipes avion et bureau d’études
perdues dans une foule d’inconnus).
Nous nous sommes fait notre propre
fiesta (très modeste) beaucoup plus
tard dans la nuit, besogne faite, au bord
de l’étang de Berre. Cette anecdote n’a
pas été du goût de la direction, et je ne
sais pourquoi j’ai été jugé responsable
par les jeunes chefs qui ont succédé
à MM. Cazaubiel et Differ. Je me suis
donc retrouvé assez vite non seulement
poussé hors de l’équipe “Rafale”,
pour travailler en solo sur les affaires
dont personne ne voulait, mais même
rayé de la liste des invités lors des
(nombreuses) fêtes commémoratives,
auxquelles étaient conviés même les
retraités ! Officiellement je n’aurais
même jamais participé au premier vol !
Curieusement, lorsque le “Rafale” A est
DASSAULT AVIATION

9
LE COURRIER
Pot de fleurs… MD 315 installés à Strasbourg-
Neuhof. Le “Mirage” IIIR n° 314,
Si l’installation à l’extérieur est
plutôt spectaculaire pour les
De temps en temps j’aime qui avait quitté les rangs de la visiteurs, ça n’est pas la meilleure
bien compulser les anciens 33e Escadre de reconnaissance en façon de conserver les avions.
numéros du Fana et là je 1989, avait repris le flambeau de Espérons que le “Mirage” IIIR
tombe sur un article de Patrick Ehrhardt “pot de fleurs” au même endroit n° 314 trouve un toit ! Précisons
qui se plaignait du sort réservé aux avant de partir sur l’aérodrome de enfin que le “Mystère” IVA n° 33
“pots de fleurs” (Le Fana de l’Aviation Sarre-Union. Plus de 20 ans ont est depuis 2002 entre les mains des
n° 392, juillet 2002). Il écrivait : passé, et le “canard est toujours Ailes anciennes de Haute-Savoie,
“Combien de machines historiques vivant” si l’on en croit vos photos. où il est patiemment restauré.
ont-elles disparu de la sorte ? Dans
notre région, ce fut ce qui était arrivé Le “Mirage” IIIR
au Dassault MD 315 exposé sur n° 314 en “pot
l’aérodrome de Sarre-Union (67). de fleur” sur
l’aérodrome de
Qu’en sera-t-il dans une vingtaine
Sarre-Union.
d’années pour le “Mirage” IIIRD venu
le remplacer ?” Son propos était
prémonitoire. J’ai eu l’occasion de
photographier cet appareil l’année
dernière et en effet, voilà ce que devient
ce IIIRD, en réalité un IIIR. J’attends
toujours avec autant d’impatience mon
Fana tous les mois.
Alain Renaud

Patrick Ehrhardt,
alors président des Ailes anciennes
d’Alsace, avait à l’époque alerté les
lecteurs du Fana sur le sort du
“Mystère” IVA n° 33 et du
A. RENAUD

Beaux avions !
Deux cartes postales trouvées Un Breguet 19
dans un vide-greniers. Mais portant l’insigne
quels sont ces deux avions ? Le mono- de l’escargot ailé.
moteur est-il un Breguet ? Le trimoteur
est-il un Dewoitine ? Et de quelles
années ? Nul doute que vous saurez
mettre un nom sur ces deux beaux
appareils.
Jean-Christophe Debuisson

Vous avez très


probablement juste avec le
Breguet 19. L’insigne de l’escargot
ailé est très certainement celle de
l’escadrille SAL 1. Par conséquent,
la période est postérieure à 1925,
quand l’unité faisait partie du
4e Régiment d’observation. Pour le
trimoteur pas de doute possible : il
s’agit du Couzinet “Arc-en-Ciel”,
l’un des nombreux trimoteurs
Le Couzinet
français du début des années 1930.
PHOTO ANDRÉ / COLLECTION J -C DEBUISSON
PHOTO ANDRÉ / COLLECTION J -C DEBUISSON “Arc-en-Ciel”.
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- Les derniers kamikazes - La Civil Air Transport en Indonésie : - Sur les traces de Fool’s Paradise IV - 1870-1871, la victoire des ballons de Paris
- Le salon du Bourget de 1975 Une guerre qui n’a jamais eu lieu - Northrop F-89 Scorpion - Reprise de la lutte sur P-39
- Vickers 432 Collection du Château de Savigny-lès-Beaune - P-51D Sierra Sue II - Un pilote s’amourache d’un Lokcheed 12 - 30 décembre 1935, St-Exupéry perdu dans le désert
- Ce jour-là... 7 septembre 1965 - Northrop F-89 Scorpion - Reprise de la lutte sur P-39 - Istres-Damas-Paris en 1937

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- Rescapé de l’Alaska, le dernier des « Vega » - Philippe Charbonneaux, Designer et espion - 15 mars 1996 LA fin du « Hollandais » volant - St-Raphael 1925 : Grand prix des hydravions de transport
- Eté 1943, reprise de la lutte sur P-39 - Un as de la bataille : Jean Chaput à Verdun - 1982-1985 : l’affaire des « Super Etendard » - 1982-1985 : l’affaire des « Super Etendard » irakiens
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- Les paris de Marcel Dassault - « Super Etendard » et « Rafale » sur le Charles de Gaulle - Laird LC-RW300 « Speedwing » - Flying Legends 2016
- Bréguet Br.1050 « Alizé », le second souffle - Le bombardement français dans la tourmente - Sikorsky S-61L/N, un ancien durable - La saga du Dassault « Etendard »
- Le chasseur embarqué de la Luftwaffe - La chute du « Valkyrie » - L’usine aéronautique de Long Beach - Création de l’escadrille SPA 75
(Messerschmitt Bf 109T) - HS.748 ou la comédie des erreurs - Défendre le « Hump » à tout prix - Défendre le « Hump » à tour prix (4ème partie)
- 3 mai 1946, création de l’Onera

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MONOGRAPHIE
Il fit trembler le monde
MiG-21,
la flèche rouge
Le MiG-21, chasseur redoutable, fut un combattant
incontournable pendant la guerre froide, présent
sur tous les fronts du Sinaï au Viêtnam.
Par Nicolas Yakoubovitch.
Traduit du Russe par Alexandre Nicolsky.

a création de l’un des chas- prescrivait trois. Ce décret statuait Cependant, le moteur qui devait

L seurs supersoniques les plus


célèbres de son époque fut
rendue possible par l’appa-
rition en Union soviétique,
vers le milieu des années 1950, de
réacteurs à compresseur axial de
faible encombrement fournissant
que la vitesse de l’appareil à 10 000 m
avec la postcombustion à pleine
charge pendant 5 minutes ne devait
pas être inférieure à 1 750 km/h, le
temps de montée à cette altitude de-
vant être de 1 minute et 12 secondes
et le plafond pratique de l’appareil
propulser cet appareil ne fut pas prêt
à la date prévue et il fallut se conten-
ter d’un Toumanski AM-9, moins
puissant – il équipait les MiG-19
et Yak-25. Ce réacteur plus ancien
permettait néanmoins d’étudier le
comportement de l’appareil en vol
de plus de 5 t de poussée qui furent de 18 000-19 000 m. La distance et de procéder à un certain nombre
combinés à une aile delta. franchissable était fixée par le même de mises au point.
Un premier projet de chasseur décret à un minimum de 1 800 km en
supersonique à voilure triangu- croisière à 15 000 m sans postcom- Nombreuses difficultés
laire, désigné MiG E-1 (E pour bustion, les distances de décollage et
Experimentalnii, expérimental), d’atterrissage étant respectivement
pendant les essais
demeura au stade d’ébauche. Si les de 400 et 700 m. Le premier vol du E-2 eut lieu
constructeurs n’avaient pratique- L’avion devait être capable d’un le 14 février 1954. Ce n’est que
ment pas de choix quant au modèle piqué à la verticale avec utilisation deux ans plus tard qu’arriva aux
de réacteur, un Toumanski AM-11, d’aérofreins à toutes les altitudes. Il essais le premier E-2A/1 doté d’un
les discussions furent vives lorsqu’il devait également pouvoir utiliser des AM-11.Quand Sergueï Toumanski
s’agit de la forme à donner à la voi- terrains non bétonnés. remplaça Alexandre Mikouline en
lure et il fallut procéder à des essais Son armement de trois canons 1955, la désignation des moteurs
comparatifs. L’aile à forte flèche devait comprendre jusqu’à 16 ro- passa de AM à RD, l’AM-9 deve-
étant celle qui posait le moins de pro- quettes S-5 en surcharge. Il n’était, nant ainsi le RD-9. Ce nouveau
blèmes, elle fut retenue pour le E-2. à ce stade, pas question d’emporter prototype était reconnaissable aux
Le chasseur devait recevoir deux des bombes. Le pilote disposait d’un barrières de couche limite sur l’ex-
canons, bien que le décret ministé- viseur optique complété par un télé- trados de la voilure, absentes sur
riel qui supervisait le programme en mètre radar. son prédécesseur. Le pilote d’essai
Gregori Sedov lui fit effectuer son
L’E-6/1 permit premier vol le 17 février 1956. Les
de perfectionner essais furent marqués par de nom-
la formule breuses difficultés. L’avion souffrait
aile delta avec
d’oscillations longitudinales aux
empennage qui
grandes vitesses, liées à des erreurs
donna le MiG-21,
de conception de la commande de
intercepteur
Mach 2 de même
profondeur ; à ces vitesses, il était
niveau que excessivement sensible aux moindres
les chasseurs mouvements du manche en roulis,
occidentaux avec également des oscillations sur
contemporains. cet axe. Beaucoup de temps fut par
ailleurs consacré à l’élimination des
défauts du propulseur, provoquant
11 mois d’interruption des essais.
L’E-2A atteignit, pendant ces
premiers essais, une vitesse de
1 950 km/h et un plafond de 18 000 m,
le temps de montée à 10 000 m était
V

DR

14
Le démonstrateur
E-5. Il faisait
suite au E-4,
premier MiG à
adopter l’aile
delta qui s’avéra
rapidement
intéressante
pour un chasseur
supersonique.

DR
MIG-21

de 1 minute et 18 secondes et la dis- chasseur à moteur-fusée soviétique faible, favorable aux grandes vi-
tance franchissable de 2000 km. fut abandonné à l’orée des années tesses, tout en conservant une épais-
L’armement comportait deux canons 1960. D’une part, les réacteurs pro- seur géométrique importante, ce qui
NR-30 de 30 mm et deux lance-ro- duisaient désormais suffisamment offre un volume important pour le
quettes sous voilure (roquettes S-5). de puissance pour atteindre Mach 2, carburant et les équipements.
Des lance-bombes étaient également d’autre part les ingénieurs de MiG Le prototype E-4 fut, en fait,
prévus. Mais l’E-2A resta au stade avaient trouvé la bonne formule en un laboratoire volant sur lequel on
du prototype, les militaires lui ayant développant parallèlement au E-50 expérimenta l’effet des différentes
préféré le E-4 à aile delta. L’Otan lui l’aile delta avec l’E-4. dispositions des barrières de couche
attribua néanmoins le non de code limite sur les caractéristiques aéro-
de “Faceplate”. L’adoption dynamiques de la voilure. Ces essais
L’aile à forte flèche subsista furent ensuite poursuivis sur le pro-
cependant avec le démonstrateur
de l’aile delta totype E-5. Comme pour l’E-2, il fal-
E-50. Suivant le même principe de Ce fut l’adoption de l’aile delta qui lut, pour le début des essais, équipé
l’intercepteur associant moteur- façonna le MiG-21. Manifestement, l’E-4 d’un moteur RD-9 au lieu du
fusée et réacteur du Saunder-Roe l’idée que les laboratoires du TsAGI RD-11 prévu initialement. Sedov ef-
SR.53 britannique ou du “Trident” (l’institut central d’aéro-hydrody- fectua le premier vol le 16 juin 1955.
français, les ingénieurs équipèrent namique) avaient de l’écoulement Au cours des essais, l’appareil attei- Le
un E-2A avec un moteur-fusée S-155 sur une aile delta était encore assez gnit seulement une vitesse maximum démonstrateur
qui produisait 1 600 kg de poussée vague et le développement se fit par de 1 290 km/h. C’était un peu mieux E-2 explorait
à haute altitude – en plus du RD-9 tâtonnement, selon la méthode de la que le MiG-19, mais la performance l’aile à forte
(3 800 kgp avec postcombustion). Il correction des erreurs. demeurait en deçà des exigences de flèche.
commença ses essais en vol le 9 jan- Finalement, l’aile delta associée la fiche programme. L’appareil était Il affichait des
performances
vier 1956. Sa vitesse ascensionnelle à un empennage fut retenue comme confronté à de sérieux problèmes
intéressantes,
était bien meilleure que celle du offrant le meilleur compromis. Avec aérodynamiques. Il fallut corriger
cependant
E-2A, mais le moteur-fusée fonc- une aile delta, la corde importante tout l’arrière du fuselage.
les Soviétiques
tionnait mal. Comme pour tous tout le long de l’envergure permet À la suite du E-4, on procéda
préférèrent
ces homologues occidentaux, le d’obtenir une épaisseur relative au développement de l’avion sui- l’aile delta.

DR

16
Autre possibilité
de chasseur
supersonique
avec l’E-50, en
fait un E-2 avec
un moteur-fusée.
Les performances
étaient
intéressantes,
mais le moteur-
fusée était
compliqué à
mettre en œuvre.
DR

vant, l’E-5. Mû par un réacteur jonction d’un réservoir pendulaire. incidences, quatre cloisons furent
RD-11-300 de 5 500 kgp, il devait, Sa distance de décollage ne devait installées sur chaque aile. Dites cloi-
avec la postcombustion, atteindre pas dépasser 400 m et la course à sons de contrôle de la couche limite,
1700-1750 km/h et monter à 10 000 m l’atterrissage 700 m. L’armement elles évitent le glissement de l’air
en 1 minute et 42 secondes, avoir un restait identique aux définitions dans le sens latéral de l’emplanture
plafond pratique de 17 000-18 000 m précédentes. vers le bout d’aile (saumon) en redi-
et une distance franchissable de Pour éviter le décollement de l’air rigeant le flux d’air vers l’arrière du
1 500 km, portée à 2 000 km par l’ad- sur la voilure, en particulier aux fortes bord de fuite. Ce dispositif améliore

V
MiG, célèbre constructeur
Les études de ce qui devint le
MiG-21 commencèrent en 1953 alors
que le bureau d’études dirigé par
Artem Mikoyan (photo) avait 13 ans
d’existence. À cette époque il avait
déjà créé l’un des premiers chasseurs
à réaction soviétiques, le MiG-9, suivi
ensuite par le MiG-15 à voilure en
flèche, devenu célèbre pendant la guerre
de Corée (lire Le Fana de l’Aviation nos
502 et 503). Le MiG-19 fut le premier
chasseur supersonique du pays des
Soviets. Il fallait désormais viser Mach 2
pour le remplacer. Bien entendu, le
bureau d’études de Mikoyan avait
également produit jusque-là bon nombre
de prototypes et d’avions expérimentaux
tels que les I-250, I-270, I-1 et SM-2.
Ce sont ces études et les essais associés
qui permirent à la firme de progresser ;
elle disposait en outre d’une très grande
expérience dans le domaine des avions
de combat. Il n’existait pas à l’époque de DR
radars embarqués avec des antennes de petites dimensions. D’ailleurs, l’armement des chasseurs n’étant constitué que par des canons,
une grande distance de détection des objectifs n’était pas essentielle. Ce facteur permit de conserver pour le nouvel avion une configuration
avec une entrée d’air centrale que la firme maîtrisait bien. Il convient de noter que le nombre de collaborateurs de l’OKB (Bureau d’études
expérimental) étudiant de façon directe des matériels aéronautiques était nettement moins élevé que dans des entreprises équivalentes
en Occident. Il y avait un centre de production expérimental (usine-atelier prototypes) fabriquant les maquettes pour essais en soufflerie,
les systèmes d’évacuation (sièges éjectables) ainsi que les prototypes des nouveaux appareils destinés aux essais en vol ou statiques.
À l’époque, l’industrie aéronautique soviétique éprouvait de grosses difficultés dans la mesure où les procédés technologiques et les moyens
de production des usines de série avaient un net retard par rapport aux ateliers prototype. Les dirigeants de l’industrie aéronautique recherchaient,
longtemps à l’avance, l’usine de série à laquelle serait confiée la nouvelle production. Mais souvent, alors que les essais en vol touchaient
à leur fin, les plans changeaient et il fallait alors modifier une bonne partie de la documentation technique pour l’adapter au nouvel industriel,
ce qui provoquait un retard important dans le lancement de la production du nouvel appareil. Le MiG-21 n’échappa pas à ces vicissitudes.
Elles furent surmontées et, avec un peu plus de 10 600 exemplaires fabriqués, le MiG-21 fut le plus prolifique des chasseurs Mach 2 dans
le monde, loin devant le F-4 “Phantom” II (5 195 exemplaires), le F-104 “Starfighter” (2 578 exemplaires) ou le “Mirage” III (1 422 exemplaires).

17
MIG-21

les manœuvres en roulis par rapport


au E-2A. Ces cloisons n’avaient que
peu d’effet sur les performances
de vitesse dans tout le domaine de
vol. Par contre, on découvrit que la
partie de ces barrières dépassant du
bord d’attaque, contrairement aux
attentes, détériorait l’écoulement aux
extrémités de voilure aux incidences
supérieures à 10°.
Les deux aérofreins situés sous la
partie avant du fuselage furent com-
plétés par un troisième situé plus en
arrière.
Le 9 janvier 1956 eut lieu le pre-
mier vol du E-5 propulsé par un
R11-300 (avec Nefedov comme pi-
lote), appelé à devenir un an plus tard
le MiG-21. Les prototypes E-2A,
E-4 et E-5 participèrent à la grande
parade aérienne de Tushino le 24 juin
1956 et furent dès lors connus à Les difficultés de mise au point l’Otan lui attribua le non de code de
l’Ouest. Apparemment, une certaine du E-5 et de son moteur retardèrent “Fishbed”.
confusion régna alors avec les futures sa remise aux essais officiels et ce Les ingénieurs poursuivirent
désignations des chasseurs : le E-2A n’est que le 22 février 1957 que le pro- leurs études sur le chasseur à
était le MiG-23, le E-4 le MiG-21. totype parvint au LII VVS (Institut aile delta en 1957 avec le E-6 (ou
Seul ce dernier fut fabriqué en série, d’essais en vol des Forces aériennes). MiG-21F), équipé d’un moteur
la désignation de MiG-23 étant beau- Ce fut au cours de la même année R11F-300 de 5 750 kgp, ce qui permit
coup plus tard attribuée au chasseur que l’usine n° 31 de Tbilissi sortit les d’améliorer sensiblement les perfor-
à aile à géométrie variable. cinq premiers MiG-21 de présérie ; mances du chasseur.
DR

Lorsqu’il entra en service, la


principale mission du MiG-21
était l’interception des
bombardiers américains. Ici un
exercice d’alerte, un classique de
part et d’autre du rideau de fer
pendant les années 1960…
SON
YURGEN
ANDREY

Un des nombreux MiG-21F-13 qui assuraient la défense de Moscou


en 1961. Ils étaient équipés de missiles air-air K-13.

Le premier E-6/1 conserva l’aéro- externe. Ce fut cette configuration Le premier vol du E-6/1 eut lieu
dynamique de l’aile du E-5 avec trois aérodynamique qui fut conservée sur le 20 mai 1958. Sur le troisième pro-
cloisons de couche limite. Dès le deu- toutes les versions, du MiG-21F au totype E-6/3, le fuselage fut modi-
xième prototype E-6/2, deux d’entre MiG-21bis. Le fuselage arrière fut fié par l’addition de volets d’entrées
elles furent supprimées. La forme de modifié par l’abaissement du plan d’air additionnelles, des réservoirs
celle conservée fut modifiée pour horizontal mobile et la réduction de supplémentaires dans la voilure et
améliorer le comportement aérody- la surface de ce dernier. Enfin, l’en- dans le fuselage, derrière le poste
namique de l’aile. Cette modification trée d’air fut modifiée, avec une lèvre pilote. La surface de l’empennage
simplifia la fabrication de la voilure plus mince et un cône central mobile. vertical fut agrandie. Le moteur était
du type R11F-300 avec des volets de
Le MiG-21 chasseur de records tuyère réglables et un système d’in-
jection d’oxygène.
Pour illustrer les performances de leurs
avions de combat, les Soviétiques et Le succès des essais
Occidentaux se disputèrent les records
officiels établis par la Fédération du E-6/1
aéronautique internationale. Cette L’avion était armé de deux ca-
compétition fut particulièrement âpre entre nons NR-30. L’équipement compor-
1950 et 1965. Dans cette perspective, tait un viseur infrarouge SIV-52 et
les deuxième et troisième MiG-21F furent un viseur ASP-5N combiné à un té-
transformés en appareils expérimentaux lémètre radar SRD-1M permettant
E-6T. Propulsé par un réacteur R11F2-300, le tir sur des cibles du type “bom-
l’E-6T/1, devenu E-66 pour la circonstance, bardier” à des distances pouvant
établit le 31 octobre 1958 le record mondial atteindre 2 000 m. L’équipement du
de vitesse à 2 388 km/h piloté par Georgi pilote comportait une combinaison
DR Mossolov (photo). L’E-66 effaçait les haute altitude VKK-3 avec un casque
2 259 km/h du “Starfighter” américain pressurisé GSh-4M. Les sièges éjec-
(le 16 mai 1958). Le F-106A “Delta Dart” le dépassa avec 2 455 km/h (le tables à rideau montés initialement
15 décembre 1959). Un an plus tard, Mossolov porta ce record à 2 504 km/h. Le furent remplacés par des “SK” dotés
16 septembre 1960, Constantin Kokkinaki établit le record mondial de vitesse d’une protection aérodynamique du
en circuit fermé sur 100 km avec 2 148,66 km/h – à titre de comparaison, le pilote au moment de l’éjection.
“Mirage” III avait atteint 1 901 km/h le 18 juin 1959. Le 28 avril 1961, Mossolov Par la suite, l’E-6/2 fut équipé de
étonna tout le monde en atteignant une altitude de 34 714 m avec l’E-66A rails lanceurs de missiles afin d’étu-
propulsé en plus de son réacteur par un moteur-fusée C3-20M5A (3 000 dier le comportement de ces derniers
kgp). Comme nous le verrons le mois prochain, le NF-104A américain parvint lors du tir depuis les extrémités de
officieusement à 36 819 m. La performance du MiG-21 ne fut battue qu’en août voilure, en vue du développement
1977 par un dérivé du MiG-25. Des dérivés du MiG-21PF furent utilisés pour les des intercepteurs E-150 et E-152.
records féminins. Le premier fut établi, le 16 septembre 1966, par M. Solovieva Les essais officiels s’achevèrent
sur un appareil désigné E-76, en circuit fermé de 500 km à la vitesse moyenne avec succès à l’automne 1959 et,
de 2 062 km. Un mois plus tard, E. Martova réalisa 900,267 km/h de moyenne pour la fin de l’année, l’usine n° 31 de
sur un circuit de 2 000 km. Enfin, le 18 février 1967, la même pilote améliora le Tbilissi avait produit les 10 premiers
record en circuit fermé sur 500 km en le portant à 2 128,7 km/h. Des biplaces avions de série. La production fut en-
furent aussi utilisés. Un premier record d’altitude fut atteint sur MiG-21US le suite développée dans la grande usine
22 mai 1965 lorsque Natacha Prokhanova atteignit 24 366 m d’altitude. Un n° 21 de Gorki (Nijni-Novgorod).
mois plus tard, L. Zaïtseva maintenait 19 020 m en vol horizontal. Ces résultats Alors que les essais officiels étaient
étaient obtenus en équipant l’avion d’un moteur aux performances améliorées encore en cours, le gouvernement
fournissant 7 000 kg de poussée, complété par l’adjonction de deux fusées soviétique examinait déjà la ques-
auxiliaires. tion de l’organisation de la mise en
V

