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Réflexions sur le cumul de fonctions en

droit des sociétés anonymes de


l’OHADA
Cyrille Monkam*

Downloaded from http://ulr.oxfordjournals.org/ at Freie Universitaet Berlin on May 7, 2015


Abstract
En droit des sociétés de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires, le cumul de fonctions revêt un intérêt particulier du fait des exigences de
transparence qu’il impose dans le management de la société anonyme.
Dans cet article, l’on analyse d’une part les dispositions qui conditionnent en droit des
sociétés le cumul de fonctions. L’on note qu’il s’agit, incontestablement, malgré sa com-
plexité, d’une mesure de transparence visant la protection des avoirs de la société et des
droits de la personne physique.
D’autre part, on analyse les suites juridiques de cette conditionnalité. Elle permet
d’introduire dans le droit spécial des sociétés des règles de droit qui modifient sa sub-
stance, sans toutefois la dénaturer. Ces règles conduisent au respect des droits de tout
intervenant dans la société anonyme.

1. Introduction
Une simple notion d’« emploi effectif »1 pour garantir l’existence du cumul2 de
fonctions dans les relations professionnelles liant un dirigeant ou un salarié à sa
société en vue de l’exercice d’une autre fonction en son sein, voilà un phénomène
qui devrait bouleverser les règles pratiques de gestion et d’autonomie du droit des
sociétés de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA).3

* Assistant Lecturer, Department of Law, Faculty of Social and Management Sciences (FSMS),
University of Buea, BP 63, Buea, Cameroon. E-mail: cyrimo2009@yahoo.fr;
monkam.cyrille@ubuea.cm.
1
Cette notion figure expressément à l’article 426 de l’AUSCGIE.
2
Le mot cumul vient du latin cumulare qui signifie accumuler, amonceler, entasser. Le cumul est
donc l’action de cumuler une chose avec une autre.
3
L’OHADA est née de la signature du traité de Port Louis en Ile Maurice le 17 octobre 1993 et a été
révisé le 17 octobre 2008 notamment en ses articles 2 et 5–10 (‘Traité OHADA’). Elle compte de
nos jours 17 États parties repartis en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Pour la genèse et
l’effectivité de la présente organisation, consulter J Issa Sayegh et J Lohoues-Oble, OHADA,
Harmonisation du droit des affaires (Bruylant 2002).

! The Author (2015). Published by Oxford University Press on behalf of UNIDROIT. All rights reserved.
For Permissions, please email journals.permissions@oup.com
Unif. L. Rev., Vol. 20, 2015, 116–133
doi:10.1093/ulr/unv001
Advance Access publication: 27 February 2015
Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 117

Aujourd’hui encore objet de moult interprétations,4 la notion de cumul de


fonctions reste soumise pour sa validité en droit OHADA, et spécialement en
droit des sociétés,5 à la seule contrainte majeure de l’effectivité de l’emploi. Mais,
l’implication de cette conditionnalité est sujette à caution, car elle introduit en
droit des sociétés des procédés et règles issus du droit social. Cette posture du
législateur OHADA est techniquement compréhensible dans la mesure où la mise
sur pied des « Actes uniformes »6 obéit à la fois à un besoin économique7 et à la
diffusion des valeurs humaines traduites par la protection des droits fondamen-
taux8 des acteurs économiques. Cet objectif transparait à travers la lecture de
l’Acte uniforme applicable aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt
économique (AUSCGIE). Cet Acte se devait d’être conforme aux exigences de la

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mondialisation et de la globalisation de l’économie.9
Dans cette perspective, la société commerciale OHADA, en se déclinant comme
un contrat,10 une institution11 ou mieux une technique d’organisation du parte-
nariat est une structure économique12 dont le choix de la forme dépend de
l’étendue des obligations à contracter. La possibilité est offerte aux acteurs écon-
omiques de choisir entre les sociétés à risques illimités13 et les sociétés à risques

4
Parfois assimilée au cumul des mandats, cette notion s’en démarque en droit des sociétés du fait de
sa spécificité. Voir A Arseguel, ‘Les dirigeants de sociétés et le droit du travail’ (1996) 276 Revue
française de comptabilité 63; B Petit, ‘Le sort du contrat de travail des directeurs généraux’ (1991)
Droit des sociétés 463; E. du Pontavice, ‘Quelques arrêts récents rendus en matière de cumul d’un
mandat social et d’un contrat de travail’ (1987) 1 Juri-social 45.
5
Voir l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt écono-
mique, modifié le 30 Janvier 2014 à Ouagadougou (Burkina Faso) (AUSCGIE), et l’Acte uniforme
portant sur le droit des sociétés coopératives du 15 décembre 2010, fait à Lomé au Togo. Mais
l’Acte uniforme sur les sociétés coopératives, bien qu’évoqué, sera mis en marge de cette réflexion
du fait de l’interdiction du cumul de fonctions imposée à ses dirigeants.
6
Voir Traité OHADA (n 3) art 5.
7
L’un des objectifs de l’OHADA était de favoriser l’attractivité des investissements étrangers. Voir
ibid, art 1. Voir aussi K Baye, ‘L’histoire et les objectifs de l’OHADA’ (2004) 205 Petites Affiches 4.
8
L’OHADA garantit la liberté d’entreprendre ou de mener l’activité commerciale de son choix ;
la libre circulation des biens et des personnes ; la garantie du droit au travail, la liberté
syndicale et le droit de grève ; la protection des biens en général et plus particulièrement de la
propriété ; etc.
9
S’inscrivant dans une perspective de relèvement et de redressement des économies africaines en
crise, le droit issu du Traité OHADA visait l’encouragement des délocalisations des firmes multi-
nationales vers l’Afrique. Voir R Foche et V Ouafo Bepyassi, ‘Le droit de l’OHADA : un capital vital
pour le redressent de l’économie africaine’, in J Gatsi (dir), L’effectivité du droit de l’OHADA
(Presses Universitaires d’Afrique 2006) 59.
10
Voir AUSCGIE (n 5) art 4. Mais, il faut relever que la consécration de la société unipersonnelle
marque à n’en point douter le recul du débat juridique sur le caractère contractuel ou institu-
tionnel de la société.
11
Voir J Paillusseau, ‘Les fondements du droit moderne des sociétés’ (1984) 2 Juris-classeur périod-
ique éd. générale 14193.
12
Voir J Paillusseau, ‘Le droit des activités économiques à l’aube du XXIe siècle’ (23 janvier 2003) 4
Cahiers de Droit des affaires et (30 janvier 2003) 5 Cahiers de Droit des affaires.
13
Encore appelées sociétés de personnes, elles regroupent la société en noms collectifs (SNC)—voir
AUSCGIE (n 5) Livre 1—et la société en commandite simple (SCS)—voir ibid, Livre 2. Pour un
cas de cumul entre la qualité d’associé et de salarié dans une SNC, voir Cass Com 29 septembre
2009, no 08-19.777, F-P+B, Souliers C/ BNP Paribas, note D Gallois-Cochet (2009) 12 Droit des
sociétés comm 225.

