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Le thème du désir, étant lié à l’âme humaine, se caractérise par son amplitude, sa fluctuation.

En fait,
puisque l’humain désire et désire plusieurs choses tout en essayant parfois de ne pas désirer, éprouve
différentes sensations, vit plusieurs états d’âme. Certains de ces états sont appelés désirs tandis que
d’autres portent d’autres désignations. C’est pourquoi il importe de distinguer le désir de certains
aspects proches ou affiliés. Il importe alors de distinguer :

Désir et besoin : Selon l’usage répandu et d’après l’étymologie, le désir est vécu comme un besoin, né du
manque. Ainsi, l’étymon « desiderare » est forgé sur un préfixe privatif, exprimant « ce qui n’est pas », «
absence de… ». C’est pourquoi, on désire ce qui manque pour survivre ou pour continuer à vivre. Il s’agit
alors d’un besoin vital (ne dites pas besoin naturel) inscrit dans la nature des êtres. Etant un besoin, le
désir inspire la douleur et pousse l’individu à répondre impérativement à l’appel de la nature pour
combler ce vide.

Désir et Plaisir : Souvent et surtout dans la langue courante, le désir et le plaisir sont confondus.
Cependant, les deux termes constituent une chaine sur une lignée : le plaisir suit le désir atteint et
satisfait. Il est alors la réponse automatique à ce que fait naitre le désir en nous.

Désir et envie : employés comme de véritables synonymes, le désir et l’envie partagent un même champ
lexical. « Désirer » c’est « avoir une envie ». Mais, l’envie dépasse le désir dans sa violence et dans sa
dimension morale : une envie tracasse et fait souffrir, si le désir nait d’un vide naturel et pousse à
mouvement spontané, l’envie relève d’un désir ardent de posséder ou de regretter ce qui est hors
d’atteinte. L’envie appartient aux péchés capitaux.

Désir et Passion : Entre ces deux termes, certains spécialistes relèvent juste une différence de degrés : un
désir est un besoin vital et spontané, la passion devient un élargissement de ce désir devenant intense et
impliquant la passivité du sujet désirant : jouer est un désir mais la passion du jeu emporte et domine. La
personne contrôle ses désirs et se trouve subjuguée par ses passions.

Désir et Amour : Dans plusieurs langues, le désir et l’amour disent la même réalité sentimentale. Dans les
textes même de Platon (Le Banquet en l’occurrence), le désir et l’amour semblent partagés la même
origine, à savoir le manque : celui qui désire ou aime tend à remplir un vide essentiel en lui. Mieux
encore, le rapport amoureux dépend du désir car un amour sans désir n’est pas amour. Ainsi, on confond
le désir amoureux et le désir sexuel ! car il s’agit toujours de remplir un vide, de tendre vers le sexe
opposé et réaliser la plénitude perdue.
Désir et volonté : « je veux » veut dire aussi « je désire », alors le désir serait à l’origine de nos actes et de
nos mouvements. En effet, le désir est une tension vers un objet ou chose désirée. Il est ce qui nous
pousse à agir et serait notre moteur de vie. Le vouloir c’est ce que je cherche à avoir et à récupérer, c’est
pourquoi le désir semble une tension vers l’avenir, et se nourrit de l’imagination car en voulant c’est ce
que je n’ai pas encore mais il est inscrit dans mon imagination.

Toutes ces considérations tournent autour du noyau du désir et soulève des interrogations morales,
philosophiques et psychologique. L’étendue du terme épouse la nature de l’être humain variable,
complexe et difficile à saisir de manière fixe.

Maitriser ses désirs :

La tradition philosophique dévalorise souvent le désir. Il est rangé du côté du corps, de l’irrationnel. On le
présente comme un obstacle : le désir nuit à l’autonomie et la liberté. Il freine la partie rationnelle de
l’homme, il nous aliène et nous écarte de qui nous sommes vraiment. Cette vision s’intègre dans un
cadre de pensée qui dénigre le corps et la matière. Nous allons nous intéresser à cette vision
dépréciative du désir en l’approchant comme une négativité ou du moins une force dégradante de
l’homme.

Eprouver le désir :

Le désir est assez difficile à cerner : Il est cette espèce de force intérieure qui nous pousse à rechercher le
plaisir : Tant qu’il n’est pas satisfait, le désir provoque un sentiment d’inaccomplissement chez celui qui
l’éprouve. Nous pouvons dire que le désir est un sentiment d’inaccomplissement très intense qui
s’empare de l’homme lorsque celui-ci ressent un manque. Ce manque peut être matériel, sexuel ou
intellectuel. Désirer, c’est faire l’expérience du manque, et donc souffrir.

Cependant, comme Platon l’a exprimé avec le mythe de la naissance de l’Eros, la souffrance liée au désir
a du bon. Elle s’accompagne d’une excitation agréable qui nous pousse à tout mettre en œuvre pour
combler nos désirs et donc nos manques. De plus, un désir accompli entraine une satisfaction, un plaisir.
Le désir a donc un visage ambivalent composé de souffrance et de plaisir.

C’est pourquoi les philosophes jugent le désir tantôt souhaitable, tantôt redoutables. Et ils considèrent
qu’il faut les réprimer si l’on souhaite être le moins malheureux possible. En première partie, les
arguments des philosophes qui se sont levés contre le désir, et qui appellent à le réprimer, seront
présentés. En seconde partie, l’avis des philosophes plus mesurés sur la question et qui se demandent
s’il ne faut pas encourager ses désirs seront étudiés.

La nature ambivalente du désir :

Le désir est manque, Platon :

L’expérience du désir est celle du manque : Nous désirons les choses dans la mesure où elles nous
manquent. Cette conception est ancienne. Elle remonte à l’Antiquité et au mythe de l’Androgyne tel
qu’on le trouve retranscrit dans le Banquet de Platon.

L’origine du désir selon Platon :

Dans le Banquet de Platon, six convives dont Socrate donnent leur conception du désir amoureux, après
avoir bien festoyé. Aristophane, un poète, raconte alors le mythe de l’androgyne pour expliquer
pourquoi l’homme désire.

« A l’origine, l’homme et la femme ne formaient qu’un seul être fusionné, l’androgyne. Mais un jour,
cet être hybride est coupé en deux à cause d’un châtiment divin. Depuis ce jour, chaque homme
recherche sa moitié perdue. L’amour est la rencontre avec son alter ego, son autre moi ».

Platon, le Banquet, 380 av. J-C

Le mythe de l’androgyne correspond à ce que nous appelons aujourd’hui la recherche de l’âme sœur. Le
désir est bien ancré en nous et nous fait instinctivement chercher ce qui nous manque. Dans sa nature
même l’homme est un être de manque. Exister, c’est cette quête incessante de ce qui lui manque, pour
faire taire sa souffrance.
Une conception pessimiste du désir :

A l’origine, le mot « désir » signifie « la nostalgie de l’astre perdu, de l’étoile ». L‘étymologie confirme
donc que le désir a un rapport avec le manque. Le désir fait de nous des êtres souffrants. Il convient de
se référer dans ce sens à Schopenhauer. Selon ce dernier, la vie est une oscillation permanente entre la
souffrance de ce qui nous manque et la nostalgie de ce que nous avons perdu. Dans son œuvre Le
monde comme volonté et comme représentation, Schopenhauer affirme :

« La vie oscille comme un pendule de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ».

Il n’y pas d’alternative possible. A l’instant même ou nous désirons, nous souffrons de façon mécanique.
La satisfaction apporte le plaisir. Mais immédiatement après, l’homme ressent de nouveau le besoin de
désirer, sinon il s’ennuie. L’expérience révèle que quand notre désir est satisfait, nous éprouvons un vif
ennui, et projetons notre désir sur d’autres objets. Schopenhauer développe une conception pessimiste
de l’existence.

Pour Schopenhauer toujours, les moments heureux ne nous apparaissent comme tels que lorsqu’ils ont
disparu. Nous désirons deux choses : Celles que nous n’avons pas et celles que nous avons perdues.
Schopenhauer insiste sur l’aspect négatif du désir. Parce qu’il désire, l’homme est condamné à osciller
entre peine et ennui. Pour sortir de cette douloureuse mécanique du cœur, la solution serait donc
d’éteindre et supprimer le désir par un travail sur soi. Mais supprimer le désir n’est pas souhaitable. Cela
a des conséquences néfastes sur l’individu. On constate par exemple que les personnes qui souffrent de
dépression n’ont plus envie de rien. Elles souffrent d’apathie, l’absence totale de désirs

Il est vrai que le désir est une souffrance lorsqu’il n’est pas satisfait. Néanmoins, tout le monde a fait
l’expérience du désir. C’est un sentiment positif surtout lorsqu’il s’agit de l’amour. Si le désir est source de
souffrance comme le prétend Schopenhauer, pourquoi sommes-nous heureux lorsque nous
l’éprouvons ?

Le mythe de la naissance d’Eros :

Toujours dans le Banquet, Platon fait parler Socrate qui donne une vision très intéressante du désir en
évoquant le mythe d’Eros.
Le pouvoir du désir selon Platon :

Le désir, Eros en grec, est un demi-dieu né de l’union entre Pénia, une mendiante mortelle et un dieu
Poros. Eros possède les caractéristiques de ses deux parents ; Sa mère étant une mendiante, il est «
dans le besoin » mais en même temps, son père étant un dieu, il est plein de ressources pour combler
ses manques et sortir du besoin. Littéralement, le désir est donc caractérisé par un sentiment de
manque cruel et des capacités augmentées, qu’elles soient physiques ou intellectuelles.

En effet, avoir envie de quelque chose fait souffrir. Mais une envie sincère nous fera tout mettre en
œuvre pour la satisfaire, y compris des choses qui nous seraient impossibles en temps ordinaires.

=== » le désir est ce qui active tout notre être pour sortir du manque.

Discipliner ses désirs est la voie royale pour atteindre le bonheur, Epicure :

Epicure ne fait ni la condamnation ni l’éloge du désir. Il le comprend, et médite sur la façon d’en satisfaire
une partie pour être heureux. Pour cela, Dans Lettre à Ménécée, Epicure classifie les désirs de l’homme
en trois catégories. Nous revenons sur cette classification plus tard. L’Epicurisme vise à atteindre une
tranquillité de l’âme constante en supprimant tous les besoins superflus. Seul les besoins essentiels
restent à satisfaire. Et ce n’est pas un problème puisqu’ils le sont facilement. Notre corps atteint alors
aisément la satiété, qu’Epicure nomme « l’aponie ». Et notre âme atteint la tranquillité, nommée «
l’ataraxie ».

Faut-il préserver le désir ?

Tous les philosophes ne rejettent pas en bloc les plaisir non-nécessaires. Certains analysent
l’attachement des hommes à des désirs qu’Epicure qualifierait de non-naturels et non-nécessaires.
Rousseau considère que ces désirs permettent d’enchanter l’existence. Pour Pascal, ces désirs
permettent de nous faire oublier que nous allons vieillir et mourir.

Il faut toujours désirer : Rousseau

Voici d’abord le point de vue de Rousseau, un philosophe des Lumières :


« Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce
qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme
avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de
lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre
en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa
passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du
possesseur; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède,
l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être
habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau
que ce qui n’est pas. »

Extrait de La Nouvelle Héloïse, VIII, 1761

Pour Rousseau, penseur du XVIII siècle, le désir enchante la vie, et à l’inverse, l’existence sans la
puissance du désir devient un fardeau. C’est pourquoi il écrit :

« Malheur à qui n’a plus rien à désirer ».

Contre l’idée qu’il faut obtenir et consommer rapidement ce que nous désirons, Rousseau affirme qu’il
fat entretenir le désir et le faire durer. Pour lui, un désir inassouvi vaut finalement mieux qu’un désir
satisfait. Ainsi, déclare-t-il, « On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère ».

Le désir amoureux :

Dans Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes évoque ce rapport qu’entretiennent désir et
amour à travers la communion à même de créer la troisième personne qu’on appelle « le couple ». En
effet, il existe un lien consubstantiel entre amour et désir : l’expression « je t’aime » signifie-t-elle pas
aussi « je te veux » ? Il s’agit d’un désir fusionnel. Ainsi, dans Le Banquet, œuvre majeure quant au
thème du désir, Platon évoque le récit d’Aristophane sur l’origine de l’amour, à savoir l’androgyne (des
êtres doubles jouissant de complétude et de pouvoir. Zeus décide de les diviser en deux et de plonger
chacune des moitiés dans la recherche éperdue son autre moitié. De cette déchirure sont restés les deux
genres. Ce mythe explique le désir qui pousse l’un vers l’autre. C’est dire qu’un amour sans désir n’est
pas un amour d’autant que les deux sont corollaires. L’amour peut sortir de l’éros pour s’en tenir à la
philia (amitié) ou à l’agapè (la charité : les autres nous sont chers), mais il englobe toujours le désir qui se
manifeste à travers plusieurs préférences : le temps à passer ensemble, les retrouvailles, la conversation,
le sentiment de déjà-vu et vécu. Par ailleurs, la philia désigne non seulement l’amitié mais toute sorte
d’attachement ; une force qui nous pousse l’un vers l’autre, un vouloir vivre ensemble étant donné que
l’homme est un zoon politikon. Celui qui ne désire pas les autres, et ne désire pas être avec les autres, il
est soit une bête soit un dieu. L’amour des autres, l’amitié civique : une volonté de faire corps avec les
autres : un être social. Pour Kant, l’Homme dispose d’une « faculté de désirer » et la volonté n’est qu’une
forme de cette faculté. La notion de « volonté libre » est au centre de la pensée morale kantienne : qui
ne peut être qu’une simple illusion. Car nous ignorons ce qui nous pousse à désirer. Autrement dit, les
désirs s’imposent à nous, à notre insu, mais dépendent aussi de nos mouvements et de nos pensées. Or
par l’intellect, on peut façonner nos désirs. Car l’homme est libre (1) et perfectible (2).

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