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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Synthèse* réalisée par le « modeste » Martin Moreau, Prince de Calvitanie et cheva-


lier de l’ordre de la Saint-Thèse.

Je vous souhaite à tous une bonne étude de la matière et une session fructueuse.

* Fautes de frappe et d’orthographe hautement probables. L’auteur décline toute responsabilité en cas d’échec. Sa-
tisfait ou non remboursé.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Synthèse TDD

Introduction générale

A.Objet du cours
1. Distinction entre théorie (philosophie) du droit et droit positif
Le droit positif est l’ensemble des règles juridiques qui existent, qui sont en vigueur que ce soit des
lois, des règlements ou des décisions juridictionnelles. Cet ensemble se divise en différents ordres,
systèmes juridiques qui sont des parties du droit positif dont les plus célèbres sont les ordres juri-
diques étatiques.
Ex : droit belge, droit français, droit allemand,…
Mais il existe d’autres portions du droit positif tel que le droit international public ou le droit de
l’Union européenne qui est un droit supranational.

Au sein des facultés de droit en Belgique, on s’intéresse au droit belge. On y enseigne essentielle-
ment du droit étatique qui se décompose en des branches du droit avec comme distinction princi-
pale le droit privé et le droit public qui se ramifient en plusieurs sous branches (droit fiscal, droit
administratif ou droit des successions et droit des biens par exemple). Chaque juriste apprend à se
familiariser avec les concepts, méthodes de raisonnement et fictions spécifiques au droit étatique
qu’il étudie. Il se familiarise avec les usages et règles du droit belge mais à côté il existe des tas
d’autres droits étatiques avec d’autres fonctionnements. Faire une portion du droit positif tel qu’un
droit étatique est toujours nager dans la même piscine en prenant le risque de croire que ces habi-
tudes, règles et usages sont incontestables. En effet, on a seulement un point de vu interne que l’on
pratique. On y est tellement familiarisé qu’on pourrait confondre le droit belge et le droit en géné-
ral. Faire du droit positif est rester dans une approche qui est interne à un droit positif déterminé,
d’en adopter les points de vue et de ne plus pouvoir réfléchir de façon distanciée.

Or la théorie du droit essaye de comprendre le phénomène juridique de l’extérieur, de voir com-


ment fonctionne un système juridique par delà les particularités des ordres juridiques positifs. On
cherche leurs points communs, s’il y a des rapprochements. On aborde ces questions en essayant
de surmonter les particularismes de chaque système juridique appartenant au droit positif. C’est se
demandé si ces caractéristiques communes ne sont pas la spécificité même du phénomène juri-
dique. Chaque système juridique est un ensemble clos alors qu’en faisant de la théorie du droit est
se tenir au bord des différents systèmes juridiques. C’est une entreprise impossible, on ne peut
connaître la totalité des phénomènes juridiques du passé et du présent, d’ici et d’ailleurs. Ce travail
infini permet d’étudier le droit de manière plus critique.

2. Fonctions de la théorie (philosophie) du droit – Être/Devoir-être


Norberto Bobbio qui a l’idée que la théorie du droit remplit 4 fonctions :
• Ontologique qui vise à répondre à « Qu’est ce que le droit ? ». Il s’agit de définir ce qui
fait la spécificité du phénomène juridique. Cette question connaît des réponses innom-
brables et contradictoires. Il n’y a pas de consensus sur ce qu’est le droit.
Ex : Le droit est l’ensemble des règles qui gouvernent la vie en société ; le droit est l’ensemble des
règles imposées par l’État pour la poursuite du bien commun ; l’ensemble des commandements im-
pératifs émanant d’un pouvoir ; système de normes qui a vocation a réalisé la justice ; un instrument
d’oppression aux mains d’une classe sociale au détriment d’une autre,…

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Le travail de la fonction ontologique est de se demander laquelle de ces définitions rend


mieux compte du phénomène juridique dans son essence même. La question de la définition
du droit n’a pas encore reçu de réponse univoque. C’est l’analyse de ce qu’est le droit.
• Déontologique qui vise à répondre à « Qu’est ce que le droit doit être ? ». Les qualités à
remplir pour être un bon droit, un droit honorable, respectable, que l’on veut défendre . Il
s’agit d’étudier le « devoir - être » du droit. On a une première opposition entre l’ « être »
et le « devoir - être » ou entre le « sein » et le « sollen ». Une multitude de réponse sont pos-
sibles. Chaque auteur a son idée d’un droit parfait. Il s’agit de déterminer les valeurs qu’un
système juridique doit poursuivre et respecter pour être un bon droit.
• Phénoménologique, le droit est un phénomène social. La question de savoir « Pourquoi du
droit plus juridique apparaît ? » ; «Qu’est ce qui explique les disparités des modalités d’ap-
parition du droit ».
Ex : Pourquoi le droit chinois est arrivé avec des institutions et des concepts qu’on ne retrouve pas
dans d’autres droits ?
Cette fonction vise à étudier l’apparition du phénomène juridique dans le temps et dans
l’espace.
• Méthodologique qui s’intéresse à la façon dont le droit se réalise dans la réalité, le chemine-
ment qui permet d’aller de la loi jusqu’à la mise en œuvre de cette loi. Elle s’intéresse aux
différentes modalités selon lesquelles le droit se réalise dans la réalité concrète.

3. Limitation à l’étude des fonctions ontologique et déontologique


La phénoménologie et la méthodologie sont étudiés dans d’autres cours. Il reste la fonction ontolo-
gique et la fonction déontologique. Pour cette dernière on pourrait dire qu’elle est étudiée au cours
de philosophie du droit où on a vu des auteurs qui définissaient leur vision du droit idéal.

3.1 L’opposition entre courant juspositiviste et jusnaturaliste


On ne peut cependant pas étudier séparément ces 2 fonctions, en prenant d’une part l’être et
d’autre part le devoir-être. En effet, il existe 2 courants qui appréhendent de façon différentes les
rapports du être et du devoir-être, la question étant de savoir si le droit peut être sans corres-
pondre à ce qu’il doit être ou s’il n’y a de droit que s’il correspond à ce qu’il doit être au contraire
de quoi il n’est pas.

3.1.1 Le juspositivisme
Pour le premier courant, il peut y avoir du droit sans qu’il ne corresponde au droit idéal car pour
cette tendance, le droit est un ordre de contraintes. C’est un système qui tente à imposer un com-
portement et qui est en mesure de poser une sanction au sujet qui ne l’adopterai pas. Sous cette
conception, le droit ne se définit pas par rapport aux valeurs donc il peut exister des systèmes ju-
ridiques qui ne cherchent pas à réaliser la justice ou l’égalité. Le seul point commun entre tous les
phénomènes juridiques du monde, c’est qu’ils réalisent un ordre de contrainte. Pour définir le
droit, il n’est pas nécessaire d’insérer dans sa définition une référence à des valeurs car il n’y en a
aucune qui soit unanimement partagée par les différents systèmes juridiques. Par conséquent, il
est certain qu’il existe une différence entre l’être et le devoir-être du droit.
Rmq : Cela n’empêche pas de déclarer juridique le droit nazi, esclavagiste ou soviétique à l’instar
d’une démocratie.
C’est l’école du juspositivisme qui maintient étroitement distant l’être et le devoir-être et dont
Bobbio fait partie

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3.1.2 Le jusnaturalisme
Selon la seconde tendance, il y un identification entre la fonction ontologique et la fonction déon-
tologique de la théorie du droit. La juridicité d’une norme ou d’un ordre est conditionnée au res-
pect d’une valeur qui a été posée comme étant une valeur indissociable du phénomène juridique. Si
un commandement ne respecte pas cette valeur donnée, il n’est pas réellement du droit. De nom-
breux auteurs ont donné des valeurs différentes, il y en a donc une pluralité.
Rmq : Si j’estime que les droits de l’homme sont la valeur suprême, le droit nazi, soviétique ou es-
clavagiste n’étaient pas des ordres juridiques.
C’est l’école du jusnaturalisme qui confond l’être et le devoir-être.

L’opposition entre ces deux courants déteint sur la définition du droit. On ne peut donc faire l’im-
passe sur la fonction déontologique car le jusnaturalisme confond la fonction ontologique et déonto-
logique.

3.2 Opposition Weber et Strauss – Distinction entre fait et valeur


Ce débat pluricellulaire est inspiré par une controverse qui s’est tenu à la fin du XIXème et début
du XXème à propos de ce que devrai faire les sciences sociales qui étudient les rapports humains
dont la science juridique. Au sein de cette science, il y a une division entre 2 camps avec d’un côté
le sociologue allemand Max Weber (fin XIXème et premier quart du XXème) et de l’autre côté,
Léo Strauss philosophe de formation. La querelle qui les oppose est de savoir quels sont les rôles
respectifs du savant et du politicien. Weber va faire la distinction entre les faits et les valeurs. Les
faits relèvent du monde de l’être tandis que les valeurs, ce que nous estimons juste, bon ou criti-
quable, relèvent de ce que nous pensons, de ce qui doit être dans la réalité pour qu’elle soit
conforme à nos valeurs.

Pour Weber, le seul objet qui puisse convenir à une analyse scientifique ce sont les faits. Le scienti-
fique ne peut avoir pour seul mission que de décrire ces faits en exerçant une démarche scienti-
fique. Le choix d’un système de valeur n’a rien de scientifique et doit rester en dehors de cette dé-
marche. Il y a pour Weber une sorte de répartition des tâches, à l’expert, le scientifique, l’étude de
l’être et les analyses scientifiques du fonctionnement de la société qui vont servir à l’homme poli-
tique afin de choisir quelle orientation donné à la politique, le choix de valeurs à privilégier, la dé-
termination dans la société humaine du devoir-être. Les 2 ordres de réflexion sont étanches l’un par
rapport à l’autre, le scientifique et le politique ont leur domaine déterminé et ne cherche pas à discu-
ter ou réaliser la compétence de l’autre. Dans cette analyse majoritaire, Weber explique que si les
sciences sociales veulent accéder au statut de science, elles doivent se tenir à cette distinction entre
le fait et la valeur.

En revanche, pour Léo Strauss, philosophe du XXème, la distinction dans une société humaine
entre l’être et le devoir-être est une distinction artificielle car en politique, la fin est toujours condi-
tionnée par les moyens qui sont employés pour l’atteindre. Il y a un étroite connexion entre les
moyens et les fins qu’on s’efforce d’atteindre par ceux-ci. Selon Weber, les fins reviendraient au
politique qui choisirait les valeurs de la société sur base des proposions des savants élaborant les
techniques pour atteindre ces fins. Or dit-il, il est extrêmement artificiel de distinguer les moyens
et les fins car elles sont étroitement imbriquée. Le rôle des sciences sociales n’est pas simplement
cantonné à la détermination des moyens. Le spécialiste des sciences sociales aurait son mot à dire
sur les fins, pour savoir si elles sont légitimes ou non. Ils ne devraient pas s’attarder seulement à la
seule étude des faits.

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Ce débat se retrouve dans la théorie du droit. Les juspostivistes sont des héritiers de Max Weber
et les jusnaturalistes sont des compagnons intellectuels de Léo Strauss. L’opposition s’inscrit dans
un spectre plus large qui intéresse toutes les sciences sociales.
Ex : Débat sur la question de savoir si les lois nazies étaient belles et bien du droit. Kelsen considère que les
lois nazies sont tout autant du droit que celles de la République française ou d’un ordre juridique démocra -
tique car dès qu’il y a un ordre de contraintes, il y a du droit. C’est ce qu’il développera dans son ouvrage
« Théorie pure du droit ». A l’inverse, un autre pan de la théorie juridique a décidé que lorsqu’un ordre de
contraintes ne respectait a minima les droits humains, ce n’était pas du droit.

Deux précisions sont à faire sur cette opposition :


1. Le rapport du juspositiviste aux valeurs. Le positiviste se place sur le terrain de la seule
théorie du droit et n’ignore pas que chaque ordre juridique positif poursuit des valeurs. Ce
qu’il dit, c’est qu’il n’y a aucune valeur qui soit commune à tous les ordres juridiques et
qui pourrait être une caractéristique du phénomène juridique. Tandis que le jusnaturaliste
dit qu’il existe un système de valeurs qui serait indissociable du phénomène juridique et un
préalable à la reconnaissance d’un ordre juridique. Le juspositiviste n’est pas pour autant
indifférent aux valeurs.
2. On pourrait penser qu’il y a les cyniques juspositivistes et les sympathiques jusnaturalistes.
En vérité, il faut relativiser ce tableau caricaturale. Le juspositiviste s’exprime du point de
vue de la science. Comme le scientifique doit s’abstenir de tout jugement de valeur, il se
contente de dire ce qui est mais il est également un citoyen qui a des opinions sur ce qu’est
un bon droit. En tant que citoyen, il peut condamner les lois nazies et les combattre. C’est ce
qui est arrivé à Kelsen qui s’est exilé en 1933 dont la pensée intérieur était de savoir com-
ment instauré une démocratie. Le juspositiviste différencie la position scientifique qui re-
lève de l’être et la position politique qui relève du devoir-être. A l’inverse, les certains jus-
naturalistes n’hésitent pas à défendre le régime en place même s’il est odieux ou tyran-
nique.
Ex : Il y avait parmi ce courant, Del Vecchio, philosophe du droit jusnaturaliste qui ne cessait d’éta-
blir une connexion entre le droit et la justice, notion large, et qui fut un serviteur zélé du régime fas-
ciste de Mussolini. Alors même que sa théorie était respectable, il était serviteur d’un régime autori-
taire.
Ex : En 1933, la république de Weimar, lieu où la constitution de 1919 a été adopté, a vu sa démo-
cratie mise de côté par Hitler. Les plus grands résistants étaient les juspositivistes alors qu’un certain
nombre de théoriciens nazis dont Ernst Krieck, défendaient une théorie de type jusnaturaliste selon
laquelle l’arrivé du parti NS va permettre de retrouver confiance dans le droit germanique lequel a
un fondement naturel dont la valeur est la supériorité raciale des aryens sur les autres races. Krieck
donne une définition jusnaturaliste au droit car il fait entré dans la définition du droit la référence à
une valeur, la supériorité raciale. Toutes normes qui ne chercheraient pas ce but n’étaient pas des
règles juridiques. Pour les nazis, la constitution de Weimar ne satisfaisait pas à la valeur de réfé-
rence et n’était pas du droit, elle n’avait pas de valeur juridique.
Il y a donc des jusnaturalistes odieux car il y a des valeurs honorables mais aussi des va-
leurs scandaleuses qui ont été le fondement de définitions jusnaturalistes. Cette simple dis-
tinction entre méchant/gentil doit être abandonné car l’histoire nous a montré que ce
n’était pas cela.

A l’intérieur de chaque camp, il y a donc des nuances et des différences (divergences), c’est pour-
quoi la réponse à la question de la définition du droit n’est pas univoque. Elle dépend de la théorie
du droit adopté, il y a plusieurs théories du droit.

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Il s’agit d’énoncer des langages qui visent à dire quelque chose tantôt sur un fait, tantôt sur une
valeur. L’être et le devoir être relèvent de la sphère extralinguistique, hors langage alors que ju-
gement de réalité/ de valeur et énoncés constatifs/performatifs relèvent de la sphère linguis-
tique.

3.3 Opposition entre le jugement de réalité et le jugement de valeur – Vérité « correspondance


au réel » et vérité - cohérence
Un jugement de réalité est un énoncé linguistique qui prétend dire ce qui est alors que le jugement
de valeur est un énoncé linguistique qui prétend dire ce qui doit-être. Le premier sert à décrire ce
qui est alors que le second sert à évaluer l’action voire à conseiller ou orienter l’action dans la
réalité extralinguistique.
Ex : Jugement de réalité, « il a neigé ce matin 9 février au Sart Tilman », je dis ce qui est.
Ex : Jugement de valeur, « il est bon, il est juste que tout assassin soit condamné à la peine capitale », je dis
ce qui devrait arriver dans une réalité idéale.
La distinction entre ces 2 jugements à une incidence sur la question de la vérité d’un énoncé lin-
guistique.
Dans la vérité « correspondance au réel », est considéré comme vrai un énoncé qui correspond
au réel qu’il prétend décrire. A l’inverse, est faux un énoncé linguistique qui ne correspond pas à la
réalité décrite. Cette notion de vérité permet de partager les énoncés linguistiques de ceux qui sont
faux. Du point de vue de cette notion de vérité, seuls les jugements de réalité peuvent être considé-
ré comme vrai ou faux. Tandis qu’un jugement de valeur qui prétend exprimer une préférence
n’est jamais vrai ou faux au sens de la correspondance au réel qui ne s’y applique donc pas. Cette
distinction est parfois difficile à mettre en œuvre pour 3 raisons :
1. Il arrive souvent que l’on confonde un jugement de réalité vague, indémontré ou indémon-
trable comme un jugement de valeur alors que la distinction entre les 2 est la question de
savoir si l’énoncé prétend dire ce qui est ou de ce qui devrait doit être.
Ex : « Je crois en Dieu », on pense que c’est un jugement de valeur sauf que du point de vue du lan-
gage, ce qu’on dit en réalité, c’est que Dieu existe. Il prétend dire ce qui est et non ce qui doit être.
La difficulté est qu’on est pas parvenu à démontrer son existence ni son inexistence. « Je ne crois pas
en Dieu » est aussi un jugement de réalité indémontrable.
2. On est souvent influencé par des jugements de valeur lorsque nous formulons nos jugements
de réalité. C’est ce qu’on appelle le « wishful thinking » est prendre ses désires pour des
réalités.
Ex : Lorsqu’il y a des manifestations, quelque soit la manifestation, la presse va dire qu’il y avait
20.000 manifestants selon les organisateurs et 10.000 selon la police. Or dire que la manifestation a
rassemblé 10.000 ou a rassemblé 20.000 personnes est contradictoire. Il ne peut avoir une diffé-
rence de nombre au même endroit, au même moment. Ce sont des jugements de réalités différents.
La raison des organisateurs est que la manifestation soit le succès le plus grand possible tandis que la
police n’a pas envie que la manifestation soit un succès car contestation du pouvoir en place. Il est
très probable que le nombre exacte de manifestants se situe entre les 2 chiffres mais c’est une suppu-
tation logique. On peut dire que les 2 jugements de réalité ne sont pas vrais ensemble mais ces 2
jugements peuvent être faux ensemble si le nombre de manifestants se situent ente les 2. Il y a au
moins un des jugements qui sont faux. Tout cela déduit de la pure logique.
3. Les mots de la langue courante sont parfois dotés d’une pluralité de significations, c’est la
polysémie des mots du langage courant. Un même terme peut avoir des significations diffé-
rentes. Un philosophe du langage, Hare, a propose d’affirmer que certains mots avait une
descriptive meaning, un sens descriptif et une evaluative meaning, sens prescriptif. Il y a
des mots qui peuvent tantôt désigner une réalité et avoir une signification descriptive, tan-
tôt formuler un choix de valeur et avoir une signification prescriptive. Le même mot se
trouvant dans 2 énoncés linguistiques différents peut être pris dans les 2 sens et parfois

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même dans un seul énoncé descriptif, la question peut ses poser de savoir s’il est utilisé dans
son sens descriptif ou prescriptif.
Ex : Le mot « indépendance » par rapport à certains États. En octobre 2017, la région de Catalogne a
organisé un referendum sur l’indépendance par rapport à l’Espagne et étant favorable à l’indépen-
dance, le parlement catalan a affirmé, le 27 octobre, que « La Catalogne est un Etat indépendant ».
Le mot « indépendance » peut servir à caractériser un fait comme lorsqu’on dit que « La Belgique
est un Etat indépendant depuis 1830 ». Mais il peut être formulé comme une revendication. Dès lors,
ce n’est plus un jugement de réalité mais de valeur. Le mot indépendance doit s’analyser comme un
choix politique. Par conséquent, quand le parlement dit que la Catalogne est indépendant, il est dif-
ficile à classer car si le mot « indépendant » est pris dans son sens descriptif, c’est un jugement de
réalité mais s’il est pris dans son sens prescriptif, c’est un jugement de valeur. Si on opte pour la
première solution, on peut se demander si l’énoncé est faux car pour être dépendant, l’État doit dé-
clarer son indépendance et être reconnu par la communauté internationale dont l’Espagne. Voir mail
avec le prof.

Il y a également la vérité-cohérence qui vise à faire en sorte que lorsque 2 énoncés linguistiques
sont en rapport, ils ne sont vrais ou l’un est vrai que si l’un est cohérent avec l’autre. Or cette no-
tion de cohérence entre 2 énoncés peut valoir autant pour les jugements de valeur que de réalité.
Dans le cadre des jugements de valeur, sera considéré comme vrai l’énoncé qui à propos d’une
question particulière est cohérent avec l’affirmation dans un autre énoncé linguistique d’une valeur
plus générale.
Ex : Si on pose que la vie humaine est sacrée, on a jugement de valeur général alors s’agissant de la question
de la peine capitale, le jugement de valeur dérivé porté sur celui-ci ne sera vrai que s’il est cohérent avec
le jugement de valeur général. Si on pose que la vie humaine est sacrée alors la peine capitale ne peut être
acceptée, l’énoncé est vrai en tant qu’il est cohérent. Il est faux d’être favorable à la peine capitale.
Le cohérence entre un jugement de valeur général et un jugement de valeur dérivé forme des sys-
tèmes moraux, des systèmes de jugements de valeurs dont on pourra apprécié la cohérence. C’est
une partie de la morale qu’on appelle la casuistique.
Pour les jugements de réalité, la vérité « cohérence » existe également. L’incohérence, le fait que
2 jugements de réalité sur un même fait soient incohérents, prouve la non correspondance d’au
moins un des 2 jugements de réalité.
Ex : Si on enquête sur un meurtre qui a eu lieu à Bruxelles et que le suspect peut prouvé que le même jour à
telle heure il était à Berlin, c’est incohérent. Il y a non correspondance.
Dans la technique des alibis, s’il y a une incohérence concernant un jugement de réalité, c’est qu’il
y a non correspondance. L’incohérence prouve la non correspondance mais l’inverse n’est pas
vrai.
Ex : Le paranoïaque est très cohérent car comme il voit partout des tentatives de lui nuire, son récit à l’air co-
hérent sauf que cette cohérence est fondée sur une prémisse qui ne correspond pas à la réalité. Son système
de jugement de la réalité est cohérent mais ce n’est pas pour cela que ça correspond à la réalité.

3.4 Opposition entre les énoncés constatifs et les énoncés performatifs


Cette opposition on la doit à Austin, auteur de « How to do things with word » ou « Quand dire,
c’est faire ». Quant nous parlons, il nous arrive de vouloir décrire le réel, on se borne à constater la
réalité, ce sont des énoncés constatifs mais parfois certains utilisent des mots pour changer la réali-
té, la modifier, pour réaliser quelque chose dans la réalité, ce sont les énoncés performatifs. Ils
transforment la réalité.
Ex : Quand un juge se trouve dans un tribunal et qu’il dit à l’accusé « je vous déclare coupable de vol et
vous condamne à une peine de 3 ans d’emprisonnement », la situation du destinataire de ces mots change car
il passe du statut de présumé innocent à coupable et d’un homme libre à un prisonnier.

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Ex : Deux êtres décident de se marier devant l’échevin de l’État civil. Ils sont condamnés à rester ensemble
quand l’échevin dit « je vous déclare unis par les liens du mariage », il ne constate pas la réalité mais agit
sur celle-ci.
Ex : Dans la liturgie catholique, lors de la messe, il y a la transsubstantiation, le moment où le prêtre dit,
une hostie et un calice à la main, « ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Ainsi , il transforme la réalité car
au moment où il dit ces mots, le Christ est présent auprès fidèles.
La distinction d’Austin est intéressante pour les juristes dès lors que le domaine du langage saturé
de performatifs est le domaine juridique.
Ex : Une administration administre à un propriétaire un permis de bâtir, modifie sa situation juridique car il
peut légalement construire un bien supplémentaire sur sa propriété.
Ça vaut aussi pour les énoncés juridiques généraux et abstraits comme les lois ou arrêtés car
quand ils sont adoptés et qu’ils entrent en vigueur, ils transforment la situation des sujets soumis
à de nouvelles obligations. Le droit est composé d’un ensemble de performatifs.

Seuls les énoncés constatifs, qui décrivent la réalité peuvent être déclarés vrai ou faux selon qu’ils
correspondent ou non à la réalité. Par principe, un énoncé performatif n’est ni vrai, ni faux car ne
s’analyse pas en terme de correspondance au réel. On va le distinguer selon qu’il parvient à
changer la réalité comme l’auteur de cet énoncé se proposait de le faire ou qu’il échoue à transfor-
mer la réalité comme son auteur aurait voulu ou ses destinaires auraient crus qu’il aurait du. On a
donc des performatifs heureux ou malheureux.
Ex : « Je vous condamne à 3 ans de prison », « je vous déclare mari et femme » ou « Ceci est mon corps, ceci
est mon sang » sont des performatifs qui peuvent ne pas changer la réalité si le juge répète ce qu’il va dire à
l’audience devant son miroir n’ayant ainsi aucun effet car ne respecte pas les modalités par exemple ; si le 1er
avril, le concierge se déguise en officier de l’État civil et marie 2 personnes, cela n’aura pas d’effet car in -
compétent pour donner l’effet attendu ; si le prêtre prononce les mots en dehors d’un office mais dans le
cadre de jeux sexuels avec sa gouvernante, cela n’aura pas le même effet que dans l’office religieux.
C’est ce qu’Austin appelle les conventions qu’un énoncé performatif doit respecter pour changer
adéquatement la réalité. Les performatifs ne sont heureux que lorsqu’ils ont été prononcés dans le
respect de conventions préalables qui tiennent à la compétence de la personne qui énonce, au res-
pect de rituel, au respect de certaines conditions d’espace et de temps.

3.5 Lien entre opposition jugement de réalité/valeur et opposition énoncé constatif/performatif


Il faut prendre garde à un rapprochement entre l’opposition jugement de réalité/valeur et l’opposi-
tion entre énoncé constatif/performatif. Autant un énoncé constatif est synonyme de jugement
de réalité, autant un énoncé performatif n’est pas synonyme de jugement de valeur. Le constatif
se borne à décrire le réel et correspond tout à fait à ce que correspond un jugement de réalité. En re-
vanche, le performatif n’a pas de synonymie avec le jugement de valeur car le performatif ne se
contente pas d’énoncer ce qui doit être mais à pour ambition de faire être, de peser sur la réalité.
C’est un énoncé linguistique qui agit tandis que le jugement de valeur se contente du devoir être
sans avoir d’effet sur la réalité. Toutefois, tout énoncé performatif, énoncé linguistique qui vise à
changer la réalité s’appuie sur un jugement de valeur préalable. C’est une valeur qui va pousser
l’auteur de l’énoncé performatif d’agir.
Ex : Si le juge peut dire « Je vous condamne à une peine de 3 ans d’emprisonnement pour vol ». Si le Code
pénal qu’il applique interdit le vol, c’est qu’il y a, sous-jacent à cet article, un jugement de valeur et voler est
une mauvaise une action menant le législateur à interdire le vol. L’énoncé performatif est rendu possible
grâce à un jugement de valeur produisant la législation qui puni le vol.

Il faut garder à l’esprit la triple distinction : Être/devoir-être, jugement de réalité/jugement de


valeur et énoncé constatif/énoncé performatif.

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B. Intérêt du cours
Première catégorie de raisons qui concerne la pratique du juriste et la capacité à comprendre ce
qu’il est en train de faire. Les théories du droit permettent d’aborder 3 questions qui forment le quo-
tidien du juriste professionnel :
1. Identification de la règle de droit applicable et du caractère juridique d’une règle don-
née. Pour cela il faut se demander qu’est ce qu’une règle de droit. Souvent, ce seront des
textes juridiques qui s’appliqueront. Parfois, dans certains litiges, on va nous demander la
qualité de règle juridique d’une coutume, d’un usage, d’un code de déontologie profession-
nel, d’un préambule de constitution, d’une loi qui n’aurait jamais été appliquée depuis des
dizaines d’années
2. Interprétation et l’application de la règle de droit qui est un processus où l’interprète n’est
pas une sorte d’automate qui appliquerai la règle de droit général à un cas particulier car s’il
y a des controverses sur l’application, l’application de la règle ne sera pas la même selon
l’organe qui l’applique.
3. Il faut avoir une vision lucide du métier que l’on va pratiquer, ne pas croire que le droit est
une sorte de technique neutre dont on sera les experts tout aussi neutre. Le droit positif est
toujours en lien avec les valeurs, politiques, économiques, morales ou idéologique de la so-
ciété dans laquelle ce droit a été implanté. Les règles de droit sont toujours en lien avec leur
environnement et notamment avec les valeurs qui les entourent dans tel ou tel système juri-
dique.
Ex : Valeurs attachées à du droit d’une société libérale ne sont pas les mêmes que celle du droit
d’une société socialiste.
Chaque droit est pétrit de valeurs, de principes et d’idées qu’il faut mettre au jour pour
comprendre le droit lui même.
Ex : Si on veut comprendre la place que le droit de propriété occupe dans le Code de 1804. Cela ne
découle pas de la nature des choses, ce sont des choix politiques posés en faveur d’une société éco-
nomiquement libérale. On ne comprend la philosophie du Code civil de 1804 que si on se rappelle
qu’il a été rédigé par des auteurs influencés par la philosophie des Lumières, des auteurs favorables
aux libéralisme politique qu’au libéralisme économique. On ne saisi la portée du Code que si on est
conscient de ce fondement idéologique.
On va contribuer à perpétuer, favoriser certains choix politiques ou idéologiques opérer par
le système juridique en place ou à les contester.
Ex : Fin des années 50, la guerre d’Algérie frappait l’Algérie mais aussi la métropole avec des atten-
tats, appels à l’indépendance,… Certains indépendantistes Algériens ou des citoyens métropolitains
qui les soutiennent ont été traduits en justice car la loi française punissait certaines aides à l’indépen -
dance de colonies. Le droit français en vigueur était charrié par l’idée que la France devait restée
possesseur de ces colonies. Des règles juridiques punissaient tout qui réclamait l’indépendance.
Lorsque ces militantes ont été traduits devant les tribunaux, certains des avocats chargés de les dé-
fendre ont mis en lumière les présupposés de la loi française et de la mettre en accusation en disant
que c’était une loi qui violait le droit des peuples à l’autodétermination. C’est un procès de rupture
où l’avocat se fait accusateur de la règle juridique en question car poursuit des valeurs que l’avocat
entend contester. L’idée est de transformer le procès pénal en une tribune politique lorsque l’on es-
time que la règle juridique par laquelle on veut condamner son client est injuste et odieuse. Le choix
de la défense du client est un choix de valeur également.
Interroger le lien que le droit entretien avec son environnement dont la politique nous rend
plus lucide sur notre pratique professionnelle et la place du juriste dans la société

La seconde catégorie de raisons sont liées à l’acquisition de certaines compétences nécessaires à


un juriste :
1. Le souci d’user des mots avec précision.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Ex : Ne pas employer le mot annulation pour le mot résolution ou ne pas employer résolution pour le
mot résiliation dans un contentieux contractuel
2. Être attentif à la rigueur des raisonnements
3. Acquérir une distance critique par rapport au discours. Être capable de comparer les diffé-
rentes théories, discours et énoncé.

La troisième catégorie de raisons est que l’université n’est pas uniquement une école professionna-
lisante mais de faire de chacun qui y étudie un intellectuel qui acquiert des outils de pensée qui lui
permette d’être capable par lui même de réfléchir et critiquer le monde qui l’entoure.

C. Plan du cours (voir PDF)

Partie I – Présentation d’une théorie du droit comme fil conducteur : la « microscopie


du droit » de Lucien François

Lorsqu’il s’agit de répondre à la question « Qu’est ce que le droit », Lucien François identifie un
certains nombres de difficultés qui explique la récurrence du débat sur l’être du phénomène juri-
dique ainsi que les difficultés dans lesquelles les auteurs se débattent à ce propos. Il y a 2 grands
problèmes qui obscurcissent ce débat :
1. Le mot « droit » qui est ambigu car il a reçu un grand nombre de significations. Ce mot est
censé illustré un concept et Lucien François estime que le mot droit recouvre plusieurs
concepts distincts.
Ex : Parfois le mot droit renvoie à l’idée de règles obligatoires pour les sujets ce que les juristes ap -
pellent le droit objectif. Il renvoie parfois à des prérogatives dont les sujets se disent investis comme
« avoir un droit de propriété dur un bien » ou « avoir un droit de grève » donc des prérogatives in-
dividuelles, le droit subjectif. Une autre signification serait que me droit renvoie à un ensemble de
connaissances dont un certain spécialiste doit être pourvu comme « faculté de droit » ou « étude de
droit », une discipline, des connaissances qui s’acquiert durant un cursus déterminé.
Lucien François pour séparé ces significations va renvoyer à Droit-I pour le droit objectif,
à Droit-II pour le droit subjectif et Droit-III pour la discipline juridique.
Ce qui l’intéresse c’est la question du concept de Droit-I, le droit objectif. Ce droit-I n’a
pas la même signification pour tout le monde. Le droit objectif peut être :
◦ l’ensemble des règles émises par l’État (Droit-I-1°)
◦ l’ensemble des règles qui vise à assurer la justice (Droit-I-2°)
◦ un ensemble de règles qui assure la domination d’une classe sociale sur une autre
(Droit-I-3°),…
Il y a, d’une part, une homonymie, derrière le même mot (Droit), il y a différents concepts
que les individus peuvent distinguer les uns des autres. Sous couvert d’un mêmes mot,
plusieurs concepts distincts se trouvent réunis.
Ex : « Le droit belge impose de respecter l’égalité des personnes » et « j’ai droit à la réparation de
mon préjudice » renvoient à des réalité différentes
D’autre part, lorsqu’on reste dans un même concept (Droit-I), il n’y a pas d’homonymie
mais on se rend compte qu’il existe une pluralité de sens au concept. Droit-I est un concept
polysémique, sous couvert d’un même mot (Droit-I), il y a une pluralité de sens différents.
Selon qu’on choisisse tel ou tel sens du concept, on risque d’arriver à des réalités diffé-
rentes. Avec un même concept, on désigne des objets différents.
Il faut distinguer le concept lui +-même et la polysémie du même concept.
Ex : Concept de droit objectif diffère d’un auteur à l’autre rendant le débat impossible. On ne s’en -
tend pas sur le sens du concept que l’on veut employer.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Lucien François dit qu’il faut éviter la polysémie qui nuit à la clarté du débat. Il faudrait
dire ce qu’on entend par Droit-I quand on en parle. Rien ne permet de dire que la définition
1°, 2° ou 3° est la seule vraie. On peut dire, au début d’une réflexion, qu’on défini le droit
d’une telle manière et de rester cohérent jusqu’au bout. On peut choisir de le définir d’une
façon qui permette de mettre en lumière des phénomènes sociaux que l’on a pas l’habitude
de rencontrer ensemble. Le problème est que même si dans un raisonnement on dit qu’on
entend l’ambiguïté du droit objectif et qu’on le définit, le souci est que le mot droit et le
concept de droit on tellement d’autres significations que ces significations extérieures
viennent systématiquement polluer l’emploi du mot droit. En général, celui qui lit cette
contribution, contenant une des définition, oublie la définition conventionnelle qui est don-
né par l’auteur. Le mot droit est définitivement frappé d’ambiguïté. Il faut donc renoncer à
l’emploi du mot droit pour mener une réflexion sérieuse en formant des néologismes qui
vont être moins pollués par des définitions extérieures ou des souvenirs extérieurs que le
mot droit.
2. Souvent, on aborde cette question qu’à partir des organisation les plus complexes comme
l’État. Alors que les sciences de la matière, elle, nous enseigne une démarche scientifique à
partir du simple, la particule élémentaire, vers le complexe. Or en théorie du droit, on a ten-
dance à réfléchir tout de suite à partir d’une organisation complexe. François propose de
commencer par l’examen de situations simples pour aller vers des situations plus com-
plexes. Cette démarche est plus fructueuse que la démarche classique des théoricien du
droit.
L’abandon du mot droit et la démarche microscopique sont les 2 postulats de départ auxquels
Lucien François arrive à la fin de la première partie de son ouvrage.

Titre 1er – La situation de base : brève rencontre à 2 (chap.8 et 9)

Situation, anecdote, à travers laquelle la problématique va pouvoir être introduite. Elle s’incarne
dans l’anecdote de la mauvaise rencontre ou la situation du bad man, la rencontre entre le bri-
gand et sa victime.
Ex : On se promène le soir dans une rue à Droixhe d’où surgit un type cagoulé tenant un objet qui semble
être une arme et qui dit sur un ton menaçant « Jette ton portefeuille et tire toi ».
C’est un des classique de la théorie du droit et des théories juspositivistes du droit car à partir du
moment où l’on se refuse à faire rentrer une valeur dans la définition du droit, qu’est ce qui dis-
tingue l’injonction du brigand et l’injonction de l’État à payer ses impôts ? Cette simple situation
est une situation de fait qui est décomposable en plusieurs élément.

1. Le pouvoir du « brigand » - Caractéristiques


1.1 Importance du destinataire
Cette brève rencontre comporte un certain type de pouvoir. Le brigand doit disposer d’un pouvoir
qui constitue dans la capacité de persuader le destinataire de l’injonction qu’on sera en mesure de
lui infliger un sanction dans l’hypothèse où il n’obéirait pas. Le pouvoir dont il est question dans la
situation de base consiste à convaincre un sujet qu’on dispose de la capacité de lui infliger une pu-
nition dans l’hypothèse où il n’obéirait pas. Même si en réalité, il n’est pas en mesure de mettre en
application cette menace de sanction. Il suffit qu’il paraisse dangereux pour que la situation ait lieu.
C’est plus un pouvoir de conviction qu’un pouvoir nécessairement réel. Il suffit que le destina-
taire de l’injonction soit persuadé que s’il n’obéit pas soit, il se verra infligé la sanction dont on le
menace. Dans cette situation, la croyance du destinataire est importante

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Ex : Le type cagoulé tient un pistolet factice entre les mains ou un couteau en plastique. En réalité, le brigand
est moins dangereux qu’il ne le paraît.
Le pouvoir de celui qui émet l’injonction est tributaire du psychisme du destinataire. Les phéno-
mènes sont aussi observés chez ceux qui reçoivent l’injonction.

1.2 Conscience, sensibilité et exposition du destinataire


Le destinataire de l’injonction pour que la situation marche doit être conscient, sensible et exposé.

Conscient dans le sens où le destinataire doit comprendre le risque de sanction qui pèse sur lui en
cas de résistance à l’injonction. Ainsi un attardé mental qui n’aurait pas compris ce qui lui était de-
mandé de lui ne correspond pas à la situation de la mauvaise rencontre car il n’en est pas conscient.
Le destinataire doit aussi être sensible.
Ex : Peu avant le couvre-feu, on décide d’aller se suicider et c’est à ce moment que l’on croise un brigand
menaçant de le tuer s’il ne lui jette pas son portefeuille. Le suicidaire va lui dire de le tuer. Il n’est pas sen-
sible à la menace.
Il doit être exposé ce qui veut dire que le destinataire de l’injonction doit être sous la coupe du
pouvoir qui s’exerce sur lui ou qu’il ne puisse échapper au pouvoir qui s’exerce sur lui. Le desti-
nataire n’a pas uniquement le choix entre obéir ou désobéir en risquant la sanction, il y a une troi-
sième possibilité qui est de fuir le pouvoir qui s’exprime à travers l’injonction adressée.
Ex : Dissident politique dans les régimes totalitaires qui plutôt que de continuer de souffrir des injonctions
préfère s’exiler et s’installer dans un autre pays sous la coupe d’un autre pouvoir plus acceptable pour lui.
Cette rupture d’exposition peut aller encore plus loin
Ex : Pendant la période de guerre, lorsque des ennemis de guerres sont capturés, il étaient exposés à des tor -
ture. Vivant, le résistant arrêté reste exposé à l’injonction. La fuite peut se faire pas la mort, de chercher dans
la mort, une rupture de l’exposition au pouvoir terrible qui risque de s’abattre sur lui
Si le destinataire n’est plus exposé, on est plus dans la situation développée par Lucien François.

1.3 Un dispositif de pression destiné à combattre la résistance à un vœu


Le troisième élément est qu’il doit existé un dispositif de pression destiné à combattre la résistance
à un vœu. La menace de violence que l’on adresse au destinataire poursuit un objectif qui est celui
de faire obéir. Ça ne peut pas être de la violence gratuite.
Ex : Cas de La prison irakien d’Abu Ghraïb qui a recueilli des prisonniers qui ont soutenus les Irakiens. Cer -
taines images de cette prison avait été montrée à la presse où l’on voyait des soldats américains s’amuser à
frapper des prisonniers pour le plaisir d’assouvir une cruauté gratuite. Ce n’est pas la situation visée par
Lucien François.
Le pouvoir s’exerce pour obtenir l’obéissance du sujet. La peur que l’on essaye d’instiguer dans
l’esprit du sujet à un objectif déterminé qui est l’obéissance des sujets. Il faut différencier la situa-
tion de base à la situation où des gens sont humilier gratuitement

1.4 Un vœu impératif et catégorique


Le quatrième élément est que le vœu doit être perçu comme impératif et donc comme catégo-
rique, c’est-à-dire, que ce que l’émetteur de l’injonction attend du destinataire est le comportement
donné sans avoir besoin de son consentement, indépendamment de ses désirs, c’est en cela qu’il
est catégorique. Mais il est vrai que dans certains cas, on sait qu’il existe des injonctions auxquels
on est prêt à obéir sans difficulté car on est d’accord avec son contenu.
Ex : Dans le code pénal belge, il existe une interdiction de l’homicide avec laquelle une majorité de Belges
sont d’accord. On y adhère tellement qu’on ne sent pas la pression qui s’exerce car elle paraît naturelle.
Le pouvoir aime mieux que les sujets leur obéissent de leur plein gré. Mais l’interdiction d’homi-
cide de notre exemple vaut pour l’infime minorité qui a à l’esprit qu’ils pourraient tué quelqu’un.
Pour ces quelques individus, l’obéissance que le Code pénal exige d’eux est une obéissance forcée

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puisqu’ils ont l’intention de tuer mais il y a au-dessus d’eux un article du Code qui prévoit une
sanction s’ils le font. En principe, on se moque du consentement du sujet si on émet une injonc-
tion du type de celles développées par Lucien François. Cependant, l’obéissance du sujet peut être
plus ou moins facile à obtenir selon que le sujet y adhère totalement ou mal. C’est pourquoi la partie
de cette partie est intitulée « De gré ou de force ».

1.5 L’évidence ou la notification du vœu et de la menace


Le cinquième et dernier élément constitutif est l’exigence que le vœu impératif et catégorique et la
menace qui l’accompagne soient évidents ou notifiés à celui ou à ceux à qui ce vœu ou cette me-
nace soit adressé. Le destinataire doit avoir connaissance du vœu ou de la menace parce qu’ils
sont évidents ou ont été notifiés. Il ne s’agit pas forcément d’une communication explicite, écrite
ou verbal. Il existe dans le monde sociale, une palette de procédés de notifications qui peuvent aller
de la communication tacite jusqu’à la réglementation la plus détaillée.
Ex : Quand on veut aller à un guichet et qu’il y a plusieurs personnes, on doit se placer derrière la dernière
personne, respecter la file d’attente. Ce n’est pas nécessaire qu’on nous le dise car on sait que quand il y a
une file, on attend son tour. On ne doit pas nous dire de le faire, le vœu, sous peine de se faire insulter, me -
nace. Ils n’ont pas besoin d’être dit. La notification n’a pas besoin d’avoir lieu.
Ex : Lois-programmes adoptées dans l’urgence en fin d’année qui multiplient les règles qu’on a pas eu le
temps d’adopter avant qui détaillent et énumèrent avec minuties ce que le législateur veut et les sanctions.
C’est une notification verbale, écrite et publiée.
Entre ces 2 extrêmes, il existe des notifications à divers degrés.
Ex : Lorsqu’une ville est engorgée, il arrive qu’on installe un policier au carrefour qui va gérer la circula-
tion. Au fond, pas un mot n’est prononcé dans cette situation mais l’uniforme nous permet de reconnaître
quelqu’un en mesure d’émettre des injonctions données par des gestes significatifs. On sait que si on obtem-
père pas, on risque une amende. Il y a de la notification mais elle n’est pas verbale. Elle n’est pas complète-
ment tacite, ni complètement explicite.
Ces différents procédés peuvent être appliqué distinctement au vœu et à la menace. On peut noti-
fier la menace d’une façon et le vœu d’une autre façon.
Ex : Vœu explicite et une menace tacite. On travaille dans une entreprise et le patron est un tyran pitoyable
lorsqu’on ne fait pas correctement ce qu’il demande de faire. Un moment, il nous demande de faire quelque
chose. Il exprime un vœu mais ne dit rien d’autre. Il n’exprime pas de menace. Si on connaît son caractère,
on sait que si on n’obéit pas à son vœu, on risque de s’exposer à une punition carabinée. Le sujet a compris
que si ce supérieur veut que l’on fasse telle chose, il faut le faire sous peine de s’exposer à une sanction. La
menace est tacite.
Ex : Vœu implicite et menace explicite. Dans le Code pénal, les articles qui incriminent certains délits se
contentent d’expliquer les sanctions auxquelles ont est exposées. Un article dit « Le vol est puni d’une peine
d’un an à 5 ans d’emprisonnement ». Tout ce qui est explicite est la menace de sanction. Il n’y a rien qui pré-
cise qu’il est interdit de voler, le vœu catégorique n’a pas besoin d’être explicité car déductible de la seule
mention de la menace.
On nous a inculqué des informations très jeune tel que le fait qu’on ne peut dépasser dans une file
d’attente. La communication a eu lieu dans des messages antérieurs, des messages préparatoires
(→expectatives) qui préparent leur destinataire à des situations futures où ils savent ce qu’ils de-
vront faire pour éviter une sanction.

2. Le jurème
Une fois ces éléments réunis, on a affaire à un certain type de situation. Apparence, produite par un
humain, du voeur d’obtenir un conduite humaine, apparence de vœu munie d’un dispositif tel que la

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résistance d’un des destinataires déclenche une pression en sens contraire par menace de sanction .
C’est ce qu’on remarque dès la mauvaise rencontre. On exprime cette situation par un néologisme
pour ne pas parler de droit. Ce phénomène de pouvoir comme il est extrêmement réduit se voit don-
né le nom qui correspond à une particule élémentaire. Et en linguistique, pour cela, on utilise le
suffixe « -ème » comme dans « graphème », l’unité élémentaire de l’écrit ou dans « phonème »,
l’unité élémentaire de la parole. Le suffixe « -ème » renvoi à une idée élémentaire, soit de l’écrit,
soit de la parole. Lucien François utilise le même suffixe en choisissant comme préfixe une racine
latine « ius » et « iuris » qui veut dire « le droit » afin de construire le néologisme jurème. C’est le
mot que François construit pour désigné la situation de base, la définition ci-dessus. Il emploie ce
mot en évitant d’utiliser des termes trop précis qui reçoivent nombre de définitions.

3. Remarques quant au jurème


3.1 Le nimbe, partie du jurème
Le jurème ou la situation juremique est souvent désagréable pour le destinataire de l’injonction.
On lui demande de se conduire d’une certaine façon même s’il n’en a pas envie. Il y a toujours un
risque qu’il résiste en désobéissant en ne respectant pas l’injonction qui a été faite en s’exposant à
la sanction ou tenter de rompre l’exposition au jurème et à celui qui l’émet.
Ex : Certaines vedettes qui n’en peuvent plus de subir la pression fiscale de leur pays d’origine et qui vont
s’établir en Suisse pour ne plus subir cette pression fiscale.
Le risque est que le sujet ait du mal à adhérer. L’émetteur d’une injonction doit mettre toutes les
chances de son côté pour obtenir une obéissance de plein gré. Tout pouvoir va utiliser un certain
nombre de techniques pour affaiblir les résistances du sujet. Il y a des techniques rhétoriques ou
les techniques de représentations qui visent à donner au commandement du pouvoir ou au pouvoir
lui-même une certaine image qui va favoriser l’obéissance du sujet.
Ex : Un pouvoir peut se présenter au peuple comme plus terrifiant qu’il ne l’est en réalité. A l’inverse, il
peut se montrer moins terrifiant qu’il n’est comme le gouvernement actuel.
Mais aussi technique rhétorique, de langage pour présenter le pouvoir comme plus respectable.
Ex : « Jette ton portefeuille et casse toi », on y voit que l’impératif et la menace, c’est une menace dans sa
nudité. Mais si le brigand ajoute « Je n’ai plus d’argent et j’ai faim », c’est un début de justification de
l’injonction, de raison de l’injonction qui ne va pas totalement convaincre le sujet mais elle paraît moins ar -
bitraire et scandaleuse lorsqu’on y ajoute cet état de nécessité.
On est dans une présentation de l’injonction qui se veut plus acceptable pour le sujet. Plus on va
vers l’État, plus on se retrouve de cette sorte d’injonction afin de faire admettre l’admettre plus fa-
cilement. Il est question de la légitimité du pouvoir. La légitimité qui comme le mot « droit » est
ambigu. Lorsqu’on dit d’une autorité qu’elle est légitime, on s’exprime comme si le qualificatif lé-
gitime s’appliquait directement à l’ordre ou l’autorité concernée, qualité qui lui est intrinsèque. Or il
n’y a pas de légitimité en soi. La légitimité est un phénomène de croyance qu’il faut voir du côté
du sujet qui va dans son psychisme considéré comme légitime telle autorité ou tel ordre donné.
Cette légitimité, la croyance que les sujets ont, se construit par ceux qui émettent l’injonction par
cette façon de se représentant par un certain langage. Ce vocabulaire, cette représentation va rehaus-
ser l’image de l’autorité qui s’exprime aux yeux du sujet. Lucien François désigne cela par le
nimbe emprunté à l’histoire de l’art. Le nimbe provient de l’art byzantin où il y avait des représen-
tations iconographique de saints ou d’autorité politique représentés avec une auréole dorée autour
de la tête indiquant le caractère sacré des personnages ainsi représenté. L’art byzantin le fait avec
des saints mais aussi avec des détenteurs du pouvoir politique. A Raven, il y a un immense portrait
de Justinien avec une auréole signe de son caractère sacré. C’est ce que fait tout pouvoir pour obte-
nir l’obéissance de ses sujets en se nimbant. Le nimbe en tant qu’il est une technique de communi-
cation n’est pas indépendant du jurème lui-même. Il fait partie du jurème quand on y recours.
Cette technique fait partie du procédé de notification qui est un des éléments constitutifs. Parfois,

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le pouvoir présent dans un jurème et un pouvoir qui applique les techniques de nimbe qu’on ne peut
séparer. On peut ne pas l’utiliser lorsqu’on fait une injonction comme dans la situation de la mau-
vaise rencontre. Toutefois, dans la complexification du système, on examinera d’abord les innova-
tions liés au vœu et à la menace, le jurème senso stricto et aussi les innovations qui touche le
nimbe.

3.2 Le jurème dans l’activité politique


Le jurème est une technique de l’activité politique dont le but est d’obtenir des conduites détermi-
nées des sujets. Or le jurème n’est pas la seul façon pour un pouvoir d’obtenir des conduites d’un
sujet. On pourrait dire qu’il y a 3 grandes techniques pour obtenir des sujets de conduites détermi-
nées

La technique de la persuasion qui recourt à divers moyens tels que de la propagande, la publicité
ou autres pour convaincre les sujets d’adopter ou des cesser d’adopter un comportement détermi-
ner.
Ex : Campagne contre le tabagisme en représentant des poumons en mauvais état sur les paquets pour
convaincre les sujets de ne pas fumer
Ex : Certains tentent de nous convaincre à nous mettre au sport.
Ici on a une technique qui tente d’obtenir des sujets d’une technique déterminée mais il n’y a pas
une volonté de vérifier si les sujets ont adopter la conduite. On est au stade du conseil.

La technique du conditionnement où l’on veut qu’on adopte un comportement et on le veut telle-


ment que ça devient automatique, il est spontané. Il faut avoir inculqué ce comportement au prix
de punitions régulières mais à un moment, cet être humain ce conforme à ce comportement. Il n’y a
pas besoin de jurème à ce stade même si ce conditionnement a été préparé à l’aide de jurème.
Ex :C’est l’hypothèse des règles d’hygiène imposées dès l’enfance.

Ces techniques ne suffisent pas pour gérer une population car la persuasion ne vaut que pour des
comportements qui sont si peu importants que le pouvoir ne va pas plus loin dans l’observation du
strict respect de ces recommandations. Le conditionnement ne vaut que pour des comportements
simples, stéréoptypés. Il y a une troisième technique qu’est la technique de la pression. Faire
pression sur les sujets pour qu’ils adoptent un comportement déterminé. Elle peut être :
• Une pression par promesse de récompense
Ex : Appel aux informations que l’on demande pour retrouver un criminel recherché avec une ré-
compense à la clé pour encourager les sujets qui ont des infos à les donner en promettant une cer -
taine somme d’argent.
• Une pression par menace de sanction, le jurème
Ces 2 types de pressions semblent radicalement différentes et faciles à distinguer. Or ce n’est pas
forcément le cas. Ce n’est pas toujours évident de savoir à quelle pression on a affaire
Ex : Une mère de famille dit à son enfant de finir son assiette auquel cas il aura un dessert. Ça a l’air d’être
une pression par promesse de récompense. Mais si on est dans une famille où il est de coutume de finir tou -
jours pas un dessert, cela veut dire que s’il ne fini pas, il n’aura pas de dessert.
Il faut tenir compte du contexte pour comprendre à quel type de pression on a en présence.
Le jurème est une portion de l’activité politique et est une des branches d’une technique utilisé
pour obtenir une conduite

3.3 Jurème, particule élémentaire du droit ?


Au fond, on peut se demander si on ne peut pas construire tout le phénomène juridique à partir de
ce jurème, s’il ne pourrait se réduire à ça. En réalité, la réponse est non pour un grand nombre de

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théoriciens du droit. Ça va être difficile à faire avaler aux jusnaturalistes dont J-J Rousseau qui
dit dans le Contrat Social qu’il n’est pas possible que ça arrive. Il conteste l’idée selon laquelle il
faut obéir. Ce qu’il veut dire (v. p.143 Manuel) c’est que si on dit qu’on est obliger d’obéir aux
puissances, ça veut dire qu’on doit céder à la force du brigand mais qu’on est obliger juridique-
ment. Rousseau conteste cette idée en disant « que force n’est pas droit et qu’on est obligé (juridi-
quement) d’obéir qu’aux puissances légitime ». Il n’est pas question de trouver dans le jurème un
impératif juridique. Parmi les juspositivistes, beaucoup refusent aussi d’admettre que l’injonction
du brigand soit tenu par une injonction . C’est le Cap des tempêtes de toute théorie positiviste du
droit de Bobbio où l’on se demande ce qui différence l’injonction d’une bande de brigand à l’in-
jonction de l’État de payer l’impôt si l’on se refuse à se référer à une valeur ou un ensemble de va -
leur dans la définition du droit. Pour les positivistes, il y a quelque chose en plus mais cette chose
n’est pas la même chez tous. Pour certain, c’est :
• Le temps, la rencontre à deux n’est pas du droit car elle une brièveté incompatible avec le
droit qui est un rapport d’une certaine durée
• 2 personnes isolées ne peuvent pas être dans un rapport juridique dès lors qu’ils ne font pas
partie d’une organisation sociale plus vaste. Pour eux, il faut le jurème mais aussi le temps
et l’organisation sociale
• Introduire l’ingrédient État, le droit est nécessairement étatique
• La communauté internationale dont les États ne seraient que des délégués, des ordres par-
tiels

Titre 2 – La complexification de la situation de base

Lors de la complexification, Lucien François utilise des anecdotes. Umberto Eco a publié un ou-
vrage intitulé « Le signe » pour faire apercevoir toutes les possibilités de présence de signe dans
notre société. Il ouvre ce livre par une anecdote assez longue dans laquelle on peut voir une multi-
tude de signes. François fait de même dans son ouvrage en incluant de nouvelles anecdotes pour
faire comprendre plus facilement au lecteur les abstractions dont il va parler dans chaque chapitre.

Chapitre Ier : Premier élément de complexification : la durée (chap.10)

1. Anecdote de Gabriel
Elle met en scène Gabriel et un commerçant. Vers la fin de journée, il entre dans le commerce de
Savinien et aperçoit un type qui dissimule de la marchandise pour ne pas les payer. Gabriel le dé-
nonce et le commerçant récupère celles-ci. Au moment de l’horaire de fermeture, Gabriel s’ap-
proche du commerçant en le saisissant par le col et en lui pointant une arme sur le nez en lui disant
« Tu vas me remettre chaque semaine une partie de tes recettes avec un minimum de 500€. Quand
j’aurais besoin de plus, je te présenterai un nombre de doigts chacun valant 100€ de plus que les
500€ de la semaine. Si j’ai besoin de te parler seul à seul, je te présenterai un mouchoir blanche
dans la main gauche et après la fermeture du magasin, tu devras me recevoir ». Le commerçant est
terrorisé et Gabriel ajoute « Ne t’avises pas de me dénoncer car je fais partie d’une bande et si tu
me dénonces, mes complices te feraient passer un sale quart d’heure ».

C’est l’anecdote du racket, d’une extorsion de fond d’une certaine durée entre un humain, Gabriel
et un autre être humain, le sujet du pouvoir, le commerçant. On introduit uniquement de la durée à
la situation de base apportant des innovations par rapport à cette situation. Le temps est le premier
ajout proposé par Hart. Ces innovations relèvent soit du jurème senso stricto, des techniques d’in-
jonctions et de menaces, soit elles relèvent du nimbe.

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2. Innovations du côté du jurème senso stricto


2.1 Fragmentation du système de notification et dispersion des éléments dans le temps
Dans l’affaire de la brève rencontre, tout est communiqué d’un coup. Mais ici, on assiste à une frag-
mentation du système de notification et à une dispersion de ses éléments dans le temps. Cela s’ex -
plique pour 4 raisons :
1. Raison de préparation. Montrer le nombre de doigts est une façon d’apprendre au sujet un
certain nombre de choses. Le destinataire d’une série d’injonctions doit être préparer à
comprendre ce qu’on attend de lui. Avant de lui demander quoique ce soit, le commerçant
doit comprendre ce que ça veut dire. La fragmentation du système de notification joue un
rôle de préparation de celui qui va être durablement soumis au pouvoir d’un autre.
2. Raison d’efficacité. Plutôt que de devoir dire chaque fois explicitement demander ce qu’il
veut, c’est plus simple de venir avec un langage codé qui sera plus rapide et plus discret
que de faire des phrases en demandant ce que l’on veut en plus. On améliore l’efficacité du
système de notification.
3. Raison de simplification de la situation. On attend souvent la même chose du commerçant
et les différentes contraintes sont relativement les mêmes. On tend à être simple en créant
dès la relation de racket un certain modèle préexistant d’exigences auxquelles le commer-
çant devra se conformer à l’avenir. C’est une façon d’amener le commerçant à agir à l’avenir
sur la base d’une modèle préexistant plus simple à assimiler lorsqu’on en a eu connaissance
préalablement. Tout ce que Gabriel enseigne est une façon de lui communiquer non pas un
jurème mais des expectatives de jurème ou des jurèmes virtuels. Les jurèmes virtuels sont
des messages qui n’obligent pas immédiatement mais qui va déclencher ultérieurement des
situations dans lesquels le destinataire du jurème virtuel sera conduit à se comporter d’une
certaine façon. On retrouve ça dans le système étatique.
Ex : Rôle que joue les lois dans le système juridique étatique. Au fond, elle ne sont pas d’emblée des
jurèmes effectifs mais les lois prévoient les situations dans lesquels on devra se comporter d’une cer-
taine façon ou se conformer à une certaine attitude. Art.1134 C.civ, principe de la liberté contrac-
tuelle et le principe de la convention-loi. Aussi longtemps qu’on a pas conclu un contrat, cet article
ne nous obliger à rien car ne s’applique qu’à ceux qui font des contrats. Il ne crée qu’une expecta-
tive de jurème, qu’une obligation hypothétique. Ce n’est qu’au moment où l’on va signer un contrat
qu’on exigera de nous que nous respections et exécutions le contrat que l’on a préalablement signé.
Le principe de convention-loi devient un jurème effectif qu’à partir du moment où l’on signe le
contrat.
4. Raison de psychologie humaine. En communicant de façon diachronique, non pas en un
seul moment, celui qui émet une exigence peut, grâce à l’étalement dans le temps, jouer sur
tous les ressorts psychologiques de sa victime. On commence par endormir la confiance
du commerçant en dénonçant un client qui a essayé de voler. Ensuite, lorsqu’on devient su-
bitement violent, on joue sur l’effet de surprise et on rajoute l’effet de terreur lorsqu’en
partant, il lui dit de ne pas le dénoncer auquel cas il y aurait des représailles. On manipule
plus facilement le destinataire de l’injonction par cet étalement dans le temps.

1.2 Création de significations par voie d’autorité


Vont se créer un certains nombre de significations par voie d’autorité. On va voir se mettre en
place un langage codé. Dans un système d’injonction, certains gestes se voient attribué une certaine
signification que ces gestes n’ont pas d’ordinaire. Gabriel attribue à certains signes une signification
particulière pour le besoin de sa communication avec le commerçant.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Ex : Un mouchoir à la main gauche = je veux te parler


S’est crée,r pour le besoin d’un système de pouvoir donné, des significations spécifiques. On re-
trouve ça dans le système étatique.
Ex : Dans les codes, des mots usuels se voient attribués une certaine définition juridique. Le mot de la
langue courante reçoit, pour les besoins de la loi, une définition juridique qui va permettre de faire rentrer
dans le champs d’application de la loi certaines choses ou certains êtres humains.
Ex : Dans l’ordre juridique belge, il y a une loi sur les mines et les carrières. Si on regarde ces mots dans un
dictionnaire, on va avoir la définition commune mais le législateur peut décider de donner aux mots « mine »
et « carrière » un sens spécifique pour les besoins de la législation. Définition juridique qui peut différer de
la définition courante en étant plus inclusive ou plus exclusive. On va se demander si un lieu où on extrait
un certain type de minerai a la nature juridique que la définition juridique contenue dans la loi attribue aux
mines et carrières.
Si on se demande si un humain est un policier, un juge ou un chef d’État, on applique aux êtres hu-
mains ce que Lucien François appelle des « qualités-reflets ». Dans la loi étatique, il s’agit d’un
langage codé mais la nature juridique peut tromper. Le mot « nature » peut laisser penser que le
législateur se contente de définir après observation de ce qui est. Or il va de soit que si le législateur
décide de retenir telle définition juridique plutôt qu’une autre, extensive ou restrictive, c’est pour
que les obligations qui y attachent soit généralisées ou qu’elles soit limitées à certains lieux seule-
ment. Le choix de la définition n’est pas objectif, c’est souvent une définition qu’il choisi d’adop-
ter en vue d’appliquer une certaine politique. Le choix de la définition par le législateur n’est pas
naturelle. Au contraire, ce langage codé à une fonction politique. Nul être humain n’est spontané-
ment policier, juge ou chef de l’État. Ce sont des qualités, de statuts juridiques qu’un droit étatique
donné accepte d’attribué à tel ou tel être humain. Cette opération de qualification ou de définition
ne relève jamais de quelque chose d’objectif. L’objectif politique est d’orienter la loi dans un sens
plutôt que dans un autre. Le langage codé sont ce qu’on appelle des définitions juridiques.
Rmq : Nature juridique pour les choses et qualités-reflets pour les êtres humains

1.3 Multiplication de la forme hypothétique dans les messages préparatoires et apparition de


la notion de fait juridique
Apparition par la notion de fait juridique. Quand Gabriel dit au commerçant « si j’arbore un mou-
choir, tu viens me voir pour converser avec moi », c’est la formule « Si X (un événement survient)
alors tu dois Y », c’est une formulation hypothétique d’un message. Ce n’est qu’au moment où
cet événement se présente que le jurème survient. L’idée est qu’on prépare l’avenir en disant que
dans tel cas, on doit se comporter d’une certaine manière. On fait dépendre la survenance d’une
obligation à la survenance d’un événement particulier. Le but est de jeter dans l’esprit du destina-
taire une sorte de confusion qui consiste à faire croire au sujet que s’il doit obéir, c’est en raison,
non pas de la volonté arbitraire d’un pouvoir, mais de la survenance d’un fait, événement qui
conditionne la naissance de l’obligation. A force d’être répété, ces formules introduisent dans l’es-
prit de certains l’idée erronée qu’ils sont obligés en raison de la survenance de ce fait. Le fait de
faire croire que c’est ce fait qui déclenche l’obligation, on le retrouve à travers la notion de « fait
juridique » qui est un fait générateur de certaines obligations juridiques ou de certaines préroga-
tives juridiques.
Ex : Dans le Code civil, on dit que telle personne recueille telle dette dans son patrimoine à cause de mort.
Ce sont les héritiers qui, s’il accepte la succession de leur père qui avait des dettes, recueille les dettes à
cause de la mort du débiteur.
Ex : Si un mineur de 15 à 18 ans se marie, il est émancipé et n’est plus soumis à l’autorité parentale.
On fait comme si c’était le mariage ou la mort qui entraînait l’émancipation ou la réception de la
dette mais en fait ça tient à la volonté des auteurs du Code civil d’attacher à la mort de quelqu’une
ou a son mariage tel effet juridique. L’expression de fait juridique est trompeuse et illusoire car

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comme le dit Lucien François (p.123) ceci permet de cacher la volonté du pouvoir, le caractère
désagréable d’une injonction humaine. On oublie que tout cela dépend de la volonté du pouvoir
en place. La forme hypothétique n’est pas seulement due au caractère durable de la relation.

1.4 La multiplication de messages modificatifs et contradiction


Les messages modificatifs de messages antérieurs risques de se multiplier menant à des confusions.
Il y a donc la nécessité d’une hiérarchisation entre les différents messages.
Ex : Message émis au temps T « le minimum que tu me dois est 500€ » et au temps T+1 « le minimum que
tu me dois est 600€ ».
Le destinataire part d’un postulat selon lequel le pouvoir qui s’exprime est cohérent ce qui fait que
le message le plus récent est celui qui témoigne de la volonté la plus actuelle du pouvoir, Gabriel.
Il peut arriver que face à un message que le commerçant ne comprend pas, il demande au racketteur
d’interpréter le message. Des messages vont abroger d’anciens messages pour prendre leur
place. Tous ces mécanismes se retrouvent dans les systèmes étatiques où l’on sait que s’il y a une
antinomie entre 2 lois, c’est la loi la plus récente qui prévaut sur la plus ancienne, lex posterior
priori derogat. Il y a aussi des lois interprétatives ou des lois qui modifient ou abrogent d’autres
lois. Tout cela existait déjà dans un simple racket durable.

3. Innovations de la technique de nimbe


Il y en a 2 :
• Gabriel se présente comme membre d’un gang alors qu’il se pourrait qu’il soit isolé mais qui
tente de se représenter comme ayant plus de pouvoir qu’il n’a, comme rattaché à une
bande imaginaire.
• La notion de fait juridique se présente comme une technique de nimbe également. En effet,
la présentation sous la forme d‘une obligation hypothétique aboutit (p.123) à faire qu’on se
sente gouverné par des faits impersonnels, l’inexorable force des choses, plutôt que de la
volonté discutable de quelques hommes.

4. L’archème
Dans cette complexification, il s’agit plus d’une addition de jurèmes mais ce sont des jurèmes ve-
nant d’un même pouvoir non délégué. Gabriel décide souverainement d’exercer un pouvoir au
moyen de messages qui expriment des vœux et des menaces de sanction. Il décide d’adresser cette
collection de jurème à un même individu. On a affaire à un royaume minuscule composé d’un seul
Roi et d’un seul sujet qui est bombardé d’une série de messages qui, tous ensemble, forment un sys-
tème de messages qui est un système de pouvoir à la tête duquel se trouve un être humain. Ce sys-
tème de pouvoir qui est extrêmement petit est l’unité la plus élémentaire d’un système de pouvoir
qui est un système de messages. On va utiliser la suffixe « ème » mais on vise la particule élémen-
taire du pouvoir que peut exercer une personne sur une autre et pouvoir se dit « arche ». Lucien
François les réunit pour fonder le néologisme « archème » qui désigne le système de pouvoir à la
tête duquel se trouve une seule personne. C’est la forme la plus élémentaire d’un système de pou-
voir. Il est définit dans le glossaire. On est tous maître d’un archème.
Ex : La vie conjugale est rythmée par des exigences que l’un adresse à l’autre. Souvent, c’est un archème réci-
proque dans les couples équilibrés. Dans les couples déséquilibré, l’un commande et menace tandis que l’autre se
contente d’être le sujet. Celui qui obéit est à la tête d’un achème dormant qui se contente d’être sujet dans l’ar -
chème de son conjoint.

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Chapitre 2 : Deuxième élément de complexification : l’organisation sociale

Pour certains auteurs, comme Hart, rajouter juste l’élément de temps ne suffit pas à créer un phéno-
mène juridique. L’archème de Gabriel ne peut constituer un système juridique car il faut plus de 2
personne pour qu’il y ait du droit. Il faut une organisation sociale ce qui implique qu’il y ait une
multiplication d’acteurs du cotés des destinataires mais aussi des émetteurs.

Section 1 – Pluralité de destinataire (chap.11)

1. Anecdotes
Ludovic est un auteur de racket perfectionné en ce sont qu’il rackette tous les commerçants d’un
même quartier. Au lieu d’avoir un seul sujet, il a une pluralité de sujets. A l’égard de cette plurali-
té, il se présente comme menaçant, terrifiant par la peur qu’il inspire. Alors que chez Grégoire, on
a un autre archème, car c’est le gourou d’une secte où il se présente comme le gourou d’une cer-
taine idéologie qu’il aurait découverte et dont il serait le premier défenseur. Grégoire à ses sujets
mais au lieu de les menacer, ils les persuadent, exercent son pouvoir par la séduction. Grégoire est
aussi en mesure de faire mal à ses adeptes, de les menacer s’ils ne se conforment pas à ses com-
mandements. C’est ainsi que, chaque soir, la communauté se réuni autour de lui et qu’il distribue les
bons et les mauvais points. Pour ces derniers, le retrait peut être une sanction dure à encaisser. Gré-
goire peut menacer d’user de sanctions si on ne se conforme pas à ses commandements. Il y a 2 fa -
çons différentes de 2 systèmes de pouvoir : un système de menace (Ludovic) et un système fondé
sur la séduction et la conviction (Grégoire). Ces 2 archèmes s’appliquent à une pluralité de su-
jets.

2. Innovations liés au jurème senso stricto


2.1 Pluralité d’effets chez les destinataires
Il y a plusieurs destinataires. Or dans ce cas, le système de notification risque de se diviser du côté
des destinataires. Il y a une volonté de réception de l’injonction par les sujets qui est une situation
délicate pour l’émetteur qui doit s’attendre à une pluralité de réactions à ses injonctions. Il y a une
uniformité du côté de l’émetteur et une diversité du côté des destinataires.

2.2 Effets latéraux


On va constater, lorsqu’un maître d’archème s’adresse à un des sujets ou puni un des sujets devant
les autres, que la situation va emporter un effet latéral. A partir d’une punition, de mise en œuvre de
la sanction, vont pouvoir se déduire des jurèmes par dérivation. En effet, les observateurs de la
punition vont savoir que, par celle-ci, telle conduite est sanctionnée ou qu’ils doivent adopter tel
comportement.
Ex : Si dans une caserne, le colonel ordonne à quelqu’un de tenir correctement son fusil devant les autres.
Les autres vont déduire que eux aussi doivent tenir leurs fusils comme il convient. Si ne parvenant pas à
tenir son fusil correctement, celui à qui le jurème a été adressé fait l’objet d’une sanction militaire, les autres
vont craindre cette sanction s’ils faisaient de même. Une sanction est faite devant tous les autres, cela fait
que tous les autres peuvent en déduire que si eux aussi ne tiennent pas leur fusil correctement, ils peuvent
faire eux aussi avoir une sanction militaire. Punir quelqu’un devant tous les autres, fait que les autres vont
suivre le comportement à adopter, c’est le jurème par dérivation.
On retrouve cette situation dans les droits étatiques et en particulier dans la jurisprudence. Quand
un tribunal statue, en principe la décision judiciaire n’a qu’un effet relatif et n’oblige que les par-
ties à l’affaire. Sauf que quand le juge dit que tel comportement est fautif, il délivre un message
au-delà des partie au procès. Il dit aux justiciables qui pourraient se retrouver devant lui qu’un tel
comportement pourrait les amener à se retrouver devant lui et les amener à être sanctionné. Quand il

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y a plusieurs sujets potentiel, le fait d’adresser un ordre devant les autres, est une manière de créer
un jurème par dérivation qui découle du premier

Il est aussi souhaitable pour le maître d’un archème d’exercer des sanctions publiques. On veut
convaincre les autres de l’efficacité de l’archème. Il faut de temps en temps punir pour mieux
convaincre les autres que s’ils font la même chose que celui qui est puni, ils risquent de subir les
conséquences terribles d’une punition. Il doit il y avoir suffisamment de mise en œuvre de la sanc-
tions pour convaincre les autres qu’ils ne doivent pas résister à l’injonction.
Ex : Dans les organisations mafieuses, les dénonciateurs sont retrouver dans un sale état dans un endroit pu-
blic où la victime est tuée violemment. Cette sanction spectaculaire publique a un effet de croyance dans la
réelle dangerosité de la sanction.

L’effet latérale consiste à convaincre les sujet de la réalité du pouvoir que l’auteur détient entre ses
mains et les tenir en respect. Cela permet également, comme on l’a vu, de leur faire comprendre ce
que l’on attend d’eux, leur adresser un jurème, par l’émission d’un jurème à autrui (jurème par
dérivation).

3. Innovations liées au technique de nimbe


3.1 L’auréolation du maître de l’archème et adhésion des destinataires
Le maître d’un archème peut préférer s’exprimer en premier serviteur au lieu de s’exprimer
comme un tyran. Ludovic a pour but de s’enrichir et des ses sujets savent que c’est un simple tyran
dont le bon vouloir va mener à ce qu’il va réclamer plus ou moins. Le pouvoir de Grégoire est plus
subtile car ne se présente pas comme un simple tyran mais comme le premier serviteur d’une doc-
trine. Il dirige la secte en affirmant à ses fidèles que sa position dominante n’est due qu’au fait
qu’il est le plus respectueux possible de la doctrine dont il se fait le propagateur. Grégoire ne se pré-
sente pas comme un simple tyran mais comme le serviteur d’une idéologie. Les sujets de Gré-
goire sont incités plus facilement à obéir à ce chef qui est le plus soumis à la doctrine qu’il pro-
fesse dont on ne voit pas l’intérêt personnel. C’est une façon d’obtenir une obéissance plus facile
des sujets car on à affaire à un homme de conviction. Le pouvoir s’auréole d’une sorte de piété et
de respect de principes supérieurs. C’est une technique de nimbe qui permet d’obtenir plus aisé-
ment l’obéissance des sujets. C’est ainsi que dans l’Histoire beaucoup de régimes politiques se
sont présentés comme inspiré par des doctrines supérieures.
Ex : Sous l’Ancien Régime, on disait que le monarque l’était de droit divin, qu’il était le serviteur de Dieu
sur Terre.
Ex : Dans les régimes dit théocratiques où il n’y a pas de séparation des Églises et de l’État. Ceux qui oc -
cupent le pouvoir dans ces États se présentent comme les plus fidèles des fidèles de la religion officielle. Le
pape, lui, est chef de l’Église catholique romaine car il est le premier serviteur de dieu.
Ex : Régime communiste ou nazi où les dirigeants se présentant comme respectueux et serviteurs d’une
doctrine supérieur qu’est le communisme ou le national-socialisme.
C’est aussi le cas dans les États démocratiques où les autorités se présentent comme serviteur de la
démocratie et de l’intérêt du peuple alors que certains hommes politiques ne pensent qu’à accumu-
ler les pouvoirs. Cependant, si le dirigeant finit par ne plus respecter la doctrine, il n’aura plus
l’adhésion des sujets tandis que le tyran qui changerait d’avis sur des choses ne verrait pas d’éton-
nement de la part des sujets. Le serviteur d’une doctrine n’a pas intérêt à montrer qu’il n’est plus
fidèles à la doctrine qui lui vaut sa suprématie sinon il risque de voit un retournement de situation
dramatique. C’est le cas de tous les pouvoirs qui tendent à respecter une doctrine qui finissent par
méconnaître cette même doctrine, ce pouvoir sera fragilisé parce que ce qui avait permis de lui
obéir plus facilement devient le motif pour lequel les sujets vont être tenté de lui désobéir désor-
mais.

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Ex : Thirion se fait élire pape. Il arrive devant la foule et dit « Dieu, c’est de la couillonnade ». Les fidèles
vont se dire qu’il est fou. Si un pape venait à renier la religion, c’est tout ce qui avait fait de sont pouvoir un
pouvoir respectable qui s’en va. Il s’écarte de la doctrine officielle en la niant.
Ex : En URSS, si quelques années après avoir pris le pouvoir, Lénine avait décidé de dire que la collectivisa -
tion des moyens de production n’était pas efficace et avait développé l’économie capitaliste, il va de soi qu’il
n’aurait pas tenu une heure de plus au pouvoir qui était le sien. Il montrait de la distance entre la doctrine
prônée jusque là et son action personnelle. C’est ce qui s’est en réalité passé en 1989 lors de la chute du
mur quelques années après l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev. Il va se trouver devant une situation écono-
mique catastrophique et il essaye de sauver le pays en menant une série de réformes qui vont faire avancer
les libertés politiques mais également les libertés économiques. Il a fait ce qu’on appelait la « glas-
nost »,avec une plus grande transparence de l’État et liberté de la presse qui ouvrent la voie aux libertés po-
litiques. Sa seconde politique est celle de la « perestroïka » qui est une politique de restructuration écono-
mique de l’URSS en intégrant certains aspects de la liberté économique. On voit un pouvoir hériter de Lé -
nine, une vision collectiviste de la vie en société dont le chef mène des politiques à l’encontre de la doc-
trine officielle. Il n’a pas tenu plus de 6 ans à la tête de l’URSS qui s’écroulera pour donner naissance à une
série de nouveaux Etats dont la Russie. L’un des facteurs d’écroulement est l’incrédulité d’un pouvoir qui
se représente d’une certaine doctrine et qui en même temps promeut des réformes contraires à celle-ci. Cette
contradiction fondamentale a précipité l’effondrement du pouvoir soviétique et de ses dirigeants.

3.2 Respectabilité du maître de l’archème


Elle consiste dans le fait que certains jurèmes vont interdire de parler du maître de l’archème en
des termes irrespectueux ou qui obligent d’en parler de façon respectueuses. C’est le cas dans
l’anecdote de Ludovic. Grégoire demande qu’on l’appelle «Maître ». Au début il faut émettre de
jurèmes pour obtenir ce comportement des sujets et puis il y a une forme d’habitude qui fait que
quand on parle d’un dirigeant en des termes respectueux finit par créer dans l’esprit des sujets la
croyance que l’autorité est naturellement respectable. C’est pourquoi même dans les lois éta-
tiques ont n’autorise pas de parler en des termes irrespectueux à des personnages officiels. Dans la
plupart des codes pénaux, il existent des infractions comme l’outrage à un magistrat ou à un
agent autoritaire de l’autorité publique. A force d’être répété les égards verbaux que l’on doit aux
personnages officiels finissent pas accentuer la croyance dans la respectabilité de ces person-
nages et finit par accroître l’obéissance des sujets à ces personnages.

Section 2 – Pluralité d’émetteurs

L’idée qu’il peut il y avoir plus d’un sujet peut être analysé dès la brève rencontre ou dans le racket
sur la durée lorsque le maître de l’archème ou l’émetteur de jurème se fait accompagner d’un ou
plusieurs acolytes. Au fond, il se fait accompagner par un ou plusieurs autres êtres humains qui
n’expriment pas une volonté propre mais constituent une sorte de bras armé de la volonté de
l’émetteur.
Ex : Malfrat qui nous rencontre au coin d’une rue ait un petit gabarit. S’il vient sans armes, on n’aura pas
peur de lui. Sauf que ce nabot qui nous rackette se fait accompagner d’une personne à l’allure de boxeur qui
tient une arme. Du côté de l’émission du jurème, il y a plus d’un être humain mais il n’est rien d’autre que le
prolongement de la volonté de l’émetteur car représente la force mise à disposition de la volonté de
l’émetteur. Cette force, cette brute n’émet pas de volonté propre.
Quand l’émetteur d’un pouvoir estime que sa force propre n’est pas suffisante, il peut s’adjoindre
des services d’acolytes qui sont de la pure matière au service de la volonté de l’émetteur. Dans cette
hypothèse, il n’y a qu’une seule personne qui émet l’injonction et qui profère la menace de sanc-
tion. L’acolyte est une sorte d’excroissance et n’a pas d’autonomie. Raison pour laquelle il fait par-
tie du système jurémique à la tête duquel se trouve le maître de l’archème ou de l’émetteur du ju-
rème. C’est un élément constitutif du jurème et il va de soi qu’en même temps, cet acolyte com-

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

munique au sujet la réalité du dispositif de sanction par menace de sanction dont dispose l’émetteur
du jurème. C’est le 5ème élément constitutif du jurème, la communication du vœu et de la menace
de sanction.

Ce n’est pas de ça dont Lucien François parle dans les chapitres 12 et 13 car l’acolyte est silen-
cieux. On est dans le cas où il y a plusieurs émetteurs d’injonctions accompagnés d’une menace
de sanction. L’émetteur ne peut plus gérer son royaume en étant seul, il a besoin de collaborateurs
qui vont l’aider à traiter les différents sujets, ils se mettent au service du maître d’archème, restant
le maître en dernier ressort du système de pouvoir.

Dans le chapitre 12, il y a l’idée que le maître d’archème reste seul maître à bord mais à l’intérieur
de celui-ci, il va déléguer à certaines personnes le pouvoir de proférer à l’encontre de ses sujets de
nouveau jurèmes. C’est une collaboration monoarchémique car elle a lieu à l’intérieur d’une seul
archème.

Parfois un maître d’archème souhaite collaborer avec d’autres maître d’archème et il s’agit d’un
système de pouvoir où d’autres maîtres d’archème acceptent de mettre en commun leurs forces res-
pectives. Il choisissent de collaborer ensemble soit sur pied d’égalité, soit certains maîtres acceptent
de se mettre au service de l’un d’entre eux. C’est une collaboration polyarchémique car elle a lieu
entre plusieurs maîtres d’archèmes. C’est ce qui est analysé au chapitre 13.

§1 – Multiplication des émetteurs par la voie de l’habilitation (chap.12)

1. Anecdote
Adolphe est un maître d’archème qui a une pluralité de commerçants en guise de sujets. Ses affaires
fructifient tellement qu’il a étendu son emprise sur plusieurs quartiers. Il se rend compte qu’il ne
peut continuer tout seul et ne peut se contenter de s’entourer d’acolytes. Il va s’adjoindre de la
collaboration de lieutenants, des êtres humains à qui Adolphe délègue le pouvoir d’émettre en son
nom de nouveaux messages auprès des commerçants. Ce sont ses lieutenants qui assurent la collecte
du racket dont Adolphe est le chef. Ils peuvent émettre des jurèmes mais en principe en cas de
désobéissance, ils ne peuvent pas user de leur force propre. Le lieutenant se contente de constater
du non respect du jurème et de le dire à Adolphe qui décidera de ce qu’il y a lieu de faire.

Il se peut que parmi les lieutenants, un se montre plus sympathique et qu’Adolphe le choisisse
comme étant le Premier lieutenant, lieutenant hiérarchiquement supérieur aux autres. Le lieutenant
des comptes à des missions spécifiques qui attestent de sa position particulière. Il va diriger l’af-
faire quand Adolphe ne peut le faire lui même. En outre, dans la mesure où les différents lieutenants
émettent des jurèmes qui s’ajoutent aux messages d’Adolphe, le système de communication de-
vient plus complexe et donc les mécompréhension et confusions se multiplient. C’est le lieutenant
des comptes qui va être chargé de garder la cohérence du système de messages et qui va dire quel
message doit être privilégié. C’est un expert du système d’Adolphe, un conseiller qui est censé
avoir la connaissance globale de tous les impératifs du système. Il doit être en mesure de présenter à
Adolphe une représentation cohérente de ce système.

Adolphe impose une police de langage destinée à donner un certain degré de respectabilité aux
ordre d’Adolphe et de ses lieutenants.
Ex : Il n’assassine pas mais procède à l’exécution capitale ; on ne parle pas de séquestration mais d’empri-
sonnement ; on ne parle pas de racket mais d’impôt,…

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Le langage qui doit être utilisé pour les comportements d’Adolphe et de ses lieutenants afin de leur
donné un verni de respectabilité.

Il y a souvent dans les gangs, un traître, c’est le cas de Roger qui profite de la collecte pour deman-
der un peu plus et s’en mettre dans les poches. Ce surplus est fait à l’insu d’Adolphe et pèsent sur
les commerçants qui s’en plaignent à Adolphe ou au Premier lieutenant. Il disparaît et on dit
« qu’il n’y a jamais eu de Roger ». Plus tard, ce sont d’autres lieutenants d’Adolphe qui prennent
parfois un peu de liberté avec les injonctions d’Adolphe mais comme ils sont plusieurs et que de les
assassiner ferait tomber son pouvoir, il ferme les yeux en annulant pas leurs actions comme avec
Roger mais en ratifiant les missions de ces lieutenants. On peut dire que les lieutenants sont les su-
jets d’un premier cercle qui peut collaborer au pouvoir et le second cercle dont les sujets sont les
commerçants qui ne peuvent qu’obéir aux injonctions. Lorsque 2 lieutenants sont en litiges ou sou-
haitent conclure une affaire entre eux, ils viennent demander à Adolphe de garantir leurs pro-
messes réciproques en ce qu’il forcera la partie qui n’exécuterai pas sa promesse à s’exécuter.
Adolphe accepte qu’une cas de litige entre ses lieutenants, de trancher ces litiges. Enfin, les com-
merçants eux-mêmes qui n’ont pas confiance dans la justice étatique, décident d’aller voir Adolphe
pour les mêmes raisons. C’est ainsi que s’installe le pouvoir d’Adolphe. A travers cette anecdote,
3 éléments nouveaux apparaissent :
1. L’introduction dans le système de notification du mécanisme de l’habilitation
2. L’apparition de nouveaux artifices voués à nimber les auteurs de jurème voire ce jurème
lui-même
3. La naissance d’un pourvoir d’expertise lié à la complexification

2. Innovations liés au jurème senso stricto – Le mécanisme de l’habilitation


Le mécanisme de la délégation aussi appelé mécanisme de l’habilitation qui est une opération es-
sentielle pour les systèmes complexes. Il devient impossible d’agir seul à l’égard de plusieurs sujets.
C’est la raison pour laquelle une jurème habilitant est un jurème incomplet car tout ce que
contient l’habilitation est l’information selon laquelle une personne habilité pourra exiger des sujets
un comportement déterminé comme si l’habilité s’exprimait au nom et pour le compte de l’habili-
tant. Le jurème habilitant n’est qu’un jurème incomplet et le jurème complet ne sera obtenu qu’en
combinant le jurème habilitant et le jurème produit par l’habilité. C’est un rôle que l’on re-
trouve dans les États modernes où il existe un certain nombre d’habilitation, en particulier l’admi-
nistration qui est l’équivalent des lieutenants d’Adolphe. L’administration est habilité par la loi à
faire des choses ou à demander aux sujets de faire des choses. L’habilitation est essentielle au
fonctionnement de l’État. Le jurème habilitant a à la fois des destinataires et des bénéficiaires.
S’agissant des destinataires, on pourrait croire que se sont les habilités, or l’habilitation est un pou-
voir qui leur est donné. Le véritable destinataire de l’habilitation ne sont pas les habilités mais les
sujets du second cercle, ceux à qui l’ont demande d’obéir. On enjoint aux sujets d’obéir à l’habilité
qui émet des messages dans le cadre de son habilitation. S’agissant des bénéficiaires, ce sont essen-
tiellement les habilitants ou alors les habilités ou les deux.
Ex : Celui qui délègue ses tâches fait ça à son profit. Cela profite donc à l’habilitant.
Ex : Habilitation qu’Adolphe a accepté de donner à ses lieutenants de se faire des promesses réciproques. Ce
n’est pas éloigné de l’art.1134 avec les contrats que les particuliers font entre eux. Les habilités sont les
particuliers qui peuvent se créer des obligations de façon libre et garantie par l’État. Cet article est aussi un
jurème habilitant. Il est particulier car l’habilitation est un mécanisme qui implique 3 fonctions distinctes :
1. Pouvoir habilitant qui habilite et enjoint au sujet d’obéir aux ordre de l’habilité
2. Pouvoir habilité
3. Les sujets.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Dans 1134, l’habilitant est l’État (le législateur), l’habilité sont les parties au contrat et les sujets sont aus-
si les parties au contrat. Quoiqu’il en soit c’est un mécanisme d’habilitation qui profite le plus aux habilités
Ex : Habilitation qui profite à parts égales. Dans l’anecdote d’Adolphe, c’est l’habilitation par laquelle
Adolphe délègue à ses lieutenants le pouvoir de le saisir pour trancher les litiges entre eux. Sans cette ha-
bilitation, il y aurait des violences endémiques, chacun réglerait ses affaires lui même ce qui ne fait pas les
affaires de l’habilitant (Adolphe ou l’État). En même temps, cela profite aux habilités (lieutenants ou ci-
toyens) en ce qu’on est pas sûr d’avoir le dessus quand on veut ses faire justice soi-même. On prend le risque
d’être entre les mains de son adversaire qui est plus fort que nous. Pouvoir saisir l’habilitant leur offre la
possibilité d’obtenir gain de cause et de s’appuyer sur une force pour faire respecter le jugement que le ci-
toyen/le lieutenant a obtenu en sa faveur via la force de l’habilitant.

3. Innovations liés à la technique du nimbe


3.1 Extension de la police du langage
Tout pouvoir tend à créer des jurèmes imposant à parler du pouvoir en des termes respectueux
nourrissant la croyance que le pouvoir qui s’applique aux sujets est respectable. Cette police
s’étend, non plus seulement à la personne du maître de l’archème mais aussi aux actes posés par
cette personne. Désigner en termes honorables certains comportements du chef de l’archème ou de
ses délégués.
Ex : Ce n’est pas un racket mais la perception d’un impôt. La mort de Roger n’est pas un assassinat mais une
exécution capitale,…
Cette police du langage doit faire l’objet d’injonction assortie de pression par menace de sanction,
de nouveaux jurèmes. C’est toute la question de savoir qu’elle est la différence entre un racket et
un impôt ou entre une séquestration et un emprisonnement. Si on regarde la matérialité de ces
actes, ils sont identiques, un racket ou un impôt sont matériellement semblables. Mais ce qui fait la
différence entre les 2 est la « légitimité » attaché aux mots « impôts, emprisonnement, exécution
capitale,... » tandis que les autres sont « illégitimes » ce qui n’explique pas en quoi certains actes
sont légitimes et d’autres ne le sont pas alors que matériellement, le fait commis est le même. On
fait comme si les actes changeaient de nature pour peu qu’ils soient accomplis par un pouvoir
plutôt que par un autre. C’est la croyance qui veut que les actes matériels pour peu qu’ils soient ap-
pliqués pas un certain pouvoir soient légitimes par rapport à un autre qui ne les exerce pas légiti-
mement. En réalité, il s’agit d’une propagande par le langage. En désignant par un mot honorable
un fait qui pourrait avoir une autre qualification déshonorante, on favorise l’obéissance des sujets à
un tel pouvoir. Les sujets les plus naïfs finissent par croire qu’il y a une différence de nature entre
ces actes qui sont pourtant matériellement les mêmes. Cette croyance a été obtenue grâce à la tech-
nique de nimbe qui consiste en l’emploi de mots honorables afin de qualifier l’ensemble des actes
posés par un pouvoir donné. Pouvoir qui désignent ces mêmes faits matériels exercés par ces enne-
mis de manière déshonorante. La distinction ne tient pas à la nature des choses mis à la conviction
des sujets que certains actes sont honorables lorsqu’ils sont accomplis par le pouvoir mais déshono-
rables s’ils sont accomplis par quelqu’un d’autre que ce pouvoir. C’est une entreprise de fabrication
de croyances chez les sujets.

3.2 Artifices de langage qui visent à masquer les ratés du système


Dans l’anecdote, le lieutenant Roger a outrepassé les limites de son habilitation pour s’enrichir ce
qui pourrait laisser penser aux sujets qu’Adolphe n’est pas parfaitement doué car il a mal placé sa
confiance. Pour faire oublier que Roger a commis des actes qu’il ne pouvait pas commettre, il dit
qu’il annule les actes de Roger, faire comme s’ils n’avaient jamais existé. Or Roger les a prononcé,
il y a bien eu un raté du système en ce qu’un pouvoir délégué à dépasser les limites de son habilita-
tion mais en usant du mot annulation, on essaye d’effacer les traces du raté du système. A l’in-
verse, quand d’autres lieutenants d’Adolphe dépassent les limites de l’habilitation, Adolphe dit qu’il

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finit par ratifier les ordres de ses lieutenants car top compliqué de tous les éliminer. Ratifier, c’est
conférer a posteriori une habilitation qui ne l’étaient pas au début. On fait comme si les ordres des
lieutenants avaient été habilités depuis le début afin de masquer que les lieutenants avaient dépasser
leurs compétences depuis le début. Par la ratification, on tente de donner un semblant de régulari-
té à ces actes pourtant irréguliers. On retrouve cela dans les ordres étatiques. Ex : Quand une admi-
nistration a dépassé les limites de son habilitations, la personne qui se sent lésée par cet acte de l’habilita-
tion peut introduire un recours en annulation devant le Conseil d’État. Cette juridiction administrative peut,
aux termes de ce recours, annuler l’acte administratif illégal. Le droit administratif enseigne que cette annu-
lation rétroagit. C’est la même fiction que celle qu’emploie Adolphe pour les actes posés par Roger. C’est
un procédé qui tente à réparer les erreurs du système juridique qui ont bien existé.
Ex : A l’inverse, dans le domaine fiscale, lorsque la loi autorise le Roi a mettre en œuvre un nouvel impôt, il
arrive que l’on se rende compte que l’arrêté a été mal rédigé et que les limites de l’habilitation ont été dépas-
sées. On s’en rend compte assez tôt pour que le gouvernement fasse faire un arrêté de ratification par le
Parlement, On tente d’effacer l’irrégularité de l’arrêté par une ratification pour qu’il ne soit plus contesté.

4. Apparition d’un expert en système de notification


L’expert s’incarne dans l’anecdote par le personnage du lieutenant des comptes à qui Adolphe attri-
bue la compétence d’avoir une connaissance parfaite de l’archème complexe d’Adolphe. En
outre, il y a de nombreux jurèmes qui peuvent être contradictoires du fait que plusieurs lieutenants
peuvent émettre des jurèmes. Le lieutenant des comptes a pour mission d’être en mesure de
connaître la totalité des messages contenus dans l’archème et de leur donner une unité, une cohé-
rence, du moins en apparence. Ce lieutenant apparaît comme le dépositaire d’un certain savoir,
c’est celui qui connaît le système à la perfection et qui interprète les messages de l’archème pour
qu’il soit cohérent et harmonieux. Il ne se présente pas comme ayant du pouvoir mais ayant un
certain savoir. Il n’est censé faire œuvre que de connaissance et non pas de volonté ou de pouvoir
propre. Cette représentation n’est pas incompatible avec la détention d’un certain pouvoir car éclai-
rer/interpréter un message ou organiser une hiérarchie entre les messages n’est pas qu’une entre-
prise de connaissance mais aussi une façon d’orienter le système d’Adolphe dans un sens donné.
Sous couvert d’un simple savoir, il exerce un certain pouvoir qui est tellement subtile qu’il refuse
de se présenter comme un pouvoir propre. En réalité, il a un pouvoir plus important qu’il ne
laisse l’entendre. Or ce type d’expert en système de notification, on les rencontre aussi dans les sys-
tèmes juridiques étatiques notamment dans le rôle que joue certaines instances comme le
conseiller juridique du gouvernement.
Ex : Section législation du Conseil d’État ou le secrétaire général du gouvernement (en France)
Ces instances ne doivent donner des conseils que lorsque le gouvernement souhaite déposer un pro-
jet de loi afin de s’assurer de l’harmonie de l’ordre juridique. C’est un avis purement objectif
d’apparence. Or cette objectivité est illusoire car pour se prononcer sur une incompatibilité entre le
texte projeté et un texte préexistant, il faut interpréter ces textes. Or cette interprétation elle-même
n’est pas nécessairement déterminée par des considérations techniques mais par des présupposés
valoriels que cet expert peuvent faire siennes.
Ex : L’avis de la section législation donné au début des années 2000 à propos de l’insertion du mariage ho-
mosexuel dans la législation. Deux professeurs y ont contribué et on sentait un certain présupposé de leur
part. L’interprétation est orientée en vue de contrer le pouvoir du Parlement de prendre cette législation qui
autorisait le mariage homosexuel.
Ex : Le juge se présente comme un expert du droit, comme la bouche de la loi. Cette présentation du juge
comme entité de pure connaissances est illusoire. Quand un juge doit trancher un litige et appliquer tel texte
plutôt qu’un autre, ce n’est pas uniquement de la connaissance qui est en cause mais aussi des choix que l’on
peut qualifier de politique leur permettant de statuer dans un tel sens. Ce n’est pas un pur savant du droit
mais une institution qui ne se réduit pas à l’application d’un savoir mais aussi en l’exercice d’un pouvoir
masqué. Le juge se présente toujours comme au service de la volonté du législateur alors qu’en réalité cette

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représentation de soi-même ne correspond pas à ce qu’il se déroule effectivement quand un juge tranche. La
figure du juge est comparable à celle du lieutenant des comptes dans l’anecdote. A relativiser cependant.

§2 – Multiplication des émetteurs par voie de l’agglutination (chap.13)


C’est une collaboration polyarchémique, collaboration entre plusieurs maîtres archème.

1. Anecdotes
L’exemple de la file d’attente. Une vieille d’âme est devant le guichet puis arrive en trombe un li-
vreur qui a laissé son camion en double file et qui veut aller vite. Voyant la vieille petite d’âme, il
profite de son physique de gorille pour passer devant la petite vieille. Elle se retourne apeurée vers
la file d’attente dont les membres se mettent à insulter le livreur. Ce dernier finit quand même par
renoncé à son projet et se tire.

Une bande plus sophistiquée que celle d’Adolphe, une organisation criminelle qu’est celle de Frédé-
ric. Maître d’archème qui décide de se coaliser avec d’autres maîtres d’archèmes et de constituer
une organisation encore plus vaste que les gangs constitués par chaque archème. Dans cette organi-
sation, les autres maîtres d’archème vont accepter de se mettre au service de Frédéric. C’est une or-
ganisation hiérarchisée dans laquelle Frédéric joue le rôle du patron et où les autres maîtres ac-
ceptent de se mettre à son service. Ce ne sont pas de simples acolytes, ni même des lieutenants car
pas de pouvoir délégué mais ce sont des agents, des maîtres d’archème qui acceptent de se mettre
au service d’un autre. Ce sont des pouvoirs non délégués qui décident de collaborer ensemble afin
de former un pouvoir plus vaste encore, pouvoir qui va exiger des sujets qui y sont soumis des com-
portements déterminés. Cette opération s’appelle agglutination, processus par lequel plusieurs
maîtres d’archème acceptent de collaborer ensemble pour former une structure de pouvoir plus
complexe appelé agrégat, résultante de l’agglutination de plusieurs archèmes.

Dans l’exemple de la file d’attente, chacune des personne qui la compose forme un archème. Si
quelqu’un s’avise de ne pas vouloir respecter la règle commune, ces différentes personnes se coa-
lisent spontanément pour former un pouvoir collectif commun qui va s’adresser à celui qui tente
de dépasser en le sanctionnant par la honte ou l’injure. Du côté de la bande de Frédéric, on a une sé-
rie d’êtres humains qui décident librement de se mettre au service d’un autre maître d’archème,
Frédéric.

2. Innovations liés au jurème senso stricto


2.1 L’agrégat polarisé l’agrégat symétrique
On voit se former une nouvelle structure qui est soit une structure de collaboration polyarché-
mique égalitaire ou bien hiérarchisée. Pour pouvoir empêché le comportement grossier dans
l’exemple de la file d’attente, il y a un collaboration de pouvoirs égalitaire formant un agrégat sy-
métrique. L’agrégat symétrique est la collaboration polyarchémique dans une structure égalitaire.
Dans l’exemple du système de Frédéric, on aperçoit un agrégat qui illustre une collaboration polyar-
chémique hiérarchisé appelé agrégat polarisé. On peut passer de l’un à l’autre, d’égalitaire (symé-
trique) à hiérarchisé (polarisé) ou l’inverse.
Ex : Structure d’agrégat polarisé qui passe à une structure d’agrégat symétrique. Gang à la tête duquel se
trouve Frédéric qui commet plein de bourdes. Dans une telle hypothèse, les maîtres d’archème décident de
l’éliminer. En attendant, ils traitent de leur affaire ensemble sans choisir un remplaçant à Frédéric. L’agré-
gat polarisé devient symétrique, la bande n’est donc plus la même.
Ex : Structure d’agrégat symétrique qui passe à une structure d’agrégat polarisé. Révolution cubaine de
1959 avant laquelle le pays était dirigé par Batista, placé par les Américains. Il finit par être renversé par la
Révolution cubaine organisée par une organisation révolutionnaire dirigée par Fidel Castro et Che Gevara.

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A la base, l’organisation au moment où elle combat Batista a la forme d’un agrégat symétrique sans chef.
Lorsqu’un nouveau régime est installé à Cuba, il a fallu que l’organisation se modèlise sur l’organisation éta-
tique dont elle s’était emparée. Un chef a du être désignéqui s’est trouvé être Fidel Castro en l’espèce.
Les structure étatique ne sont pas figée. Le choix d’une structure plutôt qu’une autre s’explique par
les objectifs de l’organisation que l’on observe.
Ex : Organisations criminelles qui ont occupés l’État italien dont la plus connue est la Mafia née lors de
l’unification de l’Italie. Le nouvel État italien a voulu se mêler de se qu’il se passait en Sicile. Les Siciliens
ont mal vécu cette emprise du Royaume d’Italie sur la Sicile de sorte qu’une organisation clandestine s’est
mise en œuvre pour protéger les Siciliens contre l’emprise fiscale de l’État italien. La mafia était un contre-
Etat qui devait adopter la structure hiérarchisée propre aux États avec un chef parmi les chefs, etc. La ma-
fia sicilienne s’est formée sur base d’un agrégat polarisé. Alors qu’au Sud de l’Italie, se sont développées
d’autres organisation criminelles notamment la Camorra (Naples) et la N’Drangheta (Calabre) qui n’ont
pas pour objet de tenir tête à l’État. Ce sont des entrepreneurs qui ont pour but leur enrichissement person-
nel à travers de moyens critiquables voire illicites. Ils veulent collaborer pour maximiser les profits. C’est
un réseau d’entrepreneurs qui collaborent entre eux. Il n’y a pas besoin d’une structure hiérarchisée. Par
conséquent, ce types d’organisations sont organisés sur base d’un agrégat symétrique.

2.2 Le cercle d’exigence mutuelle propre aux coalisions


Une situation aussi simple que la file d’attente est en réalité plus complexe qu’un simple agrégat sy-
métrique. Quand on a une file d’attente de 4 personnes et qu’on dit qu’elle constitue un agrégat sy-
métrique, en réalité, elle constitue plus que ça. Il y a d’abord la petite vieille qui peut constitué un
1er agrégat symétrique avec B à qui elle ne pourrait lui opposé que son archème mais en réalité ils
peuvent formés un 1er agrégat symétrique dont les sujets sont les membres de la file d’attente et tout
autre membre qui entrerait dans cette file. A et B serait prêt à se coaliser si l’un des autres tente-
raient de dépasser A. Un second agrégat symétrique peut comprendre A, B et C se coalisant pour
empêcher D ou tout autre personne qui voudrait dépasser le faire. On pourrait imaginer que A,B et
C propose implicitement à D de se coaliser contre celui qui voudrait dépasser. En réalité, la file
d’attente constitue une superposition d’agrégats symétriques distincts. Dans une file d’attente, il
y a autant d’agrégat symétrique qu’il n’y a de membres dans la file d’attente – 1 (nombres
d’agrégats) car la petite vieille ne peut constituer seule un agrégat car il en faut au moins 2 ar-
chèmes. Si on veut être parfaitement précis, on doit dire que la file est une superposition de struc-
tures de pouvoir qui forment un agrégat symétrique étant égal aux membres – 1. C

Une même structure de pouvoir peut à la fois donné naissance sous un certain angle à un agrégat
polarisé ou une superposition d’agrégats polarisé ou sous un autre angles donné naissance à un
agrégat symétrique. La bande de Frédéric. Plusieurs maîtres d’archème acceptent se mettre au ser-
vice de Frédéric. Cette agrégat polarisé est une structure de pouvoir perçue par les sujets. Mais à
l’intérieur de cette organisation et dans les relations qui existent entre Frederic et ses agents, il y a
aussi des rapports de pouvoir. Pour maintenir la cohérence de cette bande, chacun des membres de
cette organisation attend des autres qu’ils restent fidèles à l’organisation elle-même. C’est une façon
d’exiger d’autrui un comportement et de l’exiger sous la menace de sanction en ce sens que si Fré-
déric ou un des agents se mettait à trahir la bande, il est certain que ce membre se verrait punir de la
plus atroce des façons. Chaque membre se voit adresser par tous les autres un faisceau d’injonc-
tions de même contenu qui consiste en la fidélité de la bande, B, C et D vont exiger cela à A. On a
une collaboration polyarchémique pour faire pression sur A pour qu’il reste fidèle à la bande. En
se coalisant, ils forment un agrégat symétrique pour obtenir d’un membre qu’il se comporte d’une
certaine façon. Cela vaut aussi pour B qui verra se coaliser A, C et D faire pression sur lui pour qu’il
reste fidèle à la bande. Un second agrégat symétrique dans le sujet est B se superpose au premier
agrégat qui s’appliquait à A. On peut encore observer encore 2 autres agrégats dont les sujet seront
C et D. Frédéric est supérieur à la bande mais à l’intérieur, il est aussi destinataire d’un faisceau de

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jurèmes homonomes, qui portent la même exigence, pour la fidélité de l’organisation. Pour chaque
agrégat symétrique qui se forme, il y a 3 jurèmes de même contenu qui sont une injonction à la fidé-
lité afin de maintenir la cohésion d’un groupe donné. Cette figure d’agrégat symétrique qui se su-
perpose forment un cercle d’exigence mutuel. C’est-à-dire une série de superposition d’agrégats
symétrique dont chaque membre du groupe est le sujet et dont tous les autres forment l’agrégat.
C’est un système de pouvoir qui, en vue de garder la cohésion d’un groupe, que chacun soit desti-
nataire de jurème homonomes provenant de tous les autres. Il y a autant d’agrégat symétrique
qu’il n’y a de membres du groupe. Ces jurème sont homonomes en ce qu’ils ont tous les mêmes
contenu, ils visent à renforcer la cohésion du groupe. C’est pourquoi Lucien François dit que se sont
des jurèmes transversaux de renforcement, jurèmes dont le contenu consiste à se conduire de fa-
çon telle à ne pas menacer la cohésion d’un groupe social donné. Ce cercle d’exigence mutuel est
pensé pour éviter que les groupes ne se défassent. L’organisation criminelle de Frédéric est un
agrégat polarisé d’un certain point de vue mais donne naissance à une superposition d’agrégats
symétriques au sein de l’organisation. C’est donc plus complexe. Se crée entre les différents
membres une sorte de conviction partagée selon laquelle quand on est membre de l’organisation
on doit être fidèle à elle. C’est une conviction normative et tous les groupes sociaux défendent de
telles convictions normatives selon lesquelles il est bien de faire ceci et mal de faire cela. C’est cette
conviction normative qui permet l’éclosion de cette structure de pouvoir contenant le cercle d’exi-
gence mutuelle.
Ex : Si on se promène en rue sans sans masque alors qu’on le peut, des gens vous nous faire des remarques
désagréables. Ils forment à notre agrégat symétrique qui nait car dans leur esprit il faut absolument porter le
masque.

2.2.1 Les homodoxies


Pour désigner ce type de conviction, on use d’un néologisme, l’homodoxie qui est une conviction
normative selon laquelle il es bon ou mal de faire quelque chose, c’est une idée préconçue partagée
par un groupe donné. Parmi les homodoxies qui sont créatrice de structure de pourvoi, il y en a :
1. Les homodoxies données, convictions normatives qui préexistent dans une ensemble plus
ou moins étendu dans une population, convictions qui sont présentent dans l’esprit de toute
une partie de la population d’un même lieu.
Ex : Homodoxie selon laquelle lorsqu’il y a une file d’attente, chacun doit attendre son tour. Ce
n’est pas une règle naturelle mais une règle qui fait partie de la culture ou des coutumes ou usages
d’une civilisation donnée. Dans les pays qui en relève, on apprend aux enfants le principe de la fil
d’attente. Enfin, c’est une partie de la population qui a été éduquée à cela et on peut dire qu’en Bel -
gique, la majorité de la population est d’accord avec cette homodoxie. C’est parce qu’elle existe sur
le sol Belge que l’anecdote de la file d’attente nous dit quelque chose. Il existe des société comme en
Chine où cette homodoxie n’existe pas et c’est au premier devant le guichet qui est servi. Sans cette
homodoxie aucun système de pouvoir ne naît, elle les conditionne.
2. Les homodoxies construites qui ne concernent pas tous les individus d’une même société
mais homodoxie spécifique à des groupes sociaux plus restreints qui sont loin de constituer
la population d’un même lieu.
Ex : Club de poker. Il a ces propres rituels en imposant un uniforme. Chaque espace fonctionne à
partir de ses propres usages, de ses propres homodoxies qui ont été créer pour les besoins de ce club.
Ça peut aller jusqu’à la création de coutume dans une organisation criminelle, il va de soit qu’il faut
être fidèle à l’organisation dès qu’on y rentre.
Elles n’ont pas été acquises dès l’enfance par une quasi totalité de la population mais ac-
quise dans des cercles sociaux plus restreints. Elles nécessitent un apprentissages de la
part de ceux qui veulent entrer dans un milieu social donné. Il y a des homodoxies dont on

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peut se demander si elles sont construites ou données, si elles relèvent des usages de la
population d’un même territoire ou spécifique à un milieu social donné.
Ex : Injonction de patriotisme. On a beau détester le football, on doit être content quand les Red
Evils gagnent un match.

3. Innovations liés à la technique de nimbe


Il est nécessaire soit de temps à autre, soit régulièrement de prévenir les dislocations du groupe
sociale. Les membres doivent tout faire pour éviter la désagrégation de l’agrégat auquel ils parti-
cipent car la structure de pouvoir de l’agrégat est assez fragile car collaboration libre entre indivi-
dus non délégués. Ils peuvent décider de s’en aller à tout moment comme ils sont libres et non dé-
légués. Il va falloir utilise des techniques qui tentent à prévenir la désagrégation. Il faut de nouvelles
techniques de nimbe qui voit masquer la fragilité des agrégats. Ce sont des techniques qui visent à
exagérer la notion de durée d’un agrégat ou qui visent à exagérer la solidité d’un agrégat. On uti-
lise des artifices rhétoriques pour convaincre les sujets que l’agrégat est loin d’être fragile.

3.1 Exagération dans la durée


Pour l’agrégat de Frédéric, on a l’impression qu’à une organisation criminelle correspond un agré-
gat polarisé. Dans son organisation au temps T ; telle situation, organisation avec un chef, 3 agents
et 30 commerçants forment un agrégat polarisé. Il se peut qu’en T+1, Frédéric propose à un 4ème
de se joindre à l’organisation mais la situation n’est plus la même car on a 4 agents au lieu de 3. Il
se peut qu’en T+2, on parvienne à ce que la bande investisse un nouveau quartier avec 10 commer-
çant en plus donc 40 au total. Chaque fois c’est une structure de pouvoir totalement différente. On
fait comme si c’était la même structure de pouvoir au temps T et au temps T+2 alors qu’en réalité il
s’agir d’une structure de pouvoir différente. Il n’y a pas d’immobilité mais un changement inces-
sant ce qui vaut aussi pour les systèmes étatiques.
Ex : Principe de la continuité de l’État comme si l’État en 1831 et en 2021 était la même réalité. C’est une
sorte de mythe car derrière ce qu’on appelle l’État, on a des structures de pouvoir complètement changeante.
De jour en jour, cette structure de pouvoir change car il y a des mises à la retraite de fonctionnaire, de juge,
de policier mais aussi des mises à l’entrée de ceux-ci. Derrière l’État belge, il y a une succession perma-
nente d’agrégats polarisés qui ne sont jamais les mêmes. L’idée de la continuité de l’État est une fiction.
Le but de cette fiction de durée est l’idée d’ancienneté a des connotations positives. C’est une fa-
çon de dire que le pouvoir est solide. On voit que les pouvoirs aiment à se prévaloir du prestige de
la tradition, de la durée. Les cours d’Histoire n’ont pas pour objectif d’être rigoureux scientifique-
ment mais des cours destinés à transmettre aux élèves une sorte de récit national afin de développer
leur patriotisme et leur adhésion à l’État.
Ex : Belgique rentré en indépendance en 1830. On nous dit que César disiat « De tous les peuples, les Belges
sont les plus braves de la Gaule » alors que la Belgique n’existait pas. On donne juste l’impression d’ être le
fruit d’une très longue durée.
Ex : Sholmo Sand (israélien) a écrit « l’invention du peuple Juifs » qui s’appuie sur la volonté de certains
historiens d’établir une sorte de continuité entre le peuple Juif de l’ancien Testament et le peuple Juif d’Is-
raël. On crée de l’honorabilité grâce à l’idée d’une durée, d’une histoire et d’une tradition plus que millé-
naire. Retour sur le nimbe de durée. Il a inventé pour désigner cette technique le mot « mythe-histoire ». Ce
mot désigne ce discours qui se prétend historique mais dont on sait qu’il relève de la fiction. Il n’y en a réali -
té aucune continuité historique

Chaque pouvoir politique qui joue avec cette idée pratique de la propagande dont l’objectif est de
mettre en lumière une continuité là où il n’y a que de la discontinuité et du changement mais on
verrai, si on le découvrait, la fragilité du pouvoir sur les sujets.

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3.2 Exagération l’impression de solidité


C’est faire en sorte que les sujets ne perçoivent pas à quel point le pouvoir qui s’exerce sur eux est
fragile. Paul Valéry disait « Un chef est un homme qui a besoin des autres ». Dans l’Histoire occi-
dentale, les rites concernant l’élection ou la montée au pouvoir d’un chef était souvent représentée
par le fait que le chef était porté par ceux qui l’avait désigné. Si le chef était porté par ceux qui
l’avaient élu, cela voulait dire que le chef tenait son pouvoir de ceux qui le portaient et quand
ceux-ci en avaient assez, on disaient que le chef avait été déposé. Il n’a plus la suprématie qu’il
avait jusqu’à présent. Un chef dépend du bon vouloir de ceux acceptent de travailler pour lui. On
voit alors dans les périodes de révolutions, combien le pouvoir d’un chef est fragile. Si les sujets de
Frédéric avait tellement conscience de cette fragilité du pouvoir de Frédéric, ils pourrait user de
stratégie pour opérer un renversement de pouvoir. Il faut éviter que les sujets aient conscience de
la fragilité de celui qui est placé tout au-dessus. La structure pyramidale du pouvoir est trom-
peuse car donne l’impression que tout le pouvoir est logé en haut et qu’il se disperserait vers le bas
alors qu’une vision plus lucide montre que le chef suprême est beaucoup plus dépendant de ceux
qui le porte qu’il y parait.

La technique de nimbe vise à masquer cette situation en dotant le chef de plus de pouvoir que ce
qu’il en a et aux agents de moins de pouvoir qu’ils n’ont. On exagère le pouvoir du chef et on mi-
nimise le pouvoir des agents sans qui le chef n’est rien. On présente les choses comme si l’agrégat
polarisé n’était qu’un quasi-archème comme le rapport d’Adolphe avec ses lieutenants. On fait
comme si était équivalente les fonctions délégués dans l’archème d’Adolphe et les fonctions
d’agent dans l’agrégat de Frédéric. Or ces fonctions sont différentes car le délégué est un simple
pouvoir qui découle de l’habilitation du maître de l’archème. C’est quelqu’un qui ne peut user de sa
force propre qu’avec l’autorisation du maître de l’archème alors qu’un agent est un pouvoir origi-
naire, non délégué, qui use de son autonomie pour se mettre au service de Frédéric. Cette volonté
libre et autonome permettrait aux agents de partir voire de se retourner contre Frédéric. Ils
peuvent de plus user de leur force propre pour faire respecter les injonctions qu’ils ont émis. Avec la
technique de nimbe, on essaye de faire croire aux sujets que les agents sont beaucoup plus dépen-
dant qu’ils ne le sont et que Frédéric a autant d’autorité qu’Adolphe. On crée ici une fiction de dé-
pendance des agents à l’égard de Frédéric comme celle de lieutenants vis-à-vis d’Adolphe. Lucien
François parle de fiction d’aliénation, présentation faussée de la réalité présentant les agents
comme moins puissants qu’il ne sont en réalité. Sans cette croyance d’une vision hiérarchisée du
pouvoir, on pourrait voire qu’il suffit d’un rien pour que le chef d’un agrégat polarisé tombe et
que son pouvoir s’effondre.
Ex : Déclaration de guerre du gouvernement civil et que l’armée décide de se croiser les bras. On verrait
que la déclaration de guerre faite par le gouvernement n’a pas d’effet sans l’appui des forces militaires. Un
jugement ne serait rien si la force publique chargée de la faire exécuter refusait de s’exécuter. Ces 2 actes ne
serait qu’un chiffon de papier.
Les pouvoirs constitutionnels ne tiennent qu’au fait que la force publique accepte de remplir sa
mission. On pourrait croire que ça n’arrive pas dans les démocraties mais si.
Ex : Jacques Chirac avait été maire de Paris et président de l’UMP. Il est élu en 1995. Mais au moment où il
est élu, la gestion financière de l’UMP fait l’objet d’un contrôle. Le juge d’instruction va lancer un mandat
de perquisition du siège du parti dont Chirac était issu. Le risque était de trouver des irrégularité entachant
le septennat de Chirac. Le juge délivre le mandat de perquisition. C’est la police judiciaire qui doit exécuter
la perquisition mais le directeur de la police judiciaire leur interdit d’exécuter le mandat. Cette perquisi-
tion n’a pas pu avoir lieu car la force publique avait décidé de se croiser les bras et pour des raisons poli-
tiques de ne pas obtempérer. Ce mandat, faute de l’appui des agents appelé le mettre en œuvre, ne valait
rien.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Les forces publiques présentées comme strictement subordonnées au pouvoir constitutionnel dé-
tiennent la clé du pouvoir suprême car sans eux les pouvoirs constitutionnels ne peuvent efficace-
ment agir. Il ne faut pas que cette possibilité se sache trop. D’où la fiction d’aliénation pour mas-
quer cette dépendance des pouvoir constitutionnels à l’égard des forces publiques.

Rmq : Une même personne peut exercer des fonctions d’acolytes, soit à un autre moment des fonc-
tions de délégués mais aussi à un autre moment encore agir en qualité d’agent.
Ex : L’État est une forme d’agrégat polarisé d’un certain type. Le policier, dépositaire de la force publique.
Lorsqu’on regarde le fonctionnement des forces de police dans un Etat, on se rend compte qu’un policier
peut exercer les fonctions d’acolyte, de délégué ou d’agent à des moments différents.
1) Un dimanche après-midi alors que s’annonce une manifestation délicate dans une grande ville qui est en -
cadrée par des forces polices. Ces policiers reçoivent des instruction par leur supérieur hiérarchique se trou-
vant dans un centre de coordination qui suit la manifestation pas à pas. Ce supérieur en cas de débordement
ou de changement de chemin par rapport à celui officiellement demandé adresse aux policiers sur place des
instructions consistant à dire de « revenir sur le droit chemin sinon nous chargeons ». Les manifestants sont
destinataires d’un jurème virtuel selon lequel ils peuvent manifester mais en respectant les personnes sur leur
passage. Comme ils n’ont pas respecter le jurème devenu réel, les policiers chargent sur injonction de l’auto -
rité supérieur. La police qui encadre la manifestation et qui tient ses instructions d’autres personnes, n’est
qu’une incarnation de la force de ceux qui émettent des interdictions. Dans ce cas, le policier chargé d’enca -
drer la manifestation qui n’émet aucune volonté propre mais ne représente que la force de ceux qui émettent
une injonction, n’est qu’un simple acolyte. C’est pourquoi on parle de force publique.
2) Ce même policier, plus tard, au moment de la sortie des écoles et de travail qui provoquant des embou-
teillages, est envoyé sur le terrain pour régler la circulation quand les feux ne fonctionnent plus. On l’installe
aux lieux les plus fréquenté et ils font la circulation. Le policier émet des injonctions, des jurèmes en ce sens
que si l’automobiliste ne respecte pas l’injonction, le policier pourra le verbaliser, constater que la jurème a
été violé et il se pourrait que cet automobiliste soit sanctionné par le tribunal de police ou que les services
publics lui envoient un PV avec un amende. Le policier ne peut que constater l’infraction. Le policier a le
droit d’aller en plein milieu du carrefour et faire la circulation car il en a reçu l’habilitation. Ici, le policier
devient un délégué, il peut émettre des jurèmes, user de sa volonté propre mais dans le respect des limites
de l’habilitation qui lui a été confiée et sans user de sa force propre.
3) Encore plus tard, on lui demande de faire un service de nuit et de patrouiller dans les quartiers chauds de
la ville. Faisant sa ronde, il aperçoit quelqu’un qui est en train de menacer quelqu’un avec une arme pour lui
voler son portefeuille. Le policier arrive subitement et dit « arrêter où je tire ». Il y a bel et bien une injonc-
tion accompagné d’une menace de sanction. Cette fois le policier peut user de sa volonté propre en émettant
un jurème mais en plus user de sa force propre en tirant le cas échéant sur le brigand. Il peut n’être qu’un dé-
légué s’il a été habilité à faire ça mais ces situations dramatiques sont très délicates et il arrive parfois qu’on
assiste à des bavures policières. Ce sont des hypothèses où les policiers agissent et menacent d’user de leur
force propre alors qu’ils ont dépasser les limites de leur habilitation. Un procès ultérieur mettre cette bavure
en lumière mais dans la situation, le destinataire de l’injonction aurait beau dire qu’il n’est pas habilité à le
faire, le policier s’en moquera et pourra agir en dehors des limites de son habilitation. Dans ce cas, il agit en
tant que pouvoir non-délégué en émettant une injonction et qui mobilise une pression par menace de sanc-
tion alors qu’il n’en est pas habilité. Dans ce cas, maître d’archème qui a accepté de se mettre au service de
l’État mais dépassant son habilitation met en lumière sa fonction d’agent, quelqu’un qui dispose d’une force
propre indépendamment de toute délégation qui lui serait faite. C’est dans le cas des bavures qu’on voit
que le policier est beaucoup plus dangereux qu’il n’y parait.
Une personne n’est pas spécialisée dans un rôle, elle peut cumuler les rôles. La fiction d’aliéna-
tion est facilitée par le cumul de plusieurs rôles d’une personne. On peut donc jouer sur les rôles les
plus subalternes d’une personne et d’effacer les rôles les plus importants comme c’est le cas pour la
police. La fonction d’aliénation est nécessaire pour masquer un constat important qui est que
même dans un Etat démocratique, le pouvoir du dernier mot n’est peut être pas là où on le croit.

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3.3 Nimbe des agrégats symétriques


Il est parfois perceptible que lorsqu’on fonde ensemble une coalition égalitaire, celle-ci ne tient
qu’aussi longtemps que les différents maîtres d’archème l’accepte. Elle peut rapidement d’affaiblir
si un des maîtres d’acide de s’en aller. Il faut masquer cette fragilité et utilisant des techniques de
représentation qui vont conférer à l’agrégat une apparence de solidité beaucoup plus grande que ce
qui ne se passe en réalité.
Ex : Conflit dans une entreprise. Il arrive que les travailleurs d’une entreprise décident d’entrer en conflit
avec l’employeur et de se mettre en grève aussi longtemps que telle exigence n’est pas satisfaite par l’em -
ployeur. Ces travailleurs en coalition sont égalitaires. Une grève est un événement fragile et l’employeur
pourrait être tenté de laisser pourrir la situation en ne concédant rien et en laissant les travailleurs s’épuiser à
faire grève. Seul le personnel syndiqué recevra une indemnité de grève qui est moindre que le salaire. Au dé-
but de la grève, il faut vis-à-vis de l’employeur, de l’agrégat symétrique et l’opinion masquer le risque de
désagrégation. On va employer des mots qui vont avoir pour objectif de masquer la fragilité de la coalition
entre salariés. On ne dira pas « les travailleurs exigent » mais on dira « Le personnel exige » pour masquer la
pluralité. Un peu comme si au-delà des individualités, le groupe en grève constituait une sorte d’unité cohé -
rente, de corps collectif indestructible.
Par de tels artifices rhétorique on présente une pluralité sous une forme de mythique unité. Cette
façon de parler quand elle est répétée plusieurs fois finit par devenir une façon de penser. Certains
finissent pas croire réellement à l’existence d’une sorte de volonté collective dépassant celle des in-
dividus qui la compose. Dans le discours juridique, on trouve cette technique.
Ex : La personne morale et question de la personnalité juridique des groupements. Lorsque des personnes
physiques se mettent ensemble pour fonder un club de sport ou décider de faire des affaires en commun, la
question est de savoir selon quelles modalités ces groupements de personnes physiques vont pouvoir acquérir
des droits et obligations autrement que les engagements personnels des membres du groupement. On va pré-
voir des formes juridiques prévues pour les groupements qui recevaient de la part du législateur une person -
nalité juridique distincte de celle de ses membres. Dans le droit privé, lorsqu’on veut développé une activité
économique ensemble, on doit créer une société en choisissant sa forme dotée de la personnalité juridique ou
bien dans le domaine philanthropique, une ASBL. Le législateur a prévu pour ce type d’activité des struc-
tures juridiques que sont entre autres la société et l’ASBL. L’idée étant que la personnalité juridique octroyée
par le législateur est une fiction car il n’existe que des individus que des personnes physiques. En réalité ce
sont les PP qui agissent pour le groupement mais on invente la fiction selon laquelle le groupement est doté
d’une personnalité juridique distincte. Par conséquent, quand il s’agit de conclure un contrat, on dit « La so-
ciété a pris à bail tel immeuble ». Or en réalité, certaines PP organisées en groupement a pu faire un tel acte
juridique.
C’est la théorie de la fiction des personnes morales, théorie selon laquelle attribuer la personnali-
té juridique a un groupement est une facilité pour accomplir des actes juridiques. Théorie qui va se
développer à la fin du XVIIIe en Europe par les révolutionnaires français. Au XIXe siècle va se dé-
velopper en Allemagne une théorie opposée par Von Gierke qui est l’homme d’une Allemagne di-
visée en une multitudes de petites souveraineté. Par delà les particularisme locaux, il y avait une
sorte d’esprit commun qui transcendait les particularismes. Il existait un esprit du peuple, un
« Volksgeist » qui dépassait ces particularismes locaux. Il se représentait l’Allemagne comme un
puzzle de petites souveraineté sur lequel planait une sorte d’esprit d’unité, l’unité du peuple. Cette
représentation est assez mystique. Pour lui tout groupement dépassait la simple somme des volontés
individuelles qui la composait ce qui faisait que pour lui les PM sont des réalités qui impliquent
qu’on leur reconnaissant une personnalité juridique distincte de celle des membres qui la compose.
Il va développer la théorie opposer de celle des révolutionnaires Français, théorie de la réalité des
personnes morales. Ce n’est pas au législateur d’accorder la personnalité juridique. C’est le juge
qui, en cas de litige mettant en cause un groupement, peut décider de lui octroyer une personnalité
juridique distincte. On peut soupçonner que Von Gierke a confondu ou à favoriser la confusion
entre façon de parler et façon de penser. Certains juristes ont fini par croire que les groupements

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étaient des réalités autonomes et distinctes de la réalité matérielle. Or il faut éviter cette confusion.
Néanmoins, c’est une confusion qui est une technique de nimbe apparaissant ailleurs que dans les
systèmes juridiques.

Chapitre 3 : Troisième élément de complexification : L’État (chap.14)

1. Anecdote
Maximilien est un Frédéric qui a fait main basse sur une partie de ville là où le pouvoir officiel a ab-
diqué, laissant une zone de non droit mais c’est plutôt une zone de non droit étatique laissant place à
d’autres zones de non droit non étatique. La situation est devenue horrible et les gens ont peur. C’est
un chaos où il y a un coup à jouer pour Maximilien. C’est le chef d’une organisation qui, face au
chaos et à la peur, décide de conclure un marché avec les habitants de la ville. Il décide de leur offrir
sa protection, la protection de son organisation qu’il appel d’une nom impersonnel « La Ligue ».
Le chef de cet agrégat polarisé propose aux habitants de protéger la zone dans laquelle ils habitent
en interdisant formellement d’exercer sur son territoire toute violence physique majeure non autori-
sée par lui, par la Ligue. Afin de faire respecter cette exigence, il monte sa propre police, ses
propres forces de l’ordre car les forces officielles ont quittées les lieux. On fait la chasse à tous ceux
qui violent cette interdiction. Maximilien fait ça en échange d’un paiement que les habitants de ce
territoire devront lui acquitter, ce paiement s’appelle « impôt ». En échange du maintien de l’ordre
et de la sécurité, ils lui doivent un impôt. S’installe sur le territoire de la Ligue un nouveau pouvoir
dont l’objectif est d’assurer sur un territoire donné la fin de l’anarchie. Pour assurer la pérennité de
ce pouvoir, il baptise donc son organisation la Ligue et organise sa succession de manière à éviter
des guerres pour savoir qui serait le chef. Tout cela pour que les sujets aient l’impression que ce soit
le même pouvoir qui s’exerce sur eux. Il s’agit d’assurer la continuité du système de pouvoir de la
Ligue sur une population sur un territoire donné. La Ligue devient un État dans l’État. Si cette si-
tuation se stabilise, cet État dans l’État devient un État à part entière. Se forme progressivement un
agrégat dominateur ou État qui est une certaine espèce d’agrégat polarisé.

2. Innovations liées au jurème senso stricto


Dans le système de Maximilien il y a un faisceau d’injonctions de même contenu, de jurèmes ho-
monomes qui émanent de l’agrégat polarisés à laquelle se trouve Maximilien consistant à interdire
à la population du territoire de la Ligue de recourir à une violence physique majeure non autori-
sée. L’injonction est un jurème sur un territoire donné où un agrégat déterminé s’octroie le mono-
pole de la violence physique. Seuls les participants à l’agrégat dominateur peuvent user de la vio-
lence physique ou du moins les sujets ne peuvent user de violence physique majeure que s’ils y ont
été autorisé par l’agrégat dominateur. C’est une structure de pouvoir dans laquelle l’usage de la vio-
lence physique majeure est réglementé sur un territoire donné.

Un agrégat dominateur (Etat) ne fait pas table rase de toutes les autres structures de pouvoir qui
préexistent sur son territoire. Les individus ne cessent d’être des maîtres d’archèmes. Les agrégats
symétriques continuent d’exister du moment où ils n’usent pas sans autorisation de la violence phy-
sique majeure, même par menace Des jurèmes peuvent continuer d’être produit indépendamment de
l’État sous réserve du respect de la seule interdiction. Cette idée exprimée par l’agrégat dominateur
est une injonction que Lucien François va appeler jurème de suprématie, jurème par lequel un
pouvoir, l’agrégat dominateur, revendique une forme de supériorité sur toutes les autres structures
de pouvoir dans un territoire donné et qui est le seul à pouvoir exercer une violence physique ma-
jeure. Ce que nous appelons Etat n’est qu’une succession d’agrégats dominateurs. Depuis 1830,
on a une succession d’agrégats dominateurs recouverte par le mythe de continuité de l’État.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

On ne peut manquer de faire un lien entre ce jurème de suprématie et Max Weber qui est l’inven-
teur de « L’État est le détenteur du monopole de la violence physique légitimé ». Pour Weber, ce
qui caractérise l’État c’est qu’il détienne le monopole de la violence physique légitime. Lucien
François va rejeté le mot « légitime » dans cette expression car quand Weber dit cela, il agit en
homme de science en sociologue, prétend décrire une réalité sociale et formuler un simple jugement
de réalité. Or que veut dire être détenteur du monopole de la violence physique légitime ? Le mot
« légitimé » caractérise une croyance à propos d’une chose. Au fond, cela pourrait s’expliquer en
disant que Weber dit que l’État prétend détenir le monopole de la violence que lui estime légitime.
Il fait un jugement de réalité critiquable car il y met un jugement de valeur personnel. Si on veut
faire crédit de cette distinction, il ne faut pas interpréter le mot légitime ainsi. On pourrait dire que
ce que Weber a dit c’est que l’État est l’instance qui prévaut du monopole de la violence physique
en tant que lui s’estime légitime. Les agents de l’État estime que cette détention de monopole est lé-
gitime. C’est la croyance de ceux qui forment l’État qui est en cause et non celle de Weber. Pour
Lucien François pendant, ce mot « légitime » n’est pas nécessaire, on aurait pu faire sans. Ce mot
n’est pas utile pour décrire scientifiquement ce qui fait la spécificité de l’État moderne. En disant
cela, Weber risque d’entretenir la confusion dans le chef de ses lectures consistant à croire que cer-
taines choses sont en elles-mêmes légitimes ou illégitimes. Il encourage à confondre la nature des
choses et la croyance dans ce que les choses sont. Dans l’expérience historique,on pourrait donc
dire que les nazis et les soviétiques exerçaient une violence légitime.
La confusion qu’encourage le mot légitime, c’est de croire que la violence pratiquée par l‘État ou
en son nom serait d’une qualité différente que de la violence privée. La réelle différence entre la
violence d’État est la violence privée n’est pas qualitative mais quantitative, l’État est la structure
de pouvoir qui a réussi à concentrer entre ses mains le maximum de force pour s’imposer sur un ter-
ritoire et empêcher que la violence d’autrui ne se développe sur ce territoire. C’est parce que c’est
celle qui a le plus de force entre ses mains. On le voit avec la Ligue de Maximilien, là où le terri -
toire n’est plus préempter par un pouvoir, ce vide est rempli par la prise de pouvoir de la Ligue. On
se rend compte que tout n’est affaire qu’accumulation de force. C’est le plus fort qui finit par s’im-
poser sur le territoire.
On peut dire que même l’État le plus respectable n’est qu’une organisation criminelle qui a réussi.
Il trouve ses origines dans des phénomènes de violence par lesquelles un certaine tribu est parvenu à
imposer sa suprématie en un territoire donné. Bismark disait que « La plupart des Etats se glori-
fient de racine illégitime ». Par conséquent l’État n’est pas cette entité de surplomb garant de l’inté-
rêt général. Certains États tentent de poursuivre ces valeurs mais ceci n’est pas de la nature de
l’État. Ce qui est de l’essence des agrégats dominateurs est le jurème de suprématie et le surcroît
de force que cet agrégat détient pour imposer sa volonté sur un territoire donné. Il s’agit d’une vi-
sion démystificatrice de l’État.

3. Innovations liées à la technique de nimbe


Elle permet de reprendre certaines techniques des chapitres précédents pour les mettre au service
de l’État. On retrouve la nécessité pour l’agrégat dominateur de se présenter sous une apparence de
durée et de solidité bien plus grande que ce que la réalité permet d’observer.

Le pouvoir se présente essentiellement à la main d’une personne physique d’une pouvoir personna-
lisé. Ce type de pouvoir peu susciter chez les sujets l’idée que le pouvoir est arbitraire. Par contre
lorsque le pouvoir est présenté de façon désincarnée, dépersonnalisée, on donne l’impression que
le pouvoir qui s’exerce sur le sujet est moins sujet aux passions humaines, pouvoir plus acceptable
car plus impersonnel. On a une déréalisation des personnes physiques qui font fonctionner l’État.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

On créé l’illusion d’un pouvoir qui est un pouvoir détaché par les personnes physiques qui le com-
pose. C’est une technique de dépersonnalisation du pouvoir.

Puisque le pouvoir n’est plus censé être directement dans les mains des personnes qui ne sont que
des représentants, on organise une succession de façon tel que d’un chef à l’autre, on se sente sou-
mis au même pouvoir.
Ex : Que l’on soit né sous Albert II et désormais sous Philippe, on est toujours soumis au pouvoir de l’État
belge.
On entretient chez les sujets le mythe de la continuité du pouvoir. On solidifie l’impression d’un
pouvoir qui pourtant change tout le temps.

Maximilien et sa Ligue se présente comme destinés à rendre service aux sujets, celui de la paix et
de la tranquillité publique. Le pouvoir ne se présente plus comme intéressé par ses propres fin mais
comme un pouvoir au service de la collectivité, de la population. On est dans un embryon d’État au
sens classique du terme, une instance qui agit pour fournir des services à la population justifiant
l’impôt qu’il inflige à ces sujets. Le pouvoir se présente donc comme bienveillant mais nous avons
vu que ce n’était pas tout à fait le cas (supra).

Chapitre 4 : Quatrième élément de complexification : la « communauté internatio-


nale » et la vision pluraliste des rapports entre droit international et droit étatique
(chap.14 et 15)

Communauté internationale ou société international ou droit international. Cette représentation


empêche de se rendre compte qu’entre les phénomènes rencontrés et la coexistence de plusieurs
Etats, il y a une différence. Jusqu’à présent, on a vu des pouvoirs dont les sujets peuvent craindre
qu’ils mettent leur menace à exécution.

1. Jurème international exercé par les Etats


De manière générale, les menaces qui pouvaient être émise par la communauté internationale et les
craintes que ces menaces pouvaient inspirées étaient quasiment nulle. Depuis la Seconde guerre,
on est parti de l’idée que les États étaient souverains et égaux et qu’il fallait éviter au maximum la
guerre et les sanctions les plus extrêmes. Lorsqu’on a instauré la coopération internationale, on a
pas véritablement instauré un système d’injonction et de sanction centralisés. L’ONU fonctionne
avec un Conseil de Sécurité et l’AG mais l’ONU ne dispose d’aucune force propre. Les casques
bleus ne sont que des forces que les États mettent à la disposition de l’ONU qui est sans force. Il n’a
que la CIJ, difficile à saisir, qui ne peut que constater la violation du droit internationale sans mena-
cer de rien. On a plutôt affaire à une situation où il y a quelques fauves agissent dans leurs seuls in-
térêts (nationaux) parmi l’ONU et il est douteux que l’ONU soit productrice de jurèmes car pour
pouvoir produire un jurème il faut disposer d’un mécanisme de pression par menace de sanction.
Faute de police, il existe un certain nombre de sanctions possible dans la Charte ressemblant à une
justice privée entre États. Dans un agrégat dominateur, les sujets savent qu’en cas de conflit, ils
peuvent saisir un tribunal et obtenir réparation de leur préjudice. Si le débiteur ne paye pas, ils
peuvent faire appel à la force publique. Comme ça n’existe pas dans la communauté internationale,
ce sont les Etats qui peuvent appliquer une sanction en cas de violation du droit international. Ce
sont les Etats qui règlent leur justice eux-même en mettant en œuvre des représailles pouvant
prendre une forme armée permettant à des Etats au nom de la légitime défense de menacer de repré-
sailles armée un pays frontalier qui aurait envahit une partie de son territoire. En cas, d’autres pays
peuvent venir s’allier à ces Etats. Ce sont les Etats eux-même qui exécutent des sanctions. Le règle-

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

ment des différents se fait par les parties aux litiges elles-même. Pour parler d’un pouvoir jurémique
international, il faut accepter de donner une acception plus lâche à la pression par menace de sanc-
tion. S’il fallait maintenir les conditions strictes de l’existence d’un pouvoir jurémique, on pourrait
se demander si le droit international existe vraiment. Beaucoup disent qu’au fond les Etats restent
maître du jeu. Le droit international est un discours pompeux mais en réalité n’existe entre les Etats
que des rapports de forces pures non ordonnés comme les rapports jurémiques. La communauté in-
ternationale n’est pas l’ultime complexification.

2. Collaboration interétatique
Admettons de façon provisoire qu’il y ait au niveau international des possibilités de relations juré-
miques entre Etats. En réalité, ce qu’on appelle la société internationale n’est qu’un mythe. Les rap-
ports entre Etats ne sont pas de l’ordre d’un objectif commun mais d’un jungle dans laquelle cer-
tains fauves décident parfois de s’allier pour en combattre d’autres ou de mettre fin à telle alliance
pour retrouver sa liberté de fauve. On constate non pas l’existence d’un seul droit international mais
un système de collaboration interétatique. Des mécanismes se mettant en place par des traités
pouvant être efficace comme l’UE, l’OTAN ou le Pacte de Varsovie. Il existe plusieurs systèmes ju-
ridiques interétatiques ne correspondant aucunement au droit international comme s’il y avait une
collaboration unanime de tous les Etats de la planète. L’exception serait l’ONU mais c’est un mar-
ché où l’on peut trouver tout et n’importe quoi, c’est une Charte dont les principes sont si élas-
tiques qu’on peut lui faire dire tout et n’importe quoi.
Ex : Déclaration d’indépendance de la Crimée qui était une partie du territoire de l’Ukraine qui a organisé
contre les vœux de l’État ukrainien un référendum d’autodétermination au bout duquel la Crimée a affirmé
son indépendance pour demander son rattachement à la Russie. Scandale international où l’on voit s’affron-
ter 2 membres de l’ONU faisant partie du Conseil de Sécurité que sont les USA et la Russie. Obama est outré
par cette indépendance en affirmant que cette opération de sécession contre la volonté de l’Ukraine pour se
rattacher à la Russie est contraire au droit international qui proclame la souveraineté des Etats. Si l’État
ukrainien affirme la souveraineté sur le Crimée, elle ne peut lui être retirée. La Russie devrait refuser la ratta -
chement de la Crimée. Obama se fonde sur la Charte ONU. Poutine dit que dans la Charte il y a le principe
du droit à l’autodétermination des peuples. Certains peuvent sous certaines conditions déclarées leur indé-
pendance.
Il n’y a que des jeux d’alliance ou des jeux d’attaque entre et contre les Etats. On peut juste dire
qu’il existe des ordres juridiques interétatiques.

3. Le droit international, ultime technique de nimbe


C’est l’ultime manifestation du nimbe en ce sens qu’au niveau interne, l’État cherche à se nimber
vis-à-vis de ses sujets de même, dans ses rapports externes, les Etats ont intérêt à idéaliser la co-
existence internationale, d’une communauté internationale unique dont il sont censés respecter les
règles. Cette idéalisation correspond à une ultime manifestation du nimbe, Lucien François préfère
parler de communautés interétatiques ou de sociétés interétatiques pour rendre mieux compte des
rapports entre les Etats sur la scène internationale. Développé au §5 du Chapitre 15.

Chapitre 5 : Considérations finales (chap.16)

1. Retrais des mots ambigus et complexification


Il y a des mots ambigu tels que normes juridiques, droit ou ordre juridique. Lors de l’analyse de ce
phénomène sociale de ce que les juristes appellent droit, il faut désigner avec précision la portion de
la réalité sociale qu’on désigne en usant du mot « droit ». Lorsque ces mots sont ambigus et polysé-
mique, on utilise une option radicale au niveau terminologique et épistémologique.

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Du point de vue terminologique, comme on ne peut penser avec précisions avec ces mots, on
change de mots pour pouvoir étudier la réalité à laquelle renvoie ces nouveaux mots de manière
plus précise. On rejette toutes les difficultés liés aux mots traditionnels. On construit un ensemble
de néologismes qui ne charrient aucune des ambivalence des mots traditionnels et grâce aux défini-
tions très précises qu’on va donner à ceux-ci on va pouvoir désigner un objet d’étude précis.

Du point de vue épistémologique, Lucien François use d’une démarche contraire à la démarche tra-
ditionnelle du juriste qui étudie un problème dans les formes les plus sophistiquées. Lucien François
dit qu’il faut user la démarche qui tente de découvrir le phénomène en partant de sa caractérisation
la plus simple vers les formes plus complexes.

2. Le Cap des tempêtes


C la permet à l’auteur de reprendre à nouveau frais, le vieux débat propre à la tradition juspositivite
de la différence entre le commandement d’un brigand et celui d’un Etat, ce que Bobbio appelle le
« Cap des tempêtes ». Même lorsqu’on est juspositiviste, on se rend compte qu’il doit bien avoir
une différence de nature entre ces 2 commandements. Ils refusent l’intégration d’une valeur mais ça
leur fait mal d’imaginer qu’il n’y a pas de différence de nature entre ces commandements. Même
chez les juspositivistes, il y en a qui cherche encore le fameux critère permettant de distinguer le
commandement du brigand et celui de l’État sans utilisation de valeur.

Parmi ceux-ci, on trouve François Rigaux, juriste éminent de sa génération, qui avait essayé de
trouve un critère de distinction en partant du départ de l’organisation criminelle. Il dit que cette or-
ganisation était juridique d’un certain point de vue mais ne l’était pas d’un autre point de vue. L’or-
ganisation criminelle est une structure sociale qui produite un ordre juridique. Ce n’est pas le cas
des injonctions des cette bande lorsqu’elles s’adressent à leur victime, il est difficile de croire que
les sujets considèrent qu’ils font partie de la même société que les gens qui les rackettent. Dans la
mesure où ils se sentent parfaitement étranger à cette bande de brigands dont ils sont les victime.
Ces rapports ne sont pas des rapports de type juridique car il manque l’existence des protagonistes
dans une même société. Rigaud dit qu’entre eux, les brigands forment une même société et donc
un ordre juridique mais pas lorsqu’on assemble les sujets et les brigands. Les injonctions que les
brigands adressent aux sujets ne peuvent être pris comme des normes juridiques. Le critère de la ju-
ridicité est qu’il faut en plus que ceux qui commandent et ceux qui obéissent fassent partie d’une
même société. Lucien François rétorque en se demandant ce qu’était que faire partie d’une même
société.
Ex : URSS où des populations étaient envoyés au goulag pour l’État. En quoi est-ce que les déportés étaient
plus enclin à faire partie d’une même société que les autorités soviétiques que celle d’une bande de brigands.
Faire société, selon Rigaud supposerait une certaine adhésion aux ordres du pouvoir et qu’il va de
soi que des citoyens ont plus tendance à adhérer aux ordres d’un Etat alors que la victime d’un ra-
cket n’adhère pas spontanément au brigand. Pour Lucien François, gouvernants et gouvernés
forme société car les gouvernés acceptent de rester exposer aux ordres des gouvernants. L’adhé-
sion pour faire société doit être négative, aussi longtemps qu’on reste sous la coupe du pouvoir
même si ses ordres nous déplaisent, on fait société avec les gouvernants. C’est la notion d’exposi-
tion qui permet de déterminer s’il y a société. Peu importe l’organisation, aussi longtemps que le
sujet reste exposé au pouvoir, il peut recevoir des jurèmes qui ne sont pas de nature différente selon
le pouvoir qui s’applique démocratique ou non.

3. L’ordre de contrainte, caractéristique du droit même pour les libertés

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Ce qui devient significatif c’est la présence de la sanction, le fait que dans toutes les situations ima-
ginées, la menace de sanction qui est au cœur de ces situations. Si c’est elle qui est le point com-
mun aux situations, il n’y a pas de raison de distinguer le commandement de l’État et du brigand.
Il n’y a qu’une différence de degré ou de complexité. Pour beaucoup d’auteurs, le droit ne se limite
pas un ordre de contrainte. Beaucoup disent que les lois sont pleines de droit et de libertés. Le droit
serait lié aux libertés et prérogatives qu’elle accorde. L’exercice de Lucien François permet de ré-
pondre à cette objection et de dire que la réalité juridique est toujours réductible à un ordre de
contrainte. Pour qu’une norme qui octroie un droit subjectif ou une liberté à quelqu’un soit vérita-
blement juridique, il faut qu’elle fasse obligation à certaines personnes. Si un texte qui accorde
cela n’est pas reformulable en un texte imposant un devoir ou une obligation, ce texte n’est juri-
dique qu’en apparence.
Ex : Art.23 de la Constitution concernant les droits de l’homme de la seconde génération, les droits économiques
et sociaux comme le droit au travail. Il existe aussi des droits humains de la 3ème génération qui sont collectifs
comme le droit à un environnement sain et de qualité. Pour les droits économiques et sociaux, le droit au travail et
le droit au logement. On dit qu’il y a des textes juridiques qui n’obligent pas mais qui donnent des droits. Pour Lu-
cien François, c’est le fait que la personne puisse obtenir un travail ou un logement, cette affirmation n’a de sens
que si celui qui est titulaire de ce droit peut en réclamer l’exécution. Or, il n’est pas possible de reformuler cette
obligation faite à quelqu’un d’octroyer un travail ou un logement.
Pour Lucien François, ne sont juridiques que des droits donnant des prérogatives pouvant être re-
formuler en une obligation de faire ou pas quelque chose. Sartre disait « Un droit n’est que
l’autre aspect devoir » et pour Nietzsche « Nos devoirs, ce sont les droits que les autres ont sur
nous ». Lucien ne fait qu’appliquer ces maximes. Il existent des normes qui confèrent des préroga-
tives qui sont reformulables.
Ex : L’habilitation, même si elle n’y paraît pas, est quand même l’obligation faite aux sujets d’obéir à l’ha -
biliter sous peine de sanctions donc une norme habilitante est une norme qui oblige.
Ex : L’art.544 est un droit absolu du propriétaire sur sa chose, il y a l’obligation faite à toutes autres per -
sonnes que le propriétaire de ne pas troubler la jouissance de la propriété.
Ex : Art.1134 permettant aux individus de conclure des contrats, il y a une obligation qui est celle de respec-
ter les contrats passé pesant sur les cocontractants.
Rmq : Voir p.243 du Cap

Les textes qui définissent juridiquement une fonction essentielle de l’État, des qualités-reflets, ne
semblent pas faire obligation mais ces messages sont indispensable pour qu’un juge, par exemple,
puisse émettre des jugements correspondant à des injonctions accompagné d’un pression par me-
nace de sanction. Lucien François dit et montre que cette idée, ce point commun à tous les systèmes
juridiques, se retrouve ailleurs que dans l’État ce qui l’amène à établir des proximités qui sont gê-
nantes ou posent problèmes en ce sens que pour l’auteur, cette idée du jurème, on le trouve dans des
phénomènes sociaux qu’on a pas l’habitude d’assimiler au droit. En laissant tomber le mot « droit »,
Lucien François permet avec des outils conceptuels neufs d’établir des rapprochement instructifs
car ils nous montrent la proximité de phénomènes qu’on à tendance à distinguer nettement. Le ré-
sultat établi une équivalence en termes de technique de pouvoir, d’obtention des techniques hu-
maines qui ne nous sont pas familière. En particulier, une équivalence entre les techniques de pou-
voir étatiques et celles d’organisation criminelle.

4. Les techniques de nimbe


Pour obtenir des sujets une adhésion au pouvoir, il faut se présenter d’une certaine façon, il faut
amener les sujets à désirer obéir. On a découvert les techniques de nimbe dont les Etats sont des
spécialistes. D’où l’intérêt d’essayer de voir ce qui se cache réellement derrière le langage officiel.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Même des organisations criminelles spécialisées usent de techniques de nimbe. Tout pouvoir qui
s’exerce sur un individu à tendance à s’auréoler pour favoriser l’adhésion des sujets. On peut faire
reproche à l’auteur d’avoir déshabiller le Roi élu car on peut voir qu’il y a un familiarité entre des
structures de pouvoir considérées comme honorables et d’autres qui sont généralement mal vues.
Cette équivalence n’est-il pas prendre le risque de favoriser le désordre et l’anarchie ? Lucien Fran-
çois tend à des jugements de réalité, décrire ce qui est et non à se soucier des conséquences pra-
tiques de sa théorie, ni de l’usage qui pourrait être fait de sa théorie. Mais même s’il fallait s’intéres-
ser à cet usage, il peut être multiple. La théorie peut être utilisée par ceux qui veulent sauvegarder
le pouvoir existant que ceux qui voudraient le renverser. Voir les choses telles qu’elles sont, c’est
donner à tout qui a lu le « Cap des tempêtes », les clés pour comprendre le ressort des mécanismes
de pouvoir correspondant au jurème. Cela donne des outils d’analyse très efficace pour maintenir le
pouvoir en place mais en même temps ces analyses peuvent servir aux révolutionnaires ou aux op-
posants d’un pouvoir qui souhaitent faire tomber ce pouvoir. Ils peuvent utiliser à leurs proposer
fins la théorie de Lucien François.

On peut associer l’ouvrage aux ceux de Machiavel et aux Penseurs du soupçon. Il emprunte à Ma-
chiavel car comme dans le Prince, il dénude le fonctionnement du pouvoir de façon factuelle et cy-
nique et le Prince peut utiliser les analyses pour asseoir son pouvoir voire l’étendre comme Lucien
François. Il donne des armes à ceux qui veulent montrer le pouvoir tel qu’il est et non pas dans la
représentation idéale qu’il donne de lui même comme Marx qui au fond montre que derrière les
constructions juridique du droit bourgeois se cache en réalité la domination d’un groupe social sur
un autre. Avec l’idée de nimbe et le fait qu’il ne corresponde jamais à la réalité, il met en doute
comme Marx, Freud ou Nietzsche l’apparente honorabilité ou « légitimité » du pouvoir. Ce n’est
pas une théorie qui convient uniquement à un groupe mais qui peut servir à tous, peu importe les
idéaux. Cette théorie se veut dégager de tout jugement de valeur préalable et donne une vision dé-
taillée de la réalité pour permettre à d’autres de se baser sur ces jugements de réalité pour adopter
une stratégie politique en s’appuyant sur les analyses de Lucien François.

5. Le jurème contenant de tout système


Ce qui caractérise le jurème n’est pas le contenu mais le contenant dont l’injonction accompagné
d’une pression par menace de sanction. Cette théorie aussi peut faire l’objet d’un « bon » usage
qu’un « mauvais » usage. La technique est la même mais le contenu de l’injonction est variable
d’un lieu/d’une époque à l’autre. Ce qui fait la spécificité du droit est qu’il est un contenant caracté-
ristique mais il n’y a pas de contenu spécifique, c’est ce qui permet à l’auteur de faire des rappro-
chement que nous considérions comme insolites. C’est un mythe de croire que le droit ne peut ser-
vir uniquement qu’à des buts louables.

Prolégomènes aux parties suivantes

Dans la philosophe politique, dont la philosophie du droit n’est qu’une partie, la question du pou-
voir est la question la plus important. Il y a 2 façon de répondre à cette question :
1. Donner une représentation du pouvoir et les conditions auxquels se pouvoir est légitime.
Ce n’est pas décrire comment le pouvoir fonctionne mais une réponse qui consiste à dire
quelles exigences le pouvoir doit-il remplir pour être considéré comme légitime. Il y a des
conceptions du pouvoir fondées sur des jugements de valeur disant que doit être un pouvoir
pour être légitime. Ce sont les théories de la souveraineté qui la légitime.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

2. La volonté de renverser les premières théories traduisant un idéal de pouvoir. Ce sont des
théories critiques qui veulent montrer qu’il se passe autre chose derrière les représentations
du pouvoir affin de contester le pouvoir en place. Ce sont les théorie critique de la souve-
raineté.
3. Indépendamment des positionnements politiques, on peut se demande comment fonctionne
concrètement le pouvoir. On essaye de s’en tenir à une description de ce qu’il se passe, de
se limiter à des jugements de réalité à la différence des 2 premières catégories. Lucien
François s’inscrit dans cette troisième catégorie.

Michel Foucault (1926-1984) était professeur au Collège de France. On distingue 3 grande période
dans son travail :
• Années 1960 à partir de sa thèse de doctorat « Histoire de folie à l’age classique » où il
traite de la façon dont les sciences émergent et s’institutionnalisent. Ce qui l’intéresse dans
l’histoire des savoirs est qu’ils naissent à un moment historique précis. Ce n’est pas un ha-
sard si la psychologie, psychiatrie et psychanalyse sont nées à une certaine époque. Il se
demande : Comment les sciences psychologiques ont séparé les humains sains d’esprit et les
fous ? Comment la criminologie a établi une séparation entre les humains inoffensifs et les
individus dangereux ? Comment dans le domaine de la sexualité la médecine et la psychia-
trique on séparé les individus d’une sexualité normale et tous les individus qui ont une
sexualité anormale ? Toutes ces sciences de l’homme se fonde sur un classement entre indi-
vidus, chaque être humain devenant un objet de savoir. Les individus que nous sommes sont
appréhendés par le savoir, individus objectivés par les savoirs. C’est la période de l’archéo-
logie des savoirs. Foucault s’intéresse à la constitution des savoirs, à leur émergence et à
la typologie des individus que ces savoir réalisent.
• Années 1970. Il va s’intéresser à la forme que prennent les rapports de pouvoir, leurs ob-
jectifs étant entendu que dans les rapports de pouvoirs, il y a un point commun avec les sa-
voir : chaque individu se voit assigner un place déterminée dans la société. C’est l’étude de
l’assujettissement des individus les uns aux autres. Cette période est appelée la période gé-
néalogique des rapports des pouvoirs au sein des sociétés occidentales modernes. Aussi
bien du point de vue des savoirs que des pouvoirs, les sujets que nous sommes ne sont pas
libres car on est objectivé par les savoirs mais aussi assujettis par les rapports de pouvoir.
Au terme de ces 2 périodes, on lui a reproché un vision déterministe des rapports sociaux
car chacun d’entre nous dès sa naissance est à la fois objectivée par les savoirs et assujettis
par les relations de pouvoir. Où est la liberté humaine dans tout ça ?
• Fin des années 70 jusque sa mort. Il cherche à savoir comment chacun peut se libérer to-
talement ou partiellement des savoirs qui objectivent et des pouvoirs qui assujettissent.

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Partie II – Un éclairage philosophique de la microscopie du droit : la démarche généa-


logique de Michel Foucault – TABLEAU -

Titre 1 - Le modèle de la souveraineté

Chapitre 1 : Fondements

C’est la représentation juridico-philosophique du pouvoir. Elle repose sur 3 postulats :


1. Au début, il n’y avait que des individus isolés les uns des autres, vivants à l’état de nature
antérieurement à toute société politique.Ces individus ont des droits naturels ou primitifs.
2. Cette vision idéale retrace la genèse de l’État à partir d’un contrat social que les individus
à l’état de nature acceptent de conclure pour organiser leur relation afin d’échapper au chaos
et à l’anarchie. Ce contrat les sort de l’état de nature et crée l’État, la société politique. Ap-
pelant à une représentation pyramidale.
3. Le pouvoir ainsi créé se manifeste dans la forme de la loi. C’est la loi qui est la manifesta-
tion fondamentale du pouvoir.
Sur ces 3 postulats se sont fondées des philosophie différentes, celles de Hobbes (XVIIe siècle),
Locke et Rousseau (2ème XVIIIe siècle).

1. L’état de nature
Chez Hobbes, c’est un état de peur en ce sens que chaque être humain a un droit de nature, nom
donné à l’idée de la liberté absolue, aucune limite n’est imposée aux individus. Ils sont amenés po-
tentiellement à user d’une liberté absolue. Le problème dans un tel état de nature, c’est que les su-
jets peuvent vouloir accaparé une même chose, un même bien puisqu’il n’y a aucune règle qui ré-
partisse les propriété de chacun. Avec l’idée qu’on peut user de n’importe quel moyen en leur enle-
vant la vie par exemple. Or tous les êtres humains sont égaux en force, personne ne peut l’emporter
sur l’autre car les différences de force sont relatives. Celui qui serait plus fort qu’un autre pourrait
se dire que l’autre est plus rusé le poussant à s’abstenir, l’autre se dira l’inverse. C’est une guerre
de tous contre tous dans laquelle chacun croit que l’autre pourra faire représailles. Tout le monde
campe sur ses positions et craint qu’un semblable lui enlève la vie. C’est la peur de la mort qui
conduit les autres humains à conclure le contrat social.

Pour Locke, cet état n’en est pas un état d’hostilité mais un état où il y a un certain nombre de
droits naturels se déclinant dans l’idée de propriété. Propriété d’un bien mais aussi propriété de
soi-même, ce que nous appelons la liberté individuelle qui est un droit naturel. Il faut que ces
droits naturels soient protégés par un autorité ce qui implique de sortir de l’état de nature et de
passer au contrat social. C’est donc le moment où les individus commencent à acquérir leur pre-
mière propriété et à la faire fructifier.

Chez Rousseau, l’état de nature est un état de paradis terrestre mais ce n’est parce que de mau-
vais sujets commencent à user de méthodes employant la force ou la contrainte que la nécessité se
fait sentir de s’en préserver en instituant le contrat social.

2. Le contrat social
Chez Hobbes, c’est la peur de la mort qui amène les individus à sortir de l’état de nature. Il existent
des droits de natures, des prérogatives des individus mais aussi des lois de nature, obligations im-
posées aux êtres humains. La première loi de nature est le devoir de se conserver, loi au nom de la-
quelle les humains vont conclure un contrat social. Certains humains par le contrat social renoncent

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à leurs droits de nature, leur liberté absolue. Tous ne sont pas parties à ce contrat car il existe des
êtres humains qui conserve leur puissance absolue formant ce que Hobbes appelle le Léviathan, un
monstre biblique composé de plusieurs corps humains. Ce Léviathan est l’État, l’ensemble des
êtres humains qui conservent une puissance absolue. Il s’établit entre les êtres humains parties au
contrat social et ceux formant le Léviathan un rapport de représentation. Le Léviathan est institué
par les parties au contrat social pour les représenter. Ce Léviathan leur garanti une sécurité pour
laquelle les sujets renoncent à leur liberté.

Chez Locke, le principe est le même, le contrat social fait renoncer à une partie des libertés des su-
jets et ceux qui représente l’État ne sont pas partie au contrat. La différence avec Hobbes, c’est qu’il
existe un noyau de droits naturels inaliénables et intransmissibles car relevant de la nature de
l’homme. Aucun homme ne peux s’en dépouiller même pas le souverain, c’est le droit de propriété
des biens et de liberté de soi (individuelle). La conséquence est que comme la renonciation n’est pas
totale, si le souverain se mettait à vouloir porter atteinte à ces droits naturels sans raison (tyran)
alors les sujets auraient un droit de résistance, de désobéissance à ce souverain. Alors que chez
Hobbes, l’obéissance au souverain est absolue, dans le système de Locke, l’obéissance n’est que
conditionnelle.

Chez Rousseau, le contrat social est passé par tous les êtres humains sans exception parce que ces
êtres humains ont une double facette. Ils acceptent de devenir des sujets mais ils participent aussi à
l’élaboration de la volonté générale. On est tous, dans ce modèle, à la fois sujets et souverains. Le
contrat social n’a as pour but d’établir une domination entre sujets et Etat (Léviathan). Le peuple
est celui qui obéit et celui qui commande.

3. La loi
C’est la loi qui est la manifestation évidente du pouvoir. C’est par la loi que chez Hobbes, le Lé-
viathan peut interdire les comportements nuisant à la sécurité publique mais aussi rétrocéder aux
sujets une partie des libertés abandonnées sous la forme de libertés concédées. Elles ne sont en rien
naturelles alors que chez Locke il y a certaines libertés inaliénables comme la propriété. Chez
Rousseau, la loi est l’expression de la volonté général.

Les philosophes et juristes qui développent la vision du pouvoir souverain n’ont pas l’intention de
raconter l’histoire telle qu’elle s’est passé mais de justifier rationnellement la nécessité qu’il y a
d’avoir certains qui commandent et d’autres qui obéissent.

Chapitre 2 : Traits caractéristiques

Il y en a 6 dont 5 sont proclamés tant par les défenseurs du pouvoir souverain que ses détracteurs
alors que le dernier n’est signalé que par les détracteurs. On parle d’une approche politique du
pouvoir souverain mais il faut que du point de vue des jugements de réalité, on estime que la
théorie souveraine du pouvoir rende adéquatement compte de la réalité. Il y a une sorte d’accord
pour dire que le pouvoir s’exerce sous la forme d’une souveraineté. Une fois cela observé, du point
de vue du jugement de valeur, on peut se poser les questions suivantes : Est-ce que ce pouvoir
souverain que l’on a établi est-il bon ou mauvais. Est-ce une instance qu’il faut défendre ou criti -
quer et renverser ?
Il y a un accord sur le jugement de réalité entre les défenseurs de l’État puissance absolue et ceux
qui en en admettant l’existence veulent l’attaquer. Parmi ces derniers, il y a une série de théoricien
qui se sont inspiré de Marx et de Freud, les Freudo-marxiste. Parmi eux on peut compter Reich et

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Marcuse qui ont été les 2 intellectuels qui vont critiquer durement ce pouvoir répressif se cachant
derrière l’État.
Ex : Sous ces pensées, au lendemain de Mai 68, certains s’investissent dans les mouvements de libération
sexuelles. La sexualité était réprimée lors de l’expansion du capitalisme industriel au XIXe sicle. A cette
époque, la sexualité était uniquement utiliser pour agrandir la masse des prolétaires afin de faire un usage in-
tensifié et économique de leur force de travail et non à s’adonner au plaisir.

Les caractéristiques du pouvoir souverain sont :


1. L’instance de règles
Le pouvoir prend la forme de la loi et s’exprime à travers des règles.
2. L’interdit
En ce sens que le pouvoir souverain a vocation à dire non aux aspirations, désirs er volontés
des individus afin de faire régner l’ordre.
3. Structure pyramidale
Le pouvoir est forcément hiérarchisé et se diffuse du haut vers le bas, le sommet étant occu-
pé par le souverain et le bas par les sujets.
4. Pouvoir qui fait mal
Pouvoir qui se caractérise par le fait qu’il a le droit de prendre la vie, la liberté, les biens de
ses sujets. Le souverain peut prendre la vie de ses sujets en les envoyant à la guerre ou en
faisant exécuter la peine capitale. Le souverain peut prendre la liberté des individus. Au
nom du souverain, certains délinquants sont enfermés contre leur gré dans des institutions
établies à cet effet. Il peut aussi aller jusqu’à prendre les biens de ses sujets en raison de
l’impôt.
5. Pouvoir discontinu
Le souverain n’est pas là en permanence, n’est pas omniprésent.
Ex : Guerre, ce n’est pas constant mais il est en mesure de la faire de temps en temps.
La nécessité pour le souverain est de montrer de quoi il est capable aux moments de guerre
ou d’exécutions capitales. Le pouvoir n’est pas permanent mais visible.
6. La monocausalité
Fondement sur lequel a pu se bâtir l’État souverain que sont les besoins du capitalisme se
développant aux XIXe siècle. Tel que la répression de l’homosexualité car pour le capita-
liste, la sexualité n’a d’utilité que si elle permet de reproduire de la force de travail. Par
conséquent, tout le reste est perte de temps, d’énergie, de force qui aurait pu être mieux utili-
sée dans le cadre du travail du capitalisme du XIXe siècle. C’est en raison de ces exigences
qu’il aurait fallu établit cet Etat. Ce dernier trait est quelque chose qu’on ne retrouve pas
chez les défenseurs de l’État souverain. Quand on voit cette construction théorique, on
voit que cette représentation nous est familière car privilégier par les philosophes et juristes.

Titre 2 – Le contre-modèle de la guerre des races

Derrière cette description philosophique et juridique du pouvoir sous sa forme souveraine, c’est un
représentation mythifié faisant fi des éventuelles oppositions et lutte qui se sont jouées durant la
constitution d’un Etat. La théorie de la souveraineté est un modèle qui, presque au moment où il est
évoqué, est attaqué par une contre-théorie qu’est le contre-modèle de la guerre des races qui reste
cependant influencé par certains principes de la théorie de la souveraineté.

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Chapitre 1 : Déplacement des principes fondamentaux du modèle de la souveraineté

1. Renversement des postulats


Cette théorie va renverser les 3 postulats de la théorie de la souveraineté. Pour le contre-modèle, les
individus sont toujours dans des rapports de pouvoir depuis le début. Dans cette contre théorie, il
n’y a pas un moment où les individus auraient été complètement libre de tout état de domination et
de rapport de pouvoir.

Aussi, pour la contre-théorie, l’État n’est pas né d’un contrat social auquel les individus ont adhé-
ré. Comme il y a dès l’origine des rapports de force, l’État n’est pas né d’un moment consensuel
mais d’une guerre originaire entre des groupes antagonistes dont les uns étaient les dominants et
les autres les dominés. L’État est né d’une guerre dont les gouvernants sont les héritiers des vain-
cues et les gouvernés, les héritiers des vaincus.

Enfin, le pouvoir politique peut s’exercer à travers de multiples autres techniques que le simple
énoncé de lois qui interdisent. Il y a pour conserver le pouvoir, toute une série d’autres tactiques que
la simple formule de la loi.

2. Origine des théories


Ce contre-modèle nait à peu près au moment que la théorie de la souveraineté et assez paradoxale-
ment par rapport au contexte où il est né. La fin du XVIIe, la guerre disparaît progressivement du
quotidien de l’Europe. Cela tient au fait qu’aux mercenaires qui vendaient leur services aux Etats,
ont succédé de véritables armées professionnels conscientes du fait qu’il n’est pas bien vu de systé-
matiquement provoqué des guerres. C’est à ce moment qu’à lieu le développement de la théorie de
la guerre des races. Le mot race à une fonction sociologique et renvoie à des groupes antagonistes.
Même sous cet ordre apparemment pacifique, couve toujours les braises d’une guerre possible car
les dominés veulent peut être prendre leur revanche. Les dominants doivent toujours se préparer à
une guerre s’ils veulent conserver le pouvoir et ne pas se faire renverser par les dominés qui vou-
draient accaparé le pouvoir.

3. L’apport de Foucault et renversement des principes


Foucault va renverser la formule de Clausewitz, militaire prussien, « La guerre, c’est la continua-
tion de la politique par d’autres moyens ». Il s’appuie dessus pour la renverser et dire que « La po-
litique, c’est toujours la continuation de la guerre par d’autres moyens », la naissance d’un Etat au
terme d’une bataille n’éteint pas la guerre préalable toujours sous-jacente. Le pouvoir n’est pas
une instance qui résulte de la raison mais constitue le fruit d’un rapport de force. Le pouvoir
continue toujours de s’appuyer sur les rapports de force qui l’on rendu possible.

Il contribue à renverser les 3 présupposés de la théorie de la souveraineté :


1. Pour la théorie de la souveraineté, l’état de nature dans lequel les individus sont dotés
d’une liberté absolue, antérieure à toute institution du pouvoir. On conçoit l’individu
comme un être humain abstrait sur lequel aucun pouvoir n’a pu s’exercer. A l’inverse,
dans la contre-théorie, l’individu appartient à un camp ou à un autre, dominant ou domi-
né. Dès lors, le but n’est pas de faire triompher le droit ou la vérité car il sait bien qu’il n’y
en a pas d’universel. Chacun veut faire triompher sa vérité. Ce n’est pas le droit qui s’ap-
plique sur le territoire mais celui des vainqueurs. Par ruse, les vainqueurs peuvent essayer de
présenter leur droit ou leur vérité comme étant unique.

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2. Vision pyramidale où le pouvoir s’exprimant est opposé à une vision plus complexe et dia-
lectique du pouvoir. S’il y a un Etat occupé par les dominants, c’est qu’il y a eu des guerres,
des rapports de force qui ont fondé l’État mais qui n’en proviennent pas. L’État est toujours
influencé par des rapports de pouvoir se situant en dehors de lui, dans les positions entre
dominants et dominés. Ces rapports conditionnent son existence.
3. Pour la théorie, la représentation du pouvoir souverain ne s’appuie sur aucun fait histo-
rique. Il ne s’agit que d’une fiction ayant pour objectif de fonder en raison le devoir
d’obéissance des sujets. Or c’est de façon différente que les défenseurs agissent, ils se
basent sur la véritable histoire. Il s’agit de naré une histoire permettant de mettre en valeur
les luttes, antagonismes qui structurent la politique dans tout Etat. Cette théorie s’appuie sur
ce qu’il s’est réellement passé et les impacts sur la politique.

Chapitre 2 : Origine : un courant de pensée historico-politique aux XVIIe et XVIIIe

1. Hobbes ? Non
On pourrait revenir à Hobbes qui dit que dans l’état de nature, il y a « une guerre de tous contre
tous ». Lié le thème de la guerre à la politique, c’est se demander si Hobbes n’est pas le père de ce
contre-modèle. En réalité non car cette guerre de tous contre tous est cet état ou chacun est libre par
nature et peut s’accaparer un bien. Si plusieurs veulent se biens, ils doivent se faire la guerre, guerre
qui ne se déclenche jamais par peur. On peut rapprocher ça à la Guerre froide où chacun des blocs
n’a jamais agit menant à une guerre effective. En réalité, c’est une guerre diplomatique entre tous
les individus à l’état de nature. Ce n’est pas le thème de la guerre qui est en cause chez Hobbes mais
la crainte ou le risque de cette guerre. Or ce qui est cause dans le contre-modèle sont des guerres
effectives. Hobbes ne peut être fondateur de cette théorie de la guerre des races. Il se rattache plus
facilement à la théorie classique de la souveraineté. Or, on ne peut se retrouve dans le contre-mo-
dèle en même temps.

2. Les antagonismes anglais et français : origines de la pensée


La littérature qui en fait état est une littérature historiographique à la frontière du discours poli-
tique et du discours juridique. C’est une histoire que l’on peut imputer à des personnes moins
connus et à travers 2 grands Etats à la fin du XVIIe et XVIIIe que sont l’Angleterre et la France où -
des historiens vont raconter une histoire de France ou d’Angleterre fondée sur la guerre des races.

En Angleterre, à la fin du XVIIe à une époque où le nouveau roi d’Angleterre se caractérise par
une tendance autoritaire alors que ses pouvoirs sont limités par le Parlement, certains historiens
proche des parlementaires attaqués par le roi, vont tenir un discours disant que cette crise institu-
tionnel n’est que la résurgence de la guerre des races qui a conduit à la naissance de l’Angleterre
de l’époque. Au fond, l’Angleterre actuelle est le fruit de l’invasion du territoire anglais lors la
bataille de Hastings en 1066 par les Normands jusque là occupé par les Angles et les Saxons. Les
historiens disent que toute l’histoire d’Angleterre jusqu’à ce moment peut être relue par l’antago-
nisme entre les Anglo-saxons dont les héritiers sont des dominés et les Normands dont les héri-
tiers sont les dominants créant la division entre le Roi et l’aristocratie d’un côté et le peuple héri-
tiers des anglo-saxons. Chaque groupe va développer son propre droit : opposition entre droit écrit
des vainqueurs et droit du peuple (vaincus) s’incarnant dans le Common Law. L’opposition entre le
roi et le Parlement est un nouvel épisode qui oppose les Normands aux anglo-saxons. Lorsque le
Roi veut que son Roi occupe tout le terrain au mépris du Commun Law, il est bloqué par les juges
qui vont s’appuyer sur l’histoire d’Angleterre pour lui opposer leurs rôles de gardiens du Common

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Law. Parmi ces juges, il y a Edward Coke qui s’est battu pour la Common Law. C’est dans les
textes des juges que l’on peut trouver cette vision belliciste des rapports de pouvoir.

En France, au XVIIe, Louis XIV a découvert que les richesses du pays provenait la bourgeoisie
marchande composant du Tiers-Etats. Il a vu dans ce constat la nécessité ou l’intérêt de nouer une
relation plus étroite avec cette bourgeoisie. Or ce rapprochement va être très mal vu par une grande
partie de l’aristocratie (la Cour) et le clergé qui le considérait comme contre-nature. Pour justifier
cette hostilité à ce partenariat, certains nobles vont convoquer des historiens destiné à prouver que
la division en 3 états en France était le fruit d’une guerre à l’origine de cette organisation. Ils font
appel à Boulainvilliers dont Foucault résume la théorie. Son idée est que la France de Louis XIV
est l’héritier d’une guerre entre les Francs qui ont envahis l’actuel territoire français au IVe siècle
et la population gallo-romaine, les dominés. Au fond, la noblesse et le clergé, classes dominantes
de la société française, sont les héritiers des Francs alors que le peuple est l’héritier de gallo-ro-
mains. Ces races ne doivent pas se mélanger. A la lecture de cette vision de l’histoire de France sur
laquelle l’A.R s’appuierait, Louis XIV trahit sa race, la classe à laquelle il appartient. Cette vision
historique va être utilisée pour expliquer les événements dans lesquels les vaincus d’hier devien-
dront les vaincus d’aujourd’hui et de même pour les vaincus. Certains historiens favorables à un ré-
gime républicain vont essayer d’expliquer la Révolution comme une lutte entre les 2 antagonistes
présent en France. Lutte où les ex-vainqueurs, clergé et noblesse deviennent les dominés et où le
Tiers Etat prend le pouvoir. Ceci prouve que la guerre originaire n’est jamais éteinte. Jules Mi-
chelet et Augustin Thierry sont des historiens célèbre de la révolution qui adopter une vision simi-
laire. C’est de l’histoire mythifiée mais avec ces oppositions binaires, beaucoup de Français et An-
glais ont appris à lire l’histoire de leur pays. C’est une histoire mythifiée, un mythe-histoire présen-
tant ces oppositions binaires.

Chapitre 3 : Actualisation aux XIXe et XXe siècles : La lutte des classes

En vérité, il reste intéressant d’évoquer ce contre-modèle car aux XIXe et au XXe puisque cette thé-
matique a été de nouveau en appliquée en théorie puis en pratique avec des régimes politiques.

1. Marx, de la race à la classe sociale


Foucault fait l’hypothèse que Marx aurait été influencé par la guerre des races à travers la lecture
de romans de Walter Scott, auteur écossais de « Ivanhoé ». Chez Marx, il y a des rapports de pro-
duction entre les propriétaires du facteur capital et ceux qui ne peuvent user de que de leur f orce de
travail. Dans toute société, le point de départ est que certaines personnes détiennent des biens
qu’ils peuvent faire fructifier en employant d’autres êtres humains qui n’ont que leur force de tra-
vail pour vivre. Il s’établit entre les capitalistes et les prolétaires une relation de production dans
laquelle les titulaires du facteur capital sont en mesure d’exploiter à leur profit la force de travail
des titulaires du facteur travail. Il y a toujours une relation qui s’établit entre ceux qui possèdent les
moyens de production et ceux qui ne peuvent vivre que de leur travail.

Il ne s’agit plus de parler de races mais de classes sociales se caractérisant par le facteur de produc-
tion auquel elles se rattachent. Cette relation de production est désigné par Marx comme l’infra-
structure, tout société est fondée sur cette infrastructure économique avec certains titulaires de fac-
teurs de production qui vont être les dominants et d’autre part, une classe sociale considérée
comme la classe dominée. Pour pouvoir perdurer, cette infrastructure a besoin de se parer d’un cer-
tain nombre d’illusions qui vont résulter des multiples discours tenus par la classe dominante pour
masquer sa domination. Les discours trompeurs et illusoires portent le nom d’idéologie chez Marx

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constituant ce qu’il appelle la superstructure. Cette dernière est donc constitué de cette idéologie
résultant de cette infinité de discours légitimateurs. Le discours philosophique ou de la religion re-
lève de la superstructure ayant pour effet de renforcer la domination d’une classe sur une autre.
Ex : Morale qui place l’altruisme par dessus tout dont l’intérêt égoïste. On inculque ça au prolétariat qui ne
doit pas se renfermer sur sa pauvreté mais travailler. La vertu évangélique qu’est celle de la pauvreté où il
n’y a aucun intérêt à chercher à s’enrichir car l’essentiel du bonheur est dans le monde d’après donc ça ne
sert à rien de se battre pour avoir de meilleurs conditions (de travail) sur terre.
Marx dit de la religion qu’elle est l’opium du peuple car elle console l’être humain en lui promet-
tant une vie céleste beaucoup plus agréable.

Le discours juridique fait aussi partie de la superstructure car les textes trompent aussi les indivi-
dus. En particulier lorsqu’ils s’expriment sous des règles valables pour tous. Or ces discours uni-
versalisant sont un masque pour des textes qui en réalité ne profitent qu’à une partie des individus.
Marx va dire que le droit bourgeois s’exprime en terme universel et abstrait.
Ex : Art.544 et art.1134, le droit de propriété privé et la liberté contractuelle/convention-loi. Tout le monde
peut exercer ces droits. Ils apparaissent comme valables pour tous sans distinction de classe Or, s’agissant de
la propriété privée, seuls ceux qui ont les moyens financiers d’accéder à la propriété privée peuvent exercer
ce droit. Il y a une partie économiquement plus puissante, l’employeur, et une plus faible, le travailleur.
L’employeur pouvait imposer toutes les conditions qu’il voulait au travailleur comme de la législation pro-
tection n’existait pas.
Marx critique avec force et conviction le droit bourgeois en ce sens que pour lui, ce droit ne pro-
clame que des égalités formelles car en fait, se cache des inégalités réelles provenant des relations
de production formant l’infrastructure de la société. La superstructure ne fera que perpétué les rap-
ports de domination entre classes sociales. On pourrait dire que l’égalité formelle n’est qu’une des
conditions de la perpétuation des inégalités réelles. La morale, le droit et la religion formant la su-
perstructure ne servent qu’à encourager ou renforcer le régime économique en place favorable aux
capitalistes/bourgeois.

2. Régimes politiques communistes et marxistes


Cette vision va alimenter la doctrine communiste qui va alimenter des régimes politiques nou-
veaux qui sont fondés sur l’idée que pour toucher à l’infrastructure, il faut un État fort ne nécessi-
tant plus de droit. Idée mise en pratique par l’instauration en 1917 d’un régime dont le droit et l’État
n’étaient censé être que transitoires. La guerre des races a trouvé à se réalimenter à travers la pensée
de Marx.

3. Critique du modèle par Foucault


Foucault est moins critique qu’il ne l’est à l’égard de la théorie de la souveraineté car le mérite de
ce contre-modèle est de vouloir collé le plus possible avec la réalité. Néanmoins, ce contre-modèle
n’en reproduit pas moins certains défauts ou certaines faiblesses de la théorie souveraine du pou-
voir. On a toujours un représentation pyramidale du pouvoir se fondant sur des concepts généraux
sans prendre la peine de regarder comment fonctionne au quotidien les rapports de pouvoir. Ces
théories ne s’intéressent qu’aux formes terminales du pouvoir, dans lesquels le pouvoir se mani-
festent en fin de compte mais ne cherchent pas à savoir ce qui les a rendu possible. Ce que Fou-
cault propose de faire en proposant d’aller dans la précision après avoir effectué la critique des 2
modèles.

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Titre 3 - La théorie foucaldienne du pouvoir

Chapitre 1 : L’analytique du pouvoir : principes fondamentaux

Il emploi des méthodes différentes de la vision traditionnelle que la philosophie occidentale a em-
ployé. Ces choix sont au nombre de 4 qui renouvellent notre vision du pouvoir.

1. L’approche microphysique du pouvoir


Il décide d’aller à contre-courant des 2 théories précédentes car ces 2 visions sont trop globalisantes.
Elle aborde le pouvoir en le réduisant au souverain et ses sujets, les dominés et les dominants ou
encore les classes sociales. En réalité, le pouvoir selon Foucault commence avant l ‘émergence des
ces grandes instances, à un niveau plus limité et mobile. L’approche du pouvoir ce veut plus analy-
tique que ces prédécesseurs. Il ne s’agit pas de nier les effets globaux que ces rapports de pouvoir
localisés, succincts et mobiles peuvent finir par créer mais il ne s’agit des formes terminales du pou-
voir. Il faut d’abord étudier les formes les plus minuscules du pouvoir et la manière dont elles s’ar-
ticulent pour former les formes terminales du pouvoir. Cette microphysique du droit doit être mise
en rapport avec la microscopie du droit. La démarche épistémologique est la même. On ne part pas
des manifestations complexes d’un phénomène pour le décrire mais à l’instar des sciences du vi-
vant, on étudie à partir des manifestations les plus simples pour aller vers celles plus sophistiquées
du même phénomène. C’est une démarche dans le domaine de la philosophie politique qui est ana-
logue à la démarche de Lucien François dans la philosophie du droit. Foucault expose sa concep-
tion du l’étude du pouvoir dans « La volonté de savoir » constitué d’une histoire de la sexualité.
Sous couvert d’une histoire de la sexualité, il consacre une grande partie de cet ouvrage a développé
ses conceptions du pouvoir. Passage p.121 et 122 du Manuel où il dit que pour étudier le pouvoir,
on ne commence pas par examiner ses formes les plus complexes. Il faut d’abord faire une analyse
de ce qu’il appel les jeux de pouvoir qui traversent la société, constamment changeanst au sein
d’une société donnée. La représentation du pouvoir chez lui est moins nette que les représentations
traditionnelles du pouvoir car pour lui, derrière les formes terminales, il y a d’abord des jeux de
pouvoirs plus succincts qu’il faut étudier pour comprendre comment leur articulation à mener à un
pouvoir plus global dans l’État ou dans une société donnée.

Pour lui, le pouvoir est le nom qu’on prête à une situation stratégique complexe dans une société
donnée. Ce n’est pas une structure mais un nom. Cette affirmation mène au second choix de mé-
thode.

2. Conception nominaliste du pouvoir


Au XIVe siècle, débat fondamental qu’est la querelle des universaux.
Ex : « Le nom de la rose » d’Umberto Eco. Quand on essaye de regarder la réalité qui nous entoure et que
l’on voit des roses, on voit des individualités, une rose puis une autre formant un parterre de roses. Mes sens
me permettent de percevoir des individualités, en l’espèce une série de roses. La question est de savoir si au-
delà de ces individualités, il existerait, dans la réalité extérieure à notre conscience un universel rose ? S’il
existe dans une réalité extérieur à notre conscience mais non visible quelque chose comme l’essence de
toute rose que nous pourrions déduire d’une observation plus fine de la réalité extérieure à notre conscience.
Cela vaut aussi pour l’Homme, je peux croiser des individus être humains que l’on peut désigner comme tel
mais existe-t-il quelques chose comme « l’humanité » ? La réalité comprend-elle l’humanité, l’essence de
l’humain ?. Dans les rapports humains, on peut voir un échange juste et équitable que l’on observe dans
d’autres échanges. Mais, est-ce qu’à côté de ces individualités, existe-il une essence de la justice ou de
l’équité comme réalité extérieure à notre conscience ? La justice, l’humanité et la rose sont des universaux
dans la philosophie. Ces mots, ces universaux renvoient-ils à une essence présente dans la réalité ?Ou bien

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alors, l’universel rose n’est rien d’autre qu’un nom qui permet à l’esprit humain de désigner toutes les indi-
vidualités correspondant à la signification de ce nom. Rose ne serait qu’un nom qui ne renvoie qu’à des indi-
vidualités. Il ne s’agit que d’un acte de langage par lequel les hommes s’accordent pour désigner ensemble
les mêmes individualités avec le même nom afin de communiquer entre eux. L’universel rose n’existant qu’à
l’état de concept servant simplement à communiquer. De la même façon, le mot humanité ne nous permet
que de renvoyer à certains êtres vivants qui ont des caractéristiques spécifiques que nous avons appelés hu -
mains sans que l’humanité n’existe dans la réalité extérieur à notre conscience. Le mot justice ne renvoie
qu’à des situations concrètes dans lesquelles nous croyons percevoir un rapport juste et équitable entre indi-
vidu. Il n’y a pas de justice abstraite immanente qui existerait dans la réalité extérieure à notre conscience.
Les universaux renvoient à des réalités extérieures à notre conscience tandis que dans la thèse opposés, les
universaux ne sont que des concepts sur lesquels nous nous entendons pour désigner certaines entités singu-
lières.
La première théorie, la théorie réaliste (réalisme) court depuis Aristote jusque Thomas d’Aquin.
La grande rupture s’opérant au XIVe siècle, c’est que cette vision réaliste va être supplantée par la
seconde qu’est l’approche nominaliste que l’on doit à Guillaume d’Occam. Eco donne à l’un de
ses personnages Guillaume de Baskerville mélangeant le philosophe et un roman policier. Selon
cette dernière vision, les universaux ne sont que des noms.
Note : Réalité extérieure à notre conscience, c’est se demander si un universel existe ailleurs que dans notre esprit (inté-
riorité, cerveau). Un autre état qu’un concept. La question est de savoir s’il existe en dehors de notre cerveau, autour de
nous, en plus de toutes des entités « roses », une essence de la rose. En tant que modernes, nous sommes baignés dans
une approche nominaliste des choses.
Ex : Utilisation du mot siège, ne renvoie à aucun universel extérieur à moi. C’est un concept, un outil de langage nous
permettant de communiquer.
La querelle des universaux est le débat sur les universaux. S’ils sont dans une réalité externe (réalisme) ou s’ils ne
sont que des noms ne renvoyant qu’à des entité singulières (nominalisme).

Foucault va appliquer cette démarche nominaliste à la question du pouvoir. La microphysique du


pouvoir va de paire avec une méfiance à l’égard des universaux et surtout l’universel-Etat. Alors
que toute la philosophie occidentale moderne relatif au pouvoir s’est appuyé sur l’État. Foucault
défend une approche nominaliste en partant du principe qu’il n’existe pas des instances transcen-
dantes telles que l’État, la souveraineté ou la domination. Il propose de partir de pratiques singu-
lières qui ont fini par former ces concepts d’État, de souveraineté et de domination. Il a fait un dis-
cours intitulé « Naissance de la biopolitique » où il dit qu’il délaisse les universaux pour voir les
représentations que l’on peut se donner. Le fait que l’universalité droit existe doit être mis en
doute (p.30 du Cap). Lucien François et Foucault partage une méfiance à l’égard de la réalité des
universaux. Ce second choix de méthode est en résonance avec la démarche de Lucien François.

3. Remplacement des universaux


Il va remplacer les universaux par de nouveaux concepts désignant les pratiques concrètes qu’il va
analyser. Ce n’est pas des néologismes mais surtout des mots préexistants auxquels il donne une
signification précise comme généalogie, discipline, biopouvoir ou dispositif. Comme Lucien Fran-
çois, il tente de nous débarrasser des conceptions familières pour penser autrement grâce à des
concepts nouveaux. C’est le 3ème rapprochement avec la démarche de Lucien François.

4. Refus de toute approche prescriptive du pouvoir


Les philosophes lorsqu’ils étudient le phénomène politique, sont attachés à décrire ce que serait le
pouvoir idéal ou découvrir les conditions qui ferait qu’un pouvoir est légitime.
Ex : IVe avant J.-C., Platon dans « La République » s’attache à dire ce que devrait être un régime politique
pour être parfait. Sa position se place du côté des jugements de valeurs. Hobbes, Locke et Rousseau
tentent de retracer de manière fictive la constitution de l’État afin de convaincre les sujets qu’ils doivent

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obéir au pouvoir qui s’exerce sur eux. Locke et Rousseau expliquent à quelles conditions le pouvoir politique
peut s’exercer légitimement (supra). Ils se situent aussi du côté du devoir être.
Foucault se refuse à cette démarche qui si situe du côté des jugements de valeur. Il faut juste ré-
pondre à la question du pouvoir et de son fonctionnement sans se préoccuper de savoir si le pouvoir
est bon ou mauvais. Il souhaite réaliser une réflexion portant sur être du pouvoir, un jugement de
réalité. C’est encore une proximité entre la démarche de Lucien François et celle de Foucault.

5. Les 3 principes fondamentaux qui gouvernent les rapports de pouvoir (voy. p.62 et 63)
Ces choix de méthodes permettent d’identifier 3 principes fondamentaux qui gouvernent les rap-
ports de pouvoir :
1. Le pouvoir ne doit pas s’analyser en terme de propriété comme si c’était un bien dont cer-
tains seraient les propriétaires exclusif. Aucun individu ne détient le pouvoir comme une
propriété immuable car la situation est constamment changeante. On doit analyser ce pou-
voir en terme d’exercice.
Ex : La vie conjugale dans laquelle règne une relative égalité. On est systématiquement en recherche
d’obtenir de l’autre des comportements qui nous plaisent via des gratifications ou des menaces. C’est
rarement l’un des 2 qui est soumis au pouvoir de l’autre, il y a de constant changements.
Le pouvoir s’exerce partout de manière multilatéral. C’est cela qui de proche en proche
aboutit à des systèmes de pouvoir plus globaux. Lorsqu’on analyse le pouvoir sous la forme
de l’exercice, on voit qu’il n’y a pas cette binarité entre ceux qui détiennent le pouvoir et
ceux qui en sont dépourvus, vision simpliste qui ne rend pas compte de la complexité des re-
lations de pouvoirs inférieurs qui ont rendu possible l’émergence d’une classe sociale ou de
l’État.
2. Le pouvoir vient d’en bas. Paradoxe aux 2 autres théories représentant le pouvoir sous une
forme pyramidale avec un bas, les dominés, et un haut, les dominants. Or pour Foucault, s’il
y a du pouvoir en haut c’est parce que des jeux de pouvoirs ont permis l’avènement d’une
classe sociale déterminée, d’un pouvoir déterminé.
Ex : Sous l’A.R., on présente le pouvoir tout entier entre les mains du monarque absolu de droit di -
vin. Les autres, la population, n’a d’autre choix que d’obéir. Le Roi est une sorte de tyran capable
d’embastiller n’importe qui à son bon vouloir. Si on regarde comment fonctionnait les injonctions
par lesquels le Roi décidait d’enfermer quelqu’un, on se rend compte que ces lettres de cachet
n’étaient pas prises à l’initiative du monarque de droit divin. C’est la famille qui écrivait au Roi pour
lui demander l’enfermement du membre de la famille récalcitrant. Le pouvoir du Roi n’est pas arbi-
traire mais n’était que la forme ultime d’un pouvoir qui c’était déclenché plus bas, le pouvoir fami-
liale. Le pouvoir du Roi n’était possible que parce que préalablement d’autres jeux de pouvoir exis-
tait au sein d’une cellule familiale.
C’est encore un rapprochement avec Lucien François, car dans la fiction d’aliénation, on
a vu que sous la représentation pyramidale du pouvoir, il y avait un jeu bien plus complexe
de rapports de force au sein d’un agrégat polarisé (chp.13)
3. Là où il y a pouvoir, il y a résistance. La vision classique du lien entre pouvoir et résis-
tance est étrange car veut que lorsqu’il y a résistance au pouvoir, elle se joue en dehors de
tout pouvoir. Il y aurait un dehors du pouvoir d’où la résistance pourrait s’exprimer et
contester le pouvoir.
Ex : Antigone de Sophocle où le Roi Créon décide après que les frères d’Antigone soient exécutés,
qu’ils ne soient pas enterrés et que leurs corps soient jetés aux oiseaux de proie. Créon représente le
pouvoir absolu et Antigone qui se donne pour objectif d’aller enterré ses frères représente une résis-
tance extérieure au pouvoir. On représentent pouvoir et résistance comme extérieurs l’un à l’autre.
Foucault va dire que la résistance n’est jamais extérieure au pouvoir et y est toujours
étroitement lié. Nous sommes tous dans le pouvoir. La résistance ne peut s’affirmer qu’en
étant attaché au pouvoir qu’elle conteste. Pour lui, le pouvoir ne se réduit pas au pouvoir

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souverain répressif. Ces rapports de pouvoirs sont analysés du point de vue du fait que ces
rapports de pouvoir produisent quelque chose. Le pouvoir est aussi de l’ordre de la produc-
tion et non pas seulement répressif. Il est positif car produit des subjectivités. Foucault part
du principe que toute notre vie, nous sommes façonnés par les rapports de pouvoirs. Le pou-
voir contribuant à nous assigner une place dans une société donnée, à nous assujettir à lui.
Ex : Dès qu’on naît il est nécessaire s’identifier à l’État civil. En tant qu’être humain identifié dans
un Etat civil, on est déjà un sujet soumis à un pouvoir donné. Petit à petit ce ou ces pouvoirs vont
nous construire par exemple l’école, l’université via des diplômes nous assignant une place dans la
société. Notre position dans la société va être construite par les rapports de pouvoir auxquels on
prend part. Assujettir est donné aux sujets traits déterminés par des rapports de pouvoir. Tout sujet est
construit par des rapports de pouvoir, on ne peut y échapper.
Pour Foucault, il est absurde de penser l’être humain en tant que sujet qui à l’origine était
doté d’une sorte de liberté naturelle dont le pouvoir nous aurait dépouillé. Pour lui, il
n’existe pas d’état de nature. Le projet politique de résistance d’un sujet ne peut consister à
vouloir retourner à cet état naturel. La question se pose de savoir quelle doit-être le projet
d’une éventuelle résistance ? Elle doit se penser comme une action qui s’exerce sur les rap-
ports de force qui nous ont constitué. On doit se dire que jamais on a été libre, qu’on est as-
sujettis depuis le début et que ce n’est pas un déterminisme absolu. Toute résistance à un
pouvoir donné doit prendre conscience qu’elle est dépendante de ce pouvoir. Pour mener à
bien une résistance efficace, il faut mesurer la part que les rapports de pouvoir ont imprimé
en nous. Après, essayer de se débarrasser d’une partie de ce que le pouvoir a fait de nous
sans nier qu’il est illusoire de retrouver un état de liberté.
Ex : Lutte des personnes de couleurs pour l’égalité des droits civiques dans les années 50 et 60. Il
fallait se rendre compte que cette situation était fabriquée par le pouvoir américain qui avait assigné
les Noirs à un statut juridique inférieur. Ensuite, déterminer où la contestation allait pouvoir porter
comme le combat dans les écoles, les bus ou celui de Martin Luther King. Il faut faire le diagnostic
de la situation d’infériorisation créée par le pouvoir puis arracher progressivement certaines
conquêtes pour retrouver l’égalité.
Ex : Mouvement féministe des années 70 devait faire le diagnostic des discriminations et pratiques
sociales qui infériorisaient la femme dans la société. C’est ensuite que les femmes ont pu arracher
progressivement conquérir certains droits complémentaires v-pour accéder à une forme d’égalité.
Ex : Minorité sexuelle dans les années 80. Même raisonnement.
L’analyse de Foucault est très riche pour ce type de combats contre l’assimilation, la place
que réserve la société à une certaine catégorie de la population. Il n’est possible de penser la
résistance que dans sa connexion avec le pouvoir. Toutes les théories qui établissent une
sorte d’opposition binaire entre le pouvoir et la résistance ne correspondent pas aux pra-
tiques sociales concrètent que Foucault veut étudier de près.

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Chapitre 2 : Les techniques de pouvoir (= moyens) mises au jour par l’analytique fou-
caldienne

Il y a d’autres techniques de pouvoir qui ne nécessitent pas à dire non, à faire mal et se présenter de
manière spectaculaire. Il existe à côté de cela, 2 autres catégories de technique découvertes par la
méthode analytique de Foucault. Ces techniques de pouvoir peuvent s’articuler entre elles pour
mieux gérer un problème.

Section 1 - Les techniques disciplinaires

Il faut parler du livre « Surveiller et punir. Naissance de la prison » de Foucault dont la question
principe est de savoir pourquoi la punition en occident à finit par prendre la forme de l’emprisonne-
ment. Il va d’abord rapprocher deux séquences historiques qui montrent la radicale différence entre
le mode de punir de l’A.R et celui d’aujourd’hui s’exerçant par l’espace carcéral.

1. Approches historiques des peines


Il commence par rappeler la condamnation d’un homme rendu coupable de tentative de régicide,
d’assassiner le Roi. C’est en 1757, que Damiens a fait cette tentative qui ne reste pas impunie. La
Gazette d’Amsterdam, journal populaire, donne les détails de la punition de Damien, peine cruelle
et de torture. Cette exécution publique fait preuve de l’éclat de la punition. On veut montrer à
quel point s’en prendre à la personne du Roi appelle les plus terribles sanctions.

Plus loin, Foucault va citer un autre texte, le règlement de la maison pour détenus à Paris en 1828. Il
s’agit de rythmer article par article la monotone journée de ces détenus qu’on ne touche plus. On a
l’organisation d’une punition prenant la forme d’un enfermement dans lequel chaque individu se
voit attribué un ensemble de tâches rythmant sa journée. La punition est plus monotone que l’éclat
des supplices de l’A.R.

2. Le panoptique, la prison comme mécanisme de rééducation


Comment se fait-il qu’en moins d’un siècle, on soit passé d’un mode de punir spectaculaire de
l’A.R. à un régime de punition beaucoup plus d’où qu’est l’enfermement et la gestion des détenus
durant leur emprisonnement ? Pourquoi la prison est devenu le mode de punition généralisé ?
Les historiens et philosophes disent que c’est la période des Lumières qui a changé cela. Philoso-
phie humaniste qui aurait condamné avec horreurs les supplices de l’A.R. et aurait plaidé pour une
punition plus douce. Mais à regarder de plus près ces philosophes, on se rend compte que pour eux
l’enfermement n’est pas une punition adéquate. Pour eux, chaque infraction est considérée comme
un coup de canif au contrat social. Il faut éduquer l’infracteur, le faire rentrer dans la communauté
des citoyens en adoptant chaque fois une sanction adéquate. Il faut une multiplicité de mode de
sanction afin de rendre compte de la multiplicité des catégories d’infractions à appliquer adéqua-
tement. La prison ne vient pas des Lumières car selon Foucault, pour comprendre une époque, ce
n’est pas dans les ouvrages canoniques et des philosophes en avance sur leur temps que l’on peut
comprendre une époque. Il faut voir du côté d’une littérature plus en phase avec ce que la
moyenne des individus pensent à un moment donné. Il faut consulter des documents moins presti-
gieux pour comprendre comme les journaux, les règlements de police, archives de bibliothèque,…
Nietzsche disait qu’il fallait se faire le philosophe des bas fonds pour comprendre une époque.

On se rend compte que l’on discutait de la prison dans un un texte de Jeremy Bentham qui essaye
d’imaginer la prison idéale. Il relève du courant du libéralisme et est attaché à des questions d’effi-

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cacité et d’économie. Sur la base de cette vision, il propose un idéal architectural de prison qu’il
appelle le panoptique composé d’une tour centrale autour de laquelle s’organise en cercle les diffé-
rentes cellule des condamnés isolés les un des autres. Il existe entre la tour centrale et les cellules,
un phénomène de jour et de contre jour. On peut voir ce qu’il se passe dans chacune des cellules de-
puis la tour alors que par l’effet de contre-jour, ce n’est pas permis aux détenus avec la tour créant
une économie comme les détenus savent qu’ils peuvent être vus à tout moment alors que dans la
tour, il peut aussi bien il y avoir des surveillants que pas du tout. Le détenu qui ne sait pas ça se
tiendra à carreau. C’est un mécanisme efficace et économique car le détenu intériorise le principe
de visibilité permanente qui s’expose à lui. Le but de l’isolement est de permettre au détenu d’être
seul face à lui même, de méditer le crime commis, de pratiquer un examen de conscience et d’ex-
primer des remords voire de retrouver le droit chemin. La prison est là pour rééduquer et transfor-
mer la matière humaine du détenu.

Au XIXe siècle, c’est l’émergence de la révolution industrielle. Le capitalisme se transforme pour


acquérir une dimension industrielle. Il faut maximiser l’utilité de chaque être humain et donc, obli-
ger un détenu à passer par la prison, c’est l’obliger à se transformer et à redevenir un être humaine
utile pour la société industriel. La prison devient un réformatoire intégral de l’individu. Il s’agit de
rééduquer les individus pour les remettre dans le droit chemin et leur permettre de contribué au be-
soin de l’économie capitaliste. Le code pénal ne vise la privation de liberté que comme une simple
sanction pour la violation de la loi mais la prison est un lieu où rapidement, l’enfermement des déte-
nus va acquérir une autre signification que la seule punition d’une infraction. Très tôt, la prison va
s’octroyer le pouvoir de moduler la peine prononcée par le juge en fonction de l’évolution du
comportement de l’individu par des congés pénitentiaires, la liberté conditionnelle, réduction de la
peine,… Ces mesures étaient prises par l’appareil carcéral en fonction du comportement postérieur
à la condamnation du détenu. On prend soin de traité la personnalité du détenu durant son incar-
cération. Il ne s’agit plus d’identifier l’auteur de l’infraction mais la personnalité de l’auteur indé-
pendamment de son crime qui n’est que la manifestation de sa pathologie. On ne parlera plus d’in-
fracteur mais d’une personnalité délinquante. Le droit pénal classique se concentre sur l’acte et la
prison à la personnalité. Le but de la prison est de nominaliser les anormaux.

Or pour vérifier qu’une personnalité déviante revient dans le droit chemin, il faut apprendre à
connaître cette personne, l’étudier comme un objet de savoir. Le détenu est considéré comme at-
teint d’une pathologie et la prison a pour objectif de la soigner. La criminologie est un savoir pra-
tique se développant en marge de la prison en vue de lui proposer les méthodes de soins des délin-
quant et les moyens de déterminer les progrès du malade vers le chemin de la normalité. Au système
carcéral va venir s’aboucher un certain type de savoir. Cette combinaison de savoir et de pouvoir
donne naissance à un dispositif, ensemble d’un rapport de pouvoir et de savoir visant à créer des
subjectivités et à agir sur celles-ci afin de les rendre utile à l’économie capitaliste. Le savoir crimi-
nologique ne se fonde pas sur la violation de la loi mais de normes. Le mot norme présente 2 signi-
fications différentes qui finissent par se rapprocher :
1. Norme de fréquence, savoir si un organisme est dans un fonctionnement normal, celui que
l’on rencontre de manière général chez tous les êtres humains consultés. La norme renvoie à
la régularité statistique. Si on est pas dans la moyenne, on est malade. C’est un constat de
fait, jugement de réalité.
Ex : Taux de cholestérol.
2. Norme de valeur consistant à exprimer un jugement de valeur sur un comportement don-
né. Ce n’est pas un jugement de réalité, la normalité s’appuie sur un jugement de valeur.
Ex : Frapper avant d’entrer.

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Parfois ces 2 notions peuvent se recouvrir. Dans une société humaine, ce que la majorité des gens
font (réalité) correspond à ce que la majorité croit bon de faire (valeur). C’est la tendance au
conformisme dans une société donnée.
Ex : Attendre dans une file d’attente.
Cette opposition en terme de valeur va mener à considérer que les minoritaires comme des cas
anormaux atteints d’une pathologie.
Ex : Pendant très longtemps, les enfants turbulents devaient être punis. On a fini par dire que ces enfants se
comportaient ainsi parce qu’ils étaient hyperactifs. Les comportements de ces enfant ne sont pas conformes à
un enfant bien éduqué mais on explique cette anormalité par l’atteinte d’une pathologie contraire à une
norme de fréquence. C’est la résultante entre la normalité au sens de norme de fréquence et celle au sens de
norme de valeur alors que les 2 doivent être distingués.
Dans une société humaine, on a une confusion de ces 2 normalités.

3. Légitimité au pouvoir de punir


La justice va se donner une nouvelle légitimité en ce sens que le juge qui va condamner un infrac-
teur est désormais conduit a interrogé la personnalité de celui qui a commis l’infraction. Depuis
quelques décennies dans les procès criminels, on se livre de plus en plus à des expertises psychia-
triques de la personne poursuivie. Les tribunaux se sont aussi intéressés à la personnalité de la per-
sonne jugée car cette nouvelle façon de voir va donner à la justice pénale, une nouvelle légitimité.
Enfermer un individu n’est plus seulement lui faire mal comme dans la vision souveraine du pou-
voir mais aussi l’aider, le soigner, le rééduquer en s’appuyant sur la science de la criminologie per-
mettant de découvrir la personnalité des personnes délinquantes.

Lucien François aussi s’était intéressé à la connexion entre pouvoir et savoir avec la situation du
Lieutenant des comptes. On peut dire que la prison fabrique la délinquance dans le sens où la
prison a produit des nouveaux sujets de pouvoir et de savoir, les délinquants. Ces délinquants vont
être traités par une série de mesures qui vont les encadrer en décomposant leurs journées en une
multitude de comportement régit par les règlements de prison afin d’en faire des automates qui
doivent apprendre à obéir inconditionnellement aux gestes et comportement attendus d’eux. Une
docilité automatique facilitant le retour du détenu dans le champs de l’économie, de grand secours
pour les entreprises.

4. L’émergence du pouvoir disciplinaire


Ce changement dans l’art de punir s’étend au-delà de la sphère carcérale en ce sens que la prison est
la preuve de l’émergence du pouvoir disciplinaire. A la différence de la souveraineté qui procède
de façon assez globale, le pouvoir disciplinaire procède par individualisation en tentant d’obtenir
des comportements déterminés. C’est un pouvoir qui s’exerce de manière à ne pas toucher aux
corps des individus. Ce pouvoir tente de gérer la vie des individus à un moment où la société euro-
péenne est confrontée à une série de phénomènes majeurs au XIXe siècle : la croissance du
nombre d’individus, urbanisation de la population européenne, développement de l’industrie avec
besoin de main d’œuvre. Dans ce contexte, il faut maximiser l’utilité de chaque être humain afin
que chacun puisse occuper la place qui est la sienne et de permettre à la société de se développer.
On va voir se développer des espaces disciplinaires dont la prison n’est qu’un exemple. Il y a aussi
l’école, lieu de disciplinarisation des enfants ; les usines où on discipline les ouvriers en leur assi-
gnant des tâches déterminées ; la caserne militaire. La société occidentale va avoir des espaces dis-
ciplinaires où se développe des pouvoirs minutieux. On cherche la docilité automatique des sujets
aux obéissances qui leur sont formulées. Le pouvoir disciplinaire travaille le corps de chacun
d’entre nous.
Ex : A l’école, on est censé se tenir d’une certaines façon.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Pour Foucault, le pouvoir disciplinaire s’analyse en une anatomo-politique des corps, pouvoir qui
procède par individualisation et localisation. L’idéal de société vers lequel tend le pouvoir discipli-
naire est une société militaire. Ce n’est pas le rêve d’une société fondée sur le consentement des in-
dividus au pouvoir, contrat social dans lequel fictivement, les sujets auraient librement consenti au
pouvoir qui s’exerce sur eux. Il s’agit de se réfléchir en sujet libre qui a librement consenti au pou-
voir mais toujours déjà obéissant (Voir p.74). La théorie de la guerre des races est trop simpliste
pour Foucault mais il retient qu’il y a quelque chose comme une façon de penser la société d’une
manière militaire permettant d’observer à la fin du XVIIIe la montée en puissance des techniques de
pouvoir disciplinaire.

Section 2 - Les techniques du biopouvoir

Nouvelle technique émergeant dans le courant du XIXe siècle qui est un autre complément aux
techniques de pouvoir souverain. Les facteurs (démographie,…) favorisant l’éclosion des pouvoirs
disciplinaires vont s’accélérer. Cette accroissement va justifier la mise en place d’autres techniques
qui sont des techniques de gestion de la population toute entière. La croissance et le bien être de la
population vont devenir des enjeux fondamentaux pour les Etats occidentaux à partir du XIXe siècle
afin que la population puisse utilement contribuer au besoin de l’économie. Il faut de nouvelles
mesures permettant de traiter la population dans sa globalité. Or les Etats vont se rendre compte que
les techniques du pouvoir souverain sont inadaptés car ce pouvoir a le droit de vie et de mort du
souverain sur ses sujets. C’est un pouvoir qui enlève quelque chose à ses sujets et qui ne traite que
l’infraction. Droit de vie ou de mort est une expression maladroite car introduit une fausse symé-
trie. Elle semble établir une équivalence entre le droit de vie et de mort du souverain. Ce qui fait la
spécificité du souverain c’est le droit de mort. Foucault dit que le roi a le droit de faire mourir ou
de laisser vivre les autres. Les politiques du XIXe siècle ont l’intention de faire vivre et non mourir
les sujets. Il s’agit d’exercer un droit de faire vivre et en seconde ligne de laisser mourir. C’est l’in-
verse de la souveraineté en ce sens qu’il s’agit de gérer la vie de la population. Droit de vivre d’où
le mot biopouvoir.

Ce biopouvoir est le droit de faire vivre ou de laisser mourir.


Ex : Politiques de santé publique comme la vaccination ou des politiques de prises en charge de soins médi -
caux pour soigner de façon correcte les individus.
Série de politique qui mènent à l’État Providence qui n’est pas l’État menaçant du souverain mais
l’État protecteur. A côté d’une anatomo-politique des corps, se met en place une bipolitique de la
population dans le courant du XIXe siècle. Cette biopolitique ne procède plus par individualisation
mais ce sont des stratégies globales visant à assurer la sauvegarde et l’accroissement de la popula-
tion. Actuellement, on est en pleine biopolitique et biopouvoir.

Section 3 - Les combinaisons possibles entre différentes techniques de pouvoir

Les techniques classiques de la souveraineté qui n’ont pas complètement disparues, les techniques
disciplinaire et celles du biopouvoir ne sont pas étanches entre elles. L’État peut mélanger ces tech-
niques de pouvoir.

§1 - Combinaison souveraineté/biopouvoir : le racisme d’Etat


Consiste dans le mélange entre souveraineté et biopouvoir. Mélange entre le droit de mort de la
souveraineté et droit de vie du bio-Etat. Dans un cours « Il faut défendre la société », Foucault re-
vient sur le mot de « races » synonyme de groupes sociaux antagonistes. Or le mot race va recevoir

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

au XIXe siècle une autre signification et va être employé au singulier dans un sens biologique, ex-
pression d’un certain groupe humain biologique. Le premier à l’utiliser ainsi est Arthur Gobineau
qui va écrire un ouvrage consacré à l’inégalité des races. Son idée est que tout Etat est composé
d’une population relevant d’une certaine race. En Occident, c’est la race blanche qui est censé do-
miner sur les populations se trouvant dans les Etats occidentaux. Il joint à cela des considérations
sur la hiérarchie entre les différentes races arrivant ainsi à la conception moderne du racisme. Le
racisme est de dire qu’il y a des races dans le sens biologique qui sont hiérarchises avec la race
blanche au dessus. Toute race est menacée par des facteurs de dégénérescence. Il existe des races
qui sont des individus dangereux pour la population saine car porteur de tare ou de dégénérescence
risquant d’affaiblir la race supérieure. Il appelle à une politique qui gère la vie des membres sains
de la population et éliminer ceux des membres de la population porteur de facteurs de dégénéres-
cence. On applique la technique de la souveraineté aux dégénérés et la technique de biopouvoir
aux êtres sains que l’ont veut protéger.
Ex : Décourager l’union d’un membre sain avec celui issu d’une autre race.
Politique de gestion et d’amélioration de la vie pour les membres sains et une politique qui met de
côté tous ceux qui ont des facteurs de dégénérescence de la race. Foucault parle de racisme d’État,
régime politique qui combine biopouvoir et souveraineté. Il va plus loin en disant que ce racisme
n’est pas propre aux seuls régimes auxquels nous pensons (dictature, régime autoritaire ou totali-
taire). Même les Etats dits démocratiques pratiquent une forme de racisme d’État.
Ex : Mise à l’écart des malades mentaux ou les centres fermés pour étrangers. C’est une forme d’exclusion
de toutes les catégories de la population considéré comme de nature à affaiblir les parties saines de la popula -
tion.
La Belgique elle aussi pratique le racisme d’État combinant aussi bien des techniques de pouvoir
que des techniques de souveraineté. Il est vrai que ce sont les régimes totalitaires comme le régime
nazi qui sont la représentation la plus spectaculaire du racisme d’État montrant que poussé à son ex-
trême, il conduit à une logique totalement suicidaire.
Ex : Nazisme atteste que poussé jusqu’au bout, le racisme d’État mène a une logique suicidaire. Il existe des
membres sains dans la population allemande, la race aryenne. La race germanique doit être protégée, encou-
ragée, soignée. Dans le régime totalitaire nazi, tout membre sain de la population sont pris en charge dès
l’enfance jusqu’à la vieille est admise. Il faut gérer la vie de la race aryenne pour qu’elle se développe. On
y applique les techniques du bipouvoir. Il y a en Allemagne, des facteurs de dégénérescence, des individus
qui viennent affaiblir la race saine et qui constitue une menace grave pour la race aryenne (handicapés, ho-
mosexuels, opposants politiques, Juifs). Dans la vision nazie, tout ce qui menace la race aryenne doit être
éliminée au sens propre du terme (physiquement). Dès 1933, les premiers camps de concentration ont ou-
verts. Dès la fin des années 30, on a entamé un processus d’euthanasie des aliénés mentaux et une fois la
guerre lancée et la solution finale adoptée en 1942, les Juifs et d’autres races inférieures ont été exterminées.
Ils se sont vu appliquer les techniques souveraines les plus radicales pour assurer cette suprématie définitive
de la race aryenne. Au lendemain de la 1ère guerre, la race aryenne doit vivre dans un territoire plus exigu
que celui l’empire allemand d’autrefois. Hitler va développer la notion d’espace vital et pour cela, le terri-
toire doit s’agrandir. Dès 1938, Hitler a des conquêtes territoriales notamment les Sudètes et va déclencher
en 1939, la seconde guerre. Il déclenche un phénomène dans lequel les membres les plus fort de la race vont
devoir être envoyés au front. Le nombre de soldats tombés devient de plus en plus important pour assurer
l’espace vitale et donne l’espace dont elle a besoin à la race aryenne. Le racisme d’État au bout de son pa -
roxysme débouche en guerre entraînant des pertes militaires venant affaiblir la prétendue race saine.
Dans cette folie meurtrière, quand les jeunes adultes allemands sont décimés, il ne reste que des vieux et des
enfants, qu’on envoie à la guerre. On fini par sacrifier la race saine au nom pourtant de sa supériorité.
Quand en mars 45’, il apparaît que les choses sont terminées, Hitler envoie l’ordre Néron, empereur qui
avait fait brûlé la ville de Rome pour son plaisir, qui était de détruire les infrastructures allemande afin de
faire disparaître la race allemande qui n’avait pas réussi sa suprématie. Le ministre des infrastructures, Al-
bert Speer, va s’abstenir d’exécuter l’ordre Néron. La population allemande au lieu de disparaître pourra
commencer à se relever. Il avait fait un bon calcul car l’Allemagne s’est relevée de façon rapide et efficace.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

§3 Combinaison souveraineté/discipline/biopouvoir : les mesures visant à lutter contre l’épidé-


mie de Covid-19
Face à une pandémie, l’État décide d’imposer à la population un certains nombre de comportements
(port du masque, geste barrière, distance sociale,…). Au fond, on fait ça pour sauver des vies. C’est
au nom du sauvetage de vie que le pouvoir étatique agit. C’est un objectif de biopouvoir. Au nom
de cet objectif, on use de techniques qui relève de la discipline car chacun d’entre nous est amené à
adopter certains gestes, habitudes, comportements sans même s’en rendre compte. On fait une ana-
tomo-politique des corps, on use des techniques disciplinaire pour sauvegarder des vie. Combi-
naison de biopouvoir et des techniques disciplinaires.

Ces comportements ont été obtenus à l’aide de règles assorties de sanctions pénales. Qui ne res-
pecte pas la règle se voit exposer à une amende, prélèvement sur les biens, ou à des peines d’empri -
sonnement. Ce sont des techniques du pouvoir souverain. Pour réaliser des objectifs relevant du
biopouvoir, on emploie des menaces relevant des techniques du pouvoir souverain.

La gestion d’une crise sanitaire est conduite à combiner toutes les techniques de pouvoir à la dis-
position de l’État pour obtenir un résultat déterminé. On a un mélange inédit de techniques de sou-
veraineté, disciplinaire et de biopouvoir. On constate qu’au niveau des techniques de pouvoir, Fou-
cault nous conduit à relativiser les techniques souveraines de pouvoir. A l’époque temporaire-
ment, les techniques de souveraineté sont des techniques parmi d’autres au mains du pouvoir. Les
représentations du pouvoir sont erronées car cache les autres techniques de pouvoir que l’État peut
utiliser. Cela conduit a fait un 7ème rapprochement entre la microphysique du pouvoir de Foucault
et la microscopie du droit de Lucien François et que ce dernier relativise le pouvoir avec le jurème
de suprématie (chp.14). L’agrégat dominateur ne se différence des autres agrégats que par le ju-
rème de suprématie. Ce n’est pas parce qu’il y a un agrégat dominateur que les autres structures de
pouvoir disparaissent pour autant. L’État et le jurème de suprématie doivent être relativisés par
l’existence d’autres pouvoirs qui ne s’effacent pas avec l’émergence de l’État. Chez Foucault c’est
pareil mais avec c’est une relativisation au niveau de l’État lui-même. L’État ne se borne pas à
utiliser une technique de la souveraineté. Il use des techniques disciplinaires et de biopouvoir. Il y
a une relativisation de la fonction qu’est la notion de souveraineté.

Chapitre 3 : Les objectifs (=fins) révélés par l’analytique foucaldienne

Section 1er – La notion de gouvernementalité

Au XVI-XVIIe , une nouvel art de gouverné s’est mis en place, la gouvernementalité moderne
s’appliquant encore aujourd’hui.

1. Conditions d’émergence
La thèse de Foucault est qu’un certain type de pratiques religieuses se seraient insinuées dans le
champs politique et va profondément le transformer.

1.1 Racines religieuses


Foucault explique qu’à un moment donné, on a considéré qu’il devait exister une activité humaine
particulière consistant dans le fait de conduire les individus tout au long de leur vie en les plaçant
sous l’autorité d’un guide responsable de ce qu’ils font ou leur arrive. C’est un passage du cours pu-
blié sous « Sécurité, Pouvoir, Population ». Les humains doivent être conduits tout au long de leur
vie. Le pouvoir doit s’inspirer des humains dès leur plus jeune âge et orienter leur conduite le plus

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tard possible. Contrairement à la souveraineté classique s’exprimant de manière spectaculaire mais


de manière discontinue, pouvoir irrégulier. Or, ici, le pouvoir serait permanent. Cette idée, on l’a
retrouve dans l’image du berger et de son troupeau. L’homme d’Eglise est un pasteur qui conduit
ses brebis. Gouverné les hommes dans cette vision, c’est gouverné un troupeau humain à l’instar du
berger. Cette idée de pouvoir n’est pas d’origine occidentale. On ne la trouve pas dans l’antiquité
pré-chrétienne, les hommes de pouvoir de l’époque n’était pas des bergers. Cette image se répand
en Orient à travers le judaïsme, la société hébraïque. C’est là bas que l’on va analyser le pouvoir
sur les hommes à l’équivalent d’un pouvoir pastoral. Dès ses premières apparitions, ce pouvoir va
revêtir 3 traits caractéristiques essentiels que l’on va retrouver jusqu’à aujourd’hui :
1. Le pouvoir du berger s’exerce moins sur un territoire fixe que sur une multitude se dépla-
çant constamment. Les tribus juives sont nomades, le pouvoir s’exerce directement sur une
population. C’est un pouvoir déterrioraliser.
2. Le berger a pour rôle de fournir sa subsistance au troupeau. Le pouvoir est bienveillant à la
différence de la souveraineté se caractérisant par le fait de pouvoir infliger un mal.
3. C’est un pouvoir qui individualise. Le Salut de chacun compte autant que le Salut de tous.
Une seule brebis a autant de valeur que le troupeau entier.
Or cette image va arriver en Occident par le christianisme, réorientation du judaïsme, via le pasto-
rat ecclésiastique. Un homme d’Église qui gère une paroisse est responsable du troupeau humain
qui lui est fidèle. L’homme d’Église s’intéresse à la vie de ses brebis. Aussi bien à leur vie extérieur
qu’à leur vie intérieur via la confession grâce à laquelle on confie son âme au berger qui nous guide,
c’est le gouvernement des âmes. C’est cette pensée qui va passer dans la sphère politique.

1.2 Naissance de la gouvernementalité politique


La politique permet d’obtenir des individus des comportements déterminés. Le berger conduit le
troupeau et les aide à atteindre la conduite prescrite. La politique serait la conduite des conduites
humaines. Cette vision doit être mise en rapport avec la microscopie du droit de Lucien François.
Le jurème est une technique particulière visant à obtenir des individus des conduites déterminées.
Ce que Lucien François appelle jurème est un morceau de ce que Foucault appelle la gouverne-
mentalité.

La question à se poser est de savoir pourquoi c’est aux Temps modernes que cela va se laïciser. Il y
avait un débat concernant l’État-nation moderne entre philosophes, théologiens et politiques. Le
débat est de savoir : Est-ce que l’État moderne tel qu’il s’est développé n’est qu’une structure poli-
tique transitoire dans l’attente de la résurrection de la structure idéale qu’est l’empire ou bien
l’État devient-il une structure de pouvoir permanente ? Pour certains, la romanité de l’Empire al-
lait un jour renaître et il fallait s’y préparé en considérant que la structure étatique était tempo-
raire. D’autres disaient que l’Empire romain ne reviendrait jamais. Il faut penser à la structure po-
litique actuelle appelée à s’installer dans la durée. Jusqu’au début du XVIIe les 2 thèses ont été dé-
battue et puis, la thèse du retour à l’Empire romain est définitivement abandonnée. La thèse qui
va triompher est celle qui considère que l’État est une réalité politique vouée à la permanence. Par
conséquent, ce à quoi doit s’attacher l’homme politique est à cet État lui-même.

1.3 Novations occasionnées dans le champs politique.


Il faut assurer la prospérité de l’État et il y a alors l’émerge alors la notion de « raison d’Etat »
rompant avec les théories traditionnelles en vigueur. Un bon homme politique est le monarque
vertueux selon la réponse traditionnelle tandis que la seconde réponse était le monarque habile qui
sait conserver le pouvoir conquit ou conféré, celui qui dépense de plusieurs compétences (habile,
rusé, intelligent) pour conserver son pouvoir. C’est la vision de Machiavel dans « Le Prince »,

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

l’auteur dévoile dans l’ouvrage toutes les qualités qu’un souverain doit avoir pour conserver le pou-
voir indépendamment de la bienveillance ou non de la politique. Désormais, le bon monarque est
celui qui fonctionne à la « raison d’Etat », celui qui n’a d’objectif que d’affirmer la puissance de
l’État à la tête duquel il se trouve en rejetant le prince vertueux ou machiavélien. L’objet du pou-
voir est l’État et son objectif, la prospérité et la solidité croissante de l’État.
La raison d’État s’appuye sur 3 dispositifs tant tourné vers l’extérieur que l’intérieur à la jonction
des 2 :
1. Fin de la guerre au quotidien. La guerre des religieux ont fini pas s’apaiser dans des traités
dont les Traités de Westphalie de 1648. Ce que les Etats vont accepter est que vers l’exté-
rieur, ils s’autolimitent. Ils décident de préférer la négociation diplomatique à la guerre de
conquête ce qui conduit à la mise en place d’un intense réseau de relation diplomatique entre
les Etats et le début d’un ministère des affaires étrangères. On entretient quand même une
armée de métier, importanet dans l’hypothèse où un des États partie au traité ne respecte-
rait pas sa parole. L’armée est essentiellement défensive. Dispositif diplomatico-politique.
2. Le dispositif tourné vers l’intérieur des frontières est un dispositif où chaque Etat est souve-
rain et détient une puissance absolue sur son territoire. Rien ne limite son pouvoir à l’inté-
rieur. L’État moderne va commencer à réglementer minutieusement les rapports sociaux et
économiques. C’est l’État de police, sans limite chez lui.
3. A la jonction, il y a dispositif de pouvoir qui concerne spécifiquement le commerce inter-
national. Dans la raison d’État, l’économie d’un Etat devient le signe le plus éclatant de sa
puissance. L’économie devient une activité essentielle pour les Etats et pour la détermina-
tion de la puissance de chacun d’entre eux. La où la guerre s’est arrêtée se met en place une
guerre commerciale entre les Etats. C’est l’époque du mercantilisme qui est une politique
par laquelle les Etats considérant que la richesse est la marque indéniable de la puissance
vont essayer de favoriser leurs opérateurs économiques nationaux notamment avec des
aides, des subventions mais aussi des taxes ou des droits de douanes imposées aux produits
importés pour favoriser l’économie nationale. Dans cette guerre commerciale, il va il y avoir
des Etats vainqueurs s’affirmant comme les nouvelles grandes puissances politiques du
moment et d’autres qui vont avoir du mal à tenir le coup. Ce théorie mercantiliste est le
signe que l’économie devient le terrain de jeu déterminant et que les rapports de force des
Etats sont dictés par leurs rapports économiques.
Désormais l’État agit moins comme garant d’un territoire mais surtout la richesse d’un Etat se tra-
duit par sa population. L’augmentation de la population étant un signe de richesse. Il faut faire
croître la population et l’améliorer en tout point, condition sine qua non de l’augmentation des
productions des richesses et donc de la puissance des Etats. C’est le couple population-richesse qui
devient la cible principale de ce nouvel art de gouverné que Foucault appelle la gouvernementalité
moderne. Cette gouvernementalité se présente comme essentiellement bienveillante. Dans le
chap.14 du Cap, l’agrégat dominateur se présente aussi comme au service de ses sujets. Ce que Lu-
cien François identifie comme un nimbe de l’agrégat dominateur on le voit également dans la bien-
veillance de la gouvernementalité moderne.

Cela donne lieu à un nouveau savoir qu’est l’économie politique égermant au moment de la cri-
tique de l’utilisation des techniques la gouvernementalité par les Etats. Or selon les pères de l’éco-
nomie politique, la liberté laissées aux agents économiques permettraient d’atteindre de tels objec-
tifs.Cela va mener au libéralisme.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Section 2 - La rationalité sous-jacente à la gouvernementalité occidentale contemporaine : le «


libéralisme » et ses différents avatars

A partir du XVIIIe, cette rationalité a des réorientations. La gouvernementalité moderne va se ratio-


nalité en ce qu’on appelle le « libéralisme ». Il va subir des changements au XXe siècle notamment
une version allemande appelée l’ordolibéralisme et une version américaine appelée le « néo-libé-
ralisme ».

1. Libéralisme classique – Critique de l’État de police


C’est une simple critique de l’État de police, dispositif hyper réglementaire. Pour augmenter les
richesses, il faut que l’État intervienne par des réglementations multiples. La richesse est une fin au
vue duquel l’État de police est le moyen. Or au XVIIIe siècle ce lien entre l’objectif de l’État, maxi-
misation des richesses nationales et les moyens employés, l’État de police, va être critiqué tant par
des juristes que des économistes.

2. Critiques
2.1 Critique juridique
L’État à la puissance illimitée en interne va s’attirer les critiques des juristes de droit public pour
qui le souverain ne peut pas tout faire même en interne. Son pouvoir n’est pas illimité. Les limites
à son action lui sont imposées de l’extérieur par des règles supérieurs s’imposant à lui qui sont des
règles juridiques dont il existe plusieurs variantes :
1. La variante naturaliste qui dit que le souverain ne peut agir contre l’ordre naturel.
L’idée que les mesures imposées par le souverain doivent être conforme au droit naturel.
2. C’est Dieu qui est souverain si le monarque l’est de droit divin. Les commandements di-
vins s’imposent à lui.
3. Les sujets seraient dotés de droits naturels inaliénables, intransmissibles, imprescrip-
tibles, des droits qui seraient liés à la nature de l’homme par référence à Locke ou à la dé-
claration des droits de l’homme et du citoyen. Le souverain est limité dans son actions car
ne peut porter atteinte aux droits fondamentaux de l’homme.
La limitation est extérieure au souverain et juridique. Idée retrouvée en 1789 quand l’Assemblée
Nationale adopte la déclaration contenant des droits préexistants indépendamment de toute législa-
tion. C’est une critique juridique de l’État de police.

2.2. Critique économique


L’objectif de la gouvernementalité moderne, consistant à vouloir accroître les richesses et la popu-
lation, est louable mais pour poursuivre cet objectif, les moyens employés, l’État de police, sont
inadéquats. L’immixtion de l’État dans les rapports économiques risque de grippé la machine éco-
nomique. C’est l’hypothèse du moindre État dans la raison d’État. Ils sont d’accord sur l’objectif
mais pas sur les moyens. Selon cette tendance, il faut appliquer un raisonnement économique à
l’action du gouvernement. L’État doit intervenir de la façon la plus économique possible, c’est
l’idée d’un gouvernement frugal qui agit peu mais bien. Dans cette critique, la question du régime
politique doit laisser la place à celle de savoir comment le gouvernement peut utiliser les seuls
moyens strictement nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis. Il faut un équilibre entre gou-
verner trop et trop peu. Cette critique proposant de remplacer l’État de police par un Etat mo-
deste, s’appuie sur 3 grands développements :

2.2.1 La notion de marché est centrale

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

La question de savoir ce que le gouvernement doit ou peut faire à l’égard du marché est central. La
notion de marché concrète du Moyen-Age va être remplacée par un concept immatériel. Il va de-
venir le lieu de rencontre des offres et des demandes. Il n’apparaît pas subitement au XVIIIe mais
va prendre une toute autre signification que celle dont elle était revêtue avant la critique écono-
mique de l’État de police.

Avant, le marché était un lieu de juridiction où se disait le droit, se dit la justice. Ca doit être un
lieu où les échanges doivent être justes. Par l’intervention de l’État, on assurait la justice des
échanges. Raison pour laquelle on disait que le marché est le lieu où doit se constater le juste prix
mais constituait aussi un lieu de justice distributive. Le marché devait permettre à chacun de dis-
poser des biens de première nécessité. Le prince avait organisé un système de prix maximum de
ces biens pour garantir le libre accès à ceux-ci. Enfin, c’est un lieu ayant pour objectif de protéger
le consommateur contre les éventuelles fraudes ou déloyauté des négociants et marchands. Le mar-
ché était considéré comme devant être le lieu où se réalise une certaine équité.
Or au XVIII, cette notion de marché est employée dans une autre sens avec l’avènement de l’éco-
nomie politique. Le marché devient un lieu de véridiction, un lieu où se dit le vrai comme le dit
Foucault. En réalité, le marché apparaît comme un mécanisme naturel découlant de la nature des
choses qu’il faut laisser aller naturellement sans le modifier. Quand un prix se pratique sur le mar-
ché, prix fixé entre l’interaction de l’offre et de la demande, il reflète la vérité des choses, leur prix
vrai. On passe de juste prix à prix naturel (ou vrai). C’est en laissant jouer le marché, qu’il donnera
le marché le meilleur de lui même avec la plus grande efficacité et accumulation de richesse. Le
marché devient révélateur de quelque chose qui est comme une vérité.

Ce passage doit être mis en relation avec l’histoire de la punition que Foucault a développé dans
son cours de « Naissance de la biopolitique ». Dans l’histoire de la punition, on a voulu punir un
acte qui créait un tort à autrui mais aussi à la société tout entière. On le réparait par un acte de jus -
tice qu’était la punition. La question posée à l’infracteur est « Qu’as-tu fait ? ». Or avec le déve-
loppement de la prison et la notion de « délinquant », la question devient « Qui es-tu ? ». On es-
saye de découvrir la vérité du délinquant. On serait passé d’une question de justice qui doit être ren-
due relevant de la juridiction à une question qui relève de la véridiction. Foucault veut montrer que
tout au long de l’histoire occidentale, le droit n’a cessé de croiser la vérité. Les régimes où l’on
essaye de découvrir la vérité des êtres, la prison ou des choses, le marché. La seul façon de faire pri-
mer la vérité du marché est d’y intervenir le moins possible.

2.2.2 La suprématie d’un raisonnement en termes d’utilité gouvernementale


Le fonctionnement de l’État et de ses organes doit se faire sur base d’un raisonnement en terme
d’utilité gouvernementale. Notion empruntée à l’économie politique. L’État doit de lui-même ré-
fléchir à la meilleure façon de maximiser l’utilité, l’objectif avec le moins de moyens possibles.
Cet idée va s’exprimer dans le langage juridique par le principe de proportionnalité. On ne peut
toucher aux droits fondamentaux que dans le strict nécessaire pour réaliser les objectifs de l’État.
Les limites sont internes et non pas externes en ce sens que c’est le gouvernement qui doit toujours
se poser la question de l’utilité de son action. C’est une autolimitation. Limite externe de type éco-
nomique et non pas juridique.

2.2.3 La question de l’équilibre européen et des rapports internationaux


Question portant sur les échanges économiques internationaux et l’équilibre européens pouvant en
résulter. Dans sa version originaire, la gouvernementalité moderne s’appuyait sur une politique
mercantiliste visant à transférer le lieu de la guerre au champs économique avec des États qui faire

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

des politiques agressives. Elles s’expliquent parce que la concurrence internationale fait naitre
une guerre commerciale aboutissant à l’émergence de vainqueurs et de vaincus. Or dans le critique
économique, la vision est autre. La concurrence est un mécanisme pacificateur et harmonisateur
dans cette conception. Tous les Etats peuvent produire tous les produits possibles, totalité des pro-
duits qui pourraient être demandés. Cependant, on se rend compte que certains Etats sont perfor-
mants dans la production de tel type de produit mais que s’agissant des autres productions, les
produits sont de moindre qualité et/ou plus coûteux que les produits fabriqués dans un autre Etat.
Dans l’État voisin c’est exactement l’inverse. Dès lors, la concurrence entre ces 2 Etats va leur per-
mettre de faire le diagnostic de ce qui fait la force de son économie et ce qui fait sa faiblesse. Un
Etat comprend qu’il doit se concentrer sur la production d’un produit en abandonnant celle d’un
autre produit de moindre qualité et coûteux. Le premier produit inondera le marché de l’État qui le
produira moins bien. Ils doivent opérer une division internationale du travail et une spécialisa-
tion. Chaque Etat va se spécialiser dans le type de production où il est le meilleur. La concurrence
apparaît comme un jeu dont tout le monde sort gagnant. Il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. Il faut
voir la concurrence comme un mécanisme de pacification et d’harmonisation qui conduit à l’opti-
mum économique. C’est un discours sur lequel s’est construite, au XXe siècle, l’Union Euro-
péenne (CEE, Traité de Rome de 1957). Le rapprochement entre les EM devait s’opérer par l’éco-
nomie par la création d’un marché commun en abolissant les frontières internes et les taxes. Sur ce
marché commun, il faut que règne la concurrence parce qu’elle permet aux EMs se remettre à ni-
veau. Cette vision trouve ses racines dans la critique économique de l’État de police mais aussi la
création de l’UE.

2.3 Lien entre les 2 critiques


Ces 2 critiques vont déboucher sur : le libéralisme politique et le libéralisme économique. Ces 2
critiques ne sont pas tout à fait séparées l’un de l’autre. Il y a dès le début des connexions entre
elles. Ceci se voit à divers niveau.

Au niveau historique, se rendre que compte que les auteurs du libéralisme ont souvent été des ju-
ristes et des économistes. Beccaria, auteur italien, qui militait pour un droit pénal plus humain,
était était un penseur juridique mais aussi un économiste qui a pu s’intéresser à la question de la li-
berté sous l’angle politique. De la même façon, le père fondateur du libéralisme économique, Adam
Smith était tout autant un économiste qu’un juriste. Les mêmes intellectuels étaient à la fois juriste
et économistes et pouvaient réfléchir des 2 côtés.

En outre, au XIXe et XXe siècles, cette connexion entre le droit et l’économie a été établie par le
fait que les facultés de droit étaient en même temps des facultés de droit et d’économie. Jusqu’il y a
40 ans, il y avait une même faculté pour le droit et l’économie. Les chercheurs et étudiants compre-
naient sans doute mieux le lien entre l’économie politique et le droit public. En ce sens que la pre-
mière a été la remise en question dans la légitimité de l’action de l’État et de ses limites dans l’éco-
nomie politique.

Enfin, les résultats auxquels aboutissent ces 2 critiques ne sont pas si éloignées l’une de l’autre. La
critique juridique va s’incarner dans la théorie des droits de l’homme dont chaque homme est
pourvu en raison de sa nature. Il s’agit d’un noyau intangible de prérogatives auxquelles l’Etat ne
peut porter atteinte. Or la critique économique appelle à l’indépendance des gouvernés pour ex-
pliciter le calcul économique auquel doit s’adonner l’État. Dans une vision économique, il faut ga-
rantir aux gouvernés le maximum d’indépendance mais pas de manière juridique et externe. Elle

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est obtenue par le fait que le gouvernement va s’autolimiter. Aux droits de l’homme répond l’indé-
pendance des gouvernés.

3. Le libéralisme classique de Smith


La théorie de la main invisible consiste à affirmer que la maximisation des richesses est obtenue
par la simple somme des intérêts individuels. C’est par le passage des intérêts individuels de cha-
cun d’entre nous qui aboutit à la théorie, l’intérêt de tous. L’égoïsme de chacun contribue au bon-
heur de tous. C’est ce que Smith appelle la main-invisible du marché. Par une sorte d’opération in -
visible, l’égoïsme poursuivit sur le marché se transforme en optimum économique. La question est
de savoir ce qu’est la main invisible du marché.

Foucault dit qu’il existe une interprétation dominante qui se focalise sur le substantif « main ».
Elle consiste à dire que dans la pensée de Smith, il reste une sorte de naturalisme religieux qui qui
expliquerait les origines du libéralisme. Cette main est une métaphore pour désigner Dieu. Ce se-
rait le reste d’une certaine conception de l’ordre divin gouvernant le monde. C’est ainsi qu’on in-
terprète la métaphore. Foucault dit qu’il y a une seconde interprétation qui braque le projecteur sur
l’adjectif « invisible ». Chaque agent économique doit agir de manière aveugle dans le système du
marché. Chaque individu ne doit pas avoir pour objectif de regarder ce qui l’entoure, comment se
passent les interactions de marché. Il ne doit rechercher que son intérêt. Si un agent économique se
mettait à vouloir d’autres intérêts que les siens, il perturberait les mécanismes naturelles du mar-
ché. Au-delà des sujets, il y a une institution pour qui le mécanisme de marché doit rester invisible
c’est l’État. Même l’État ne peut avoir la prétention d’avoir une vue d’ensemble du système de
marché. Si c’était cas, il aurait la tentation d’y intervenir. C’est un préalable à son devoir d’absten-
tion.

Adam Ferguson, adepte de Smith, va expliquer cette nécessité par un événement historique que
sont les politiques de colonisations du Royaume de France et du Royaume d’Angleterre. D’après
lui, la colonisation anglaise a été une réussite mais pas la française. Cela s’expliquerait par le fait
qu’en France, le Roi a voulu se mêler des échanges économiques ayant lieu entre les colonies et la
métropole. Il a voulu imprimer à la colonisation certains objectifs autres que la pure recherche de
maximisation du profit. Alors que du côté de l’Angleterre, les monarques n’ont pas voulu se mêler
des échanges économiques entre les colonies et la métropole. Le champs de l’économie est une
sorte de discipline à contre-courant de la façon dont on se représente la souveraineté. Par définition,
le souverain veut amasser la totalité des connaissance et la totalité du pouvoir. Or l’économie est
un lieu fragmenté, éclaté, composé d’une multitude d’unités de production de petites tailles. C’est
l’opposé de la souveraineté qui est omnisciente et omnipotente, caractéristiques, qui, appliquées
au marché, conduisent à un échec. La seule chose que l’État peut faire vis-à-vis de l‘économie, c’est
de garantir les principes juridiques sans lesquels l’économie de marché ne pourrait pas fonction-
ner : la liberté contractuelle et le droit de propriété. Raison pour laquelle dans un système de
main invisible, l’État n’est pas complètement absent de l’économie mais doit quand même garantir
ces principes en mettant à disposition des propriétaires et créanciers des forces de l’ordre et des tri-
bunaux. L’État qui convient au libéralisme classique est un Etat qui limite son activité à 2 secteurs
internes et 2 secteurs externes :
1. Faire respecter la propriété privée et la liberté contractuelle
2. Diplomatie et armée que l’État doit entretenir
L’État limite son actions à ces 4 secteurs d’activité : diplomatie, armée, police et justice. C’est
l’État Gendarme qui se limite aux seules fonctions régaliennes de l’État. Il ne se mêle de rien

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d’autre que ces 4 secteurs. C’est cet État qui va accompagné le libéralisme économique. Au XIX,
cette doctrine va supplanter l’État de police critiqué au XVIII.

Cet État gendarme et libéralisme économique vont connaître des difficultés. Le problème est qu’on
va voir qu’en pratique, les Etats occidentaux s’éloignent de plus en plus de cette vision doctrinale
du libéralisme classique. Au début du XXème, on fait le constat de l’antagonisme entre un discours
officiel attaché aux préceptes du libéralisme classique et une pratique gouvernementale qui s’en
éloigne. Pour l’expliquer, il y a 2 grands phénomènes de transformation de l’État qui expliqunte
cette contradiction :
1. Transformation en Etats administratifs. A l’origine, ils se décomposent en quelques minis-
tères avec un petit nombre de hauts fonctionnaires. Structure administrative limitée. A la
faveur de crises, les Etats vont se sentir obligés de multiplier les appareils administratifs
hiérarchisées. A l’État frugal se substitue un Etat administratif alourdit par les administra-
tions étatiques à partir de la seconde moitié du XIXe. On s’éloigne de l’idée d’État mini-
mum.
2. Fin du XIXe et se développant dans la seconde moitié du XXe est l’émergence de l’État
Providence. C’est une extension massive des missions de l’État. Un certain nombre de
crises économiques, sociales et militaires vont conduire l’État à agir de manière plus impor-
tante dans le domaine économique alors qu’il s’était juré de n’appliquer que la doctrine du
laisser-faire. Il va intervenir dans l’économie de 2 grandes façons : indirecte et directe.
◦ Indirecte. En ce sens qu’il va vouloir influencer le fonctionnement du marché à travers
des règles juridiques contraignantes pour les agents économiques. D’abord avec la ques-
tion ouvrière, rapport entre les employeurs et les travailleurs. Pendant longtemps, le
contrat qui liait un employeur à son employé était guidé par la liberté contractuelle mais
ce rapport était inégalitaire. De sorte que les employeurs pouvaient imposer aux em-
ployés des relations contractuelles désavantageuses. On essaye de placer, dans des lois,
des règles contraignantes en terme de salaire minimum, sécurité au travail,… L’idée
étant que les salarié soient préservés de tous les abus contractuels des employeurs. C’est
la naissance du droit du travail, raison pour laquelle on dit qu’il relève de l’ordre pu-
blic social (ou de protection). A partir de la fin du XIXe, on va voir se multiplier des lé-
gislations destinées à protéger des parties faibles (travailleurs, consommateurs, épar-
gnants). Il est arrivé qu’elles imposent des mesures pour atteindre un objectif d’intérêt
général que le gouvernement considère comme nécessaire pour le bien de la société.
Ex : Hausse des prix permanentes. Le législateur a décidé d’intervenir pour la fixation de prix
maximum pour atteindre la stabilisation des prix.
On parlera d’un ordre public de direction limitant la liberté économique des individus.
◦ Directe. L’État se fait lui même entrepreneur via des entreprises publiques car certains
services essentiels pour la collectivité ne sont pas produit par des entreprises privées.
L’État va créer le secteur public. Un secteur composé d’entreprises possédées et diri-
gées par les pouvoirs publics. La pression fiscale augmente et donc les richesses vont
être davantage taxées afin que certains services nécessaires soient fournis à la popula-
tion. On va constater que l’État-Providence va accroître de façon plus massive la crois-
sance de l’État.
Cette contradiction va conduire le libéralisme à devoir se renouveler.

Dans le libéralisme classique, on rappelle que pour que les libertés (contractuelle et de propriété)
puisse s’exercer, il faut qu’une contrainte par la police et les tribunaux puisse s’exercer également.

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La connexion entre liberté et contrainte, que Lucien François faisait, se retrouve aussi dans l’ana-
lyse de l’État gendarme à l’époque du libéralisme.

A partir des années 30’, on va repenser le libéralisme classique car il ne rend plus compte de ce
qu’il se passe. On a donc vu des transformations du libéralisme : dans les années 30’ en Allemagne,
l’ordolibéralisme, Ordo (ordre) qui était la revue de cette pensée libérale ; dans les années 50’ aux
USA avec le néo-libéralisme américain.

4. L’ordolibéralisme
4.1 Historique
Il apparaît au lendemain de la Seconde Guerre, moment où l’Allemagne n’a plus de souveraineté et
est occupée par les Alliées, par la France, les USA et l’Angleterre à l’Ouest et l’URSS à l’Est. La
partie occidentale voit se mettre en place une série d’administrations provisoires avant le rétablisse-
ment d’un nouvel Etat Allemand démocratique ce qui arrivera en 1949 avec la création de la RFA.
Entre 45’ et 49’, il y a la reconstruction d’un Etat à mettre en place et il faut réfléchir tant à son au
type de politique à mettre en place. La construction de cet Etat est confiée à des cercles de réflexion
qui, en fonction des matières, sont rattachés à telle ou telle puissance occupante. Dans le domaine
économique, il y a l’administration allemande de l’économie rattachée à la bizone anglo-améri-
caine. Pour permettre à cette administration de réfléchir aux orientation future, elle s’est adjointe
d’un Conseil scientifique composé d’économistes allemands respectés qui doit faire des proposi-
tions à l’administration dans la perspective de l’instauration de l’économie dans le futur Etat. Or au
même moment, le type de politique économique régnant en Europe est keynésien du nom de John
Keynes. En période de crise économique, quand la machine économique est en panne, Keynes di-
sait qu’il fallait stimuler la demande, la consommation. Si les consommateurs consomment, ils
vont augmenter la demande conduisant les producteurs à pouvoir augmenter leur offre, leur produc-
tion. Le principe est de stimuler la demande pour relancer l’offre. D’où les politiques sociales
avec :
• Une série d’allocations attribuées aux personnes modestes
• Des politiques de reconstruction. Les Etats se font eux-mêmes consommateurs afin de rem-
plir les carnets de commande des entreprises de construction par exemple.
• Politique de planification par la fixation d’objectifs chiffrés.
Ces politiques formes des politiques dites keynésiennes axées autour de la stimulation de la de-
mande dans l’économie. C’est le cas dans la France de De Gaulle, dans l’Angleterre de Clément At-
lee, travailliste.

Mais ce ne fut pas le cas en Allemagne car le Conseil scientifique était composé d’économistes re-
levant de l’ordolibéralisme. Ils plaidaient pour un renouveau de la pensée libérale. La nouvel Alle-
magne devait donc mener une politique économique libérale. L’idée étant de consacré dans la Loi
fondamentale de 1949 le principe que le nouvel Etat allemand serait fondé sur le principe de la li-
berté économique et de la libre formation des prix. Par conséquent, la RFA sera dotée d’un socle
constitutionnel où sera affirmé la liberté économique comme valeur constitutionnelle essentielle.
Ces experts sont les pères fondateurs de l’ordolibéralisme allemand qui ont commencé leur carrière
dans les années 10’ et 20’, époque où les politiques interventionnistes étatiques se développaient. Ils
ont prôné le retour à la liberté économique mais en des termes différents que les libéraux classiques.
Le point commun entre ces ordo-libéraux est qu’ils ont été des adversaires du nazisme. Walter
Eucken, le père de cette doctrine, est obligé de se tenir à carreau dans l’Allemagne nazie et certains
de ses disciples ont dû s’exiler car considérés comme des ennemis de l’Allemagne nazie comme

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Alexander Rüstow qui a du s’exiler en Turquie. Les politiques nazies leur déplaisaient car c’était le
paroxysme de l’intervention de l’État dans l’économie.

Ils ont commencé avec une question : Qu’est ce qui a rendu possible l’avènement du nazisme ?
Qu’est ce qui a rendu possible la politique économique interventionniste nazie ? Il y a 4 facteurs
qui prédisposaient l’Allemagne à cela :
1. La tendance au protectionnisme. Ils faisaient référence à List, économiste allemand du
XIXe siècle, intervenu lors d’une première tentative d’une unification douanière entre les
différentes souveraineté de l’État Allemand avant l’unification de 1870. A la fin des années
1840, ces Etats souverains arrivent à un premier accord douanier pour abolir les frontières
entre ces Etats et permettre une libre circulation des produits qui aurait dû du stimuler l’éco-
nomie allemande. Or, selon List, cette tentative d’unification a échouée, il n’y a pas eu de
stimulation. C’est le signe que la libre circulation ne convient pas à l’Allemagne qui n’aurait
pas un tradition libérale. Transposée cette tradition d’Etats étrangers ne peut être que voué
à l’échec. L’Angleterre est libérale car son économie est fondée sur un empire maritime et
des possessions coloniales qui rend la conformité au libéralisme plus facile. Cependant, cela
ne convient pas à l’Allemagne dont les accès à la mer sont limités et qui n’a pas d’empire
coloniale. Selon List, l’Allemagne est voué au protectionnisme où chaque Etat souverain
doit protéger son économie.
2. Le socialisme d’État bismarckien. Bismarck va contribué à l’unification des Etats alle-
mand autour de la Prusse. C’est à ce moment où est né le Second Reich qui a vécu jusqu’en
1919 pour cédé la place à la République de Weimar. Cette unification est fragilisée par des
troubles qui se développent partout en Europe. C’est la question ouvrière qui éclate à cette
époque, les travailleurs réclament l’amélioration de leurs conditions de travail et demandent
à l’État de les protéger de leurs employeurs. Bismarck va gérer cela par la politique de la ca-
rotte et du bâton, politique mêlant promesse et menace. Menace dans le sens où Bismarck
n’hésite pas a envoyé la « cavalerie » pour réprimer ces manifestations. A côté, il faut offrir
une carotte pour calmer les ardeurs du peuple par la naissance dès les années 1880, d’un em-
bryon de sécurité sociale via l’assurance chômage, maladie, accident du travail, et un début
d’assurance retraite. Une telle politique coûte cher et ces allocations sont financées par des
cotisations sociales perçues tant sur le salaire du travailleur que sur ce que doit l’employeur.
Une partie des revenus sont socialisés au profit des assurances.
3. Politique de planification. Au début du XXème où l’empereur est belliqueux. Pour cela il
faut prévoir un certain nombre de production militaire. On a une politique dirigée par l’État
qui fixe des objectifs.
4. Tendance de l’Allemagne à conduire des politiques keynésiennes. La constitution de Wei-
mar contient des dispositions qui obligent l’État à l’interventionnisme notamment par la po-
litique de grand travaux à la fin de la Grande guerre.
Ces 4 facteurs ont conduit à une présence éclatante de l’État dans l’économie. C’est dans ce cadre
où les nazis n’ont eu qu’à aller un peu plus loin.

Sur base de ces constations, les ordo-libéraux vont faire des coups de forces intellectuels en prenant
le contre-pied des idées généralement reçues à leur époque pour renverser ces idées reçues. Des
idées dominantes du keynésianisme vont être renversées par les ordo-libéraux. Ces coups de forces
sont au nombre de 3 :
1. Possibilité ou non de cumuler protectionnisme, planification, keynésianisme et socialisme
d’État bismarckien. Selon l’idée dominante, ces 4 politiques ne sont pas compatibles entre
elles. Elles seraient tellement contradictoires qu’il serait impossible de les mettre en pratique

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ensemble. Keynes avait sa carte de parti libéral et n’était pas adhérent à la planification
ou le protectionnisme. Il est pour la libertés des échanges économiques et contre le contrôle
de l’économie par l’État mais ce dernier peut intervenir pour stimuler la demande. Keynes et
ses disciples disent que ces 4 facteurs sont incompatibles. Or, ces 4 facteurs sont liés les uns
aux autres car chacun de ces facteurs est contraire à une politique libérale qui exclut l’inter-
vention de l’État selon les ordo-libéraux. Tout Etat qui utilise une de ces 4 politiques va
mettre en œuvre les 3 autres politiques. Ensemble, ils forment un invariant antilibéral. Prati-
quer l’une de ces politiques est tendre vers des régimes tel que le nazisme, la planification
soviétqiue, les USA de Roosevelt ou l’Angleterre de 1946 avec le système de sécurité so-
ciale de Lord Beveridge.
2. Lien que la pensée majoritaire de l’époque faisait entre l’avènement du nazisme et le dé-
périssement de l’État. On a cette idée reçue car le nazisme est un totalitarisme qui se méfie
de l’État administratif et de l’État Providence qui existent au moment où il prend le pou-
voir.L’État officiel est quelque chose dont les nazis se méfient car :
◦ S’en est fini des structures administratives lourdes et hiérarchisées de l’État adminis-
tratif.
◦ Doit prévaloir le Fuhrerprinzip, rapport direct entre le chef et le peuple sans étape in-
termédiaire. Ce qui vaut dans l’État vaut dans toutes les communautés même dans les
entreprises avec un lien direct entre le chef d’entreprise et les travailleurs.
◦ Ce qui importe n’est pas la fin de l’État mais la notion de peuple, le Volk et l’idée de
communauté, Gemenschaft, raciale qui serait le fondement de la nouvelle Allemagne.
L’État n’est qu’un outil qui ne doit pas appeler le respect, c’est le peuple qui doit appeler
le respect. Va se mettre en place, parallèlement à l’administration officielle, un pouvoir
du parti nazi, de sa police, de son service de renseignement à lui parti.
Le nazisme serait synonyme de dépérissement de l’État. Les ordo-libéraux vont dire que
ces structures para-étatiques ne font pas partie de l’État officiel mais qu’il s’agit de struc-
tures au service du chef de de l’État, le Führer. Ces structures ne sont la que pour solidifier
l’État. Le fait d’avoir concéder trop de place à l’État dans l’économie a contribué au succès
du nazisme.
3. Condamnation en règle d’un système capitaliste lorsqu’il n’est pas suffisamment encadré
par l’État. Le capitalisme est un modèle de société peu sympathique. En effet, il détruit le
lien social, est fondé sur la société du spectacle, est un modèle concourant à l’uniformisa-
tion des goûts et comportements et pour maximiser ses bénéfices, il use d’un régime autori-
taire pour empêcher les révoltes. Or, ces reproches peuvent être fait au nazisme car il dé-
truit le lien social via les camps de concentration, il est spectaculaire avec ses congrès du
parti à Nuremberg, il est uniformisant car totalitaire où il est obligatoire d’avoir les mêmes
tendances politiques et enfin, il n’existe pas de société plus autoritaire que la société nazie.
Les ordo-libéraux vont dire que toutes les critiques imputées au capitalisme devrait être
adressée à la trop grande intervention de l’État dans l’économie dans le sens que la poli-
tique économique nazie a été rendue possible par toutes les interventions étatiques anté-
rieures qui ont perverties une société réellement libérale. C’est parce qu’avant 1933, il y
avait déjà trop d’intervention étatique qu’il y avait déjà en germe le caractère autoritaire et
destructeur du lien social. Avant 1933, le capitalisme était dénaturé par l’intervention de
l’État laissant dans le capitalisme des traits que le nazisme va porté à son paroxysme. Le ver
étatique était déjà dans le fruit capitaliste. Les nazis n’ont fait que radicalisé la trop grande
intervention de l’État dans l’économie.

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4.2 Différence avec le libéralisme classique


Le libéralisme à la base de la Loi fondamentale se différencie du libéralisme classique des XVIII et
XIXe siècles. Ces différences sont :
1. Les libéraux classiques faisaient face à un Etat préexistant qui était incontesté quant à sa
légitimité comme la France et l’Angleterre. Ce qu’ils voulaient faire, c’était de fixer des li-
mites à l’action de ces Etats. Le libéralisme est une sorte de conseil d’action publique
d’Etats préexistants. Or l’ordolibéralisme allemand contribue à la construction d’un nou-
vel Etat. Etat qui trouve sa légitimité dans le respect constitutionnellement garantit de la li-
berté économique.
2. Le marché est un lieu d’échange dans le libéralisme classique supposant des transactions
entre agents économiques égaux. Or dans le libéralisme allemand, le marché avant d’être
un lieu d’échange est un lieu de concurrence où les entreprises se livrent à une compétition
féroce pour engranger de bénéfice. Dans ce lieu de concurrence, il y a des entreprises qui
vont résister à cette concurrence et il y aurait des entreprises qui sombreraient, exclues du
marché. Pour les ordo-libéraux, le marché est un lieu d’inégalité.
3. Pour les libéraux classiques, il faut favoriser la libre contractualisation entre les parte-
naires économiques. L’État n’a pas à s’immiscer dans ce lieu d’échange. Se traduit alors une
politique de laisser-faire. Or les ordo-libéraux vont dire qu’il n’y a pas de phénomène na-
turel dans le marché, de naïveté naturaliste. La concurrence doit se créer, ses conditions
doivent être préparées par l’Etat. Il ne doit pas s’abstenir et intervenir pour organiser l’ordre
concurrentiel du marché. C’est pour quoi la RFA prendra une loi en matière de concurrence,
loi de 1951 qui vise à assurer la concurrence sur les marchés. C’est l’État qui doit intervenir
mais intervention différente de celle de l’État Providence.
4. Chez les classiques, le marché et l’État s’excluent l’un l’autre. En revanche, pour les or-
do-libéraux, le marché et l’État se recouvrent mutuellement. L’État intervient parfois plus
que l’État Providence mais pour le marché et non à cause de ses faiblesses.

4.3 Politiques
Les ordo-libéraux disent qu’il faut 2 grands piliers pour organiser une politique ordolibérale :
1. Mener une politique de société, Gesellschaftspolitik, concernant tous les domaines de la
société. Pour être optimale, cette société doit être concurrentielle.
2. Cadre juridique solide car les ordo-libéraux sont aussi des juristes.

4.3.1 Modèle de l’entreprise


L’entreprise devrait être le modèle sur lequel toutes les relations sociales devraient se mouler. A dis-
tinguer de la société de consommation, société d’après guerre où les ménages commençaient
s’acheter des biens personnels. C’est la société dans laquelle les individus trouve leur satisfaction
dans l’accumulation de biens de consommation. Une société de consommation est une société où on
se concentre sur les demandes. Or dans la société ordolibérale, l’attention est portée non pas sur les
consommateurs mais sur les producteurs (offreurs) donc les entreprises. Dans le champs écono-
mique, les entreprises sont stimulées et améliorent leur performance grâce à la concurrence. C’est
sous la pression concurrentielle que les entreprises vont finir par offrir de meilleurs prix ou des pro-
duits de meilleurs qualités. La meilleure façon de faire avancer une société, c’est la concurrence.
Chaque individu doit être considéré comme une unité d’entreprise dont le but est d‘améliorer
constamment ses performances en acquérant une formation, le fait d’être propriétaire de son loge-
ment, le fait d’investir intelligemment son épargne. Chaque individu est vu comme un entrepreneur
dans tous les domaines de sa vie. La concurrence est une bonne chose dans le domaine économique
mais aussi dans d’autres domaines, c’est pourquoi les ordo-libéraux son favorables au mécanisme

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de l’élection démocratique, compétition dans laquelle se sont les meilleurs qui vont emporter la
mise. L’ordre concurrentiel n’est pas uniquement l’économique ou le social mais aussi la politique.
C’est l’ordre concurrentiel qui donne sa richesse et son évolution à une société. C’est pourquoi le
programme ordolibéraliste veut voir une société de marché, société dans laquelle les principaux
rouages seraient soumis aux pressions du marché et de la concurrence.

4.3.2 La revalorisation du cadre juridique et institutionnel


Les différends risquent de se multiplier dans une société de marché parce que la concurrence en-
gendre des frictions . Dans ce cadre, le droit censé réglé ces litiges va occuper une place centrale
dans une telle société. Ils se situent dans l’exacte opposition de la position de Marx. En effet, pour
Marx, il y a l’infrastructure avec les rapports de production renforcé par la superstructure com-
posée de l’ensemble des discours qui tentent de masquer la dépendance originaire, la lutte des
classes et de convaincre le prolétariat d’admettre son sort. Parmi ces discours, il y a la morale, la re-
ligion et le droit bourgeois s’exprimant en terme abstrait qui laisse penser que les individus sont
égaux formellement alors que réellement non. Le droit n’est qu’une idéologie aux mains des
classes bourgeoises pour perpétuer l’infrastructure, les rapports de forces existant.

Or pour les ordo-libéraux allemands, on fait erreur en parlant du capitalisme au singulier. En réali-
té, il y aurait lieu de parler des capitalismes car le système économique est toujours conditionné par
les règles juridiques qui s’y appliquent. C’est au moyen de bonnes règles de droit que l’on peut
agir sur l’efficience du système économique. Il n’y a pas de rapport de priorité l’un à l’autre. Sur
chaque territoire étatique acquis à l’économie de marché, il existe des règles juridiques différentes
et chaque système sera plus ou moins efficace selon les règles juridiques en vigueur sur ce territoire.
Le meilleur régime juridiques, selon eux, est le Rechtsstaat (Etat de droit). On y trouve une pre-
mière expression dans les travaux d’un spécialiste de droit public allemand de la fin du XVIIIe,
Welcker. Dans un de ses ouvrages, il oppose 2 régimes juridiques contre lesquels le rechsstat
s’est construit :
1. La tyrannie où le souverain peut s’affranchir de la loi alors que dans l’État de droit, le sou-
verain est soumis à la loi. C’est le principe de légalité.
2. L’État de police où il n’y a pas de hiérarchie entre les différentes normes alors que dans
l’État de droit, il y a le principe de hiérarchie des normes.
A l’origine, l’État de droit consacre les principes de soumission du souverain à la loi et de hiérarchie
des normes.

Au XIXe, cette théorie est complétée par une signification juridictionnelle. Lorsqu’il y a un litige
entre un citoyen et une administration, il faut permettre à l’administré de porter son litige devant
un juge. L’État ne peut refuser de comparaître devant un juge, c’est un justiciable. Il faut prévoir
des recours juridictionnel de 2 types dans la tradition occidentale :
1. On peut imaginer que compte tenu de la spécificité des litiges entre administrations et admi-
nistrés, on confie ces litiges à des juges spéciaux. Il s’agit de créer des juridictions admi-
nistratives spécialement chargées des litiges entre l’administration et ses administrés. C’est
le choix de la France avec le Conseil d’État qui est la juridiction suprême d’un corps de ju-
ridictions administrations avec des tribunaux administratifs et des cours d’appel administra-
tives. Il existe un mécanisme de dualité juridictionnelle en ce sens qu’il y a les juridictions
judiciaires pour les litiges entre particuliers et les juridictions administratives pour les li-
tiges entre l’État et ses administrés. En Belgique, a été créé en 1946, le Conseil d’État de
Belgique qui a le pouvoir de régler le contentieux objectif entre l’administration et ses admi-

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nistrés. Lui seul est habilité a annulé un acte de l’administration. On a une dualité juridic-
tionnelle partielle.
2. En Angleterre, la question de ce type de litiges fait l’objet d’une réponse différente. L’État
est un justiciable comme un autre et donc le contentieux entre l’État et ses administrés re-
lèvent des juridictions judiciaires. C’est un système d’unité juridictionnelle dans lequel
tous les litiges privés et publics sont confiés à un seul corps de juridiction. Dicey, juriscon-
sulte anglais, disait que le système français n’était pas conforme à l’État de droit car il y
avait entre l’administration et ses juges, des rapports trop étroits de telle sorte que le
Conseil d’État ne pouvait juger avec indépendance l’action de l’administration. C’est une
tradition d’avoir des conseillers d’État qui ont travaillé pour l’exécutif. En Belgique, la si-
tuation est différente mais la nomination des conseillers d’État reste encore relativement po-
litisé. Ceci peut expliquer la peur du Conseil d’État lors du contrôle des arrêtés ministériels
Covid. Il voulait à tout prix éviter de conclure en l’illégalité de ces arrêtés. Par comparaison,
du côté des juges judiciaires, il n’ont pas eu la même approche.
Sur la base de ces considérations, les ordo-libéraux vont prétendre que le régime juridique optimal
est l’État de droit appliqué au marché tant dans sa tradition normative que juridictionnelle.

Du point de vue normatif, faut imaginer le marché comme un terrain de jeu et le rôle du droit est
de se borner à élaborer les règles du jeu. Ces règles doivent être laissée aux mains des joueurs
(agents économiques) sans assignation d’objectifs concrets par l’État. Or beaucoup de législations
veulent opposer aux agents économiques des objectifs déterminés. On leur impose des objectifs
concrets ayant pour conséquences que le marché va moins bien fonctionné. Il ne peut imposer que
des règles abstraites et formelles.
Ex : La propriété privée. La propriété privée est la possibilité de disposer d’une chose de manière absolue.
On assigne au propriétaire aucun objectif concret. On lui permet de disposer de son bien.
Ex : La liberté contractuelle permettant de conclure une convention formant un contrat.
L’État ne doit rester qu’un pur arbitre et non être acteur. Pour que le jeu puisse fonctionner, on ne
peut multiplier à l’infini les règles du jeu qui doivent rester peu nombreuses et simples. L’État Pro-
vidence ne respectait aucun de ces principes parce qu’au lieu d’être simple arbitre, il était joueur
(octroi de subventions, imposition de taxes,…). Il ne correspond pas à l’idée d’État de droit. L’État
ne cesse d’imposer aux joueurs des objectifs concrets. Pour les ordo-libéraux, du point de vue nor-
matif, l’État Providence est tout le contraire de ce que devrait être l’État de droit appliqué au mar-
ché. Il faudrait revenir aux 4 points de l’État de droit.

Du point de vue juridictionnel, il va il y avoir des administrations chargées de surveiller et de


mettre en œuvre les politiques de l’État Providence ayant pour conséquence que la bureaucratie est
le pouvoir le plus important. Or pour les ordo-libéraux, une société respectueuse de l’État de droit
doit insister sur le pouvoir du juge.
Rmq : Les traités européens ont été influencé par l’ordolibéralisme notamment sur les règles de
concurrence (art.101 et s. TFUE).

5. Le néo-libéralisme américain
5.1 Conditions d’émergence
Arrivée au pouvoir de 2 dirigeants occidentaux : Margaret Thatcher élue en 1979 en Angleterre et
Ronald Reagan en 1981 aux USA.

Le néo-libéralisme est une doctrine qui s’oppose à 3 phénomènes qui ont affaiblis l’économie
américaine et par conséquent la société américaine :

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1. Politiques de Roosevelt dans les années 30’ et 40’ appelée New Deal. Politique faisant suite
à la crise boursière de 1929, politique considérant l’État comme un moteur de relance de
l’économie avec une importante intervention économique dans les domaines économiques et
social.
2. Pactes de guerre conclus en Angleterre et aux USA. Quand les 2 grandes puissances anglo-
américaine se sont lancées dans la guerre alors qu’ils n’étaient pas forcément attaqués tout
en sachant que cette décision allait créer un grand nombre de morts surtout jeune. Pour com-
penser ces pertes, ils mettent en place une politique de sécurité sociale ambitieuse par la-
quelle toute personne victime par la perte d’un proche peut bénéficier d’une allocation. C’est
le plan Beveridge à la fin de la guerre en UK et une importante politique d’allocation so-
ciale développésous Roosevelt. Ces pactes ont aggravés les déficits budgétaires et pesés sur
les entreprises par aggravation des cotisations sociales perçues sur elles.
3. Au lendemain de la guerre, il y a eu majoritairement des présidents démocrates jusque dans
les années 60’. La société américaine était en proie à des contestations importantes notam-
ment et surtout avec le mouvement pour les droits civiques. Il y avait encore de la pauvreté
et la croyance que l’école était le meilleur moyen de s’en sortir. Les démocrates sensibles à
ces questions vont créer des programmes politiques d’assistance.
Phénomènes qui vont énerver les économistes car la place prise par l’État dans l’économie améri-
caine est devenue insupportable et n’est pas en phase avec les thèses du libéralisme. Ces écono-
mistes vont développer des théories dont ils espèrent que des politiques vont user pour renverser la
vapeur. C’est ce qui arrivera à la fin des années 70’ - début 80’.

5.2 Innovations
5.2.1 La théorie du capital humain
Pour les économistes classique comme Ricardo qui analysait le facteur travail en terme de temps
de travail et quantité de main d’œuvre, angle quantitatif. Même les économique hétérodoxe on
adopté la vision du facteur travail de manière quantitative comme Marx. Pour lui, le travail est un
facteur de production grâce auquel la marchandise achetée par le chef d’entreprise va pouvoir être
transformée. Ces marchandises transformées va être revendue à un prix plus élevé que le coût to-
tal des facteurs de production. A l’intérieur de l’entreprise se fait la transformation de la marchan-
dise par le travail de l’homme. Le produit fini va sortir de l’entreprise qui sera vendu à un prix plus
élevé que le prix de la matière première auquel on ajoute le prix du travailleur. Le travail vaut une
certaine quantité de monnaie, c’est grâce à lui que l’on peut ajouter aux matières premières et à leur
assemblages, une survaleur. Le facteur travail s’analyse en une quantité monétaire mais la valeur
supplémentaire n’entre pas dans la poche du travailleur. La valeur réelle du travail du travailleur se
trouve dans la valeur du produit fini mais la plus-value qui est résulte est détournée de la poche du
travail. Raison pour laquelle Marx par d’aliénation du facteur travail, détournement de la plus-
value du travailleur pour le capitaliste.

S’agissant des néolibéraux, ils vont analyser le facteur travail de manière qualitative en se deman-
dant pourquoi on travail. Le mot travail vient du latin tribalium qui renvoie à un instrument de tor-
ture. Le revenu en économie est constitutif d’un certain capital si on épargne. L’épargne rapporte
des intérêts. Chaque année, la banque rémunère notre capital. L’intérêt dû est considéré comme le
revenu du capital déposé. Le revenu se défini comme la rémunération d’un capital. Par consé-
quent, si le salaire est un revenu, il est la rémunération d’un capital. Or cette idée est assez étrange
car on avait l’idée de distinguer le facteur capital et le facteur travail. Les néo-libéraux disent que le
travail est du capital, le salaire étant le revenu du capital. Le capital, c’est nous, chaque individu.
Chacun est l’accumulation d’une série de qualités grâce auxquelles notre travail vaudra de plus en

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plus. Le capital renvoi à l’ensemble des capacités d’un être humain qui lui sont indissociables.
Chacun est propriétaire d’un capital humain. Il faut faire croître ce capital, raison pour laquelle les
néo-libéraux disent que ce capital humain est composé d’éléments innés et des éléments acquis.
Dans cette vision, il est recommandé aux parents de doter leur enfant du maximum de capacité in-
nés. Il faut bien choisir son partenaire pour avoir des enfants parfaits. Il faut accumuler les élé-
ments acquis, un bon environnement familiale va ajouter un sérénité chez l’enfant pour qui il faut
choisir les meilleurs enfants. Idéalement, lui faire faire des études supérieurs en choisissant le cur-
sus le plus intéressant. Sur le marché du travail, voir comment augmenter son capital humain par
des formations efficaces. Depuis l’enfance jusqu’à la mort, chaque être humain va mettre en place
certaines stratégies pour augmenter son capital humain. Les néo-libéraux proposent une lecture de
l’existence de la vie humaine uniquement en terme de capitaux humains.

5.2.2 Économie comme science de la totalité des comportements humains


L’économie n’étudie pas une seule série de comportements humains mais a vocation à améliorer
n’importe quel aspect activité humaine. Les néo-libéraux ne sont pas loin des ordo-libéraux alle-
mands et de leur Gesellschaftspolitik dans laquelle la forme « entreprise » (concurrentielle) s’étend
à toutes les relations sociales sont considérés comme des rapports de concurrence. Ils poussent la lo-
gique jusqu’à son paroxysme en faisant de la totalité des activités humaines l’objet d’étude de la
science économique. Il y a eu des passeurs entre ces 2 écoles dont Friedrich Von Hayeck, compa-
gnon de route des ordo-libéraux durant les années 30’. Il a fuit l’Autriche lors de l’Anschluss et a
été enseigné après la guerre à l’université de Chicago qu’est l’université de départ des néo-libéraux
américains.
Ex : Criminalité. Le droit pénal classique a pour but de punir l’infracteur. Le droit pénal teinté de crimi-
nologie, il s’agit de guérir un délinquant. Cependant, il y a un non-dit, une horizon sous-jacent qui n’est pas
toujours clair. En droit pénal classique, le but de la punition est la disparition de toutes les infractions.
Pour le droit pénal teinté de criminologie,le but est de normaliser tout le monde. Ces visions sont erronées
pour les néo-libéraux car fondées sur des utopies. Ils vont proposer une vision alternative qui est purement
économique consistant à dire que la criminalité est une activité économique comme une autre. Le criminel
cherche à maximiser son profit ce qu’on ne peut lui reprocher. Le problème est que l’auteur d’un vol avec ef -
fraction produit des externalités négatives, effets désavantageux pour un tiers de l’activité économique de
quelqu’un. Le voleur dépouille la victime qui a peut être fait l’objet de coups et blessures. Si le vol s’est
commis dans un quartier où il y a eu plusieurs cambriolages, il va il y avoir un sentiment d’insécurité dans le
quartier. Il faut lutter contre cette activité qui produit ces externalités négatives. Il faut opposer à cette offre
de crime une demande négative, une politique qui vise à décourager une activité productrice de nombreuses
externalités négatives. C’est parce que le crime a un coût social qu’il faut lutter contre une telle activité. Pour
réduire ces coûts, on lui oppose une demande négative, un ensemble de mesures prises par l’État visant à dé-
courager la commission de ces faits. Ces mesures se composent de la loi pénale qu’il faut voter mais aussi
des instruments d’exécution de la loi (tribunaux, prisons,…). Cette demande négative a aussi un coût pour la
société. Les néo-libéraux considèrent que l’objectif des politiques pénales n’est pas de faire disparaître
toutes les infractions ou les délinquants sinon les coûts de la demande négative deviendrait supérieur à l’offre
de crime. Une politique pénale efficace, optimale est une politique dans laquelle on lutte contre la criminali-
té jusqu’à ce que le coût de la demande négative se rapproche ou devienne égale à l’offre négative, au-delà,
le jeu n’en vaut plus la chandelle. Il faut accepter un certains taux de criminalité dans la société.

Ex : Trafic et commerce de drogue. Les néo-libéraux vont pointer du doigt l’échec des politique de la plupart des
Etats en matière de lutte contre le trafic et la consommation de drogue consistant en des prohibitions absolues.
Vision propre au droit pénal traditionnel et celui teinté de criminologie ayant pour objectif de mettre fin au trafic
de drogue ou la normalisation des délinquant. C’est un échec car ces politiques ont favorisé le marché noir et la
montée en puissance de grandes organisations criminelles sur ce marché de la drogue. On a un oligopole, un mar-
ché avec quelques barons de la drogue. Ils tentent d’attirer dans leurs filets de nouveaux consommateurs en of-
frant de la drogue à un prix défiant toute concurrence. Ensuite, lorsqu’elles deviennent accros alors les opéra-

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teurs économiques s’en occupent en leur imposant des prix très élevés. Les Etats auraient mieux fait d’appliquer
à ce phénomène une analyse économique permettant de mettre une politique beaucoup plus efficace ou donnant
des résultats plus intéressants que la politique prohibitionniste. Cette analyse économique montre que ce marché
est divisé en 2 grands secteurs :
1. Consommateurs novice/non-accros dont la demande est sensible aux variations de prix. La demande
est élastique, fonction du prix. Pour les attirés, les barons leur proposent des produits à bas prix
2. Les accros qui veulent absolument leur dose peu importe le prix. Ils sont prêt à commettre une criminalité
dérivée pour obtenir leur dose. La demande évolue peu par rapport au prix. La demande est insensible
aux prix, elle est inélastique.
Cela fait que les grandes organisations criminelles peuvent jouer sur les 2 segments du marché pour attirer les
consommateurs afin de les rendre accros et de pratiquer des prix élevés. Une politique intelligente serait
d’abandonner l’interdiction pure et simple du commerce et de la consommation de drogue en intervenant sur le
marché pour couper l’herbe sous le pied de ces revendeurs de drogue. Si on imaginait que l’État distribuait de la
drogue au consommateur accro gratuitement ou a bas prix, ces consommateurs ne devraient plus payer des
prix importants et on éliminerait la criminalité dérivée. Cela perturberait le circuit des organisations crimi-
nelles. Il ne faut plus agir de manière répressive mais de manière intelligente sur le marché afin de désorganiser
les organisations criminelles qui ne pourrait plus fournir de drogue à bas prix aux novices dont le nombre dimi-
nuerait. C’est une politique qui renonce à la disparition du commerce de drogue. Il faut traiter cette question de
société avec les outils de l’analyse économique et mettre en place une politique réaliste qui joue sur la logique du
marché pour lutter contre les effets nocifs du commerce et de la consommation de drogue. Le raisonnement éco -
nomique vient secourir les Etats en usant de voies perverses mais plus efficaces.

Chapitre 4 : Intérêt de la démarche généalogique pour la théorie du droit et, singuliè-


rement, pour la microscopie du droit

Il y a 6 points a retenir dans l’approche généalogique du pouvoir pour la théorie du droit.

1. La méthode employée par Foucault


Elle va à rebours de la méthode classique de la philosophie politique qui s’intéresse à la forme ter-
minale du pouvoir. Le droit s’est calquée sur cela car on ne le voit qu’à travers l’État. La méthode
analytique de Foucault part de formes de pouvoirs plus simples pour aller vers des situations de
pouvoir de plus en plus importante jusqu’à la forme terminale de l’État ou des classes sociales. La
difficulté de la théorie du droit de répondre à la question « Qu’est ce que le droit ? » provient peut
être de vouloir y répondre en partant de la situation la plus complexe, l’État ou la communauté in-
ternationale. Méthode exposée dans « La volonté de savoir ». L’analyse de Lucien François cor-
respond à ce renversement de méthode mais d’autres auteurs admettent du juridique dans des situa-
tions simples. Autant Lucien François est une exacte application de la méthode foucaldienne autant
il y a d’autres théoriciens qui partent aussi de situations plus simples que le droit pour évoquer la
figure du droit.

2. Pluralité d’ordres juridiques


L’approche analytique permet d’apercevoir des situations de pouvoirs autres que les techniques de
pouvoirs de la souveraineté. Il permet de distinguer les techniques disciplinaires retrouvées dans
un certain nombre d’institutions et détaillées dans « Surveiller et punir ». En réalité, ce que Fou-
cault nous montre avec cette discipline, c’est de ramener le sujet à adopter des comportements dé-
terminés au sein de chacune de ces institutions. Chaque espace disciplinaire est un ordre sociale
dans lesquels un ordre disciplinaire est diffusé pour obtenir des sujets un comportement déterminé.
On peut se demander si en deçà de l’État, des institutions comme l’école ne sont pas des systèmes
de pouvoir et si du point de vue de la théorie du droit, on ne peut pas se dire que ce sont des sys -
tèmes juridique à côté de l’État ? Il ouvre la voie de la pluralité des ordres juridiques.

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3. Relativisé le pouvoir « répressif » de l’Etat


On aperçoit la forme terminale du pouvoir autrement que sous la forme de la souveraineté. L’État
moderne ne se contente pas de faire mal. C’est un pouvoir qui veut du bien, qui gère la vie, les ri-
chesses et la population. Ce n’est pas l’image de l’État Léviathan avec ses caractéristiques de la
théorie de la souveraineté. L’analyse de Foucault permet d’avoir un image nuancée et juste de l’or-
ganisation et du fonctionnement de l’État. Cela permet aux théoriciens du droit de renouveler leur
regard sur l’ordre juridique incontestable qu’est l’État. Ce que l’on peut percevoir dans « La volon-
té de savoir » et dans son cours « Naissance de la biopolitique ».

4. Lien entre le pouvoir et le savoir


Vu dans « Surveiller et punir » avec la criminologie, science qui permet de traiter les délinquant
pour les normaliser. Il n’y a pas qu’un pouvoir séparé d’un savoir préoccupé par sa rigueur et son
excellence. Le savoir (la science) n’est pas nécessairement désintéressé mais sont des discours qui
à l’occasion dialogue avec le pouvoir et lui apporte son appui. Ce lien entre savoir et pouvoir est
déjà perçu chez L.F avec le lieutenant des comptes dans le chap.12 du Cap qui est un expert qui se
base sur son savoir et participe au pouvoir d’Adolphe. Il y a un rapprochement à faire entre le droit
pouvoir et le savoir sur le droit que les experts juridiques accumulent. Entre le droit pouvoir et le
droit savoir, il n’y a pas de frontière étanche mais des interférences réciproques dont l’exemple du
lieutenant des comptes était le plus manifeste.

5. Lien entre droit et vérité


Dans la vision foucaldienne du pouvoir, lorsqu’il étudie le libéralisme classique, il montre que le
pouvoir occidental s’est exercé au nom d’une certaine vérité. Le marché est devenu un lieu de véri-
diction au lieu d’un lieu de juridiction. Un bon pouvoir serait celui qui se plierait modestement à
la vérité des choses.
Ex : C’est au nom d’une vérité scientifique que le pouvoir s’exerce. C’est quasi-incontestable.
Le droit aussi fonctionne à la vérité. Les normes juridiques sont construites à partir de ce que les
auteurs appellent la vérité
Ex : Droit de l’environnement qui a été construit au nom de la préservation de l’environnement sur base de
constats scientifiques considérés comme vrai. Il y a de plus en plus de normes qui visent à lutter contre le ré -
chauffement climatique sur base de l’origine humaine du réchauffement.
Au niveau de l’application de la norme, le lien avec la vérité est aussi présent. C’est le cas de l’of-
fice du juge pénal et à la notion de la vérité judiciaire. Le droit se présente comme étant au ser-
vice de la vérité découverte au cours du procès.

Cette question de la vérité est centrale dans toute réflexion théorique sur le droit. Questionnement
sur le rapport entretenu entre le droit et la vérité.

6. Pouvoir, créateur de subjectivités


Foucault met de côté la vision exclusivement répressive du pouvoir qui est aussi productif. Le pou-
voir ne se contente pas d’interdire ou de faire mal mais il produit des subjectivités en nous assi-
gnant la place que nous occupons dans une société donnée et producteur de libertés pour les sujets.
Ils ne se réduisent pas à des destinataires d’interdictions mais se voit aussi accordé des libertés
dans le sens de la gouvernementalité libérale. C’est le pouvoir qui rend possible et efficace l’exer-
cice de cette liberté en ce que l’État eb garantit l’exercice efficace et paisible.
Ex : Droit de propriété privée. C’est l’État libéral qui garantit ces prérogatives aux individus mais ne se
contente pas seulement de les accorder, il veille à leur respect grâce à des moyens de contrainte propres.
C’est grâce aux tribunaux de l’État et à la force public de l’État que notre droit de propriété peut être effica-
cement protégé.

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Ex : Liberté contractuelle. L’État nous laisse faire librement des contrats mais nous garantit que le cocontrac-
tant devra respecter sa parole via des tribunaux et la force publique.
La liberté et la contrainte ne sont que les revers d’une même médaille. Il n’y a pas de contradic-
tion entre les 2. Cela éclaire certaines questions de la théorie du droit notamment celle du rapport
entre le droit et la contrainte avec cette idée que le droit ne pourrait être réductible à la simple
contrainte car nous avons des droits et libertés. Sauf qu’une liberté pour en être une, doit pouvoir
trouver dans le chef d’autrui des obligations de ne pas perturber ou attenter à cette liberté. S’il y a
une liberté ou un droit c’est parce qu’il y a une obligation ou un devoir.

Cette approche permet de regarder d’un autre œil la question du droit réductible ou pas à un ordre
de contrainte.

Partie III - La position de la microscopie du droit dans la constellation des grandes


théories du droit contemporaines

Titre 1er - Les théories juspositivistes

Chapitre 1er. La théorie de la pluralité des ordres juridiques de Santi Romano

C’est un auteur italien né dans la seconde moitié du XIXe et mort peu après la guerre.

Section 1ère - Qu’est-ce qu’un ordre juridique ?

« L’ordinamento giuridico » traduit dans les années 70’ par L.F et Gotho sous le titre « L’ordre ju-
ridique ». Il faut se placer au moment où Santi Romano publie son ouvrage. Le droit est essentiel-
lement pensé à l’idée de règles ou de normes ou du moins d’un système de normes et de règles.
Cela omet l’essentiel qu’est la vision institutionnelle du droit. Romano commence par décrire les
traits principaux du phénomènes juridiques. Il en voit 3 : une société, un ordre social et une struc-
ture.

1. Il y a du droit, là où il y a société (ubi ius, ibi societas ou ubi societas, ibi ius)
Une société humaine ne peut fonctionner sans droit. La société n’est pas un simple rapport à 2
mais il faut un minimum de complexité, une communauté humaine ne se réduisant pas à une simple
relation bilatérale. Une société est une unité collective.

2. La notion de doit comporte nécessairement l’idée d’ordre social


Le droit n’est jamais violence gratuite, force pure ou désordre. Il est toujours connoté à l’idée d’un
certain ordre social. Un ordre dans une société peut paraître désordre dans une autre.
Ex : Organisation révolutionnaire qui a pour but d’attaqué un régime politique. Du point de vue de ce der-
nier, l’organisation révolutionnaire est désordre mais du point de vue interne de celle-ci, il y a un ordre en
gestation.
Pour examiner s’il y a ordre social ou pas, il faut se placer du point de vue des membres de la so-
ciété qu’on examine. Par conséquent, une société terroriste constitue un ordre social pour les terro-
ristes.

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3. Le droit avant d’être norme est une structure sociale (organisation)


Le droit existe avant même que l’ordre ait produit sa première norme car le droit naît de l’existence
d’une société donnée. Il y a ordre juridique selon Santi même si aucune norme n’a encore été décré-
tée car le droit existe avant d’être norme.

2. Sens du mot « institution »


Romano en vient à l’idée que le droit correspond à une institution. Le mot institution était très en
vogue dans les discussions juridique de l’époque. Le problème de Romano quand il l’emploi est
qu’il a été utilisé par ses prédécesseurs donnant un sens qu’il ne veut pas lui donner.

La discussion de droit privé a été menée sous l’influence d’Otto Von Gierke. La discussion est de
savoir si on peut accorder la personnalité juridique d’une personne morale sans se préoccuper de ce
que dit le législateur. Von Gierke est favorable à cet octroi par le juge car ces groupements privés à
but lucratif ou non sont des institutions. En tant qu’institution, le groupement doté d’une sorte d’au-
tonomie doit recevoir la personnalité juridique. C’est une notion qui ressort au droit privé.

La discussion de droit public est menée par Maurice Hauriou souvent présenté comme le fonda-
teur de l’école institutionnaliste. La question était de savoir s’il y avait un branche du droit qui se-
rait le droit de l’administration (droit administratif). On se contentait d’un droit constitutionnel
mais les règlements concernant l’administration était de plus en plus nombreuses menant à se de-
mander si ça ne constituait pas une nouvelle branche du droit. On a essayé de débattre sur ce qui fai-
sait la cohérence de cette branche du droit. Un débat va l’opposer à Duguit pour savoir si le droit
administratif doit se définir par rapport aux fins ou aux moyens mis à disposition de l’administra-
tion. Pour Duguit, ce qui fait la spécificité de l’administration, c’est qu’elle poursuit des fins diffé-
rentes des individus physiques ou moraux car ce qui lui importe est l’intérêt général. Son but est
de prodiguer des services publics, essentiels au bien être de la population dont se charge les pou-
voirs publics. C’est en tant qu’elle poursuit ses fins que l’administration doit être traitée différem-
ment juridiquement. Le droit administratif se justifie en raison des fins spécifiques poursuives par
les administrations. C’est l’école du service public dont le représentant est Léon Duguit.
A l’opposée, Hauriou dit que sa spécificité est qu’elle est une institution dotée de moyens particu-
liers extraordinaires, des prérogatives de puissance public. L’administration peut :
1. Nous imposer unilatéralement des obligations aux individus.
2. Si elle a besoin d’un certain terrain pour y construire un bâtiment public, disposer du pou-
voir d’exproprier moyennant une juste et préalable indemnisation, expropriation pour cause
d’utilité publique
3. Au niveau du personnel qu’engage l’administration, le fonctionnaire nommé se voit impo-
ser par l’administration la totalité des règles qui s’appliquent à la fonction publique mais elle
peut même de façon unilatérale muter un fonctionnaire ou autre. A l’égard de ses fonction-
naires, elle agit de manière unilatérale à contrario du droit commun des contrats de travail
Elle agirait moins par ses fins que par ses moyens. La branche du droit étudierait les moyens qu’a
l’administration. C’est l’école de la puissance publique incarnée par Hauriou.

Romano ne l’emploie ni en droit public, ni en droit privé mais en théorie générale du droit, disci-
pline méta-juridique. Il va, pour sa démonstration, donner sa propre définition et critères de l’insti-
tution. Il apporte 3 précisions à cette notion.

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3. Précision de Romano à la notion d’institution


3.1 Un corps social objectivement constatable
L’institution correspond à un corps social objectivement constatable. Un tel corps social est im-
matériel. Néanmoins, on peut considérer que quand un certain nombre d’humains sont gérés par un
usage commune, une coutume commune, on a affaire à un corps social. Pour déterminer si tel grou-
pement correspond à un corps social, on peut recourir à la sociologie et à l’ethnologie.

3.2 Pas nécessairement des formes complexes


Elle ne doit pas être forcément complexe. Pour Romano, certains corps social objectivement
constatable même simples, peuvent être des corps sociaux objectivement constatables.
Ex: Le noyau familiale traditionnel d’avant mai 68’ constitue un corps social et est donc un ordre juridique à
part entière.
Il va jusqu’à se demander si la file d’attente n’est pas déjà une forme de corps social objectivement
constatable. A la différence de L.F, la file d’attente est un cas limite sans réponse nette à la question
de savoir si c’est un ordre juridique. Il n’est cependant pas nécessaire d’aller jusqu’à la structure
complexe de l’État. Il existe des tas de corps sociaux relativement simple correspondant déjà à une
institution. Avant l’État et indépendamment de celui-ci, il y a une multitude d’ordre juridiques pos-
sibles.

3.3 Les changements d’individus ne modifient pas l’institution


L’institution est indépendante des êtres humains qui la composent. Le fait qu’ils puissent changer
dans le temps ne change pas l’institution.
Ex : Famille est une institution avec monsieur, madame et 2 enfants. Si un 3ème enfant arrive dans la famille,
elle n’a pas changé et le système juridique non plus. C’est la même institution. Il y a cette vision organiciste
dans laquelle une collectivité finit par acquérir une réalité propre, indépendante des personnes physiques qui
la compose.
Rmq : Différence avec Lucien François

4. Caractère juspostiviste de sa théorie


Avec cette vision, Romano va constater qu’il existe dans la réalité, une infinités d’ordres correspon-
dant à une infinité d’institutions. Comme c’est un juspositiviste, peu importe les valeurs poursui-
vies par l’ordre social, critiquables ou non, ce n’en sont pas moins des ordres juridiques même la
mafia. Il arrive que d’autres ordres juridiques dénient tout caractère juridique à une autre ordre mais
c’est une question qui doit venir au moment où l’on s’interroge sur les rapports existant entre les
différent ordres juridique. La vision de Romano permet d’observer une infinité d’ordres juridiques
raison pour laquelle on appelle sa théorie, la théorie de la pluralité des ordres juridiques.

Section 2 - Les rapports entre ordres juridiques

Il y a des problèmes liés à cette pluralité notamment lorsqu’il y a plusieurs ordres qui s’exerce
sur un même sujet.
Ex : Rapine sur un même territoire opéré par 2 bandes rivales. On peut imaginer que les 2 bandes demandent
chacune de payer un montant qui correspondrait à 40 ou 50 % du chiffre d’affaire. Le sujet de 2 ordres juri-
diques qui lui demanderait 50 % de son chiffre d’affaire et risquerait de n’en plus pouvoir et de se révolter ou
fuir.
Il peut avoir des contradictions entre les demandes de ces 2 ordres qui s’exerce sur une même
personne.

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Ex : Mafia. Quand un individu est arrêté, il lui est imposé de ne jamais donner le nom de ses complices.
C’est la loi du silence des organisations criminelles, la loi de l’omertà. Cependant, c’est aussi un sujet de
l’ordre juridique italien qui peut aggraver sa peine s’il ne collabore pas avec l’État. Il a 2 ordres contradic-
toires.
Pour répondre à la question du rapport entre ordres juridiques, Romano apporte une réponse prin-
cipale avec une exception.

1. Le pouvoir d’étanchéité (p.204 du Manuel)


C’est le pouvoir d’étanchéité. Pour un ordre juridique donnée, les injonctions d’un autre ordre est
un simple fait dont il n’a pas à tenir compte. Cela peut s’expliquer par l’hostilité que 2 ordres juri-
diques se vouent.
Ex : Opposition entre ordre juridique mafieux et ordre juridique italien. Pour l’ordre juridique italien, les
injonctions de la mafia n’a aucune valeur pour lui. L’État italien n’a pas à se préoccuper de l’inconfort du
mafieux. En contrepartie, l’ordre juridique mafieux est aussi indifférent aux injonctions de l’ordre juridique
italien. Ce ne sont que des faits qui n’ont aucun impact sur sa production normative à lui.
Un ordre juridique peut exercer son pouvoir d’étanchéité à l’égard d’un autre ordre juridique.

2. La relevance réciproque
Cela va parfois poser problème et pousser des ordres juridiques à collaborer et se reconnaître mu-
tuellement.
Ex : Je constate que les commerçants doivent verser entre 90 et 100 % de leur chiffre d’affaire. Si les chefs
des bandes rivales sont intelligentes, ils comprendront que les sujets qui se voient assujettir à des charges
aussi lourdes, risquent de ne pas supporter le poids que l’on veut leur faire supporter. Les commerçants
risquent de fuir le territoire sur lequel règne les bandes ou de se liguer contre les 2 bandes et de se révolter
contre elles.
Les bandes rivales ont intérêt à s’entendre pour éviter la fuite et la révolte des sujets. Cette colla-
boration est appelée par Romano la relevance réciproque, néologisme, acceptation d’accorder une
considération aux impératifs émis par cet autre ordre juridique et qui accepte de faire place dans son
ordre juridique à des injonctions d’un autre ordre. Il y a 3 ordres de relevance différents :
1. Des relevance entre ordres sur pied d’égalité comme dans la collaboration entre Etats
Ex : Mécanismes de conflits de lois et de reconnaissance de décisions judiciaires étrangères
2. Des relevances hiérarchisées entre elles entre ordres juridiques supérieur et subordonné
s’accordant tous deux relevance. C’est le cas des relations entre un Etat et les collectivités
territoriales décentralisées.
3. Des relevances entre 2 ordres dont il n’est pas possible de dire s’ils sont à égalité ou non car
se situent sur des plans différents.
Ex : Rapport entre le droit étatique et le droit canon

2.1 Relevance que s’accordent des ordres juridiques sur un pied d’égalité
Quand un État adopte des règles pour son territoire, seules les règles de cet État s’appliquent sur
cet État. Il peut arriver que dans les relations privées, ces dernières ne soient pas rattachables à un
seul État parce qu’il existe des éléments d’extranéité, un élément qui fait que l’opération juridique
envisagée n’intéresse pas qu’un seul État.
Ex : Vente d’un immeuble situé en Belgique entre un vendeur de nationalité Belge et un acheteur Belge vi-
vant tous 2 en Belgique. Imaginons que la vente porte sur un immeuble italien entre un vendeur Allemand et
un acheteur Belge. Il y a un certains nombres d’éléments d’extranéité. On pourrait dire que les droits italien,
belge et allemand sont intéressés par l’opération. Imaginons qu’il y ait un contentieux sur cette opération et
que le litige soit porté devant un juge Belge. La question qui va se poser à lui : Est-ce que dans une opéra-
tion concernant un bien immobilier situé en Italie entre un acheteur belge et un vendeur allemand, dois-je
utiliser la loi belge, allemande ou italienne ? Il se demande s’il applique son pouvoir d’étanchéité en appli-

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

quant le droit belge ou s’il peut laisser place à une loi étrangère dans l’hypothèse où il estime que la loi étran-
gère est plus adéquate dans le cas d’espèce.

Le juge va se référer à des règles qui sont couchées dans le Code de droit international privé qui
vont déterminer pour le juge belge s’il y a lieu d’appliquer une loi étrangère à un conflit affecté
d’un élément d’extranéité et si oui, quel critère le juge devra utiliser pour identifier le droit étran-
ger à appliquer. Ces règles sont des règles de conflit de lois qui surviennent lorsqu’une situation ju-
ridique est affectée d’un élément d’extranéité et de se demander quelle est la loi étrangère compé-
tente. C’est le premier morceau du droit international privé.
Ex : Lorsqu’un litige porté devant le tribunal belge porte sur un immeuble situé dans un Etat étranger. C’est
la loi du lieu de l’immeuble qui est applicable. Il appliquera la loi italienne si nous reprenons notre casus.
L’ordre juridique belge accepte de consentir une relevance à une loi étrangère. Mais comme il s’agit d’un
contrat de vente, il est indiqué dans le Code qu’en cas de litige concernant un contrat international, la loi ap-
plicable à ce contrat est celle que les parties ont choisie en vertu du principe d’autonomie des volontés.
Sur le territoire belge, il existe des règles de conflits de lois qui permettent à l’État belge de faire de
la place dans son ordre juridique. Il confère une relevance à d’autres droits étatiques que son juge
sera amené à appliquer parce que l’ordre juridique belge l’a décidé souverainement. C’est aussi le
cas dans la plupart des autres Etats. Ces différentes règles de conflits de lois ne sont pas nécessaire-
ment les mêmes d’un Etat à l’autre. Toutefois, ces règles manifestent la volonté souveraine des
États d’accepter de collaborer ensemble.

Dans le litige utilisé en exemple, on est parti de l’idée que c’est un juge belge qui a été saisi. N’au-
rait-il pas été envisageable qu’un tribunal italien ou allemande puisse être saisi ? Les Etats ont
aussi prévus dans leur droit international privé, des règles de compétence internationale de leurs tri-
bunaux. Ce sont des règles en vertu desquelles le juge belge peut se déclarer compétent pour un
litige comprenant des éléments d’extranéité mais aussi des règles qui font que le juge belge devra se
déclarer incompétent.
Ex : Le Code prévoit que le juge est compétent pour tout litige hors des immeubles situés en Belgique ce qui
veut dire qu’il n’est pas compétent pour trancher des litiges concernant un immeuble situé dans un autre
Etat. Il peut céder la place forçant ainsi les parties à aller vers le juge italien qui se déclarera peut être compé -
tent.

Il y a des règles de compétence internationale et également des règles qui vont favoriser la circula-
tion des jugements.
Ex : Les parties sont devant le juge italien qui s’est déclaré compétent et qui va choisir la loi nationale appli-
cable pour condamner le vendeur en raison des vices dont l’immeuble est affecté. L’acheteur a un jugement
contre le vendeur allemand. Il a le droit de réclamer des dommages et intérêts et de faire payer le vendeur
Allemand. Si le vendeur ne s’exécute pas, il va devoir aller devant un tribunal Allemand pour faire recon-
naître le jugement italien. Il va ensuite demander l’exécution forcée du jugement via une procédure d’exe-
quatur, la reconnaissance prétorienne de recours à une mesure d’exécution forcée sur base du jugement ita -
lien. C’est une façon pour l’ordre juridique Allemand de consentir une certaine place à un jugement étranger
sur le territoire Allemand.
Il s’agit d’accorder une relevance à une décision étrangère. On a des règles de conflit de juri-
diction, second morceau du droit international privé.

Le dernier morceau du droit international privé sont les décisions administratives rendues dans
un autre Etat que l’on peut faire reconnaître sur le territoire d’un autre Etat.
Ex : Mariage à l’étranger. Puis, de retour en Belgique, on demande à l’officier de l’État civil de transcrire le
mariage obtenu à l’étranger dans les registres de l’État civil Belge. L’autorité belge va vérifier que le mariage

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

obtenu à l’étranger respecte un certain nombre de règles. Si c’est le cas, il va devoir reconnaitre le mariage
fait à l’étranger et le transcrire.
Le droit belge accepte de consentir une certaine relevance aux décisions d’autorités étrangères.
C’est un conflit d’autorité, dernier volet du droit international privé.

Le droit international privé exprime la relevance qu’un Etat accepte d’accorder aux lois, aux ju-
gements ou aux décisions administratives prises dans d’autres ordres juridiques étatiques. L’État ne
juge pas ces décisions comme non pertinentes mais accepte de donner relevance à certains lois,
décisions judiciaires ou administratives obtenues à l’étranger.

2.2 Relevance d’ordres juridiques subordonnés l’un à l’autre


2.2.1 Les relations juridiques hiérarchiques dans la sphère publique
L’État et les ordres juridiques des collectivités décentralisées comme les communes et provinces
qui sont des ordres juridiques à part entière mais contenus dans un ordre juridique supérieur. Cela
n’empêche pas qu’il puisse il y avoir une étanchéité entre les 2. L’idée est que les normes produites
par l’ordre communal vont en tenir compte des règles de l’ordre juridique étatique supérieur s’ap-
pliquant à elles. Il est nécessaire d’accorder relevance aux dispositions supérieures (lois, constitu-
tion,...) pour prendre des décisions communales. La commune tient compte des règles adoptées dans
l’ordre juridique supérieur.

A l’inverse, l’ordre juridique étatique acceptera de donner relevance aux règlements communaux
dès lors que ceux-ci auront été adoptés dans le respect de ses propres normes. Il y a une relevance
mutuelle entre l’ordre juridique inférieur et supérieur. Par contre, si l’ordre juridique inférieur, l’or-
gane communale exerce son pouvoir d’étanchéité, l’État va refuser d’accepter une relevance quel-
conque à l’égard des règlements communaux pris en violation des lois qu’il a lui même promulgué.

Il peut il y avoir un pouvoir de tutelle sur les communes qui seront amenées à annuler les règle-
ments communaux litigieux. L’État refuse de leur accorder relevance. Le cas échéant si le pouvoir
de tutelle n’a pas été accepté, il reste la possibilité d’introduire un recours en annulation devant le
Conseil d’État compétent pour annuler les actes illégaux des autorités administratives.

En conclusion, soit, ils s’accordent relevance mutuelle, soit l’ordre juridique inférieur ne joue pas
le jeu en violant les normes supérieurs et donc ils ne s’accordent pas relevance mutuelle (pourvoir
d’étanchéité).

Pour Romano, il ne faut pas étudier l’État comme un ordre juridique unique car il est lui-même
composé d’une série d’ordres juridiques plus petits et subordonnés comme les collectivités décen-
tralisées. La théorie de Romano permet de voir plusieurs ordres juridiques dans un rapport de hié-
rarchie l’un par rapport à l’autre.

2.2.2 Rapports entre un ordre juridique supérieur public et des ordres juridiques inférieurs
relevant de la sphère privé
Ces derniers sont appelés les ordres mineurs comme la famille, l’entreprise, l’école privée,… C’est
le même principe de relevance mutuelle ou d’étanchéité mutuelle.
Ex : Entreprise est un ordre juridique inférieur par rapport à l’État. Elle produit des normes qui ne seront
admises qu’à la condition qu’elle les ait adopté au respect des normes étatiques, en accordant relevance aux
normes étatiques. En ce cas, l’ordre juridique supérieur va accepter la validité de ces règlements d’atelier.
L’entreprise pourra opposer valablement ses normes reconnues par l’État.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Soit elle accorde une relevance à l’ordre juridique supérieur qui accordera, en son sein, relevance
aux règles de l’ordre juridique inférieur mais si ce dernier ne respecte pas les règles de l’ordre supé-
rieur alors il n’y aura aucune relevance mutuelle. Il y aura pouvoir d’étanchéité entre les 2 et les
normes d’entreprise seront invalides.

C’est ainsi que Romano examine ces pluralités d’ordres juridiques inférieurs qui ne pourront
émettre des normes reconnues par l’ordre supérieur et accepté en son sein que si ces ordres infé-
rieurs ont produit ces normes dans le respect des règles posées par l’ordre juridique supérieur.

2.3 Relevance entre des ordres juridique qu’il est impossible de hiérarchisé ou de mettre sur
un pied d’égalité
Ces ordres juridiques poursuivent des objectifs/finalités distinctes.
Ex : Rapport entre le droit étatique et le droit canon. Il n’y en a pas un qui a primauté sur l’autre car selon
Romano, l’État poursuit des objectifs temporels/terrestres alors que le droit canon poursuit des objectifs
célestes/spirituels. Ces 2 ordres face à face peuvent exercer un pouvoir d’étanchéité pur et simple, soit s’ac-
corder une certaine relevance. Le type d’ordre juridique pourra être qualifié de manière différente selon qu’il
décide d’exercer un pouvoir d’étanchéité envers le droit religieux ou de lui accorder relevance.

2.3.1 Expression d’un pouvoir d’étanchéité aux impératifs du droit canon


L’État refuse d’accorder la moindre relevance aux commandements religieux. C’est l’État gouverné
par le principe de laïcité, opérant une séparation stricte entre les Églises et lui-même. L’État
n’aménage aucune de ses solutions pour tenir compte des commandements religieux

2.3.2 Expression d’une relevance totale à l’ordre religieux amenant la vraie foi
Ce sont les Etats dominés par une religion d’État et dont les normes sont importés de l’ordre juri-
dique religieux. L’État accorde toute la place en son sein aux commandements d’une certaines reli-
gieux. Ce fut le catholicisme romain en Europe occidentale au XVIIe ou des commandements reli-
gieux dans les pays du Moyen-Orient aujourd’hui. Ce sont des théocraties, antithèse de l’État laïc,
État où relevance entière est donnée aux commandements formulés par l’ordre juridique religieux.

2.3.3 Accord d’une relevance partielle


La Belgique a décidé d’accorder un traitement public aux ministres des cultes reconnus. Ce sont
les cultes qui décident de qui va bénéficier de ces rémunérations étatiques. L’État ne choisi pas qui
va être ministres du culte. Il accepte les décisions prises par les différents cultes pour la nomina-
tion des différents ministres des cultes. En somme, l’État va accorder une relevance à des décisions
qui émanent de l’ordre juridique religieux. Il existe d’autres situations où l’État Belge accorde des
relevances à certains commandements. On est dans un Etat qui pour partie, exerce son pouvoir
d’étanchéité à l’égard des commandements religieux (ex : mariage religieux sans valeur) et pour
partie, d’accorde dans certains cas, une relevance à des commandements d’ordres juridiques reli-
gieux.

Plus un Etat accorde de l’étanchéité, plus il se rapproche d’un Etat laïc. Plus il accorde de la rele-
vance, plus il s’approche d’un Etat théocratique.

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Section 3. Une vision dualiste des rapports entre droit international et droit étatique

Romano nous a donné une vision de l’ordre juridique telle qu’on pourrait se demander si à ses yeux,
il existe un ordre juridique international. Il faut assouplir les critères de Santi Romano pour dire
qu’il existe une société internationale mais unique. Il tient pour avérer l’existence de l’ordre juri-
dique international. La question est de savoir comment analyser ses rapports avec l’ordre juridique
étatique.

Il va dire qu’en bonne logique, le rapport entre le droit international et les droits étatiques est un
rapport hiérarchisé. L’ordre juridique international est supérieur aux ordres juridiques supérieurs
mais cela n’empêche pas que puisse jouer les principes d’étanchéité et de relevance. On peut
donc appliquer les réponses de principes que l’on a vu pour n’importe quel ordre juridique.

1. Analyse du pouvoir d’étanchéité entre international et national


Il existe une étanchéité entre le droit international et étatique. Par conséquent, pour que l’internatio-
nal ait un effet dans l’ordre juridique étatique, il doit accepter de donner relevance au droit inter-
national et s’il ne le fait, il exerce son pouvoir d’étanchéité qui se matérialise sous la forme de la
souveraineté des Etats. Si les Etats sont souverains, ils décident souverainement d’ouvrir ou de ne
pas ouvrir la vanne pour recueillir les règles de droit international en son sein. Du point de vue des
principes d’analyse de ces rapports, il faut réfléchir sur 2 plans distincts :
1. Le plan du droit international
2. Le plan du droit étatique

1.1 Pouvoir d’étanchéité et impuissance internationale


On va partir de l’idée d’un Etat qui a conclu un traité international mais néanmoins, il décide
d’adopter une loi étatique contraire au traité qu’il a signé auparavant et décide de façon contradic-
toire de dire qu’il exerce son pouvoir d’étanchéité. Sur son territoire, l’Etat souverain et s’il dé-
cide d’adopter une loi contraire à ce traité, cette loi va s’appliquer sur son territoire. Quand on réflé-
chit sur les 2 plans, il faut distinguer ce qu’il va se passer dans l’ordre juridique internationale mais
aussi dans l’étatique. Si un Etat engagé internationalement adopte une loi contraire au traité, il est
clair qu’il engage sa responsabilité internationale. Il n’y a pas de police ou juge international mais
en fait, ça ne va pas beaucoup menacer l’État qui risque peut être un arrêt de la CIJ de La Haye qui
déclarera qu’il est responsable. Ce sera une action exclusivement déclaratoire.

Dans l’ordre interne, le texte que le juge va appliquer en cas de conflit entre un traité et une loi
postérieure sera cette dernière en vertu du principe Lex posterior, priori derogat. Les organes éta-
tiques vont faire prévaloir la loi nationale sauf si, au lieu d’exercer son pouvoir d’étanchéité, l’ordre
étatique accorde une relevance.

1.2 Relevance mais souveraineté d’État


L’État peut accorder une relevance et même admettre que les normes de droit international doivent
supplanter ses propre norme. Dans un système dualiste, le droit interne peut décider souveraine-
ment que sur son territoire, les normes internationales prévalent et que ses juges pourront faire pré-
valoir le traité sur la norme interne mais l’État lui même doit décider de cette relevance. Dans quel
texte de droit interne, le mécanisme de la relevance doit-il se trouver ? En bonne logique, la seule
catégorie de texte dans laquelle cette relevance va pouvoir efficacement être consacrée est un texte
de rang supra législatif, supérieur à la loi. Dans une vision dualiste, c’est le texte constitutionnel

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qui doit prévoir cette relevance. En effet, consacré la primauté dans une simple loi serait probléma-
tique.
Ex : Pour éviter les problèmes de quorum etc, un Etat a peut être consigné dans une loi que le juge doit faire
prévaloir le traiter. Ce texte législatif dit par exemple qu’en cas de conflit entre une norme international et
une norme législative, le juge doit faire prévaloir la norme internationale. Mais admettons que quelques mois
plus tard, le Parlement de cet État adopte une loi qui viole un traité. Cela resterait légal car une loi peut mo-
difier une autre loi.
Si on met le mécanisme de relevance dans un texte de rang législatif, tout texte qui le violerait serait
considéré comme devant prévaloir sur celle-ci car Lex posterior, priori derogat. Pour que le traité
agisse efficacement, c’est dans un texte supérieur à la loi, La Constitution, qu’il faut prévoir ce mé-
canisme de relevance. Dès lors, un juge ne pourra écarter le traité par une loi que s’il en a reçu l’au -
torisation expresse de la Constitution.

Pour Santi Romano, aussi longtemps que la Constitution d’un Etat ne prévoit pas explicitement
cette relevance, c’est le pouvoir d’étanchéité qui s’exerce et les juges étatiques ne sont pas habili-
tés à faire prévaloir le traité international sur la loi. Cette approche dualiste n’est pas celle que la
Cour de cassation de Belgique a retenue dans son arrêt Le Ski du 27/05/1971. Alors même que ce
n’était pas prévu par la Constitution, la Cour a considéré que les juges belges pouvaient faire préva-
loir le traité internationale ayant effet direct sur les lois. La vision dualiste de Romano n’est pas
celle qui a nourri les réflexions de la Cour de cassation.

L’approche dualiste est assez décevante car le droit international n’en est pas moins toujours
confronté au pouvoir d’étanchéité de l’État souverain. C’était décevant pour ceux qui voulaient se
prévaloir du droit international car ne dépend que du bon vouloir de l’État. De plus, une révision
constitutionnelle voulant donner primauté au droit international est complexe.

Section 4 - Comparaison avec la microscopie du droit

1. Points de divergence
1.1 Nécessité de la complexification de l’organisation sociale
Pour L.F, il y a du juridique, un jurème, dès la brève rencontre à 2. Le jurème étant la particule élé-
mentaire du phénomène juridique, la brève rencontre est juridique. Or Pour Santi Romano, il n’y a
ordre juridique que s’il y a une institution. Le simple lien décrit par L.F n’est pas constitutif d’un
phénomène juridique. Il en va de même pour l’archème simple (chp.10 du Cap), rapport bilatéral
entre 2 personnes s’inscrivant dans le temps. Pour Romano, il n’y a du droit que si on introduit le
facteur de l’organisation sociale (chp.11 du Cap), en introduisant des émetteurs et des destinataires
de jurème.

1.2 Vision du droit international


Pour L.F ce n’est qu’un nimbe et il n’existe que des ordres juridiques interétatiques, systèmes de
collaboration entre certains Etats. Il a une vision pluraliste du droit international par opposition à
la vision unitaire de Santi Romano. L.F est encore plus pluraliste que Santi Romano car là où se
dernier ne voit qu’un ordre juridique international, L.F identifie plusieurs ordres juridiques interéta-
tiques.

2. Point de ressemblances
2.1 Le phénomène juridique est partout
Pour les 2, il existe du droit avant et en dehors de l’État. Il y a un accord pour dire que le phéno-
mène juridique ne se réduit pas au phénomène étatique

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2.2 L’étanchéité et la relevance


L.F va emprunter à Romano les notions de « pouvoir d’étanchéité » et de « relevance » pour les
employer à propos des archèmes étendus par l’habilitation et des agrégats. C’est avec ces termes
qu’il explique l’agglutination. Ainsi, la file d’attente, qui est un cas limite pour Romano, a pour
spécificité que chacun des membres de la file accepte d’apporter leur appui aux autres pour former
une structure plus puissante qu’est l’agrégat. Chaque maître d’archème accorde une relevance aux
autres archèmes et aux autres injonctions émanant de ces archèmes. A cet égard, il utilise le terme
de relevance.

2.3 Le criminel est juridique


Les structures autres que l’État considérées comme criminelles constituent des phénomènes juri-
diques aussi bien pour Romano et L.F même si l’État leur nie tout caractère juridique.

C’est logique qu’il y ait des points communs entre les 2 car appartiennent tous 2 au juspositivisme.

Chapitre 2. Le concept de droit selon Herbert Hart

Il est l’auteur de «Concept of Law » traduit par « Le concept de droit » qui est un ouvrage de théo-
rie du droit.

Section 1 - Le droit comme combinaison de règles primaires et de règles secondaires

Hart repart de la notion de règle alors que Romano disait que le droit était une certaine institution.
Il s’en prend à John Austin, professeur du droit du XIXe, qui a été l’expression net de l’approche
juspostiviste du droit car pour lui, le droit correspond à tous commandements qu’un être humain
adresse à un autre sous la menace d’une sanction. Hart va vouloir contrecarrer la pensée d’Austin
car il faut distinguer 2 types de règles dont la combinaison est nécessaire pour avoir un phénomène
juridique.

§ 1er - Les règles primaires


C’est l’ensemble des règles qui prescrivent aux être humains d’accomplir ou de s’abstenir de cer-
tains comportements qu’ils le veuillent ou non. C’est la totalité des règles selon la conception
d’Austin. Mais elle doit se combiner aux règles secondaires.

1. Distinguer la notion d’obligation


Il dit qu’il faut distinguer le fait « d’être obliger » de ou de « se sentir obliger de » de celui
« d’avoir l’obligation de ».
Ex : A Droixhe quand un briguant oblige de nous remettre notre portefeuille. On est obligé de le faire sous
peine d’avoir un coup de poignard. Mais n’est pas vraiment « avoir l’obligation de »
Ex : Délinquants ont l’obligation juridique de ne pas voler mais le font car certains ne se sentent pas obli-
ger. C’est un sentiment psychologique.

Hart va apporter 3 conditions pour qu’il y ait une obligation juridique

2. Conditions de l’obligation juridique


2.1. Règle préexistante avec pression sociale suffisante
Il faut que préexiste une règle. Règle qui impose une certain comportement dans une collectivité
humaine grâce à une pression sociale suffisante exercée sur les membres de ce groupe. Cette pres-

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sion sociale doit être suffisante donc quand elle est minime comme la désaprobation, cela ne suffit
pas pour qu’on ait affaire à une obligation.
Ex : Pression qui s’exerce par la menace de sanction telle que l’atteinte à la vie, à la liberté à l’intégrité phy-
sique ou au patrimoine. Privation de liberté pour meurtre,...

2.2. Nécessaire à la cohésion sociale


Ces règles doivent être jugées nécessaires au maintient de la vie et à la cohésion du groupe social,
raison pour laquelle il y a une pression sociale.

2.3. Renonciation de l’individu


Le caractère obligatoire de la règle implique la renonciation dans le chef de celui qui doit faire ou
s’abstenir de faire quelque chose. Le droit nous obliger à renoncer, à sacrifier notre propre intérêt au
nom de l’intérêt du groupe.

3. Approches des règles juridiques


On peut étudier ces règles d’un point de vue interne ou externe

3.1 Approche interne du droit


C’est l’approche de celui qui est à l’intérieur du système juridique. Soit qu’il soit chargé de faire
respecter les injonctions du système juridique, soit qu’il s’agisse de sujets qui obéissent spontané-
ment à la règle parce qu’ils y adhèrent. C’est une approche qui analyse l’adhésion. Ceux qui la font
appliquer ou qui l’appliquent adhèrent spontanément à la règle juridique.

3.2 Approche externe du droit


Adoptée par celui qui ne fait pas partie du système juridique étudié ou en fait partie mais s’y op-
pose. L’analyse n’est pas en terme d’adhésion mais de calcul rationnel. Le délinquant dans un
ordre juridique va se demander s’il va finir par obéir à la règle primaire et ce qu’il risque s’il n’y
obéit pas. En fonction des risques, l’auteur va faire un calcul coût/bénéfice en voyant ce que lui rap-
porterait la violation de la loi et ce que ça lui coûterait. Si le délinquant finit par ne pas désobéir à
telle règle, ce n’est pas parce qu’il y croit mais parce que rationnellement, il croit ne pas valoir la
transgresser. C’est aussi l’approche de celui qui étudie le système juridique du dehors comme le so-
ciologue ou l’anthropologue. Comme ils ne doivent pas se convaincre du bien fondé de la règle, ce
qu’ils vont étudier, c’est si la règle est respectée ou si elle n’est jamais appliquée. Ils adoptent la
règle pour observer les régularités statistiques. C’est typiquement anglais car dans le système anglo-
américain, on analyse la délinquance en terme économique. On voit, à travers la distinction de Hart,
que cette division se traduit par le fait d’avoir une approche économique de la criminalité quand on
adopte une approche externe.

4. Faiblesse des règles primaires


Les problèmes du fait de n’avoir que des règles d’obligations sont :
• Comment identifier les règles primaires du système ? Ne faudrait-il pas des règles destinées
à identifier ou découvrir des règles primaires ? Si on a pas ça, il y a un risque d’incerti-
tude. On est pas sûr que telle règles fait partie du système. C’est la faiblesse d’incertitude.
• Ces règles doivent changer car des nouveaux défis, dangers et besoins se présentent à la so-
ciété. Un système uniquement composé de règles primaires rend impossible le changement
des règles car pas d’éléments permettant de dire comment elles pourraient changer. C’est la
faiblesse de l’immobilisme.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

• Imaginons qu’un des membres du groupe viole une des règles primaire, que se passe-t’il ?
Quid de la question de savoir s’il y a eu violation, suivant quelle procédure, avec quelle dé-
cision possible ? Sans cela, le système de règles primaires risquent d’être inefficace. C’est la
faiblesse de l’inefficacité.

§ 2 - Les règles secondaires


Ensemble des règles qui accordent aux humais des prérogatives, des pouvoirs publics ou privé. Il
les définit comme les règles permettant aux êtres humains, ou certains d’entre eux, de créer de
nouvelles règles primaire, de modifier d’anciennes règles primaires ou de déterminer leur inci-
dence ou de contrôler leur mise en œuvre. Ce sont des règles qui habilitent ou donnent des pouvoirs.

A. Les règles de reconnaissance


Elles pallient au risque d’incertitude. Le système juridique doit fournir un certain nombre de cri-
tères permettant d’identifier parmi les règles qui existent, celles qui font partie du système et celles
qui n’en font pas partie. Elles visent à déterminer les différents critères à satisfaire pour être une
règle valide. Les règles de reconnaissance permettent de considérer les règles comme valides et
source du droit.

B. Les règles de changement


Elles pallient au risque d’immobilisme. Elles précisent la façon dont il est permis de modifier,
abroger et créer les règles primaires voir de changer et d’abroger les règles secondaires. Elles per-
mettent au pouvoir public de modifier les règles juridiques mais aussi aux particuliers de modifier
l’ordonnancement juridique.
Ex : Règles qui organisent le travail législatif.
Ex : Nous sommes habilité par 1134 de faire des contrats. Il y a, grâce au contrat, un changement de ordon-
nancement juridique. Grâce au contrat la propriété passe dans le chef de l’acheteur et son argent passe dans
celui du vendeur. C’est une règle de changement au sens de Hart car permet à des particuliers de modifier la
situation juridique antérieure. C’est aussi le cas des testaments.

C. Les règles de décision


Elles pallient au risque d’inefficacité. Elles se traduisent par la mise sur pied d’un système de
peine, d’exécution des sanctions, de procédure,... permettant à certaines personnes d’identifier les
infractions et de les punir. Elles permettent de voir sous un jour nouveau les concepts classiques de
juridictions et de sanctions.

Pour Hart, seul l’adoption de règles secondaires permet de conclure à l’existence de règles juri-
dique. Le système ne devient juridique que lors de l’adoption des 3 règles juridiques assurant.

Section 2. Focus sur les règles de reconnaissance

Elles permettent d’identifier les règles valides d’un système juridique donné. La question de ce
qui est droit n’est pas générale mais d’un point de vue d’un système juridique donné.
Ex : 1134 en Belgique permettant aux particuliers de faire un contrat. Pour savoir si le contrat est valide, il y
a les conditions des articles 1108 et suivants.

On part d’un exemple pour comprendre ce système.


Ex : Règlement d’un hôpital. Pour déterminer si ce règlement est valide, il existe, dans le système anglais,
une règle de reconnaissance qui dit qu’il est valide si reconnu par l’arrêté gouvernemental en matière

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d’hôpitaux (RC n°1). En réalité, il existe une autre règle de reconnaissance qui dit que ces arrêtés d’hôpi -
taux sont valides si adoptés conformément à la loi sur les systèmes de santé (RC n°2). Pour savoir si cette
loi est valide, la question est particulière car en droit anglais, il n’y a pas de constitution écrite ou quelque
chose naturellement au dessus de la loi. C’est le système de la souveraineté parlementaire. En réalité, il
s’agit de constater qu’en droit anglais, est considéré comme loi ce que le Parlement et la Reine édicte
conjointement. Il suffit de constater que la loi a été édictées par la Reine et le Parlement, c’est la règle de re-
connaissance n°3 qui n’est pas la même que les 2 premières. La règle de reconnaissance n°3 n’est pas une
règle qui permet de vérifier la conformité la loi à une norme supérieure mais qui permet d’identifier ce qu’est
une loi. Raison pour laquelle cette règle de constitution est la règle de reconnaissance que Hart appelle la
règle ultime de reconnaissance qu’est la règle qui identifie dans un système juridique donné, quelle est la
norme matériellement la plus élevée du système et ce qui en découle par les autres règles de reconnaissance.

Dans le système belge, on ne peut s’arrêter là car il reste un échelon consistant à dire que la loi sur
le système de santé ne sera valide que si adoptée selon les conditions et modalités prévues par la
Constitution (RC n°4). En droit belge, on ne peut pas dire qu’il y a une règle ultime de reconnais-
sance dans la règle n°3. Mais dès lors, comment savoir si la Constitution écrite est valide ? Ce sont
les fondateurs du régime politique en questions et ceux qui l’ont modifiés ultérieurement (RC n°5)
constituant la règle de reconnaissance ultime.

Le système de règle de reconnaissance peut s’identifier aussi bien d’un point de vue interne qu’ex-
terne. C’est aussi bien une question de droit qu’une question de fait. La règle ultime de reconnais-
sance résulte ou se déduit d’un simple fait, elle n’est ni valide, ni invalide. Elle est un fait en ce
qu’elle est la résultante de l’accord qui existe actuellement entre les différents acteurs d’un sys-
tème juridique donné. Cet accord unanime se déduit du fait que l’ensemble des acteurs appliquent
la règle de reconnaissance ultime. Tout un système juridique dépend en dernière instance d’un fait
donné, fait sociologique et politique donné. Ce fait est le consensus qui règnent dans un Etat entre
tous les acteurs du système juridique sur la teneur de la règle ultime de reconnaissance. Ce n’est pas
rien car en certains cas, l’accord sur une constitution peut s’effilocher et céder le pas à une autre
constitution comme lors de la naissance de la Belgique.

Les règles de reconnaissance font écho à l’objet du cours car est consacré à la question « Qu’est-
ce que le droit » sauf que le cours envisage cette question de manière générale et non pas du point
de vue d’un système juridique déterminé.

La règle ultime de reconnaissance est celle qui identifie la règle d’où découle l’ensemble des
règles du système juridique. Elle n’est pas décrétée dans un texte mais est un simple fait qui se
déduit de l’application unanime qu’en font les autorités du système.

Section 3 - Les conditions d’existence d’un système juridique

1. Deux conditions
Plus largement, Hart va montrer que l’existence d’un ordre juridique est conditionné par 2 exi-
gences cumulatives :
1. Les règles valides du système doivent être identifiées sur la base de critères communs ou
largement partagées par les autorités dont dépend le fonctionnement du système. Les au-
torités d’un système doivent s’accorder sur le système de reconnaissance en ce compris la
règle ultime. C’est un accord sur la validité des règles donc sur une approche interne de droit
qui dépend sur un fait. C’est un jugement interne de droit. C’est un critère qui concerne les
gouvernants mais il ne suffit pas de constater un tel accord.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

2. Il faut aussi que les gouvernés obéissent de manière générale aux règles validées par les
autorités. C’est un constat de pur fait. Ca doit être une obéissance effective que l’on doit vé-
rifier. C’est la condition d’obéissance des sujets. C’est un jugement externe de fait. C’est
l’effectivité, le fait que la règle soit respectée en en gros et de manière globale par les gou-
vernés.

2. Pathologies
Les conditions de validité sont l’accord entre les autorités du système et une obéissance globale
des sujets. Le problème est qu’il arrive que les systèmes juridiques souffrent de l’effondrement
d’une des 2 conditions voir des 2 en même, les rendant malades. Hart parle de pathologie d’un sys-
tème juridique.

2.1 Pathologie de validité


Le fameux accord censé régner entre tous les acteurs d’un système juridique pour appliqué une cer-
taine de reconnaissance peut cesser d’exister. Il y a un antagonisme qui naît en ce qui concerne les
règles de reconnaissance.
Ex : Mouvement de décolonisation du Commonwealth, l’empire anglais. Il a commencé à se craqueler
après la Seconde Guerre. Pour comprendre cette décomposition, il faut savoir que dans l’empire britan-
niques, les affaires britanniques étaient confiées à une administration composée d’autochtones. Sauf que
dans cette élite intellectuelle autochtone une sympathie pour l’idée d’indépendance va se développer. Gand-
hi avait reçu une éducation irréprochable, c’était un indien éduqué que les anglais voulaient s’adjoindre pour
continuer à administrer les colonies. Ils ont fini par ne plus reconnaître l’autorité de la Couronne britan-
nique sur le territoire qu’ils contribuaient à administrer. Ils ont refuser d’appliquer la règle ultime de re-
connaissance du système juridique britannique et à s’accorder entre eux sur un nouveau système de recon-
naissance avec une nouvelle règle ultime de reconnaissance. Ils voulaient un système juridique indépendant
détaché du système anglais. Ce n’est pas que la population locale a refuser d’obéir mais les collaborateurs
du pouvoir anglais, les gouvernants, qui ont fini par refuser de continuer à collaborer avec le colonisateur an-
glais. Il y a eu une sécession du côté des acteurs (autochtones) du système juridique anglais. Pathologie qui
se caractérise par la fin du consensus qui existait entre tous les acteurs du système juridique britannique exis-
tant.

2.2 Pathologie de l’obéissance


A un moment donné, les sujets n’obéissent plus. Ils n’acceptent plus de respecter les commande-
ments émanent d’un système juridique donné.
Rmq : Ce n’est pas une désobéissance isoléee car tout système juridique finit par être désobéit si-
non il n’y aurait pas de délinquance. L’obéissance n’est jamais totale.
La désobéissance dont il est question doit être généralisée, la quasi-totalité des sujets n’obéit plus
à un système juridique déterminé. Aussi, cette désobéissance doit être durable.
Ex : Finale de coupe du monde, durant une nuit, il y a un déchaînement de la population menant à la com -
mission de nombreux délits. Le lendemain, tout le monde reprend sa place. Ce n’est pas de la désobéissance.

2.2.1 Les révolutions


Certains événements historiques correspondent à une pathologie de l’obéissance comme une série
de révolutions. C’est un moment ou la population n’obéit plus au pouvoir en place. Les phéno-
mènes révolutionnaires est le première exemple de désobéissance. Dans ce cas, le système souffre
d’une pathologie.
Ex : Révolution française de 1789 ou russe de 1917

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

2.2.2 Les périodes d’occupation


Elle peut se produire lors d’une conquête territoriale ou d’invasion avec un système d’occupa-
tion.
Ex : Belgique durant la première et seconde guerre où le pays a été occupé durant plusieurs années par une
puissance étrangère. L’occupant allemand a imposé sur le territoire belge ses commandements. La plupart
des Belges ont fini par obéir à l’occupant mais les règles du système juridique de l’État qui vient d’être occu -
pé ne sont plus obéies pendant les 2 guerres. La cause de cette désobéissance est l’occupation du territoire
avec imposition des règles de l’occupant ayant pour conséquence que la puissance occupée repliée et exilée
n’est plus en mesure de se faire obéir sur son territoire.

2.2.3 Les deux


Parfois, il y a un mélange de révolution et d’occupation militaire.
Ex : France durant la Seconde guerre. En septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. L’ar-
mée française est éclatée par l’Allemagne et en printemps 40’, la France est à genoux. Il y avait 2 possibili -
tés : refuser l’armistice avec l’Allemagne et continuer le combat en s’exilant obligeant l’Allemagne a être oc -
cupante sur le territoire français (Appel du 18 juin 40’ de De Gaulle) ou, choix adopté, l’armistice qui a été
acceptée par le Maréchal Pétain une fois qu’il a été désigné chef de l’État Français. Cet armistice va mener à
diviser la France en zone occupée où les Allemands détiennent le pouvoir et en zone Libre que les autorités
française gèrent via Vichy. Jusqu’au 10 juillet 40’ (Révolution nationale), le régime politique qui gouvernait
la France était la IIIème République, régime de démocratie bourgeoise, libérale classique. Pétain veut mettre
fin à cette IIIème république qu’il déteste et donc, il fait installer sur le territoire de la zone libre, l’État
français qu’est le régime autoritaire de Vichy clérical et militaire. Les français ont obéis aux nouveaux
maîtres des 2 zones. Le régime la IIIe République était l’objet d’une très grave pathologie de l’obéissance car
plus personne n’obéissait aux lois de ce régime.

2.3 Quid de la position des systèmes malades ?


Il est difficile de donner un nom aux pratiques des gouvernements en exil. Les autorités du sys-
tèmes occupés fuient à l’étranger et prétendent représenter le seul système juridique légitime depuis
l’étranger.
Ex : En 1789, un certain nombre d’aristocrates (noblesse) a fuit la France qui avait proclamé la République à
partir de 1792. Ils ont fuit dans la ville de Coblence (Allemagne) pour organiser leur retour. On les nommait
les émigrés de Coblence qui étaient censés transporter avec eux la légitimité de l’A.R et de renverser les
usurpateurs depuis l’étranger pour revenir victorieux en France. La question était de savoir qu’aussi long-
temps qu’ils étaient à l’étranger et les révolutionnaires en France, peut-on dire que l’A.R. existait toujours ?
Pourtant, les émigrés de Coblence se voyaient comme les vrais représentants légitimes de la France.
Ex : Durant la Seconde guerre, on a observé la pratique de gouvernement en exil. Une partie du gouverne-
ment belge (Spaak et Pierlot) s’est exilé à Londres. Ce gouvernement prétendait incarné le seul système ju-
ridique légitime pour le territoire belge sauf qu’en pratique. Sur le territoire belge, durant la guerre, les déci-
sions de ce gouvernement n’ont eu aucun effet sur le territoire belge sur lequel s’appliquait les règles de
l’occupant allemand. De la même manière, De Gaulle avait établit à Londres un mouvement de résistance
« La France libre » qu’il prétendait être la seule représentante légitime de la France et que le régime de Pé-
tain ou nazi étaient usurpateurs. Sauf qu’en France, les injonctions auxquels obéissaient les sujets français
étaient celle de Vichy ou de l’occupant et non ceux de la France Libre. Quid de ces systèmes juridiques qui
ont connus l’ombre? Sont-ils encore des systèmes juridiques ? Le systèmes usurpateurs qui se font obéir, ne
sont-ils pas vraiment des systèmes juridiques ?

A ces interrogations, on peut donner 2 catégories de réponses :


• Symboliquement forte mais mythologique
• Réaliste mais moins valorisante
Ex : France de De Gaulle, en 44’ lors de la libération de Paris. Il faut son apparition et un des
membres de son entourage l’encourage à proclamer à nouveau la République car dans son esprit, les

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

4 années précédentes, le régime républicain est tombé et a disparu. De Gaulle dira « La République
n’a jamais cessé d’être.Vichy fut toujours et demeure toujours nul et non avenu. Moi-même suit le
président du gouvernement de la République. Pourquoi irais-je la proclamer ? ». L’ordonnance du
9/8/1944 va d’ailleurs proclamer dans son art.1 « La forme de gouvernement de la France est et de-
meure la république. En droit, elle n’a jamais cessé d’exister ». C’est une lecture mythologique de
ce qu’il s’est passé car la République a bien cessé d’exister durant 4 ans. Les seuls systèmes juri-
diques réels qui existaient étaient le régime de Vichy et le régime allemand occupant. Il faut être at -
tentif à la mythe-histoire qu’on nous raconte et la réalité. En fait, les systèmes juridiques français et
belges ont été très malades car ont cessé d’être obéis de manière générale par leurs sujets.

2.4 Des pathologies qui ne sont pas étanches


Hart fait comme si ces 2 pathologies étaient indépendantes mais cette distinction est beaucoup plus
difficile que cela à tracer car dans tous ces événements, il y a ces 2 pathologies à la fois. La fron-
tière n’est pas nette entre le fléchissement des 2 conditions. C’est artifice que de les séparer.
Ex : Régime de Vichy présenté comme une pathologie de l’obéissance. On peut dire que c’est aussi une pa-
thologie de la validité car aussi bien dans le territoire occupé que celui de Vichy, ce sont les mêmes juges,
fonctionnaires et administrateurs qui appliquent les règles de Vichy comme ils ont appliqué celle de la IIIe
République. C’est comme si en plus, les autorités de l’ancien système sont d’accord de ne plus appliquer les
règles de reconnaissance de l’ancien système mais au contraire sont d’accord d’appliquer les nouvelles
règles de reconnaissance.
Ex : Décolonisation. Quand on lit l’histoire de l’Inde ou du Pakistan, on sait que dans la population autoch-
tone, il y avait de plus en plus de tendance à la révolte et à la désobéissance. Les intellectuels autochtones ne
faisaient que contribuer à la désobéissance populaire qui régnait déjà.

Certains systèmes juridiques malades s’en remettent…


Ex : Déclaration d’indépendance déclarée par une minorité territoriale comme celle du Parlement catalan
de 2017. Le système juridique malade est le système espagnol car la Catalogne déclare la session du terri-
toire espagnol. Il n’en reste pas moins qu’après mobilisation de la police et de la force publique, l’Espagne a
rétabli l’ordre. Aujourd’hui encore, son intégrité territoriale est toujours respectée et la Couronne d’Es-
pagne continue toujours de s’exercer sur le territoire catalan.
… d’autres ne s’en remettent pas.
Ex : Système juridique des Pays-Bas en 1830. Les provinces méridionales déclarent leur indépendance, pa-
thologie car le système juridique néerlandais voit le risque de perdre une partie de son territoire mais il n’a
pas pu sauver le manque qui lui a été arraché. Il n’a pas pu user d’une force suffisante pour maintenir l’ordre
et garder le territoire de l’actuelle Belgique. Cette pathologie a laissé des traces car le système juridique a été
amputé d’une partie de son territoire.

Section 4 - Comparaison avec la microscopie du droit

1. Droit réductible en un ordre de contrainte


Hart réfute que le droit constitue un seul ordre de contrainte car pour lui, le droit résulte de la com-
binaison de règles primaires et secondaires. Opposé à la vision de L.F pour qui le droit est réduc-
tible à un ordre de contrainte. Pour lui, une règle offrant un droit doit être une obligation pour un
autre individu. L.F dit que les règle primaires et secondaires ne sont du droit que si peuvent être
reformulées en une obligation pour autrui. A contrario, Hart dit que les règles ne sont juridiques
que si elles peuvent être reformulées en règles primaires. Pour L.F, la distinction de Hart n’a pas
d’intérêt.

1. Règle d’obligation et jurème


Le jurème ressemble à ce que Hart appelle une règle primaire mais ce n’est point évident. Hart
précise que la règle primaire préexiste et sert à la cohésion du groupe social. Pour Hart, on ne peut

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

dire que l’injonction du brigand est une règle primaire car ne concerne pas un groupe social en-
tier et ne veille pas à la cohésion du groupe. Le jurème est pensable dans une relation bilatérale
mais la règle d’obligation dans une relation multilatérale.

De plus, Hart dit qu’il faut une pression sociale suffisante donc la moindre pression sociale ne suf-
fit pas. Il faut que la menace qui pèse sur le récalcitrant constitue un risque suffisamment fort. La
simple désapprobation du groupe n’est pas suffisante alors que pour L.F, il y a jurème même si
le menace de sanction n’est pas forte. Le simple fait d’être mal vu, de se faire insulter ou rejeter suf-
fit pour qu’il y ait un jurème.
Ex : Ne pas dépasser dans la file d’attente n’est pas une injonction juridique pour Hart mais bien pour L.F

La notion de jurème est plus large que la notion de règle primaire chez Hart.

Chapitre 3 : La théorie pure du droit de Hans Kelsen

Kelsen a été un des auteurs de la constitution autrichienne après la première. Il a introduit l’idée en
Autriche, un contrôle constitutionnel via la Cour Constitutionnelle où il a été nommé à vie en 1919
mais il en a été révoqué. Il a donc enseigné à Cologne jusqu’en 1933, époque où il a été démis car
Juif. Il a fui l’Allemagne a ensiegné en Suisse et en Tchécoslovaquie. Il va ensuite enseigner à Ber-
ckley et finira sa vie aux USA. