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L’Esprit Saint

Les deux Symboles mentionnent l’Esprit Saint :

- une mention sobre dans le Symbole des Apôtres, avec ce qui suit dans ce Symbole comme les
fruits de l’Esprit : « Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Eglise catholique, à la communion des
saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle » ;
- le Symbole de Nicée-Constantinople propose un développement assez long – « Je crois en
l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du Fils, avec le Père
et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire, il a parlé par les prophètes » – lequel
développement provient du concile de Constantinople (381) que l’on regardera au terme de
notre séance sur l’Esprit Saint.

Regardons successivement :

- l’Esprit Saint dans la Bible ;


- l’Esprit Saint au cœur de la Trinité sainte ;
- quelques réflexions théologiques au sujet de cet Esprit ;
- les grandes affirmations du concile de Constantinople (381) au sujet de cet Esprit ;

1. L’Esprit Saint dans la Bible

Dans la Bible l’Esprit Saint se dit ruah (en hébreu), pneuma (en grec), spiritus (en latin) et il signifie
simultanément le « souffle », le « vent » :

- comme « souffle » il est à rapprocher du souffle de vie, de l’haleine de vie, de la respiration.


On comprend dès lors pourquoi le Symbole de NC parle de l’Esprit comme de celui « qui
donne la vie », qui vivifie ;
- comme « vent » il exprime une force dont on ne maîtrise ni l’origine, ni la destination. C’est
ce que l’on retrouve en Jn (3, 8) où Jésus s’entretient avec Nicodème du baptême : « Le vent
souffle où il veut et tu entends sa voix (sa bourrasque), mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il
va » ;

a. L’Ancien Testament

L’Ancien Testament en parle comme de la force vitale de Dieu par laquelle il agit et fait agir :

- Il agit à travers toute l’histoire biblique :


o dès avant la création du monde il plane sur les eaux, sur le chaos (Gn 2, 2) ;
o il donne vie à Adam : « Dieu insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme
devint un être vivant » (Gn 2, 7) ; il est à la source de l’intervention de Dieu auprès
des hommes.

1
- Il s’empare de certains hommes pour les mettre au service de Dieu :
o Il accompagne les juges et les suscite (Jg 3, 10 ; 6, 34 ; 11, 29 ; 13, 25) ;
o Il choisit les rois Saül et David (1 Sm 10, 6.10 ; 16, 13) ;
o Il choisit les prophètes (Nb 24, 2 ; Ez 11, 5) ;

Il se manifeste alors comme une force dynamique qui saisit un homme et le rend capable
d’actions particulières.

Son action s’intériorise chez les grands prophètes qui annoncent le roi messianique sur qui il
reposera (Is 11, 2, « esprit de sagesse et d’intelligence… » ; Is 61, 1) et sa diffusion à tous (Is 32, 15 ; Jl
3, 1-5). Enfin le renouvellement du peuple d’Israël s’exprime par le fait que Dieu mettra en chacun un
esprit nouveau (Ez 11, 19), il ressuscite ce peuple donnant vie aux ossements desséchés (Ez 36, 26 ;
37, 5).

b. Le Nouveau Testament

Selon le Nouveau Testament l’Esprit Saint est l’objet, d’une mission. Il accompagne Jésus tout au long
de son ministère :

- Il est celui dont la puissance suscite l’incarnation de Jésus en Marie : « L’Esprit Saint viendra
sur toi » ;
- Il descend sur Jésus sous la forme d’une colombe lors de son baptême (Lc 3, 22). Ce baptême
n’est pas une scène de vocation, mais l’investiture du Messie et la présentation par Dieu de
son Fils, le serviteur qu’il tenait en réserve ;
- Il le mène ensuite au désert (Lc 4, 12) ;