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limités.14 Mais cette réflexion sera cantonnée à la société anonyme, variante des
secondes.
Présentée comme l’instrument du capitalisme moderne,15 la société anonyme
est définie comme « une société dans laquelle les actionnaires ne sont responsables
des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les droits des action-
naires sont représentés par les actions ».16 Sa classification se fait en droit suivant
un double critère, à savoir, celui du mode de gestion et celui du mode de mobil-
isation du capital social. Lorsque le critère du mode de gestion est retenu, on
distingue la société anonyme avec conseil d’administration17 et la société anon-
yme avec administrateur général.18 Lorsque le critère du mode de mobilisation du
capital social est retenu, la distinction se fait entre les sociétés anonymes ne faisant

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pas appel public à l’épargne et les sociétés anonymes faisant appel public à
l’épargne.19
Mais davantage, l’utilisation du critère de gestion paraı̂t séduisante pour l’étude
envisagée. En effet, cette étude est suscitée par les dispositions de l’article 426
AUSCGIE20 qui bilatéralise la possibilité de cumuler un mandat social avec un
contrat de travail.21 Cette disposition introduit ainsi expressément la notion
de cumul de fonctions ou d’emplois en droit uniforme OHADA22 en la condi-
tionnant par l’effectivité de l’emploi. Il est à préciser que le cumul de fonctions
dont il est fait référence dans cette étude ne doit pas être confondu avec le

14
Cette catégorie qui regroupe les sociétés de capitaux renvoie surtout à la société anonyme (S.A,
voir Livre 4 de l’AUSCGIE), la société par actions simplifiées (SAS)—voir AUSCGIE (n 5) Livre
4-2—et exceptionnellement à la société à responsabilité limitée (SaRL)—voir ibid, Livre 3.
15
G Ripert, Les aspects du capitalisme moderne, Paris 1951, n 46 cité par D Pohe Tokpa, ‘Société
anonyme avec conseil d’administration’, in PG Pougoue (dir), Encyclopédie du droit OHADA
(éditions Lamy 2011) 1853, 1854, para. 2.
16
Voir AUSCGIE (n 5) art 385.
17
Elle est la règle et est constituée lorsque la société compte plus de trois actionnaires.
18
Considérée comme l’exception à la règle, elle est constituée lorsque la société anonyme compte au
plus trois actionnaires.
19
Pour le régime de ces types de sociétés, voir M Ngom, ‘Société faisant appel public à l’épargne’, in
Pougoue (dir) (n 15) 1883.
20
Cet article dispose :
Sauf stipulation contraire des statuts, un salarié de la société peut être nommé administrateur
si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même, un administrateur peut
conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond à un emploi effectif.
Dans ce cas, le contrat est soumis aux dispositions des articles 438 et suivants du présent Acte
uniforme.
21
Il faut relever que la conclusion d’un contrat de travail entre dans le régime des conventions
réglementées pouvant intervenir entre un administrateur et la société dans laquelle il a un
mandat social. Pour le cumul, voir V Collier, ‘Le cumul d’un contrat de salarié et d’un mandat
social : conditions et effets’, http://www.village-justice.com/articles/cumul-contrat-salarie-
mandat,1154.html, consulté le 3 janvier 2013; C Ducouloux-Favard, ‘Quand y a-t-il rémunération
excessive des dirigeants des sociétés ?’, Gazette du Palais (février 2010) 11, 13 ; Arseguel (n 4) ; Petit
(n 4) ; du Pontavice (n 4).
22
Il faut relever qu’il s’agit d’une évolution du droit OHADA par rapport au droit français. En effet,
la réforme du droit des sociétés intervenue en France (loi du 24 juillet 1966) n’autorise en son
article 93 le cumul de fonctions qu’au profit des salariés. Ce qui implique qu’un administrateur ne
peut devenir salarié de la société anonyme en droit français. Voir G Ripert et R Roblot, Traité
élémentaire de droit commercial (1e éd, LGDJ 1978) 827–8, para 1278.

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cumul des mandats23 dont le régime a été clairement défini par le législateur
OHADA.24
On parle de fonction lorsqu’une personne met son activité au service du public,
pour remplir une tâche déterminée, soit directement, soit dans le cadre d’une
organisation collective publique ou privée.25 La fonction peut être exercée d’une
façon indépendante ou d’une façon dépendante, sous le couvert d’une organisa-
tion collective. L’emploi pour sa part est une tâche permanente et définie dans
l’entreprise ; plus généralement un travail salarié. Le cumul de fonctions ou
d’emplois serait alors le fait, en général interdit ou limité, d’occuper plusieurs
emplois publics, ou un emploi public et une profession privée, ou plusieurs
emplois privés au sein d’une même entreprise ou de plusieurs entreprises.

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Il en ressort que les notions de fonction et d’emploi, bien qu’étant distinctes,
semblent faire bon ménage parce qu’elles convergent du point de vue définition-
nel vers une même finalité, celle de l’exercice d’une activité professionnelle. Mais,
perçues sur le plan du management, ces notions présentent des dissimilitudes
surtout en présence du caractère effectif de l’emploi, d’où la nécessité d’un
encadrement.
De par ces considérations, il serait intéressant de s’interroger sur le régime
juridique du cumul de fonctions dans la société anonyme. Autrement dit, quelles
sont les conditions et les conséquences d’un cumul régulier de fonctions ?
La validité du cumul de fonctions présente en droit OHADA un intérêt parti-
culier, sur le plan théorique. En effet, cette étude permet, d’une part, de rendre
compte de l’encadrement minutieux dont bénéficie cette notion en droit OHADA
et met en relief, d’autre part, l’étroitesse des rapports qui existent entre le droit
sociétaire et le droit social avec des imbrications qui provoquent un glissement
souvent inévitable vers l’application des règles duales dans l’espace OHADA.
Sur le plan pratique, l’application du régime de cumul de fonctions permet à de
nombreux dirigeants, dont la situation sociale n’est guère reluisante, de bénéficier
des dispositions protectrices du droit du travail. Bref, cette étude est résolument
transversale et transdisciplinaire, indépendamment des barrières qui séparent
habituellement les matières et les disciplines juridiques.
Ainsi, et malgré la grande complexité de la question, le cumul de fonctions obéit
en droit OHADA au strict respect de certaines conditions (section 2) qui con-
fèrent au bénéficiaire le bénéfice des garanties du droit du travail (section 3).

2. Les conditions du cumul de fonctions en droit des


sociétés anonymes OHADA
Le cumul de fonctions présente au niveau du fonctionnement de la société anon-
yme un certain particularisme qui découle de l’introduction de la notion d’ «
23
En droit des sociétés, il consiste pour un administrateur d’occuper en qualité de mandataire les
postes dans plusieurs sociétés commerciales.
24
Voir AUSCGIE (n 5) art 479.
25
Voir R Guillien et J Vincent, Lexique des termes juridiques (13e éd, Dalloz 2001) 263.

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emploi effectif ». Cette dernière, foncièrement tributaire du droit social, impose


une démarche orientée vers l’appréciation des règles relatives au cumul de fonc-
tions en droit des sociétés. Cette appréciation qui reste, du moins complexe,
nécessite d’abord de rechercher ses conditions de validité tant du côté de l’aspir-
ant au cumul (section A) que de sa régularité même (section B), ceci au regard des
enjeux et intérêts à sauvegarder.

