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Trinité et acte de foi


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A rendre pour le 10 février 2023
Sujets de <Sébastien Milazzo>

Sujet(s) :

Vous commenterez au choix un seul texte soumis à votre réflexion :

Texte 1

Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia, q. 37, art. 2, sol.

Le Père et le Fils s’aiment-ils par le Saint-Esprit ?

1. Nous avons dit la condition différente des termes concernant l’intelligence, et de ceux concernant la volonté.
Etre sage, ou connaissant sont en Dieu des attributs purement essentiels ; on ne peut donc pas dire que le Père
soit sage ou connaissant par son Fils. Tandis qu’aimer s’emploie non seulement comme terme essentiel, mais
aussi comme terme notionnel : et c’est en ce dernier sens qu’on peut dire que le Père et le Fils “ s’aiment par le
Saint-Esprit ”.

2. Lorsque l’action évoque en sa notion même un effet déterminé, le principe de l’action peut être qualifié par
l’action et par l’effet : on peut dire ainsi que l’arbre est fleuri d’une floraison (précoce), ou fleuri de fleurs (ma-
gnifiques). Mais quand l’action n’évoque pas d’effet déterminé, son principe ne peut pas être qualifié par l’ef-
fet : on le qualifie seulement par l’action. On ne dit pas que l’arbre “ produit la fleur par la fleur ”, mais “ par
production de fleurs ”. Or les verbes spirer, engendrer évoquent purement l’acte notionnel ; on ne peut donc
pas dire que le Père “ spire par le Saint-Esprit ”, ni “ engendre par le Fils ”. Mais nous pouvons dire : “ le Père
dit (lui-même et toutes choses) par son Verbe ”, “ Verbe ” désignant ici la Personne qui procède ; on dira tout
aussi bien qu’“ il dit par une diction ”, diction désignant l’acte notionnel. C’est que dire évoque une Personne
déterminée, puisqu’il signifie : produire le Verbe. Pareillement, aimer au sens notionnel signifie : produire
l’Amour. Voilà pourquoi l’on peut dire que le Père aime le Fils “ par le Saint-Esprit ”.

3. Ce n’est pas seulement son Fils que le Père aime par le Saint-Esprit, mais encore lui-même et nous ; car,
nous l’avons dit, “ aimer ” au sens notionnel n’évoque pas seulement la production d’une personne divine, il
évoque la personne produite par mode d’amour ; et l’amour dit rapport à la chose aimée. C’est pourquoi, de
même que le Père dit, par le Verbe qu’il engendre, lui-même et toute créature, puisque le Verbe engendré par
1
lui suffit à représenter le Père et toute créature ; de même aussi, il aime lui-même et toute créature par le Saint-
Esprit, puisque le Saint-Esprit procède comme amour de cette bonté première en raison de laquelle le Père
s’aime lui-même ainsi que toute créature. On voit aussi par là que se trouve évoqué comme en second, dans le
Verbe et l’Amour procédant, un rapport à la créature, en tant que la vérité et la bonté divine est principe de la
connaissance et de l’amour que Dieu a de toute créature.

Texte 2 :

Tertullien, Contre Praxeas, 1-2

Pour nous, nous croyons aussi en un seul Dieu, mais avec cette disposition spéciale, que nous appelons
l'économie divine, à savoir que le Dieu unique a un fils, son Verbe, qui procède de lui-même, par qui tout a
été fait, sans qui rien n'a été fait. C'est ce fils qui a été envoyé par le Père dans le sein de la Vierge, qui est né
d'elle, à la fois homme et Dieu, fils de l'homme et fils de Dieu, et qui reçut le nom de Jésus- Christ. C'est le
fils qui a souffert, qui est mort, qui a été enseveli selon les Écritures, qui a été ressuscité par le Père, élevé au
ciel, qui siège à la droite du Père, d'où il viendra pour juger les vivants et les morts. C'est lui qui ensuite a
envoyé d'auprès du Père, suivant sa promesse, l'Esprit-Saint, le Paraclet, celui qui sanctifie la foi de tous
ceux qui croient au Père, au Fils, au Saint-Esprit. Cette règle de foi a été en vigueur depuis les débuts de
l'évangile, avant les premiers hérétiques quels qu'ils fussent, et sûrement avant ce Praxéas qui est d'hier.
C'est ce que montreraient aussi bien les hérétiques anciens que la nouveauté même de ce Praxéas d'hier. Car
on a déjà porté un jugement à l'avance sur toutes les hérésies ; ce qui est vrai, c'est ce qui est primitif ; ce qui
est faux, adultère, c'est ce qui est postérieur.

(L'une de ces hérésies) prétend qu'on ne peut affirmer sa croyance en un seul Dieu, qu'en confondant en un
seul et même être le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Comme s'il était impossible qu'un soit tout, parce que,
d'un seul, tout dérive par l'unité de la substance, parce qu'ainsi est sauvegardé le mystère de la dispensation
divine, qui distribue l'unité en trinité, qui distingue les trois, le Père, le Fils et l'Esprit ; trois non par la condi -
tion, mais par le degré, non par la substance, mais par la forme, non par la puissance, mais par l'aspect. Il n'y
a en effet qu'une substance, qu'une condition, qu'une puissance, car il n'y a qu'un seul Dieu se communiquant
dans la diversité de degré, de forme et d'aspect, sous les noms de Père, de Fils et de Saint-Esprit. Comment
peut-il y avoir un nombre, sans qu'il y ait séparation, c'est ce que montrera la suite de ce traité.

Texte 3 :

Emmanuel Durand
2
Dieu Trinité : communion et transformation (Théologies), Paris, Cerf, 2016, p. 10-13

LE MYSTERE TRINITAIRE N’EST PAS COMPLIQUE

Le mystère trinitaire n’est pas d’abord un point compliqué de la foi chrétienne ou le résultat subtil d’un ou-
vrage de dentelle théologique. C’est tout simplement le vis-à-vis ultime de notre vie d’enfants de Dieu dans
la grâce chrétienne. Nous vivons de la Trinité et elle nous visite de multiples manières. C’est particulière-
ment le cas dans la célébration des sacrements, dans la prière personnelle et communautaire. Par exemple,
dans la pratique de la lectio divina, ou médiation aimante de la Parole de Dieu, il arrive que la parole évan-
gélique suscite un élan, un désir, une conversion. Se reproduit alors dans l’âme sous la grâce de l’enchaîne -
ment, caractéristique de la vie même de Dieu, entre la naissance de la Parole divine et l’effusion du Souffle
divin. Plus largement, l’invocation de la Trinité est omniprésente dans la liturgie chrétienne : à travers le
signe de croix, dans le baptême au Nom unique des Trois, à travers la salutation d’ouverture de la célébra-
tion eucharistique, inspirée de 2 Co 13, 13. […]

Du point de vue de la vie chrétienne, la Trinité ne se présente aucunement comme un problème à résoudre,
une difficulté à éclaircir, une équation impossible entre un et trois. L’aborder ainsi reviendrait à l’enfermer
dans une réduction rationaliste.

La confession de la foi trinitaire traduit de façon ramassée la conviction de foi suivante : la révélation ac-
complie en Jésus de Nazareth met les chrétiens en relation avec le Père, le Fils et l’Esprit. Dans le Nouveau
Testament, l’identité même de Jésus Christ est relationnelle et trinitaire. Cela est attesté à travers les événe-
ments de son origine, sa naissance et sa manifestation, sa vie et son ministère, et enfin sa Pâque. Jésus est
identifiable comme le Fils en mission lorsqu’il est relié au Père qui l’envoie et à l’Esprit qu’il annonce. La
révélation trinitaire est originellement contenue dans l’identité et la mission de Jésus. […]

Pour entrer en théologie trinitaire, il ne faut pas faire comme si la tradition théologique était créatrice de son
objet. Il convient simplement de recevoir le Dieu Trinité de la confession de foi et de la vie chrétienne, afin
de l’envisager théologiquement en seconde instance, à partir d’un socle qui demeure simple, vital et assuré.

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