Durant sa vie publique Jésus ne va cesser d’agir dans l’Esprit (Mt 4, 1, 12, 28 ; Lc 4, 18) et de
promettre l’Esprit à ses disciples (Jn 14, 16 ; 16, 7). Mort et ressuscité, Jésus fait à l’Eglise le don de
son Esprit (à la croix où il remet l’Esprit ; au soir de Pâque où il le donne à ses disciples, liant ce don
au pardon des péchés). Il est la force qui lance cette Eglise naissante jusqu’aux extrémités de la
terre ; pensons aux langues de feu qui s’emparent des apôtres au jour de la Pentecôte. Tantôt il
s’empare directement des païens (Ac 10, 44), prouvant ainsi qu’il est « répandu sur toute chair » (Ac
2, 17) ; tantôt il envoie en mission ceux qu’il choisit, Philippe (Ac 8, 26), Pierre (Ac 10, 20), Paul et
Barnabé (Ac 13, 2). Mais il n’est pas seulement au point de départ : il accompagne et guide l’action
des apôtres (Ac 16, 6), il donne à leurs décisions son autorité (Ac 15, 28). Si la Parole « croît et se
multiplie » (Ac 6, 7), la source intérieure de cet élan dans la joie est l’Esprit (Ac 13, 52).

L’Esprit apparaît donc comme une puissance qui suscite et ressuscite sans cesse la vie. Il est celui qui
accompagne inlassablement et qui inspire des choix de vie à qui veut bien l’écouter. C'est une
puissance de vie.

2. L’Esprit Saint au cœur de la Trinité sainte

Au sein de la Trinité, comment cette troisième personne divine apparaît-elle ? Dans l’Ecriture,
l’Esprit est celui qui opère dans les cœurs humains :

2
L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné (Rm 5, 5)

Or, je vous le dis, laissez-vous mener par l’Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire les tendances de
la chair. [...] Le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans
les autres, douceur, maîtrise de soi. […] Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir
(Ga 5, 16 ; 22-23 ; 25)

Au regard de ces passages, il apparaît donc que la personne de l'Esprit a bien quelque chose à voir
avec le mystère de l'amour, car c’est lui qui produit l’amour dans les cœurs et qui fait de tout
croyant, un enfant de Dieu. C’est ce qu’affirmait Augustin : « Que Dieu t’a donné de son Esprit, d’où
le sais-tu ? Interroge ton cœur : s’il est plein de charité, tu as l’Esprit de Dieu »1. Et c’est pourquoi
tout un courant de la théologie chrétienne (Augustin, Bonaventure, Thomas d’Aquin) a regardé et
pensé l’Esprit Saint comme l’amour de Dieu qui s’échange entre le Père et le Fils, comme le lien
d’amour entre le Père et le Fils. Le Père est le don gratuit, sans limite, la source qui se donne sans
retenue ; le Fils est l’accueil de ce don sans aucune résistance, sans aucun obstacle, il est le Fils
Eternel en se recevant totalement du Père ; l’Esprit est l’échange amoureux entre ce Père et ce Fils,
leur baiser, le « nous de la Trinité ».

C’est saint Augustin qui ouvrira la voie à de telles considérations. Selon lui l’Esprit est possédé en
commun par le Père et le Fils, il est l’unique Esprit des deux2. Il est l’Esprit du Père comme le
soulignent certains passages du Nouveau Testament :

Ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous (Mt 10, 20 ; Rm 8, 11)

Mais il est aussi l’esprit du Fils :

Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Jésus a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie
"Abba, Père"! (Ga 4, 6)

Pour lui, l’Esprit se présente donc comme une réalité commune au Père et au Fils, tout en étant
distinct de chacun d’eux. Sur ce fond saint Augustin voit en lui l’amour de Dieu, la charité commune
aux deux premières personnes divines :

- « L’amour qui est de Dieu et qui est Dieu est donc proprement l’Esprit Saint : c’est par lui que
se répand dans nos cœurs la charité de Dieu par laquelle la Trinité tout entière habite en
nous » 3 ;
- « Ce Saint Esprit n’est, ni seulement l’Esprit du Père, ni seulement l’Esprit du Fils, mais des
deux : par là-même, il nous enseigne cette charité commune au Père et au Fils par laquelle il
nous enseigne mutuellement »4 ;

La voie ouverte par saint Augustin sera reprise, plus tard, par saint Bonaventure de l’école
franciscaine (théologien du XIIIème siècle, contemporain de saint Thomas) : « Mais l’amour qui est le
Saint Esprit ne procède pas du Père en tant qu’il s’aime soi-même, ni du Fils en tant qu’il s’aime soi-

1
AUGUSTIN, Commentaire de la première épître de Jean, traité VIII, 12, Paris, Cerf; 1961.
2
AUGUSTIN, La Trinité, dans Œuvres, Paris, Desclée, 1955, Livre XV, XVII, 27.
3
AUGUSTIN, La Trinité, dans Œuvres, Paris, Desclée, 1955, Livre XV, XVIII, 32.
4
AUGUSTIN, La Trinité, dans Œuvres, op. cit. Livre XV, XVII, 27.

3
même, mais il procède en tant que l’un aime l’autre, puisqu’il est le lien, le nœud ; donc le Saint
Esprit est l’amour par lequel celui qui aime, tend vers l’autre » 5.

Puis c’est encore saint Thomas d’Aquin qui assumera le thème du Saint Esprit « amour mutuel » et
« lien » des deux autres personnes : « On dit bien que le Saint-Esprit est le lien du Père et du Fils en
tant qu’il est l’amour. [...] En tant qu’amour, le Saint-Esprit évoque un rapport réciproque entre le
Père et le Fils, celui d’aimant à aimé. Mais, dès lors que le Père et le Fils s’entr’aiment, il faut bien
que leur mutuel amour, le Saint-Esprit, procède de l’un et de l’autre. 6»

A partir de cette tradition, il apparaît donc possible de penser l’Esprit comme la force personnifiée de
l’amour de Dieu, comme la puissance de l’amour de Dieu. L’Esprit peut être regardé et pensé, d’après
le théologien Louis Bouyer, comme « le souffle de la vie de Dieu, le don qui donne de vivre en
donnant d'aimer de l'amour même dont on est aimé »7.

3. Réflexions théologiques à propos du Saint Esprit

Soulignons le caractère énigmatique de cet Esprit, sa subjectivité. Il est l’âme de l’Eglise et a fait
l’objet d’une redécouverte en théologie latine au court du XXème siècle.

En premier lieu ce qui est frappant au sujet de l’Esprit c’est son caractère énigmatique. Un théologien
orthodoxe, Olivier Clément, le qualifie d’ « anonyme ». Il est sans visage, il est insaisissable en
témoignent les images bibliques empruntées à la nature pour le désigner :

- le souffle (Jn 3, 8 : « Le vent souffle où il veut et toi, tu entends sa voix, mais tu ne sais pas
d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit ») ;
- l’eau vive (Is 44, 3-4 : « Car je vais répandre de l’eau sur le sol assoiffé et des ruisseaux sur la
terre desséchée, je répandrai mon esprit sur ta race et ma bénédiction sur tes
descendants ») ;
- la colombe (dans le récit du baptême de Jésus en Mc 1, 10 ; Mt 3 16 ; Lc 3, 22 et Jn 3, 32) ;
- les langues de feu (à la Pentecôte en Ac 2, 3)

Ces métaphores dévoilent que :

- l’Esprit, dans son action vivifiante et créatrice, est une force qui, comme le vent ou la
tempête, fait bouger, déroute et entraîne vers des horizons insoupçonnés, soulève des
montagnes, ouvre à l’espérance ;
- l’Esprit et ses opérations sont des réalités qui, comme l’eau ou le feu, purifient, réjouissent,
réchauffent, adoucissent, fécondent et redonnent vie, en faisant naître à une existence
nouvelle, renouvelée ;
- l’Esprit demeure avant tout une réalité qui nous dépasse, tout autre, sur laquelle on ne peut
mettre la main. Il n’a pas pris visage humain à la différence du Fils. C’est pourquoi le
théologien Moltmann a pu écrire : « Discerner la personnalité de l'Esprit Saint est le
problème le plus difficile de la doctrine trinitaire en général » ;

5
BONAVENTURE, Premier livre des Sentences.
6 a
THOMAS d’AQUIN, Somme Théologique, I , op. cit., qu. 37, art. 1, ad. 3.
7
Louis BOUYER, Le Consolateur, Paris, Le Cerf, 1980, p. 439.