19
MIG-21

Deuxième
version de série,
le MiG-21F-13.
Sa principale
modification
tenait dans
l’installation du
missile air-air
K-13.
DR

production de série du MiG-21F en ment avec des canons, et deman- L’un des problèmes les plus no-
Tchécoslovaquie et en Chine. dant que fût lancée la fabrication de tables du MiG-21 était sa vitesse d’at-
À l’automne 1958 eut lieu un MiG-21F-13 armés d’engins K-13. terrissage élevée. Déjà de 250 km/h
événement qui influença le dévelop- Par rapport au modèle précédent, pour l’E-5, elle atteignait 270 km/h
pement de l’armement des avions le MiG-21F-13 bénéficia du rempla- pour le MiG-21F-13. Sur les ver-
de chasse en Union soviétique : les cement du radiotélémètre SRD-1 sions ultérieures, prévues alors, elle
spécialistes eurent entre leurs mains par le modèle SRD-5 “Kvant”, relié devait atteindre les 290 km/h. Le
les débris d’un missile air-air AIM-9 à un calculateur VRD-1 et au viseur seul moyen envisagé pour réduire
“Sidewinder” tombé dans une rizière optique ASP-5N-BVI. Outre les ces chiffres était la réalisation d’un
en Chine. Le petit “Sidewinder” engins K-13, le MiG-21F-13 pouvait soufflage de la couche limite sur les
fit grosse impression, et les débris emporter jusqu’à 32 roquettes S-5, volets, avec de l’air prélevé sur le
furent emportés en URSS pour deux roquettes S-21 ou S-24 ainsi compresseur du réacteur. La mise
analyses détaillées. Mais ce n’est que des bombes. au point de ce système, associée à
qu’après avoir “obtenu” une docu- Les premiers exemplaires en- l’étude du décollage avec des accélé-
mentation technique substantielle trèrent en service en 1959. En 1962, rateurs SPRD-99 et aux essais d’un
que les ingénieurs soviétiques purent la production des MiG-21F-13 parachute-frein monté sous la dérive,
réaliser un engin analogue, désigné destinés à l’exportation fut confiée se déroula sur le prototype E-6V/2.
K-13 (AA-2 “Atoll” dans la codifi- à l’usine n° 30 de Moscou, dési- Il y eut aussi des tentatives de
cation Otan), dont l’installation sur gnée plus tard “Znamia Trouda” faire du MiG-21 un chasseur bom-
MiG-21F fut aussitôt recommandée. (L’Étendard du travail) et située bardier. Le E-6/9 (MiG-21B) était
dans le centre-ville. Les membres du ainsi capable d’emporter une arme
L’installation pacte de Varsovie reçurent les pre- nucléaire. Au cours de l’été 1961, le
miers exemplaires (Tchécoslovaquie MiG-21B subit avec succès l’épreuve
de missiles puis Pologne). L’Égypte perçut ses des essais. Mais la place était déjà
E n dé c embre 19 59, L a premiers MiG-21F-13 dès novembre prise dans les unités par le Sukhoi
Commission d’État pour la tech- 1961. L’Inde fut livrée à partir de jan- Su-7B, ce qui scella le sort du MiG.
nique aéronautique s’adressa au vier 1963. Les premiers MiG-21F On pourra lire plus loin que, 4 ans
gouvernement de l’URSS pour arrivèrent au Nord-Viêtnam à la fin plus tard, l’OKB-155 (MiG) proposa
que la production des MiG-21F fût de 1965. Le chasseur était alors en de nouveau la version MiG-21B, mais
interrompue à l’usine n° 21 compte passe de devenir standard parmi les cette fois-ci à partir d’un MiG-21PF.
tenu de l’obsolescence de son arme- alliés de l’Union soviétique. Mais cette deuxième tentative n’eut

20
MiG-21P. Un décret gouvernemental
en date du 24 juin 1958 lança sa mise
en fabrication. Un des paragraphes
de ce document prescrivait la mise
au point sur deux exemplaires d’un
radar RLS TzD-30T associé à deux
missiles air-air. Le radar devait,
d’après les calculs, être en mesure
de détecter un objectif de la taille
d’un bombardier Tu-16 à 30 km.
Aux essais, la portée maximale de
Essai du siège détection ne dépassa pas 20 km, la
éjectable SK valeur pratique étant de 15 à 17 km.
qui équipait les Le décret ne prévoyait pas l’éli-
premiers MiG-21 mination du canon de l’armement de
sur un MiG-15 l’appareil, mais ne traitait que de la
biplace. mise au point des engins emportés.
Le seul type d’engin envisageable
DR

pas plus de succès. Le Su-7B et ses En 1968 commencèrent les es- était alors le missile radioguidé K-5
différentes versions étaient solide- sais en vol du MiG-21UM, qui se dis- (AA-1 “Alkali” pour l’Otan).
ment ancrés dans l’aviation de bom- tinguait principalement de son pré- L a mise en place du radar
bardement tactique. décesseur par un moteur R-13-300. TzD-30(RP-21) entraîna l’agran-
Au début de l’année 1961 eut lieu Le circuit carburant était également dissement de l’entrée d’air dont le
le premier vol de la première version modifié avec un réservoir dorsal diamètre fut porté à 0,87 m, la lon-
biplace-école désignée MiG-21U, agrandi. L’appareil fut en outre gueur du fuselage passant à 12,29 m.
commandée par les forces aériennes équipé du viseur ASP-PF-D-21 et La perche du tube pitot fut alors pla-
l’année suivante. Entre le 17 février d’un pilote automatique AP-155. cée au-dessus de l’entrée d’air, dans
et le 15 juin 1922, le MiG-21F UTI La partie arrière de la verrière fut l’axe de l’avion.
(n° 62) effectua des essais avec un dotée d’un périscope qui améliorait Les missiles K-5 étaient destinés
conteneur GP-A-12,7 équipé d’une beaucoup la visibilité de l’instruc- à combattre des bombardiers isolés,
mitrailleuse de 12,7 m. Ce conteneur teur à l’approche ou au décollage. non manœuvrants de jour et de nuit,
était destiné aux tirs d’entraînement L’Otan attribua au MiG-21 biplace ainsi que des bombardiers en forma-
sur objectifs aériens et terrestres. la désignation de “Mongol” – le M tion en conditions de visibilité. Le
L a fabrication en série du désignant un avion d’entraînement guidage des engins était assuré par
MiG-21U fut entreprise en 1962 par dans la terminologie occidentale. le retour du signal du radar. En pra-
l’usine de Tbilissi. En 1965 eurent tique, lorsque le pilote avait accroché
lieu les essais du MiG-21US pro- L’évolution des systèmes l’objectif avec son radar, il procédait
pulsé par un moteur R11F2C-300 au tir quand il se trouvait à portée.
assurant le soufflage de la couche
embarqués À partir de ce moment-là, il accom-
limite des volets. Les principales Une fois la configuration aérody- pagnait l’engin pendant toute sa tra-
innovations de ce biplace furent namique, en particulier l’aile delta, jectoire jusqu’à l’objectif.
aussi les sièges éjectables KM-1M, parfaitement au point, ce furent les L’installation du radar TzD-30
un pilote automatique agissant en systèmes embarqués du MiG-21 provoqua un accroissement impor-
roulis KAP-2 ainsi qu’une dérive qui évoluèrent considérablement. tant de la traînée, qui ne pouvait être
agrandie. Sur certains appareils, le Version après version, il se trans- compensé que par l’augmentation de
poste instructeur était muni d’un forma d’intercepteur diurne avec la poussée du moteur et la réduction
Décollage avec
périscope destiné à assurer la vision équipement sommaire en chasseur de la masse de l’avion. Le seul élé-
moteurs-fusées
du secteur avant lorsque l’avion était bombardier avec système d’arme ment pouvant avoir un effet sur le
d’appoint d’un
cabré en approche ou au décollage. complet. La première étape fut le poids était le canon, et le construc-
V

MiG-21F-13. DR
MIG-21

Le MiG-21U vola
en 1961. Il arriva
assez rapidement
dans les écoles
de pilotage.
DR

teur le supprima. Son élimination cepteur depuis le sol à l’aide du d’atterrissage, avec augmentation
permit également de remplacer le système “Vozdukh-1”. Il avait aussi de la dimension des roues du train
viseur optique ASP-5ND par un col- un pilote automatique agissant sur principal.
limateur PKI beaucoup plus simple, l’axe de roulis KAP-1, un système Les essais en vol de l’E-7 débu-
puisque, pour tirer des engins gui- conservateur de cap pour avion de tèrent le 10 août 1959. Un deuxième
dés, il n’était plus nécessaire de cal- chasse KSI-1, un horizon artificiel prototype E7/2 fut fabriqué avec une
culer la précession de l’objectif. AGI-1SA ainsi qu’un ensemble dérive agrandie. Le troisième proto-
L’apparition en 1959 du missile émetteur-récepteur RSIU-5V type, mis en vol en 1960, servit à la
“Atoll” (R-3S) eut un effet marqué (DUB-5). Par contre, le radioalti- mise au point du circuit combustible
sur l’aspect de l’intercepteur, dans la mètre RV-U avait été démonté. auquel s’ajouta un réservoir dorsal
mesure où le radar TzD-30T permet- situé derrière le poste pilote, alors
tait de procéder au tir, non seulement Un problème que la dirigeabilité de la jambe avant
lorsque l’autodirecteur infrarouge du train était supprimée.
accrochait l’objectif, mais également
de poids Sur le quatrième appareil on vit
en tenant compte de la distance de tir Afin de réduire la vitesse de un accroissement de la capacité des
autorisée, déterminée par le radar. l’avion et sa course à l’atterrissage, réservoirs de voilure, ainsi qu’un
Le premier prototype, désigné un système de soufflage de la couche réservoir logé dans le carénage der-
E-7 (MiG-21P) était équipé, non limite sur les volets avait été prévu rière le cockpit, ce qui augmenta la
seulement du radar TzD-30T, mais (mais non monté). L’accroissement capacité en carburant de 380 l. La
également du système “Lazur” des- du poids de l’appareil nécessita la taille de la dérive fut de nouveau ac-
tiné à assurer le guidage de l’inter- modification des jambes du train crue, le réacteur étant désormais un

22
DR
Avec le
R11F2-300 de 6 120 kgp et le pilote K-13. Des études avaient bien prévu MiG-21U en juillet 1961, alors qu’un premier
automatique un KAP-2. Les mêmes l’emport – après montage de l’équipe- biplace, les MiG-21PF avait, le mois précédent,
modifications furent apportées sur ment correspondant sur l’avion – de Soviétiques déjà quitté l’usine n° 21. Comme l’ar-
l’E7/3 qui devint ensuite le prototype deux missiles K-5, mais, en fait, cette pouvaient mement des premiers intercepteurs
de l’intercepteur de série qui, mal- configuration ne fut pas utilisée, sauf former de série se limitait aux seuls engins
gré tout, ne parvint jamais dans les pour des tirs sur des objectifs au sol les pilotes R-3S, inutilisables en “tout temps”,
unités de Défense aérienne (PVO). au cours d’exercices. L’installation au pilotage les militaires envisagèrent d’installer
La décision de lancement de la de roquettes S-40 ou de deux lance- à Mach 2. des missiles K-5. Les essais construc-
production de série à l’usine n° 21 roquettes UB-16 était prévue, ainsi teurs du MiG-21PF avec ces engins
(Gorki) de l’avion E-7 sous la dési- que celle de deux bombes de 500 kg. débutèrent le 12 mars 1962, les essais
gnation MiG-21PF avec moteur Comme sur la version précédente, officiels le 20 novembre de la même
R11F2-300 fut prise en mars 1960. un réservoir supplémentaire pou- année, et ils durèrent jusqu’au 3 sep-
L’accroissement du poids de vait être accroché sous le fuselage. tembre 1963. En fait, le missile K-5 ne
l’appareil provoquait bien entendu Par la suite, à la demande de l’Inde, figura que dans l’armement de l’inter-
celui des vitesses d’atterrissage, une modification du MiG-21FL fut cepteur MiG-21PFM modernisé.
désormais comprises entre 260 étudiée en vue de l’installation d’un Le système de soufflage de la
et 290 km/h, mais on n’y pouvait conteneur sous le fuselage avec un couche limite des volets n’équipa
rien et l’appareil fut accepté par les canon bi-tube PSh-23L disposant de qu’une partie des intercepteurs pro-
Forces aériennes. 200 coups. duits vers la fin 1963 et début 1964,
L’armement de l’intercepteur Les essais officiels conjoints des équipés du réacteur R11F2C-300,
consistait finalement en deux engins avions E-7/3 et E-7/4 furent achevés qui furent distingués par l’appella-
tion de MiG-21PFS.
En 1962 eurent lieu des expéri-
mentations avec des fusées d’accé-
lération de décollage SPRD-99
ainsi qu’une disposition plus haute
du parachute-frein. La même année,
les essais en vol accueillirent un
E-7M muni d’un viseur ASP-PF (en
remplacement du collimateur PKI)
ainsi que d’un dispositif de visée
infrarouge “Samotsvet” combiné
au radar TsD-30T. Un an plus tard,
les nouveaux équipements mention-
nés ci-dessus furent complétés sur le
même avion par une série d’amélio-
rations réunissant une dérive agran-
die, un siège éjectable KM-1 (ou
SON
KM-1M) et un système de sauvetage
YURGEN
ANDREY du pilote assurant la séparation de
ce dernier au cours du décollage et
L’Égypte fut parmi les premiers pays à percevoir des MiG-21. de l’atterrissage, ainsi que dans tout
Ils permirent en particulier de faire face aux “Mirage” III israéliens. le domaine de vitesses et d’altitudes
V

23
MIG-21

(avec une vitesse minimale d’éjec- de l’armement du MiG-21PFM. Il ne d’un réservoir et le déplacement du
tion au sol de 130 km/h) combiné à connut toutefois aucune utilisation système de conditionnement d’air du
une nouvelle verrière s’ouvrant sur le en conditions réelles. poste pilote. Les volumes compris
côté. Ces différentes modernisations Au cours de l’été 1963, deux entre le revêtement du fuselage et le
entraînèrent une réduction de 100 l avions désignés E-7C par le bureau canal de l’entrée d’air furent occu-
de la capacité interne de carburant. d’études furent modifiés pour em- pés par la gaine d’alimentation du
Le logement du parachute-frein porter un système d’armes composé canon et le système de récupération
sous le fuselage fut défi nitivement d’un radar “Sapfi r-21” (RP-22) et des maillons. Une tôle calorifugée
supprimé au profit d’un conteneur d’engins K-13R (R-3R) munis d’une protégeait le revêtement à la hauteur
logé au pied de la dérive. Le nouvel tête radar autodirectrice semi-ac- de la bouche du canon.
avion ainsi réalisé reçut la désigna- tive. Ces avions sont à considérer Le nombre de points d’emport
tion MiG-21PFM. comme étant les premiers proto- sous la voilure du nouveau modèle
En 1966, afin d’accroître les pos- types du MiG-21C. passa à quatre. Outre les engins
sibilités d’emploi du MiG-21PF-3, Un développement ultérieur du R-3S, l’avion fut désormais équipé
l’avion fut modifié pour l’emport MiG-21PF fut la version d’appui tac- de K-5, jusque-là interdits à l’expor-
de deux engins air-sol X-66 (AS-7 tique MiG-21M, propulsée par un tation. Le collimateur PKI fut rem-
“Kerry” pour l’Otan). Cet engin moteur R11FC-300. Le constructeur placé par le viseur ASP-PF-21.
d’un poids total de 278 kg avec une l’équipa d’un viseur radar amélioré Les voilures pouvaient rece-
charge explosive de 103 kg avait une À la fin des dans sa variante RP-21MA et élar- voir des bombes de 500 kg accro-
années 1960,
portée allant de 3 à 10 km et pouvait git la gamme d’armements empor- chées sous des lance-bombes
le MiG-21 était
être tiré depuis des altitudes com- tés. Ainsi, un canon PSh-23L doté BDZ-60-21D, et jusqu’à 10 bombes
le plus répandu
prises entre 500 et 5 000 m. En 1968, de 200 coups fut installé sous le FAB-100. Outre les missiles, des ro-
des chasseurs
l’engin X-66 fit officiellement partie soviétiques.
fuselage, ce qui entraîna le sacrifice quettes C-57 ou C-24 pouvaient être
DR
DR

SON
YURGEN
ANDREY Le MiG-21U
biplace permit
Les Nord-Vietnamiens alignèrent des MiG-21 à partir aux Soviétiques
de 1965. Ici l’un des plus connus, codé 4326. de former
Ses différents pilotes revendiquèrent 13 victoires les pilotes au vol
contre les chasseurs américains. à Mach 2.

emportées dans des lance-roquettes


UB-16 et UB-32.
L’avion fut également doté d’un
Caractéristiques principales des MiG-21 de série
détecteur passif de radar d’intercep- Modèle E-2A MiG-21 MiG21-F MiG-21F-13
tion ainsi que d’un rétroviseur. Pour Moteur R11-300 R11-300 R11F-300 R11F-300
compenser la diminution de distance Poussée au
franchissable, le réservoir dorsal fut décollage (kg) 5 100 5 100 5 750 5 750
remplacé par celui du MiG-21C, plus Envergure (m) 7,15 - - -
volumineux. Longueur (m)
L es essais constructeur du avec perche 15,76 - - -
MiG-21M débutèrent en 1968 et, Hauteur (m) 4,1 - - -
la même année, l’usine n° 30 de Surface de
Moscou produisit les neuf premiers voilure (m2) 7,15 - - -
appareils de cette nouvelle série. Poids à vide (kg) 3 506 - - -
En 1969 on vit apparaître aux Combustible (kg)
essais en vol un MiG-21MF qui ne normal - 1 400 - -
se distinguait en rien de son prédé- avec bidon - 2 030 - 2 300
cesseur si ce n’était son moteur plus Poids max. au
puissant R13-300. Peu après, la pro- décollage (kg) 6 300 5 900 - 7 100 (2)
duction de l’usine de “l’Étendard du Rapport poids/
Travail” s’accéléra et, pour la fin de poussée (3) - 0,98 - 0,81
l’année 1969, 96 avions furent livrés Vitesse max. (km/h)
d’urgence à destination de l’Égypte. à 10 000 m - 1 718 - 2 110
Une instruction de février 1971 à 13 000 m 1 920 1 702 2 175 2 175
ordonna à “l’Étendard du Travail” Taux de montée
de livrer 15 MiG-21FT à la capacité à l’altitude 0 (m/s) - 216 138 (1) -
de combustible accrue et dotés du Temps de
moteur R13M-300 qui aurait dû montée
donner 8 800 kgp au niveau du sol en à 10 000 m - 1,27 - 7,1
vol supersonique… Mais ce moteur à 15 000 m - 3,1 12,1 -
n’apparut pas et ce modèle doté du à 19 000 m - - - 13,5
réservoir dorsal du MiG-21SMT ne Plafond pratique (m) 17 500 18 000 19 800 19 000
fut pas aussi répandu que les avions Distance
équipés du radar “Sapfir”. franchissable (km)
sans bidon 1 380 - 1 470 1 300
Le MiG-21R avec bidon 1 730 - 1 800 -
Vitesse
de reconnaissance d’atterrissage (km/h) - 280 - -
E n 1963, sur la base du Longueur de
MiG-21PF, fut élaborée une ver- décollage (m) - 365 -665 650-700 800
sion reconnaissance E-70. Les équi- Course à
pements pour cette mission étaient l’atterrissage (m)
logés dans un conteneur réalisé en sans parachute - 1 600 1 200 1200-1400
trois versions pour la reconnaissance avec parachute - 700 - 900-1 400
diurne, nocturne et radioélectrique.
(1) Au poids normal de décollage. (2) Normal. (3) Au poids normal de décollage
Le premier avion transformé fut le
MiG-21PFM 940 725. Équipé de son
V

