Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
L'opinion commune a tendance à considérer le désir comme une manifestation de nos pulsions ; un appétit d'origine
corporelle. C'est ainsi qu'est représenté le désir de manger, ou d'avoir une relation charnelle avec une autre personne, ou
encore le désir de s'accaparer quelque chose. Mais peut on réduire le désir à un appétit, à un besoin de consommation ?
Certes non car, en tant que réalité psychique propre à un sujet vivant sous le regard d’autres sujet, le désir prend une
dimension intersubjective : nos désirs prennent souvent leur valeur en fonction du désir des autres (désir du désir). Il
en va ainsi du désir amoureux, du désir de gloire, de puissance, de richesse, ou de reconnaissance etc.
En outre, alors que le besoin peut être comblé par l’objet qui lui manque, le désir semble viser un objet insaisissable ou
un fantasme inaccessible. Le désir est il voué à la frustration ? Est-il la marque d’un manque irréductible ( l’autre,
l’infini, l’éternité…) qui rendrait impossible la satisfaction pleine et entière de nos désirs, ce que l’on appelle le
bonheur ? Ou au contraire le désir doit il être conçu comme la puissance positive qui nous anime et qui nous pousse à
produire, créer, inventer ? Le désir est-il manque à être ou excès d’être ?
La notion de désir nous conduit à la question du bonheur : faut-il faire un tri entre les bons et les mauvais désirs pour
parvenir au bonheur ? Ou au contraire le bonheur consiste-t-il dans l‘exaltation et le raffinement des désirs ?
A) Désir et besoin :
Le besoin est un manque objectif, nécessaire : ce qu'il nous faut pour nous maintenir en vie, ou pour nous accomplir.
Par exemple nous avons besoin de manger ; mais on peut dire aussi qu'un enfant a besoin d'amour, a besoin d'éducation.
On peut considérer aujourd'hui que certaines éléments de confort (un toit, des sanitaires, l'électricité) sont des besoins,
bien que ce ne soient pas des besoins « naturels » à strictement parler.
Un besoin peut être ressenti à travers un désir : le besoin de s'alimenter est ressenti à travers la faim (= désir).
Mais un besoin n'est pas forcément ressenti comme un désir : les personnes âgées ont parfois besoin de s'hydrater, mais
n'en éprouvent pas le désir.
Réciproquement le désir peut très bien s'opposer au besoin (anorexie = désir de ne pas grossir) ou bien porter au-delà du
besoin (boulimie, goinfrerie, gourmandise).
Le désir est donc subjectif. C'est l'appétit ou l'attirance pour quelque chose que l'on se représente comme source d'une
satisfaction (= plaisir). Même le suicidaire recherche une certaine satisfaction dans la mort ; le masochiste recherche un
plaisir pervers dans la souffrance.
On voit donc que le désir mérite une analyse : comment se comporter ? Qu'est-ce qui nous pousse à désirer ?
II ) Ethique du désir : Comment se comporter vis à vis de nos désir ? Réprimer ou laisser libre cours ?
Donc pour Gorgias, la liberté, le désir et le bonheur sont une seule et même chose.
Deuxième argument : Vivre sans chercher le plaisir, sans chercher à satisfaire tous ses désirs c'est "vivre comme un
pierre", l'homme qui réprime ses désirs "n'éprouve plus ni joie, ni peine", qui voudrait vivre une telle vie? Vouloir se
débarrasser de ses désirs, c'est abandonner ce qui fait de nous des Hommes : notre affectivité, nos sentiments.
Présupposé : l'Homme n'est pas une pure raison, il se caractérise par son affectivité.
Transition : peut on se contenter de la tempérance, qui est un ascétisme modéré ? Qu'est-ce qui est à l'oeuvre dans le
désir ? De quoi procède t il ?
Transition : nous avons fait reposer le désir sur une négativité de principe : désirer c'est rechercher ce qui nous
manquera toujours. C'est donc une activité vaine, absurde, et source de souffrance. Ne peut on pas considérer le désir
d'une façon plus positive ? Le désir n'est il pas affirmation de soi, et source de valeurs, de progrès et de création ?
Le désir, en tant qu'appétit, est d'abord naturel (cf nature) mais chez l'Homme il crée la culture, il permet d'aller au delà
du naturel. Le désir est culturel : la culture c'est la transformation humaine de la nature, c'est humaniser.
C’est plutôt en se détachant de sa vie instinctive, en s’inventant des désirs au-delà des besoins fixés par la nature que
l’homme s’est civilisé. Kant le constate dans son essai intitulé Conjectures sur les débuts de l’histoire humaine où il se
livre à un libre commentaire de la Génèse : « Une propriété de la raison consiste à pouvoir, avec l’aide de
l’imagination, créer artificiellement des désirs, non seulement sans fondements établis sur un instinct naturel, mais
même en opposition avec lui. » C’est ainsi que l’homme « découvrit en lui un pouvoir de se choisir à lui même sa
propre conduite, et de ne pas être lié comme les autres animaux, à une conduite unique. » De plus, poursuit Kant, la
raison trouva un artifice, la feuille de figuier, « qui conduisit l’homme des excitations purement sensuelles vers les
excitations idéales, et peu à peu du désir animal à l’amour. »
Loin donc que l’humanité de l’homme se situe dans ses besoins primaires, elle consiste dans leur transformation.
Bachelard évoque ainsi l’importance du feu dans la nourriture humaine : « C’est par une sorte de plaisir de luxe,
comme dessert, que le feu prouve son humanité. Il ne se borne pas à cuire, il croustille. Il dore la galette. Il matérialise
la fête des hommes (…). La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du
nécessaire. L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin. » (La psychanalyse du feu, Gallimard, p
34). Ce qui vaut pour le besoin alimentaire vaut plus encore pour le besoin sexuel. Le désir amoureux est
l’humanisation par excellence de la pulsion sexuelle.
Conclusion :
Comment l’homme peut-il être heureux alors qu’il est tendu vers des désirs réputés insatiables ? Telle était la question
au fond. Mais nous nous sommes aperçus que c’est l’idée même d’un désir comme manque à combler qui est
contestable. En effet, si le désir est bien l’essence de l’homme, comme l’affirme Spinoza, ce n’est pas au sens où
l’homme serait un être imparfait en quête d’une perfection inaccessible, mais au sens où le désir est l’affirmation
consciente de notre puissance d’agir. Ainsi le bonheur ne résiderait pas dans la satisfaction totale de nos désirs, mais
dans la joie d’être soi, cad dans l’affirmation de nos désirs. « Qu’est-ce que le bonheur ? Le sentiment que la puissance
croît, qu’une résistance est en train d’être surmontée ». Nietzsche L’antéchrist (texte 2 p 383) Il n’y a là nulle invite à la
débauche, mais au contraire une exigence de raffinement et de culture du désir.