4
C’est d’ailleurs pourquoi la Tradition chrétienne a abordé avec une extrême prudence tout ce qui
concernait l’Esprit et sa divinité. Cyrille de Jérusalem affirmait « qu'il n'y a pas à chercher de
définition exacte de sa nature ou de son hypostase ». Si Grégoire de Nazianze, n'éprouvera aucune
réserve à l'égard de la divinité de l'Esprit, il demeura toutefois bien conscient qu'il ne peut expliquer
le mode de son être-Dieu. Les métaphores rappelées ci-dessus et utilisées par la Tradition pour parler
de l’Esprit Saint, demeurent donc fort justes, parce qu’elles expriment silencieusement l’aspect
particulièrement impénétrable et mystérieux de sa personne. D’où cette belle remarque d’Olivier
Clément :

L’Esprit est le Dieu secret, le Dieu intérieur, plus profond que notre plus grande profondeur. Il donne
vie à toutes choses et nous le respirons sans le savoir, lui, la respiration de Dieu dans celle du monde,
8
dans celle de l’homme .

Si l’Esprit ne parle pas, il fait parler les hommes qu’il inspire (Ac 2, 4), il est à la source de la prière du
croyant (Rm 8, 15) et c’est lui qui permet d’invoquer le Christ (1 Co 12, 3). Il est l’inspirateur. Il n’est
pas en face de nous, mais en nous. Il nous habite de l’intérieur, il est celui qui nous met en
communion avec le Christ. Il est, d’après le père Sesboüé, « celui qui fait habiter en nous le Père et le
Fils au plus profond de notre conscience », il est « entre tous ceux qu’il habite le lien d’unité, comme
il l’est à l’intérieur de la Trinité »9. On peut donc dire, à la suite du père Sesboüé, que si le Christ
représente le côté objectif de la Révélation – il s’est fait voir en devenant l’un d’entre nous, il a parlé
– l’Esprit en représente le pôle subjectif : il est présent au plus profond de notre conscience et de
l’Eglise.

De fait il faut voir son action non seulement au cœur de chaque croyant, mais aussi au cœur de
l’Eglise. Rappelons-nous que dans le Credo l’Eglise est un élément de l’article concernant l’Esprit
Saint : « Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints ». Voici deux
citations typiques de la tradition ancienne :

- Cet Esprit donné aux disciples, ce même Esprit fait des dons semblables, comme des joyaux, à l’Epouse
du Christ, l’Eglise. C’est lui qui suscite dans l’Eglise des prophètes, y instruit les docteurs, anime les
langues, procure force et santé, y accomplit des merveilles, procure le discernement des esprits,
assiste ceux qui dirigent, inspire les conseils, dispose les autres dons de la grâce. Ainsi il parfait et
10
parachève l’Eglise du Seigneur partout et en tous ;
- Ce que l’âme est au corps, l’Esprit Saint l’est au Corps du Christ qui est l’Eglise. L’Esprit Saint opère
11
dans l’Eglise entière ce que l’âme opère dans les divers membres d’un même corps ;

On peut dire que l’Esprit fait dans l’Eglise ce qu’il fait dans la Trinité : il crée la relation dans le respect
des différences. Cela peut se comprendre à deux niveaux : l’Esprit fait que l’Eglise soit une
communion de personnes ; l’Esprit fait que l’Eglise soit une communion d’Eglises locales.

Malheureusement l’Eglise latine a oublié pendant de longs siècles le rôle de l’Esprit en elle, d’où son
insistance quasi exclusive sur sa dimension institutionnelle, hiérarchique. On lit dans le catéchisme
du concile de Trente comme définition de l’Eglise qu’elle « est la société de tous les chrétiens fondée
par Jésus-Christ, gouvernée par le pape et les évêques unis au pape », d’où une vision du Saint Esprit

8
Olivier CLEMENT, Sources, p.68.
9
Bernard SESBOÜE, Croire, p. 400.
10 ème
NOVATIEN, III siècle.
11 ème
AUGUSTIN, V siècle.

5
comme agissant uniquement au cœur des fidèles comme le suggèrent les deux prières que nous
avons reçues du Moyen-Âge le Veni Creator (IXème siècle) et le Veni Sancte Spiritus (XIème-XIIème
siècles). Mais nous savons que l’Eglise a bénéficié depuis le XXème siècle d’un renouveau au sujet de
l’Esprit :

- dans la réflexion théologique, au contact des Eglises d’Orient ; pensons au triple volume que
lui a consacré le père Congar dans les années 80 ;
- dans la liturgie avec par exemple la remise en lumière des épiclèses au cœur des prières
eucharistiques ou plus récemment dans le nouveau rituel du sacrement de mariage ;
- dans l’expérience spirituelle avec les mouvements dits « charismatiques ».