25
MIG-21

DR
Le MiG-21PF.
conteneur de reconnaissance diurne, Cette Le MiG-21R fut progressive- de brouillage (y compris un éjecteur
il fut remis aux essais début 1965. version se ment amélioré avec, en particulier, la de leurres infrarouges) et un appa-
Le conteneur équipé d’un appareil distinguait des partie mobile de la verrière du pilote reillage de mesure et d’enregistre-
UAFA-47 et de cartouches éclai- précédentes dotée de rétroviseurs Ts-27AMSh. ment des écarts des tirs.
rantes était conçu pour la prise de avec son L’équipement photographique des L e poids et le centrage de
vue en continu à une altitude supé- radar plus conteneurs de reconnaissance évo- l’avion-cible ne se différenciaient
rieure à 200 m. Pour la photographie perfectionné. luait régulièrement ; les extrémités guère de l’avion de chasse, mais
de nuit ou par conditions de lumière de voilure furent dotées de nacelles ses performances étaient réduites
insuffisantes, l’appareil utilisait des de guerre électronique. de 10 %. Ainsi, le poids au décol-
cartouches C-5-0 destinées norma- Les MiG-21R étaient fabriqués lage de l’avion-cible ne devait pas
lement à la désignation d’objectifs. par l’usine de Gorki, tant pour les dépasser 8 400 kg et sa vitesse, vers
L’aspect défi nitif du MiG-21R VVS que pour l’exportation, et leur 10 000 m d’altitude, les 1 800 km/h.
fut obtenu plus tard, lorsqu’il fut fabrication fut poursuivie jusqu’en L’avion-cible pouvait être utilisé
équipé d’un réservoir dorsal de 340 l. 1971. à toutes les altitudes entre 50 et
Le carburant interne total était alors 14 400 m, son autonomie étant alors
de 2 800 l. La voilure fut en même Les réformés deviennent de 1 heure et 40 minutes.
temps modifiée pour avoir quatre Le temps de mise en œuvre de
points d’emport, ce qui permettait
avions-cibles l’avion-cible ne dépassait pas 40 mi-
l’installation de réservoirs pendu- L es MiG-21 PF réformés nutes. Il pouvait être utilisé à par-
laires de 490 l. n’étaient pas ferraillés mais trans- tir de pistes en terre ou bétonnées
Un incidencemètre, monté sur formés en avions-cibles radioguidés dont la largeur ne devait pas être
la gauche du nez de l’avion, four- M-21. Le radar, l’armement et un inférieure à 40 m. La modification
nissait des informations au pilote des réservoirs de fuselage étaient des appareils en avions-cibles se
automatique et à un indicateur sur la démontés et remplacés par un sys- faisait dans les centres de révision
planche de bord. La perche anémo- tème de télécommande du pilote militaires. Q
métrique, initialement montée dans automatique AP17, un équipement À suivre
l’axe de l’avion, fut déplacée sur la
droite, ce qui améliora le champ de
vision du pilote. Un deuxième pitot Caractéristiques principales des avions MiG-21PF
de secours était également situé sur Type MiG-21PF MiG-21PFM
le flanc droit, en avant du cockpit. Moteur R11F2-300 R11F2S-300
L ’équipement de la version Poussée au décollage (kg) 6 200 6 200
“reconnaissance” comprenait éga- Envergure 7,154 7,154
lement un détecteur passif SPO-3, le Longueur (sans perche) (m) 14,1 14,1
radar TsD-30 étant conservé. Hauteur (m) 4,125 4,125
Le nouvel avion fit son premier Surface de voilure (m2) 23 23
vol le dernier jour de 1966 pour pas- Combustible normal 2 340 -
ser ensuite aux essais en vol officiels. avec réservoir externe (kg) 2 750 2 630
Début 1968, le premier MiG-21R de Poids au décollage
série quittait la chaîne d’assemblage normal/maxi. (kg) 7 750/8 220 7 820/8 290*
de l’usine de Gorki. L’avion, outre Rapport poids puissance
son équipement de reconnaissance, (au poids de décollage normal) 0,8 0,79
disposait du même armement que le Vitesse max. (km/h) 2 175 2 175
chasseur, à l’exception du conteneur Plafond pratique (m) 17 900 19 000
canon GP-9. Distance franchissable (km)
La présence du conteneur “re- sans réservoir externe 1320-1600 -
connaissance” limitait la vitesse de avec réservoir externe 1570-1900 1 670
l’avion à Mach 1,6 et le facteur de Course au décollage
charge à 4 g. (sans fusée d’appoint) (m) 850-900 950
En 1966 l’usine de Gorki livra 66 Course à l’atterrissage
MiG-21R et passa à la production (avec parachute frein) (m) 765-920 750
de la version “chasse” MiG-21C qui
conserva néanmoins la voilure avec * Le décollage d’une piste en terre avec deux fusées auxiliaires SPRD-99 était autorisé
à un poids inférieur à 8 700 kg avec une seule fusée, le poids était limité à 8 700 kg.
quatre points d’emport et le réser- À partir d’une piste bétonnée ces valeurs étaient de 9 060 kg et 8 300 kg respectivement.
voir dorsal de 340 l.
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ARCHÉOLOGIE AÉRONAUTIQUE
Le Laté 17 n° 622 de l’Aéropostale

Un Latécoère
historique
Sur l’emplacement de l’accident
du Latécoère F-AIGL en 1927, qui coûta
la vie à tous ses occupants, des petits
fragments révèlent bien des surprises. Par Gilles Collaveri
ROL.

e 17 août 1927, près de nicien et le chef d’escale de Rabat, La presse approchent les 300 m. Brutalement,

C Toulouse, il pleut et
le plafond est bas. Le
Latécoère 17 n° 622 de
l’Aéropostale imma-
triculé F-AIGL en provenance de
Rabat, au Maroc, a décollé d’Ali-
cante en Espagne et il vole en di-
Alfred Brangier, accompagné de
son épouse, Hélène Lhermitte.
L’avion a traversé les Pyrénées
et entame sa descente. Le temps
est exécrable, les nuages très bas.
Le pilote, Alexandre Bury, 34 ans,
pense approcher du but et com-
relata le drame
pendant
plusieurs jours.
Ici la photo
d’Alexandre
Bury, le pilote.
le Laté 17 accroche la cime d’un
arbre et s’écrase dans un petit bois.
L’appareil est pulvérisé, en feu ; ses
occupants sont tués sur le coup.
Rapidement, les secours s’orga-
nisent : les habitants du village le
plus proche accourent, mais il n’y
rection de Toulouse Montaudran. Il mence doucement à se rapprocher a plus rien à faire. Un témoignage
transporte le courrier et cinq per- du sol. Malheureusement, l’avion de l’époque récemment retrouvé est
Un
sonnes, dont quatre travaillent pour vient seulement de passer Saint- particulièrement émouvant : celui
Latécoère 17,
la “Ligne” : deux pilotes, un méca- Gaudens et les collines à cet endroit le n° 607.
de Risette Masson, l’une des trois
COLL. MADAME PRANVILLE
été préalablement menée à bien :
dépôt d’un dossier auprès du ser-
vice archéologie de la direction des
Affaires culturelles, autorisation de
la préfecture, et feu vert du proprié-
taire du terrain.

De petits fragments, un
grand intérêt historique
Alexandre Bury
(à gauche) et La recherche peut commencer
Edmond Lassalle, et un grand nombre d’éléments sont
deux pilotes de découverts. Ils sont petits et en très
l’Aéropostale. mauvais état car l’accident a été très
Antoine de violent, mais ils sont porteurs d’une
Saint-Exupéry fit émotion particulière, car ce sont les
une description dernières pièces connues en France
touchante d’un Latécoère de l’Aéropostale.
d’Alexandre Bury L’analyse de ces fragments est
dans le premier intéressante et apporte des infor-
chapitre mations (voir les photos pages sui-
de Vol de nuit. vantes) : (1) de la tôle (la “peau”) qui
VANNIER /APNA VIA J. C.NIVET
recouvrait la structure de l’avion ; (2)
sœurs gérantes de l’hôtel du Grand cués, puis le calme revient dans le de la bakélite, cette matière équi-
Balcon, où logent les pilotes de la petit bois. valente à l’époque au composite.
ligne : “Toute une nuit, Mme Bury Près de 90 ans plus tard, le C’était sans doute une molette de
attendit au Grand Balcon le retour de bouche-à-oreille nous permet de réglage (de commandes de vol ?) ;
son mari. C’était terrible de voir cette retrouver les vestiges d’un mythe : (3) des éléments de mécanique de
pauvre femme s’accrocher à l’espoir, l’un des 24 Latécoère 17 de l’Aéro- Un Laté 17 précision provenant certainement
alors que mes sœurs et moi savions postale. Ces mots font résonner des avec, des équipements du tableau de
que le pauvre Bury s’était écrasé dans noms légendaires, qui nous content à droite, Elysée bord ; (4) des raidisseurs de struc-
Négrin tenant
les Pyrénées.” une grande épopée : Montaudran, ture ; (5) des tendeurs de câbles ; (6)
le journal
La presse de l’époque relate ce Saint-Exupéry, l’hôtel du Grand de petits composants finement mou-
brésilien
drame pendant plusieurs jours. Les Balcon, Mermoz, et Daurat. Une lés dont la finalité nous reste incon-
Da Noite dans
vestiges de l’avion martyr sont éva- longue démarche administrative a nue – remarquez la qualité d’usinage

V
ses mains.

COLL. MADAME PRANVILLE

29
LATÉCOÈRE 17 F-AIGL

1 2 3 4
G. COLLAVERI

7 8 9 10 11
Les fragments
retrouvés sur
le lieu des
fouilles.

sur ces pièces ; (7) des fragments de Ci-dessous de bouteille, verts et bleus, et, sur Dans un vallon en contrebas,
verre très fins provenant des cadrans à droite le le culot de l’une d’elle, l’inscription nous retrouvons des morceaux de
du tableau de bord. Gnome et “Paris” ; (11) le verrou de fermeture fonte du moteur Gnome et Rhône
Rhône “Jupiter” d’une malle chargée dans l’avion ; “Jupiter”. Beaucoup plus lourd que
Boucle de ceinturon, qui équipait les (12) trois pièces de monnaies dont le reste de l’avion, il a continué sa
Laté 17. la datation confirme qu’elles ont pu course et s’est écrasé au fond de
pièces de monnaie… À gauche être en possession de l’équipage. cette déclivité. Comme un grand
Les pièces les plus émouvantes les pièces Une belle pièce de structure puzzle, ces pièces s’assemblent et
sont les vestiges des objets person- du moteur avec un renfort riveté est décou- font réapparaître la forme du car-
retrouvées,
nels emmenés par l’équipage : (8) verte. Il est émouvant de penser ter moteur. Nous trouvons aussi
avec en bas
une boucle de ceinturon ; (9) un cou- qu’elle a été fabriquée par des com- quelques composants du moteur :
une bougie et
vercle de boîte de dentifrice (“denti- pagnons à l’usine de Montaudran une bougie et des poussoirs de la
des poussoirs
frice Gibbs Paris”) ; (10) des tessons de culbuteurs.
90 ans plus tôt… distribution.

DR

30 G. COLLAVERI
5 6

G. COLLAVERI

Le fameux rouge
“SILAT” Latécoère
(flèche)…

G. COLLAVERI Une pièce de


12 structure avec un
renfort riveté.
G. COLLAVERI

Un rouge authentique Deux objets Argentine, a été repeint.. Nous histoire légendaire
lé : ils seront ex-
oublié par l’histoire retrouvés n’ayant avons donc sous nos yeux le rouge posés à l’aéroport
l historique de
aucun lien avec authentique des Latécoèree de Montaudran où les avions de
Mont
Un détail sur un morceau de l’avion : un aigle l’Aéropostale. Pierre Georges Latécoère
Pie
structure retient notre attention : napoléonien U ne anecdote : nouss étaient construits et d’où
éta
un minuscule point de peinture (ci-contre) et trouvons des objets n’ayantt ils décollaient.
rouge y est visible. C’est le fameux une pointe de rien à voir avec l’avion ! Unn Cette exposition s’ins-
rouge “SILAT” Latécoère, qui a lance médiévale aigle napoléonien faisantt crira
crir dans le cadre du pro-
été oublié par l’histoire. En effet, (ci-dessus). quelques centimètres de jet
je “La piste des géants”
aucun Latécoère n’a été conservé haut qui ornait la gibecière retraçant
re l’histoire de
avec sa peinture d’origine. Le seul d’un soldat, et une pointe G. C
OLLAVERI l’Aéropostale
l’A et de ses
Latécoère complet subsistant, de lance médiévale. Les vestiges
tiges du hommes.
ho Son ouverture
le Latécoère 25 de “Moron” en Latécoère 17 sont les témoins d’une est prévue en 2018. Q

Rencontre avec Geneviève de Galard


L’histoire n’a pas fini de nous surprendre… Avant d’entamer toute
recherche, il est nécessaire d’avoir l’autorisation écrite du propriétaire
du terrain. Lorsque nous contactons ce dernier, nous rencontrons une
grande personnalité de l’aviation. Geneviève de Galard était infirmière
militaire, convoyeuse de l’armée de l’Air : elle soignait les blessés en
vol, et a effectué beaucoup de missions pendant la guerre d’Indochine.
En mars 1954, le DC-3 “Dakota” sur lequel elle est embarquée se pose
à Diên Biên Phu mais il est endommagé à l’atterrissage. L’avion ne
peut plus repartir et Geneviève de Galard se retrouve prise au piège
dans la cuvette maudite. Elle y reste trois semaines, seule infirmière
française, à soigner les blessés et à soulager les souffrances des
15 000 soldats français. Faite prisonnière le 7 mai 1954, elle reste aux mains des Viêt-minh
17 jours, avant d’être libérée le 24 mai 1954. Sa liberté recouvrée, elle est accueillie en France
par une foule immense comme le symbole de la France héroïque qui a su résister. “L’ange de
Diên Biên Phu” est ensuite invité par le Congrès américain, puis par le président des États-
Unis qui lui remet la médaille de la Liberté. Elle publiera ses souvenirs dans Une femme à Diên
Biên Phu aux éditions des Arènes, en 2003 (photo ci-dessus). C’est donc une grande dame
dont nous faisons la connaissance à l’occasion de la découverte du Latécoère 17. Elle nous
accueille avec son mari et ses fils avec une immense gentillesse. Elle savait qu’un avion était
tombé sur son terrain, mais elle n’imaginait pas à quel point nos recherches allaient le faire
revivre. L’histoire s’est amusée avec nous, en reliant deux événements distincts dans le temps
mais qui ont en commun l’Aviation avec un grand “A”.
DÉPÊCHE DU MIDI /V. CHAPUIS

31
HISTOIRE

Conquête de Saipan de base pour les raids des bombar-


diers B-29 contre le Japon. Face à
l’absence d’installation portuaire et

Des P-47 défendent surtout afin d’entrer en action le plus


rapidement possible, les chasseurs
devaient décoller de porte-avions
pour rejoindre leur affectation au

leur porte-avions sol. Il y avait quelques précédents


d’avions de l’USAAF s’envolant de
porte-avions : pendant l’opération
Torch en novembre 1942, avec des
P-40 depuis le Chenango ; dans le
Difficile d’imaginer l’imposant P-47 “Thunderbolt” Pacifique en février 1941, avec 31
P-36 depuis l’Enterprise pour re-
en opération depuis un porte-avions. Et pourtant joindre Hawaï – ils furent engagés
lors de l’attaque de Pearl Harbor
ce fut le cas ce 23 juin 1944 ! Par Alexis Rocher
le 7 décembre ; en décembre 1943,
avec des P-39 partis du Nassau pour
participer à la bataille de Tarawa.

ette histoire peu ordi- bénéficiaient de l’appui aérien de Catapultés pour une

C naire commença le
15 juin 1944 lorsque les
Américains attaquèrent
l’archipel des Mariannes
en débarquant sur l’île de Saipan.
Opération titanesque, puisqu’elle
mobilisait 12 porte-avions, 15 cui-
la flotte pour briser la résistance
acharnée des troupes japonaises.
Pour pallier l’absence des porte-
avions qui devaient parer en prio-
rité aux attaques de la flotte japo-
naise, les Américains, avant même
le débarquement, avaient décidé
mission de défense
Certe, le P-47 se montrait un
peu plus lourd qu’un Grumman
F6F “Hellcat”, à l’époque le chas-
seur standard de l’US Navy ; les
deux avions partageaient le même
rassés et plus de 8 000 Marines. Les d’envoyer deux Fighter Squadron de moteur, un Pratt & Whitney R2800.
Japonais réagirent avec vigueur. l’USAAF sur P-47 “Thunderbolt” Cependant, la possibilité d’utiliser
Événement
Du 19 au 21 juin, les deux pour appuyer les troupes au sol. la catapulte du porte-avions per-
rare : des
flottes s’affrontèrent dans la mer Le principe consistait dans un pre- Republic P-47
mettait de rassurer les pilotes de
des Philippines (lire Le Fana de mier temps à occuper les anciennes “Thunderbolt” “Thunderbolt” – bien entendu, il
l’Aviation nos 538 et 539). Dans le installations japonaises, avant de catapultés n’était pas question d’apponter…
même temps, les Marines progres- bâtir des nouvelles pistes. À moyen depuis un L e 5 juin, les porte-avions
saient non sans mal à Saipan. Ils terme, les Mariannes devaient servir d’escorte Manila Bay (CVE-61) et

V
porte-avions.
USAAF
23 JUIN 1944

USAAF

Une attaque
japonaise visa
le Manila Bay.
Quatre P-47
furent catapultés
pour intercepter
les assaillants.
Ils ne purent
cependant les
rattraper.

USAAF Les P-47


apportèrent
Matoma Bay (CVE-62), de la classe reils du 73th Fighter Squadron em- d’Aslito fut capturé le 20 juin et un appréciable
Casablanca, quittèrent Pearl Harbor barquèrent à bord du Manila Bay, sa piste ouverte aux avions améri- appui aérien
pour rejoindre l’atoll Eniwetok, où ceux du 19th FS sur le Matoma Bay. cains. Les combats de la bataille des aux Marines
ils devaient charger les P-47 du Alors que les porte-avions faisaient Philippines entraînèrent cependant dans la prise
318th Fighter Group (1). Les appa- route vers Saipan, l’aérodrome les deux porte-avions à s’éloigner de de Saipan.
USAAF
Les P-47 furent
catapultés du
Manila Bay par
groupe de quatre
appareils.

Les P-47 avaient


seulement reçu
une légère
modification
sur le train
d’atterrissage
pour pouvoir
être catapultés.
USAAF

leur itinéraire un moment avant de Buckaroo ne purent toutefois rattra- celant les bases américaines. Le
rejoindre leur destination finale. per les avions japonais et se posèrent 24 juin, le P-47 Hed up ‘N Locked
Le 22 juin, 25 des 37 “Thunder- à Saipan. L’initiative fut par la suite fut ainsi détruit au sol.
bolt” embarqués quittèrent le blâmée par l’amiral Spruance, à la L es “Thunderbolt” contri-
Matoma Bay. Le captain Harry E. tête de la flotte américaine, qui y buèrent ensuite à nettoyer les
McAfee fut le premier pilote à se vit “une initiative condamnable car dernières poches de résistance au
poser à Aslito, où se trouvaient une trop tardive”. Le lendemain, tous rythme de 80 sorties par jour.
quantité impressionnante d’épaves les P-47 furent finalement catapul- P uis ils furent mis à contri-
d’avions japonais abandonnées. Le tés par groupe de quatre. Le rapport bution pour protéger les B-29
personnel américain déjà sur place de l’US Navy précise qu’un bom- qui arrivèrent dans l’archipel des
était sous la menace de tireurs em- bardier torpilleur Grumman TBF Mariannes à partir de novembre
busqués et d’attaques nocturnes. apporta sur le Manila Bay, depuis 1944, mission qu’ils accomplirent
Le lendemain, les opérations ne Aslito, l’hélice de rechange d’un jusqu’en août 1945. Les pilotes
se passèrent pas tout à fait selon le “Thunderbolt” immobilisé. avaient sans doute oublié ce jour
plan initial. En fin de matinée, des Les premiers temps à Saipan de juin 1944 où ils furent catapultés
avions japonais attaquèrent les bâ- furent difficiles, les Japonais har- depuis un porte-avions… Q
timents américains. Quatre Aichi
“Val” d’attaque en piqué visèrent le En arrivant
Matoma Bay, tandis que deux bogies sur les bases
(contacts présumés hostiles) s’atta- de Saipan, les
Américains
quèrent au Manila Bay. L’attaque
trouvèrent
ne fit aucun dégât, mais les officiers
d’importants
décidèrent de catapulter quatre P-47
stocks
pour une mission typique de CAP de matériel.
(Combat Air Patroll), en fait une pa- Ici un “Zero”
trouille de défense aérienne standard abandonné.
pour les unités de chasse embarquée.
Le major D. J. Williams sur Sweet
Adeline, le lieutenant James Snyder
aux commandes de Damn Yankee, le
lt Keith Mattison sur Azz’s Dragon
et le lt Robert Anderson sur Little

USAAF
(1) Eniwetok fut plus tard connu comme
centre d’essais nucléaire. Le plus grand
danger pour
les P-47 : les
attaques de
harcèlement
lancées par des
soldats japonais
isolés, comme ici
le 24 juin.

USAAF

35
GRAND REPORTAGE
AIRVENTURE 2016

AirVenture 2016

Oshkosh
superlatif

XAVIER MÉAL
Un petit parfum de France à Oshkosh.
Dell Coller Jr et le couple Tom Joyce/Kelly Root
ont réuni deux Cap 10B (n° 87 et n° 88) utilisés
par la patrouille des regrettés Daniel Héligoin
et Montaine Mallet qui se produisaient
aux États-Unis sous le nom de French
Connection Airshow. Ils sont ici accompagnés
du T-28A d’Alain Battisti.

37
AIRVENTURE 2016

XAVIER MÉAL
Le Curtiss
dier patrouilleur océanique à longue
La dernière édition d’AirVenture, distance engendra le XPB2M-1
P-40M
“Kittyhawk” III
le rassemblement annuel “Mars”, construit par la Glenn L.
Martin Company, avec un premier
matricule
NZ3119
de l’Experimental Aircraft Association, vol le 23 juin 1942. Mais très vite le a retrouvé
concept de bombardier patrouilleur sa livrée et ses
est une de celles qui resteront dans océanique se révéla obsolète et le équipements
les annales. Par Xavier Méal “Mars” fut reconverti en avion de
transport dont 20 exemplaires furent
de la force
aérienne néo-
commandés par l’US Navy sous la zélandaise. Cela
es chiffres parlent d’eux- incontestable et incontestée de l’édi- désignation JRM-1 “Mars”. lui a valu d’être

L mêmes : 563 000 visiteurs, tion 2016 d’AirVenture : le Martin Le tout premier, baptisé Hawaii sacré Grand
plus de 5 000 bénévoles, plus JRM-1 “Mars” Hawaii Mars. Mars, fut livré en juin 1945, mais Champion de
de 10 000 avions répartis Avec ses 61 m, ce dinosaure avec la fin de la guerre, la commande la catégorie
sur trois aérodromes, 2 855 aquatique a quasiment l’enver- fut ramenée aux cinq exemplaires Warbird-
avions exposés parmi lesquels 1 032 gure d’un Boeing 747. Seulement alors sur la chaîne d’assemblage. Deuxième
dits vintage (avions civils d’avant six exemplaires du JRM-1 ont été Le Hawaii Mars fut perdu dans un Guerre
1970) et 371 warbirds, ou encore construits. Lancé à la demande de accident sur la baie de Chesapeake mondiale.
101 hydravions. C’est dans cette l’United States Navy en 1938, le quelques semaines seulement après
catégorie que se trouvait la vedette programme d’hydravion bombar- son premier vol. Le dernier des cinq
XAVIER MÉAL
Le seul survivant
des six North
American NA-68A
construits
en 1941 pour
la Thaïlande.
Le matricule
41-19085 a été
sorti du musée
de l’EAA et remis
en état pour être
présenté lors
d’AirVenture,
afin de rendre
hommage à celui
qui le préserva
dès 1963, Paul
Poberezny, alors
président de
l’EAA.
Ce magnifique
North American
SNJ était
présenté armé
avec bombes
de 50 kg et
mitrailleuse en
place arrière.
XAVIER MÉAL

La
Commemorative
Air Force
a dépêché à
AirVenture 2016
depuis le Texas
son Bell P-39
“Airacobra”, l’un
des deux encore
en état de vol.
XAVIER MÉAL

autres fut livré en 1947 et baptisé à point d’être irréparable. La société jusqu’à la fin d’AirVenture, au grand
son tour Hawaii Mars. Les autres canadienne Coulson Flying Tankers dam des passionnés venus parfois de
furent nommés Marianas Mars, de Port Alberni, en Colombie- très, très loin, juste pour le voir.
Philippine Mars, Marshall Mars Britannique, racheta les deux exem- Si le grand public n’avait d’yeux
et Caroline Mars. Le 5 avril 1950, plaires survivants en 2007 et continua que pour le géant rouge et blanc,
le Marshall Mars fut perdu près de les utiliser comme bombardiers dans son ombre les plus connais-
d’Hawaii à la suite d’un incendie d’eau dans l’Ouest des États-Unis, seurs ont néanmoins pris le temps
de moteur qui se propagea au reste au Canada et au Mexique. d’admirer un joli Republic “Seabee”
de l’avion. Les quatre autres furent Mais la carrière de bombardiers ou encore un magnifique Howard
retirés du service en 1956. d’eau des “Mars” prit fi n en 2013, DGA-15P que l’on ne voit que très
En 1959, la société forestière faute de contrats. Coulson Flying rarement sur flotteurs.
canadienne Forest Industries Flying Tankers décida donc de les mettre en Quant aux quelques Français
Tankers (FIFT) les acheta avec leur vente, et c’est en partie pour cette rai- venus admirer le géant à l’ancre à
stock de pièces et les fit modifier en son qu’elle a envoyé le Hawaii Mars la base hydravion d’Airventure, ils
bombardiers d’eau. Le Marianas à Oshkosh… Malheureusement, en n’ont pu s’empêcher de voir dans
Mars s’écrasa en opérations près milieu de semaine, l’imposant hy- le “Mars” la dernière incarnation
de Bay, en Colombie-Britannique, dravion a heurté des rochers alors des grands hydravions Latécoère
le 23 juin 1961. Quant au Caroline qu’il évoluait sur le lac Winnebago. qui s’envolaient depuis le lac de
Mars, il fut endommagé par le ty- Les deux trous dans la coque ont Biscarosse.
V

phon Freda le 12 octobre 1962, au contraint le monstre à l’immobilité (Suite du texte page 42)
XAVIER MÉAL
Le C-46
“Commando”
Tinker Belle
de l’association
Warriors
and Warbirds
a récemment
reçu une livrée
toute fraîche.