A. Les conditions relatives au statut de l’aspirant


Le cumul de fonctions constitue un choix pour le travailleur de compléter un
travail à temps partiel26 ou d’intensifier un poste à temps complet. Cette notion
entre donc dans la théorie de la liberté du travail. Mais cette liberté de cumuler les

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fonctions doit obéir à certaines conditions surtout à celle de la subordination
effective27 du salarié. Dans le cadre du droit des sociétés OHADA, l’appréciation
des règles relatives à cette liberté n’est guère aisée à cause de la spécificité du statut
des intervenants.
De la substance des dispositions de l’acte uniforme, ce statut peut être double-
ment apprécié. Dans l’un et l’autre cas, il faut prouver l’existence d’un véritable
lien de subordination du salarié cumulant découlant d’une nette démarcation
entre les fonctions salariées et le mandat social.
D’une part, l’acte uniforme n’impose en réalité aucune exigence par rap-
port au capital social28 dans la mesure où il permet à toute personne phys-
ique ou morale,29 actionnaire ou non, d’être choisi statutairement ou non
pour assurer la gestion de l’entreprise. Il semble donc qu’une personne
actionnaire ou non actionnaire peut aspirer au cumul de fonctions à condi-
tion d’être civilement capable et d’avoir précédemment au sein de l’entreprise
une fonction soit de mandataire30 soit de salarié. Toutefois, le salarié peut
être déclaré incompatible avec le cumul lorsqu’il est frappé d’interdiction ou
de déchéance du droit d’administrer ou de gérer une société. De même, en
cas d’existence de clauses statutaires contraires, le cumul serait impossible
pour le salarié.
D’autre part, les dispositions de l’article 426 de l’acte uniforme ne donnent lieu
à aucune équivoque puisqu’elles bilatéralisent le cumul de fonctions. Ainsi le sens
du cumul peut être ascendant ou descendant.
26
Il s’agit de la pratique du multi-salariat qui est soumise en France au respect de certaines règles.
27
CA Paris, 28 janvier 1997, (1997) 5 RJDA para 658 ; Cass Soc, 5 juillet 1989 para 2814 ; Cass Soc, 5
février 1981, para 79-14.798, Bull civ 80. L’absence ou la fictivité de ce lien entraı̂ne la non validité
du contrat de travail.
28
Considéré comme le réceptacle des apports, le capital social est la somme définitivement inscrite
aux statuts : voir Cass Civ, 13 novembre 1907 (1908) JS 345.
29
Dans ce cas, il est fait obligation à la personne morale de désigner dans les conditions de l’article
421 AUSCGIE (n 5) une personne physique qui est généralement son représentant légal.
30
Il faut relever que la personne exerçant un mandat social et non actionnaire peut être liée à la
société par un contrat de travail pour l’exercice de cette fonction. Voir F Anoukaha, ‘Société
anonyme avec administrateur général’, in Pougoue (dir) (n 15) 1847, 1848 et 1851. Il en résulterait
qu’en cas de cumul de fonctions, cette dernière bénéficierait d’un double contrat de travail avec des
termes distincts, que ce soit pour la rémunération ou pour les obligations.

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Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 121

Dans le cumul ascendant, l’aspirant au cumul est un salarié qui est nommé31 ou
coopté,32 ou bien élu au conseil d’administration. Dans ce cas, le cumul apparait
pour le salarié comme une promotion en termes de hiérarchie des pouvoirs au
sein de la société. Le salarié devenu mandataire33 cumulera désormais les fonc-
tions de gestionnaire avec celles de subalterne de la société.
Dans le cumul descendant, un dirigeant social souhaite exercer, en plus de ses
fonctions d’administrateur, les fonctions de salarié et donc de subalterne. En effet,
les articles 466, 481 et 489 de l’acte uniforme reconnaissent respectivement au
président directeur général, au président du conseil d’administration et au direc-
teur général34 la possibilité de cumuler des emplois au sein de la société anonyme.
Nonobstant tout renvoi à l’article 426, le législateur autorise en ses articles 499 et

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51335 le cumul de fonctions de l’administrateur général36 ou de son adjoint en
l’enfermant au strict respect des conditions inhérentes à l’existence du cumul.

B. Les conditions tenant à l’existence du cumul de fonctions


Dans le souci d’instaurer une transparence dans la pratique du cumul de fonc-
tions en droit des sociétés, le législateur africain l’a assorti de certaines exigences
(section i) dont le non respect entraine des sanctions (section ii).

i. Les exigences requises


Des dispositions combinées des articles 417, 426, 438 et 513 de l’acte uniforme, il
ressort que le cumul de fonctions obéit en droit OHADA à l’exigence de trois
conditions cumulatives, quelles que soient la personne et la fonction visées.
La première est l’effectivité de l’emploi. L’emploi effectif suppose l’existence d’un
poste de travail sérieux et sincère, des attributions précises : bref, l’existence des
fonctions délimitées nécessitant une technique particulière différente des presta-
tions précédemment fournies au sein de l’entreprise. L’idée de l’effectivité serait

31
Il n’est pas exclu qu’au moment de sa nomination, son contrat de travail soit nové dans ses
nouvelles fonctions de direction. Voir Cass Soc, 1 juin 1978 (1979) Revue de droit des sociétés
79, note P Le Cannu.
32
L’article 429 AUSCGIE (n 5) définit les modalités de la cooptation au sein du conseil d’admin-
istration de la société anonyme en cas de vacance ou de démission d’un ou de plusieurs membres
du conseil d’administration.
33
Cette situation est toutefois de nature à créer une certaine confusion lorsque cette société est une
filiale qui fait partie d’un groupe de sociétés. L’intervention du salarié, Président Directeur Général
(PDG) de filiale au sein du groupe, nécessite souvent que celui-ci dispose d’un certain nombre
d’actions pour peser de tout son poids dans les décisions de la filiale. Cette situation oblige souvent
la filiale à mettre à sa disposition certaines actions.
34
CA Dakar, Ch Soc 2, Arrêt n 263 du 14 juin 2005, Bank of Africa v Bonneau, (2008) 76 Revue EDJA
75, Ohadata J-10-154 ; Cass Soc, 14 juin 2000 (2000) Bulletin Joly 949, note G Auzero.
35
Toute proportion gardée, il nous semble que ces dispositions ne visent pas seulement le contrat de
travail comme socle du lien de droit qui unit l’administrateur ou son adjoint à la société mais aussi
un acte juridique qui lie ces derniers à la société en vue de l’exécution d’un travail autre que celui
relevant des fonctions de mandataire.
36
L’administrateur général peut être nommé par les statuts ou au cours de l’assemblée constitutive
ou enfin en cours de vie sociale par l’assemblée générale ordinaire.

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alors contraire à un emploi de complaisance ou qui ne renvoie pas à une activité


précise.37 La doctrine38 précise, malgré le silence du législateur, qu’à l’égard du
mandataire social, il doit s’agir des fonctions techniques détachables des fonctions
définies dans le cadre de son mandat.39 Si ce raisonnement est légitime, il suscite
tout de même quelques préoccupations, car qu’en serait-il du salarié qui devient
mandataire social alors qu’il n’exerce pas de fonctions techniques ? Doit-on
modifier son contrat de travail pour être en conformité avec cette exigence ?
Rien n’est sûr, car le législateur ne formule aucune réserve par rapport à l’occu-
pation des fonctions non techniques ;40 il faudra tout de même attendre la pos-
ition du juge africain sur la question. De même, l’occupation des fonctions
techniques implique la subordination41 de ce dernier envers la société avec pou-