4. Le Saint Esprit dans le Symbole de Nicée-Constantinople

a. Les affirmations du concile de Constantinople

C’est progressivement que l’Eglise a explicité sa doctrine concernant le Saint Esprit, une explicitation
qui a pris forme au concile de Constantinople en 381. Dans la période qui a précédé le concile la
divinité de l’Esprit a été remise en cause par divers courants théologiques, d’où sa prise de position.
L’Eglise a dû se préciser à elle-même que l’Esprit n’est pas un simple intermédiaire entre le Père et le
Fils, ou un don plus ou moins impersonnel : il est le don de Dieu en personne, il est lui-même
donateur de vie divine. Il a une identité propre, il est une personne divine. Qu’il ne soit pas une
réalité impersonnelle, on en a des indices dans des textes du Nouveau Testament :

- saint Paul dit qu’il distribue ses dons comme il veut (1 Co 12, 11) ;
- qu’il prie en nous (Rm 8, 26-27) ;
- selon l’évangile de Jean, il enseigne et rappelle ce que Jésus nous a dit (cf. Jn 14, 26 dans le
discours sur le paraclet, le défenseur) ;

Le concile affirme cette divinité en 5 étapes :

- l’Esprit est qualifié de « saint », or Dieu seul est « saint » ; l’Esprit n’est donc pas une
créature, à la différence des anges qui sont des esprits, mais serviteurs de Dieu : « Les anges
sont tous des esprits destinés à servir » (Hb 1, 15) ;
- on le proclame « Seigneur », nom divin que lui applique l’Ecriture (« L’Esprit est Seigneur » en
2 Co 3, 17) ; l’Esprit n’est donc pas inférieur au Père et au Fils, puisque le Fils lui-même est
qualifié de « Seigneur » ;
- il a une fonction divine puisqu’il « donne la vie ». Jésus l’enseigne à ses disciples en ces
termes : « C’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6, 63). Voilà pourquoi les Pères conciliaires ajoutèrent
dans le Symbole : « Je crois en l’Esprit Saint qui vivifie » ;
- l’expression « il procède du Père » est empruntée à Jn (15, 26). Ce langage est une manière
de dire qu’il provient du Père, mais de manière différente du Fils, dont on dit qu’il est
engendré ;
- enfin, on doit rendre à l’Esprit Saint le même culte qu’au Père et au Fils. Le Seigneur dit en
effet à la Samaritaine : « Les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité » (Jn 4,
23) ; et avant de monter au ciel, Jésus déclare à ses disciples : « Enseignez toutes les nations,

6
les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19). C’est pourquoi les Pères
conciliaires ajoutent dans le Symbole : « il reçoit même adoration et même gloire » ; l’Esprit
Saint est adoré conjointement avec le Père et le Fils.

C’est donc de manière très insistante que ce concile a souligné la pleine divinité de l’Esprit.

b. La question du Filioque ou du lien de l’Esprit Saint avec les deux autres personnes divines

La question du Filioque renvoie à une compréhension différente en Occident et en Orient du rapport


entre l’Esprit, et le Père et le Fils, différence jugée comme une divergence fondamentale à l’époque,
et qui fut une des grandes causes de séparation. L’origine de l’expression selon laquelle l’Esprit
« procède du Père » est en Jn (15, 26), le même évangile affirmant un peu plus loin que l’Esprit
« reçoit » son bien du Fils (Jn 16, 14), une manière de dire qu’il n’est pas sans lien avec lui.

Le Symbole de Nicée-Constantinople affirme simplement que « l’Esprit procède du Père ». Un peu


plus tard, Augustin se demande s’il ne procède pas aussi du Fils. La formule complète est ajoutée au
Credo en 589, au concile de Tolède, par des évêques espagnols (en réaction à l’arianisme des
Wisigoths). Au lieu de garder l’expression : « L’Esprit [qui] procède du Père », ils ajoutent qui
« procède du Père et du Fils » (en latin Filioque), s’appuyant sur le Nouveau Testament en Jn (16, 13-
15), mais surtout en Rm (8, 9-11) et Ga (4, 6), exprimant une nuance théologique sur la relation entre
le Saint-Esprit et les deux autres personnes de la Trinité.