39
AIRVENTURE 2016

Peu après ce
cliché, l’équipage
du Hawaii Mars
a dû interrompre
un écopage sur le
lac Winnebago,
un témoin
d’alarme du
moteur n° 4
s’étant allumé.
Quelques
secondes plus
tard, la coque
de l’hydravion
géant a touché
des rochers
affleurant,
qui ont percé
deux trous –
heureusement
réparables.
XAVIER MÉAL

40
Le Martin JRM-1
“Mars” Hawaii
Mars a été
l’incontestable
vedette de
l’édition 2016
d’AirVenture,
éclipsant presque
la présence
de la patrouille
nationale
canadienne
Snowbirds et la
commémoration
tonitruante de
la bataille de
Pearl Harbor par
le groupe Tora !
Tora ! Tora !
Malheureuse-
ment, en milieu
de semaine,
l’imposant
hydravion
a touché des
rochers
et a été contraint
à l’immobi-
lité jusqu’à la fin
d’AirVenture.
XAVIER MÉAL
XAVIER MÉAL

La base
hydravion
d’Airventure
2016 a accueilli
cet élégant
Howard
DGA-15P,
un type que
l’on voit
rarement
sur flotteurs.
Celui-ci était
venu de Wasilla,
en Alaska.

41
AIRVENTURE 2016

XAVIER MÉAL
Alain Battisti
(Suite de la page 39 décolle après-midi durant la semaine que hangar de l’aérodrome d’Austin, dans
Il régnait d’ailleurs un petit d’Oshkosh aux dure AirVenture. le Minnesota. Séduit par le fait que
parfum de France sur Oshkosh commandes du Alain Battisti, collectionneur l’avion était dans son jus des années
en cette fi n de juillet, avec la pré- North American français, a tenu à s’associer à cet 1950 – il n’avait jamais été restauré
sence d’exposants de matériel T-28A, un avion hommage avec son North American et n’avait plus volé depuis 30 ans –il
aéronautique made in France et qu’il maintient T-28A qu’il a déniché juste après l’a fait remettre en état de vol par un
des passionnés qui avaient fait le “dans son jus” AirVenture 2014, sous une bonne mécanicien américain, assisté d’un
déplacement, mais aussi grâce à des années couche de poussière au fond d’un passionné français résidant aux
Dell Coller III. Ce mécanicien des 1950.
plus doués – il a construit le biplan
Waco Sasquatch sous le ventre
duquel est greffé un réacteur (lire
Le Fana de l’Aviation n° 544) –, a
réussi à réunir deux Cap 10B (les
numéros 87 et 88) qu’utilisèrent
les regrettés Daniel Héligoin et
L’USAF Heritage
Montaine Mallet, talentueux et lé- Flight, ici
gendaire duo qui se produisait aux composé d’un
États-Unis sous le nom de French P-51D “Mustang”
Connection Airshow. Disparu en (en bas) et d’un
mai 2000 dans un tragique accident F-16 “Fighting
lors d’un entraînement, le couple a Falcon”, est un
marqué à tout jamais l’histoire de des moments
l’industrie du spectacle aérien aux favoris
États-Unis. L’hommage que leur a de la foule lors
rendu Dell Coller III, en réunissant du spectacle
le n° 87 qu’il a restauré pour Tom aérien qui a lieu
Joyce et Kelly Root, et le n° 88 que tous les
son père Dell Coller Jr a acquis, après-midi
a été unanimement salué par les de la semaine
performers, les artistes du manche que dure
à balai qui se produisent tous les AirVenture.
VINCENT TRÉLUT

42
Ave son “Show-
Cat”, un Ag-Cat
(avion
d’épandage
agricole) modifié,
Gene Soucy
offre un
spectacle
des plus
impressionnants
… de nuit.

VINCENT TRÉLUT

L’appareillage
pyrotechnique
qu’emporte
le “Show-cat”
de Gene Soucy
pour son
époustouflant –
et très bruyant ! –
spectacle
nocturne.

XAVIER MÉAL

États-Unis. Il a ainsi pu, 2 ans plus aux warbirds, au milieu des B-29, T-34, Yak-52 et CJ-6 “Nanchang”,
tard, se rendre à Oshkosh aux com- B-17, B-25, A-26 “Invader”, C-46 et non loin, entre autres, de l’unique
mandes de sa time capsule (terme que “Commando”, P-47 “Thunderbolt”, MiG-17F encore en état de vol. Une
l’on peut traduire par “capsule histo- Curtiss “Helldiver”, P-40, P-39 belle façon de vivre un AirVenture
rique”, une machine qui a traversé le “Airacobra”, P-51, “Corsair”, TBM qui, de l’avis de tous, restera dans
temps sans être altérée ou modifiée). “Avenger”, “Wildcat”, “Sea Fury”, les annales pour son ambiance et le
Et ainsi s’offrir le plaisir de parquer A-4 “Skyhawk”, F-4 “Phantom”, nombre et la qualité des machines et
son engin sur le parking réservé F-86, des dizaines de T-6, T-28, des spectacles présentés. Q

Randy Ball a
montré, au
sol et en vol,
à Oshkosh,
son superbe
MiG-17PF, unique
exemplaire
en état de vol
cette version
caractérisée par
l’emport d’un
radar “Izumrud”
RP-2 dans le nez.

XAVIER MÉAL

43
TECHNIQUE

Mythe ou réalité ?
De l’influence des courses
sur les chasseurs américains
En aéronautique, les légendes sont pléthoriques. Il en va ainsi des courses
aériennes de l’entre-deux-guerres aux États-Unis qui captivèrent tant
le grand public et où nombreux furent ceux qui y virent le creuset
d’où allaient jaillir les meilleurs avions de combat. Par Alain Pelletier

enjamin S. Kelsey qui, pen- avait absolument besoin de redorer ces années où ils avaient côtoyé les

B dant la Deuxième Guerre


mondiale, dirigea le dé-
partement des projets de
chasseurs à Wright Field,
résuma la situation en ces quelques
mots : “L’activité de compétition fut
restreinte, mais elle fut intense et elle
son blason, et pour cela, qui y avait-il
de mieux que les courses et les mee-
tings. Des avions, elle en avait des
milliers issus des contrats de temps
de guerre. En acquérir de nouveaux
n’était sûrement pas à l’ordre du jour,
d’autant plus que les budgets étaient
constructeurs, les militaires avaient
eu l’occasion de commander des
avions de course à différents avion-
neurs comme Thomas-Morse, dont
les chasseurs MB-3 étaient les avions
les plus modernes alors en service
(lire Le Fana de l’Aviation n° 439),
constitua un creuset pour la mise au réduits à la portion congrue (lire le Alfred V. Verville qui les avait ini-
point et les essais. (1)” Ce que Kelsey Fana de l’Aviation hors-série n° 27.) tiés au monoplan, Grover Loening
ne disait pas, c’est que la décision de En novembre 1920, l’US Army et surtout Curtiss, avec lequel les
l’US Army Air Service de s’impliquer s’engagea donc dans des courses échanges furent peut-être les plus
en 1920 dans les compétitions ne fut aériennes, et plus particulièrement fructueux. Cette période privilégiée
guidée, du moins à ses débuts, que dans le Trophée Pulitzer qui, à l’ins- prit fin en 1925. En décidant de ne
par des considérations de propagande tar du Trophée John L. Mitchel, plus s’impliquer, l’Air Service laissa
car, comme l’écrivit le commander mettait en concurrence des avions le champ libre à la Marine. À n’en
Frank W. Wead : “Les avions de de série. De 1920 à 1925, ses pilotes pas douter, Curtiss sut tirer parti de
combat américains avaient des per- prirent le départ d’une demi-dou- cette période privilégiée et en faire
formances si basses qu’ils n’étaient zaine de ces courses. bénéficier l’ensemble de ses modèles.
rien de plus que des avions d’entraî- Aux États-Unis, ces courses On ne peut qu’être d’accord avec
nement”. constituèrent les événements aéro- Frank W. Wead lorsqu’il écrivait :
L ’aviation se trouvait alors nautiques les plus importants jusqu’à “Les États-Unis abandonnèrent les
confrontée à de graves difficultés de la traversée de l’Atlantique par courses de vitesse juste au moment
recrutement et, contrairement à ce Charles Lindbergh en mai 1927. Elles où, avec le réveil de la compétition
que l’on pourrait croire, ne jouissait donnèrent aux industriels l’envie de au niveau international, les leçons
pas d’une bonne image auprès du construire de meilleures cellules apprises tant dans les victoires que
grand public américain. Afin d’atti- dotées de meilleurs moteurs. En dans les défaites, auraient été pour
rer vers elle de jeunes recrues, elle dépit d’une certaine amélioration de nous de la plus grande valeur.”
son image, l’US Army Air Service, Ainsi, à partir de 1925, les pro-
(1) Benjamin S. Kelsey, The Dragon’s à court d’argent, allait décider de se jets de nouveaux avions de course
teeth. retirer de ces épreuves. Au cours de se trouvèrent donc liés à des initia-
Deux Curtiss
tives privées fonctionnant dans le
“Navy” CR-1 à
moteur Curtiss
cadre de budgets limités. De ce fait,
CD-12 furent
d’éventuelles influences entre avions
engagés dans de course et avions de combat de-
le Trophée vinrent difficiles voire impossibles à
Pultizer de 1921. discerner, si tant est qu’il y en eut…
Les radiateurs Les conséquences de cette déci-
Lamblin, sion sautent aux yeux lorsque l’on
surnommés met certains critères de performance
les “paniers en perspective sur une trentaine
à langouste”, d’années. Il apparaît en première
étaient ce qui se approximation (et dans certaines
faisait de mieux limites), que la vitesse maximale
en matière de d’un avion de course est indépen-
dante de la masse de celui-ci. Cette
V

refroidissement.
CURTISS-WRIGHT

44
Le Curtiss R-6 de 1922.
Il s’agit de la version destinée
à l’US Army Air Service
d’un appareil qui s’illustra
dans les courses au début
des années 1920.

DR

45
COURSES ET CHASSEURS

DR/COLL. J. UNDERWOOD
Al Williams aux
commandes sa surface portante. Elle s’exprime
du Curtiss en kilogrammes par mètre carré. Il
“Navy Racer” est également nécessaire de rappe-
avec lequel ler que l’augmentation de la charge
il remporta alaire a pour conséquence des vi-
le Trophée tesses d’atterrissage et de décollage
Pulitzer de plus en plus élevées.
de 1923.
Vitesses de pointe
et d’atterrissage
Le Curtiss-Cox
Cactus Kitten L’un des objectifs principaux
réalisa les essais pour les concepteurs d’avions de
préliminaires du course consistait à trouver le bon
moteur Curtiss compromis entre la vitesse de pointe
C-12 entre les et la vitesse d’atterrissage. On com-
mains expertes prend alors mieux pourquoi dans le
de Bert Acosta. règlement du Trophée Pulitzer la
CURTISS-WRIGHT
vitesse d’atterrissage était limitée à
vitesse est principalement gouver- en augmentant la puissance, soit en Le Wright 75 mph (120 km/h), limitation qui,
née par le ratio puissance du mo- réduisant la surface des ailes. C’est “Navy” de prime abord, semblait curieuse
N2W n° 8,
teur/surface alaire et croît dans les là qu’intervient la notion de charge dans une course de vitesse. Pourtant,
s’élance pour
mêmes proportions que ce ratio. Il alaire (voir tableau page suivante). le dépassement de cette vitesse
le Trophée
en découle que la vitesse d’un avion Rappelons que la charge alaire est pouvait mener jusqu’à la disqualifi-
Pulitzer
de course peut être améliorée, soit le ratio entre la masse d’un avion et de 1923.
cation du concurrent (lire encadré

Attention radar
La vitesse d’atterrissage était une
valeur théorique égale au ratio
masse au départ/surface portante,
divisé par un coefficient issu
d’un test sur une section d’aile
rectangulaire ayant le même profil
aérodynamique que celui de l’avion
réel. Si après avoir été pesé, l’avion
avait une vitesse d’atterrissage
supérieure à 75 mph (120 km/h),
une pénalité de 4 mph (6,4 km/h)
serait appliquée pour chaque mile
par heure de dépassement ce, dans
la limite de 3 % de la vitesse totale.
Au-delà, le concurrent s’exposait à la
disqualification pure et simple.
DR/COLL. J. UNDERWOOD

46
ci-dessous à gauche). Les hydravions
engagés dans la Coupe Schneider,
qui n’avaient pas de contraintes de
vitesse ni de longueur de piste, pou-
vaient se permettre d’amerrir bien
plus vite que leurs homologues ter-
restres et d’afficher une charge alaire
élevée et par conséquent atteindre
une vitesse de pointe nettement
supérieure. Un exemple patent est
celui des hydravions Supermarine
S.5 et S.6 qui affichaient des vitesses
d’atterrissage respectivement de 137
et 153 km/h, vitesses qui étaient sans
comparaison avec les 100 km/h d’un
Caudron C.460, par exemple.
Examinons maintenant d’un
peu plus près l’évolution de la charge
alaire et la tendance générale pour
les avions qui dominèrent successive-
ment les trophées Pulitzer, Thompson
et Schneider, face aux chasseurs de sé-
rie étant entrés en service au cours de
la même période. Que constate-t-on ? Ce graphique
D’abord, au début, les avions enga- met en
gés dans des courses et les chasseurs évidence
l’évolution
en service avaient une charge alaire
du facteur
identique. Ce qui était normal dans
de charge
la mesure où il s’agissait peu ou prou
(masse par
des mêmes avions. Puis la situation m2 de voilure)
évolua rapidement. Les hydravions des avions
de la Coupe Schneider se détachèrent de course
progressivement du lot, et les avions américains,
du Trophée Pulitzer allaient en faire face à celle
autant si cette compétition avait per- des avions
duré. À partir de 1930, les avions de chasse
engagés dans le Trophée Thompson monoplaces.
suivirent une voie parallèle à celle des
hydravions, quoique à un niveau plus Le moteur en
bas. Dans le même temps, les chas- V Hispano fut
seurs de l’Armée ne s’améliorèrent construit sous
qu’à la marge en doublant leur charge
USAF
licence par
alaire en l’espace de 20 ans. Curtiss-Wright d’augmenter la traînée. Il faut bien furent aussi les premiers à rendre le
U ne autre façon d’augmen- et fut connu aux dire que les ingénieurs américains train d’atterrissage partiellement
ter la vitesse d’un avion de course États-Unis sous le passèrent maître en ce domaine puis totalement escamotable après
– quoique dans une moindre me- nom de “Hisso”. grâce au recours quasi systématique être passés par une période où les
sure – réside dans l’élimination à des structures monocoques et à des roues furent enfermées dans des
des éléments parasites susceptibles états de surfaces irréprochables. Ils carénages en forme de goutte d’eau.
V

VIA AAHS

Le Curtiss Texas Wildcat


en configuration de course
pour la Coupe Gordon
Bennett de 1920.
COURSES ET CHASSEURS

atteintes par les avions vainqueurs


des trophées Schneider, Pulitzer et
Thompson. En regard, figurent les
vitesses maximales atteintes par 15
modèles de série de chasseurs mono-
places (six américains, cinq britan-
niques et quatre français) lors de leur
première année de mise en service.
Ce graphique parle de lui-même tant
les situations sont contrastées. Les
divergences constatées entre les pro-
gressions de chacun de ces groupes
d’avions sont tout simplement verti-
gineuses. Il suffit de prendre pour
exemple l’année 1932. Sept ans après
leur retrait des compétitions pour le
Trophée Pulitzer, les militaires ne
sont pas parvenus à combler leur
retard. Certes, la vitesse de pointe
des chasseurs a progressé régulière-
ment, mais l’écart avec les hydravions
de course, pourtant handicapés par
leurs flotteurs, se creuse inexorable-
Ayant des
Le rapport masse/puissance, en- contraintes. Leur charge se réduit à ment. De même, les performances
finalités très
core appelé puissance spécifique ou un pilote et à juste ce qu’il faut de car- des avions vainqueurs du Trophée
différentes de
puissance massique (tableau ci-des- burant pour tenir l’air jusqu’à la ligne Pulitzer marquent une progression
celle des avions
sus), constitua un critère pour lequel d’arrivée. Rien d’étonnant alors que plus accentuée encore, mais qui,
de chasse,
les avions militaires ne se brillèrent leur rapport masse/puissance diffère les avions
néanmoins, reste strictement paral-
pas particulièrement. Par définition, tant de celui des avions de combat, de course se lèle à la ligne de tendance des hydra-
les chasseurs sont des engins de com- et que les transferts technologiques différencient vions. Enfin, les avions vainqueurs
bat qui emportent avec eux du car- de l’un vers l’autre s’avèrent si peu d’eux ipso du Trophée Thompson se situent
burant, des armes, des munitions, nombreux. facto au dans la partie haute du nuage de
des équipements, du blindage… La situation est identique avec niveau de leur points des chasseurs.
Les avions de course, eux, ont une la vitesse de pointe. Le graphique ratio masse/ Bien que chez les constructeurs,
finalité totalement opposée et ne (tableau page suivante) montre, sur puissance. les ingénieurs s’échinèrent à se
sont pas du tout soumis aux mêmes la période 1919-1939, les vitesses mettre dans le “sillage” des avions de

Avec son moteur Fiat de 2 850 ch, le Macchi-Castoldi MC.72


était deux fois plus rapide que les chasseurs de son époque,
tels que le Boeing P-26.
course, les résultats obtenus furent La culasse
pour le moins décevants. En 1934, du D-12 en
l’hydravion qui décrocha le record aluminium coulé
du monde de vitesse absolue – le souffrait de
Macchi-Castoldi MC.72 à moteur porosité.
Fiat A.S.6 de 2 850 ch – vola deux Le problème ne
fois plus vite que le chasseur Boeing put jamais être
P-26 qui entrait alors en service dans résolu.
les escadrilles de première ligne de
l’US Army Air Corps. Une situation
qui se passe de tout commentaire…
CURTISS

Le Caudron “Rafale” Développement de la gamme des moteurs Curtiss D-12


Modèle Année Puiss. Régime Cylindrée Masse Puissance spécifique
épate les Américains (ch) (tr/min.) (l) (l) (kg/ch)
AB 1916 300 2 250 13,7 329 1,096
E n France, depuis le début D-1200 1917 400 2 500 18,9 283 0,707
des années 1930, un constructeur K-12 1918 375 2 250 18,9 302 0,805
fait beaucoup parler de lui, c’est C-12 1920 400 2 250 18,9 306 0,765
Caudron-Renault, avec ses célèbres CD-12 1920 325 1 800 18,9 319 0,981
“Rafale” et ses pilotes de légende CD-12A 1921 375 2 000 18,9 319 0,850
dont les noms commencent à être D-12 1922 375 2 000 18,9 304 0,810
sur toutes les lèvres. Il y a là Hélène D-12C 1921 435 2 300 18,9 315 0,724
Boucher, Delmotte, etc. Ils rem- D-12D 1926 460 2 300 18,9 308 0,669
portent alors succès sur succès, D-12E 1927 435 2 300 18,9 311 0,714
battent record sur record. Ces per- Le moteur Fiat
formances ne passent pas inaperçues A.S.6 fut le
des militaires qui voient dans les résultat d’un L’avion qui va naître sous le crayon Arnold, séduit par le Caudron C.460
agiles petits avions bleus une par- bricolage de de Marcel Riffard sera le C.710 dont qui remporta le Trophée Thompson
tie – sinon la solution – à quelques- génie. Monté la version série sera le C.714C1. Si aux National Air Races, pensa avoir
uns de leurs problèmes. En 1934, le sur l’hydravion brillant qu’il fût en compétition, trouvé la preuve “vivante” que le
ministre de l’Air, le général Denain, Macchi- l’élégant Caudron, alourdi par l’in- concept de chasseur léger à moteur
demande à François Lehideux, pré- Castoldi, il dispensable “paquetage” militaire, de moyenne puissance refroidi
sident de la société Caudron SA et permit à l’Italie ne fera pas le poids en mai-juin 1940. par liquide (dont il croyait à tort le
directeur de Renault, de concevoir de s’adjuger De cette “fausse bonne idée”, les Caudron équipé) était le chasseur
un monoplace de chasse (C1) léger le record du États-Unis en feront également les de défense aérienne idéale. Et cette
dérivé des Caudron de compétition. frais. En 1934, le colonel Henry H. idée commença à prendre corps

V
monde de
FIAT S.P.A vitesse pour
hydravion.
Le graphique des
vitesses de pointe
illustre le mieux
les deux univers
si différents :
l’aviation
de chasse
et l’aviation
de course.
FIAT S.P.A