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voir de contrôle sur celui qui cumule. La contrepartie de cette subordination
demeure l’octroi d’une rémunération distincte.42
La seconde exigence est l’autorisation préalable du conseil d’administration et
l’approbation a posteriori de l’assemblée générale ordinaire.43 Cette exigence vise à
entériner le cumul et relève d’une très grande importance, car elle marquerait le
jour de la conclusion du contrat de travail et le point de départ de l’exécution des
obligations contractuelles. Elle constitue d’ailleurs, à la lecture de l’article 438,44
non seulement une condition de forme mais aussi une obligation, dont le non
respect est sanctionné.
La troisième exigence concerne la limitation du nombre d’administrateurs
salariés en fonction. En effet, l’article 417 de l’acte uniforme précise que le
nombre d’administrateurs non actionnaires ne peut dépasser le tiers des admin-
istrateurs en fonction. Ainsi, la possibilité pour les salariés de cumuler leur statut
avec les fonctions d’administrateurs demeure réduite techniquement à travers le
statut d’actionnaire dont l’exigence n’était nullement invoquée au stade de la
qualité à cumuler. Mais, il nous semble que cette exigence vise à protéger les

37
CA Dakar, Ch Soc 2, Arrêt n 472 du 6 novembre 2007, Elton SA v S, (2008) 76 Revue EDJA 80, note
D Ndoye, avocat ; Répertoire quinquennal OHADA (2006–10) tome II, 754 (4e partie
‘Jurisprudence’).
38
VoirPohe Tokpa (n 15) 1859 ; BY Meuke, ‘Brèves réflexions sur la révocation des dirigeants
sociaux dans l’espace OHADA’, Ohadata D-05-51, 4.
39
Cass Soc 17 novembre 1988, (1989) Revue de droit des sociétés 232, note B Petit ; pour un cas
d’absence de fonctions distinctes concernant un salarié nommé directeur, CA Paris, 13 nov 1991
(1992) Bulletin Joly 62, note P Le Cannu.
40
Sauf le cas de l’administrateur qui ne peut être commissaire aux comptes de la société qu’il dirige.
41
Il faut noter qu’au fil de la jurisprudence, la subordination est devenue consubstantielle à la
définition du contrat de travail. Voir Cass Soc, Arrêt du 2 février 1965. Voir aussi Cour
Suprême du Cameroun, Arrêt du 22 octobre 1987, Aff EPC v AKOA François (1989) 3
Jurisprudence sociale annotée 85, 85 et seq.
42
Le législateur en son article 500 rend nulle toute décision prise en assemblée générale qui serait
contraire à cette prescription.
43
Voir Cass Soc, 11 juin 1997 (1997) Bulletin Joly 880, note P Le Cannu.
44
Cet article précise que « toute convention entre une société anonyme et l’un de ses administrateurs,
directeurs généraux et directeurs généraux adjoints doit être soumise à l’autorisation préalable du
conseil d’administration.».

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Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 123

actionnaires contre l’immixtion intempestive des tiers dans la gestion de leurs


économies.
Quoi qu’il en soit, ces exigences visent en réalité à prévenir et à protéger les
actionnaires contre les fraudes éventuelles des dirigeants qui peuvent en toute
impunité s’octroyer des salaires qui ne correspondent à aucun service rendu. C’est
pourquoi leur non respect ne saurait rester sans sanctions.

ii. La sanction d’un cumul irrégulier


En général lorsque les conditions du cumul des fonctions salariées avec celles de
mandataire ne sont pas remplies, le contrat de travail peut être, selon les cas,
suspendu pendant l’exercice du mandat, rompu ou annulé.

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Toutefois, en dehors de la dernière exigence de l’article 417 dont la sanction
peut être la démission forcée45 du salarié administrateur non actionnaire qui est
en surnombre, la principale sanction qui s’applique à la transgression des autres
exigences demeure la nullité. La nullité est en effet la sanction qui frappe les actes
juridiques irrégulièrement constitués. Dans le cas d’espèce, il s’agira d’une nullité
relative qui aura pour effet d’anéantir les effets de la nomination ou du contrat de
travail envisagé en violation des règles prescrites.
Toutefois, il faut relever que compte tenu de la spécificité des effets de la nullité
en droit des sociétés, il convient de noter que si avant la nullité du contrat ou de la
nomination, l’intéressé avait déjà participé à des délibérations d’assemblées,
celles-ci ne seront pas pour autant annulées. La nullité46 ne produisant pas en
droit des sociétés d’effet rétroactif (cette mesure vise la protection des tiers,
créanciers de la société), elle ne jouera que si l’acte juridique a produit des con-
séquences dommageables pour la société. Cette spécificité de la nullité n’est qu’un
aspect des motifs justifiant la complexité des règles d’appréciation du cumul de
fonctions.
Par ailleurs, et sauf convention contraire, le contrat de travail d’un salarié
devenu dirigeant social, qui ne peut être maintenu en raison notamment de la
disparition du lien de subordination, peut être suspendu pendant le temps
d’exercice du mandat social. Au jour de la cessation de ce mandat, le contrat de
travail reprend son cours. La suspension qui intervient même en l’absence de
convention la prévoyant expressément, influera bien entendu sur l’ancienneté du
salarié qui sera calculée en tenant compte de l’ancienneté acquise au jour de la
suspension et de celle qui recommence à courir après la suspension.
De même, lorsque le cumul des fonctions de salarié et de mandataire social est
licite mais que les conditions de ce cumul ne sont pas remplies, les parties peuvent
décider de mettre fin au contrat de travail et faire ainsi échec à la suspension
automatique de ce contrat. La cessation du contrat de travail découlera donc

45
En principe, la démission forcée s’applique en cas de cumul illicite des mandats, voir AUSCGIE
(n 5) arts 425 et 497.
46
Pour le régime de la nullité dans la SA, voir Pohe Tokpa (n 15) 1866, para 76 ; BO Kassia, ‘Le recul
de la nullité dans l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt écon-
omique’ (2012) 848 Penant 352.

Rev. dr. unif., Vol. 20, 2015, 116–133


124 Cyrille Monkam

d’une convention des parties, de la démission du salarié, du licenciement du


salarié, ou de la novation du contrat.
Lorsque le cumul est régulier, le contrat de travail constitue un outil inestimable
de sécurité pour le cumulant. Sa nouvelle position lui permet désormais de pré-
tendre aux garanties découlant du droit social qui sont sans commune mesure
avec celles offertes par le droit des sociétés.

3. Les garanties découlant de l’admission du cumul de


fonctions en droit des sociétés anonymes OHADA
L’exercice de multiples fonctions au sein de la SA s’avère bénéfique pour toute

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personne qui s’y adonne. En plus de quelques avantages que peut lui procurer le
droit des sociétés, elle dispose d’un large éventail de garanties provenant d’ori-
gines diverses, tant au moment du cumul de fonctions (section A) qu’à sa fin
(section B).

A. Les garanties pendant le cumul de fonctions


La pratique du cumul de fonctions présente des intérêts certains en droit des
sociétés du fait de la spécificité et la rigueur des règles applicables à la gestion
sociale. D’une part, le cumul apparait comme une technique de la double
rémunération (section i) et une technique d’atténuation des effets de la révocation
ad nutum (section ii). Elle confère d’autre part la jouissance des droits attachés à la
qualité de travailleur (section iii).

i. Le cumul de rémunération
Au sein de la société anonyme, le cumul de fonctions débouche sur le cumul de
rémunérations47 qui en substance constitue une redoutable technique légale,
malgré les critiques qui peuvent être formulées à son encontre.
De manière générale, le principe du cumul de rémunération est posé par
l’article 430 AUSCGIE. Une lecture concomitante de cette disposition ainsi que
celles des articles 431 et 432 du même acte permet d’affirmer que la personne
qui cumule les fonctions au sein d’une SA peut prétendre à une triple
rémunération.
En tant que salariée, elle a droit à un salaire en contrepartie des prestations
fournies dans le cadre d’exécution de son contrat de travail.
En tant que mandataire social, elle bénéficie d’une indemnité de fonction qui est
une somme fixe annuelle que l’assemblée générale ordinaire alloue à ce dernier en
guise de rémunération de ses activités au sein de la société. C’est d’ailleurs l’une
des conditions de validité du cumul de fonctions.