Au IXème siècle, Charlemagne prenant à cœur d’assumer son rôle de « nouveau Constantin », impose
cette insertion dans tout son Empire. Le pape refuse cet ajout, tout en acceptant la doctrine. Mais
une quinzaine d’années plus tard, un autre pape l’introduit dans le Credo de l’Eglise de Rome. Au
XIème siècle, cette version est adoptée par tout l’Occident latin, ce qui marque alors la rupture avec
les chrétiens d’Orient. Cette décision de modifier unilatéralement un texte approuvé par deux
conciles leur paraît inacceptable, d’autant plus que le concile de Chalcédoine avait interdit d’ajouter
quoi que ce soit au Symbole. Aussi ils veulent marquer la différence entre le Père et le Fils,
considérant le Père comme l’unique source du Saint Esprit12, et l’unique source au sein de la Trinité.

Aujourd’hui encore les chrétiens d’Orient continuent à dire le symbole de Nicée sans cette addition.
Mais il est vrai que depuis la réflexion a progressé entre l’Orient et l’Occident : la primauté ou
monarchie du Dieu Père est reconnue de part et d’autre, car le Fils et l’Esprit ont d’abord leur origine
dans le Père, et si l’Esprit procède du Fils, c’est en tant que le Fils lui-même est l’engendré du Père
(cf. la clarification sous le pontificat de Jean Paul II).

En définitive il ne s’agit pas là de deux conceptions incompatibles, mais de deux façons d’exprimer un
mystère qui déborde nos concepts théologiques. Au-delà des divergences théologiques légitimes et
aujourd’hui clarifiées, il faudrait un acte concret de réconciliation. On a suggéré que dans un geste
d’humilité les Eglises d’Occident renoncent à l’insertion du Filioque dans le Symbole (d’ailleurs l’Eglise
catholique ne l’utilise plus dans certains cas comme les célébrations œcuméniques en présence du
pape) mais que, réciproquement, les chrétiens d’Orient cessent de le considérer comme une formule
12
La différence entre le Père et le Fils tient au fait que la Père est l’engendrant et le Fils l’engendré, tout
comme l’Esprit qui procède du Père et du Fils. La théologie de la Trinité tient en 3 affirmations à tenir dans cet
ordre : la monarchie du Père, la distinction des personnes par leur procession d’origine, la périchorèse.

7
hérétique. En conclusion, ce débat entre Orient et Occident est aujourd’hui largement dépassionné
et il est possible qu’un accord se fasse un jour sur la formule : « le Saint-Esprit procède du Père par le
Fils ».

VENI CREATOR
(traduction de l'hymne du IXème siècle)

Viens, Esprit créateur, nous visiter,


Viens éclairer l'âme de tes fils,
Emplis nos cœurs de grâce et de lumière,
Toi qui créas toute chose avec amour.

Toi le don, l'envoyé du Dieu très haut,


Tu t'es fait pour nous le défenseur. Tu es l'amour, le feu, la source vive,
Force et douceur de la grâce du Seigneur !

Donne-nous les sept dons de ton amour,


Toi le doigt qui œuvres au nom du Père,
Toi dont il nous promit le règne et la venue,
Toi qui inspires nos lèvres pour chanter.

Mets en nous ta clarté, embrase-nous,


En nos cœurs répands l'amour du Père.
Viens fortifier nos corps dans leur faiblesse,
Et donne-nous ta vigueur éternelle.

Chasse au loin l'ennemi qui nous menace,


Hâte-toi de nous donner la paix,
Afin que nous marchions sous ta conduite,
Et que nos vies soient lavées de tout péché.

Fais-nous voir le visage du Très-Haut,


Et révèle-nous celui du Fils,
Et toi l'Esprit commun qui les rassemble,
Viens en nos cœurs, qu'à jamais nous croyions en toi.

Gloire à Dieu notre Père dans les cieux,


Gloire au Fils qui monte des enfers,
Gloire à l'Esprit de force et de sagesse
Dans tous les siècles des siècles. Amen !

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