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1. Introduction
Une simple notion d’« emploi effectif »1 pour garantir l’existence du cumul2 de
fonctions dans les relations professionnelles liant un dirigeant ou un salarié à sa
société en vue de l’exercice d’une autre fonction en son sein, voilà un phénomène
qui devrait bouleverser les règles pratiques de gestion et d’autonomie du droit des
sociétés de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA).3
* Assistant Lecturer, Department of Law, Faculty of Social and Management Sciences (FSMS),
University of Buea, BP 63, Buea, Cameroon. E-mail: cyrimo2009@yahoo.fr;
monkam.cyrille@ubuea.cm.
1
Cette notion figure expressément à l’article 426 de l’AUSCGIE.
2
Le mot cumul vient du latin cumulare qui signifie accumuler, amonceler, entasser. Le cumul est
donc l’action de cumuler une chose avec une autre.
3
L’OHADA est née de la signature du traité de Port Louis en Ile Maurice le 17 octobre 1993 et a été
révisé le 17 octobre 2008 notamment en ses articles 2 et 5–10 (‘Traité OHADA’). Elle compte de
nos jours 17 États parties repartis en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Pour la genèse et
l’effectivité de la présente organisation, consulter J Issa Sayegh et J Lohoues-Oble, OHADA,
Harmonisation du droit des affaires (Bruylant 2002).
! The Author (2015). Published by Oxford University Press on behalf of UNIDROIT. All rights reserved.
For Permissions, please email journals.permissions@oup.com
Unif. L. Rev., Vol. 20, 2015, 116–133
doi:10.1093/ulr/unv001
Advance Access publication: 27 February 2015
Réflexions sur le cumul de fonctions en droit des sociétés anonymes de l’OHADA 117
4
Parfois assimilée au cumul des mandats, cette notion s’en démarque en droit des sociétés du fait de
sa spécificité. Voir A Arseguel, ‘Les dirigeants de sociétés et le droit du travail’ (1996) 276 Revue
française de comptabilité 63; B Petit, ‘Le sort du contrat de travail des directeurs généraux’ (1991)
Droit des sociétés 463; E. du Pontavice, ‘Quelques arrêts récents rendus en matière de cumul d’un
mandat social et d’un contrat de travail’ (1987) 1 Juri-social 45.
5
Voir l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt écono-
mique, modifié le 30 Janvier 2014 à Ouagadougou (Burkina Faso) (AUSCGIE), et l’Acte uniforme
portant sur le droit des sociétés coopératives du 15 décembre 2010, fait à Lomé au Togo. Mais
l’Acte uniforme sur les sociétés coopératives, bien qu’évoqué, sera mis en marge de cette réflexion
du fait de l’interdiction du cumul de fonctions imposée à ses dirigeants.
6
Voir Traité OHADA (n 3) art 5.
7
L’un des objectifs de l’OHADA était de favoriser l’attractivité des investissements étrangers. Voir
ibid, art 1. Voir aussi K Baye, ‘L’histoire et les objectifs de l’OHADA’ (2004) 205 Petites Affiches 4.
8
L’OHADA garantit la liberté d’entreprendre ou de mener l’activité commerciale de son choix ;
la libre circulation des biens et des personnes ; la garantie du droit au travail, la liberté
syndicale et le droit de grève ; la protection des biens en général et plus particulièrement de la
propriété ; etc.
9
S’inscrivant dans une perspective de relèvement et de redressement des économies africaines en
crise, le droit issu du Traité OHADA visait l’encouragement des délocalisations des firmes multi-
nationales vers l’Afrique. Voir R Foche et V Ouafo Bepyassi, ‘Le droit de l’OHADA : un capital vital
pour le redressent de l’économie africaine’, in J Gatsi (dir), L’effectivité du droit de l’OHADA
(Presses Universitaires d’Afrique 2006) 59.
10
Voir AUSCGIE (n 5) art 4. Mais, il faut relever que la consécration de la société unipersonnelle
marque à n’en point douter le recul du débat juridique sur le caractère contractuel ou institu-
tionnel de la société.
11
Voir J Paillusseau, ‘Les fondements du droit moderne des sociétés’ (1984) 2 Juris-classeur périod-
ique éd. générale 14193.
12
Voir J Paillusseau, ‘Le droit des activités économiques à l’aube du XXIe siècle’ (23 janvier 2003) 4
Cahiers de Droit des affaires et (30 janvier 2003) 5 Cahiers de Droit des affaires.
13
Encore appelées sociétés de personnes, elles regroupent la société en noms collectifs (SNC)—voir
AUSCGIE (n 5) Livre 1—et la société en commandite simple (SCS)—voir ibid, Livre 2. Pour un
cas de cumul entre la qualité d’associé et de salarié dans une SNC, voir Cass Com 29 septembre
2009, no 08-19.777, F-P+B, Souliers C/ BNP Paribas, note D Gallois-Cochet (2009) 12 Droit des
sociétés comm 225.
limités.14 Mais cette réflexion sera cantonnée à la société anonyme, variante des
secondes.
Présentée comme l’instrument du capitalisme moderne,15 la société anonyme
est définie comme « une société dans laquelle les actionnaires ne sont responsables
des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les droits des action-
naires sont représentés par les actions ».16 Sa classification se fait en droit suivant
un double critère, à savoir, celui du mode de gestion et celui du mode de mobil-
isation du capital social. Lorsque le critère du mode de gestion est retenu, on
distingue la société anonyme avec conseil d’administration17 et la société anon-
yme avec administrateur général.18 Lorsque le critère du mode de mobilisation du
capital social est retenu, la distinction se fait entre les sociétés anonymes ne faisant
14
Cette catégorie qui regroupe les sociétés de capitaux renvoie surtout à la société anonyme (S.A,
voir Livre 4 de l’AUSCGIE), la société par actions simplifiées (SAS)—voir AUSCGIE (n 5) Livre
4-2—et exceptionnellement à la société à responsabilité limitée (SaRL)—voir ibid, Livre 3.
15
G Ripert, Les aspects du capitalisme moderne, Paris 1951, n 46 cité par D Pohe Tokpa, ‘Société
anonyme avec conseil d’administration’, in PG Pougoue (dir), Encyclopédie du droit OHADA
(éditions Lamy 2011) 1853, 1854, para. 2.
16
Voir AUSCGIE (n 5) art 385.
17
Elle est la règle et est constituée lorsque la société compte plus de trois actionnaires.
18
Considérée comme l’exception à la règle, elle est constituée lorsque la société anonyme compte au
plus trois actionnaires.
19
Pour le régime de ces types de sociétés, voir M Ngom, ‘Société faisant appel public à l’épargne’, in
Pougoue (dir) (n 15) 1883.
20
Cet article dispose :
Sauf stipulation contraire des statuts, un salarié de la société peut être nommé administrateur
si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même, un administrateur peut
conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond à un emploi effectif.
Dans ce cas, le contrat est soumis aux dispositions des articles 438 et suivants du présent Acte
uniforme.
21
Il faut relever que la conclusion d’un contrat de travail entre dans le régime des conventions
réglementées pouvant intervenir entre un administrateur et la société dans laquelle il a un
mandat social. Pour le cumul, voir V Collier, ‘Le cumul d’un contrat de salarié et d’un mandat
social : conditions et effets’, http://www.village-justice.com/articles/cumul-contrat-salarie-
mandat,1154.html, consulté le 3 janvier 2013; C Ducouloux-Favard, ‘Quand y a-t-il rémunération
excessive des dirigeants des sociétés ?’, Gazette du Palais (février 2010) 11, 13 ; Arseguel (n 4) ; Petit
(n 4) ; du Pontavice (n 4).
22
Il faut relever qu’il s’agit d’une évolution du droit OHADA par rapport au droit français. En effet,
la réforme du droit des sociétés intervenue en France (loi du 24 juillet 1966) n’autorise en son
article 93 le cumul de fonctions qu’au profit des salariés. Ce qui implique qu’un administrateur ne
peut devenir salarié de la société anonyme en droit français. Voir G Ripert et R Roblot, Traité
élémentaire de droit commercial (1e éd, LGDJ 1978) 827–8, para 1278.
cumul des mandats23 dont le régime a été clairement défini par le législateur
OHADA.24
On parle de fonction lorsqu’une personne met son activité au service du public,
pour remplir une tâche déterminée, soit directement, soit dans le cadre d’une
organisation collective publique ou privée.25 La fonction peut être exercée d’une
façon indépendante ou d’une façon dépendante, sous le couvert d’une organisa-
tion collective. L’emploi pour sa part est une tâche permanente et définie dans
l’entreprise ; plus généralement un travail salarié. Le cumul de fonctions ou
d’emplois serait alors le fait, en général interdit ou limité, d’occuper plusieurs
emplois publics, ou un emploi public et une profession privée, ou plusieurs
emplois privés au sein d’une même entreprise ou de plusieurs entreprises.
Dans le cumul ascendant, l’aspirant au cumul est un salarié qui est nommé31 ou
coopté,32 ou bien élu au conseil d’administration. Dans ce cas, le cumul apparait
pour le salarié comme une promotion en termes de hiérarchie des pouvoirs au
sein de la société. Le salarié devenu mandataire33 cumulera désormais les fonc-
tions de gestionnaire avec celles de subalterne de la société.
Dans le cumul descendant, un dirigeant social souhaite exercer, en plus de ses
fonctions d’administrateur, les fonctions de salarié et donc de subalterne. En effet,
les articles 466, 481 et 489 de l’acte uniforme reconnaissent respectivement au
président directeur général, au président du conseil d’administration et au direc-
teur général34 la possibilité de cumuler des emplois au sein de la société anonyme.
Nonobstant tout renvoi à l’article 426, le législateur autorise en ses articles 499 et
31
Il n’est pas exclu qu’au moment de sa nomination, son contrat de travail soit nové dans ses
nouvelles fonctions de direction. Voir Cass Soc, 1 juin 1978 (1979) Revue de droit des sociétés
79, note P Le Cannu.
32
L’article 429 AUSCGIE (n 5) définit les modalités de la cooptation au sein du conseil d’admin-
istration de la société anonyme en cas de vacance ou de démission d’un ou de plusieurs membres
du conseil d’administration.
33
Cette situation est toutefois de nature à créer une certaine confusion lorsque cette société est une
filiale qui fait partie d’un groupe de sociétés. L’intervention du salarié, Président Directeur Général
(PDG) de filiale au sein du groupe, nécessite souvent que celui-ci dispose d’un certain nombre
d’actions pour peser de tout son poids dans les décisions de la filiale. Cette situation oblige souvent
la filiale à mettre à sa disposition certaines actions.
34
CA Dakar, Ch Soc 2, Arrêt n 263 du 14 juin 2005, Bank of Africa v Bonneau, (2008) 76 Revue EDJA
75, Ohadata J-10-154 ; Cass Soc, 14 juin 2000 (2000) Bulletin Joly 949, note G Auzero.
35
Toute proportion gardée, il nous semble que ces dispositions ne visent pas seulement le contrat de
travail comme socle du lien de droit qui unit l’administrateur ou son adjoint à la société mais aussi
un acte juridique qui lie ces derniers à la société en vue de l’exécution d’un travail autre que celui
relevant des fonctions de mandataire.
36
L’administrateur général peut être nommé par les statuts ou au cours de l’assemblée constitutive
ou enfin en cours de vie sociale par l’assemblée générale ordinaire.
37
CA Dakar, Ch Soc 2, Arrêt n 472 du 6 novembre 2007, Elton SA v S, (2008) 76 Revue EDJA 80, note
D Ndoye, avocat ; Répertoire quinquennal OHADA (2006–10) tome II, 754 (4e partie
‘Jurisprudence’).
38
VoirPohe Tokpa (n 15) 1859 ; BY Meuke, ‘Brèves réflexions sur la révocation des dirigeants
sociaux dans l’espace OHADA’, Ohadata D-05-51, 4.
39
Cass Soc 17 novembre 1988, (1989) Revue de droit des sociétés 232, note B Petit ; pour un cas
d’absence de fonctions distinctes concernant un salarié nommé directeur, CA Paris, 13 nov 1991
(1992) Bulletin Joly 62, note P Le Cannu.
40
Sauf le cas de l’administrateur qui ne peut être commissaire aux comptes de la société qu’il dirige.
41
Il faut noter qu’au fil de la jurisprudence, la subordination est devenue consubstantielle à la
définition du contrat de travail. Voir Cass Soc, Arrêt du 2 février 1965. Voir aussi Cour
Suprême du Cameroun, Arrêt du 22 octobre 1987, Aff EPC v AKOA François (1989) 3
Jurisprudence sociale annotée 85, 85 et seq.
42
Le législateur en son article 500 rend nulle toute décision prise en assemblée générale qui serait
contraire à cette prescription.
43
Voir Cass Soc, 11 juin 1997 (1997) Bulletin Joly 880, note P Le Cannu.
44
Cet article précise que « toute convention entre une société anonyme et l’un de ses administrateurs,
directeurs généraux et directeurs généraux adjoints doit être soumise à l’autorisation préalable du
conseil d’administration.».
45
En principe, la démission forcée s’applique en cas de cumul illicite des mandats, voir AUSCGIE
(n 5) arts 425 et 497.
46
Pour le régime de la nullité dans la SA, voir Pohe Tokpa (n 15) 1866, para 76 ; BO Kassia, ‘Le recul
de la nullité dans l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt écon-
omique’ (2012) 848 Penant 352.
i. Le cumul de rémunération
Au sein de la société anonyme, le cumul de fonctions débouche sur le cumul de
rémunérations47 qui en substance constitue une redoutable technique légale,
malgré les critiques qui peuvent être formulées à son encontre.
De manière générale, le principe du cumul de rémunération est posé par
l’article 430 AUSCGIE. Une lecture concomitante de cette disposition ainsi que
celles des articles 431 et 432 du même acte permet d’affirmer que la personne
qui cumule les fonctions au sein d’une SA peut prétendre à une triple
rémunération.
En tant que salariée, elle a droit à un salaire en contrepartie des prestations
fournies dans le cadre d’exécution de son contrat de travail.
En tant que mandataire social, elle bénéficie d’une indemnité de fonction qui est
une somme fixe annuelle que l’assemblée générale ordinaire alloue à ce dernier en
guise de rémunération de ses activités au sein de la société. C’est d’ailleurs l’une
des conditions de validité du cumul de fonctions.
47
Voir C Puigelier, ‘Les incidences du cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social : de trop
nombreuses incertitudes’ (1992) 1 Juris-classeur périodique éd. entreprise 188 ; P Laurent, ‘Le salaire
des dirigeants sociaux titulaires d’un contrat de travail’ (1978) 1 Gazette du Palais Doctrine 146 ; D
Gibirila, ‘L’administrateur salarié d’une société anonyme’ (1989) Revue de jurisprudence commer-
ciale 337.
48
Voir AUSCGIE (n 5), art 430 in fine.
49
Voir A FAYE, ‘L’égalité entre associés (Acte uniforme sur le droit des sociétés et du GIE)’ (2003) 2
Droit écrit, Droit sénégalais 9.
60
Au Cameroun, cette protection est assurée au travers du décret n 94/197/PM du 9 mai 1994 fixant
la quotité cessible et saisissable du salaire.
61
Au regard des actes uniformes portant sur le droit des sûretés et sur le droit des procédures
collectives d’apurement du passif, le salaire bénéficie d’un double privilège à savoir le privilège
général et le superprivilège.
62
Pour les causes d’inactivité du salarié, voir Code de travail camerounais (n 57) art 32.
63
Voir Z Anatzepouo, ‘Le droit camerounais du travail en chiffre’ (1997) 1 Annales de la Faculté des
sciences juridiques et politiques, Université de Dschang, 113.
64
Pour les causes, voir Code de travail camerounais (n 57) art 32.
65
Au Cameroun, il s’agit de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS). Ce sera le cas en
présence de la maternité, d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle.
66
C’est la situation en cas de maladie non professionnelle, du départ du travailleur sous les drapeaux
et du chômage technique.
70
L’abus de droit qui n’est consacré par aucun texte en droit français apparaı̂t aujourd’hui comme
une notion jurisprudentielle et doctrinale rattachée aux principes généraux de droit. En effet, c’est
l’arrêt de la célèbre affaire de la « fausse cheminée » rendu par la cour d’appel de Colmar en 1855
qui évoqua pour la première fois l’idée d’abus de droit en France (2 mai 1855, (1856) DP 2, 9). Voir
aussi EH Perreau, ‘Origine et développement de la théorie de l’abus de droit’ (Year) 37 Revue
générale de droit 481.
71
Voir Ancel et al (n 69) 28.
72
Cass. Com., 19 octobre 1981 (1982) Revue de droit des sociétés 821.
73
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Ch Jud, Arrêt n 351/07 du 14 juin 2007, Poste de Côte d’Ivoire c/
Zehi Sébastien Gbale (2008) 59 Actualités Juridiques 306 ; Répertoire quinquennal OHADA
(2006–10) tome II, 765 (4e Partie, Jurisprudence). Pour un non respect du principe du contra-
dictoire, Cass Com, 26 novembre 1996 (1997) Bulletin Joly 141, para 47, C Prieto.
74
CA Paris, 30 juin 2009, (2010) 1 RJDA para 34.
75
CA Paris, 4e ch, 16 février 1977 (1977) Droit 446 ; Cass. Com., 2 octobre 1978 (1978) Revue de droit
des sociétés 320, note Sipon ; CA Paris, 13 octobre 2000 (2001) Bulletin Joly Sociétés 176.
76
Si la révocation est fondée ou si la victime n’apporte pas la preuve de son irrégularité, sa demande
sera rejetée. Voir CCJA, Arrêt n 032/2007 du 22 novembre 2007, Thomas Christophe Emmanuel
Wielezynski c/ Cofipa Investment Bank Côte d’Ivoire SA (2007) 10 Recueil de Jurisprudence 19,
(2008) 1 Le Juris Ohada 37, Ohadata J-08-242, Répertoire quinquennal OHADA (2006–10) tome
II, 766 (4e Partie, Jurisprudence).
dommages-intérêts, s’il n’a fait qu’user de son droit ».77 Mais cette loi qui
marque l’avènement du licenciement abusif a servi de déclencheur aux
ambiguı̈tés de la notion d’abus de droit.78 Ce qui sous-tend l’idée que le licencie-
ment abusif ne serait, en fait, qu’une application au licenciement de la notion
d’abus de droit.79
Contrairement à la révocation ad nutum, le licenciement du travailleur
doit être fondé sur un juste motif. Tout licenciement intervenu en dehors de
cette condition sera considéré comme abusif.80 Les abus peuvent se manifester
de diverses manières. En effet, sont abusifs, les licenciements motivés par les
opinions du travailleur, son activité syndicale, son appartenance ou non à un
syndicat ; les licenciements intervenus au mépris des formalités prévues, à savoir
77
Voir Civ. 5 février 1872 (1873) 1 Dalloz périodique 64 ; Civ. 28 avril 1874, (1874) 1 Dalloz périod-
ique 304.
78
Voir Ancel (n 69) 55.
79
Pour une critique de cette application, voir J-M Tchakoua, ‘Libres propos sur les licenciements en
droit camerounais’ (1995) 25 Juridis périodique 68, 68 et seq.
80
Pour Ancel (n 69) le recours à la notion d’abus ne paraı̂t pas pertinent si le comportement qualifié
d’abusif s’inscrit simplement dans le cadre d’une liberté ou d’une faculté d’agir reconnu au sujet.
Aussi, la tendance contemporaine à ranger sous la bannière de l’abus de droit toute sorte de
comportement ou d’actes qualifiés d’abusif relèverait d’un certain verbalisme. De même, pour
J.-M. Tchakoua, ‘L’harmonisation du droit du travail dans le cadre de l’OHADA : la mesure d’un
changement en perspective’ (2010) Ohadata D-10-29, p. 11, l’invocation de la théorie de l’abus de
droit pour expliquer la violation d’une règle frontale dans le cadre du licenciement est contestable
car l’employeur qui licencie sans motif légitime n’abuse pas d’un droit, le législateur lui ayant retiré
dans ces conditions le droit en question.
81
Tchakoua (n 80) 11.
82
J-M Tchakoua, ‘La démission et le licenciement : une histoire de vrais faux jumeaux’ (2007) 70
Juridis Périodique 90, 90 et seq.
4. Conclusion
Le régime de cumul de fonctions demeure bien circonscrit et encadré en droit
OHADA. Il révèle des enjeux tant économiques que sociaux et s’insère dans le
cadre stratégique de la lutte contre la précarité des fonctions de mandataire social
83
Voir EE Zola-Place, ‘La théorie de l’abus de droit dans l’exercice du droit moral a de beaux jours
devant elle’, Note sous TGI Paris, 3e ch. 4e sect. 9 février 2012.
84
Voir Code de travail camerounais (n 57) art 37 et, Arrêté n 16/MTPS/SG/CJ du 26 mai 1993 ;
d’ailleurs, d’après l’article 46 de l’Avant Projet d’Acte Uniforme portant droit de travail, le taux et
les modalités de calcul de cette indemnité sont fixés par l’État partie.
85
Si l’octroi de ces dommages reste facultatif (le juge pouvant rejeter la demande) en droit camer-
ounais (art 39), le législateur OHADA dans son avant projet (voir arts 47 et 48) en fait une
obligation en cas de licenciement abusif.