47
Voir C Puigelier, ‘Les incidences du cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social : de trop
nombreuses incertitudes’ (1992) 1 Juris-classeur périodique éd. entreprise 188 ; P Laurent, ‘Le salaire
des dirigeants sociaux titulaires d’un contrat de travail’ (1978) 1 Gazette du Palais Doctrine 146 ; D
Gibirila, ‘L’administrateur salarié d’une société anonyme’ (1989) Revue de jurisprudence commer-
ciale 337.

Unif. L. Rev., Vol. 20, 2015, 116–133


Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 125

En plus de cette indemnité de fonction, le mandataire social peut recevoir des


rémunérations exceptionnelles pour les missions et mandats qui lui sont confiés
ou le remboursement des frais engagés dans l’intérêt de la société. Cette dernière
rémunération se situe par extension en droite ligne avec les règles qui s’appliquent au
mandat. Celui qui choisit de représenter une autre personne ne doit souffrir de quelle
que façon que ce soit dans son patrimoine du fait de son activité de représentation.
Sans être à proprement parler une rémunération, si la personne qui cumule est
en plus actionnaire, elle percevra les dividendes, symbole de son appartenance au
contrat social.
Ainsi compte tenu de tous ces avantages, la consécration du caractère d’ordre
public de cette règle est justifiée en droit OHADA. D’ailleurs, toute clause statutaire

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ou décision collective qui contreviendrait à ce principe serait nulle et de nul effet.48
Si ce principe reste compréhensible et même légitime, il pose cependant quelques
difficultés du point de vue de l’harmonie des rapports entre les acteurs sociaux.
En effet, cette technique est discutable du point de vue de la protection des
intérêts catégoriels au sein de la société. Le bénéficiaire du cumul de rémunération
appartient au même moment à diverses catégories d’acteurs sociaux. Sa situation
privilégiée peut faire l’objet au sein de la société d’énormes critiques et déboucher
sur des conflits d’intérêts ou de personnes. Le cas du mandataire actionnaire
salarié est, en l’espèce, illustratif. Jouissant d’avantages de toute sorte tels que
décrits, il apparait que la recherche de l’égalité souhaitée entre associés serait ainsi
profondément affectée. Le législateur, par ce principe d’égalité,49 avait voulu que
des personnes qui s’engagent dans une activité économique possèdent des droits
équitables et tirent de celle-ci des bénéfices équitables suivant leur degré d’impli-
cation ou le nombre de leurs actions.
Le cumul de rémunérations serait alors la source d’un pouvoir déséquilibrant
entre actionnaires. Un tel déséquilibre pourra créer, au sein de l’organe dirigeant
ou parmi les actionnaires, une lutte incontrôlable qui risquerait de déteindre sur
la bonne marche de la société. L’idéal serait que le législateur renforce les règles
afin de limiter la permanence du cumul, et ainsi d’instaurer un cumul rotatif pour
tout actionnaire, quelle que soit sa qualité (majoritaire ou minoritaire), pour qu’il
puisse prétendre au sein de la société aussi aux fonctions dans lesquelles il peut
justifier d’une qualification professionnelle.
Bien que constituant à certains degrés un moyen de rupture de l’égalité entre
actionnaires, le cumul de rémunérations expression du cumul de fonctions peut
constituer une alternative à la révocation ad nutum.

ii. L’atténuation des effets de la révocation ad nutum


Des dispositions combinées des articles 433-2, 469, 575, 484, 492 et 509
AUSCGIE, il ressort que les administrateurs, le conseil d’administration,

48
Voir AUSCGIE (n 5), art 430 in fine.
49
Voir A FAYE, ‘L’égalité entre associés (Acte uniforme sur le droit des sociétés et du GIE)’ (2003) 2
Droit écrit, Droit sénégalais 9.

Rev. dr. unif., Vol. 20, 2015, 116–133


126 Cyrille Monkam

l’administrateur général, le directeur général adjoint, le directeur général et le


président directeur général peuvent être révoqués50 à tout moment51 par l’assem-
blée générale ordinaire ou par le conseil d’administration. Il est constant que
l’assemblée d’actionnaires est l’organe souverain de la société puisqu’elle est
investie des pouvoirs de nomination, de remplacement ou de révocation des
mandataires sociaux.52 Cependant, il est désormais admis en France et recom-
mandé en droit OHADA53 que l’assemblée extraordinaire puisse valablement
prendre une décision de révocation dans le respect des règles de quorum et de
majorité prévues pour les assemblées ordinaires.
Dans les sociétés anonymes, la révocation constitue une arme redoutable entre
les mains des actionnaires puisqu’à tout moment elle peut être brandie malgré le

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contrôle a postériori imposé par le législateur. Dans le contexte du cumul de
fonctions, elle constitue une importante, sinon la plus importante, raison de la
complexité des règles s’appliquant au cumul puisqu’elle permet de disséquer les
fonctions de mandataire social et de salarié.
Fort de ce constat, la technique qui consiste à cumuler le mandat social avec un
contrat de travail est utilisée pour atténuer54 le principe de la libre révocabilité des
dirigeants sociaux.
En effet, placé dans un état de subordination à l’entreprise, le mandataire salarié
se retrouve dans une situation privilégiée car le contrat de travail qui le lie à la
société constitue un moyen de limitation des conséquences financières néfastes
qui pourront l’atteindre au moment de sa révocation du poste de dirigeant social.
De plus en plus, on constate que la jurisprudence s’oriente vers l’assouplissement
50
De manière générale, la révocation est « la traduction de l’exercice pour les associés de leur droit de
surveiller la gestion de la société et de pourvoir au remplacement des dirigeants en qui ils n’ont
plus confiance » (voir K Adom, ‘La révocation des dirigeants de sociétés commerciales’ (1998)
vol(issue) Revue de droit des sociétés 488) ou mieux, « l’acte par lequel les associés ou les organes
habilités décident, avec ou sans motifs, de mettre un terme prématuré aux fonctions des dirigeants
» (voir A Akam Akam, ‘La cessation des fonctions des dirigeants des sociétés commerciales en droit
OHADA’ (2009) 3 Afrilex 2.
51
Avant l’acte uniforme, ce principe de révocation fut posé par l’article 22 de la loi française du 24
juillet 1867 relative aux sociétés anonymes. Pour la révocation d’un directeur général, voir Cour
Suprême de Côte d’Ivoire, Ch Jud, Arrêt n 404/04 du 11 juillet 2004, Kone Kafongo v Bhci (2005)
47 Actualités Juridiques 87, note Kassia Bi Oula, Ohadata J-05-344, Répertoire quinquennal
OHADA (2000–5) 656. Pour la révocation d’un administrateur, TPI d’Abidjan-Plateau,
Jugement n 94 du 12 avril 2001 (1e espèce) et CA d’Abidjan, Arrêt n 1176 du 24 août 2001
(2e espèce), Koffi Victor Bergson v Loteny Telecom (2002) 12 Ecodroit 8, Ohadata J-02-184,
Répertoire quinquennal OHADA (2000–5) 657.
52
Dans un arrêt du 24 octobre 2003, la Cour d’appel d’Abidjan rappelait sans ambages que « l’organe
compétent pour révoquer un PDG et son équipe dirigeante est l’assemblée générale . . . » : voir CA
d’Abidjan, Arrêt n 1161 du 24 october 2003, Sté Ash Internationale v Maurice Kacou, Ohadata
J-03-317.
53
Voir Akam Akam (n 50) 11 para 21.
54
En droit français, cette atténuation est faite dans le but d’assurer une meilleure protection aux
dirigeants sociaux. Voir Meuke (n 38) 3 et Akam Akam (n 50) 13 et seq. C’est pourquoi en dehors
de cette pratique, il y a aussi la pratique des « golden parachute » ou « parachutes dorés » qui a été
implicitement interdite en droit OHADA. Elle consiste pour le dirigeant de se ménager conven-
tionnellement une possibilité visant à limiter les conséquences financières néfastes de la révoca-
tion. Pour cette notion, voir J El Adhab, ‘Les parachutes dorés et autres indemnités
conventionnelles de départ des dirigeants : approche pluridisciplinaire et comparée’ (2004) 1
Revue de droit des sociétés 18.