49
COURSES ET CHASSEURS

DR DR/COLL. G. LIANG
Ci-dessus
lorsque Republic Aviation reçut gracile Caudron français. On avait à gauche. Stefanutti, ingénieur en chef de la
commande du petit chasseur AP-10 là deux philosophies de conception Une brute ! Societa Aeronautica Italiana (SIA),
(XP-47). D’autres constructeurs se que tout opposait. L’un, le français, Le “Gee Bee” proposa le chasseur léger SAI 207 à
mirent dans son sillage : Douglas était un avion aux lignes élancées sur R-1 effectuant moteur Isotta-Fraschini de 750 ch.
avec le XP-48, Bell, plus tard, avec lequel le concepteur s’était efforcé un passage à
le XP-77, etc. Heureusement, cette de mettre un moteur dont le maître- pleine vitesse. Les apprentis
errance fut stoppée à temps chez couple était le plus réduit possible.
le constructeur de Farmingdale. L’autre, le “Gee Bee” R-1, n’était Ci-dessus. sorciers
Alexander Kartveli décida de repar- qu’un gros moteur (le plus gros pos- En remportant Certes, l’impérieux besoin de
tir de la feuille blanche et créa un sible) derrière lequel avait été dessi- le Trophée maximiser les performances des
nouvel avion qui, bien que portant née la cellule la plus ramassée et la Thompson avions de course servit d’aiguillon
la même désignation, était l’antithèse plus compacte possible… de 1936, dans le développement des moteurs.
du précédent, le P-47, un monstre de Les Italiens, eux aussi, se four- le Caudron En 1920, Curtiss équipa les deux
7 t ! À l’instar du “Gee Bee” R-1, il voyèrent dans un raisonnement C.460 français avions Curtiss-Cox – du nom du
stupéfia les
faisait figure de brute comparé au similaire, lorsque en 1939, Sergio millionnaire texan S. E. J. Cox – qui
Américains.
ALAIN PELLETIER étaient engagés dans le Trophée
Gordon Bennett d’un moteur que
l’on peut considérer comme la
souche de tous les moteurs en “V”
modernes, jusqu’à et y compris le
mythique “Merlin” de Rolls-Royce.
Il s’agissait d’un moteur V12 conçu,
mis au point et fiabilisé par un fa-
bricant de motocyclettes du nom de
Charles B. Kirkham. Ce moteur, qui
Ce schéma développait 400 ch pour une masse
montre côte de 309 kg (soit 0,77 kg/ch), marquait
à côte les vues un réel progrès par rapport au cé-
en plan du lèbre et très répandu Hispano V8,
Caudron C.460 et mais il s’avérait difficile à fabriquer
du “Gee Bee” R1. en série et sa culasse coulée en alu-
La différence minium était poreuse. Ce fut Finlay
dans la R. Porter qui acheva sa mise au
philosophie point et y apporta encore quelques
de conception améliorations (2). Baptisé C-12, ce
est flagrante moteur de 427 ch à 2 250 tr/min fit ses
débuts sur les deux avions de course
Le Caudron C.460 face au “Gee Bee” R-1 Curtiss-Cox baptisés respectivement
Caudron C.460 Gee Bee R-1 Cactus Kitten et Texas Wildcat qui
Moteur Renault Pratt & Whitney furent engagés en 1920.
Puissance (ch) 330 450 Malheureusement, le second
Envergure (m) 6,75 7,62 s’écrasa deux jours avant la course et,
Longueur (m) 7,12 5,41 du coup, Cactus Kitten ne fut même
Surface alaire m2 6,99 9,2 pas sorti de sa caisse. Arthur Nutt
Masse à vide (kg) 530 834 prit alors le relais pour améliorer une
Masse totale (kg) 870 1 095
Vitesse max. (km/h) 480 490
(2) Il installa un vilebrequin à sept
Charge alaire (kg/m) 124,46 119,02 paliers et modifia l’allumage, mais
Puissance (kg/ch) 2,64 2,43 ne parvint pas à surmonter le problème
de porosité du carter.

50
fois encore le moteur de Kirkham à la Une influence
demande de l’US Navy qui comptait fâcheuse des
bien le faire monter sur les Curtiss courses sur les
CR qu’elle engagea dans le Trophée avions de chasse
Pulitzer de 1921. Nutt allongea le fut la création
vilebrequin et créa ainsi le fameux de chasseurs dits
moteur D-12 qui domina les courses “légers”, comme
et notamment le Trophée Pulitzer ici le Bell XP-77.
de 1922, en raflant les quatre pre-
USAF

mières places et la Coupe Schneider Aux États-Unis,


de 1923 (deux premières places). ce concept
Bien obligé de reconnaître la supé- de chasseur
léger germa
riorité des Américains, un journa-
chez de hauts
liste de la revue Flight écrivit : “Les
responsables
deux machines qui concoururent
militaires et faillit
étaient si rapides que pour les autres donner naissance
concurrents, leur victoire ne faisait au XP-47
aucun doute.” Celui qui, jusqu’alors, (ci-contre) dont
était un moteur de course, fit l’objet la conception fut
de commandes en série pour plu- stoppée à temps
sieurs types d’avions militaires, à pour laisser
commencer par des Curtiss PW-8 place au XP-47B
qui héritèrent du même système de “Thunderbolt”.
refroidissement que les avions de
course. Mais ce choix allait se révéler
détestable, les radiateurs de surface
étant d’une fragilité extrême et, par
conséquent, absolument inadaptés à
FAIRCHILD-REPUBLIC

des avions de combat. Ils donnèrent


d’ailleurs beaucoup de fil à retordre
aux mécaniciens chargés d’en assurer
la maintenance.

L’évacuation des calories,


tout un problème… Les Italiens,
avec le SIA 207,
À ce niveau, il est à noter que furent également
le refroidissement – où plus préci- victimes
sément l’évacuation des calories du ”mirage”
sans pour autant augmenter la traî- du chasseur
née – constitue l’un des principaux, léger.
sinon le principal problème que les
DR

concepteurs d’avions de course ont La problématique se présentait Les moteurs de cette époque
à surmonter. C’est pour cette raison ainsi : il s’agissait de mettre au point étaient le siège de plusieurs phé-
que sur les avions et hydravions de une essence d’aviation qui, pendant nomènes indésirables dont les plus
course, chaque surface disponible un laps de temps très court – celui importants étaient les détonations
sur les ailes, le fuselage et les flot- d’une course – fût capable de tirer la (dont on ne cernait pas bien l’ori-
teurs, est utilisée comme radiateur. plus grande puissance possible d’un gine), la volatilité de l’essence et les
En Angleterre, bien qu’aucun moteur, quitte à ce que ce dernier résidus. Le refroidissement posait
moteur Curtiss n’équipât un avion soit envoyé à la ferraille immédia- également problème. En effet, il
britannique, l’un d’eux fut amené à tement après. Ce problème n’était faut savoir que la combustion à
jouer un rôle capital dans le déve- pas simple. l’intérieur d’un cylindre prend la
loppement des moteurs destinés aux Très vite, les chimistes parvinrent forme d’un front de flamme qui ne
derniers modèles de chasseurs. En à la conclusion qu’ils devaient agir dure que quelques microsecondes.
effet, en 1923, le ministère de l’Air sur les carburants eux-mêmes, et non La vitesse de propagation de ce front
britannique fit l’acquisition de deux sur le moteur, en y incorporant des de flamme augmente jusqu’au point
Curtiss D-12, dont l’un fut prêté à additifs de diverses natures. où l’essence explose spontanément.
V

Rolls-Royce avec pour mission de DR

concevoir un moteur meilleur que En 1937,


l’original. Cette demande déboucha Seversky modifia
des chasseurs
sur le Rolls-Royce “R” qui équipa
P-35 pour
les hydravions Supermarine S.6 qui
participer aux
dominèrent et fi nalement rempor-
courses, comme
tèrent la Coupe Schneider en 1931.
pour le Trophée
S’il est un domaine où les courses Bendix.
aéronautiques jouèrent un rôle indé-
niable, ce fut celui des carburants.
Les recherches furent menées avec
ardeur tout au long des années 1920.
avancée technologique majeure ne
fut accomplie grâce aux avions de
course. En tout cas, s’il en fut, elles
furent moins importantes qu’on est
souvent porté à le croire. C’est d’ail-
leurs la conclusion à laquelle était
parvenu, en 1922 déjà, Edward P.
Warner, professeur d’aéronautique
au MIT (Massachusetts Institute
of Technology), lorsqu’il écrivait :
“Calculés pour ne transporter rien
d’autre que le pilote et juste assez
d’essence pour le temps d’une course,
et avec une carlingue taillée aux di-
mensions les plus réduites possibles
tout en abritant le moteur, il n’y a
[dans les avions de course] aucune
possibilité de transporter une charge
DR
Les puissants commerciale ou de monter un quel-
La chaleur dégagée par cette explo- proportions considérables. On était hydravions de conque armement.” (4).
sion s’avérait difficile à dissiper, d’où alors à la grande époque du Trophée course, tels que Très sûrement, les milliers de
une surchauffe du moteur. Schneider. Jouant les apprentis sor- le Supermarine données récupérées lors des courses
Dans plusieurs pays, de petits ciers, les chimistes créèrent de mul- S.6B, étaient auraient fait les choux gras des ingé-
groupes de chimistes se penchèrent tiples mélanges en utilisant comme des machines nieurs du NACA. Ils auraient tant
sur la question. Aux États-Unis, la ajouts des composés chimiques tels dont le souhaité que les informations rela-
première recommandation fut d’uti- que le toluène, l’acétone, l’alcool pilotage était tives aux détails de la conception des
liser du pétrole brut de Californie. éthylique, l’alcool méthylique, le hasardeux avions de course et que les résultats
Mais cette solution fut abandonnée cyclohexane, etc. du fait de des essais en soufflerie et les données
pour d’obscures raisons politiques. l’important des essais en vol puissent être enre-
En conséquence, les efforts furent Quelle influence sur couple de gistrés pour être capitalisés et réuti-
réorientés vers la production d’une renversement lisés dans des conceptions à venir. Ils
essence synthétique, composée de
les avions de combat ? du moteur auraient tant souhaité que des essais
70 % de cyclohexane (C4H12) et de À la lumière de ces quelques et du soient menés dans un environne-
30 % de benzol (C6H6), qui affichait exemples, il s’avère délicat de por- déplacement ment contrôlé (instruments de me-
un indice d’octane d’environ 75, per- ter un jugement définitif sur la pos- du centre sure étalonnés, conditions standard)
mettant des taux de compression des sible influence qu’eut l’aviation de de gravité à et que la conception et les données
moteurs de 6 à 7. compétition sur la conception des mesure que relatives aux performances soient
De leur côté, les chimistes alle- avions de combat américains de la l’essence était largement diffusées dans l’univers
mands cherchèrent un additif sus- Deuxième Guerre mondiale. Du consommée. des professionnels de l’aviation. Mais
Ces avions
ceptible de supprimer les détona- fait de la puissance excessive qu’ils il n’en fut rien. Comme l’écrira plus
étaient tout
tions. Leur solution fut l’utilisation déployaient et de leurs lignes aéro- tard Benjamin S. Kelsey : “Sans
bonnement
de fer pentacarbonyl (FeCO5). En dynamiques traduisant une certaine ces courses, l’aviation américaine
dangereux.
1926, des Britanniques menés par forme de modernité, on serait tenté se serait développée différemment ;
Sir Harry Ricardo se rapprochèrent de croire que les avions de course peut-être mieux, peut-être moins
de l’équipe américaine de Charles jouèrent un rôle significatif dans le bien, mais différemment.” (1) Q
Franklin Kettering (3), qui avait mis développement technologique de
au point un procédé de cracking l’aviation. Les exemples examinés
permettant d’obtenir une essence ici tendent à prouver qu’il n’en fut
(3) Franklin Kettering est connu pour
affichant un indice d’octane de 100. rien. Au contraire, la plupart de ces avoir été l’inventeur du Delco.
Un Brown B-2
Par ailleurs, l’ajout de plomb tétraé- appareils firent appel à des solutions (4) Edward P. Warner, The development
fait le plein
thyle [(C2H5)4Pb] permit d’aug- techniques préexistantes, au point en essence of the racing airplane, NACA,
menter l’indice d’octane dans des que l’on peut affirmer qu’aucune 100 d’octane. novembre 1922.

Courses aériennes,
l’âge d’or de l’aviation
(1909-1939)
Les courses aériennes étaient à
la mode au XXe siècle ! Toute une
épopée à revivre dans une belle
publication.
Par Alain
Pelletier
Chez ETAI
176 pages,
49 €
ISBN 979-10-
283-01286-6

COLL. J. UNDERWOOD

52
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BIOGRAPHIE
René Dorme (1894-1917)
La croisade du Lorrain

BDIC
Au mois de
e 20 avril 1892, Marie couple de quadragénaires. Il gardera juillet 1915, et patriote, et se montre un élève

L Dorme, âgée de 39 ans,


donne naissance dans la
commune d’Eix Abaucourt,
dans la Meuse, à son troi-
sième enfant, un garçon pré-
nommé Georgess venu
longtemps après deux
devenu adulte une affection prati-
quement fusionnelle pour ceux qu’il
appellera “mes vieux parents”.
La famille déménage durant les
jeunes années du garçon
à Briey oùo Adolphe
Dorme a obtenu
René Dorme
vole sur des
Caudron G.4
de l’Escadrille
C 94 du Camp
retranché de
Paris, tel que
doué puisqu’il obtient son certificat
d’études obtenu à l’époque par 20 %
de sa classe d’âge. Il entre très tôt
dans la vie active et trouve un emploi
chez un avoué de Briey qui le prend
en affection et l’invite souvent à la
chasse où il se révèle vite être un
filles. Il est aussitôt
ôt u ne muta- celui-ci. excellent tireur. Il s’initie également
déclaré à la mai-- tion. Cette
tio René Dorme à la mécanique en entretenant la voi-
rie par son père, commune avec la médaille ture de son employeur.
Adolphe Dorme, située au
si militaire qui lui
qui se trouve être nord-ouest
n a été remise par Garde-mite
le chef de la petite de Metz se
d
gare du village. trouve dans
tr
le président de en Tunisie
la République
Mais un drame le dépa r- Raymond Envisageant de suivre des études
frappe la famille : tement de
tem Poincaré, lors de de droit, le jeune René décide de
le bébé décèdee la Meurthe- sa visite sur le devancer son service militaire de
quelques mois plus lus et-Moselle, à
et-M terrain de Cachy trois ans et s’engage dans l’artillerie
tard, le 26 août. Aussi, proximité immé-
proxim le 4 août 1916. une fois atteint l’âge de 18 ans. Il est
quand naît un autree garçon diate de la frontière affecté au 7e Groupe d’artillerie à
tard, le 30 jan- DR/C
un an et demi plus tard OLL R G
ENAUD
allemande de l’époque
UILLEREZ
pied d’Afrique, à Bizerte en Tunisie,
vier 1894, le bébé prénommé René car touchant la Lorraine annexée. où son niveau d’éducation lui permet
Gaston Marie est l’enfant du miracle René Dorme y passe ses jeunes rapidement d’obtenir des galons de
et l’objet de toute l’affection de ce années dans un milieu catholique brigadier puis de maréchal des logis.
V

54
Le jeune Dorme, d’origine Lorraine, acquiert rapidement
la réputation de “tueur de boche” avant d’intégrer l’élite
de la chasse, l’Escadrille des Cigognes. Mais, issu d’une famille
modeste, la reconnaissance de ses pairs reste limitée…
Par David Méchin

DAVID MÉC
HIN

Caudron G.4 de l’Escadrille C 94 CRP. Dorme aurait volé sur cet appareil, sans qu’on sache
précisément si c’est sur celui-ci qu’il revendique sa première victoire le 3 avril 1916.

55
RENÉ DORME

HIN
ID
MÉC
DAV

Le Nieuport 16 n° 939 utilisé par René Dorme en juin-juillet 1916.


Premier avion
de chasse
confié à René
Dorme, le
Le 1er août 1914, quand parvient régulièrement, consiste à recevoir tivement sur Philippeville et Bône, Nieuport 16
l’ordre de mobilisation générale, le et à fournir les tenues militaires aux faisant quelques tués et des dégâts n° 939, ici sur
maréchal des logis René Dorme est nombreux réservistes qui affluent au matériels. Les navires allemands le terrain de
chef de pièce au camp d’Aïn Bittar camp – un travail de “garde-mite” parviennent ensuite à prendre la Cachy. Il va le
près de Bizerte et suit des cours de qui ne l’enchante guère ; il écrit brû- fuite vers la Turquie, poursuivis par piloter environ
mécanique. La nouvelle de la mobi- ler de combattre en France où il sait la marine britannique dont Dorme un mois, de
lisation met tout son camp en branle- qu’ont lieu les premiers affronte- peut voir une unité faire escale à son arrivée à la
bas et il passe la nuit à surveiller le ments en Alsace. L’Afrique du Nord Bizerte le jour même, puis quelques N 3 jusqu’à la
rivage avec sa batterie. française subit l’attaque le 4 août jours plus tard escorter dans le port mi-juillet 1916,
et revendiquer
La déclaration de guerre leur 1914 des navires de guerre alle- un pétrolier allemand capturé sous
trois victoires
parvient le lendemain et l’activité mands Goeben et Breslau qui, venus les vivats de la population.
à son bord,
de Dorme, dont on a les détails du port neutre italien de Messine, Le jeune homme écrit tous les
dont une sera
par le journal personnel qu’il tient ont tiré plusieurs bordées respec- jours à ses parents pour leur raconter homologuée.

SHD

56
ses journées. Mais ses lettres restent Après plusieurs jours de vols une vive émotion, qui a été ravivée
vite sans réponse. Car il ne tarde pas quotidiens, il apprend le 13 février quand deux Zeppelin ont bombardé
à apprendre que la commune de qu’il est désigné pour se rendre à la capitale le 21 mars 1915 à 1 h 35
Briey est dans la zone envahie par l’école de pilotage de Pau. Arrivé du matin, faisant quelques blessés.
les troupes allemandes et ses parents deux jours plus tard, il y commence Quatre escadrilles du CRP sont
sont désormais sous le joug de l’en- son instruction et réalise son pre- alors créées dans la foulée tandis
nemi. Démoralisé et priant pour eux, mier vol le 17 avril, sous la direction que l’on perfectionne les batteries
il n’a dès lors comme unique préoc- de l’instructeur Paul Tarascon qu’il de DCA et le réseau de guet. Mais
cupation de chercher à combattre retrouvera plus tard en unité. Durant l’ennemi n’est pas au rendez-vous…
en France et saisit l’occasion qui se cette période d’apprentissage il se L’aviation allemande ne considérant
présente à lui en répondant à une lie d’amitié avec deux élèves-pi- pas Paris comme un objectif, le ciel
demande de volontaires pour servir lotes, Joseph Guiguet et Jean Raty, de la capitale restera pratiquement
dans l’aviation. dont le chemin sera lié au sien pour vide de toute incursion ennemie du
le restant de la mois
m de mars 1915
“Doit faire Aux commandes guerre. Passant à janvier 1918, à
de son les épreuves du l’exception
l d’un
un excellent pilote” Nieuport 16, le brevet civil sur Zeppelin
Z survo-
Il embarque alors pour la France jeune Lorrain de Blériot Gnome lant
l la banlieue
le 9 décembre 1914, écrivant : “J’ai 22 ans semble 50 ch le 24 avril nord
n durant la
le cœur en fête et je veux manger des décidé à partir 1915, le diplôme nuit
n du 30 au
oreilles de boches.” Après un voyage dans sa croisade (n° 1933) lui est 31
3 janvier 1916 et
assez inconfortable en bateau puis en personnelle décerné le 6 mai d’un
d raid aérien
train, il arrive à Lyon au 2e Groupe contre suivant. Le direc- en
e juillet 1917.
d’aviation stationné au fort de Bron. l’Allemagne. teur de l’école, le Les aviateurs
Après quelques jours de repos, il y cne Collard, lui du
d CR P sont
est vite réquisitionné pour faire l’ins- décerne l’appré- donc
d c a nton -
truction des recrues de la classe 1915 ciation : “Très bon nés
n à effectuer
qui affluent sur le camp militaire. élève, réfléchi , des
d patrouilles
Puis vient une longue attente, durant calme et droit. monotones
m dans
laquelle sa maigre solde de sous-offi- Doit faire un ex- le
l ciel de Paris et
cier lui permet très difficilement de cellent pilote.” beaucoup
b d’entre
subsister. “Du 12 décembre 1914 au I l retourne eux
e se feront trai-
DR/ C . D. M
OLL ÉCHIN
12 janvier 1915, je mène à Lyon une alors à St-Cyr ter
t de “planqués”
vie idiote, c’est-à-dire que je suis là pour y passer les épreuves du bre- par les pilotes du front de passage
à ne rien faire absolument. Nous vet militaire, plus difficile. En ren- en ville lors d’une permission. Cette
sommes 40 sous-officiers venus trant voir sa sœur à Bois d’Arcy, il affectation a au moins un mérite,
d’un peu partout, pleins de bonne a la bonne surprise d’y retrouver déterminant pour la suite de la car-
volonté et on nous immobilise tous ses parents dont il était sans nou- rière de jeune pilote de Dorme : ce-
là à nous encroûter et à ne rien faire. velles depuis près de dix mois : les lui de lui permettre de parfaire son
Je vis ma triste vie et mon cœur s’ai- Allemands viennent d’expulser des entraînement. Comme l’affi rmera
grit. Je lave mon linge moi-même le civils vers les lignes françaises. Si la plus tard son ami Joseph Guiguet
soir quand tout le monde est cou- joie de René Dorme est immense, le au Service historique de l’armée de
ché, car je dois garder ma dignité désir de se venger de l’envahisseur l’Air, beaucoup de pilotes à peine
de sous-officier. Il en est autour de germanique qui vient de dépossé- brevetés des écoles sont envoyés
moi qui se font lacer leurs souliers, der ses parents de tous leurs biens au front sans grande expérience de
je dois me contenir pour ne pas leur l’est plus encore. Il passe alors avec vol. Les moyens de détection étant
crier mon indignation.” succès les épreuves du brevet mili- rudimentaires et le temps mis par les
Le centre d’aviation de St-Cyr taire qui lui est accordé le 5 juin 1915 avions d’alerte trop important pour
ayant besoin d’un artificier, il reçoit (n° 1046). Le lendemain, il reçoit son arriver à une altitude adéquate au
l’ordre de s’y rendre le 17 janvier 1915 ordre de mutation vers une unité combat, le CRP est contraint de
et peut retrouver sa sœur Jeanne et combattante. laisser ses avions en l’air en perma-
son beau-frère Henri qui habitent à nence et d’organiser un roulement
Bois d’Arcy. Mais le centre d’avia- Au Camp retranché de patrouilles.
tion ne sait en fait que faire de lui et Le 16 juillet 1915, l’Escadrille
il commence une nouvelle période
de Paris C 94 quitte le terrain de Vélizy-
d’attente : “Nous sommes une tren- Le futur as est affecté avec ses Villacoublay, au sud de la capitale,
taine de sous-officiers qui ne fai- amis Raty et Guiguet à l’Escadrille pour celui bien plus adapté du
sons rien, encore moins qu’à Lyon.” C 94 basée à Vélizy-Villacoublay, Bourget situé au nord sur la route des
Il trouve heureusement un officier une des trois escadrilles nouvel- assaillants éventuels. Elle reçoit à
d’artillerie, le capitaine Gabot, qui lement créées sur Caudron G.3 et cette date ses premiers Caudron G.4
cherche à recruter des observateurs chargée de la défense aérienne du bimoteurs sur lesquels ses pilotes se
d’artillerie. Dorme se porte volon- Camp retranché de Paris (CRP). transforment dans un ciel toujours
taire et reçoit ainsi le 1er février 1915 C’est de fait une affectation très aussi vide d’ennemis. Mais le front,
l’ordre de se rendre à Buc, à l’école éloignée du danger. La capitale a été dont le point le plus proche est au
Caudron, pour y commencer son survolée durant les tout premiers nord de Compiègne, n’est qu’à 70 km
apprentissage. Il y loge chez l’habi- mois de la guerre par des “Taube” du Bourget, soit une demi-heure de
tant et perçoit une indemnité de vol solitaires ayant lâché quelques vol. Pour Dorme et son ami Guiguet,
qui améliore sensiblement ses condi- bombes. La petite dizaine de vic- la tentation est grande d’aller rendre
tions matérielles. times et dégâts matériels ont créé visite à l’ennemi… Ce qu’ils font à
V

57
RENÉ DORME

l’aube du 21 juillet 1915, ayant pré- chantant et en insultant les boches au CRP. Muté le 2 mars 1916 à
paré leur Caudron G.4 dans le plus tant que ça pouvait.” l’Escadrille N 95 du CRP, il conti-
grand secret. Faute de bombes, ils Les jours monotones s’écoulent nue cependant à voler sur Caudron
emmènent dans leur appareil des au Bourget, rythmés par de vaines G.4 bien que sa nouvelle unité soit
pavés récupérés sur un chantier près alertes. Dorme, promu adjudant équipée de Nieuport. Le 13 mars
du Bourget. Guiguet prend les com- durant l’été 1915, écrit toujours très 1916, une alerte l’amène à décoller
mandes tandis que Dorme prend régulièrement à ses parents, et prend sur son Caudron G.4 avec comme
la place du mitrailleur à l’avant. Il ses habitudes à la petite église du mitrailleur René Chrétien. Ils filent
raconte à ses parents son périple : Bourget qu’il fréquente avec son ami au nord-est en direction du front
“À 6 heures, nous étions en arrière Joseph Guiguet qui y rencontre sa et aperçoivent un appareil ennemi
des premières lignes boches, environ future épouse. En dehors de cette qu’ils poursuivent au-dessus de la
30 km après Soissons. J’avais une église, Dorme a peu de goût pour les forêt de Compiègne. Quand ils sont
mitrailleuse, quantité de cartouches, sorties dans la capitale. Parti s’entraî- assez proches pour ouvrir le feu, le
et (ne riez pas) une quarantaine de ki- ner à la RGA (Réserve générale de fusil-mitrailleur Chauchat actionné
los de gros pavés. Je vous assure que l’aviation) pour piloter le Caudron par Chrétien s’enraye au bout de la
je ne me suis pas embêté. J’ai com- G.4 bimoteur, la fin du mois d’octobre troisième cartouche et leur proie
mencé par repérer un cantonnement 1915 lui amène un peu d’animation peut retourner dans ses lignes…
important, constitué de paillotes et en l’envoyant convoyer un de ces ap- Dorme est frustré de cette occa-
tentes d’officiers, et y ai envoyé 200 pareils de Lyon au Bourget, ce qu’il sion manquée mais une opportu-
cartouches, en visant juste, je vous parvient à faire avec son mécanicien nité semblable a lieu le 3 avril 1916.
le promets. Ensuite, j’ai pris comme le soldat René Chrétien, malgré une Quittant la zone de la capitale à la
but une tranchée découverte et j’en ai météo déplorable, voyageant dans la suite d’une alerte, Dorme se rap-
tiré encore autant. Puis nous sommes brume. Il s’essaie au vol de nuit et par- proche de Compiègne et aperçoit
repassés sur le cantonnement où j’ai ticipe à des patrouilles nocturnes ; il six biplaces LVG qui se dirigent vers
lâché mes… “crottes”, de deux ou est victime le 9 janvier 1916 d’un acci- Paris. Apercevant l’avion français,
trois kilos chacune. Là-dessus nous dent à l’atterrissage, lui occasionnant cinq font demi-tour vers le nord,
faisons demi-tour et, tout joyeux, une blessure nécessitant une hospita- dans leurs lignes, laissant Dorme
nous rigolons dans l’appareil quand, lisation à l’hôpital Lariboisière, suivi attaquer le sixième au-dessus de
tout à coup, Pan ! Pan ! Deux obus d’une courte convalescence qui se la forêt de Laigue (au nord-est de
éclatent à 100 m au-dessus de nous, termine le 14 février 1916. Compiègne). Son mitrailleur du
Pan ! Pan ! Deux autres, 100 m en moment, le soldat Georges Huillet,
arrière. C’était du 105. Je les ai bien Premiers combats parvient à tirer un chargeur complet
reconnus, et c’était vraiment impres- du fusil-mitrailleur Chauchat à une
sionnant. Ils nous en ont envoyé plus
aériens distance de 100 m. Le LVG semble
de 30 et l’encadrement se resserrait De ce fait, il n’est pas en service touché et descend aussitôt en vrille.
de plus en plus. Aussi nous avons les 30 et 31 janvier 1916 quand un Le futur as jubile en rentrant
fait une jolie chandelle qui nous a Zeppelin survole de nuit la capitale, au Bourget, mais il va vite déchan-
remontés d’une centaine de mètres, ce qui aurait été sa seule occasion ter. La confirmation de sa victoire,
puis nous avons filé à plein gaz en de voir l’ennemi durant son séjour tombée dans les lignes allemandes,
Dorme vole à
partir de la fin
juillet et durant
tout le mois
d’août sur ce
Nieuport 17
n° 1428, une
des premières
séries non encore
équipée d’une
mitrailleuse
Vickers
synchronisée.
C’est le premier
appareil
connu portant
l’inscription Père
Dorme, bien que
deuxième du
nom.

DR/COLL RENAUD GUILLEREZ/SHD

58
IN
MÉCH
DAVID

Nieuport 17 n° 1428 Père Dorme II, utilisé en juillet-août, puis occasionnellement


jusqu’à la fin de l’année 1916.

ne viendra jamais ; Dorme devra se Dans l’Escadrille l’unité d’élite de la chasse française en Le général
contenter d’une citation le 4 mai 1916 des Cigognes ayant dans ses rangs nombre d’excel- Joffre, vu ici
mentionnant un appareil ennemi mis lents pilotes dont le déjà médiatique de dos en
en vrille. Dans sa correspondance Mais cette aventure apporte à Georges Guynemer, alors titulaire de uniforme
privée, il mentionne le témoignage Dorme une réputation de “tueur de neuf victoires homologuées. Le chef sombre, se
officieux d’un gradé attestant avoir boche” parmi les pilotes du Bourget. de l’unité, le commandant Brocard, fait expliquer
vu un appareil tomber, mais il Il est alors muté le 11 juin 1916 au cherche à recruter des pilotes de va- le pilotage de
grogne sur le fait que jamais la zone Groupement des divisions d’entraî- leur et a récemment mis la main sur l’appareil par
des Armées n’accepterait qu’un avia- nement (GDE) pour se faire la main Joseph Guiguet, qui a remporté une René Dorme
teur du CRP ait descendu un appa- sur le chasseur Nieuport en vue de victoire homologuée le 22 mai 1916 assis aux
reil dans leur chasse gardée. Les ar- son affectation dans une escadrille contre un ballon allemand en par- commandes,
chives allemandes sont muettes sur de chasse où ses talents seront sans ticipant à un essai expérimental de probablement
un appareil perdu sur ce secteur en nul doute bien mieux exploités. fusées Le Prieur. Guiguet lui recom- lors de la visite
ce jour précis, et il est probable que Bénéficiant d’une permission de mande son ami Dorme et les deux du président de
le LVG ait effectivement redressé au 7 jours le 15 juin, il reçoit l’ordre à aviateurs se retrouvent ainsi réunis la République,
Raymond
ras du sol… La victoire sera comp- son retour de gagner l’Escadrille N 3 le 27 juin 1916.
Poincaré,
tée dans le palmarès de Dorme, puis sur le terrain de Cachy. Leur nouvelle unité est regrou-
au terrain
finalement retirée de son total dans La N 3, dont les appareils viennent pée avec les meilleures escadrilles
de Cachy, le
le Journal officiel. de s’orner d’une Cigogne, passe pour de chasse françaises sur le terrain V 4 août 1916.

DR/COLL RENAUD GUILLEREZ

59
RENÉ DORME

IN
MÉCH
DAVID

Le Nieuport 17 n° 1720 Père Dorme 3, utilisé de septembre à décembre 1916.


L’appareil est doté d’une casserole d’hélice.

En septembre de Cachy, au sud-est d’Amiens, en Les pilotes de chasse français du second est touché l’après-midi et est
1916, René prévision de l’offensive franco-bri- Groupement de chasse de Cachy, laissé regagner ses lignes, moteur
Dorme reçoit tannique sur la Somme destinée dont le commandement est attribué calé. Deux autres biplaces allemands
le Nieuport 17 à soulager la pression allemande au chef de la N 3, le cne Brocard, sont attaqués et laissés piquant
n° 1720 qu’il sur Verdun. L’attaque est lancée vont s’attribuer un impressionnant dans leurs lignes les 11 et 15 juillet
baptise Père le 1er juillet 1916 et constitue un palmarès et plusieurs as vont émer- (non homologués), puis, le 28 juil-
Dorme 3 et fait des épisodes les plus sanglants de ger. Ce sera le cas de René Dorme, let 1916, il attaque entre Chaulnes
décorer la Première Guerre mondiale, en qui se voit attribuer le Nieuport 16 et Roye un bipoutre AGO C II qui
d’une croix particulier pour les troupes bri- n° 939 et qui porte le n° 12, équipé fuit en piquant verticalement, fuse-
de Lorraine. tanniques inexpérimentées qui, d’une mitrailleuse Lewis non syn- lage gauche en flammes, qui lui sera
Les malgré une préparation d’artillerie chronisée tirant hors du champ de homologué.
témoignages sans précédent, subissent de très l’hélice. Participant à sa première Le 3 août 1916, Dorme change
attestent lourdes pertes face aux troupes al- ronde de chasse dès le premier jour de monture et se voit attribuer un
de la couleur lemandes solidement retranchées. de l’offensive le 1er juillet 1916, il par- Nieuport 17, équipé du même mo-
verte du chiffre En l’air, la situation est différente vient le 9 juillet à toucher deux LVG teur que le Nieuport 16 mais dont le
12 et de pour l’aviation française qui dispose allemands. Le premier, lors d’une fuselage est bien mieux équilibré. Il
la croix d’une maîtrise totale du ciel, grâce patrouille le matin, est tiré à bout le baptise Père Dorme II et remporte
de Lorraine. à une supériorité qualitative – les portant à l’est de Péronne ; le mi- à son bord une nouvelle victoire
Il revendique
Nieuport sont à la fois plus rapides trailleur arrière, touché, s’effondre homologuée le jour même contre
18 victoires
et plus maniables que les Fokker à son poste. L’avion ennemi part en un LVG abattu à l’est de Maurepas
à son bord,
“Eindecker” dépassés – mais aussi vrille mais est vu se redresser ; il sera – vraisemblablement un équipage de
dont huit sont
homologués.
quantitative. néanmoins homologué à Dorme. Le l’escadre de bombardement KG 1/
BDIC
Ks 2 (Kampfgeschwader 1 Kriegs- capitale mais Chrétien doit insister rière Guynemer et Nungesser pour
schule 2) abattu au même endroit. pour que Dorme mette à sa poitrine le nombre de victoires homolo-
Il atteint le 23 août 1916 le titre sa médaille militaire et sa croix de guées, et même le deuxième juste
d’as en abattant un LVG près de guerre ornée de plusieurs palmes. derrière Guynemer si l’on rajoute
Marchélepot, lui donnant l’occasion Réponse de l’intéressé : “Mets-la, les victoires non-homologuées au
d’être cité nominativement dans le toi, puisque tu veux qu’on la voie.” score officiel. Mais si sa célébrité
communiqué aux armées, ce dont il De retour à Cachy le lendemain, est indéniable avec les journaux qui
tire une évidente fierté en écrivant le il augmente son score à sept officiels commencent à relayer ses succès, la
lendemain à son ancien mécanicien le 31 août aux dépens d’un LVG, reconnaissance qu’il obtient de ses
du CRP René Chrétien : “Oui mon puis reçoit un nouveau Nieuport 17 pairs est assez limitée. Issu d’une
vieux, on devient un as. En deux (n° 1720) équipé d’une mitrailleuse famille de petits fonctionnaires et
jours, je viens d’en “escoffier” trois, synchronisée alimentée par bandes n’ayant que des galons de sous-offi-
dont deux officiels… Tu parles si mes avec laquelle il espère multiplier cier, il ne fait pas partie de la “bande
vieux parents vont être heureux.” Les les succès, comme il l’écrit à ses noire”, club de chasse officieux de
communiqués aux armées, parais- parents : “J’ai un nouvel appareil l’Escadrille N 3 rassemblant les
sant au Journal officiel, vont désor- avec une mitrailleuse Wickers à 500 meilleurs officiers de l’escadrille,
mais régulièrement rendre compte coups. Ça va gazer.” Il personnalise tous issus de la bourgeoisie ou de
de sa progression en victoires avant son appareil baptisé Père Dorme 3 l’aristocratie, qui décorent leurs ap-
même la publication de ces citations en y peignant sur le dos une grande pareils d’une bande noire sur l’arrête
à l’ordre de l’armée : sa célébrité est croix de Lorraine verte – son éten- dorsale du fuselage. Font partie de
désormais assurée. dard dans la croisade personnelle ce club restreint le sous-lieutenant
Après avoir porté son score à qu’il entreprend contre l’envahisseur Georges Guynemer (25 victoires
six victoires officielles le 25 août, allemand. Dès le 7 septembre 1916, en décembre 1916), le lt Alfred
il obtient une courte permission à il tire deux avions allemands qui ne Heurtaux (16 victoires), le lt Albert
Paris le 29 août où il va rendre visite lui sont pas homologués, puis deux Deullin (10 victoires) et le s/lt René
à ses anciens camarades du CRP autres le 9 septembre, ainsi qu’il de la Tour (huit victoires) : Dorme
au Bourget. Le journaliste Jean écrit à ses parents le lendemain : n’y sera jamais admis malgré son
Daçay, qui y est affecté, témoigne : “Toujours même train-train ici. Ce palmarès, pas plus que le sgt André
“J’ai encore dans les yeux l’ovation matin je viens d’assister à une grand- Chaînat, comme lui sous-officier et
qui l’accueillit et notre joie. Ce n’était messe en musique du 91e Régiment titulaire de 10 victoires dès le 2 août
pas tant pour nous, cependant, ni d’infanterie où j’ai rencontré le 1916, et avec lequel il semble bien
même pour ses chefs de jadis qu’il sergent Tétienne qui à Briey allait à s’entendre.
était venu. Il nous aimait bien, l’école avec moi. Ses amitiés. C’est De plus, l’ordre d’attribution des
certes, mais c’était spécialement embêtant, vous allez être obligés de nouveaux avions de chasse Spad
pour Chrétien, son mécano d’antan, me congratuler, car j’ai cassé la g… montre que Dorme sera très loin
auquel il songeait et il sollicita pour à deux boches hier soir, dont l’un est d’être parmi les premiers servis.
lui une permission pour Paris qu’il confirmé. Bons baisers à tous.” Alors que les premiers exemplaires
obtint.” Les deux hommes partent arrivent à l’escadrille au mois de sep-
fêter le succès de Dorme dans la Un as tembre 1916, il ne touchera le sien
qu’au mois de février 1917, devant
Une petite taille, solitaire toujours voler sur Nieuport 17, et ce
une moustache, Jusqu’à la fi n de l’année 1916, à une période où la chasse allemande
un sourire, une le score de René Dorme va battre reprend la supériorité, l’obligeant à
canne et un léger
tous les records de progression et voler sur un avion dont la vitesse est
embonpoint : il
arriver fin décembre à 16 victoires inférieure aux nouveaux appareils
ne manque plus
homologuées et 18 non homolo- ennemis Albatros D III.
qu’une canne
à pêche à cette
guées, toujours en étant basé à E nfin, sa Légion d’honneur
silhouette que Cachy, dans la Somme, durant cette arrive assez tardivement, comme
le journaliste période. Les commentaires que lui il l’écrit à ses parents le 13 octobre
Jacques Mortane inspirent ses succès dans sa corres- 1916 : “J’ai le plaisir de vous annon-
qualifie de pondance laissent peu de doute sur cer que j’ai été proposé hier pour la
“paisible pêcheur sa haine de l’envahisseur allemand Légion d’honneur. Ironie amère :
à la ligne”. contre lequel il semble mener une la première proposition, qui avait
Les apparences croisade personnelle : “J’ai tué le été faite il y a plus d’un mois, avait
sont trompeuses passager que j’ai vu s’effondrer été égarée dans les paperasseries
et cachent un dans sa nacelle. Un de moins” ; “Ce de la 10 e Armée ; dommage que je
combattant matin la brume m’a permis d’aller ne m’appelle pas d’Orme. Enfi n il
acharné menant à la messe et ce soir je compte bien paraît que cette proposition aura une
une croisade assassiner un boche” ; “Il est tombé suite, le colonel s’en occupe person-
personnelle en vrille de 2 500 m jusque près du nellement.” Elle lui sera accordée
contre sol, mais il a pu redresser et atter- le 23 octobre 1916 ; il est titulaire
l’Allemagne. rir. J’espère qu’il en crèvera quand de 14 victoires homologuées, alors
même” ; “Pas de messe ce matin. que Guynemer et Nungesser l’ont eu
Nous étions de service à l’heure de dès leur quatrième et deuxième suc-
l’office et en fait de sanctification j’ai cès… La rivalité qui l’oppose à ces
descendu un boche entre Fourchette deux as transparaît nettement dans
et Dreslincourt”. sa correspondance à ses parents où
Fin décembre, 1916 Dorme est il leur écrit son ambition de devenir
alors le troisième as français der- le premier.
V

DR

61
RENÉ DORME

Mais un tel métier n’est pas sans faire en sorte que ses décorations taient sont prisonniers avec une patte
risque. Le 5 décembre 1916, alors reviennent au reliquaire de l’église cassée par mes balles. Voici un tout
qu’il vient de descendre deux avions s’il venait à disparaître. petit bout de leur appareil en atten-
allemands dont un seul lui est homo- Le 15 février 1917, il prend li- dant mieux. (…) Mon prisonnier m’a
logué (son 16e succès), il est victime vraison au Bourget de son nouveau demandé de jeter chez lui un bout de
d’une gelure à l’auriculaire droit et Spad VII n° 314, qu’il baptise Père papier pour prévenir qu’il n’était que
doit être soigné. Le 20 décembre Dorme IV et décore de sa tradition- blessé, mais il peut [censuré] et ses
1916, alors qu’il attaque deux chas- nelle croix de Lorraine verte. Il s’en- parents peuvent bien rester sans nou-
seurs Halberstadt D dans les lignes vole à ses commandes vers son esca- velles. Les parents français souffrent
allemandes, il est blessé par le tir de drille stationnant désormais près de assez à cause d’eux. Je garderai son
l’ennemi et récolte plusieurs éclats son pays natal, à Manoncourt-en- papier comme souvenir.”
de balle dans son bras. Vermois, et reprend ses vols, à un Il a alors la satisfaction d’assister
rythme qui se veut mesuré, comme au retour à l’Escadrille SPA 3 de son
Un repos forcé il l’écrit alors à son ancien mécano ami Guiguet, revenu de convales-
Chrétien : “D’ici la fin de l’hiver je cence. Puis le 31 mars 1917, il est dé-
fin 1916 veux me reposer. Je ne volerai que taché à Buc pour réaliser des essais
Parvenant à rentrer à son ter- les jours de beau temps puis en mars sur son nouvel appareil, le Spad VII
rain, il doit être soigné à l’hôpital j’en mettrai un grand coup”. n° 392 qui est un des premiers dotés
Lariboisière où il garde la chambre d’un moteur de 180 ch surcomprimé
pendant plusieurs semaines, rece- Retour lui donnant une nette supériorité en
vant la visite du journaliste Jean vitesse pure et ascensionnelle sur les
Daçay, ancien du CRP et collabo-
au combat Albatros D III allemands. Revenu
rateur de Jacques Mortane, à qui il Parole tenue : il attaque le 6 mars au front le 6 avril 1917, il va pleine-
parle longuement de ses combats. un avion qui tombe au nord-est de ment tirer profit de sa nouvelle arme
Il apprend le 20 janvier 1917 sa la forêt de Parroy mais ne lui est et, pendant la bataille du chemin
promotion au grade de sous-lieute- pas homologué. Après que les des Dames, son score va repartir en
nant qui le remplit de joie, se disant Cigognes ont migré sur le terrain de flèche : pendant ce mois d’avril il ne
“riche” et à l’avenir assuré. Après Bonnemaison, dans la Marne, en revendique pas moins de 12 succès
être allé fêter ses nouveaux galons à prévision de l’offensive du chemin dont seulement quatre lui seront
la popote des sous-officiers du CRP, des Dames, il obtient sa 17e victoire homologués, suivis de cinq autres
son premier geste, une fois sa solde homologuée le 25 mars 1917 au au début du mois de mai (dont deux
d’officier empochée, est d’aller faire nord-est de Fismes : “Hier matin je homologués, ses 22e et 23e victoires).
un don à l’abbé Marcadet à la petite suis allé faire un tour et, à 11 heures, Il bénéficie alors d’une permis-
église du Bourget : “Ce sera pour j’ai descendu dans nos lignes, à 4 km sion de repos du 15 au 23 mai 1917
les familles des régions occupées du terrain, un superbe AEG biplace au cours de laquelle il reçoit les féli-
que vous avez dans votre paroisse”. qui s’amusait à venir nous photogra- citations du cdt du Peuty, le directeur
Il prend aussi ses dispositions pour phier. Les deux types qui le mon- de l’aéronautique au Grand Quartier
SHD
Promu sous-
lieutenant,
René Dorme
est, après une
convalescence,
de retour au
front en Lorraine
à la fin du mois
de février 1917
sur un Spad VII
(n° 314) qu’il
baptise Père
Dorme IV.

62
ÉCHIN
DAVID M

Le Spad VII n° 314 Père Dorme IV. L’appareil est brièvement utilisé
en février-mars 1917, alors que l’Escadrille SPA 3 stationne en Lorraine.

général, qui s’excuse de ne pouvoir lui René Dorme n’est pas en reste : puis être revenu se poser à 20 h 45.
homologuer huit des avions ennemis il s’envole pour une première pa- Alors que la nuit tombe, le Spad VII
qu’il a revendiqués en à peine plus trouille de 7 h 45 à 9 h 45, au cours n° 392 de René Dorme n’est toujours
d’une semaine à la fin du mois d’avril de laquelle il tire à bout portant 60 pas rentré.
– ce à quoi Dorme aurait répondu : cartouches contre un Albatros C qui La nouvelle de sa disparition ne
“Ça fera toujours huit de moins !” est vu tomber à 8 h 10 entre Berru fera surface dans les journaux que
et Epoye. Ce succès, comme tant plus d’un mois plus tard, le 29 juin,
Disparu sur les lignes d’autres, ne lui sera pas homologué. même si – personne n’est parfait – les
Il repart alors pour une autre ronde censeurs ne voient pas la publicité
ennemies de 10 h 55 à 12 h 50, mais ne ren- qu’imprime le journaliste Jacques
D ès son retour le 24 mai il contre pas d’ennemi. Puis, à 18 h 25, Mortane dans son numéro du 16 juin
revendique un nouvel appareil il décolle en même temps que le 1917 et dans laquelle il annonce un
qui ne lui est pas homologué. Puis Nieuport 17 n° 1105 du s/lt Rabatel futur numéro spécial sur deux grands René Dorme
devant le
vient le 25 mai 1917 lors duquel le pour effectuer une troisième mission as disparus, l’anglais Albert Ball et
Spad VII Père
cne Georges Guynemer se distingue sur les lignes. Ce dernier note dans le Français René Dorme. Plusieurs
Dorme IV
en abattant quatre appareils enne- le journal de marche de l’escadrille hypothèses existent sur les causes de
dont il a pris
mis qui lui seront tous homologués, avoir attaqué près du réservoir un bi- sa disparition, la plus plausible étant livraison le
deux le matin, un à midi et un le soir. plan ennemi qui s’enfuit en piquant, qu’il ait été descendu par le pilote al-

V
15 février 1917.
BDIC
RENÉ DORME

ÉCHIN
DAVID M

Le Spad VII n° 392 à moteur surcomprimé de 180 ch. L’appareil est baptisé Père
Dorme, sans porter de numéro, bien qu’étant le cinquième du nom.
Noter la décoration des “yeux” sur les capotages du moteur.

lemand Heinrich Kroll, de la Jasta 21, marche de l’Escadrille N 3 – 20 se vé- place des as de la chasse française
qui revendique un Spad sur le fort de rifient avec un degré raisonnable de derrière Guynemer, il n’obtiendra
la Pompelle à 20 h 15 (19 h 15, heure certitude dans l’examen des archives cependant jamais la célébrité post-
française), sa cinquième victoire allemandes, et il reste des doutes mortem de ce dernier qui disparaît
homologuée, sans qu’on connaisse pour une vingtaine d’autres où des quatre mois après lui. Ce ne sera que
les détails du combat. équipages allemands sont effective- bien des années plus tard que l’armée
Après sa mort, son abondante ment blessés sans que soient notés de l’Air honorera sa mémoire en bap-
correspondance à ses parents sera le lieu des combats. Malgré tous ses tisant de son nom la base aérienne
mise à disposition par ces derniers succès qui l’ont porté à la deuxième n° 107 de Villacoublay. Q
au journaliste Jacques Mortane
qui les publie en plusieurs épisodes René Dorme,
dans sa revue La Guerre aérienne avec sa canne,
illustrée, peut-être de manière sé- photographié
avec d’autres
lective en le présentant comme un
pilotes dont l’as
combattant acharné menant une
des as Georges
vie austère – or, les mémoires de
Guynemer
l’aviateur André Rossignol, devenu (2e en partant
pilote de course dans les années 1920 de la gauche)
et double vainqueur des 24 heures de l’Escadrille
du Mans, montent que René Dorme N 3.
aimait s’amuser et fréquentait les
repas-spectacles organisés à Paris
par l’excentrique comte Georges
Vitali pour ses amis aviateurs, où
se pressent toutes les plus belles
actrices de la capitale…
En 623 heures de vol sur l’ennemi
et 120 combats, René Dorme a ob-
tenu 23 victoires homologuées et 32
probables notées dans le journal de
DR
DR/COLL. D. MÉCHIN
C’est sur
ce Spad VII
(n° 392), un des
tout premiers
à moteur
surcomprimé
développant
180 ch, que
Dorme remporte
ses dernières
victoires lors
de la bataille
du chemin
des Dames,
dans l’Aisne.

64
HISTOIRE

Le 51st FG en Chine-Birmanie-Inde
Défendre le “Hump”
à tout prix

JACK D. CANARY SPECIAL COLLECTION PHOTO / SAN DIEGO AIR AND SPACE MUSEUM ARCHIVE
L’arrivée du
e détachement de Liangshan en avoir détruit 10 et endommagé P-51 en mai l’avion numéro sept, qui est revendi-

L fut organisé en quatre pa-


trouilles de deux avions,
l’ensemble étant com-
mandé par le capt. Solon
C. Kelley III du 26th FS. Trois des
quatre patrouilles effectuèrent leur
première mission le 30 mai 1944. Ce
deux. Puis, non loin de là, les pilotes
de “Mustang” repérèrent un petit
aérodrome avec une piste en herbe
où stationnaient ce qui semblait
être des chasseurs Ki-27 “Nate”, au
nombre de neuf – une ligne de trois
et une autre de six. Les “Mustang”
1944 permit au
51st FG d’avoir
le nec plus ultra
des chasseurs,
parfait pour
affronter
la chasse
qué probablement détruit. Quand le
capt. Kelley a atteint l’extrémité de
l’aérodrome, il a vu deux (Ki-27) à
environ 30 m d’altitude en l’air, qui
apparemment venaient de décoller.”
Quand Kelley ouvrit le feu sur
le chasseur ennemi le plus proche,
jour-là, Kelley vola de Sian jusqu’à attaquèrent l’un derrière l’autre, japonaise et une seule de ses mitrailleuses fonc-
Pékin avec le 2nd lt Lee W. Dawson Kelley en tête. mener des tionna. Cependant, cette unique mi-
du 16th FS comme ailier. Puis la Selon le rapport de mission fait missions trailleuse se révéla suffisante quand
paire de P-51 vira vers le sud et se au 26th FS, “le premier avion a pris d’attaque son tir frappa de plein fouet la zone
mit en chasse de cibles le long de la feu. Nombreux impacts observés au sol. Ici du cockpit du Ki-27 qui s’écrasa. Puis
voie ferrée. Non loin de Pékin, ils sous le (quatrième avion), du mo- des P-51B du deux autres Ki-27 apparurent et se
tombèrent sur une concentration de teur jusqu’à la queue, avec des mor- 16th FS équipés positionnèrent pour une attaque sur
locomotives qu’ils ne se privèrent ceaux s’en détachant et cet appareil de roquette. les “Mustang”. Kelley effectua aus-
pas de mitrailler, et revendiquèrent est revendiqué détruit. Impacts sur sitôt une violente manœuvre évasive
V

66
Quatrième partie et fin.
Les P-51 “Mustang” tout juste arrivés se
joignirent aux missions du 51st Fighter
Group : attaquer le trafic ferroviaire, les ponts
et les gares de triage de la voie ferrée reliant
Pékin à Hankow, au nord du fleuve Jaune.
Par Carl Molesworth. Traduit de l’anglais par Xavier Méal.

JACK D. CANARY SPECIAL COLLECTION PHOTO / SAN DIEGO AIR AND SPACE MUSEUM ARCHIVE
Toujours
présent !
Le P-40N,
dernière version
du célèbre
chasseur qui
s’illustrait au
sein du 51st FG
depuis 1942.

67
LE 51ST FIGHTER GROUP

mais perdit du même coup Dawson


dans la brume et rentra à Liangshan
seul. Plus tard, on apprit que le P-51
de Dawson avait été touché au cir-
cuit de refroidissement, vraisem-
blablement par des tirs venus du sol
alors qu’il attaquait l’aérodrome, et
qu’il s’était posé sur le ventre dans
une prairie près du fleuve Jaune ;
Dawson avait été capturé par des
troupes de cavalerie japonaise et
passa le reste de la guerre dans un
camp de prisonniers.
Le détachement de Liangshan Installation
perdit un autre P-51 le 12 juin quand de lance-
l’avion du 1st lt Joseph P. Baglio du roquettes FFAR.
26th FS fut lui aussi touché au cir- Elles n’étaient
cuit de refroidissement ; Baglio pas très précises
sauta en parachute à environ 25 km mais leur tir
de la ville de Taiyuan tenue par les impressionnait
Japonais. Heureusement pour lui, les troupes
Baglio fut récupéré par des troupes au sol.
de la guérilla communiste chinoise
USAF

qui l’aidèrent à s’échapper et à ren- réduction du nombre de cibles sur ennemis. Ils reçurent un message
trer à Kunming qu’il atteignit trois la voie de chemin de fer. Ce ne fut de félicitations du gén. Chennault.
mois plus tard. Six jours après que donc pas une surprise quand ar-
Baglio eut été abattu, le 1st lt George riva de Kunming le 25 juin l’ordre Sur le front
R. Meacham du 16th FS patrouillait de dissoudre le détachement et de
la voie de chemin de fer quand il renvoyer les pilotes dans leurs uni-
du fleuve Salween
aperçut un Ki-27 volant seul près de tés. Selon William F. X. Band du Tandis que les nouveaux P-51
Huschang. Meacham fit deux passes 16th FS, un des pilotes du détache- étaient engagés dans des missions
sur le “Nate” et le mit en feu avant ment, en moins d’un mois les pilotes d’interdiction sur les voies ferrées
de le regarder plonger vers le sol en de “Mustang” avaient détruit ou dans le Nord de la Chine, le 25th FS
une lente spirale – ce fut son unique endommagé plus de 60 locomo- reçut une nouvelle mission sur le
victoire confirmée de la guerre. tives, mitraillé des concentrations front du fleuve Salween pour ses
À la mi-juin, le détachement de troupes, des camions et autres P-40 basés à Yunnanyi. Depuis
de Liangshan remarqua une nette véhicules, et abattu deux avions 1942, les Alliés espéraient pouvoir
Les mécanos
adaptèrent
une tige en fer
sur les bombes
pour éviter
qu’elles
ne ricochent.

USAF USAF

68
Un P-51B du
16th FS. Ils
apportèrent une
aide considérable
aux troupes
chinoises lors
de la grande
offensive
de mai 1944.
JACK D. CANARY SPECIAL COLLECTION PHOTO / SAN DIEGO AIR AND SPACE MUSEUM ARCHIVE

construire une route à travers le Nord l’ouest, afin de prendre les Japonais À Kunming et à Yunnanyi, les
de la Birmanie pour relier l’Inde à en tenaille. Mais Chiang Kai-shek mécaniciens spécialistes de l’arme-
la Chine, afin d’alléger la charge du refusa dans un premier temps de ment avaient préparé de nouvelles
pont aérien sur le “Hump”. Mais mettre la Force Y Force en action, armes destinées à donner “plus d’ef-
pour pouvoir construire cette route, préférant préserver ses troupes pour ficacité” aux opérations air-sol. Une
il leur fallait d’abord expulser les des campagnes ultérieures en Chine. de leurs innovations était un système
Japonais de la région. Cet effort Les Alliés réussirent néanmoins à le anti-ricochet constitué d’une tige en
débuta en novembre 1943, quand convaincre d’agir, et 40 000 soldats fer vissée dans la cavité du nez de la Les troupes
les troupes de la Force X entraînées de la Force Y commencèrent à tra- bombe. Une autre permettait d’ac- chinoises de
par les Américains firent mouve- verser le fleuve Salween les 10 et crocher trois bombes incendiaires la Force X
entraînées par
ment vers l’est depuis leurs bases de 11 mai 1944, avec pour objectif initial de 50 kg sur un point d’emport sous
les Américains
l’Assam. Le plan prévoyait que la de prendre Tengchung et Lungling. l’aile, à l’aide d’une sangle en câble.
en Inde
Force Y chinoise sur le front du fleuve Le 51st FG reçut pour mission l’ap- Ils eurent moins de succès avec un
arrivent en
Salween pousse simultanément vers pui-sol de ces troupes chinoises. dispositif de mise à feu installé sur
V
Chine en C-54.

69
LE 51ST FIGHTER GROUP

le 26th FS rapporta des problèmes groupe de soldats japonais sur une


avec les tubes dont la fixation lâchait route et les mitraillèrent – les pilotes
en vol. Sur un P-40, l’attache avant estimèrent avoir tué 15 hommes.
des tubes sous l’aile gauche se brisa Puis ils mitraillèrent deux convois de
et l’ensemble pivota vers le bas, ce qui camions et deux bâtiments. Un nou-
endommagea le bord fuite de l’aile veau détachement de pilotes du 16th
avant que le pilote ne pût utiliser le FS à Yunnanyi prit également part
système de largage d’urgence. Les à l’action le 10 mai, en effectuant
mécaniciens dé- deux
d missions
Le col. Louis terminèrent que contre
c des ponts,
R. Hughes Jr, la sangle de fi xa- une
u mission mati-
commandant du tion avant glissait nale
n de reconnais-
51st FG vers l’arrière ; ils sance
s sur le front
du 27 mai 1944 résolurent le pro- et
e deux décollages
au 14 février blème en ajoutant sur
s alertes – deux
1945. un écrou derrière fausses
f alertes en
la sangle, la tête défi
d nitive.
faisant office de Une nouvelle
butée. ttactique, conçue
L e 25th FS ppour améliorer les
Le pont de effectua sa pre- ccommunications
Hsenwi sur le mière mission de eentre les troupes
fleuve Salween, soutien à l’offen- aau sol et les pi-
objectif des P-40 sive sur le fleuve llotes de P-40, fut
du 25th FS le Salween le 10 mai mmise en place le
10 mai 1944. avec quatre P-40 112 mai quand des
DR USAF
qui bombardèrent ssoldats chinois
un réservoir externe ventral rempli le pont de Hsenwi, en Birmanie. La disposèrent au sol de grands pan-
d’essence, dans l’espoir de créer une seconde bombe larguée frappa le neaux blancs indiquant dans quelle
grosse bombe incendiaire. pont de plein fouet et il s’effondra direction se trouvait la cible, juste
Les escadrons reçurent de nou- Tengchung, dans son extrémité ouest. Deux P-40 à l’ouest de leur position. Ces pan-
veaux tubes lance-roquettes pour les sur le fleuve armés de roquettes attaquèrent un neaux aidèrent les pilotes de quatre
nouvelles Forward Firing Aircraft Salween, second pont mais aucun de leurs 12 P-40 à identifier une ville tenue par
Rocket (FFAR) de 5 pouces (12,7 cm) fut l’enjeu projectiles ne fit mouche. Le 1st lt l’ennemi, qu’ils bombardèrent et
de diamètre. Les lanceurs étaient d’une lutte Louis W. Bishop perdit contact avec mitraillèrent, causant des incendies
constitués d’un trio de ces tubes liés féroce contre son leader en repartant et n’arriva et de gros dégâts. Après ce premier
les Japonais.
ensemble et accrochés sous les points jamais à Yunnanyi. Il fut porté essai, l’utilisation des panneaux di-
Le 51st FG
d’emport des ailes des P-40. Les Missing in action (disparu au com- rectionnels se généralisa sur le front
fut engagé
roquettes se comportèrent de façon bat). Plus tard ce même jour, deux du fleuve Salween.
à maintes
satisfaisante, même si elles n’étaient reprises dans
P-40 du 25th FS patrouillant dans la Les missions se poursuivirent
pas d’une précision redoutable. Mais la région.
région de Tengchung repérèrent un pratiquement tous les jours, et le
USAF
JACK D. CANARY SPECIAL COLLECTION PHOTO / SAN DIEGO AIR AND SPACE MUSEUM ARCHIVE
Jeanne III,
25th FS perdit deux autres P-40 durant tout le mois. Pendant ce mandement du 26th FS en avril, et un des P-51B
avant la fin du mois. La campagne temps, plusieurs gradés cédèrent leur le lt-col. Henry J. Amen prit celui du emblématiques
aérienne commença à porter ses commandement. Le col. Knowles 25th FS en juin, en remplacement du du 26th FS.
fruits : les Chinois firent savoir que fut remplacé en tant que comman- maj. Earl Harrington qui officiait de-
leur capacité à progresser dépendait dant de groupe par le lt-col. Louis puis fort longtemps. Le capt. James
de l’efficacité des attaques aériennes R. Hughes Jr qui insuffla une éner- L. Bledsoe prit le commandement du
pour affaiblir des positions enne- gie nouvelle à la fonction. Depuis 449th FS quand le lt-col. McMillan
mies que leurs troupes au sol étaient son arrivée en Chine en décembre, fut tué à la fin du mois, et plusieurs
incapables de prendre sans subir de Hughes avait déjà effectué plus de semaines après le lt-col. Bob Liles
très lourdes pertes. 25 missions en tant que comman- reçut finalement l’ordre lui indiquant
Avec la mousson arriva en juin dant du détachement de Nanning, qu’il rentrait au pays ; il fut remplacé
une météorologie très orageuse sur le et il allait encore voler fréquemment par le capt. Dexter Baumgartner.
Sud-Ouest de la Chine, ce qui limita durant les mois qui allaient suivre. Le Le mauvais temps gênant les
les opérations aériennes du 51st FG maj. John K. Davis avait pris le com- opérations sur la Birmanie et l’Indo-
V

Ravitaillement en
C-47 des troupes
au sol chinoises
sur le front du
fleuve Salween

SIGNAL CORPS

71
LE 51ST FIGHTER GROUP

Un L-5 de
liaison sur le
fleuve Salween,
une rencontre
fréquente pour
les chasseurs
du 51st FG.

USAF DR NATIONAL ARCHIVES

chine, les trois escadrons de chasseurs Sur le front du fleuve Salween, Ashmore du 26th FS) volèrent en
déployèrent des pilotes à Kweilin, après plusieurs avancées suivies couverture de C-47 larguant des
Liuchow et Tanchuk pour renforcer de retraits durant la mousson, la parachutistes sur Tengchung. Ils
le 23rd FG sous pression sur le front Force Y chinoise prit Tengchung le reçurent une information selon la-
oriental. Ces pilotes eurent fort à 14 septembre et se prépara à pous- quelle 10 chasseurs ennemis escor-
faire en juillet, et accumulèrent cinq ser vers Lungling et Mangshih. Les taient deux bombardiers dans cette
victoires, six probables et neuf avions 25th FS et 449th FS avaient effectué zone, et bientôt aperçurent deux
ennemis endommagés en combat pas moins de 169 missions durant le bombardiers Ki-48 “Lily” sous une
aérien, pour la perte de trois P-40 mois d’août, en soutien à l’offensive, couche de nuages juste au sud de
– mais d’aucun pilote. Les escadrons et il fut porté à leur crédit la brèche Tengchung. Le lt-col. Henry Amen
continuèrent à faire des rotations de ouverte dans le mur de protection de Opérations de mena la première passe et abattit
bombardement
pilotes sur ces déploiements durant la ville de Tengchung qui permit aux un “Lily”, tandis que le 1st lt Robert
contre
tout le mois de septembre, quand la Chinois de la prendre. Bell plaça une bonne rafale dans le
les positions
progression de l’offensive Ichi-Go Une mission typique eut lieu moteur gauche de l’autre “Lily”, y
japonaises
submergea Kweilin et menaça le reste le 10 septembre, quand trois P-40 déclenchant un gros incendie. Puis il
autour de
des bases orientales. et un P-51 (piloté par le capt. Ben Tengchung.
toucha le moteur droit. Ashmore tira
Des P-38
du 449th FS.
L’unité fut
engagée contre
les Japonais
en Indochine
au début de
l’année 1945.

aussi sur le “Lily”, qui fit “un magni- avec Bell dans son aile. Les deux Les missions sur le front du Une des
fique plongeon dans le flanc d’une pilotes tirèrent sur le Japonais. Le fleuve Salween se poursuivirent positions
colline” selon le rapport de mission. 1st lt Raymond Kaiser tira sur un tout au long de janvier 1945, et les japonaises qui
Bell monta, puis plongea sur “Oscar” qui était collé à la queue Chinois s’emparèrent de Wanting, tenaient le
quatre “Oscar” du 64e Sentai et en d’Amen et le fit fuir ; puis il monta ce qui leur permit d’établir une voie front le long
toucha deux. Il rompit l’engagement à 10 000 pieds (3 050 m) et piqua sur ininterrompue de l’Inde jusqu’à la du fleuve
puis fit une passe frontale sur trois trois “Oscar”. Il toucha le Ki-43 le Chine, qui allait bientôt être connue Salween. Au
autres “Oscar”. Il ajustait sa visée plus en arrière et le vit piquer avant sous le nom de Ledo Road (la route début de 1945,
sur un Ki-43 quand il en aperçut un de percuter le sol. L’armée chinoise Ledo). À Nanning, le détachement les Chinois
autre qui semblait vouloir le percu- retrouva un “Oscar” qui n’avait pas du 26th FS effectua plusieurs mis- réussirent
ter. Bell fit un tonneau pour l’éviter, été revendiqué par les pilotes. Les sions réussies début septembre à s’emparer
et se trouva alors face à un autre “Lily” n’étaient pas camouflés et contre des convois de bateaux sur le de la région,
ce qui permit
“Oscar” sur lequel il tira aussitôt, portaient pour seule marque l’Hino- delta du fleuve Rouge, en Indochine,
de mettre en
et une grosse boule de feu jaillit de maru – disque rouge sur fond blanc. mais fut contraint de cesser ces opé-
place une route
l’aile du Japonais. Amen aperçut un Selon le rapport, les “Oscar” étaient rations temporairement quand sa
entre l’Inde
“Oscar” plus bas et piqua dessus, vert marbré et noir. base fut inondée. Les vols reprirent V et la Chine.
USAF

USAF

73
LE 51ST FIGHTER GROUP

Une des missions


des pilotes
du 51st FG :
harceler le trafic
ferroviaire
japonais.
Ici un P-51
attaque un
convoi non loin
du fleuve Jaune.

USAF
USAF
Mitraillage
d’un aérodrome
japonais dans
la région
du Shandong,
non loin
de Tsingtao. WILLIAM NORBERG

À cette époque
les chasseurs ensuite brièvement, mais la base dut
américains être abandonnée le 19 novembre
partaient loin au car les troupes japonaises n’étaient
cœur de la Chine. plus très loin – elle fut réoccupée
l’été suivant. Depuis Kunming et
Chengkung, de nombreuses mis-
sions furent lancées contre les avan-
cées de l’offensive Ichi-Go dans la
province de Kwangsi, jusqu’à la fin
de l’année.

Suchow, Nanking et
JAMES ROBBINS
Les mécaniciens Tsingtao prises pour cibles
du 25th FS Au début de 1945, le P-51 “Mus-
à l’œuvre tang” avait quasiment remplacé le
sur un P-51B
fidèle P-40 au sein des 16th, 25th
à Yunnanyi.
et 26th FS, tandis que le P-38J
“Lightning” équipait le 449th FS.
Les opérations se poursuivirent
sur l’Indochine, en particulier des
frappes réussies le 5 janvier contre
l’aérodrome de la baie de Samah,
sur l’île d’Hainan, par les 26th FS
et 449th FS, dont les pilotes reven-
diquèrent 11 victoires en combat
aérien, une probable et huit endom-
magés. Deux pilotes du 449th FS, le
1st lt Keith Mahon et le capt. Ralph
Wire, engrangèrent chacun leur cin-
quième victoire en combat aérien, ce
qui fit de chacun d’eux un as.
Les trois escadrons de “Mustang”
envoyèrent des détachements à
Laohokow, dans le coin le plus au
Nord-Est du territoire sous contrôle
chinois, de janvier à mars, pour
voler avec le Chinese-American
Composite Wing (CACW). Parmi
leurs cibles figuraient non seulement
des installations ennemies dans la
région de Hankow et le trafic flu-
Des P-51B
vial sur le fleuve Yangtze, mais en- nèrent à cœur joie et multiplièrent avec sept appareils détruits et deux du 26th FS près
core plus loin les villes de Suchow, les passes de mitraillage ; une fois endommagés. de Kunming
Nanking et Tsingtao. Le raid le leurs revendications étudiées après À partir d’avril, le rythme des à l’été 1944.
plus réussi eut lieu le 10 février : 19 le retour de mission, ils furent crédi- opérations du 51st FG diminua Le n° 264,
P-51 des 16th FS, 26th FS et CACW tés de 48 avions détruits au sol, cinq considérablement du fait du mau- matricule
tombèrent sur trois aérodromes à probables et 46 endommagés. Le vais temps et d’une pénurie de car- 42-106957,
Tsingtao et Shantung. Ne rencon- 16th FS obtint 16 victoires et le 26th burant. Les choses s’améliorèrent était assigné
trant aucune opposition dans les airs, FS 10. Le meilleur du groupe fut le quelque peu en juillet 1945, mais la au capt. Von
les pilotes de “Mustang” s’en don- 1st lt Walter W. Wyatt du 16th FS situation au sol avait alors considé- Weller.

V
Le second
P-51, n° 283,
matricule
43-7111, Linda,
était celui
du lt Oliver
Strawbridge.

Hughes (debout),
commandant
du 51st FG,
avec H. Wallace.
DR

75
LE 51ST FIGHTER GROUP

rablement changé. Les combats sur


le front du fleuve Salween étaient
terminés, et les Japonais se retiraient
des territoires du Sud de la Chine
qu’ils avaient capturés durant l’of-
fensive Ichi-Go. Les “Mustang” et
“Lightning” du 51st FG pilonnèrent
les troupes ennemies qui battaient
retraite et continuèrent à se risquer
au-dessus de l’Indochine au niveau
de l’île d’Hainan, en quête de cibles
d’opportunité.

Dernier combat aérien


contre l’ennemi
La dernière rencontre avec un
avion ennemi eut lieu le 11 juil-
let 1945, quand le capt. William
J. Posvic mena une patrouille de
trois “Mustang”, dont un F-6K de
reconnaissance photographique,
au-dessus de Nanning qui venait
d’être reprise, pour une reconnais-
sance des aérodromes de Vinh, en
Indochine. Le 2nd lt Robert Baker,
qui pilotait le F-6K, fit son passage
photo sur Vinh à 1 000 pieds (300 m),
les autres “Mustang” restant en cou-
verture haute à 3 000 pieds. Quatre
“Oscar” attaquèrent le F-6K en tom- la queue de Posvic et ouvrit le feu. attaquer celui qui s’en prenait à son
bant du soleil depuis 5 000 pieds. Le Le “Mustang” fut salement endom- équipier. Voici ce qu’il relata dans
“Mustang” de Baker fut touché, mais magé ; une grande partie de la ver- son rapport de combat :
il réussit à se débarrasser des “Oscar” rière partit en éclats et plusieurs im- “L’“Oscar” n° 2 était collé à la
et à rentrer à la base ventre à terre. pacts trouèrent le fuselage, la queue, À la fin de la queue de l’avion du capt. Posvic et
Le capt. Posvic et son ailier, le les mitrailleuses et les boîtes de mu- guerre, l’une lui portait des coups. Je me suis mis
flight officer Thomas W. Weaver, nitions de l’aile droite. Par chance, des missions derrière lui, ouvrant le feu à 30 m de
piquèrent sur les “Oscar” au mo- Posvic ne fut pas blessé et plongea essentielles distance. J’ai vu mes traçantes aller
ment où ces derniers effectuaient jusqu’à se retrouver au ras du sol. du 51st FG dans son cockpit et sur son nez. Le
leur ressource. Posvic se mit der- Pour Weaver, cette rencontre débuta consistait à capt. Posvic a viré à droite ; l’“Oscar”
escorter les F-6,
rière l’“Oscar” de tête et tira deux par une passe en montée sur le qua- a viré légèrement à gauche. J’ai conti-
des P-51 de
rafales à courte distance, pour trième “Oscar” ; il obtint quelques nué à tirer et j’ai vu de la fumée sortir
reconnaissance
lesquelles il obtint des impacts – il impacts – il revendiqua un avion en- de son moteur. Je pense que le pilote a
équipés de
revendiqua un avion endommagé. dommagé. Puis il vit Posvic prendre caméras
été tué. À environ 2 700 pieds [820 m]
Puis un autre “Oscar” se colla sur des coups et lâcha son “Oscar” pour (flèche). d’altitude, l’“Oscar” a basculé et a

JACK D. CANARY SPECIAL COLLECTION PHOTO / SAN DIEGO AIR AND SPACE MUSEUM ARCHIVE

76
HORNE
VINCENT D

Le F-6K-NT matricule 44-12222 du lt James D. Guffrey, du 16th FS/51st FG,


basé à Chengkung, en Chine, en mai 1945.

commencé à chuter. Il brûlait et traî- Quatre pilotes


nait de la fumée noire. Je revendique du 26th FS
cet “Oscar” comme détruit.” remportèrent
Weaver rejoignit Posvic et l’es- huit victoires
corta durant tout le chemin du retour lors de l’attaque
jusqu’à Nanning. Posvic confirma la de Nanning
victoire de Weaver et décrivit ainsi le 5 avril 1944.
les “Oscars” : “Ils étaient tous recou- De gauche
verts d’un camouflage, et au moins un à droite :
portait un réservoir externe ventral le 1st lt Allen
durant toute la rencontre.” Il pensait Putnam,
que les pilotes des “Oscar” man- le 1st lt L. O.
quaient de compétences au combat. “Lyn” Marshall,
À la plus grande surprise des le 2nd lt Lloyd
hommes du 51st FG, les bombarde- Mace et le
ments d’Hiroshima et de Nagasaki 1st lt Alexander
mirent fin à la guerre de façon Duncan.
abrupte le mois suivant, le Japon se
rendant sans conditions le 14 août
LYNDON O. MARSHALL

1945. Le 51st FG continua à effec- Fin des aventures


tuer des patrouilles au-dessus des en Asie pour
territoires tenus par les Japonais le 51st FG.
Personnel
pendant quelques semaines puis
et matériels
mit fin à ses opérations. Le groupe
embarquent sur
fit mouvement jusqu’à Calcutta, en
le Marine Raven
Inde, pour préparer son retour aux à Calcutta en
États-Unis, et embarqua sur le cargo novembre 1945
Marine Raven le 11 novembre pour pour arriver
une longue traversée. Le bateau aux États-Unis
arriva à Tacoma, dans l’État de en décembre.
Washington, le 11 décembre, et le
51st FG fut désactivé le jour suivant.
Ce ne fut pas pour autant la fin
du 51st Fighter Group. Il fut en effet
réactivé à Okinawa en octobre 1946
et entra de nouveau en action quand
la guerre éclata sur la péninsule co-
réenne en 1950. Mais ceci est une
autre histoire. Q
DR

77
CE JOUR-LÀ… 27 septembre 1956

Premier vol à Mach 3


Un record et un drame
Mel Apt fut le premier pilote à atteindre Mach 3.
Ce fut aussi le premier à se tuer à cette vitesse.
Par Alexis Rocher

out avait commencé Le Bell X-2 fut

T
longtemps
dans la foulée du Bell
handicapé par
X-1, premier avion et
un moteur-fusée
premier pilote superso-
difficile à mettre
nique – Chuck Yeager le
au point. Il fallut
14 octobre 1947. Il n’avait pas atteint attendre 3 ans
Mach 1 que déjà l’USAF deman- avant d’attaquer
dait un appareil capable de pous- les records.
ser jusqu’à Mach 3. Pour répondre
à cette ambition, Bell adopta l’aile
en flèche sur une cellule adaptée au
vol à grande vitesse. Deux démons-
trateurs grande vitesse du X-2 (Bell
Type 52) furent commandés fin 1945.
Comme pour son prédécesseur, le
X-2 devait être propulsé par un mo-
teur-fusée – ici un Curtiss-Wright
NASA
XLR25 fonctionnant avec un mé-
lange d’alcool d’éthanol et d’oxy- 1956. Il fallut attendre le mois de à nouveau capricieux ! Par contre les
gène liquide. Très ambitieux, le X-2 juillet pour que les premiers records militaires furent quelque peu témé-
ne tarda pas à rencontrer beaucoup tombent (1). Le 23, Everest poussa raires de confier pour la première
de difficultés. Le XLR25 produisait l’appareil à Mach 2,87, effaçant la fois les commandes à Milburn “Mel”
près de 7 t de poussée pendant 175 s. performance de Yeager sur le X-1A. Apt, pilote d’essais patenté, mais qui
Particularité : sa puissance était ré- Le 7 septembre, Le record d’altitude ne connaissait l’appareil qu’après un
glable, alors que les moteurs-fusées du X-1A (27 570 m) fut largement seul et unique passage au simulateur
de l’époque étaient le plus souvent battu avec 38 465 m, cette fois-ci avec à terre.
en mode “tout ou rien”. Il se révéla Kincheloe aux commandes du X-2.
néanmoins être un cauchemar lors Longtemps nanti de la réputation de Tout avait pourtant
de sa mise au point, retardant d’au
moins deux ans les essais.
“reine du hangar”, le X-2 semblait
désormais apte pour les records.
bien commencé…
En attendant, faute d’être un L’USAF voulut semble-t-il dé- Tout commence pourtant très
sprinteur, le X-2 se fit planeur, avec passer Mach 3 avant son transfert bien le 27 septembre. Le moteur-
un premier largage depuis son avion au NACA début octobre. La perfor- fusée fonctionne à merveille, Apt
porteur B-50 en juin 1952. Le 12 mai mance semblait largement possible, dirige sans difficulté le X-2 à haute
1953, probablement à cause d’un si le moteur-fusée ne se montrait pas altitude et contrôle la trajectoire. Le
problème sur le circuit d’oxygène NASA

liquide, le X-2 n° 2 explosa sous le De gauche


B-50, tuant le pilote Jean “Skip” à droite :
Ziegler et un observateur. Milburn “Mel”
Apt, le colonel
Pendant ce temps, la course aux
Horace Hanes,
grandes vitesses se poursuivait : le
directeur des
Douglas D558-2 “Skyrocket” avait
essais en vol de
dépassé Mach 2 le 20 novembre l’Air Force Flight
1953 et Chuck Yeager avait atteint Teste Center
Mach 2,44 le 12 décembre sur Bell d’Edwards, et
X-1A. Iven Kincheloe.
Les vols du X-2 reprirent à partir
de mars 1955, toujours sur un rythme
bien lent. Iven Kincheloe trouvait
l’avion difficile, particulièrement ins-
table à l’atterrissage. Enfin, le 18 no-
vembre 1955, le moteur-fusée daigna
fonctionner correctement en vol. Le
X-2 devint supersonique le 25 avril
78
XOXOXOXOXOOXOX
Le Bell X-2 sous son avion
porteur B-50. Il pouvait ainsi
gagner de l’altitude avant
d’enclencher son moteur-fusée.
NASA

X-2 dépasse Mach 3 ! C’est même connu sur les chasseurs superso-
p Au sein du NACA, la
Mach 3,19 qui est enregistré. Une niques : le couplage fin du
d X-2 provoqua une
première mondiale. À Edwards, inertiel. Le change- grande déception puisque
gran
l’euphorie est de courte durée. Alors Le rapport ment de trajectoire, l’avion n’avait pas pu se li-
l’avi
qu’il entame le retour vers sa base en d’accident. dû au lacet fait que vrer à une exploration plus
vre
tirant le manche vers la droite, Apt l’aile à l’extérieur du scientifique du domaine de
scie
perd le contrôle du X-2. L’appareil virage accélère, et vol que celle menée par les
vo
part en vrille. Il est en fait victime porte plus que l’autre,, militaires, où la course à
mi
d’un phénomène dangereux, bien qui, masqué par lee la performance primait.
Les débris fuselage, porte moins. s. Il fallut attendre le X-15
du X-2 après L’avion est très rapide- e- pour retourner à Mach 3
p
(1) Les records n’étaient pas enregistrés le vol
par la Fédération aéronautique ment déséquilibré (2). een mai 1960. Dans la li-
funeste du
internationale car l’avion ne Apt tente de s’éjecter
er ggnée des champions des
décollait pas par ses propres moyens, 27 septembre.
mais il est trop tard, il ne vitesses, malgré sa perfor-
grandes vite
contrairement au MiG-21 (lire page 14). L’avion avait
peut quitter la cabine éjectable, qu’il mance, le X-2 tient toujours une
(2) Le principal remède consistait à effectué
augmenter la stabilité en lacet avec des seulement
a pourtant actionnée, et s’écrase. place moins glorieuse que le X-1
plans verticaux de grandes dimensions. 20 vols.
C’était le 20e vol du X-2. ou le X-15. Q

NASA

79
MAQUETTES Par Hangar 47

Un Stearman de chez Airspray au Nouveau-Brunswick, au Canada, à la fin des années 1960. La compagnie de lutte
contre les incendies fêtera ses 50 ans l’année prochaine. Ça s’arrose.

Stearman PT 17 “Kaydet” Deux portes latérales et une grande arrière donnent accès à cette
cabine. La tête de rotor et l’ensemble des équipements extérieurs
Revell, 1/48 bénéficient d’une bonne représentation grâce à un moulage précis
des petites pièces. Les nombreuses surfaces vitrées affichent une
Revell nous bonne qualité optique. Côté décorations, Revell propose deux options :
propose ici une livrée clas-
une maquettee sique, vert olive
bien détaillée et réa- uni et un camou-u-
liste du célèbre biplan.. flage trois tons,
On remarque d’abord vert, jaune
les surfaces entoi- sable et beige
lées sobrement figu- beaucoup plus
rées, d’une manière original et
très bien adaptée à relativement
l’échelle. L’intérieur du fuselage s’avère bien aménagé avec toute sa facile à réa-
structure tubulaire complétée de cadres et lisses moulés sur les flancs. u.
liser au pinceau.
Les harnais sont moulés sur les sièges, les tableaux de bord reçoivent
des décalcomanies reproduisant les instruments de bord. Notre appréciation : maquette de qualité et échelle
Le joli moteur se fixe sur un bâti doté des principaux accessoires, et bien adaptée aux hélicoptères ; l’ensemble est tentant
Revell propose en option l’hélice métallique ou l’hélice bois. Les jambes et le camouflage original.
de train et mâts de cabane sont moulés directement avec les demi-
fuselages pour faciliter et renforcer le montage. Remarquons enfin
la belle gravure des bandes de roulement des pneus. Sur la notice “Vautour” II N “Cyrano Radar”
en couleurs, Revell décrit ensuite clairement l’installation des haubans. Special Hobby, 1/72
Les décalcomanies concernent deux machines très colorées : un avion
jaune à bandes rouges et un avion bleu et jaune. Doté pour
ur
les opé-
Notre appréciation : très belle maquette pour une machine rations
célèbre aux couleurs tentantes. “tout temps” d’unn
radar de nez, le
“Vautour” II N se
UH-72A Lakota distinguait surtoutt
Revell, 1/32 par son cône
de nez pointu
Les maquettes d’hélicoptères au 1/32 ne sont pas si et des modifi-
courantes ; celle-ci affiche de belles qualités et ses 200 pièces cations de la
la classent d’entrée comme bien détaillée. Signalons d’abord voilure et de la
une gravure fine qui inclut la représentation en relief des rivets profondeur. La maquette en plastique injecté est complétée de pièces
du fuselage, bien visibles en effet à cette échelle. La cabine est bien en résine ou métal photodécoupé et d’instruments imprimés sur un
aménagée, avec huit sièges passagers, des décalcomanies pour figurer film acétate. L’habitacle biplace est bien aménagé, avec des harnais
les écrans et instruments, et des harnais moulés sur les sièges. complets. Les logements de train sont bien figurés. Les entrées d’air
80
sont bien reproduites, les sorties de tuyères semblent manquer au succès mondial dans sa version la plus imposante, le 300 “Extended
de profondeur. Il faut prévoir une découpe soigneuse pour installer Range”. L’avion est grand, sa maquette mesure 50 cm de long pour
le nez de “Cyrano” en résine et la verrière double est moulée d’un 45 d’envergure. On remarque d’abord la fine gravure, bien adaptée
seul bloc. La boîte contient deux gros réservoirs supplémentaires à l’échelle. L’intérieur est vide (entre 450 et 500 sièges à fabriquer
et deux carénages photos à placer sous les nacelles moteurs. Les pour les amateurs…), ce qui est classique pour ce type de produit,
surfaces sont gravées avec finesse et précision. Les décalcomanies mais Revell fournit tous les hublots sous forme de barrettes faciles
incluent de nombreux marquages de servitudes. Elles concernent à installer. Les réacteurs sont très convenablement reproduits.
un avion français gris argenté avec des éclairs rouges et de larges Le train d’atterrissage est si finement représenté qu’il risque d’être
zones orange “fluo”, un second bleu blanc rouge du centre d’essais assez fragile ; ses logements sont cloisonnés. L’intrados de voilure
en vol basé à Brétigny, un avion israélien gris argent uni et, enfin, moulé d’une pièce facilitera l’assemblage. Pour fêter le centenaire
le “Fantômas” n° 70 camouflé trois tons sable, vert et brun. du constructeur de Seattle, la décoration proposée sur une grande
feuille de décalcomanies est celle du démonstrateur Boeing, à base
Notre appréciation : maquette de type série limitée de de blanc et bleu pour le fuselage, gris clair pour les ailes. Pour la
grande qualité, sujet original et élégant (nez à part…), couleur blanche, les spécialistes utilisent les bombes destinées aux
décorations intéressantes ; très tentant ce “Vautour” ! retouches sur les réfrigérateurs. Pour peindre le dessous du fuselage
en bleu, Revell fournit des patrons utilisables pour découper
des marques courant sur toute la longueur de l’avion. Sinon on peut
F4U-4 “Corsair” attendre la sortie de planches de décalcomanies, ce qui ne saurait
Revell, 1/72 tarder. N’oublions pas, par exemple, qu’Air France fut “compagnie
de lancement” du 777-300.
La pano-
plie des Notre appréciation : belle maquette pour une belle machine
maquettess civile, choix de couleurs immense même si la boîte ne propose
Revell comporte un qu’une livrée unique.
grand nombre de
modèles récents
associant une belle Military Aircraft Set
gravure des sur- Revell
faces et un niveau
de détail élevé. Ce Vous connaissez déjà les petits pots de
“Corsair” respecte peinture acrylique (dilution à l’eau ou al-
bien les normes cool) fournis dans les “Model Set” Revell ;
actuelles de produc- la marque propose des ensembles de six pots aux
tion. On remarque d’abord la très bonne représentation de son teintes groupées par thème, ici par exemple trois
revêtement et la structure interne des logements de train bien nuances métalliques deux gris et un blanc.
figurée. Le poste de pilotage est réaliste, avec le renfort de
décalcomanies pour représenter les instruments de bord et Notre appréciation : une initiative
consoles latérales ; une verrière en deux éléments peut rester intéressante pour faire baisser le coût
ouverte. Revell propose des volets de refroidissement moteur du matériel utile aux maquettistes.
ouverts ou fermés. Les alvéoles des jantes de roues sont creusées,
un détail rarement reproduit à cette échelle. La bonne conception
des pièces garantit des bords de fuite minces à souhait, un autre
bon point. La boîte contient deux bombes et deux gros réservoirs L’agenda du maquettiste
supplémentaires en option. La décoration proposée est celle d’une
unité de réserve en 1954, bleu nuit avec une bande orange autour Ces annonces gratuites sont réservées aux manifestations propres
au maquettisme. Vous pouvez adresser votre texte (pas plus long)
du fuselage et les “cocardes” de l’après-guerre. par courriel à fanaaviation@editions-lariviere.fr en mentionnant
“agenda maquettes” dans l’objet. Prenez garde de n’oublier ni la date ni le lieu.
Notre appréciation : représentation moderne et de qualité
du célèbre “Corsair”, avec un prix très raisonnable, spécialité
de Revell. Bien ! Saint-Martin-de-Crau (13), 8 et 9 octobre 2016, salon de la maquette,
du modélisme, des arts créatifs, organisé par le RMCC, salle Mistral.
Boeing 777-300 ER Rens. Tél. : 04 42 05 38 05 / 06 18 66 12 56 ou www.rmcc13.net
Dieppe (76), 15 et 16 octobre 2016, 3e édition du salon Maquett’ n’ Caux,
Revell, 1/144 maquettes et miniatures, organisée par le Maquettes Fan Club, gymnase
Robert Vain, le 15 de 14 h 00 à 19 h 00 et le 16 de 10 h 00 à 18 h 00.
Amateurs d’avions de ligne, réjouissez-vous, Revell ne Rens. Tél. : 02 35 50 17 71/06 47 88 77 80 ou mfc76dieppe@gmail.com
vous oublie pas : voici, à une échelle bien adaptée pour Hyères-les-Palmiers (83), 15 et 16 octobre 2016, 25e édition internationale
ce type de machine, le best-seller de chez Boeing, le 777 du salon Eurosud de la maquette et de la figurine, exposition, concours et
bourse d’échange, organisé par l’association Maquettiste varoise, au forum du
casino. Rens. Tél. : 04 94 65 55 04, amv83kits@gmail.com, www.amv83.eu.
Boran-sur-Oise (60), 15 et 16 octobre 2016, exposition de maquettes,
figurines, dioramas, concours, bourse d’échange, organisée par le Stakit Club
à la salle des fêtes. Rens. 06 80 47 91 69 ou christophe-couturier@wanadoo.fr
Cholet (49), 22 et 23 octobre 2016, 12e Exposition internationale de
la maquette, de la figurine et du train, organisée par le Maquettes Club
des Mauges, parc des expositions de la Meilleraie. Le samedi 22 de 11 h 00
à 19 h 00, le dimanche 23 de 9 h 00 à 18 h 00. Rens. Tél. : 02 41 62 92 00
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