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UNIVERSITE OUAGA 2

COURS DE TRUCTURES JURIDIQUES


DES ENTREPRISES

Dr TOE Souleymane

Tél : 79 29 16 66
Email : souleymane37@hotmail.com
LES MUTATIONS, RESTRUCTURATIONS,
TRANSFORMATIONS ET GROUPES DE SOCIETES
Introduction générale
Les mutations et restructurations des sociétés appellent, à titre liminaire, des
observations sur certaines notions comme celles de société, de mutations, de
restructurations et de transformations appliquées aux sociétés ainsi que sur la
manière de mener cette étude.

A- La société
Les sociétés commerciales sont régies par l’Acte uniforme de l’OHADA
relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
(AUDSC).
Selon l’article 4 de l’AUDSC, « La société commerciale est créée par deux
ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d'affecter à une activité des
biens en numéraire ou en nature, ou de l’industrie, dans le but de partager le
bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Les associés
s'engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le présent Acte
uniforme.
La société commerciale doit être créée dans l'intérêt commun des associés ».

Au plan des conditions de fond, la société doit réunir les quatre éléments
classiques du contrat de société que sont les apports, la recherche et le partage des
bénéfices et la contribution aux pertes, l’affectio societatis et la pluralité d’associés.
Bien entendu, les sociétés unipersonnelles prévues à l’article 5, dérogent aux deux
dernières conditions.
Les apports, qui fournissent à la société les moyens de commencer ses
activités pour, plus tard les développer, autrement dit de réaliser son objet, peuvent
être en numéraire (argent sous toutes ses formes), en nature et même en industrie,
même si de nombreuses dispositions semblent exclure l’apport en industrie
(travail, savoir-faire, expertise, relations) ;
Les associés ou la société doivent poursuivre la recherche et le partage des
bénéfices et, le cas échéant, la contribution aux pertes, auxquels s’ajoute ou se
substitue le fait de profiter de l’économie qui peut résulter du fonctionnement de
la société ; il y a là certainement un grand élargissement de la finalité des sociétés
par rapport à la conception classique qui se dégage de l’arrêt rendu par la Cour de
cassation française en Chambres réunies le 11 mars 1914 dans une affaire qui

2
opposait la Caisse rurale de la commune de Manigod à l’Administration de
l’enregistrement. La Haute juridiction juge que le bénéfice est un gain pécuniaire
ou un gain matériel qui ajouterait à la fortune des associés. La prise en compte de
l’économie comme finalité possible de la société a pour effet de rendre difficiles la
distinction et le choix entre société commerciale, société coopérative, société civile
professionnelle de moyens et groupement d’intérêt économique.
L’affectio societatis, c’est-à-dire la volonté de s’associer et de collaborer sur
un pied d’égalité à la marche des affaires sociales, doit exister et cela suppose qu’il
y a plusieurs associés. On a souvent pensé que cette collaboration devait être
volontaire, active, intéressée et égalitaire. L’on doit néanmoins relever que
l’exigence de l’affectio societatis ne découle pas explicitement des textes, que son
intensité est variable suivant les formes de sociétés et que cet élément est par
hypothèse exclu dans les sociétés unipersonnelles.
En principe, toute société doit comporter une pluralité d’associés (au moins
2 avant l’AUDSC, et même au moins 7 pour la SA). La pluralité d’associés ou
d’actionnaires a longtemps caractérisé la société, de sorte que la réunion des parts
sociales en une seule main était une cause générale de dissolution ; la pluralité
demeure le principe aux termes de l’art. 4, al. 1er, de l’AUDSC ; mais l’on peut se
demander ce qu’il en reste quand on sait que la forme unipersonnelle est admise
pour les deux formes les plus usitées que sont la SARL, ce qui est devenu habituel,
et pour la SA, ce qui est plus insolite et plus discutable. On comprend que, dans ces
conditions, la détention des titres sociaux par un seul associé n’entraîne pas
automatiquement la dissolution de la société, même dans les sociétés dont la forme
unipersonnelle n’est pas autorisée par l’AUDSC (art. 60).
D’emblée, il faut souligner que les sociétés sont variées et peuvent faire
l’objet de nombreuses classifications : sociétés à risque limité et sociétés à risque
illimité ; sociétés civiles et sociétés commerciales ; sociétés de personnes et
sociétés de capitaux ; sociétés par intérêt et sociétés par actions ; sociétés avec ou
sans personnalité morale ; sociétés de droit et sociétés créées de fait ; sociétés de
droit privé et sociétés de droit public ; sociétés « nationales » et sociétés
étrangères ; sociétés de droit commun et sociétés à statut spécial ; sociétés
professionnelles et sociétés patrimoniales ; sociétés opaques et sociétés
transparentes1, cette dernière classification étant essentiellement fiscale.
On ne saurait trop insister sur l’apport potentiel du droit des sociétés,
notamment celui des sociétés de capitaux, au développement économique et social
des pays sous-développés. Le Doyen Georges Ripert n’a-t-il pas écrit, dans son
ouvrage intitulé « Les aspects juridiques du capitalisme moderne », que la société
anonyme est le merveilleux instrument juridique du capitalisme moderne, qui a

1
Voy. dans ce sens Cozian M., Viandier A et Deboissy F., Droit des sociétés, 16e éd., Litec, 2003, n° 40.

3
contribué, autant que la machine à vapeur, au développement des pays
occidentaux ? La société, en effet, permet de réunir des biens, des moyens ou des
capitaux et, par voie de conséquence, des compétences, afin de créer des entreprises
petites, moyennes ou grandes, voire gigantesques, dans tous les
domaines d’activités : industriel, commercial, agricole, financier... En effet, « si les
sociétés sont moins nombreuses que les commerçants individus, elles possèdent la
plupart des moyennes et grandes exploitations industrielles et commerciales »1.
Mais le nombre a son importance. Ainsi, pour le Burkina, le répertoire des
entreprises du Burkina Faso, édition 2005, a sélectionné 2774 entreprises sur un
total de 24 859 sur la base des trois critères suivants : possession d’un numéro
d’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, affiliation à la
Caisse nationale de sécurité sociale, possession d’un numéro d’identification fiscale
unique (IFU). Ces entreprises peuvent être considérées comme relevant du secteur
structuré. Sur ces 2774 entreprises « formelles », 40%, soit 1105, revêtent des
formes sociales ou assimilées : 624 SARL (56,47), 477 SA (43,16), 2 SNC, 2 GIE,
avec une suprématie des SA sur les SARL seulement au niveau de l’industrie (139
SA contre 109 SARL)2.
A titre comparatif, dans un pays développé comme la France, on a les
données suivantes au 30 septembre 2009 :

Type de sociétés B) Nombre Pourcentage


Sociétés civiles 995 094 46,49%
SARL 898 142 41,96%
Sociétés 145 075 6,78%
anonymes
Sociétés par 38 724 1,81%
actions
simplifiées
Sociétés en nom 32 987 1,54%
collectif
Coopératives 19 443 0,91%
agricoles
GIE et GEIE 9 447 0,44%
Sociétés en 1 460 0,07%
commandite
TOTAL 2 140 372 100%
1
Ripert et Roblot, Traité précité, par Michel Germain, n° 1056-3.
2
Voy. dans ce sens Jean Yado Toé, Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (dans
l’espace OHADA), Collection Précis de droit burkinabè, Imprimerie Presses africaines, 2007, n° 3, Tableau 1.

4
Sources : Statistiques des sociétés au 1er janvier 2003 par l’INSEE (in Cozian, Viandier et Deboissy, Droit des
sociétés, LITEC, 2003, 16e éd., n° 9).

Bien que ne bénéficiant pas de prérogatives exorbitantes du droit commun,


« les sociétés sont mieux armées pour faire le commerce et les affaires que les
particuliers »1.
Outre le fait de faciliter l’accumulation des capitaux2, la société est
considérée comme étant une technique d’organisation de l’entreprise ou une
technique de gestion pouvant permettre, le cas échéant, la séparation de la propriété
de l’entreprise du pouvoir de direction ou de gestion et faciliter, le moment venu, la
transmission de l’entreprise pour cause de mort ou même entre vifs. Par ailleurs, et
cela est loin d’être négligeable, la société constitue le seul moyen de limiter le droit
d’action des créanciers sur les éléments d’un patrimoine et c’est là probablement le
principal intérêt de la société unipersonnelle.
On discute toujours de la nature de la société : est-ce un contrat, une
institution, une technique d’organisation de l’entreprise ou encore une mécanique
(ou une machine) juridique ? L’intérêt de trancher dans un sens ou l’autre est limité
d’autant que chacune des positions a du vrai et tout dépend en grande partie de la
forme de société qui sert de base à l’analyse ou du moment de l’analyse
(constitution, fonctionnement, dissolution). Il devient alors tentant de conclure, en
paraphrasant un auteur, que l’existence de la société précède son essence3.

1
Y. Guyon, op. cit., n° 93. Pour cet auteur, « non seulement la société peut rassembler des capitaux à peu
près illimités par un appel public à l’épargne, mais elle échappe aux vicissitudes qui atteignent les
personnes physiques. Elle naît pourvue de toute sa capacité juridique et matérielle, sans avoir besoin
d’éducation ou d’apprentissage. Son activité n’est pas entravée par des considérations affectives,
sentimentales ou familiales. Elle ignore l’impuissance de la maladie, comme la faiblesse de la vieillesse.
Elle est maîtresse de sa mort, puisqu’elle règle librement la durée de sa vie. La société est donc un être
surhumain. Les seules faiblesses dont elle souffre sont le contrecoup des passions ou des insuffisances de
ses dirigeants ou de ses membres, c’est-à-dire les personnes physiques ». Mais ses succès ne sont-ils pas
tributaires des mêmes personnes physiques ?
2
Claude Champaud, Le pouvoir de concentration, Sirey, 1962.
3
Selon les professeurs Cozian M., Viandier A et Deboissy F. (op. cit., n° 11), « si le recours au concept
d’institution a été historiquement utile pour mettre en lumière les particularités du concept de société, il
semble aujourd’hui possible d’en faire l’économie. En effet l’institution, telle qu’elle est utilisée en droit
des sociétés, s’apparente davantage à une idée ou à une image qu’à une véritable théorie dont on a
souligné avec raison qu’elle était vague et ne déterminait aucun régime juridique précis. En réalité, plutôt
que de se demander si la société a une nature contractuelle, institutionnelle, voire hybride, il suffit
aujourd’hui, pour appréhender sa nature juridique, de combiner les apports de la théorie de l’acte juridique
avec ceux de la théorie de la personnalité morale. La société est une construction complexe qui a pour
base un acte fondateur (le contrat de société) dont procède une organisation dotée de la personnalité
morale, ce qui donne une densité, une durée et un rayonnement que ne connaissent pas la plupart des
autres contrats ».

5
B- Les mutations, restructurations et transformations
Ces notions ne comportent en général pas de définitions légales. Elles sont
plutôt doctrinales et font l’objet d’acceptions plus ou moins larges ou restreintes.
L’étude habituelle du droit des sociétés se fait sous un angle statique :
constitution, organisation, fonctionnement, dissolution, liquidation, soit de manière
globale (droit commun ou droit général des sociétés), soit de manière spécifique à
chaque forme sociale (droit spécial des sociétés, qui étudie chacune des principales
formes de sociétés, commerciales en particulier : SA, SARL, SCS, SNC, société
civile, etc.).
Les notions ci-dessus évoquées relèvent d’une approche dynamique des
sociétés, la société étant prise isolément ou dans ses rapports avec d’autres sociétés.
Le terme mutation fait penser à un grand changement, une grande évolution,
de la structure sans que le sens positif ou négatif de l’opération ne transparaisse.
C’est donc un terme plus ou moins neutre.
Celui de restructuration évoque un grand bouleversement dans
l’organisation, le fonctionnement et/ou les relations de la société pour permettre à
celle-ci de s’adapter à l’évolution économique, notamment celle du secteur
industriel, national, régional ou mondial. La restructuration semble, a priori,
provoquée par de graves difficultés financières (dues par exemple à des méventes)
qu’elle vise à solutionner. Mais en pratique, elle peut viser à atteindre de plus
grandes performances alors que l’entreprise ne connaît pas de difficulté notable.
La transformation semble moins polysémique : il s’agit simplement de
donner à la société une nouvelle forme tout en maintenant sa personnalité morale,
en modifiant à cet effet ses statuts. S’il en résultait la création d’un être moral
nouveau, ce ne serait plus une simple transformation.
Au sens large, les restructurations et/ou les mutations sont tous les
changements ou modifications d’envergure qui interviennent au niveau d’une
société. Les transformations seraient ainsi incluses dans les mutations et les
restructurations.
La raison profonde de ces changements est d’ordre économique : il s’agit,
par les adaptations juridiques, de préparer, favoriser ou accompagner les évolutions
économiques et financières souhaitables si bien qu’elles apparaissent comme
illustrant au mieux le caractère instrumentaliste du droit par rapport à l’économie.
Dans ce sens, un auteur a écrit que la véritable réforme économique, c’est la
réforme du cadre juridique de l’économie1. Dans le même sens, le Doyen Ripert
écrivait que s’il faut réformer l’économie, les économistes détermineront la voie et
les juristes fourniront les moyens.

1
Allais M., A la recherche d’une discipline économique.

6
Selon le professeur Yves Guyon, « du point de vue juridique, les
restructurations prennent les formes les plus diverses. Certaines supposent une
modification des statuts, notamment les augmentations de capital, les
transformations et les fusions. D’autres n’impliquent pas cette modification. Ainsi
lorsque les majoritaires cèdent leurs parts ou leurs actions, cette cession s’opère
extérieurement à la société, dont les organes ne sont pas consultés »1.

C- Annonce du plan
Au total, il y a lieu d’exclure des mutations et restructurations les simples
modifications statutaires qui n’apportent pas de changement d’envergure :
l’élargissement de l’objet social (d’ailleurs pas souvent nécessaire en raison de la
définition large de l’objet social que l’on rencontre dans la pratique), le changement
du siège social à l’intérieur de la même ville ou du même pays, la prorogation de la
durée, les modifications touchant le régime des actions, l’augmentation du nombre
des administrateurs, le changement dans le régime d’administration et de direction
de la société anonyme (choix entre conseil d’administration et administrateur
général et, dans le premier cas, choix entre la formule du président-directeur
général et celle de président du CA et de directeur général)…
L’on peut penser qu’en relèvent :
- les modifications touchant le capital social : augmentations et réductions de
capital2, surtout au regard des circonstances économiques ;
- les transformations dans le sens ci-dessus abordé ;
- les fusions, scissions et apports partiels d’actifs ;
- les groupes de sociétés.
Les modifications de capital et les transformations peuvent être considérées
comme des mutations ou restructurations simples par opposition aux fusions,
scissions et apports partiels d’actifs, opérations assurément plus complexes. Les
groupes de sociétés et les participations conservent leur autonomie par rapport à la
distinction ci-dessus3.
Sur un plan d’ensemble, lorsque des choix seront nécessaires, le cas de la
société anonyme sera privilégié dans la mesure où ces opérations y sont plus
courantes et plus significatives.
Au regard des observations ci-dessus, le cours sera articulé comme suit :

1
Yves Guyon, Droit des affaires, tome I : Droit commercial général et sociétés, Paris, Economica, 12e éd.,
2003, n° 562.
2
Beaucoup d’auteurs n’incluent pas les modifications du capital dans les mutations ou restructurations de sociétés.
Ils les étudient avec les autres modifications statutaires comme relevant des attributions de l’AGE.
3
Philippe Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 10 e éd., 2005 (avec la collaboration de
Anne Fauchon), n° 635, qui intègre les fusions et scissions dans les groupes de sociétés comme constituant les liant
structurels, les autres liens étant contractuels ou financiers (participations).

7
TITRE I : LES MUTATIONS OU RESTRUCTURATIONS SIMPLES :
LES MODIFICATIONS DU CAPITAL SOCIAL ET LES TRANSFORMATIONS
DE SOCIETE
TITRE II : LES FUSIONS ET LES OPERATIONS ASSIMILEES
TITRE III : LES GROUPES DE SOCIETES ET LES PARTICIPATIONS

TITRE I : LES MUTATIONS OU RESTRUCTURATIONS


SIMPLES : LES MODIFICATIONS DU CAPITAL SOCIAL ET
LES TRANSFORMATIONS DE SOCIETE
Ces opérations dites simples, qui ne sont cependant pas simplistes,
n’impliquent qu’une seule société et ne requièrent pas de lourdes formalités.
Surtout, ce sont des opérations fréquentes, particulièrement pour ce qui est des
augmentations de capital, du moins pour les sociétés prospères, spécialement les
SA.
Elles entraînent toutes une modification des statuts et donc l’intervention de
l’assemblée générale extraordinaire.
Il convient de les examiner successivement.

Chapitre I : Les modifications du capital social : Les


augmentations et réductions de capital
Bien que proches puisqu’elles touchent toutes deux le capital social,
l’augmentation et la réduction de capital sont deux opérations totalement
différentes, répondant en général à des préoccupations fort éloignées les unes des
autres sur le plan économique. Ces opérations peuvent être pratiquées par toutes les
sociétés mais c’est dans la SA, et dans une moindre mesure dans la SARL, qu’elles
revêtent le plus de signification. En effet, pour ces sociétés à risque limité, le
capital (et plus tard les actifs sociaux) constitue la mesure de la garantie offerte aux
créanciers. C’est pourquoi l’on s’en tiendra au cas de la SA.
Le principe de l’immutabilité ou de l’intangibilité du capital, qui vise à
protéger les créanciers des sociétés à risque limité dont le capital social (et plus tard
l’actif social) constitue l’unique gage), postulerait que celui-ci soit fixe et n’évolue
ni à la hausse ni à la baisse. Mais en réalité, c’est seulement la baisse qui peut nuire
aux créanciers.
La réglementation des augmentations de capital et celle des réductions de
capital n’ont pas la même envergure : art. 562 à 626 pour les augmentations (soit
plus de 60 articles), art. 627 à 638 pour les réductions (soit seulement 12 articles).
En conséquence, elles n’appellent pas les mêmes développements.

8
Section I : Les augmentations de capital
L’AUDSC réglemente de manière quelque peu tatillonne les augmentations
de capital dans ses articles 562 à 626. L’augmentation de capital n’est pas définie
par l’AUDSC. On peut dire qu’elle consiste à relever le montant du capital existant.
De ce point de vue, c’est une opération qui accroît le « gage des créanciers » qu’est
le capital dans une société de capitaux. C’est pourquoi c’est une opération
encouragée et qui est d’une pratique courante dans les SA malgré le principe
maintenu de l’intangibilité du capital. L’AUDSC s’est contenté d’indiquer les
modalités suivant lesquelles il y est procédé.

§ I : La motivation des augmentations de capital


C’est la question du pourquoi de l’augmentation.
Il peut s’agir d’une société prospère qui a besoin de capitaux accrus afin de
faire face au développement de ses activités et éviter le recours excessif à
l’endettement, qui est l’une des premières causes des difficultés des entreprises.
L’augmentation peut consister dans l’apport d’argent frais mais aussi de la
conversion de créances ordinaires ou obligataires qui, du même coup, cessent d’être
exigibles et même plus simplement d’être des dettes.
Il peut s’agir plus simplement d’une société qui n’a pas de besoin particulier,
qui veut simplement consolider ses fonds propres en incorporant des réserves,
bénéfices ou primes d’émission, ce qui présente l’avantage, notamment pour le
banquier, que ces sommes ne pourront plus être distribuées.
On peut dire que dans les cas ci-dessus, les actionnaires décident librement
d’augmenter le capital pour des motifs d’opportunité.
Il peut s’agir aussi d’une société en difficulté qui a besoin de nouveaux
moyens, surtout financiers, pour se relancer. Le concours d’un partenaire technique
et/ou financier peut être particulièrement recherché. Il est probable que, dans un tel
cas, si du moins la société a accumulé des pertes, qu’elle soit obligée de procéder
préalablement à une réduction de capital (coup d’accordéon).

§ II : Les modalités de l’augmentation de capital


L’article 562 indique les modalités par lesquelles il est procédé à
l’augmentation du capital, en ce qui concerne la contrepartie et de la technique de
l’augmentation.
Au plan de la contrepartie, les actions nouvelles sont libérées :
- soit en espèces (argent frais) : il n’y a pas de problème d’évaluation ; les
actions souscrites en numéraire sont obligatoirement libérées, lors de la
souscription d'un quart au moins de leur valeur nominale et, le cas échéant, de la
totalité de la prime d'émission ; la libération du surplus doit intervenir, en une ou
plusieurs fois, sur appel du conseil d'administration ou de l'administrateur général,

9
selon le cas, dans le délai de trois ans à compter du jour où l'augmentation de
capital est réalisée ; pour le reste, tout se passe comme pour une constitution de
société : les fonds sont déposés dans une banque ou dans l’étude d’un notaire et ne
peuvent être retirés, après achèvement de l’opération, que dans les mêmes
conditions prévues en cas de constitution de société ;
- soit par compensation avec des créances certaines, liquides et exigibles sur
la société : en cas de libération d'actions par compensation de créances sur la
société, ces créances font l'objet d'un arrêté des comptes établi, selon le cas, par le
conseil d'administration ou par l'administrateur général et certifié exact par le
commissaire aux comptes ;
- soit par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission : il n’y a
pas à proprement parler de libération ici ; de simples écritures comptables
suffisent ; toutefois, l’article 606 dispose que les actions souscrites en numéraire
résultant pour partie de versement d'espèces et pour partie d'une incorporation de
réserves, de bénéfices ou de primes d'émission, d’apports ou de fusion doivent être
intégralement libérées lors de la souscription ;
- soit par apport en nature (biens meubles ou immeubles, corporels ou
incorporels) : ces biens doivent être évalués par un commissaire aux apports,
désigné par le président de la juridiction compétente à la requête du CA ou de
l’administrateur général ; le commissaire aux comptes apprécie sous sa
responsabilité la valeur des apports ; si l’assemblée approuve l’évaluation,
l’augmentation a lieu ; si elle réduit la valeur des apports, il faut l’approbation
expresse des apporteurs ; la procédure est la même en cas de stipulation
d’avantages particuliers ; il faut souligner que les actions d’apports doivent être
intégralement libérées dès leur émission (art. 619 à 626).
Tout se passe comme au moment de la constitution.
Au plan technique, le capital social est augmenté, soit par émission
d'actions nouvelles, soit par majoration du montant nominal des actions existantes.
Par exemple, une société au capital de 20M divisé en 1000 actions de 20 000
F de valeur nominale (la valeur nominale minimale est de 10 000F) veut augmenter
son capital de 10M de F. Pour simplifier, on suppose qu’il n’y a ni pertes ni
bénéfices non distribués (donc pas de prime d’émission), l’action vaut donc sa
valeur nominale et les deux procédés se présentent comme suit :
- l’émission d’actions nouvelles : les 10M de F donnent 500 actions
nouvelles de 20 000F de valeur nominale ;
- la majoration du montant nominal des actions existantes : le nombre des
actions, soit, 1000, ne change pas mais leur valeur nominale passe de 20000 à
30000F.
Cette seconde modalité n’est pas utilisable dans tous les cas : en effet,
l’article 652 précise que l'augmentation de capital par majoration du montant

10
nominal des actions n'est décidée qu'avec le consentement unanime des
actionnaires, à moins qu'elle ne soit réalisée par incorporation de réserves,
bénéfices ou primes d'émission. En effet, s’il ne s’agit pas d’incorporation de
réserves, cela reviendrait à obliger chaque actionnaire à apporter pour chaque
action 10 000F afin de pouvoir conserver son titre. Cela revient à accroître les
engagements de l’actionnaire. Légalement, cela ne peut se faire qu’avec son
accord.

§ III : Les conditions de fond et de procédure


Il y a une condition préalable : tant que le capital n'est pas entièrement
libéré, la société ne peut pas augmenter son capital, sauf si cette augmentation de
capital est réalisée par des apports en nature. Il est, en effet, normal que la société
commence par faire appel aux fonds qui lui sont dus avant de procéder à une
ouverture de son capital.
C’est l’assemblée générale extraordinaire qui est compétente pour décider
ou autoriser l’augmentation de capital. Tout actionnaire peut participer à l’AGE. Le
quorum est d’au moins la moitié des actions sur première convocation et du quart
sur deuxième ou troisième convocations. Les délibérations sont adoptées à la
majorité des deux tiers des voix exprimées en ne tenant pas compte des bulletins
blancs.
Toutefois, pour encourager la consolidation des fonds propres par
l’incorporation de réserves, bénéfices ou primes d’émission au capital, l'assemblée
générale extraordinaire statue aux conditions de quorum et de majorité prévues aux
articles 549 et 550 pour les assemblées générales ordinaires (quorum : ¼ sur
première convocation et aucun quorum exigé sur deuxième convocation ; majorité :
des voix exprimées sans tenir compte des bulletins blancs).
L’augmentation pose le problème de la prime d’émission et du droit
préférentiel de souscription.

1. Le prix d’émission et la prime d’émission


Le prix d'émission des actions nouvelles ou les conditions de fixation de ce
prix doivent être déterminés par l'assemblée générale extraordinaire sur le rapport,
selon le cas, du conseil d'administration ou de l'administrateur général et sur celui
du commissaire aux comptes (art. 588). Ces rapports doivent fournir tout
l’éclairage nécessaire en la matière.
On peut dire que le prix ou la valeur de l’action sera égal :
- au capital plus les réserves ou bénéfices non distribués, le tout divisé par le
nombre des actions ;
- ou à l’actif net (qui est égal à l’actif total, au besoin réévalué, moins le
passif dû à des tiers divisé par le nombre des actions.

11
La différence entre le prix ou la valeur de l’action et la valeur nominales est
la prime d’émission.
Exemple simplifié
Une société est créée avec un capital de 20 millions de F décomposé en 2
000 actions de 10 000 F chacune. Par la suite, elle réalise sur plusieurs exercices
des bénéfices qu’elle met en réserve et le total s’élève à 10 millions de F. Puis, elle
décide d’augmenter le capital pour un montant de 30 millions de F.
Quel est le nombre d’actions à créer ? Quel est le montant de la prime
d’émission ?
Il faut déterminer la valeur de l’action avant l’augmentation de capital : 20
millions (capital initial) + 10 millions (réserves) divisé par 2000 (nombre de titres)
= 15 000 F.
Cela veut dire que pour avoir un titre de la société, il faut payer 15 000 F. Il
en résulte que le nombre de titres à créer pour une somme de 30 millions est : 30M
divisé par 15000 = 2000 actions.
Ces actions auront une valeur nominale de 10 000 F comme les autres
actions de la société et une prime d’émission de 5 000 F.

2. Le droit préférentiel de souscription


En cas d’augmentation de capital, les actionnaires en place ont un droit
préférentiel de souscription aux actions nouvelles, et cela proportionnellement au
montant de leurs actions. Ce droit a une fonction égalitaire, c’est-à-dire qu’il
permet aux actionnaires qui l’exercent de maintenir leur poids « politique » dans la
société. Ainsi, celui qui détient 25% du capital actuel peut souscrire pour 25% de
l’augmentation de capital, si bien qu’à la suite de l’opération, il détiendra toujours
25% du capital de la société. Il s’agit là du droit irréductible. Mais il y a aussi la
souscription à titre réductible : ainsi, si certains actionnaires n’exercent pas leur
droit préférentiel de souscription à titre irréductible, les actionnaires en place
peuvent être prioritaires pour la souscription des titres restants, à condition que
l’AGE l’ait expressément prévu, ce qui semble être d’usage dans nombre de
sociétés.
Le droit préférentiel de souscription est supprimé dans certaines hypothèses :
- lorsqu’il s’agit d’un apport en nature ;
- lorsque l’augmentation est réservée à des actionnaires déterminés, par
exemple dans le cas d’une société en difficulté sollicitant le concours de ces
personnes ;
- en cas d’incorporation de réserves : il n’y a pas de souscription et donc pas
de droit préférentiel de souscription.

Section II : Les réductions de capital

12
Les réductions de capital sont réglementées par les articles 627 à 638 de
l’AUDSC. Il ressort de l’article 627 que le capital social est réduit, soit par la
diminution de la valeur nominale des actions, soit par la diminution du nombre des
actions. A priori, le capital social ne peut pas être restitué aux actionnaires au
détriment des créanciers. Toutefois, il n’est pas défendu de modifier les statuts et de
donner à la société un capital plus faible que le capital à condition de publier la
modification afin d’informer les créanciers.

§ I : Les motivations des réductions de capital


En règle générale, la réduction de capital est motivée par des pertes que
l’opération vise à résorber. Elle peut être le préalable à une augmentation de
capital, les futurs associés ne pouvant pas accepter de souscrire si la valeur
nominale des actions ou parts sociales est supérieure à leur valeur réelle. En
matière de SA et de SARL, l’AUDSC prescrit, si les capitaux propres deviennent
inférieurs à la moitié du capital social, de convoquer l’AGE afin de décider s’il y a
lieu de procéder à une dissolution anticipée de la société. Si l’option est faite de ne
pas dissoudre la société, celle-ci doit, au plus tard à la clôture du deuxième exercice
suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, réduire son
capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pu être imputées sur
les réserves si, dans ce délai, les capitaux propres n'ont pas été reconstitués à
concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social (art. 665).
La réduction permet aussi à la société de recommencer à distribuer des
dividendes : en effet, si la société a recommencé à dégager des bénéfices mais que
ceux-ci sont absorbés par les reports déficitaires, le fait que la réduction éponge
intégralement les déficits autorise la société à distribuer les bénéfices dégagés après
la réduction, sous réserve de doter la réserve légale.
Il se peut cependant, même si cela paraît rare, que la réduction soit due à une
surliquidité de la société : la société a plus de moyens financiers que ce que
nécessite son activité. La solution est de réduire le capital afin de restituer aux
associés le supplément inutile de liquidités. Si la réduction porte sur le nombre des
titres, il en résultera un accroissement du montant des dividendes servis à chaque
titre.

§ II : Les conditions et les effets des réductions de capital


La réduction du capital est décidée ou autorisée par l'assemblée générale
extraordinaire, qui peut déléguer au conseil d'administration ou à l'administrateur
général, selon le cas, tous pouvoirs pour la réaliser (art. 628). En aucun cas elle ne
peut porter atteinte à l'égalité des actionnaires sauf consentement exprès des
actionnaires défavorisés.

13
Les articles 629 et 630 organisent l’intervention du commissaire aux
comptes. Le projet de réduction du capital lui est communiqué 45 jours au moins
avant la réunion de l'assemblée générale extraordinaire qui décide ou autorise la
réduction de capital. Le commissaire aux comptes présente à l'AGE un rapport dans
lequel il fait connaître son appréciation sur les causes et les conditions de la
réduction de capital.
Lorsque le conseil d'administration ou l'administrateur général, selon le cas,
réalise la réduction de capital sur délégation de l'assemblée générale, il doit en
dresser un procès-verbal soumis à publicité et procéder à la modification corrélative
des statuts (art. 631).
Sous certaines conditions, des droits sont reconnus aux créanciers de la
société. Ceux-ci ne peuvent cependant pas s'opposer à la réduction de capital
lorsque celle-ci est motivée par des pertes (art. 632). Lorsque la réduction de capital
n'est pas motivée par des pertes, elle entraîne une diminution des fonds servant de
garantie au paiement des créanciers de la société. C’est pourquoi les créanciers dont
la créance est antérieure au dépôt au greffe du tribunal chargé des affaires
commerciales du procès-verbal de la délibération de l'assemblée générale qui a
décidé ou autorisé la réduction du capital, de même que les obligataires peuvent
s'opposer à l’opération. Le délai d'opposition des créanciers à la réduction de
capital est de 30 jours à compter de la date de dépôt au greffe du procès-verbal
susvisé de la délibération de l'assemblée générale qui a décidé ou autorisé la
réduction de capital. L'opposition est formée par acte extrajudiciaire et est portée
devant la juridiction compétente statuant à bref délai.
De manière logique, l’AUDSC, à ses articles 636 et 637, précise que les opérations
de réduction de capital ne peuvent commencer pendant le délai d'opposition ni, le
cas échéant, avant qu'il ait été statué en première instance sur cette opposition.
Lorsque l'opposition est accueillie, la procédure de réduction de capital est
interrompue jusqu'au remboursement des créances ou jusqu'à la constitution de
garanties pour les créanciers si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes.
La réduction du capital fait l'objet des formalités de publicité prévues à
l'article 264 de l’AUDSC, formalités qui sont semblables à celles en matière de
constitution de société.

Chapitre II : Les transformations de société


La transformation, c'est le changement de forme juridique de la société.
Selon l’article 181, alinéa 1er de l’AUDSC, « la transformation de la société est
l'opération par laquelle une société change de forme juridique par décision des
associés ». Le passage d’une forme pluripersonnelle à une forme unipersonnelle en
ce qui concerne la SARL et la SA n’est pas une transformation dans la mesure où il
s’agit de modalités au sein d’une même forme juridique. Lorsque l’entreprise

14
individuelle se met en société, il n’y a pas de transformation mais constitution
d’une société devant donner naissance à une personne morale qui n’existait pas
auparavant. Dans le même sens, l’AUDSC prévoit que lorsque la société, à la suite
de sa transformation, n'a plus l'une des formes sociales prévues par le présent Acte
uniforme, elle perd la personnalité juridique si elle exerce une activité commerciale
(art. 188). Autrement, elle devient une société commerciale de fait.
Comme l'écrivent les professeurs Maurice Cozian, Alain Viandier et
Florence Deboissy, la transformation est « le passage d’une forme de société à une
autre forme de société : une SA se mue en SARL ou en SAS, une SNC devient
commandite simple, une société civile évolue en société d’exercice libéral… »1.
Une simple modification des statuts sans changement de forme juridique n'est pas
une transformation.
Avant d’évoquer ses effets, il y a lieu d’examiner les motivations et les
conditions de la transformation.

Section I : Les motivations et les conditions de la transformation

1. les motivations de la transformation


Les principales motivations des transformations sont en premier lieu le souci
de l'adaptation de la forme juridique à l'importance et aux activités de l’entreprise.
Ainsi, pour une société qui se développe, le changement se fait vers la société de
capitaux –ex. une SARL ou une SCS se transforme en SA), mieux adaptée à une
gestion plus complexe ou qui permet de faire appel à de nouveaux associés ou à de
nouvelles sources de financements, comme les obligations que seules les SA
peuvent émettre. En cas de régression, l’évolution se fait vers la société de
personnes. En second lieu, il peut y avoir le respect des exigences d’ordre juridique
(capital minimum ou nombre des associés non atteint ou dépassé, présence de
mineurs suite au décès d’un associé entraînant que l’on doit passer de la SNC à la
SCS ou à la SARL). L’on note également la différenciation du régime fiscal en
fonction de la forme de la société (la SARL et la SA sont plus lourdement imposées
mais se trouvent être les plus nombreuses), le régime fiscal et social des dirigeants
de société (surtout le régime de sécurité sociale dans le cas de la France où les
dirigeants sociaux de SA en particulier sont traités avec faveur, un peu comme des
salariés), etc.

2. Les conditions de la transformation


La transformation requiert le respect du quorum et de la majorité nécessaires
pour une modification des statuts de la société dans sa forme initiale. Toutefois, la
transformation d’une société dans laquelle la responsabilité des associés est limitée
1
Cozian M., Viandier A et Deboissy F., Droit des sociétés, Litec, 16e éd., 2003, n° 500.

15
à leurs apports en une société dans laquelle la responsabilité des associés est
illimitée est décidée à l'unanimité des associés. Toute clause contraire est réputée
non écrite (art. 181, alinéa 3). Finalement, il faut le respect du quorum et de la
majorité de la forme de société la plus exigeante entre l’ancienne et la nouvelle
forme.

Section II : Les effets de la transformation


La transformation n’entraîne pas de création d'une personne morale nouvelle,
sauf exception, telle que la transformation d’une société de fait en une société de
droit, la transformation d'une société en association... Il résulte de l’article 181,
alinéa 2, de l’AUDSC, que la transformation régulière d'une société n'entraîne pas
la création d'une personne morale nouvelle. Elle ne constitue qu'une modification
des statuts et est soumise aux mêmes conditions de forme et de délai que celle-ci,
sous réserve de ce qui sera dit ci-après.
Les effets de la transformation paraissent limités à l’examen des articles 182
et suivants. La transformation prend effet à compter du jour où la décision la
constatant est prise. Cependant, elle ne devient opposable aux tiers qu'après
achèvement des formalités de publicité prévues à l'article 265 de l’Acte uniforme.
La transformation ne peut avoir d’effet rétroactif. La transformation de la société
n'entraîne pas un arrêté des comptes si elle survient en cours d'exercice, sauf si les
associés en décident autrement. Les états financiers de synthèse de l'exercice au
cours duquel la transformation est intervenue sont arrêtés et approuvés suivant les
règles régissant la nouvelle forme juridique de la société. Il en est de même de la
répartition des bénéfices.
Les fonctions du commissaire aux comptes se poursuivent, sauf s’il n’est pas
prévu de commissaire aux comptes dans la nouvelle forme et que les associés
décident de ne pas en conserver.
L’article 184 précise que la décision de transformation met fin aux pouvoirs
des organes d'administration ou de gestion de la société et que les personnes
membres de ces organes ne peuvent demander des dommages et intérêts du fait de
la transformation ou de l’annulation de la transformation que si celle-ci a été
décidée dans le seul but de porter atteinte à leurs droits.
Tout se passe comme si on avait à faire à l'ancienne société (salariés : les
contrats de travail en cours se poursuivent ; créanciers antérieurs : les règles de
l’ancienne forme s’appliquent si elles sont plus favorables). En effet, pour l’article
186, les droits et obligations contractés par la société sous son ancienne forme
subsistent sous la nouvelle forme. Il en est de même pour les sûretés, sauf clause
contraire dans l’acte constitutif de ces sûretés.
Mais les règles de la forme nouvelle s'appliquent aux situations et aux
rapports nés après la transformation.

16
TITRE II : LES FUSIONS ET LES OPERATIONS ASSIMILEES

Les fusions constituent une opération de restructuration des sociétés


aboutissant à une concentration très poussée. Ainsi, une ou plusieurs sociétés
disparaissent1 pour transmettre leurs patrimoines, c'est-à-dire l'universalité de leurs
biens, droits et obligations, à une société existante ou à créer. Une société, même en
liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution
d'une société nouvelle par voie de fusion. Les opérations de fusion, de scission et
d'apport partiel d'actif peuvent, sauf disposition contraire de l’AUDSC, intervenir
entre des sociétés de forme différente.

Les scissions aboutissent au résultat inverse de celui de la fusion, en ce sens


qu’une société va disparaître et transmettre son patrimoine à deux ou plusieurs
sociétés existantes ou à créer. Mais la scission-fusion, qui se fait au profit de
sociétés existantes, aboutit à l'accroissement de la taille de celles-ci.

Quant à l'apport partiel d’actifs, il se distingue des autres dans la mesure où


aucune des sociétés concernées ne disparaît : il y a une simple augmentation du
capital de la société bénéficiaire au profit de la société apporteuse qui détiendra
ainsi des titres de celle-là. Il ne peut être question d’apport partiel d’actifs si
l’apporteuse ne reçoit pas en rémunération les titres de la société bénéficiaire.

Ces trois opérations sont cependant liées :

- d’abord, la fusion apparaît juridiquement et fiscalement, dans l’AUDSC et


surtout en droit français, comme l’opération principale à laquelle les deux autres
sont assimilées (AUDSC, art. 189 et s. ; art. 684) ;
- ensuite, la fusion, la scission et l’apport partiel d’actifs sont des opérations
de restructuration des entreprises, modifiant leurs statuts ; dans le cas de l’apport
partiel d’actif, la modification ne concerne que les statuts de la société bénéficiaire
des apports ;
- surtout, toutes ces opérations visent la rationalisation de la gestion des
entreprises dans le sens de la pérennisation de l’entreprise ou des entreprises et une
plus grande rentabilité ; dans la fusion, c'est la grande taille qui est recherchée (en

1
On se demande si elles disparaissent avant de transmettre ou si elles transmettent avant de disparaître. Si l’on
s’appuie sur le cas des personnes physiques, la disparition est préalable. Toutefois, l’on pourrait contourner la
difficulté en retenant la concomitance des deux opérations.

17
fait les avantages qui en découlent qui tiennent à l’économie d'échelle) ; dans la
scission, c'est l'inverse, c’est-à-dire quitter le gigantisme ; mais la scission-fusion
aboutit à une taille plus importante pour les sociétés bénéficiaires. Il en est de
même dans l'apport partiel d'actif pour la société bénéficiaire de l’apport. En
revanche, celle qui apporte « dégraisse ».

Que l'on réduise ou que l'on accroisse la taille de l'entreprise, le but recherché
est la rationalisation de la gestion et l'accroissement des performances de
l'entreprise ou des entreprises.

Dans certains secteurs (comme l’industrie lourde, en particulier l’acier), au-


dessous d’un certain seuil, l'entreprise n’est pas suffisamment rentable, n’a pas les
moyens pour faire face à la concurrence, ne dispose pas de moyens suffisants pour
la recherche de haut niveau. A ce moment, la fusion, la scission-fusion et l'apport
partiel d'actif permettent le renforcement des moyens et de la position de
l'entreprise bénéficiaire sur le marché.

Mais au-delà d'un certain seuil, on tombe dans le gigantisme : les


investissements peuvent être trop importants ou trop vétustes pour la production, la
gestion peut être devenue lourde (procédures longues de prise de décision et des
frais administratifs exorbitants, par ex.), le personnel pléthorique, les
investissements peu rentables. A ce moment, c’est le "dégraissage" qui convient. Il
se fait par la scission ou l'apport partiel d’actif. On cédera volontiers les secteurs
d'activité que l'entreprise a du mal à gérer de manière rentable.

Ces opérations entraînent des apports en nature à une société existante ou à


créer (l’opération s’analyse en une constitution de société ou en une augmentation
de capital de la société existante), apports qui sont rémunérés contre des titres
sociaux.

- Les organes sociaux (CA et AGE dans le cas des SA) seront mis en branle
pour prendre les décisions qui s'imposent.

A titre principal, l’étude sera consacrée à la fusion qui est l'opération


"concentrationniste" la plus achevée, avant d’évoquer les opérations qui s'y
apparentent, à savoir la scission et l’apport partiel d’actif.

CHAPITRE I : LES FUSIONS

18
De manière simple et classique, la fusion est définie comme l'opération par
laquelle deux sociétés préexistantes se réunissent, soit que l'une d’entre elles
absorbe l'autre, soit que l'une et l'autre se confondent ensemble pour la constitution
d’une société nouvelle1. Cette définition, généralement adoptée par les auteurs, ne
met pas suffisamment l'accent sur les caractéristiques essentielles de la fusion.
C’est pourquoi, l'on peut adopter la définition plus précise et plus complète que
proposent MM. Patrick Durand et Jacques Latscha. Selon ces auteurs, la fusion est
« la réunion de deux ou plusieurs sociétés préexistantes, soit que l'une ou les unes
soient absorbées par l’autre (fusion-absorption), soit que l'une et l'autre (ou les
autres) se confondent pour constituer une société nouvelle, les porteurs de titres des
sociétés qui disparaissent recevant en échange de leurs titres des actions ou parts de
la société subsistante et cette dernière succédant à titre universel aux droits et aux
obligations des autres sociétés participantes »2.
Dans une approche dite de droit économique, M. Gilles J. Martin propose
que l’on définisse la fusion par référence à deux critères complémentaires : un
critère juridique formel et un critère tiré de l’analyse économique. Sur cette base, il
propose de lege ferenda de définir la fusion comme suit : « la fusion est la
transmission universelle du patrimoine ou d’une partie du patrimoine représentant
les éléments économiques essentiels d’une ou de plusieurs entreprises, ou d’une
partie homogène de celles-ci, à une ou plusieurs entreprises existantes ou à créer,
aux fins de concentration, les apports ainsi réalisés étant rémunérés par des droits
sociaux répartis entre les détenteurs des entreprises apporteuses »3.

On aura remarqué que, dans cette approche de droit économique et de lege


ferenda, la fusion peut intéresser des entreprises individuelles et englober les
scissions-fusions et les apports partiels d’actif. Mais elle ne correspond pas au droit
positif.
Il convient de déjà noter que la fusion ne concerne généralement que deux
sociétés et que la fusion-absorption est de loin plus fréquente que la fusion par
création d'une société nouvelle4. Celle-ci pourtant correspond mieux à l’idée de
fusion.

1
Dans ce sens, voy. :
- Chartier Yves, Droit des affaires, tome 2 : Sociétés commerciales, PUF, 1ère éd., 1985, p. 449 ;
- Guyon Yves : Droit des affaires, tome 1 : Droit commercial et sociétés, Economica, 4e éd., 1986, p. 606 ;
- Lagarrique Jean-Pierre : Droit comptable des fusions de sociétés, Litec, 1986, p. 13 ;
- Meissonnier Georges, Droit des sociétés en Afrique, LJGDJ-NEA, 1978, p. 447 ;
- C. Cas. fr, 28 janvier 1946, D. 1946, 168.
2
Durand Patrick et Latscha Jacques, Les groupements d’entreprises, Librairies Techniques, 1973, p. 112.
3
Martin Gilles J., La notion de fusion, RTDCom., 1978, p. 305.
4
En général, nous nous contenterons de développer l’hypothèse la plus courante, c'est- à-dire la
fusion-absorption intéressant seulement deux sociétés anonymes.

19
Les fusions sont ouvertes à toutes les formes de sociétés, y compris les
sociétés civiles. En pratique, ce sont les sociétés anonymes qui y recourent le plus
souvent et, dans une moindre mesure les SARL.

De manière analytique, la fusion entraîne trois principaux effets :

- la transmission universelle de patrimoine, c'est-à-dire la transmission de


l'ensemble des droits et obligations de la société absorbée à la société absorbante
(ou des sociétés fusionnantes à la société nouvelle à créer), comme une dévolution
successorale ;

- la disparition de la société absorbée ou des sociétés fusionnantes, comme


conséquence de l'effet précédent ;

- l’augmentation du capital de la société absorbante en cas de fusion par


absorption ou la constitution de la société nouvelle afin de dégager des actions ou
des parts sociales pour rémunérer les apports reçus par la remise de titres sociaux,
non pas aux sociétés apporteuses mais directement à leurs associés ou actionnaires.

Juridiquement, le fait que la fusion intéresse plus d’une société absorbée ou


plus de deux sociétés fusionnantes n’apporte aucune spécificité. Pratiquement,
l'hypothèse est rare et entraîne plus de lourdeurs.

Législation applicable

La législation applicable au Burkina, comme dans la plupart des pays


francophones d’Afrique, était particulièrement lacunaire jusqu’à l’adoption de
l’AUDSC. Il s’agissait des textes ci-après.

- La loi du 9 juillet 1902, déclarée applicable par décret du 20 mars 1910, dont
les dispositions ont été reprises par la loi du 16 novembre 1903, déclarée applicable
par le même décret du 20 mars 1910. Ces deux textes législatifs ont modifié
l'article 3 de la loi du 24 juillet 1867 en précisant qu'en matière de fusion,
l'interdiction de détacher les actions d'apport de la souche et de les négocier ne
s'applique pas aux actions attribuées par la société absorbante si celle-ci est une
société par actions ayant au moment de la fusion plus de deux ans d’existence.

- La négociabilité sera élargie par le décret du 7 décembre 1954, déclaré


applicable en AOF par le décret du 13 novembre 1956. Il en est résulté une
modification de l'article 3 de la loi du 24 juillet 1867, qui dispose : « En cas de

20
fusion de société par voie d’absorption ou de création de société nouvelle englobant
une ou plusieurs sociétés préexistantes, ainsi qu'en cas d’apport par une société de
partie de ses éléments d'actif à une autre société, l'interdiction de détacher les
actions de la souche et de les négocier ne s'applique pas aux actions d’apport
attribuées à une société par actions ayant, lors de la fusion ou de l'apport, plus de
deux ans d'existence, lorsque les biens compris dans l'apport-fusion ou dans
l'apport partiel auxquels correspondent les actions attribuées étaient précédemment
représentés par des actions négociables ».

- L’article 10 de la loi du 23 janvier 1929 sur les parts de fondateurs (déclarée


applicable en vertu du décret du 19 mars 1931, promulgué en AOF par décret du 19
mars 1931 et modifié par décret du 18 septembre 1954 étendant les dispositions des
articles 5 et 10 de la loi du 25 février 1953), a prévu que la dissolution d’une
société en vue d’une fusion est soumise à l'approbation de l'assemblée générale des
porteurs de parts si la société a émis des titres de cette nature.

- L’article 20 du décret-loi du 30 octobre 1935, relatif à la protection des


obligataires (applicable aux colonies par décret du 13 janvier 1938, art. 35,
promulgation AOF 21 février 1938) a exigé que l’assemblée des obligataires soit
convoquée pour approuver la fusion de la société émettrice avec une autre société.

Depuis l'indépendance, aucun texte n’a été pris par le Burkina dans ce
domaine. Il en est de même dans la plupart des pays francophones d’Afrique, à
l’exception du Sénégal, du Mali et de la Guinée et de quelques autres pays.

Cependant, la jurisprudence française intervenue sur la question sous l’empire


des mêmes textes doit être considérée comme faisant partie du droit applicable.
Pour le reste, les règles relatives aux assemblées extraordinaires ou constitutives
sont applicables.

En France, les fusions (à titre principal), les scissions et les apports partiels
d’actif ont été réglementés par la loi du 24 juillet 1966 (art. 371 à 389-1), intégrée
au Code de commerce depuis lors. Elle en forme les articles L. 210-1 à L. 252-131.
1
Il est à signaler que la loi du 24 juillet 1966 a été intégrée au Code de commerce par une ordonnance n°
2000-912 du 18 septembre 2000 prise sur autorisation de la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 portant
habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains
codes. Cette ordonnance procède à une refonte complète de l’ancien Code de commerce et rassemble,
dans un nouveau code, les nombreuses dispositions relevant de la législation commerciale, qu’elles
figurent ou pas au précédent Code de commerce. « C’est ainsi que la loi du 24 juillet 1966 modifiée forme
la principale substance du livre II de ce nouveau Code de commerce, articles L. 210-1 à L. 252-13, étant
rappelé que les dispositions du Code civil conservent par ailleurs leur place et leur portée juridique propre,

21
Cette loi a connu une principale modification, œuvre de la loi n° 88-17 du 5 janvier
1988. Cette législation est semblable à celle des autres Etats européens d’autant que
les modifications qui lui sont apportées sont dues à la prise en compte des
directives de la CEE dans ce domaine (il s'agit de la 3 e directive adoptée le 9
octobre 1978 relativement à la fusion des SA et de la 6 e directive du 17 décembre
1982 sur la scission des SA).

Le vide législatif de l’Afrique francophone est plus ou moins comblé avec


l’adoption de l’AUDSC qui a intégré la plupart des modifications qu’a connues la
législation française. Néanmoins, le recours au droit comparé, notamment français,
demeure utile, surtout que ces opérations y sont d’usage courant et que les
tribunaux ont eu l’occasion, à plusieurs reprises, de se prononcer sur ces opérations.

L’approche, plus ou moins approfondie, de la fusion nécessite l'étude des


conditions de celle-ci, notamment la procédure de sa réalisation ainsi que les
principaux effets qu’elle entraîne. Auparavant, l’on évoquera la chronologie de
cette opération.

Section préliminaire: La chronologie ou le calendrier de la fusion


La fusion est une opération qui se déroule dans un temps plus ou moins long
et qui en pratique nécessite plus de 50 jours. MM. Cozian, Viandier et Mme
Deboissy, relèvent que « la fusion n’est pas une opération aisée ; la multiplicité des
organes à consulter, les délais requis pour cette consultation commandent
l’adoption d’un calendrier précis ». Puis, ils proposent un calendrier pouvant aller
de J-50 à J+30, soit 80 jours, J représentant la date de tenue des assemblées
extraordinaires appelées à approuver la fusion1.
Pour le cas de l’OHADA, on consultera avec intérêt l’article de M. Boris
Martor2.

Section I : Les conditions de la fusion

Au Burkina, la réglementation des fusions est contenue dans l’AUDSC.


L’application de certaines règles va de soi : par exemple celles du quorum et de la
en droit commun des sociétés (chap. I), droit des sociétés civiles (chap. II) et droit des sociétés sans
personnalité (chap. III) » (Vidal Dominique, Le Livre II, « Des sociétés commerciales et des GIE », du
Code de commerce adopté par l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, Droit des sociétés, n° 11-
novembre 2000, p. 3).
1
Op.cit., n° 1731.
2
Martor Boris, La fusion des sociétés issues du droit O.H.A.D.A, Ohada D-04-19, OHADA.com.

22
majorité des assemblées habilitées à modifier les statuts. Il sera fait appel au droit
français (loi du 24 juillet 1966 formant depuis 2000 les articles L. 210-1 à L. 252-
13 du Code de commerce, décret du 23 mars 1967) qui a certainement servi de
principale source d’inspiration au législateur OHADA.

La fusion est une opération complexe qui nécessite le respect d'un calendrier.
Celui-ci occupe plus de 50 jours. Le déroulement de la fusion comporte deux
phases importantes : une première phase qui est préparatoire, une seconde qui est
celle de la réalisation.

§ I : La préparation

La préparation de la fusion commence généralement par une phase secrète.


D'abord, elle est envisagée au plus haut niveau par les dirigeants de l’une ou de
l'ensemble des sociétés intéressées. Puis, des pourparlers sont entamés entre les
dirigeants des deux sociétés pour convenir ou arrêter provisoirement les grandes
lignes de l'opération : les modalités (par ex. choix entre fusion par absorption et
fusion par création d’une société nouvelle et dans le premier cas il faut décider
quelle société va absorber l’autre), la parité approximative d’échange des titres, la
date de l'opération, la date d’effet de la fusion, éventuellement l'avenir des
dirigeants de chacune des deux sociétés... La discrétion est de rigueur afin d’éviter
les réactions de tous ordres : salariés, syndicats, associés ou actionnaires, de la
bourse pour les sociétés cotées, clients, fournisseurs, concurrents..., d'autant qu'il
peut y avoir une déformation calculée des informations afin de provoquer des
réactions négatives. Cette phase peut se dérouler sur une longue période, les
dirigeants approfondissant la connaissance mutuelle et les liens entre les sociétés.
Au minimum, les dirigeants de chacune des sociétés s'informent sur l'état général
de l'autre société (état de santé, niveau d’endettement, rentabilité, etc.). Ils
envisagent ensemble les avantages attendus de l'opération ainsi que ses
inconvénients.

Cette phase secrète doit aboutir à la rédaction d'un projet de fusion approuvé
par les dirigeants, ce qui nécessite au préalable une évaluation des sociétés.

A- L’évaluation des sociétés

L’évaluation des sociétés est indispensable dans toute opération de fusion.


Elle concerne toutes les sociétés (absorbée et absorbante) dans la fusion-absorption
et toutes les sociétés fusionnantes dans la fusion par création d’une société

23
nouvelle. Puisque cette dernière n’existe pas encore, elle ne peut faire l'objet d’une
évaluation. Du reste, sa valeur intrinsèque sera celle des sociétés fusionnantes.

L’évaluation permet de déterminer l’actif net des sociétés, les plus-values et


surtout la parité d’échange des titres de la société absorbée contre ceux de la société
absorbante.
A cet égard, il convient d’évoquer les méthodes d’évaluation et la
détermination de la parité d’échange des titres.

1) Les méthodes d'évaluation

L’opération d'évaluation doit permettre de déterminer la valeur réelle des


sociétés concernées. Par conséquent, les éléments du bilan non réévalués sont
insuffisants. Les méthodes d’évaluation sont variées et il convient de savoir les
utiliser, d’où quelques directives pour une bonne évaluation des sociétés.

a) La variété des méthodes d’évaluation

Les méthodes d’évaluation sont diverses. On peut citer, entre autres, les
principales méthodes d'évaluation suivantes : la méthode de la valeur vénale, de la
valeur liquidative, de la valeur de rendement et de la valeur boursière. Ces
méthodes d’évaluation méritent d’être connues, ne serait-ce que de manière
sommaire.

La valeur vénale, c’est la valeur qui résulterait de la vente de la société ou des


biens de son patrimoine, donc c’est le prix du marché. Le problème qui se pose,
c'est qu’il n’y a pas à proprement parler de marché ni d'acheteurs de ce genre de
bien. La valeur vénale a-t-elle des rapports avec la valeur mathématique ? (non)

La valeur liquidative, ou « à la casse » selon les mots du Professeur Philippe


Merle, c'est celle qui résulterait d'une liquidation par vente séparée des différents
biens de l'entreprise et du paiement de ses dettes et des charges (impôts, charges
sociales, rémunérations des liquidateurs…).

La valeur de rendement est obtenue en capitalisant la moyenne des derniers


dividendes.

La valeur boursière ne concerne que les sociétés dont les actions sont cotées
en bourse. Elle indique la valeur figurant à cette cote. Elle résulte des cotations
récentes des actions émises par les sociétés mais on peut la déterminer en tenant

24
compte d'une période plus ou moins longue : par ex. la valeur moyenne résultant de
la cotation sur le dernier mois multiplié par le nombre de titres émis par la société.
Le glossaire de la BRVM définit la capitalisation boursière comme la valeur d'une
société en bourse, obtenue en multipliant le cours de bourse par le nombre
d'actions.

Ces méthodes ou critères sont dits plus ou moins objectifs. Ils peuvent être
pondérés en fonction de critères plus subjectifs comme : les effets qu’auront sur les
sociétés les mutations envisagées, notamment le changement de certains dirigeants,
la complémentarité et la synergie entre les sociétés, l’arrivée de nouveaux
dirigeants et la mise en place d’un « management » plus dynamique, les nouvelles
dimensions de l’entreprise, l'ouverture d’autres marchés1, l’accès plus facile au
marché financier... Comme l’affirme le professeur Yves Guyon, « s'il est normal de
prendre en considération les données du passé, objectivement contrôlables, il serait
irréaliste et contraire à l'équité d’écarter systématiquement les perspectives
d’avenir »2 de la société.

En pratique, les méthodes utilisées sont les méthodes dites objectives. Elles se
rapprochent de l’actif net réévalué, en tenant compte de la rentabilité et, dans une
moindre mesure, des perspectives d’avenir.

b) Directives pour une bonne évaluation des sociétés

L’évaluation des sociétés doit se faire de manière sincère, sans artifice, en


fonction de critères spécifiques et pertinents et dans le respect de l'égalité entre les
sociétés concernées. En France, la Commission des opérations de bourse (COB),
créée en 1967 et qui est devenue l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2004,
a publié une directive intéressante à ce sujet en 19773. Le professeur Yves Chartier
en a fait la synthèse suivante4 :

1
Yves Chartier, op. cit., p. 453.
2
Yves Guyon, Droit des affaires, tome 1: Droit commercial général et sociétés, anciennes éditions, op.
cit., p. 610.
Voy. pour une liste de méthodes, Meissonnier, op. cit., p. 458. Il distingue, en matière d’évaluation des
sociétés, les méthodes de l'actif net, du rendement, la méthode indirecte (ou des praticiens : moyenne
arithmétique entre le montant de l'actif net et la valeur de rendement), la méthode dite de la rente de
goodwill (une partie du bénéficie appelée super-profit est capitalisée), la méthode dite de durée abrégée de
la rente de goodwill, la méthode de capitalisation des dividendes, la méthode du cashfflow, la méthode du
discounted cash-flow.
3
Bulletin COB n° 95 de juillet-août 1977 ; Rapport COB pour l'année 1977, J.O. Doc. administrative
1977, 1055.
4
op. cit., p. 454.

25
1° - L’emploi de plusieurs critères est nécessaire (sauf cas exceptionnel) mais
leur nombre ne doit pas être excessif ni conduire à des complications inutiles.

2° - Les critères ne doivent pas faire double emploi entre eux. Ils doivent
présenter, chacun, une approche différente des sociétés.

3° - Les méthodes d’emploi des critères doivent être homogènes : par


exemple, la moyenne des cours de bourse doit être calculée sur la même période ;
la date de référence de l’évaluation doit être la même pour toutes les sociétés
concernées.

4° - Les critères retenus doivent être significatifs. Ainsi :

- le critère de rentabilité doit éliminer les éléments exceptionnels (plus-values


et moins-values de cession non répétitives) ;

- l'actif net n'est significatif que s'il a fait l'objet de vérifications permettant de
s'assurer de la fiabilité des états comptables ; il doit y avoir harmonisation pour les
sociétés concernées, de même qu’une consolidation tenant compte des filiales ;

- la capitalisation boursière n'est valable que si les négociations sont


suffisamment régulières et importantes ;

- les résultats prévisionnels sont à considérer avec certaines précautions.

D’une manière générale, l’évaluation doit respecter l’égalité. La date


d’évaluation des deux patrimoines doit être la même. Les actions des deux sociétés
doivent être évaluées selon des méthodes homogènes et en retenant les mêmes
critères. « Il serait en effet injuste de ne tenir compte des espoirs de plus-value
résultant de la fusion que dans l’évaluation des actions de la société absorbante, au
prétexte que la société absorbée ne profitera pas de cette plus-value puisqu’elle
disparaîtra. Ce serait oublier que la plus-value a été provoquée par l’apport de la
société absorbée et qu’elle doit donc être partagée entre les actionnaires des deux
sociétés »1.

Pour la COB, qui a été remplacée par l’AMF, les abattements forfaitaires, les
ratios ou, sauf justification pertinente, les coefficients de pondération ne sont pas
justifiés dans la recherche d’une parité équitable et sont à écarter comme de nature
1
Yves Guyon, Droit des affaires, tome 1: Droit commercial général et sociétés, op. cit., 12 e éd., 2003, n°
629.

26
à fausser l’appréciation des actionnaires. « Ces procédés tendent en fait à priver
l’actionnaire de son pouvoir d’appréciation en lui présentant comme une certitude
inattaquable donnée par un calcul mathématique ce qui n’est, en réalité, que le
résultat d’un choix délibéré ou d’une négociation »1.
Au total, l’une des directives majeures, c'est la sincérité. « Les évaluations
doivent être sincères. Elles doivent chercher une approximation raisonnable plutôt
qu'une précision illusoire et artificielle »2.

L’opération d’évaluation a pour but la détermination d’une parité d’échange


des titres reflétant la valeur des sociétés concernées et qui ne cause de préjudice ni
aux associés de la société absorbée ni à ceux de la société absorbante3.

B -La détermination de la parité d'échange des titres

La détermination de la parité d'échange se fait en principe sur la base d'un


calcul mathématique fondée sur la valeur de chaque société telle qu'elle résulte de
l'évaluation.

Il convient d’aborder successivement : un exemple très simplifié de calcul de


la parité, des directives intervenant dans la détermination de la parité d'échange, le
cas particulier où l'une des sociétés possède des titres de l’autre société et celui de
participations réciproques.

1) Illustrations de la détermination de la parité d’échange

Soit deux sociétés A et B, A étant absorbée par B.

La société A a un capital de 10 millions, divisé en 1000 actions de 10 000 F


de valeur nominale. Son actif net réel, suite à l'évaluation, s'élève à 20 millions.

La société B a un capital de 20 millions, divisé en 2000 actions de 10 000 F


de valeur nominale. Son actif net réel, suite à l'évaluation, s'élève à 80 millions.

Pour déterminer la parité d’échange, il faut déterminer la valeur réelle des


titres des sociétés concernées. Celle-ci est égale à l'actif net réévalué de chaque
société divisé par le nombre de titres sociaux.

1
Bulletin COB n° 95 de juillet-août 1977, p. 22.
2
Guyon Y., op. cit., 12e éd., 2003, n° 629.
3
Dans la fusion par création d'une société nouvelle, il faut protéger les associés des différentes sociétés
fusionnantes

27
Il faut signaler que l’actif net réévalué (ANR) est égal à l’actif total réévalué
moins le passif exigible (PE), c’est-à-dire le passif dû à des tiers. Le passif exigible
(PE) est égal aux dettes à court terme (DCT), plus les dettes à moyen terme (DMT),
plus les dettes à long terme (DLT).

Valeur réelle de l'action A : 20 millions/1000 = 20 000 F

Valeur réelle de l'action B : 80 millions/2000 = 40000 F

Parité d'échange = 20000/40000 = ½, ce qui implique que l’action de A vaut


un demi de l’action de B.

C’est-à-dire qu'il faut remettre 2 actions A pour recevoir une action B. Dans
l'hypothèse inverse, c’est-à-dire d’absorption de B par A, on aurait : 40000/20000 =
2, ce qui signifie que contre la remise d’une action B, l'on reçoit 2 actions A.

Accessoirement, l'on notera que :

- chaque actionnaire de la société A réalise une plus-value de 10 000 F, soit


pour l’ensemble des actionnaires une plus-value de 10 000 000 F ;
- chaque actionnaire de la société B réalise une plus-value de 30 000 F, soit
pour leur ensemble 60 000 000 F.

Pour rémunérer les actionnaires de A, la société B devra créer 1000/2 = 500


actions.

L’augmentation du capital de B sera de : 10 000 F x 500 = 5 000 000 F


La prime de fusion sera de : 20 000 000 F – 5 000 000 F = 15 000 000 F. La
prime de fusion est égale à l'excédent de l'ANR par rapport à l'augmentation
effective du capital.

2) Directives pour la détermination de la parité d'échange des titres

Il est rare que la comparaison de la valeur des titres aboutisse à une relation
aussi simple que celle dégagée plus haut (2 titres pour un). Fréquemment, les
opérations dégagent une parité difficilement exploitable comme celle que fournit le
Professeur Chartier. « Le rapport d'échange devrait être de 510/875 = 0,582, c'est-à-
dire que dix actions A donneraient droit à 5,82 actions B, et qu’il en faudrait 500

28
(qui permettraient de recevoir 291 actions B) pour éviter les fractions ! »1 (on a en
effet 0,582 x 500 = 291).

Il est conseillé :
- de fixer une fourchette à l'intérieur de laquelle la parité peut évoluer ;
- de ne pas retenir une parité trop complexe ;
- au besoin de rechercher des solutions contribuant à la simplification, par
exemple racheter un certain nombre d'actions pour les annuler, fixer judicieusement
la date de jouissance des titres, verser une soulte en argent...

Au total, le rapport d’échange des titres doit être arrêté après des études
minutieuses mais également de longues discussions faisant notamment intervenir la
nécessité de parvenir à une parité aussi simple que possible. Selon au auteur, « il
serait tendancieux de présenter le rapport d’échange comme résultant de calculs
mathématiques alors qu’il est généralement le fruit d’une négociation entre les
dirigeants des deux sociétés. Les dirigeants et les commissaires à la fusion doivent
notamment préciser les éléments retenus et les méthodes utilisées, en attirant
l’attention des actionnaires sur les difficultés qu’ils ont pu rencontrer »2.

S'agissant de la négociation des rompus, elle peut s'avérer indispensable toutes


les fois que le titre de la société absorbée n’est pas échangé contre un titre de la
société absorbante, par exemple, il faut deux titres pour en recevoir un ou trois,
deux et demi (2,5) pour en recevoir trois, etc. Il en résulte, pour les associés qui ne
possèdent pas le nombre prescrit pour obtenir les actions ou parts nouvelles ou un
multiple de ce nombre, l'obligation d’acheter ou de céder les droits formant
rompus. La valeur mathématique de chaque droit est égale à la fraction de la valeur
de l'action ou de la part à laquelle ce droit donne vocation. Assez souvent, on ne
trouve pas de cédant.

3) L’existence de participations entre les sociétés intéressées

Il est fréquent que l'une des sociétés intéressées à la fusion ait une
participation dans l'autre. Il s'agit le plus souvent de la société absorbante mais il
peut également s'agir de la société absorbée. Il peut même arriver qu'il y ait des
participations réciproques3.
Dans tous les cas, l’article 191 de l’AUDSC précise que :

1
Chartier Yves, op. cit., p. 455.
2
Y. Guyon, op. cit., n° 629. L’auteur invoque à cet égard l’article L. 236-10 du Code de commerce.
3
Voy. sur ces opérations : Mercadal et Janin, Sociétés commerciales, Memento pratique Francis Lefebvre,
1978, p. 1036 et s. (n° 53458 et s.) et Meisonnier, op. cit., p. 640 et s.

29
Les associés peuvent éventuellement recevoir, en échange de leurs apports,
une soulte, c’est-à-dire une somme d’argent destinée à équilibrer l’opération, dont
le montant ne peut dépasser dix pour cent de la valeur d'échange des parts ou
actions attribuées.
Toutefois, il n'est pas procédé à l'échange de parts ou d'actions de la société
bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent lorsque ces
parts ou actions sont détenues :
1°) Soit par la société bénéficiaire ou par une personne agissant en son
propre nom mais pour le compte de cette société ;
2°) Soit par la société qui disparaît ou par une personne agissant en son
propre nom mais pour le compte de cette société.

a) Cas où la société absorbante détient une participation dans la société


absorbée

La société absorbante doit, en recevant l'apport de la société absorbée (qui est


tout son patrimoine), augmenter son capital et créer des titres pour les associés de la
société absorbée. Comme elle détient une participation dans cette société, elle
devrait ainsi recevoir une partie de ses propres titres. Pour éviter cette conséquence
inacceptable, deux solutions sont concevables : la fusion-renonciation et la fusion-
allotissement.

Dans la fusion-renonciation, la société absorbante renonce à créer les titres


qui devraient lui revenir. La fraction de l’actif net de la société absorbée
correspondant aux titres qu'elle détenait aura pour contrepartie comptable, d'une
part, l'annulation de sa participation dans la société absorbée et, d’autre part, une
prime de fusion complémentaire1.

Dans la fusion-allotissement, tout se passe comme si la part de l'actif net


correspondant à la participation de la société absorbante dans la société absorbée
lui était attribuée en partage. Juridiquement, il y aurait liquidation partielle de la
société absorbée. La plus-value que dégage l'opération est non pas une plus-value
de fusion bénéficiant du régime de faveur mais une plus-value de liquidation
intégralement imposable. C’est cette imposition qui explique que la fusion-
allotissement n’est pratiquement pas utilisée.

b) Cas où la société absorbée détient une participation dans la société


absorbante
1
L’on se demande si cette prime de fusion ne devrait pas être comptabilisée à part en tant que boni de
fusion.

30
La société absorbante recueille, du fait de la fusion, ses propres titres détenus
par la société absorbée. Pour éviter une telle situation, la société absorbée peut,
avant la fusion, vendre les titres de la société absorbante qu'elle détient ou les
distribuer entre ses propres associés. Mais une telle distribution implique des
charges fiscales.

Le plus souvent, la société absorbée apporte tous ses éléments actifs et passifs,
y compris les actions ou parts qu'elle détient dans la société absorbante. Ces actions
ou parts sont, comme les autres éléments apportés, évalués à leur valeur réelle pour
ne pas fausser la détermination du rapport d’échange des titres. En rémunération de
cet apport, la société absorbante augmente son capital dans les conditions
habituelles, puis le réduit d’un montant égal à la valeur nominale de ses propres
actions ou parts qui lui ont été apportées et qui se trouvent de ce fait annulées. La
différence entre la valeur nominale et la valeur d’apport des titres annulés est
imputée sur la prime de fusion (dont elle diminue le montant).

En définitive, le capital est augmenté du nombre de titres correspondant à


l'apport moins le nombre de titres déjà détenus. La prime de fusion est égale au
montant total dégagé moins celui correspondant aux titres déjà détenus.

c) Cas des participations réciproques

Il y a participations réciproques lorsque, au jour de la fusion, la société


absorbante détient une participation dans la société absorbée et que celle-ci détient
une participation dans la société absorbante. En raison de l'interdiction des
participations croisées entre sociétés, d’une manière générale, et entre sociétés par
actions, en particulier, au Burkina, en raison de l’AUDSC1, comme en France (plus
de 10 %), l'hypothèse devrait être fort rare en pratique : légalement, il ne pourrait
s’agir que de participations dont aucune n’excède 10%. Dans un tel cas, on
applique cumulativement les procédés décrits ci-dessus.

Malgré son importance, l'évaluation des sociétés n’est pas une fin en soi. Elle
doit permettre la rédaction d’un projet, préalable à la réalisation de la fusion.

1
Dans l’AUDSC, ce sont les articles 177 et 178 qui régissent la question. Voy. infra le Titre sur les
groupes de sociétés.

31
B- La rédaction d'un projet de fusion

Les dirigeants des sociétés intéressées doivent élaborer un projet ou traité de


fusion. Il va sans dire que ce projet est approuvé par les dirigeants des sociétés
concernées, sinon la fusion ne peut avoir lieu, et il fait l'objet d'une publicité
destinée à informer les tiers.

Le contenu du projet de fusion est défini de manière précise par l’article 193
de l’AUDSC à la suite de l’article 254 du décret français du 23 mars 1967
d'application de la loi du 24 juillet française 1966. Selon l’article 193, « toutes les
sociétés qui participent à une opération de fusion ou de scission établissent un
projet de fusion ou de scission arrêté, selon le cas, par le conseil d'administration,
l'administrateur général, le ou les gérants de chacune des sociétés participant à
l'opération ».

Le projet doit indiquer :


1°) La forme, la dénomination et le siège social de toutes les sociétés
participantes, autrement dit les éléments d’identification des sociétés concernées
par la fusion ;
2°) Les motifs et les conditions de la fusion ou de la scission ;
3°) La désignation et l'évaluation de l'actif et du passif dont la transmission
aux sociétés absorbante ou nouvelles est prévue ;
4°) Les modalités de remise des parts ou actions et la date à partir de laquelle
ces parts ou actions donnent droit aux bénéfices, ainsi que toute modalité
particulière relative à ce droit, et la date à partir de laquelle les opérations de la
société absorbée ou scindée seront, du point de vue comptable, considérées comme
accomplies par la ou les sociétés bénéficiaires des apports ;
5°) Les dates auxquelles ont été arrêtés les comptes des sociétés intéressées,
utilisés pour établir les conditions de l'opération ;
6°) Le rapport d'échange des droits sociaux et, le cas échéant, le montant de
la soulte ;
7°) Le montant prévu de la prime de fusion ou de scission ;
8°) Les droits accordés aux associés ayant des droits spéciaux et aux porteurs
de titres autres que des actions ainsi que, le cas échéant, tous avantages particuliers.

Ce projet expose, en outre, dans une déclaration annexée, les méthodes


d'évaluation utilisées et donne les motifs du choix du rapport d'échange des droits
sociaux.

32
Il ressort de l’article 194 de l’AUDSC que le projet de fusion ou de scission
est déposé au greffe chargé des affaires commerciales (qui est le greffe du TC au
Burkina) du siège desdites sociétés et fait l'objet d'un avis inséré dans un journal
habilité à recevoir les annonces légales par chacune des sociétés participant à
l'opération.

Cet avis contient les éléments essentiels de l’opération de fusion tels que
prévus à l’article 193, en l’occurrence :

1°) La dénomination sociale suivie, le cas échéant, de son sigle, la forme,


l'adresse du siège, le montant du capital et les numéros d'immatriculation au
registre du commerce et du crédit mobilier de chacune des sociétés participant à
l'opération ;
2°) La dénomination sociale suivie, le cas échéant, de son sigle, la forme,
l'adresse du siège et le montant du capital de la ou des sociétés nouvelles qui
résulteront de l'opération ou le montant de capital des sociétés existantes ;
3°) L'évaluation de l'actif et du passif dont la transmission aux sociétés
absorbantes ou nouvelles est prévue ;
4°) Le rapport d'échange des droits sociaux ;
5°) Le montant prévu de la prime de fusion ou de scission.
Le dépôt au greffe et la publicité prévue à l’article 194 de l’AUDSC doivent
avoir lieu au moins un mois avant la date de la première assemblée générale
appelée à statuer sur l'opération.

Le projet ainsi établi doit être approuvé par les dirigeants des sociétés
concernées, à savoir le conseil d'administration ou l’administrateur général pour la
SA ou le ou les gérants pour la SARL dans le cas du Burkina et des Etats parties au
Traité de l’OHADA. En France, il s’agit pour la SA, soit du conseil
d’administration, soit du directoire et du conseil de surveillance, et, pour la SARL,
du ou des gérants en France. Les représentants du personnel sont informés et
consultés en France (comité d'entreprise). Au Burkina, avant l’AUDSC, la
convention ne donnait lieu à “aucune publicité dans un journal d'annonces légales
ou au greffe du tribunal de commerce, contrairement aux dispositions de l'article
374 de la loi française du 24 juillet 1966”1. On se demande comment les créanciers
ordinaires, les obligataires et les tiers pouvaient faire valoir leurs droits, surtout
lorsque la loi leur reconnaît un droit d’opposition.

1
Meissonnier G., op. cit., p. 465.
En France, si l'une des sociétés concernées fait appel publiquement à l'épargne, il faut en plus la publicité
au BALO.

33
Bien que signé par le représentant légal de chaque société concernée, il ne
s’agit toujours que d’un projet. La réalisation effective de la fusion nécessite
l'intervention des organes délibérants.

§ II : La réalisation

Pour que la fusion se réalise, il ne suffit pas que les dirigeants des sociétés
concernées aient élaboré un projet qui reçoit leur assentiment. L’intervention
d'autres organes est nécessaire. L'on distinguera à cet égard les dispositions
d’application générale de celles qui ne s’appliquent que dans certains cas.

A- Les règles d’application générale

Les règles d'application générale tournent autour de deux idées.

La première tient en ce que la fusion entraîne une modification des statuts


aussi bien de la société absorbée, qui va disparaître (dissolution), que de la
société absorbante, qui va devoir augmenter son capital. La fusion doit être
approuvée par les associés à la majorité requise pour les modifications statutaires :
la majorité des 2/3 du capital ou des droits de vote pour les SA, des associés
représentant les 3/4 du capital pour les SARL1, l’unanimité pour les SNC,
l’unanimité également pour les associés commandités et majorité des 2/3 du capital
pour les commanditaires pour les commandites par actions (mais les commandites
par actions ont disparu dans les Etats parties au Traité de l’OHADA) et majorité
des 3/4 du capital pour les commandites simples.
Dans ce sens, l’article 197 dispose que les fusions et les scissions sont
décidées, pour chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la
modification de ses statuts et selon les procédures suivies en matière
d'augmentation du capital et de dissolution de la société.

Le problème de quorum se pose essentiellement pour les SA2.

1
Selon l’article 358 de l’AUDSC, « les modifications des statuts sont décidées par les associés
représentant au moins les trois quarts du capital social. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
En France comme dans les Etats de l’OHADA, il est exigé la majorité des associés représentant les ¾ du
capital pour la cession de parts sociales (à des non associés), ce qui est renforce la considération de la
personne dans les SARL, et en fait une société à mi-chemin en entre les sociétés de personnes et les
sociétés de capitaux.
2
Au Burkina :
- 1/2 du capital social sur 1ère convocation.
- ¼ sur 2e ou 3e convocation.

34
L'on observe que la société absorbante, au Burkina, devait, sous l’empire de
l’ancienne législation, tenir deux assemblées générales extraordinaires. La première
avait pour objet d'approuver provisoirement la convention de fusion et de désigner
un ou plusieurs commissaires aux apports. La seconde, au vu du rapport du ou des
commissaires aux apports, devait approuver définitivement la fusion et l'évaluation
des apports et décider de l'augmentation du capital. Ces règles n’étaient pas propres
à la fusion. Elles s'appliquaient aux constitutions et augmentations de capital des
sociétés anonymes ou des sociétés en commandite par actions par voie d’apport en
nature. Désormais, à l’imitation de la législation française, l’AUDSC ne retient
qu’une seule assemblée dans tous les cas.

Il conviendra de procéder à la publicité de la dissolution pour la société


absorbée, de l'augmentation de capital pour la société absorbante1 ou de la
constitution en cas de fusion par création d'une nouvelle société. La publicité a lieu
au RCCM et dans un journal d’annonces légales.

La seconde idée découle du principe fondamental du droit des sociétés


selon lequel on ne peut accroître les engagements d'un associé sans son
consentement. S'il résulte de la fusion une augmentation des engagements des
associés, l'opération doit être approuvée à l'unanimité des associés ou actionnaires
(art. 197, al. 2). Le problème se pose seulement pour les associés de la société
absorbée. Ce serait le cas si la société absorbée est une SA ou une SARL et que la
société absorbante est une SNC, car la fusion ferait perdre aux associés ou aux
actionnaires le bénéfice de la limitation de leur engagement au montant de leurs
apports. Mais une telle hypothèse se produit très rarement en pratique.

Selon l’article 199, la fusion, la scission et l'apport partiel d'actifs peuvent


concerner des sociétés dont le siège social n'est pas situé sur le territoire d'un même
Etat partie. Dans ce cas, chaque société concernée est soumise aux dispositions du
présent Acte uniforme dans l'Etat partie de son siège social.

Une déclaration de conformité, semblable à celle prévue en matière de


constitution de société s’il n’y a pas de déclaration notariée de souscription et de
En effet, selon l’article 553 de l’AUDSC, « l’assemblée générale extraordinaire ne délibère valablement
que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins la moitié des actions, sur première
convocation, et le quart des actions, sur deuxième convocation.
Lorsque le quorum n’est pas réuni, l'assemblée peut être une troisième fois convoquée dans un délai qui ne
peut excéder deux mois à compter de la date fixée par la deuxième convocation, le quorum restant fixé au
quart des actions ».
1
Voy. art. 55 de la loi du 24 juillet 1867 et Meissonnier, op. cit., p. 474 et 226.

35
versement, incombe aux dirigeants. Dans ce sens, l’art. 198 prévoit que, à peine de
nullité, les sociétés participant à une opération de fusion, scission, apport partiel
d'actifs sont tenues de déposer au greffe une déclaration dans laquelle elles relatent
tous les actes effectués en vue d'y procéder et par laquelle elles affirment que
l'opération a été réalisée en conformité du présent Acte uniforme.

Les règles ci-dessus évoquées s'appliquent en principe à toutes les fusions.


Celles que nous aborderons ne s'appliquent qu’à certaines d’entre elles.

B- Les règles particulières

Elles s'appliquent aux fusions entre sociétés anonymes ou intéressant au moins


une société anonyme.

En premier lieu, l'on notera le rôle important que jouent les


commissaires à la fusion.
Ainsi, selon l’article 672, un ou plusieurs commissaires à la fusion, désignés
par le président de la juridiction compétente, établissent, sous leur responsabilité,
un rapport écrit sur les modalités de la fusion.
Ils peuvent obtenir auprès de chaque société, communication de tous
documents utiles et procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils sont soumis, à
l’égard des sociétés participantes, aux incompatibilités prévues à l'article 698 du
présent Acte uniforme.
Le ou les commissaires à la fusion vérifient que les valeurs relatives
attribuées aux actions des sociétés participant à l’opération sont pertinentes et que
le rapport d’échange est équitable. Le ou les rapports des commissaires à la fusion
sont mis à la disposition des actionnaires et indiquent :
1°) la ou les méthodes suivies pour la détermination du rapport d’échange
proposé ;
2°) si cette ou ces méthodes sont adéquates en l’espèce et les valeurs
auxquelles chacune de ces méthodes conduit, un avis étant donné sur l’importance
relative donnée à cette ou ces méthodes dans la détermination de la valeur retenue ;

3°) les difficultés particulières d’évaluation, s’il en existe.


L’article 673 précise que le ou les commissaires à la fusion ou à la scission
sont désignés et accomplissent leur mission dans les conditions prévues aux articles
619 et suivants du présent Acte uniforme.
S’il n'est établi qu'un seul rapport pour l'ensemble de l'opération, la
désignation a lieu sur requête conjointe de toutes les sociétés participantes.

36
Beaucoup d’auteurs pensent que le rapport unique est plus pertinent parce qu’il
favorise la comparaison entre les sociétés.

En second lieu, lorsque la société absorbée ou la société absorbante


comprend deux ou plusieurs catégories d'actionnaires (par exemple, des
actionnaires ayant un droit de vote double et d’autres ayant un droit de vote simple,
ou encore des actionnaires ayant droit à un dividende prioritaire et d'autres n’y
ayant pas droit...), les assemblées spéciales d’actionnaires doivent approuver la
fusion si elle porte atteinte à leurs droits. Dans ce sens, l’article 553 de l’AUDSC
dispose :
« L’assemblée spéciale réunit les titulaires d’actions d’une catégorie
déterminée.
L’assemblée spéciale approuve ou désapprouve les décisions des assemblées
générales lorsque ces décisions modifient les droits de ses membres.
La décision d'une assemblée générale de modifier les droits relatifs à une
catégorie d'actions, n'est définitive qu'après approbation par l'assemblée spéciale
des actionnaires de cette catégorie ».
De manière plus spécifique, l’article 671, alinéa 2, dispose que la fusion est
soumise, le cas échéant, dans chacune des sociétés qui participent à l’opération, à la
ratification des assemblées spéciales d’actionnaires visées à l’article 555 de
l’AUDSC.

En troisième lieu, si les sociétés concernées par la fusion ont émis des
parts de fondateurs (société absorbée ou sociétés fusionnantes), l'assemblée des
porteurs sera appelée à se prononcer sur l'opération, c'est-à-dire à l'approuver ou à
la désapprouver. En cas de désapprobation, l'opération peut être poursuivie mais les
porteurs de parts peuvent obtenir, le cas échéant, des dommages-intérêts. Il semble
que l'approbation soit nécessaire si la fusion nécessite en plus une modification de
l'objet social1. Il est peu probable que de telles difficultés se produisent en France
où la loi du 24 juillet 1966 interdit l’émission de tels titres pour l'avenir 2 et au
Burkina où l’AUDSC a repris la même règle. En effet, selon l’article 744, alinéa 3,
de l’AUDSC, « l'émission de parts bénéficiaires ou de parts de fondateur est
interdite » tandis que l’article 918 précise que « les parts bénéficiaires ou parts de
fondateur émises avant l'entrée en vigueur du présent Acte uniforme sont et
demeurent régies par les textes les concernant ».

1
Loi du 23 janvier 1929 sur les parts de fondateurs, art. 9 (les modifications de l'objet ou de la forme
d’une société ayant émis des parts de fondateurs ne sont valables qu'après approbation de l'assemblée des
porteurs de parts).
2
Art. 264 de la loi du 24 juillet 1966.

37
En dernier lieu, certaines règles s'appliquent en présence d’obligataires.
Les obligataires de la société absorbante ne sont pas consultés. Toutefois, les
représentants de la masse peuvent former opposition avec les conséquences que
nous préciserons à propos des obligataires de la société absorbée.
Les obligataires de la société absorbée peuvent se voir offrir le remboursement
de leurs titres. A défaut, le projet leur est soumis. S'ils l'approuvent, ils deviennent
obligataires de la société absorbante aux conditions initialement prévues.
Dans les Etats parties au Traité de l’OHADA comme en France, la société
peut passer outre le défaut d'approbation des obligataires mais les représentants de
la masse des obligataires peuvent former opposition devant le tribunal compétent
en matière commerciale qui peut rejeter l'opposition si le risque de non-paiement ne
lui paraît pas sérieux ou ordonner soit le remboursement des créances, soit la
constitution, par la société absorbante, de garanties jugées suffisantes. Si la société
ne s'exécute pas, la fusion leur est inopposable.

L’on notera pour finir que la fusion dérogeait à un certain nombre de règles du
droit des sociétés :

- Celle qui exige 7 actionnaires pour constituer une SA. En effet, dans la
fusion par création d’une SA nouvelle, l'apport peut n'être fait que par deux
sociétés. Mais la société nouvelle aura certainement plus de 7 actionnaires (tous les
anciens actionnaires des 2 sociétés). Cette règle des 7 actionnaires au minimum n’a
pas été retenue par l’AUDSC, qui admet la SA unipersonnelle en plus de la SARL
unipersonnelle.

- En cas de scission, une seule société fait un apport aux sociétés nouvelles à
créer ; cette hypothèse appelle les mêmes observations que celle plus haut.

Il faut souligner, bien que cela semble très rare en pratique, que la fusion
est susceptible d’être frappée de nullité dans deux cas :
- si la délibération de l’assemblée est nulle, ce qui renvoie au droit commun
des nullités des assemblées, en particulier l’existence d’un vice de consentement ou
d’une fraude ;
- le défaut de déclaration de conformité ; c’est l’absence de déclaration qui est
sanctionnée par la nullité et non son irrégularité.
La prescription est de six mois à compter de la dernière inscription au RCCM.
Si la nullité est prononcée, celle-ci n’a pas d’effet sur les obligations nées à la
charge ou au profit des sociétés impliquées dans l’opération de fusion entre sa date
d’effet et celle de la publication de la décision prononçant la nullité. Ainsi, la
société absorbante ne saurait tirer argument de l’anéantissement de la fusion pour

38
refuser d’exécuter les engagements nés après la fusion du fait du patrimoine à elle
transmis1.

Conclusion

La fusion ne se réalise qu’à la suite d'une procédure longue et complexe. C’est


pourquoi il est utile que les dirigeants des sociétés concernées élaborent et suivent
un calendrier ou un chronogramme (ou un schéma chronologique)2, ce qui facilitera
le respect des obligations légales y afférentes. Tout ceci se justifie en raison des
effets radicaux que produit la fusion.

Section Il : Les effets

La fusion produit des effets sur les sociétés concernées (§II), ainsi que sur les
créanciers et les salariés (§III). Auparavant, il convient d’indiquer à quelle date se
produisent ces effets (§I).

§ I : La date des effets

Dans l’OHADA comme en France3, les textes applicables précisent que le


patrimoine des sociétés absorbées, fusionnées ou scindées est dévolu dans l'état où
il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération4. On peut distinguer
plusieurs situations5.

L’article 192 de l’AUDSC, reprenant les règles du droit français, dispose


que la fusion ou la scission prend effet dans les conditions suivantes :

1°) En cas de création d'une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date


d'immatriculation, au registre du commerce et du crédit mobilier, de la nouvelle
société ou de la dernière d'entre elles ; chacune des sociétés nouvelles est
constituée selon les règles propres à la forme de la société adoptée.

1
Cozian M., Viandier A et Deboissy F., Droit des sociétés, 16e éd., Litec, 2003, n° 1732.
2
Voy. à ce sujet le Dictionnaire Permanent du Droit des affaires.
3
Loi du 24 juillet 1966 et décret du 23 mars 1967, tels que modifiés par la loi du 5 janvier 1988 et le
décret du 22 avril 1988.
4
Art. L 372-1 nouveau.
5
Nous reprenons les développements de M. Philippe Merle: Droit commercial, sociétés commerciales,
Dalloz, 1988, p. 652-653.

39
2°) Dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant
approuvé l'opération, sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une
autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en
cours de la ou des sociétés bénéficiaires ni antérieure à la date de clôture du
dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.

- Vis-à-vis des tiers, ces opérations, comme toute modification statutaire, ne


leur sont opposables qu’après accomplissement des formalités de publicité. Si l'un
des biens est soumis à une publicité particulière, comme c’est le cas en matière
immobilière, c'est la date d'accomplissement de cette formalité qui doit être retenue
pour ce bien.

En pratique, comme la réalisation de la fusion ou des opérations assimilées


s'étale sur plusieurs mois, il est d’usage de prévoir dans le traité une "clause de
rétroactivité de la fusion". Par cette clause, l'on convient que la société absorbante
prendra intégralement à sa charge toutes les opérations actives et passives
effectuées par la société absorbée pendant la période intercalaire comprise entre la
date d’arrêté des comptes ayant servi de base à la fusion (date de clôture du dernier
exercice et d’établissement du dernier bilan) et la date de réalisation effective.
L’intérêt de la clause est essentiellement d'ordre fiscal. En effet, l'administration
admet, en principe, que la société absorbante englobe dans ses résultats les
bénéfices ou les pertes réalisés par la société absorbée pendant la période
intercalaire1.

§ II : Les effets à l'égard des sociétés

L’on distinguera la situation de la société absorbée, celle de la société


absorbante, enfin la situation des dirigeants sociaux.

A- La situation de la société absorbée

Elle est grosso modo la même que celle des sociétés fusionnantes ou de la
société scindée.

1
Voy. sur ces questions
- Ch. Pinoteau, La prise en considération, en cas de fusion, des résultats obtenus par la société absorbée
durant la période s'étendant de la date du dernier arrêté des comptes jusqu'à la date de réalisation définitive
de la fusion, Rev. des sociétés 1983, p. 531.
- J.P. Storck, La rétroactivité des décisions sociales, Rev. des sociétés 1985, p. 55.

40
La fusion (ou la scission) entraîne la dissolution de la société absorbée, qui
disparaît et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante. Le
patrimoine qui se compose des éléments actifs et passifs est transmis dans l'état où
il se trouve à la date de réalisation de l'opération. La dissolution n'est pas suivie
d’une liquidation. Il n'y a pas de survie de la personnalité morale de la société
absorbée. La grande majorité de la doctrine est dans ce sens. Toutefois, des
opinions isolées soutiennent que la fusion n’entraîne pas la dissolution de la société
absorbée et que celle-ci continue de vivre dans la société absorbante1 mais l’on ne
voit pas quelle conséquence particulière cela entraîne au niveau du droit.

B- La situation de la société absorbante

La transmission universelle du patrimoine de la société absorbée au profit de


la société absorbante s'opère de plein droit.

Du côté actif, la société absorbante bénéficie de tous les droits de la société


absorbée. Il n’est pas nécessaire d'accomplir les formalités de la cession de fonds
de commerce ni même celle de la cession de créance de l'article 1690 du Code
civil. La société absorbante bénéficie du bail commercial : elle est substituée aux
droits et obligations de la société absorbée résultant du bail2. Lorsque dans le
patrimoine apporté figurent des actions ou des parts sociales dont la cession
suppose un agrément, la solution est hésitante : après avoir admis que l'agrément
n’était pas nécessaire3, la Cour de cassation française a décidé que les statuts d'une
société anonyme pouvaient prévoir la nécessité d'un agrément de la société
absorbante4, ce qui permet à la société qui était contrôlée par la société absorbée de
se prémunir contre un changement d’associé.

Du côté du passif, la société absorbante est débitrice, sans novation, c’est-à-


dire sans une quelconque transformation (taux d’intérêt, modalités de
remboursement…), des créanciers de la société absorbée. Cette transmission de

1
Sur la survie de la société absorbée, voy. Yvonne Cheminade, Nature juridique de la fusion des sociétés
anonymes, RTD com., 1970, p. 15 à 44. A la page 42, elle écrit : « La transmission qui s’opère dans la
fusion n’est pas limitée au seul actif, lequel pourrait aussi bien être transmis par d’autres moyens, elle
s’étend à la société elle-même qui se « transmet », corps et biens, mêlant ses éléments à ceux de la société
absorbante dont elle emprunte, dès cet instant, la personnalité morale… La nature de la fusion apparaît dès
lors pour la société absorbée sous son véritable jour de transformation, au sens large, ou plus exactement
de « mutation » qui lui permet de continuer son activité, unie à la société absorbante, dans le cadre de la
concentration de leurs entreprises ».
2
L’AUDCG ne se prononce pas sur la question.
3
C. cas, com., 19 avril 1972, D 1972, 538, note D. Schmidt ; RTD com. 1972, p. 654 n°11, obs. R. Houin.
4
Com. 3 juin 1986, D 87, 95, JJ. Daigne.

41
plein droit vaut même pour les dettes de la société absorbée qui ne figuraient pas
dans le traité de fusion. Il n’y a pas lieu d’accomplir la formalité de l’article 1690
du Code civil, sauf pour certains biens comme les immeubles où la publicité qui
leur est propre demeure nécessaire.

S’agissant des cautions garantissant les dettes de la société absorbée, elles


restent tenues du passif existant au moment de la fusion, selon le Professeur
Philippe Merle1, c’est-à-dire les dettes du débiteur d’ores et déjà nées, même si
elles ne sont pas encore exigibles2. Mais elles ne garantissent pas les dettes
postérieures à la fusion sauf nouvel engagement exprès de leur part envers la
nouvelle personne morale3 ou fraude4. La solution est à rapprocher de celle jouant
en cas de décès5. En revanche, si la garantie a bénéficié non à la société absorbée
mais à la société absorbante, l’obligation de la caution subsiste même pour les
dettes nouvelles puisque la personnalité morale demeure. Pour apprécier si la dette
cautionnée est antérieure ou postérieure à la fusion, la Cour de cassation française a
décidé que l’effet d’une clause de rétroactivité n’a pas à être pris en considération6.
Les mêmes principes s’appliquent en cas de scission.
D’une manière générale, la question se pose de la transmission des contrats
conclus intuitu personae. La jurisprudence française, selon le professeur Michel
Germain, paraît décider qu’ils ne se transmettent pas à la société absorbante 7. Mais
une réponse ministérielle préfère ne pas prendre parti.

§ II : La situation des dirigeants

Les dirigeants des sociétés concernées par la fusion doivent envisager leur
situation avant la réalisation effective de la fusion.

Au Burkina, et dans la plupart des Etats francophones d’Afrique, avant


l’adoption de l’AUDSC, la fusion n’entraînait pas de conséquence particulière sur
la situation des dirigeants. En effet, la réglementation applicable ne comportait pas
de limitation du nombre des dirigeants. Si la fusion met fin aux fonctions des

1
Op. cit., n° 690.
2
C. cas. fr., corn. 17 oct. 1978, Rev. des sociétés 1979, 846.
3
Com., 20 janvier 1987, Rev. Soc. 1987, 397, note Barret.
4
Com. 10 octobre 1995, Dr. Sociétés 1995, n° 233, Th. Bonneau.
5
C. Mouly, Les causes d’extinction du cautionnement, Litec, 1979, n° 334.
6
Com. 23 mars 1999, Bulletin Joly 1999, 679, note Routier.
7
Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, Paris, L.G.D.J., Tome 1, Volume 2 : Les sociétés
commerciales, 18e éd., 2002, par Michel Germain, 760 pages, n° 1975.

42
dirigeants de la société absorbée, rien n'empêche que ceux-ci deviennent dirigeants
de la société absorbante en plus de ceux déjà en fonction.

Avec l’AUDSC, qui reprend les règles de la loi française du 24 juillet 1966, le
nombre des administrateurs d’une SA est de trois (3) au minimum et de douze (12)
au maximum. Pour faciliter les fusions, l’article 418 de l’AUDSC, qui est une
reprise l'article 89 de la loi du 24 juillet 1966, permet que le nombre des
administrateurs puisse dépasser 12, jusqu’à concurrence du nombre total des
administrateurs en fonction depuis plus de 6 mois dans les sociétés fusionnées sans
pouvoir être supérieur à 24. Sauf cas de nouvelle fusion, il ne pourra être procédé à
aucune nomination de nouveaux administrateurs, ni au remplacement des
administrateurs décédés, révoqués ou démissionnaires tant que le nombre des
administrateurs n’aura pas été réduit à 12. Cependant, en cas de décès du Président
du Conseil d’administration et si le conseil n'a pu le remplacer par un de ses
membres, il peut nommer un administrateur supplémentaire qui sera appelé aux
fonctions de Président.

Les mêmes dispositions de faveur jouent en France pour le conseil de


surveillance dans la structure dualiste mais pas pour le directoire.

§ III : Les effets à l'égard des créanciers et des salariés

La situation des créanciers et celle des salariés doivent être abordées


successivement.

A- La situation des créanciers

La situation des créanciers a déjà été abordée plus haut avec la situation de la
société absorbante.

Un droit général d’opposition est accordé aux créanciers de la société


absorbée comme à ceux de la société absorbante, à condition que leur créance soit
antérieure à la publicité du projet de fusion. L'opposition des créanciers produit
sensiblement les mêmes effets que celle des obligataires, envisagée plus haut.

B- La situation des salariés


Selon l'article 95 du nouveau Code du travail burkinabè1 et l'article L 122-12
du Code du travail français, « s'il survient une modification dans la situation

1
Loi n° 033-2004/AN 14 septembre 2004.

43
juridique de l'employeur notamment par succession, vente, fusion, transformation
de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la
modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ».
L’on notera en plus que :
- en France le comité d'entreprise des sociétés concernées doit être consulté
préalablement à la fusion ;
- et en pratique, les fusions conduisent assez souvent à des compressions
d'effectifs, dues à la rationalisation de l’exploitation, ce qui en fait des opérations
redoutées des travailleurs. Les licenciements pour motif économique qui
interviennent alors n'ont pas en principe un caractère abusif. Bien entendu, la
charge des droits et indemnités dus aux travailleurs licenciés incombe à la société
absorbante.

Conclusion
Les fusions sont des opérations de concentration des entreprises sociales
dont la réglementation est relativement détaillée afin de faciliter et de promouvoir
ces opérations mais également en vue de protéger les intérêts en présence. Elles
aboutissent à des positions dominantes qui risquent de porter atteinte à la
concurrence et de conduire à des abus si bien que des contrôles a priori et/ou a
posteriori sont prévus dans le cas de la France1 et des Etats de l’Union européenne
alors que la réglementation de l’UEMOA semble surtout viser les abus de position
dominante.
Au Burkina, au regard de la petitesse de la taille des entreprises, les fusions
présentent essentiellement des avantages et devraient donc être encouragées. La
réglementation de l’AUDSC, plus étoffée et plus claire, pourrait les favoriser.
Cependant la réglementation juridique est insuffisante : il faut en plus un régime
fiscal incitatif (régime de neutralité fiscale consacrant le caractère intercalaire de la
fusion). La loi de finances pour 2006, qui prévoit le droit fixe de 6000 F pour les
opérations de fusion, est de nature à les favoriser.

CHAPITRE II : LES OPERATIONS ASSIMILEES AUX FUSIONS :


LES SCISSIONS ET LES APPORTS PARTIELS D’ACTIF

Juridiquement et fiscalement, les scissions et les apports partiels d'actif sont


assimilés aux fusions. L’assimilation est justifiée en raison :

- des caractères communs ;

1
En France, loi du 19 juillet 1977, remplacée par une loi du 1er décembre 1986.

44
- de la réglementation plus poussée des fusions ;
- et du but similaire de ces opérations, qui est la rationalisation de
l'exploitation et de la gestion des entreprises, de même que la recherche d’une plus
grande rentabilité.

Il convient d’aborder succinctement la scission puis l’apport partiel d’actif.

Section 1 : La scission

La scission, quelquefois appelée division des sociétés, est l’opération par


laquelle une société apporte l'intégralité de son actif et de son passif (donc son
patrimoine) à plusieurs sociétés (en général deux) nouvelles ou préexistantes (au
moins 2 et le plus souvent 2).

Quand on parle de scission, on pense a priori à la scission par création de


sociétés nouvelles. La société scindée ou scissionnante ou apporteuse disparaît et
chacune des sociétés nouvelles va se constituer à partir des biens transmis par celle-
ci. A la différence de la fusion, il s'agit ici d’une déconcentration. Mais elle vise
comme la fusion à réaliser une exploitation rentable.

La scission par transmission des biens de la société scindée à des sociétés


préexistantes ressemble davantage à la fusion. Il y a, en effet, une concentration au
profit des sociétés bénéficiaires des apports dont la taille sera accrue. Elles sont
exactement dans la situation de la société absorbante. La seule différence avec la
fusion stricto sensu réside dans le fait que ce n’est pas une transmission universelle
c'est-à-dire de l'intégralité du patrimoine, mais plutôt une transmission à titre
universel, c'est-à-dire d'une fraction (par exemple la moitié ou le tiers) du
patrimoine. Il est donc exact de parler de scission-fusion dans ce cas.

Sur les deux formes de scission, en plus du principe de l'assimilation à la


fusion, l'on notera les points suivants :

1°) Une prime de scission ou d'apport sera prévue dans tous les cas lorsqu’il
s'agit de la constitution d’une société nouvelle dont on veut fixer le capital à un
niveau inférieur à la valeur des apports.

2°) Le problème central de la scission réside dans la fixation des proportions


du patrimoine revenant à chaque société. En France, une liberté totale est laissée à
la société scindée qui peut même décider qu’une seule des sociétés devra acquitter
le passif. S'agissant de l'actif, il convient de répartir expressément, soigneusement

45
et de manière détaillée les éléments en faisant partie. Une clause pourra indiquer à
qui reviennent les éléments d’actif qui seraient oubliés dans la répartition et
découverts par la suite.

3°) Dans le but de protéger les créanciers, la législation française prévoit


expressément que les sociétés bénéficiaires sont solidaires du paiement des
créanciers.

4°) Du fait de la scission, l’annulation des titres de la société scindée va


s'accompagner de la création de titres par au moins deux sociétés. La répartition de
ces titres doit se faire proportionnellement aux droits détenus par les actionnaires
dans la société qui se scinde. Cependant, il y a certaines circonstances dans
lesquelles il est souhaité que certains actionnaires de la société (A) obtiennent des
titres de la société bénéficiaire (B) et que d’autres actionnaires de A obtiennent des
titres de l'autre société bénéficiaire (C). Certes, les calculs préalables en sont les
garants, les titres créés par la société B rémunéreront les apports de la société A à la
société B aussi également que les titres créés par la société C rémunéreront l'apport
fait par la société scindée à la société C. Pourtant, personne ne peut affirmer si,
ultérieurement, les titres de la société C ne prendront pas plus de valeur que les
titres de la société B ou réciproquement. Aussi, en cas d'accord tendant à ne pas
attribuer à tous les actionnaires de la société scindée, aussi bien des actions de la
société B que les actions de la société C et proportionnellement à leurs droits dans
la société A, un tel accord devra être passé à l'unanimité1.

5°) L’on peut procéder à la scission d'une société par constitution de deux ou
plusieurs sociétés nouvelles sans faire intervenir d’autres associés que ceux de la
société scindée.

Section Il : Les apports partiels d'actif

L’apport partiel d’actif est l'opération par laquelle une société fait apport
d’une partie de son actif à une autre société, existante ou à créer. Cet apport peut
concerner un élément isolé (ce qui serait un simple apport) ou une branche
d'activité comprenant des éléments actifs et passifs, ce qui est le véritable apport
partiel d’actif.

L’opération se distingue nettement de la fusion et de la scission. En effet, par


définition, l'apport partiel d'actif ne porte que sur certains actifs (et, éventuellement,
1
Dictionnaire permanent : Droit des affaires, 2e partie sociétés, fusion-scission-apport partiel, n° 48 (31
janvier 1975), 405.

46
passifs) de la société apporteuse et non pas sur l'intégralité de son patrimoine.
Corrélativement, la société apporteuse survit à l'opération qui n’entraîne ni sa
dissolution, ni sa liquidation.

En principe, on applique la procédure classique des apports en nature selon les


formalités prévues pour une augmentation de capital ou une constitution de société.
La procédure de vérification ou d’évaluation des apports se fait chez la société
bénéficiaire et il est procédé à la publicité suivant la nature de l'opération.

En plus de cette procédure classique, il est possible d'utiliser la procédure


prévue en matière de scission, qui est plus complexe et plus lente. En contrepartie,
elle protège mieux les actionnaires ou associés et les créanciers. La société
apporteuse et la société bénéficiaire sont solidairement débitrices des créanciers
non obligataires de la société apporteuse, sauf s'il a été stipulé que la société
bénéficiaire ne sera tenue que de la partie du passif qui lui a été transmise1.

La société apporteuse reçoit les titres émis par la société bénéficiaire. Elle les
conserve ou les distribue à ses actionnaires. Dans ce dernier cas, il y a distribution
de réserves. Cette possibilité n'existe pas au cas où les apports sont faits à une
société nouvelle constituée par l’AGE des actionnaires de la société apporteuse,
préalablement transformée en assemblée constitutive. Dans cette hypothèse, en
effet, les titres leur reviennent directement.

La société apporteuse conservant sa personnalité morale, aucun problème ne


se pose pour ses dirigeants.

Les salariés bénéficient du principe de la continuation des contrats en cours


(qui s'applique à propos d'un fonds de commerce qui a fait l'objet de l’apport)2.

1
Cass. fr., Corn. 11 déc. 1978, Bull-soc. 1979, p. 227.
2
Cass. fr., Civ., 19 oct. 1956, D. 1956, 752.

47
TITRE III : LES GROUPES DE SOCIETES ET LES
PARTICIPATIONS

La question des groupes de sociétés se pose sous un angle, non plus


statique mais dynamique. Elle montre le rôle considérable joué par les société
par actions et spécialement les SA. Le mouvement de concentration, déjà
développé aux Etats Unis dès la fin du 19e siècle, ne connaît son essor véritable
en Europe, particulièrement en France, que depuis les années 1960, avec
l’encouragement multiforme des pouvoirs publics voulant donner à leurs
sociétés une dimension les rendant plus compétitives.
Le groupe de sociétés peut être défini comme un ensemble de sociétés qui,
tout en conservant leur existence juridique propre, se trouvent liées les unes aux
autres, de sorte que l'une d'elles, la société-mère, qui tient les autres sous sa
dépendance, en fait ou en droit, exerce un contrôle sur l'ensemble des sociétés
dominées et fait prévaloir une unité de décision1. La définition de l’AUDSC est
plus synthétique : “Un groupe de sociétés est l'ensemble formé par des sociétés
unies entre elles par des liens divers qui permettent à l'une d'elles de contrôler
les autres” (art. 173).
Le groupe de sociétés n’a pas de personnalité juridique. L’expression a
avant tout une signification économique.

Avant de tenter de préciser la notion de groupe de sociétés et les notions


qui entretiennent des rapports avec elle, il convient d'indiquer l'importance
économique et sociale des groupes de sociétés tant au plan national
qu’international.

- Les groupes de sociétés sont un phénomène économique et juridique


fréquent, surtout dans les pays industrialisés, en raison de leur souplesse. En
effet, ils permettent de réaliser une unité de décision économique tout en
maintenant l'autonomie juridique des sociétés groupées. Cela favorise un partage
des risques, facilite la gestion qui est décentralisée et se fait au niveau de chaque
société dont on peut aisément apprécier les performances, la structure
d’ensemble est souple et adaptable... Il suffit de vendre ou d’acheter des actions
ou des parts sociales pour constituer un groupe ou y mettre fin.

1
Voy. dans ce sens Philippe Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 10 e éd.,
20005, n° 641.
Voy. également le Dictionnaire Permanent : Droit des affaires, 2e Partie Sociétés, groupements de
sociétés, 440 X, qui donne la définition suivante : « Un groupement de sociétés est un ensemble
économique de sociétés unies par des liens juridiques qui peuvent relever du droit des sociétés telles
les participations ou du droit ordinaire des contrats. Cet ensemble a pour but de réaliser une
concentration d'entreprises dont la souplesse résulte de la subordination économique des sociétés
groupées et de leur indépendance juridique ».
- Ils exercent une influence prépondérante dans la croissance économique
des nations et du monde entier.

- Même les entreprises publiques possèdent des filiales qui sont quelquefois
très nombreuses.

- Les groupes peuvent réunir de très nombreuses sociétés. Par exemple, en


France, avant leur nationalisation par une loi du 11 février 1982, on pouvait
relever les données suivantes1 :

- Saint-Gobain-Pont-à-Mousson groupait 508 sociétés ;


- La Banque de Paris et des Pays-Bas groupait 452 sociétés ;
- Péchiney Ugine-Kuhlmann " 345 " ;
- La Compagnie Générale d’Electricité " 255 " ;
- La Banque Rotschild " 233 ".

- Les groupes emploient un personnel nombreux et généralement mieux


payé que ceux des petites entreprises isolées. Par exemple, Peugeot, la première
entreprise privée française, employait 245 000 salariés.

- Les sociétés mères et leurs nombreuses filiales disséminées dans le


monde constituent ce que l'on appelle les sociétés multinationales - ou
transnationales. Juridiquement, ces qualifications sont inexactes : la société mère
et ses filiales ont chacune la nationalité d'un Etat précis. L’expression vise à
traduire la réalité économique qui est leur soumission à une unité de décision
économique.

- Les groupes de société soulèvent des problèmes de divers ordres : droit


des sociétés, droit fiscal, droit social, droit comptable, droit international privé,
droit de la concurrence et de la consommation...

Ces problèmes ne sont pas toujours résolus par le droit. Par exemple, le
droit des sociétés applicable au Burkina jusqu’à l’entrée en vigueur de l’AUDSC
ignorait cette question. En France, la question est traitée de manière éparse et
diversifiée par les différentes branches du droit. La doctrine considère
généralement que l’approche française n’est pas satisfaisante. L’Allemagne est
un des rares pays à avoir une législation d'ensemble sur la question : en effet,
elle s’est, par l’Aktiengesetz du 6 septembre 1965, dotée d’un Konzernrecht. En

1
Yves Guyon, op. cit., 1988, p. 552. Dans la 12e édition de 2003 du même ouvrage, le professeur
Yves Guyon relève que “pendant longtemps, seules les sociétés importantes étaient à la tête de
groupes, réunissant parfois plusieurs centaines de filiales. Ainsi le groupe Vivendi comprend plus de
3000 sociétés. Récemment le phénomène s’est étendu aux PME. Les micro-groupes se limitent alors à
trois ou quatre sociétés” (op. cit., n° 580).

49
France de nombreuses propositions de lois « sur les groupes de sociétés et la
protection des actionnaires, du personnel et des tiers » ont été déposées et pas
adoptées. D’une manière générale, on discute de l'opportunité d'une
réglementation dans ce domaine, notamment celle qui consisterait à conférer la
personnalité morale au groupe. Ce serait certainement enlever au groupe la
souplesse qui constitue l’un de ses principaux avantages. Pour le moment, il
revient aux tribunaux et aux cours que revient le rôle de constater l'existence
d'un groupement de sociétés et d’en tirer les conséquences juridiques dans tel ou
tel domaine.

En raison de la variété et de la complexité des problèmes que soulèvent les


groupes de sociétés leur étude, dans ce cadre limité, ne peut être que partielle et
quelque peu superficielle1. Après quelques considérations générales (Chap. 1),
permettant de fixer les notions et phénomènes les plus utiles à l'étude, nous
aborderons successivement la formation des groupes (Chap. II) et le régime des
groupes (Chap. III).

CHAPITRE I : CONSIDERATIONS GENERALES

Il n'est facile d’appréhender la notion de groupe, sans doute parce qu’elle


est multiforme. Les groupes de sociétés se présentent sous de multiples facettes.
Une typologie sommaire permettra de s’en faire un premier aperçu (Section I).
Par la suite, nous aborderons les notions capitales liées aux groupes à structures
sociétaires, qui nous intéressent particulièrement dans le cadre de ce cours
(Section II). Enfin, l'on évoquera quelques hypothèses de coopération égalitaire
interentreprises pour tenter d’en approcher la nature (Section III).

Section I : Typologie des groupes

Les groupes de sociétés constituent un phénomène juridico-économique


complexe. La classification permet d’en avoir une vue générale. Les principales
classifications retenues dans cette étude sont les suivantes :

- la classification fondée sur l'élément juridique qui unit les sociétés ;


- la classification sur la base de l'activité des sociétés du groupe ;
- la classification graphique se référant à la présentation formelle du
schéma du groupe.

§ I : La classification juridique

1
On espère qu’elle demeurera néanmoins utile.

50
Les structures des groupes sont variées. A titre liminaire, il convient de
relever avec le professeur Yves Guyon que “les structures des groupements sont
d'autant plus diverses que, faute d'une réglementation légale, tout est «a priori»
possible et tout est plus ou moins pratiqué. Les groupes sont existence avant
d'être essence, ce qui ne facilite pas leur étude. Ils sont en perpétuelle évolution.
A tout moment des filiales ou des participations sont acquises ou cédées”1.

Tout lien quelconque entre des sociétés ou la simple constatation d’un effet
de domination d’une société sur une autre ne suffit pas pour caractériser
l'existence d’un groupe de sociétés. Il faut en plus qu'il y ait un élément
juridique : les sociétés doivent être unies par des liens relevant soit du droit des
sociétés, soit du droit des contrats. De là découle la distinction entre
groupements à structures sociétaires et groupements à structures contractuelles.
Les groupes personnels constituent une troisième catégorie ou une sous-
catégorie des groupes à structures sociétaires.

A- Les groupes à structures sociétaires

Les groupes à structures sociétaires, ou simplement groupes sociétaires,


sont ceux dont les liens sont fondés sur le droit des sociétés.

La caractéristique majeure des groupes sociétaires est le lien financier qui


se matérialise dans la participation. La participation dans ce cadre, c’est la
détention du capital d’une société par une autre société. Pour que des liens de
groupe s'instaurent, il faut que la participation soit suffisamment importante
pour permettre à la société détentrice des titres d’exercer une influence
déterminante dans la gestion ou dans l'administration de la société dont les titres
sont détenus. Les décisions se prenant par vote, il en résulte que ce sont les
droits de vote conférés par la participation qui permettent de caractériser le lien
de groupe. Les titres de participation se distinguent des titres de placement qui
permettent à leur détenteur de tirer des revenus de ses disponibilités financières
du moment. En général, de tels titres ne sont pas gardés longtemps dans le
portefeuille de la société.

La dépendance hiérarchique est le second élément caractéristique : c'est ce


qui explique l’utilisation de la terminologie de société mère (qui est la société
dominante) et de société filiale (qui est la société dominée ou sous contrôle) et
permet d’avoir une politique du groupe, politique qui est plus ou moins imposée
par la société dominatrice et plus ou moins acceptée.

1
Op. cit., 12e éd., 2003, n° 582.

51
Enfin, en raison de leur caractère plus durable et plus voyant, les groupes à
structures sociétaires constituent les groupes par excellence. Mais ce sont
également les groupes les plus réglementés, ce qui est un inconvénient par
rapport aux groupes à structures contractuelles ou même aux groupes
personnels.

B- Les groupes à structures contractuelles

Les groupes à structures contractuelles, ou groupes contractuels, ont pour


base juridique le droit des contrats. « Ces groupes sont multiformes, puisque
dans le domaine contractuel tout est « a priori » possible »1. Par l’utilisation
judicieuse des contrats spéciaux (sous-traitance, exclusivité d’achat ou de vente,
franchisage), des entreprises vont être liées de manière aussi étroite, sinon plus
étroite, que s'il y avait une participation. On distingue les contrats d'union (par
exemple à travers le GIE), les contrats d’intégration (au moyen des clauses
d’exclusivité) et les contrats d'assistance technique.

Les structures contractuelles ont l'avantage d'être plus souples, plus


adaptées et adaptables aux besoins des entreprises. De plus, elles permettent de
lier des entreprises individuelles entre elles ou des sociétés et des entreprises
individuelles. Cependant les groupes à structures contractuelles semblent plus
éphémères que les groupes à structures sociétaires.

C- Les groupes personnels

Le groupe personnel est un ensemble de sociétés dont l’unité de décision


économique résulte uniquement d’une communauté d’associés ou de dirigeants.
L'exemple le plus simple est celui d'une personne qui constitue, seul ou avec
d’autres, deux ou plusieurs sociétés dont elle détient la majorité ou la totalité du
capital (pour chacune des sociétés). Au Burkina, il y a quelques exemples :
groupes Fadoul, Barro Ganguinaba, Kanazoé, Hage, Tan Alize, Nana Boureima,
Obouf, Sawadogo Mahamadi dit Kadafi...

Selon M. Guyon, « une hypothèse très habituelle est celle où les mêmes
personnes sont associées, selon des proportions différentes, d'une part dans une
société civile immobilière, propriétaire des locaux, et dans une SARL ou une
société anonyme qui prend à bail ces locaux pour y exercer son activité
industrielle ou commerciale. Ce « montage » devient encore plus complexe si la
deuxième société, au lieu d'exploiter directement le fonds de commerce, le
donne en location-gérance à une troisième, qui sous-traite elle-même une partie
de sa production à une quatrième et en confie la vente à une cinquième, etc.

1
Yves Guyon, op. cit., n° 588.

52
Toutes ces sociétés forment un groupe personnel si elles sont contrôlées par les
mêmes associés »1.

Le groupe personnel est une notion originale, dont l'existence pratique est
indéniable mais qui est difficile à cerner pour les raisons suivantes :
- il faudrait tenir compte des dirigeants de droit mais également des
dirigeants de fait ;
- la communauté de dirigeants peut entraîner des participations entre les
sociétés ; à ce moment, on fait prévaloir cet élément, à savoir l’aspect groupe à
structure sociétaire, alors que l’on devrait plutôt faire état de groupe mixte ;
- le groupe personnel est (très souvent) fondé également sur des
participations : non pas des sociétés entre elles mais des dirigeants et associés
dans ces sociétés ;
- le groupe personnel est sans consistance juridique précise ; il ne fait l'objet de
règles juridiques que dans de rares cas : ainsi le régime applicable entre la
société et l'un de ses dirigeants s'applique en cas de convention conclue entre des
sociétés ayant des dirigeants communs aussi bien en France qu’au Burkina.
C’est ainsi que selon l’article 438, alinéa 3, « sont également soumises à
autorisation préalable du conseil d'administration, les conventions intervenant
entre une société et une entreprise ou une personne morale, si l'un des
administrateurs ou un directeur général ou un directeur général adjoint de la
société est propriétaire de l'entreprise ou associé indéfiniment responsable,
gérant, administrateur, administrateur général, administrateur général adjoint,
directeur général ou directeur général adjoint de la personne morale
contractante »2.

§ II : La classification selon l’activité

L’activité exercée par les sociétés mères, principalement, et celle exercée


par les filiales permettent de distinguer les groupes industriels des groupes
financiers. Il s'agit là d’une sous-classification qui prend tout son sens à
l'intérieur des groupes sociétaires.

A- Les groupes industriels

On donne généralement le nom de groupe industriel à celui dont la société-


mère a une activité industrielle ou commerciale, c'est-à-dire est une entreprise
sociale de production ou de distribution. Les groupes industriels sont apparus
avant les groupes financiers et semblent toujours être les plus nombreux.
1
Op. cit., 12e éd., 2003, n° 588.
2
Pour l’ensemble de la réglementation des conventions entre la société et ses dirigeants, voy. AUDSC,
art. 438 à 450.

53
A priori, on peut penser que le groupe industriel regroupe des sociétés
ayant des activités identiques, proches ou complémentaires. La réalité est plus
complexe. Cette réalité permet de classer les groupes industriels en trois
catégories selon qu'ils aboutissent à une concentration verticale, horizontale ou à
un conglomérat.

La concentration verticale tend à assurer la maîtrise de la fabrication d'un


produit depuis l'extraction des matières premières jusqu'à la vente du produit fini
aux consommateurs (rapport avec le combinat soviétique). Par exemple,
l’extraction de la bauxite jusqu’à la fabrication de produits finis en aluminium et
leur vente sur le marché.

La concentration horizontale recherche le monopole ou au moins la


position dominante pour un produit déterminé (acier, aluminium…).

Le conglomérat regroupe des sociétés dont les activités des unes sont sans
rapport avec celles des autres, ce qui permet de répartir les risques mais peut
conduire à une gestion désordonnée et peu performante.

B- Les groupes financiers

On donne le nom de groupes financiers à ceux dont l'unité de décision


économique est réalisée par une société-mère dont l'objet est purement financier
et qui, grâce à ses participations, contrôle les sociétés qui composent le groupe.
A cet égard, on peut distinguer les groupes animés par une banque d’affaires1 de
ceux animés par une société holding. Il ne faudrait pas confondre les sociétés
holding et les sociétés de placement ou d’investissement. En effet, les holdings
sont des sociétés dont l'objet consiste à prendre des participations dans d’autres
entreprises en vue de diriger ou de contrôler leurs activités (c'est pourquoi, on
les appelle aussi sociétés de contrôle). Au contraire, les sociétés de placement ou
d'investissement acquièrent des participations afin de s'assurer des placements
favorables et rémunérateurs de réaliser la répartition des risques. Ces sociétés
sont très répandues en Europe.
Certains auteurs font état de « société de sociétés ».

§ III : La classification graphique

Elle intéresse les groupes à structures sociétaires.

1
« Les banques d’affaires sont celles dont l'activité principale est, outre l'octroi de crédits, la prise et la
gestion de participations dans les affaires existantes ou en formation. Elles ne peuvent investir dans
celles-ci des fonds reçus à vue ou à terme inférieur à deux ans » (art. 5 de la loi bancaire française du 2
décembre 1945, abrogée en 1984).

54
La représentation graphique des groupes, sur la base des participations,
permet de distinguer les groupes à participations radiales, pyramidales,
circulaires et complexes.

Le schéma du Dictionnaire Permanent Droit des affaires est éclairant à cet


égard1.
L’utilité des schémas structurels n'est pas à démontrer. Ils donnent d’un
simple coup d’œil une vue du groupe dont la description serait autrement longue
et fastidieuse. Il n'est pas étonnant qu'ils soient utilisés par les publications
financières, les analystes et experts financiers et par les juristes.

Section II : Les notions capitales : participation, contrôle et filiale

La notion de participation n'intervient que dans les groupes sociétaires.


Celle de filiale et celle de contrôle ne prennent tout leur sens que dans de tels
groupes. C’est pourquoi, les trois notions ne sont étudiées ici que dans le cadre
de tels groupes. Les groupes contractuels sont étudiés ou évoqués avec le droit
des contrats ou dans d’autres enseignements et les groupes personnels ne sont
que rarement appréhendés par le droit.

La participation est certainement le premier élément et le plus important


dans l'existence d’un groupe à structures sociétaires. Avoir une participation,
c’est détenir une fraction plus ou moins importante du capital d’une société
(actions ou parts sociales), non dans un but de placement mais en vue d'exercer
une influence plus ou moins grande et si possible une domination sur la société
dont les titres sont détenus. En France, le Conseil national de la comptabilité
considère que « constituent des titres de participation les titres dont la possession
durable est estimée utile à l’activité de l'entreprise, notamment parce qu’elle
permet d’exercer une certaine influence sur la société émettrice des titres ». Pour
l’AUDSC, lorsqu'une société possède dans une autre société une fraction de
capital égale ou supérieure à 10%, la première est considérée, pour l'application
du présent Acte uniforme, comme ayant une participation dans la seconde (art.
176).

Si le groupe sociétaire ne peut exister sans participation, la participation


peut exister sans entraîner un lien de groupe. En effet, pour que la participation
entraîne un lien de groupe, elle doit permettre le contrôle de la société détentrice
sur la société émettrice des titres. Il n'y a contrôle que si la participation permet
d’exercer une influence directe et déterminante sur la gestion de la société dont
1
Voy. également Cozian M., Viandier A et Deboissy F., Droit des sociétés, 16e éd., Litec, 2003, n°
1948, qui se réfère à Claude Champaud, Le pouvoir de concentration de la société par actions, Sirey,
1962, n°s 276 et s.

55
les titres ont été acquis. La société sous contrôle est appelée société filiale et la
société contrôlaire est appelée société mère (S.M.).

La participation appelle des observations relatives à la typologie des


contrôles, aux critères du contrôle et aux participations croisées.

§ I : La typologie des contrôles

De manière large, les contrôles peuvent être caractérisés en fonction de


leurs niveaux ou degrés1.

- Le 1er degré, c'est la participation (faible) représentant une partie peu


importante du capital. La société détentrice n'exerce aucune domination sur la
société dont les titres sont détenus. A priori, il n’y a pas de contrôle. Toute idée
de contrôle n'est cependant pas exclue et des acquisitions supplémentaires
pourraient être réalisées. La société détentrice pourrait en profiter pour exercer
une certaine surveillance ou de l’espionnage. Les règles de protection des
minoritaires peuvent trouver à s’appliquer.

- Le 2e degré, c'est la participation plus élevée que celle du premier degré


mais encore faible, permettant cependant un contrôle partagé ou mal assuré.

- Le 3e degré, c'est la participation permettant un contrôle minoritaire non


partagé (de 10 à 50 %, plus souvent entre 20 et 40 %).

- Le 4e degré, c'est le contrôle majoritaire (simple), soit plus de 50 % du


capital ou des droits de vote accordant la maîtrise des assemblées ordinaires.

- Le 5e degré, c'est le contrôle quasi absolu. Il donne la maîtrise des


assemblées extraordinaires (plus de 66 % pour les SA, + de 75 % pour les
SARL) : on gère la société, on décide de tout, y compris la modification des
statuts.

- Le 6e degré est la participation comprenant la totalité ou la quasi-totalité


des actions ou parts sociales de la filiale. On tend vers une société
unipersonnelle de droit ou de fait. L’on rappelle à cet égard que l’AUDSC admet
la SARL et la SA unipersonnelles, ce qui permettra de ne pas devoir passer par
des artifices.

§ II : Les critères du contrôle

1
Y. Guyon, op. cit., n° 585.

56
Juridiquement, il ne devrait y avoir de contrôle que lorsque la société
contrôlaire détient plus de 50 % du capital de la société contrôlée. C’est le
critère qu'a retenu l'article 354 de la loi française du 24 juillet 1966, intégrée
depuis 2000 dans le Code de commerce.
De fait, le contrôle d'une société n'implique pas toujours la détention d'une
proportion aussi importante du capital si :

- les titres sont éparpillés dans le public, notamment à cause de


l'absentéisme des petits porteurs qui, en général, se contentent de toucher leurs
dividendes, de la pratique des votes ou pouvoirs en blanc accordés aux
dirigeants et de l’impossibilité pratique pour les autres associés ou actionnaires
de se concerter ;
- ou si les titres de la société contrôlaire ont un droit de vote double.

En sens inverse, le droit de vote double pourrait bénéficier à d’autres


actionnaires et empêcher la société de prendre le contrôle effectif de la société
visée. De même, une partie des actions détenues pourrait être constituée
d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote.

En plus de l'art. 354 de la loi française du 24 juillet 1966 (art. 233-1 du


Code de commerce) qui définit la filiale, la loi française réformée par une loi du
12 juillet 1985, qui est l’actuel article L. 233-3 du Code commerce, consacre
l'existence du contrôle entre sociétés par actions dans des conditions moins
restrictives. Ainsi, une société contrôle une autre :

- lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui


conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette
société (contrôle de droit) ;

- lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote en vertu d'un


accord licite conclu avec d’autres associés ou actionnaires et non contraire à
l’intérêt de la société (contrôle de droit) ;

- lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les
décisions dans les assemblées générales (contrôle de fait) ;

- (loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, art. 33-1) lorsqu’elle est associé ou


actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la
majorité des organes d’administration, de direction ou de surveillance de société.

Le contrôle est seulement présumé lorsque la société dispose directement


ou indirectement d’une fraction des droits de vote supérieure à 40% et qu'aucun
autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction

57
supérieure à la sienne. Dans le même sens, deux ou plusieurs personnes agissant
de concert sont considérées comme contrôlant conjointement une autre
lorsqu’elles déterminent en fait, dans le cadre d’un accord en vue de mettre en
œuvre une politique commune, les décisions prises dans les assemblées
générales de cette dernière1.

L’AUDSC est moins extensif. Pour lui, « une personne physique ou morale
est présumée détenir le contrôle d'une société :
1°) lorsqu'elle détient, directement ou indirectement ou par personne
interposée, plus de la moitié des droits de vote d'une société ;
2°) lorsqu'elle dispose de plus de la moitié des droits de vote d'une société
en vertu d'un accord ou d'accords conclus avec d'autres associés de cette
société » (art. 175).

§ III : La réglementation des participations croisées et de


l'autocontrôle

Au moins dans les rapports entre SA et/ou SARL et dans les rapports de
celles-ci avec des sociétés revêtant d'autres formes, les participations croisées
sont proscrites ou tout au moins réglementées. C’est ce qui ressort des articles
177 et 1782.
Selon l’article 177, une SA ou une SARL ne peut posséder d'actions ou de
parts sociales d'une autre société si celle-ci détient une fraction de son capital
supérieure à dix pour cent. A défaut d'accord entre les sociétés intéressées pour
régulariser la situation, celle qui détient la fraction la plus faible du capital de
l'autre doit céder ses actions ou ses parts sociales. Si les participations
réciproques sont de même importance, chacune des sociétés doit réduire la
sienne, de telle sorte qu'elle n'excède pas dix pour cent du capital de l'autre.
Jusqu'à leur cession effective, les actions ou les parts sociales à céder sont
privées du droit de vote et du paiement des dividendes y attachés.

Quant l’article 178, il dispose que si une société, autre qu'une SA ou une
SARL a, parmi ses associés, une SA ou une SARL détenant une participation à
son capital supérieure à dix pour cent, elle ne peut détenir d'actions ou de parts
sociales de cette société. Au cas où la participation de la SA ou de la SARL dans
la société serait égale ou inférieure à dix pour cent, elle ne peut détenir plus de
dix pour cent du capital de la société anonyme ou de la société à responsabilité
limitée. Dans les deux cas prévus au présent article, si la société autre que la
société anonyme ou la société à responsabilité limitée possède déjà des titres de

1
L. 233-3, II, alinéa 2, du Code de commerce issu de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux
nouvelles régulations économiques.
2
Pour le cas de la France, voy. les articles L. 233-29, L. 233-30 et L. 233-31.

58
cette société anonyme ou société à responsabilité limitée, elle doit les céder.
Jusqu'à leur cession effective, les actions ou les parts sociales à céder sont
privées du droit de vote et du paiement des dividendes y attachés.

En résumé, dès lors que l'une des participations dépasse 10 %, s’il n’y pas
d’accord pour la régularisation, la société qui a la plus faible participation doit
céder sa participation dans le délai d'un an. Si l'une des sociétés n’est pas une
SA ou une SARL, c'est celle-là qui doit céder sa participation. Jusqu’à
l’aliénation, les actions sont privées du droit de vote mais l’aliénation n’est pas
nulle.

Les participations croisées, interdites au Burkina et en France, présentent


l'inconvénient de réduire le gage des créanciers en rendant les actifs
partiellement fictifs et de fermer le contrôle des sociétés concernées au profit des
dirigeants en place, même si ceux-ci ne sont pas particulièrement méritants, si
bien que toute prise de contrôle extérieure devient quasiment impossible. Or il
se peut que les dirigeants sociaux fassent montrent de carence et méritent d’être
remplacés. Il est donc normal de ne pas encourager les participations croisées.
En France, le législateur est intervenu depuis une loi du 1 er juillet 1985
qui a :
- instauré des obligations d’information lors du franchissement de certains
seuils dans le capital des sociétés,
- et limité l’influence de l’autocontrôle ; l’article L. 233-31 du Code de
commerce a en effet purement et simplement supprimé le droit de vote attaché
aux actions d’autocontrôle et ainsi que le paiement des dividendes y attachés.

Section III : La coopération égalitaire

Différentes formules s’offrent pour réaliser la coopération égalitaire :


filiale commune, société en participation, GIE, association. Ces différents cas de
coopération sont dits égalitaires dans la mesure où ils permettent la coopération
sur un pied d’égalité plutôt que la domination d’une société par l'autre. Mais
comme la coopération s'opère au sein d'une structure sociétaire ou proche de la
société, on peut se demander si elle entraîne un groupement à structures
sociétaires ou un groupement à structures contractuelles.

§ I : La filiale commune

L’AUDSC définit la filiale commune comme suit :


« Une société est une filiale commune de plusieurs sociétés mères lorsque
son capital est possédé par lesdites sociétés mères, qui doivent :
1°) posséder dans la société filiale commune, séparément, directement ou
indirectement par l'intermédiaire de personnes morales, une participation

59
financière suffisante pour qu'aucune décision extraordinaire ne puisse être prise
sans leur accord ;
2°) participer à la gestion de la société filiale commune » (art. 180).

Certaines sociétés (peu importe leur forme) sont contrôlées par deux ou
plusieurs sociétés qui exercent conjointement leur contrôle. Ces sociétés sous
contrôle sont appelées filiales communes mais ce vocable recouvre des
situations parfois très différentes. Ce que l’on appelle souvent une filiale
commune peut être en réalité un cadre de concertation et de prise de décisions
communes pour les sociétés mères, généralement au nombre de deux.
La filiale commune résulte souvent de la mise en commun de certaines
activités dans un domaine généralement limité comme la recherche, les
approvisionnements ou la commercialisation. La filiale commune peut être une
création entièrement nouvelle ou provenir de l’aménagement de sociétés
préexistantes, par exemple la fusion de filiales de groupes différents. La
collaboration est égalitaire lorsqu’un associé ne peut pas se voir imposer une
décision par ses co-associés. L’hypothèse la plus simple est celle dans laquelle
deux sociétés mères se partagent par moitié le capital de leur filiale1. Mais il y a
un sérieux risque de blocage dans ce cas.

Lorsque les sociétés qui exercent le contrôle sont elles-mêmes des filiales
d’une même société mère, la filiale commune est en réalité une sous-filiale de la
SM.

Lorsque les sociétés contrôlaires sont indépendantes, la filiale commune


est une « société de sociétés ». Dans bien des cas, loin d’être dépendante des
sociétés contrôlaires, la société de sociétés est plutôt le centre où s'élabore une
politique commune à celles-ci2. On peut alors se demander qui est véritablement
société mère et qui est filiale.

La filiale commune au sens large et la société de sociétés en particulier


sont des méthodes sociétaires de groupement. Elles se rapprochent de la joint
venture anglo-saxonne. Toutefois, elles ont un certain caractère contractuel en
raison des contrats qui peuvent lier les associés : convention de vote, convention
sur le choix des dirigeants, convention sur les objectifs à réaliser, etc.

§ II : La société en participation

1
Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, Paris, L.G.D.J., Tome 1, Volume 2 : Les sociétés
commerciales, 18e éd., 2002, par Michel Germain, n° 2003.
2
Voy. pour un approfondissement :
- Claude Champaud, Les méthodes de groupement des sociétés, RTD com. 1967, p. 1015 et s.
- Université de Paris II, La filiale commune, moyen de collaboration entre sociétés et groupes de
sociétés, colloque de Paris, 20-21-22 janvier 1975, 180 p.

60
Des articles 854 et 855 de l’AUDSC, l’on relève que :
- la société en participation (SP) est celle dans laquelle les associés
conviennent qu'elle ne sera pas immatriculée au registre du commerce et du
crédit mobilier et qu'elle n'aura pas la personnalité morale ; elle n'est pas
soumise à publicité ; son existence peut être prouvée par tous moyens ;

- les associés conviennent librement de l'objet, de la durée, des


conditions du fonctionnement de la société, des droits des associés, de la fin de
la société sous réserve de ne pas déroger aux règles impératives des dispositions
communes aux sociétés, exception faite de celles qui sont relatives à la
personnalité morale.

L'utilisation de la société en participation instaure une coopération sociétale


dans les conditions suivantes :

- la SP est un moyen ou un cadre de coopération égalitaire pour l’exécution


d'une politique ou la réalisation d’une action commune, généralement à court ou
moyen terme ;
- la SP est une société de nature contractuelle et non institutionnelle ;
- une grande liberté ou latitude est laissée aux associés pour son
organisation ;
- c’est une société occulte, n'ayant pas de personnalité juridique ;
- bien que la SP soit une structure sociétaire, l’on range la coopération qui
en découle parmi les groupements à structure contractuelle.

§ III : Le groupement d’intérêt économique (GIE)

L’ordonnance française du 23 septembre 1967 dispose que le GIE est


constitué par deux ou plusieurs personnes en vue de mettre en œuvre tous
moyens propres à faciliter ou à développer l'activité économique de ses
membres, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. Une loi du 13
juin 1989 est venue préciser que le but du groupement n’est pas de réaliser des
bénéfices par lui-même et que l'activité du groupement doit se rattacher à
l'activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire
par rapport à celle-ci.

L’AUDSC consacre le GIE à la française et le réglemente dans ses articles


869 à 882.

Le GIE, tout en préservant l'indépendance juridique et économique de ses


membres, leur permet de mettre en commun des moyens de production au sens
large et de développer leurs affaires plus efficacement et à meilleur compte que
s'ils étaient demeurés isolés.

61
- Le GIE est calqué sur les sociétés et fait de ce fait penser à une structure
sociétaire, d’autant qu’il jouit de la personnalité morale à compter de son
immatriculation au RCCM.
- Le GIE est un contrat et son utilisation incline à penser à la coopération
contractuelle. La majorité de la doctrine est dans ce sens.
- On peut se demander s'il y a vraiment groupe par l'intermédiaire du GIE
dans la mesure où l'on définit le groupe par la domination d'une société sur les
autres.

§ IV : L’association

En France, la loi du 1er juillet 1901 n’accorde pas de liberté complète de


création et ne donne une capacité à peu près complète qu’aux associations
reconnues d’utilité publique.
Au Burkina, des lois se sont succédé : loi de n° 59/18-AL de 1959 ; Zatu du
12 mars 1991 ; actuellement loi n° 10-92/ADP du 15 décembre 1992 portant
liberté d’association.
L’association peut être utilisée dans le domaine industriel et commercial ;
cela était très net dans la zatu de 1991. Cela ressort implicitement également de
cette opinion doctrinale :
« La terminologie juridique a été, et est restée, assez indécise. Le
législateur emploie les mots société et association sans se soucier de leur sens :
une association en participation est une société ; au contraire, une société de
secours mutuel, une société de courses sont des associations. Les membres
d’une société sont des associés ; les membres d’une association sont des
sociétaires ! La confusion semble créée à plaisir…
Si le régime juridique de tous les groupements était le même, l’intérêt du
problème [distinction de l’association et de la société] serait purement
intellectuel…
La dualité des régimes donne un intérêt pratique à la distinction des
sociétés et des associations. Les formes n’étant pas les mêmes, il est facile le
plus souvent de reconnaître la nature du groupement à la forme juridique dont il
use. Mais comme l’emploi de ces formes est laissé, sans contrôle préalable, à la
disposition des intéressés, on ne peut s’y fier ; il peut y avoir erreur et même
calcul de leur part, car ils peuvent être tentés de déguiser une association en une
société pour lui donner une capacité juridique plus complète. Il faut donc
analyser la nature du groupement pour le qualifier. L’évolution moderne révèle
une tendance au rapprochement des régimes juridiques et une certaine confusion
des domaines des deux catégories de groupements. Celle-ci est aggravée par le

62
fait que les associations ont tendance à se livrer à des opérations commerciales
par le biais de filiales »1.
C’est dire que rien n’empêche que des sociétés organisent leur coopération
ou collaboration à travers une association. L’association, qui jouit également
d’une personnalité morale plus ou moins forte, est considérée comme une
structure contractuelle.

Conclusion : La situation des groupements de sociétés ou des sociétés


groupées apparaît diffuse et complexe. Quoiqu’il en soit, il est utile de se
demander comment se constituent ou se forment les groupes.

CHAPITRE II : LA FORMATION DES GROUPES :


L’ACQUISITION DES PARTICIPATIONS

En s’en tenant exclusivement aux groupes à structures sociétaires, l'on


constate qu’il n’y a pas de groupe sans participation. Dans ces conditions,
former un groupe revient pour la société qui veut devenir contrôlaire à acquérir
des participations.

Comment peut-on acquérir une participation dans une société ? C’est la


question principale qui se pose. Quels sont les problèmes juridiques que
soulèvent l'acquisition et, éventuellement, la gestion des participations ? C’est la
seconde interrogation.

Certains modes d'acquisition, valables dans tous les cas, n’appellent pas de
développements. Ce sont :

- la constitution ou la création d’une société dont on détiendra une partie


substantielle du capital pour la contrôler ; la part de capital détenue peut être
quasi exclusive, voire même exclusive dans les pays où l'on admet la société
unipersonnelle (Allemagne, France, Belgique et surtout Etats de l’OHADA... ) ;

- la souscription à une augmentation de capital (par apport en nature, en


créances, ou en numéraire) ; lorsqu'il s'agit de numéraire, il faut que les
actionnaires renoncent à leur droit préférentiel de souscription ;

- l’apport partiel d'actif, qui permet à la société qui apporte une de ses
branches d’activité à une autre société de recevoir en contrepartie des actions ou
des parts sociales de la société bénéficiaire ;

1
Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, Paris, L.G.D.J., Tome 1, Volume 2 : Les sociétés
commerciales, 18e éd., 2002, par Michel Germain, n°1056-25.

63
- le portage d’actions : c'est la convention par laquelle le porteur accepte,
sur la demande du donneur d'ordre, de se rendre actionnaire par acquisition ou
souscription d'actions, étant expressément convenu que, après un certain délai,
ces actions seront transférées à une personne désignée et à un prix fixé dès
l'origine ; le portage est un service rendu par une personne de confiance, qui est
souvent une banque ou un établissement financier ; un problème de qualification
du contrat se pose : est-ce un contrat de prêt ou un contrat d’achat suivi d’une
promesse de vente ? ; la question demeure discutée mais l’on considère que c’est
un contrat sui generis, c’est-à-dire un contrat innommé.

Du reste, il convient d'aborder l'achat des titres de sociétés en vue de leur


contrôle. La grande distinction est celle qui est faite entre l’achat des titres des
sociétés non cotées et celui des titres des sociétés cotées.

Section I : L’achat des titres des sociétés non cotées

Lorsque la société n’est pas cotée, l'acquisition des titres peut se faire par
des achats isolés auprès de plusieurs associés ou actionnaires ou par un achat
massif auprès des associés ou actionnaires majoritaires qui cèdent le contrôle de
la société à l’acheteur ou cessionnaire des titres.
Trois principaux problèmes se posent.

§ I : La nature de la cession ou du rachat de la quasi-totalité des titres

Le problème se pose surtout pour les cessions de parts sociales et, dans une
moindre mesure, pour les cessions d’actions. Il soulève deux principales
questions : d’une part, celle de la garantie que doit le cédant au cessionnaire et,
d’autre part, celle de la possible disqualification de l’opération par le fisc. Ces
questions seront abordées sous l’angle du droit comparé français, en l’absence
d’élément tangible en droit burkinabè.

A- La garantie due au cédant


Quelle est la garantie due dans ce cas par le cédant, surtout si la société a
accumulé un passif important ? La cession à titre onéreux est à rapprocher de la
vente avec la garantie du fait personnel et la garantie de vices cachés.
En ce qui concerne la garantie d’éviction du fait personnel, la Chambre
commerciale de la Cour de cassation française a eu l’occasion de préciser dans
un arrêt Ducros du 21 janvier 1997 qu’elle a un caractère légal, existant même
en l’absence d’une clause de non concurrence, et qu’elle n’entraîne pour le
cédant, « s’agissant de la cession des actions d’une société, l’interdiction de se
rétablir, que si ce rétablissement est de nature à empêcher les acquéreurs de ces
actions de poursuivre l’activité économique de la société et de réaliser l’objet
social ». En l’espèce, elle a estimé que les actes reprochés aux cédants ne

64
constituaient des tentatives de reprise par une voie détournée de la chose
vendue. Dans la pratique toutefois, afin de limiter les risques de contentieux, il
apparaît préférable de préciser dans l’acte de cession, l’étendue de l’obligation
de non concurrence qui pèse sur les cédants.
L’opération demeure risquée dans la mesure où la garantie et d’éviction et
des vices cachés portent sur les actions ou parts sociales cédées et non sur la
société qui les a créées. La révélation inopinée de dettes sociales antérieures à la
vente n’aurait pas d’impact sur la validité de l’opération : le passif n’est pas un
vice (erreur, dol, voire violence) qui affecterait directement les droits sociaux
transmis si l’opération est une vente et si elle s’analyse comme une cession de
créance, le cédant ne doit que la garantie de l’existence de la créance et non de
la solvabilité du débiteur cédé. Certains arrêts de cours d’appel ont tenté
d’assimiler la cession de la totalité des droits sociaux en une cession de fonds de
commerce rendant nécessaire l’application des dispositions protectrices y
afférentes du Code de commerce mais la Cour de cassation y est défavorable1.
La jurisprudence n’admet qu’exceptionnellement la remise en cause de la
cession, notamment en cas de valeur négative des droits sociaux2, de
comptabilité irrégulière, etc.
Mais la jurisprudence récente exige la loyauté et la bonne foi des parties :
le cédant a une obligation d’informer le cessionnaire qui a un devoir de se
renseigner. Certains arrêts font appel à l’erreur sur la substance lorsque la
société dont les actions sont cédées ne peut plus poursuivre l’activité
économique constituant l’objet social du fait par exemple de la disparition ou de
l’indisponibilité de son actif essentiel. Dans ce sens on note un attendu éclairant
de la Cour de cassation :
« Attendu que la société Novopac n’aurait pas traité si elle avait connu
l’indisponibilité du matériel constituant l’essentiel de l’actif immobilisé de la
société APS, sans laquelle la société ne pouvait avoir aucune activité et à défaut
duquel l’acquisition perdait toute substance, la cour d’appel a pu déduire que
cette erreur, portant sur les qualités potentielles des parts sociales objet de la
cession litigieuse, entraînant la nullité de la convention… »3.
En pratique, le cessionnaire inclut dans le contrat une clause de garantie de
passif par laquelle le cédant s’engage à prendre en charge tout ou partie des
dettes existant antérieurement à la cession et qui se révèleraient postérieurement
à celle-ci.

B- La disqualification par le fisc


En principe, c'est une simple cession d’actions ou de parts sociales.
Cependant, pendant longtemps, la disqualification de l’opération par le fisc
(service de l’enregistrement) en cession de fonds de commerce ou de biens
1
Voy. dans ce sens P. Merle, op. cit., n° 655.
2
Com. 4 juillet 2000, Bull. Joly 2000, p. 1081, n° 269.
3
Com. 17 octobre 1995, Rev. Sociétés 1996, p. 55.

65
formant l’actif, comme les immeubles de la société, était possible et certaines
juridictions l’ont confirmée ;
- en dernier lieu, deux arrêts de la Ch. com. de la Cour de cassation
française ont condamné, apparemment de façon définitive, les tentatives de
disqualification-requalification : « Attendu que la société... n'ayant jamais cessé
d'exister en tant que personne morale et les cédants des actions n’ayant pas
qualité pour disposer de l’actif social, l'opération invoquée comme réelle par
l’administration des impôts (transmission des biens de la société et apport à une
nouvelle société) ne pouvait être retenue, le tribunal a violé les textes
susvisés »1.
La jurisprudence a cependant reconnu un certain particularisme à la cession
massive de droits sociaux en décidant que l’opération revêt un caractère
commercial quel que soit le nombre de titres cédés dès lors qu’elle « a pour
objet et pour effet le changement de contrôle de la société »2 ou qu’elle fait
partie d’une opération globale visant le transfert de l’entier contrôle de la
société3.

§ II : La protection des minoritaires en cas d'achat des titres des


majoritaires

En cas de cession de bloc de contrôle, les majoritaires vendent leurs titres


aux cessionnaires généralement à un prix très élevé. Les cessionnaires ne sont
pas tenus, dans les sociétés non cotées, d'acheter les titres des minoritaires et, en
cas d’achat, le prix proposé à ceux-ci peut être inférieur. La protection
consisterait à imposer aux cessionnaires l’achat des titres des minoritaires au
même prix pendant un certain temps. Elle n’est pas encore organisée en France
ni a fortiori par l’AUDSC ni par d’autres textes en ce qui concerne le Burkina.

De toute façon, cette protection soulève des difficultés : d'abord les actions
de contrôle valent plus cher que les actions des minoritaires ; ensuite, même si
une réglementation protectrice existait, il serait toujours possible de tourner cette
réglementation.

§ III : Les clauses d'agrément

Le problème des clauses d’agrément se pose surtout pour les sociétés non
cotées. Pour les sociétés cotées, la cession est en principe libre et on peut
contracter avec n'importe quel cessionnaire. On avait néanmoins admis que les
statuts des sociétés cotées pouvaient contenir des clauses d'agrément comme
ceux des sociétés non cotées, ce que la COB, devenue AMF, considérait comme
1
7 mars 1984, Rev. Soc. 1985, p. 406, 26 avril 1984, Bull. civ. IV, n° 137, p. 115.
2
Com. 11 juillet 1988, Rev. Sociétés 1989, 45.
3
Civ. 2e 30 mars 2000, RJDA 2000, 694.

66
contre-nature. La question est désormais clairement réglée en France puisque
l’article L. 228-23 du Code de commerce, issu de l’ordonnance n° 2004-604 du
24 juin 2004, dispose que :
« Dans une société dont les titres de capital ne sont pas admis aux
négociations sur un marché réglementé, la cession de titres de capital ou de
valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être
soumise à l’agrément par une clause des statuts. Cette clause est écartée en cas
de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un
conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant.
Une clause d’agrément ne peut être stipulée que si les titres sont nominatifs
en vertu de la loi ou des statuts ». L’intérêt des clauses d’agrément est d’éviter
l'entrée de personnes indésirables, de protéger les actionnaires majoritaires et
d’introduire une dose d’intuitus personae dans la SA. Cependant, il y a une
contrainte : l'actionnaire ne doit pas être prisonnier de son titre.

En cas de refus d’agrément du cessionnaire pressenti, la société doit faire


acquérir les titres par des actionnaires ou des tiers ou, avec l’accord du cédant,
acquérir elle-même les titres pour ensuite procéder à une réduction de son
capital. En cas de désaccord sur le prix, le tribunal tranche (AUDSC, art. 765 à
771).

Section II : L’achat des titres des sociétés cotées

Seules les sociétés par actions peuvent être cotées en bourse pour leurs
actions et éventuellement pour les obligations qu’elles ont émises. L’AUDSC ne
reconnaît qu’une seule société par actions, à savoir la SA. La SCA ne peut plus
être créée. En France, outre la SA et la SCA, il y a la société par actions
simplifiée (SAS).
Il conviendra da faire un survol du droit comparé français avant d’aborder
les principales règles de la BRVM.

§ I : Le droit comparé français

En principe, une société peut librement acheter les titres d’une société
cotée comme tout un chacun. C’est que l’on appelle le « ramassage » qui paraît
simple et sans inconvénient. Mais le ramassage peut rapidement conduire à une
hausse des prix rendant la poursuite de l’opération trop onéreuse. De plus, toute
personne physique ou morale qui, agissant seul ou de concert, vient à acquérir
un nombre d’actions dépassant le 20e, le 10e ou le 5e du capital de la société doit
en informer celle-ci ainsi que l’AMF dans un délai de 5 jours de bourse. Celle-ci
doit en informer le public. A partir de ce moment, l’opération deviendra encore
plus onéreuse. Surtout, depuis la loi Sécurité et transparence du marché
financier du 2 août 1989, dès lors qu’une personne physique ou morale, agissant

67
seul ou de concert, vient à détenir plus du tiers des titres de capital ou plus du
tiers des droits de vote d’une société, elle est tenue de déposer un projet d’offre
publique visant la totalité du capital1.
En dehors du « ramassage » dont on a vu les limites, il y a lieu de recourir
aux OPA et aux OPE.

L’Offre Publique d'Achat (OPA), ou take over bid, est une opération
permettant à une société de prendre le contrôle d'une autre par l'acquisition des
actions contre espèces, à un cours plus élevé que le dernier cours de bourse.
Quand l'acquisition se fait par échange de titres, on parle d'Offre Publique
d'Échange (OPE). Les intérêts de ces opérations sont de stimuler la bourse et
d’évincer les dirigeants médiocres au profit d’équipes plus dynamiques. Ces
opérations devraient de ce point de vue être encouragées. En pratique pourtant,
l’OPA est presque toujours perçue ou ressentie par la société cible et ses
dirigeants comme un séisme ou une agression.

Principes
En France, les OPA et les OPE, qui sont pratiqués en France seulement
depuis 1964, sont régis par les principes suivants :
- L’auteur doit agir de bonne foi, c’est-à-dire déclarer ses objectifs, en
particulier ne pas vouloir racheter l'entreprise pour la liquider sans le déclarer.
- Les dirigeants de la société dont les actions font l'objet de l'offre doivent
veiller à l'intérêt des associés en général et non à leur seul intérêt d’actionnaires
majoritaires ou contrôlaires.
- Les deux sociétés (cédant et cessionnaire) doivent s'assurer du respect de
l'égalité entre les actionnaires destinataires de l'offre, qu’ils relèvent de la
catégorie des majoritaires ou de celle des minoritaires.

Offre initiale
Sur le plan procédural, l’offre initiale requiert qu’une autorisation soit
demandée à l’AMF (ex COB). L’offre doit être visée et une note d’information
est publiée dans un journal spécialisé.
Une autorisation administrative est exigée lorsque l’opération atteint le
seuil minimum visé par la loi relative aux concentrations.
L’AMF suit le déroulement et l’aboutissement de l’offre afin de veiller au
respect des intérêts en présence.

Offre concurrente et surenchère


Les dirigeants de la société visée, s’ils jugent l’offre inamicale, peuvent
tout faire pour qu’elle échoue en recourant aux techniques de défense anti-OPA.
Les défenses anti-OPA sont variées : cela comprend, entre autres,
l’augmentation du capital après le déclenchement de l’OPA, la conversion en
1
art. 234 du règlement général de l’AMF et art. 234-7 sur les conditions d’une éventuelle dérogation.

68
actions de titres mixtes émis à cette fin, l'appel à une société amie qui déposera
une offre concurrente dont le prix sera nécessairement plus élevé que celui de
l’offre initiale, dont la licéité semble discutable. Au regard de l'intérêt de la
société, leur efficacité et leur licéité sont douteuses.
L’auteur de l’offre initiale, si le prix initialement proposé lui paraît faible
ou pas assez attractif, peut lui-même surenchérir en proposant un prix plus élevé
qui ne profite pas aux actionnaires qui avaient déjà vendu leurs titres puisque la
vente réalisée est parfaite.
Quant aux négociations de blocs de contrôle dans les sociétés cotées, la
réglementation consiste à imposer à l'acquéreur d'acheter pendant 15 jours de
bourse et en principe au même cours que la cession de contrôle, toutes les
actions qui lui seront offertes.

§ II : Le cas de la zone ouest africaine : la Bourse régionale des valeurs


mobilières (BRVM)

Jusqu’à ces dernières années, il n’y avait pas de bourse de valeurs dans la
sous-région et, par voie de conséquence, il n’y avait pas de sociétés cotées.
Depuis 1997-1998, la BRVM fonctionne mais cela ne concerne que quelques
sociétés jusqu’à maintenant…..

La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM)1 est une institution


financière spécialisée créée le 18 décembre 1996 sous la forme d’une SA dont le
capital est souscrit par des acteurs économiques régionaux de l'Afrique de
l'Ouest. La BRVM est un moyen de financement pour les entreprises. En effet,
l'admission à la bourse est un moyen de financement pour les entreprises, soit
sous la forme de prêts, soit sous la forme d'émissions publiques de titres de
sociétés, en l’occurrence des actions ou des obligations, qui permettent au grand
public d'y investir son épargne.

A- Les aspects institutionnels et organisationnels


La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières, la BRVM SA, est une
société anonyme disposant d'un capital de 2.904.300.000 francs CFA.

1) Les missions et l’historique de la BRVM


Les principales missions de la BRVM sont les suivantes :
- l'organisation du marché boursier ;

- la publication des transactions boursières ;

- la diffusion des informations sur la Bourse ;

1
On consultera avec intérêt le site de la BRVM : http://www.brvm.org/page14.htm.

69
- la promotion et le développement du marché.

Concernant son historique, l'intégration des marchés par la BRVM est


un succès à la fois politique, institutionnel et technique.

La mise en place de la Bourse Régionale et du Dépositaire


Central/Banque de Règlement (DC/BR) s'est réalisée en plusieurs étapes.

Le 14 novembre 1973 a été signé le Traité constitutif de l'Union


Monétaire Ouest Africaine (UMOA) comprenant le Bénin, le Burkina Faso, la
Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo auxquels s'est jointe la
Guinée-Bissau en 1997. Le Traité prévoit la mise en place d'un marché financier
organisé dans la sous-région.

Le 17 décembre 1993, le Conseil des Ministres de l'Union décide de la


création d'un Marché Financier Régional et donne mandat à la Banque Centrale
des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) de conduire le projet.

Le 18 décembre 1996, les différents travaux préliminaires aboutissent à la


constitution à Cotonou de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières S.A. et
du Dépositaire Central/Banque de Règlement S.A., marquant ainsi la fin du
mandat donné à la BCEAO et la gestion du projet par ses propres organes.

Le 20 novembre 1997, le Conseil des Ministres de l'Union procède à


l'installation du Conseil Régional de l'Epargne Publique et des Marchés
Financiers.

Le 16 septembre 1998, la BRVM et le DC/BR démarrent leurs activités.

Pour un fonctionnement efficace de ce marché, les autorités de l'Union


ont retenu, conformément aux normes internationales en vigueur, le principe
d'une nette séparation des missions et des responsabilités des divers
intervenants. Ce choix s'est traduit par la création de deux pôles distincts :

- Un pôle privé, composé de la Bourse Régionale des Valeurs


Mobilières et du Dépositaire Central/Banque de Règlement ainsi que des
intervenants commerciaux, à savoir les Sociétés de Gestion et d'Intermédiation,
les Sociétés de gestion de patrimoine, les Apporteurs d'Affaires, les Sociétés de
Conseils en Valeurs Mobilières et les démarcheurs ;

- Un pôle public, constitué du Conseil Régional de l'Epargne Publique et


des Marchés Financiers. Celui-ci représente l'intérêt général et garantit la
sécurité et l'intégrité du marché.

70
2) Le pendant de la BRVM : Le Dépositaire Central/Banque de
Règlement (DC/BR)

Le Dépositaire Central/Banque de Règlement (DC/BR) est une entité


privée (SA) dont le capital s'élève à 1.481.552.500 francs CFA. Il est chargé de
la conservation et de la circulation des valeurs mobilières pour le compte des
émetteurs et des intermédiaires financiers agréés par le Conseil Régional de
l'Épargne Publique et des Marchés Financiers. Il fait office de banque de
règlement et peut détenir des encaisses des négociateurs (comptes espèces).

Il assure les missions suivantes :

- la centralisation et la conservation des comptes courants des valeurs


mobilières pour le compte de ses adhérents;

- le règlement et la livraison des opérations de bourse, en organisant pour


chaque Société de Gestion et d'Intermédiation (SGI), la compensation, valeur
par valeur, entre les titres achetés et vendus ;

- le règlement des soldes résultant des compensations relatives aux


opérations de marché et le paiement des produits (intérêts, dividendes, etc.)
attachés à la détention des valeurs mobilières ;

- la mise en action du Fonds de Garantie en cas de défaillance d'un


adhérent.

Le Dépositaire central respecte les Standards internationaux. Ainsi, les


titres inscrits en compte par le DC/BR sont dématérialisés pour permettre une
meilleure circulation des titres et une réduction des risques dans la conservation
et la gestion des titres.

Toujours dans un objectif de rapprochement aux normes internationales,


les opérations du marché financier actuellement dénouées électroniquement en
J+5 (jour de négociation plus 5 jours ouvrés) évolueront vers un dénouement à
J+3 (jour de négociation plus 3 jours ouvrés).

Les deux systèmes informatiques de la BRVM et du DC/BR sont liés par


un interface électronique pour permettre le transfert des données après les
séances de bourse avec le maximum de sécurité.

L’un des organes essentiels du bon fonctionnement des marchés


financiers est le Conseil Régional de l'Épargne Publique et des Marchés
Financiers (CREPMF).

71
3) L’organe public : le Conseil Régional de l'Epargne Publique et des
Marchés Financiers (CREPMF)

Le Conseil Régional de l'Epargne Publique et des Marchés Financiers


(CREPMF) est un organe de l'Union Monétaire Ouest Africaine, créé le 3 juillet
1996 par décision du Conseil des Ministres de l'UMOA, dans le cadre de la mise
en place du marché financier régional de l'UMOA dont il est chargé d'assurer la
tutelle. C’est un organe de surveillance du marché financier régional. Il est
chargé de réglementer et d'organiser l'appel public à l'épargne, d'assurer
l'habilitation et le contrôle des intervenants mais aussi de veiller à la régularité
des opérations de bourse. Dans ce cadre, le CREPMF a déjà adopté plusieurs
instructions.

B- Le fonctionnement de la bourse de valeurs

L’on examinera sommairement le schéma du fonctionnement de la


bourse, les intervenants et enfin les caractéristiques du marché

1) Le schéma du fonctionnement de la bourse

Trois points appellent des précisions.

Le fonctionnement de la bourse de valeurs peut être schématiquement


présenté comme suit :

La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) est une bourse


entièrement électronique. Le Site Central, situé à Abidjan, assure les services de
cotation, de négociation ainsi que les services de règlement ou de livraison de
titres.

A partir des postes de travail installés dans leurs locaux ou de ceux situés
dans les Antennes Nationales de Bourse des pays de l'Union Économique et

72
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), les agents des Sociétés de Gestion et
d'Intermédiation (SGI) peuvent :

- saisir les ordres de bourse et les transmettre au Site Central via le réseau
satellite ;

- consulter et éditer les résultats de cotation ;

- consulter les informations statistiques du marché et du Dépositaire


Central ;

- obtenir la diffusion des informations.

Les principes retenus pour la mise en place du marché boursier de la


BRVM obéissent à la fois au souci de conformité aux standards internationaux
et à celui de son adaptabilité à l'environnement socio-économique de l'UEMOA.
L’organisation de ce marché est basée sur l’égalité quant à l'accès à
l'information, au traitement des investisseurs, au coût d'accès au réseau, quel que
soit le lieu d'implantation de l'opérateur économique.

2) Les intervenants

Il y a quatre sortes d’intervenants.

L’Antenne Nationale de Bourse (ANB) est une représentation nationale


de l'ensemble des structures centrales du marché boursier régional (la Bourse
Régionale des Valeurs Mobilières et le Dépositaire Central / Banque de
Règlement) dans chaque pays de l'UMOA. Les Antennes Nationales de Bourse
sont reliées au site central par un réseau satellite permettant aux intervenants du
marché d'avoir accès au système électronique de la Bourse Régionale.

La Société de Gestion et d'Intermédiation (SGI) est un établissement


financier constitué en SA, agréé par le Conseil Régional selon certains critères,
entre autres, techniques, financiers et déontologiques. La SGI, qui s’apparente
aux agents de change existant dans d’autres Etats, négocie les valeurs
mobilières. Par ailleurs, elle assure la tenue de compte, gère des portefeuilles
sous mandat et exerce l'activité de conseil en ingénierie financière. Il y en a au
moins une par Etat membre, sauf la Guinée Bissau qui n’en compte aucun, le
Bénin qui en compte trois et le Sénégal et la Côte d’ivoire qui en compte une
dizaine chacun.

La Société de Gestion de Patrimoine (SGP) est une personne morale


agréée par le Conseil Régional, réputée exercer, à titre principal, une activité de

73
gestion de titres sous mandat, à caractère privé. Elle peut créer et gérer des
organismes communs de placement en valeurs mobilières (OPCVM).

Il y a d’autres intervenants qui sont les apporteurs d’affaires.

L’intégrité du marché, la continuité du Marché Régional et la


protection des épargnants sont assurées par :

- le Fonds de Garantie du Marché géré par le Dépositaire Central /Banque


de Règlement (DC/BR) qui garantit le règlement de l'ensemble des transactions,
et se substitue, le cas échéant, à l'adhérent défaillant ;

- le Fonds de Protection des Épargnants qui est géré par l'Association


Professionnelle des Sociétés de Gestion et d'Intermédiation (SGI),
conformément à l'article 21 du Règlement général de la BRVM ; il est constitué
à partir des contributions des SGI, afin de pallier l'éventuel défaut d'un membre
qui serait dans l'impossibilité de satisfaire ses obligations envers ses clients.

3) Les caractéristiques du marché

Le marché se caractérise comme suit :

- un marché centralisé dirigé par les ordres, c'est-à-dire que le cours d'une
valeur est déterminé par la confrontation des ordres d'achat et de vente collectés
avant la cotation ;

- trois séances hebdomadaires de bourse avec deux (2) cotations au fixing


(cours unique obtenu par confrontation des ordres d'achat et de vente) ; les
séances évolueront rapidement vers une séance quotidienne pour atteindre des
séances de cotation en continu ;

- un marché au comptant avec un dénouement glissant des transactions,


qui permet aux opérateurs de connaître avec précision la date à laquelle ils
devront faire face à leurs engagements ; lors de son démarrage, la BRVM a
retenu un dénouement des transactions à J+5 (jour de négociation plus 5 jours
ouvrés) qui doit évoluer vers les préconisations internationales en la matière, soit
un dénouement à J+3;

- des transactions garanties, grâce à la mise en place d’un Fonds de


garantie du marché alimenté par les SGI pour pallier une éventuelle défaillance ;

- la centralisation et la conservation des titres par un Dépositaire


Central/Banque de Règlement et leur circulation exclusive sous une forme
dématérialisée.

74
Relativement au marché des actions et des obligations, qui est
certainement le plus important, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
dispose, pour le démarrage de ses activités, de deux compartiments pour les
actions et d'un compartiment unique pour les emprunts obligataires.

Pour être admise au Premier Compartiment, la société doit répondre


aux conditions suivantes :

- présenter une capitalisation boursière égale ou supérieure à 500 millions


de francs CFA ;
- avoir une marge nette sur chiffre d'affaires sur chacune des trois
dernières années de 3% ;
- présenter 5 années de comptes certifiés ;
- s'engager à signer un contrat d'animation de marché ;
- diffuser dans le public au moins 20% de son capital, dès l'introduction en
bourse ;
- s'engager à publier les estimations semestrielles des chiffres d'affaires et
les tendances de résultats.

Quant au Second Compartiment, l’admission d’une société est


soumise aux conditions suivantes :

- présenter une capitalisation boursière égale ou supérieure à 200 millions


de francs CFA ;
- présenter deux années de comptes certifiés;
- s’engager à signer un contrat d'animation de marché ;
- s'engager à diffuser dans le public au moins 20% de son capital dans un
délai de deux ans, ou 15% en cas d'introduction par augmentation de capital.

Le Compartiment Obligataire ou titres de créance est accessible aux


emprunts obligataires dont le nombre total de titres à l'émission est supérieur à
vingt cinq mille (25.000), et représentant un montant nominal au moins égal à
cinq cents millions (500.000.000) francs CFA.

Il faut signaler que la BRVM publie deux indices :

- le BRVM 10 qui est un indice représentant les dix valeurs les plus
actives du marché boursier régional ; il est actualisé tous les trois mois ;

75
- le BRVM composite qui est un indice représentant l'ensemble des
valeurs inscrites à la cote de la Bourse Régionale1.

CHAPITRE III : LE REGIME DES GROUPES

Le régime des groupes est dominé par l'absence de personnalité morale du


groupe, qui n'est donc qu’une situation de fait. Cela veut dire qu'à titre de règle,
le droit ne reconnaît que les sociétés membres du groupe et non le groupe lui-
même. Ainsi :

- chacune des sociétés a une personnalité juridique propre ainsi que tous les
attributs qui s’y attachent : dénomination, objet, siège social, capacité, capital,
nationalité ;
- vis-à-vis des tiers, chaque société est représentée par ses organes propres
et non par ceux de la société-mère ;
- les sociétés du groupe sont des tiers les unes par rapport aux autres.
C'est dire donc que le principe est celui de l'indépendance de la
personnalité des sociétés du groupe. Cette indépendance correspond à la volonté
des membres du groupe « qui, sans cela, auraient constitué des succursales,
c'est-à-dire de simples centres d'exploitation, sans personnalité juridique
distincte »2. Si tel était le cas, le groupe ne présenterait aucune spécificité par
rapport aux concentrations aboutissant à l'unité de personne juridique comme la

1
Les informations concernant la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (cours, volumes,
paiements de dividende, états financiers des sociétés cotées, etc.) sont disponibles à travers
plusieurs canaux de diffusion :

- le Bulletin Officiel de la Cote (BOC) est disponible à la fin de chaque séance de négociation
- au siège social de la BRVM,
- aux bureaux des Antennes Nationales de Bourse (ANB),
- auprès des Sociétés de Gestion et d'Intermédiation (SGI) ou
- sur le site Internet de la BRVM à l'adresse http://www.brvm.org/page14.htm
- la Revue Trimestrielle est disponible à la fin de chaque trimestre de l'année au siège social de
la BRVM, aux bureaux des ANB et auprès des SGI;
- les revendeurs d'information avec lesquels la BRVM a signé un accord de partenariat, tel
REUTERS, et d'autres à venir;
. Différents sites Internet privés diffusent à leur initiative l'information boursière :
- AFRIBOURSE : http://www.afribourse.com
- BIAO FINANCE & ASSOCIES, (SGI à Abidjan) http://www.biaofi-ci.com
- BICI BOURSE - (SGI à Abidjan) http://www.bicibourse.com/
- HUDSON & CIE, (SGI à Abidjan) http://www.hudson-cie.com/
- CGF BOURSE, (SGI à Dakar) http://www.cgfbourse.sn/
- ENTREPRISE - CROISSANCE: http://www.afrique-finance.com
- AFRICA ONLINE : http://www.africaonline.co.ci

2
Yves Guyon, op. cit., n° 613.

76
fusion. Tous les avantages du groupe de sociétés tournent autour de la pluralité
des personnes juridiques, qui donne de la souplesse de gestion, permet la gestion
décentralisée des entités économiques, favorise l’adaptabilité... et surtout permet
d’apprécier les performances de chacune des sociétés. D'ailleurs, la formule de
l'unité de personnalité morale serait impraticable sur le plan international
(groupes composés de sociétés implantées dans plusieurs Etats).
Cependant, on ne peut pas nier l'existence d’une unité de décision
économique qui entraîne une communauté d'intérêts et de destin pour les
sociétés membres du groupe. La reconnaissance de la réalité du groupe va
impliquer certaines conséquences juridiques. A cet égard, l'on notera que :
- la législation burkinabè antérieure à l’AUDSC est totalement muette sur
la question des groupes et la jurisprudence n'a pas eu à en traiter ; l’AUDSC n’a
pas fait l’impasse sur le groupe mais ne renferme aucune conséquence juridique
de l’existence d’un groupe (art. 173 à 180) ; il est vrai que la question est
délicate ;
- la législation française contient des dispositions légales sur les groupes
mais, c'est surtout la jurisprudence qui joue un rôle majeur en ce domaine ; de
nombreuses propositions de lois existent qui tendent à réglementer davantage les
groupes ; il y a également une directive des Communautés économiques
européennes (CEE) que la législation des Etats membres a dû prendre en
compte.

Les principales conséquences juridiques du groupe ont trait aux rapports


entre les sociétés membres du groupe, à la situation des associés, des créanciers
et des salariés des sociétés membres du groupe, à la fiscalité des groupes et enfin
aux problèmes que soulève le groupe en relation avec l’ordre public.

Section I : Les relations entre les sociétés membres du groupe

Sur un plan d’ensemble, les relations entre les sociétés du groupe ne


comportent pas de particularités au plan juridique. Généralement fournisseurs ou
clients entre elles, la réglementation des conventions entre la société et ses
dirigeants peut s'appliquer aux conventions conclues entre deux sociétés faisant
partie d’un groupe.

Mais c'est surtout au plan financier que le problème se pose. L’intérêt du


groupe commande que les moyens de chaque société puissent profiter aux autres
: c’est tout le problème du pool de gestion de trésorerie souvent confié à la
société mère, des avances, prêts, garanties ou facilités octroyés sans intérêts ou
sans contrepartie suffisante. L’octroi de telles facilités dans le cadre d’un groupe
n’est pas considéré comme une atteinte au monopole des banques, du moins
dans la réglementation française.

77
Cependant, chaque société continue d’exister, a ses associés et son intérêt
propres, d'où la nécessité d'une conciliation entre l’intérêt du groupe et l’intérêt
de chaque société. Pour faire échec à l'application des règles ordinaires, la
jurisprudence française1 exige :

1°) Que l'on se trouve en présence d’un groupement économique fortement


structuré, reposant sur des bases non artificielles et que les éléments qui le
composent, même s'ils sont disparates, concourent à la réalisation de l’« objet
social » du groupe, qui peut alors provisoirement se substituer à l'objet social
des diverses sociétés qui le composent.

2°) Que les sacrifices demandés à l'une des sociétés soient dans l'intérêt du
groupe et contribuent au maintien de son équilibre ou poursuivent une politique
cohérente du groupe et non l'intérêt personnel des dirigeants.

3°) Que ces sacrifices ne fassent pas courir à la société concernée des
risques trop importants, sans contrepartie suffisante ou hors de proportion avec
ses possibilités réelles, permettant de prévoir, au moment même de la décision,
des difficultés graves pour l’avenir, préjudiciables à ses actionnaires et à ses
créanciers personnels.

Cette jurisprudence, intervenue à propos du délit d’abus des biens sociaux,


donne un large éclairage sur les rapports financiers entre sociétés liées.

Section II : La situation des associés des sociétés membres du groupe

Il y a un risque sérieux que le fonctionnement du groupe se fasse au


détriment d’une société donnée qui concède des avantages aux autres, au risque
de ne pas réaliser de bénéfices, voire d’accumuler des pertes. Les associés hors
groupe2 d’une telle société subissent ainsi un préjudice.

D’où les mesures suivantes (instituées ou à envisager) pour les protéger :


- la publicité des filiales et des participations ;
- des incompatibilités concernant le commissariat aux comptes ;
- la possibilité ou l’obligation d’établir des bilans consolidés ;
- l'obligation d’achat des titres des actionnaires isolés ;
- la possibilité d’exercer l’expertise de gestion (anciennement expertise de
minorité) du groupe ;
- l’application aux sociétés du groupe de la réglementation des conventions
entre les sociétés et leurs dirigeants (AUDSC, art. 438 à 450) ;
1
Trib. Com. Paris, 16 mai 1974, Rev. Soc. 1975, 657 ; Crim. 9 janv. 1984, cité par P. Merle, op. cit.,
p. 640, n°1 ; Crim. 4 fév. 1985, Rev. Soc. 1985, 648, B. Bouloc.
2
Intérêts différents de ceux du groupe.

78
- la répression des délits commis dans la gestion des sociétés (abus des
biens sociaux)1.

Section III : Les créanciers des sociétés groupées

« L’intérêt des créanciers sociaux est de faire supporter par une société
mère solvable les dettes contractées par une filiale insolvable. Ces extensions
constituent des atteintes à l’indépendance juridique des sociétés du groupe
puisque la dette sera payée par une société qui ne l’avait pas contractée. Elles
ont des fondements juridiques divers mais doivent demeurer exceptionnelles »2.

A priori, il n'est pas possible de mettre en cause la société mère puisqu'il y


a l'indépendance de chaque société. Certains moyens juridiques pourraient
cependant être invoqués avec plus ou moins de chance de succès pour amener la
société mère à payer :

- la solidarité imparfaite (obligation in solidum) découlant d'une faute


commune ;
- l’exercice de l’action en comblement du passif, si une procédure
collective est ouverte contre la filiale, en démontrant que la société mère a la
qualité de dirigeant de droit ou de fait de la filiale et a commis une faute dans sa
gestion de celle-ci ;
- l’ouverture (ou extension) d’une procédure collective, en démontrant la
qualité de dirigeant de droit ou de fait de la SM, en cas de confusion
patrimoniale entre la SM et la filiale ou de « fictivité » de cette dernière ;
- le cautionnement des engagements de la filiale par la SM.

Section IV : Les salariés


Il sera surtout fait appel au droit comparé français du fait de l’absence de
dispositions légales et de jurisprudence burkinabè connue sur la question.
Les salariés du groupe peuvent être pris en compte au niveau collectif pour
la création des organes représentatifs pour le groupe si l'on constate une unité
économique et sociale (relative confusion patrimoniale, complémentarité des
activités). Dans un tel cas, en France, l’on doit créer un comité d'entreprise de
groupe (L. 28 oct. 1982).
A cet égard peuvent se poser des problèmes d’identification de l’employeur
et de détermination des effectifs, certaines règles ou institutions s’appliquant à
partir d’un certain niveau d’effectifs des salariés.
Au plan individuel :

1
voy. section précédente.
2
Yves Guyon, Droit des affaires, Tome 1 : Droit commercial général et sociétés, Economica, 12e éd.,
2003, n° 621.

79
- bénéfice des fruits de l'expansion du groupe, et non de la seule société,
accordé par une ordonnance du 21 octobre 1986 ;
- un salarié détaché ou mis à la disposition d’une filiale et licencié par
celle-ci a le droit d'être réintégré dans la société mère s'il n’a pas commis de
faute1 ;
- en France, les tribunaux s’attachent à déterminer qui de la filiale ou de la
mère exerçait effectivement le pouvoir de direction. S’il est démontré que la
société mère exerçait un tel pouvoir à l’encontre des salariés, cette société ainsi
que la société filiale, qui est l’employeur apparent, seront toutes deux qualifiées
d’employeur du salarié, ce dernier pouvant, à son choix, poursuivre l’une ou
l’autre en paiement des indemnités de licenciement qui lui sont dues. Cela vaut
notamment pour les salariés embauchés par une société mère en vue d’être
détachés auprès d’une filiale pour y occuper des fonctions de direction au sens
de mandataire social. La question est résolue en faveur de statut du salarié dès
lors que l’on constate l’existence d’un lien de subordination quand bien même
une rémunération unique serait servie2.

Section V : La fiscalité des groupes de sociétés


On peut consulter avec un grand intérêt sur la problématique de la fiscalité
des groupes de sociétés l’ouvrage de Cozian et Viandier3, qui écrivaient, dans
les premières éditions de leur ouvrage, que quand un fiscaliste et un
commercialiste se rencontrent, ils écrivent un ouvrage sur le droit des sociétés.
Pour s’en tenir aux points saillants, l’on abordera les points ci-dessous.

§ I : Le coût des restructurations


L’achat ou la cession d’actions est soumis au droit d’enregistrement au taux
de 3% si un acte a été dressé. Si aucun acte n’est dressé, comme cela est possible
pour les actions au porteur, aucun droit n’est dû. Le droit d’enregistrement au
taux de 3% est systématiquement du en cas de cession ou d’acquisition de parts
sociales dans la mesure où un acte doit nécessairement être établi.
Concernant les plus-values qui seraient réalisées par le cédant, leur
imposition varie suivant la forme de la société. S’il s’agit d’une SA ou d’une
SARL ou de la part de bénéfices revenant aux commanditaires dans la société en
commandite simple, l’imposition se fait actuellement au taux proportionnel de
35%. S’il s’agit en revanche d’une SNC ou d’une SCS (pour la part des

1
L’article L. 122-14-8 du Code du travail français comporte une disposition originale selon laquelle
« lorsqu’un salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d’une filiale
étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit
assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses
précédentes fonctions au sein de la société mère ». Voy. pour un cas d’application C. cas., Soc., 28
fév. 1988, Rev. des soc. 1988, p. 546.
2
C. cas. Social, 4 mars 1997, Bull. Joly 1997, p. 661, note J. Ph. Dom, RTD Com. 1997, 691, obs. B.
Petit et Y. Reinhard.
3
Cozian M., Viandier A. et Deboissy F., Droit des sociétés, 16e éd., Litec, 2003, n° 1976 et s.

80
bénéfices revenant aux commandités), l’imposition se fait entre les mains de
chaque associé en fonction de son propre statut. Ainsi, les associés personnes
physiques sont imposés aux taux progressifs par tranches de 10, 20 et 35%.
Toutefois, il faut signaler l’existence de nombreux régimes de faveur en matière
d’imposition des plus-values : l’exonération de l’article 8 du Code des impôts
sous réserve de réinvestissement, le régime de l’article 83, B1…

§ II : Le régime des opérations intra-groupe


Selon Cozian, Viandier et Deboissy2, les sociétés d’un même groupe
commercent souvent entre elles : ainsi, il peut y avoir une gestion centralisée de
la trésorerie, l’approvisionnement des filiales de commercialisation auprès des
unités de production, la facturation des services communs assurés par la société
mère. Le fisc redoute les manipulations de ce que l’on appelle couramment les
« prix de transfert ». Il est, en effet, tentant, dans un souci d’optimisation fiscale,
de localiser le maximum de bénéfices là où l’on paie le moins d’impôt mais cela
ne concerne que les groupes « multinationaux ». La tentation est d’autant plus
grande que certaines filiales seraient hébergées par des Etats à fiscalité
bienveillante, pour ne pas parler de « paradis fiscaux ».
Par principe, les transactions et opérations financières entre sociétés du
groupe doivent se faire au prix normal, celui du marché, autrement dit celui qui
aurait été pratiqué vis-à-vis d’un contractant hors groupe. C’est ainsi que les
avances sans intérêt ou à des taux insuffisants, les minorations ou majorations de
prix… sont qualifiés d’actes anormaux de gestion et sanctionnés doublement :
chez la mère et chez la filiale par des redressements accompagnés de pénalités
(art. 22 du CI). Toutefois, on admet que la société mère puisse aider une filiale
en difficulté par des avances sans intérêt ou qu’une filiale facture des
transactions à la société mère à prix coûtant si celle-ci prend en charge les
services communs : publicité, comptabilité, recherche…

§ III : L’imposition des résultats

1
« B. Lorsqu'un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts bénéficiaires cède à un tiers
pendant la durée de la société tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le
prix d'acquisition de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur les bénéfices industriels et
commerciaux pour le tiers de son montant.
Toutefois, l'imposition de la plus-value ainsi réalisée est subordonnée aux deux conditions suivantes :
1° que l'intéressé ou son conjoint, ses ascendants ou descendants exercent ou aient exercé au cours des
cinq dernières années des fonctions d'administrateur ou de gérant dans la société et que les droits des
mêmes personnes dans les bénéfices sociaux aient dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices au cours
de la même période.
2° que le montant de la plus-value réalisée dépasse 100.000 francs ».
2
op. cit., n° 1978 et s.

81
Il y a d’abord la grande règle de l’imposition séparée des résultats de
chacune des sociétés membres du groupe, du moins s’il s’agit de sociétés
opaques comme c’est souvent le cas.
Il y a ensuite la remontée des dividendes : il est évident qu’aucun groupe ne
pourrait survivre avec un système d’imposition multiple des dividendes. A cet
égard, les régimes d’imposition sont variables : cela va de l’intégration fiscale
pour les groupes à plus de 95% où les résultats bénéficiaires et déficitaires des
sociétés membres du groupe sont additionnés pour déterminer le résultat
imposable du groupe (on parle de bénéfice mondial si un tel régime est accordé
à un groupe multinational), en passant par le recours aux sociétés de personnes,
qui entraîne que la société elle-même n’est pas imposable si bien que tout se
passe comme si elle n’existait pas, en passant par le régime assez répandu de la
quote-part des frais et charges, laquelle est imposable, le reste du dividende étant
exonéré. A cet égard, les pourcentages retenus au Burkina de 10 ou de 30% des
dividendes reçus paraissent excessifs.
Au Burkina, la question se pose aussi de l’exonération ou non de l’IRVM
au second degré (art. 703 du CET).

Section VI : Groupe de sociétés et ordre public


Vis-à-vis de l'ordre public en général et de l'ordre public économique en
particulier, les groupes de sociétés pourraient soulever, entre autres, les
problèmes suivants :
- la conciliation entre la politique du groupe et le respect de la souveraineté
nationale ou la protection des intérêts nationaux : problème des multinationales,
qui peuvent contribuer au reversement du pouvoir légitime en place comme ITT
au Chilie ; un groupe pourrait fermer des unités sises sur le territoire national et
procéder à des licenciements massifs ;
- les abus de position dominante ou de puissance économique faussant la
concurrence ou nuisant à l’intérêt des consommateurs ;
- les ententes illicites, notamment au détriment des consommateurs ;
- le non-respect de la réglementation des prix, qui est plus ou moins
abandonnée, sauf en relation avec la concurrence…

Par rapport aux autres entreprises pour lesquelles le respect de la


réglementation de la concurrence se pose, les groupes soulèvent spécifiquement
le problème de la réglementation des concentrations (horizontale ou verticale).
Celles-ci ne sont pas mauvaises en soi. C’est pourquoi, la plupart des
législations prévoient la déclaration de l’opération projetée, sa réalisation
effective devant attendre une sorte d’avis de non-objection. C’est ainsi que le
règlement n° 03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux procédures
applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de
l’UEMOA soumet à la procédure de l’attestation négative prévue à son article 3
« toute entreprise qui est susceptible de détenir, seule ou avec d’autres

82
entreprises, une position dominante sur le marché commun ou dans une partie
substantielle de celui-ci » (art. 8.2). En effet, pour l’article 4.1 « constituent une
pratique assimilable à un abus de position dominante les opérations de
concentration qui créent ou renforcent une position dominante, détenue par une
ou plusieurs entreprises, ayant comme conséquence d'entraver de manière
significative une concurrence effective à l'intérieur du Marché Commun ».

La définition des opérations de concentration figure à l’article 4 du


règlement n° 02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux pratiques anti-
concurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA1.

1
Constituent une concentration au sens de l'article 4.1 alinéa 2 du présent Règlement : a) la fusion
entre deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes ; b) l'opération par laquelle : - une ou
plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins, ou - une ou plusieurs
entreprises, acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de participations au capital
ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une
ou de plusieurs autres entreprises ; c) la création d'une entreprise commune accomplissant de manière
durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome.

83

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