Unif. L. Rev., Vol. 20, 2015, 116–133


Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 127

des effets de la révocation ad nutum en considérant qu’une convention, réglant les


conditions de départ ne saurait être nulle par essence,55 et que la prohibition des
indemnités ne soit pas d’ordre public comme le prévoit la libre révocabilité. Il
semble que l’idéal soit la remise en cause du mécanisme de la révocation ad nutum
dans toute sa globalité,56 afin de faire régner en droit des sociétés la protection
équitable des droits de tous les acteurs sociaux.

ii. La jouissance des droits attachés à la qualité de travailleur


A partir du moment où la personne qui cumule les fonctions occupe un poste de
travail effectif et permanent au sein de la société, elle devient titulaire des droits
tant en période d’activité (section a) qu’en période d’inactivité (section b).

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a. Les droits en période d’activité
L’employé bénéficie en position d’activité d’un certain nombre de droits dont les
principaux concernent sa protection économique et sa protection physique.
D’une part, le salarié bénéficie d’une rémunération qui demeure la contrepartie
de la prestation. En effet, la rémunération du travail effectué est un indice sérieux
de l’existence du contrat de travail. La rémunération contractuelle peut être
d’origine légale ou avoir comme origine les usages.
Au Cameroun, une distinction doit d’être faite entre le salaire de base et les
accessoires de salaire. L’avènement du Code de travail de 199257 a introduit le
principe de la libre négociabilité du salaire, peu importe les zones de salaire, les
secteurs d’activité et la classification professionnelle. La ligne rouge demeure le
respect du montant du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG)58 et
les dispositions des conventions collectives qui peuvent prévoir des salaires plan-
chers dans les secteurs d’activité auxquels elles s’appliquent. Autrement dit, le
salaire est fixé d’accord parties, mais est encadré par des minima conventionnels
et légaux.
Calculé au temps ou au rendement, le salaire peut être complété dans de nom-
breux cas par des compléments qui sont fixés par la réglementation en vigueur.
Ces compléments peuvent prendre des formes très diverses. Très souvent en
espèce,59 ils sont aussi octroyés au travers d’avantages en nature à l’instar du
logement, de la nourriture, du transport et de l’habillement.
Le salaire de base peut être augmenté des majorations résultant d’heures sup-
plémentaires effectuées ou de primes destinées à compenser certaines contraintes
particulières. Cette importance du salaire en droit social du fait de son caractère
55
Par exemple si elles sont conformes à l’intérêt social et si elles ne constituent pas un obstacle à toute
révocation.
56
Voir F-X Lucas, ‘L’avenir de la révocabilité ad nutum des dirigeants sociaux’ (2001) Droit des
sociétés.
57
Voir Loi n 92/007 du 14 août 1992 portant Code de travail au Cameroun.
58
Son montant récemment rénové est de 36270 XAF au Cameroun, reste à savoir si en pratique ce
minimum sera respecté par les corps de métiers.
59
Il peut s’agir des primes, des gratifications, des indemnités et des pourboires selon le secteur
d’activité concerné.

Rev. dr. unif., Vol. 20, 2015, 116–133


128 Cyrille Monkam

alimentaire impose une protection contre les créanciers du travailleur60 et contre


ceux de l’employeur.61 L’exercice de l’activité salariée ne doit pas constituer un
motif de mépris de la santé du travailleur.
D’autre part, pendant l’exécution de son contrat de travail, l’employeur est tenu
de mettre son employé dans des conditions devant lui permettre de parvenir
efficacement à l’exécution de la prestation promise. Aussi, il doit fournir un
cadre sain pour l’exécution de la prestation et doit offrir toutes les mesures
pour préserver la sécurité du travail et au travail.
En plus de ces mesures, le travailleur bénéficie des périodes de repos obligatoires
qui intègrent le repos hebdomadaire, les congés payés, les jours fériés et les per-
missions exceptionnelles. Toutes ces mesures permettent au travailleur de con-

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server une forme devant lui permettre d’assurer une exécution pérenne de son
contrat. Toute transgression de ces différents droits est sévèrement sanctionnée.
Ces mesures pourront aussi avoir pour effet d’accroitre l’opérationnalité du sal-
arié dirigeant sur les tâches sociales.
Ces avantages ne se justifient que si l’employé exécute la prestation promise
dans son contrat. Mais plusieurs facteurs peuvent empêcher ce dernier d’exécuter
normalement son contrat, auquel cas, la nature de ses droits se transforme en un
simple moyen de survie pour ce dernier.

b. Les droits en période d’inactivité


Selon que l’inactivité de l’employé est provisoire ou définitive,62 les droits qui lui
sont accordés peuvent prendre diverses appellations : indemnité et pension.
Encore appelées « salaire du non travail »,63 les indemnités découlent de la
suspension du contrat de travail64 qui entraı̂ne l’interruption momentanée des
relations de travail et le non paiement du salaire. Dans la plupart des cas, cette
indemnité est versée soit par l’organisme en charge de la sécurité sociale65 soit par
l’entreprise conformément à la convention collective applicable.66 Il est toutefois
important de relever que toute cause de suspension n’ouvre pas droit à
l’indemnité. Il en serait légitimement le cas du départ de l’employé sous les
drapeaux entraı̂nant fermeture de l’entreprise, de la garde à vue ou de la détention
provisoire et de grève illicite.

60
Au Cameroun, cette protection est assurée au travers du décret n 94/197/PM du 9 mai 1994 fixant
la quotité cessible et saisissable du salaire.
61
Au regard des actes uniformes portant sur le droit des sûretés et sur le droit des procédures
collectives d’apurement du passif, le salaire bénéficie d’un double privilège à savoir le privilège
général et le superprivilège.
62
Pour les causes d’inactivité du salarié, voir Code de travail camerounais (n 57) art 32.
63
Voir Z Anatzepouo, ‘Le droit camerounais du travail en chiffre’ (1997) 1 Annales de la Faculté des
sciences juridiques et politiques, Université de Dschang, 113.
64
Pour les causes, voir Code de travail camerounais (n 57) art 32.
65
Au Cameroun, il s’agit de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS). Ce sera le cas en
présence de la maternité, d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle.
66
C’est la situation en cas de maladie non professionnelle, du départ du travailleur sous les drapeaux
et du chômage technique.

Unif. L. Rev., Vol. 20, 2015, 116–133


Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 129

En cas de rupture normale du contrat de travail du fait de la vieillesse, du décès


ou d’une invalidité survenue en cours d’exécution du contrat de travail et décou-
lant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le travailleur a droit à une
pension de vieillesse, d’invalidité et de décès.67 Versée par l’organisme en charge
de la sécurité sociale, cette pension est le fruit des cotisations patronales et salar-
iales au titre de leur contribution sociale. Elle est due au travailleur en personne ou
à ses ayants droit.
Cette protection qui découle du droit social est complétée et renforcée par un
droit commun de l’indemnisation dont le leitmotiv est de réparer les abus de
toute sorte commis à l’égard de tout membre de la société.

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B. Les garanties à la fin du cumul de fonctions : le bénéfice de
l’indemnisation
Le droit à la révocation ad nutum du mandataire social et le droit de licencier le
salarié méritent dans le cadre du cumul de fonctions d’être encadrés afin que
les pouvoirs reconnus aux associés et à l’employeur ne se transforment pas en
instruments d’injustice.
Le droit commun n’offre-t-il pas une voie royale pour l’encadrement desdits
pouvoirs ? Certainement, car il ressort de l’article 1382 du Code civil applicable au
Cameroun que toute faute qui cause préjudice à autrui ouvre droit à réparation.
Mais avant de déterminer le montant de cette réparation (section i), il convient
d’abord de s’interroger sur son fondement (section ii) dans le cadre d’un cumul
de fonctions.

i. Le fondement du droit à réparation


Qu’il s’agisse de la révocation ad nutum ou du licenciement,68 le fondement de
l’indemnisation réside dans l’abus du droit d’agir. Aussi, la réparation tire son
fondement d’une part de la théorie d’abus de droit (section a) et, d’autre part, du
mauvais exercice du pouvoir disciplinaire (section b).

a. L’acceptation du fondement tiré de l’abus de droit


L’abus de droit69 est une notion juridique à géométrie variable, notamment
associée au droit moral qui permet de sanctionner tout usage d’un droit qui
dépasse les bornes de l’usage raisonnable de ce droit.
67
Pour bénéficier de cette pension (vieillesse), il faut être immatriculé à la CNPS depuis au moins 20
ans au régime des pensions et avoir cessé toute activité, avoir au moins 60 ans, réunir au moins 180
mois de cotisation (pension de survivant). Pour la pension d’invalidité, il faut être atteint d’une
invalidité dûment constatée, être âgé de moins de 60 ans, réunir au moins 5 ans d’immatriculation
à la CNPS, réunir au moins 6 mois d’assurance au cours des 12 mois précédant le début de
l’incapacité ayant conduit à l’incapacité (sauf si l’invalidité résulte de l’accident).
68
Les motifs du licenciement peuvent être semblables à ceux à l’origine de la révocation du mandat
social à l’exemple de la mauvaise gestion de la société et diverses fautes du salarié.
69
Voir P Ancel, G Aubert et C Chappuis, L’abus de droit : comparaisons franco-suisses, Actes du
séminaire de Genève, Mai 1998, Publication de l’Université de Saint Etienne ; P Ancel, ‘Critères et
sanctions de l’abus de droit en matière contractuelle’ (1998) 6 Cahiers de droit et d’entreprise 30 ; A
Couret, ‘L’abus et le droit des sociétés’ (juin 2000) Droit et Patrimoine 66.

Rev. dr. unif., Vol. 20, 2015, 116–133


130 Cyrille Monkam

D’origine prétorienne,70 l’abus de droit impose au juge un effort d’analyse


de la proportionnalité des droits exercés. Qu’il résulte du critère de l’intention
de nuire ou du critère de détournement de finalité, l’abus de droit est
envisagé comme une source de responsabilité71 et, plus spécifiquement en matière
contractuelle, il est une variété de la responsabilité pour manquement à la bonne
foi.
Ainsi, le dirigeant révoqué peut invoquer l’article 1382 du Code civil
pour demander réparation du préjudice à la suite d’une révocation ayant
porté atteinte à son honneur ou à sa dignité;72 ou si la révocation a été
faite sous une formalité irrégulière73 ou de manière intempestive ou désobli-
geante,74 vexatoire ou injurieuse.75 Depuis la réforme de 2014, le législateur

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OHADA offre cette possibilité d’action en réparation en cas d’abus du droit de
révocation.
Lorsque la révocation ad nutum du mandataire social intervient dans ces con-
ditions,76 la jurisprudence, contrairement à la prohibition de protection matéri-
elle et financière, a le devoir de réparer le préjudice subi par le représentant social.
Ce pouvoir de sanction de l’illicéité de la liberté ou de la faculté d’agir reconnu
aux associés s’observe aussi lorsque l’employeur utilise mal son pouvoir
disciplinaire.

b. Les réserves quant au fondement tiré de l’abus dans l’exercice du pouvoir


de licencier
L’argument qui peut être avancé pour motiver ou pour justifier une sanction
mettant un terme au cumul de fonctions peut s’avérer inefficace. Cette inefficacité
peut trouver une explication dans la jurisprudence ancienne. En effet, avant la loi
française du 27 décembre 1890 réglementant la résiliation unilatérale du contrat
de travail, la Cour de cassation affirmait que « nul n’est en faute et passible de

70
L’abus de droit qui n’est consacré par aucun texte en droit français apparaı̂t aujourd’hui comme
une notion jurisprudentielle et doctrinale rattachée aux principes généraux de droit. En effet, c’est
l’arrêt de la célèbre affaire de la « fausse cheminée » rendu par la cour d’appel de Colmar en 1855
qui évoqua pour la première fois l’idée d’abus de droit en France (2 mai 1855, (1856) DP 2, 9). Voir
aussi EH Perreau, ‘Origine et développement de la théorie de l’abus de droit’ (Year) 37 Revue
générale de droit 481.
71
Voir Ancel et al (n 69) 28.
72
Cass. Com., 19 octobre 1981 (1982) Revue de droit des sociétés 821.
73
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Ch Jud, Arrêt n 351/07 du 14 juin 2007, Poste de Côte d’Ivoire c/
Zehi Sébastien Gbale (2008) 59 Actualités Juridiques 306 ; Répertoire quinquennal OHADA
(2006–10) tome II, 765 (4e Partie, Jurisprudence). Pour un non respect du principe du contra-
dictoire, Cass Com, 26 novembre 1996 (1997) Bulletin Joly 141, para 47, C Prieto.
74
CA Paris, 30 juin 2009, (2010) 1 RJDA para 34.
75
CA Paris, 4e ch, 16 février 1977 (1977) Droit 446 ; Cass. Com., 2 octobre 1978 (1978) Revue de droit
des sociétés 320, note Sipon ; CA Paris, 13 octobre 2000 (2001) Bulletin Joly Sociétés 176.
76
Si la révocation est fondée ou si la victime n’apporte pas la preuve de son irrégularité, sa demande
sera rejetée. Voir CCJA, Arrêt n 032/2007 du 22 novembre 2007, Thomas Christophe Emmanuel
Wielezynski c/ Cofipa Investment Bank Côte d’Ivoire SA (2007) 10 Recueil de Jurisprudence 19,
(2008) 1 Le Juris Ohada 37, Ohadata J-08-242, Répertoire quinquennal OHADA (2006–10) tome
II, 766 (4e Partie, Jurisprudence).

Unif. L. Rev., Vol. 20, 2015, 116–133


Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 131

dommages-intérêts, s’il n’a fait qu’user de son droit ».77 Mais cette loi qui
marque l’avènement du licenciement abusif a servi de déclencheur aux
ambiguı̈tés de la notion d’abus de droit.78 Ce qui sous-tend l’idée que le licencie-
ment abusif ne serait, en fait, qu’une application au licenciement de la notion
d’abus de droit.79
Contrairement à la révocation ad nutum, le licenciement du travailleur
doit être fondé sur un juste motif. Tout licenciement intervenu en dehors de
cette condition sera considéré comme abusif.80 Les abus peuvent se manifester
de diverses manières. En effet, sont abusifs, les licenciements motivés par les
opinions du travailleur, son activité syndicale, son appartenance ou non à un
syndicat ; les licenciements intervenus au mépris des formalités prévues, à savoir

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la notification du motif de la rupture et l’observation du délai de préavis;
du licenciement déguisé intervenu par suite de pressions effectuées sur le salarié
en vue de le voir démissionner ou par suite d’une mise en chômage tech-
nique pour une durée indéterminée. La notion de licenciement abusif
apparaı̂trait alors comme une « notion fourre tout »81 puisque toutes les législa-
tions africaines du travail y intègrent même des licenciements non fondés sur un
motif légitime. La nécessité de motiver le licenciement de l’employé se justifie par
la nature de l’acte qui en réalité constitue un acte de gestion d’un bien82 et la
preuve du caractère légitime du motif demeure un moyen de protection du
travailleur.
Dans l’un ou l’autre cas, l’abus dans l’exercice des droits des associés et de
l’employeur est sanctionné par la réparation du préjudice qui est causé à la
personne ayant perdu son poste de mandataire ou son emploi.

ii. Le montant de la réparation


La fixation de ce montant diffère selon que l’on est en présence de l’abus du droit
de révoquer qui confère un pouvoir d’appréciation au juge (section a) ou de
l’abus du droit de licencier qui confère une indemnité strictement encadrée à
l’intéressé (section b).

77
Voir Civ. 5 février 1872 (1873) 1 Dalloz périodique 64 ; Civ. 28 avril 1874, (1874) 1 Dalloz périod-
ique 304.
78
Voir Ancel (n 69) 55.
79
Pour une critique de cette application, voir J-M Tchakoua, ‘Libres propos sur les licenciements en
droit camerounais’ (1995) 25 Juridis périodique 68, 68 et seq.
80
Pour Ancel (n 69) le recours à la notion d’abus ne paraı̂t pas pertinent si le comportement qualifié
d’abusif s’inscrit simplement dans le cadre d’une liberté ou d’une faculté d’agir reconnu au sujet.
Aussi, la tendance contemporaine à ranger sous la bannière de l’abus de droit toute sorte de
comportement ou d’actes qualifiés d’abusif relèverait d’un certain verbalisme. De même, pour
J.-M. Tchakoua, ‘L’harmonisation du droit du travail dans le cadre de l’OHADA : la mesure d’un
changement en perspective’ (2010) Ohadata D-10-29, p. 11, l’invocation de la théorie de l’abus de
droit pour expliquer la violation d’une règle frontale dans le cadre du licenciement est contestable
car l’employeur qui licencie sans motif légitime n’abuse pas d’un droit, le législateur lui ayant retiré
dans ces conditions le droit en question.
81
Tchakoua (n 80) 11.
82
J-M Tchakoua, ‘La démission et le licenciement : une histoire de vrais faux jumeaux’ (2007) 70
Juridis Périodique 90, 90 et seq.

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132 Cyrille Monkam

a. Le pouvoir d’appréciation du juge en cas d’allocation des


dommages-intérêts
Dans le cadre de l’abus de droit, le montant de la réparation trouve sa cause dans
la violation d’un droit moral.83 C’est pourquoi le juge occupe une place prépon-
dérante dans le processus d’indemnisation du préjudice subi du fait du compor-
tement des associés. Cette indemnisation qui se résout en dommages-intérêts doit
être proportionnelle au préjudice subi ou au gain manqué par le mandataire.
Aussi, le juge se doit en fonction du degré du préjudice d’octroyer une juste
réparation au mandataire révoqué. Ce montant devra tenir compte de tous les
avantages et autres éléments de faveur dont bénéficiait le mandataire du fait de
l’exercice de son pouvoir et de tous les autres avantages perdus en dehors de la

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fonction du fait de la nature de la révocation.
Toutefois, il ne s’agit pas de conférer au dirigeant révoqué une réparation
indisproportionnée au préjudice subi ou de nature à mettre en péril la survie
de l’entité économique. Les pouvoirs du juge sont par contre moins étendus dans
le cadre du licenciement car il doit se contenter du taux légal prévu pour octroyer
l’indemnité.

b. L’application de la loi de l’État du siège social en cas d’indemnité


de licenciement
Le salarié irrégulièrement congédié bénéficiera, en attendant l’adoption du projet
d’acte uniforme OHADA portant droit du travail, de l’application de la loi de
l’État du siège social de la société.
Au Cameroun, cette indemnité est due au travailleur qui réunit au moins une
année d’expériences professionnelles. Son montant correspond pour chaque
année de présence dans l’entreprise à un pourcentage du salaire mensuel
moyen des douze derniers mois précédant le licenciement et suivant certains
taux légaux84 ou conventionnels.
Par ailleurs, et indépendamment de cette indemnité, le salarié licencié peut
bénéficier des dommages-intérêts,85 des frais de transport, de l’indemnité de
préavis au cas où elle est due et de son certificat de travail.

4. Conclusion
Le régime de cumul de fonctions demeure bien circonscrit et encadré en droit
OHADA. Il révèle des enjeux tant économiques que sociaux et s’insère dans le
cadre stratégique de la lutte contre la précarité des fonctions de mandataire social

83
Voir EE Zola-Place, ‘La théorie de l’abus de droit dans l’exercice du droit moral a de beaux jours
devant elle’, Note sous TGI Paris, 3e ch. 4e sect. 9 février 2012.
84
Voir Code de travail camerounais (n 57) art 37 et, Arrêté n 16/MTPS/SG/CJ du 26 mai 1993 ;
d’ailleurs, d’après l’article 46 de l’Avant Projet d’Acte Uniforme portant droit de travail, le taux et
les modalités de calcul de cette indemnité sont fixés par l’État partie.
85
Si l’octroi de ces dommages reste facultatif (le juge pouvant rejeter la demande) en droit camer-
ounais (art 39), le législateur OHADA dans son avant projet (voir arts 47 et 48) en fait une
obligation en cas de licenciement abusif.

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Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 133

dans l’espace communautaire. Toutefois, ce droit relativement mature recèle


encore des imprécisions et incohérences qui semblent avoir déjà été résolues
ailleurs. On devrait certainement s’en référer en attendant que les juges chargés
d’interpréter le droit uniforme fixent leur jurisprudence en la matière.
Par ailleurs, une meilleure assimilation de la notion de cumul de fonctions en
droit des sociétés OHADA passe par la construction effective d’un droit africain
du travail. En somme, la transversalité des règles applicables à cette notion con-
coure à n’en point douter en droit des sociétés anonymes OHADA à la recherche
d’un droit au bonheur : bonheur de l’entreprise, bonheur des dirigeants et bon-
heur des salariés.

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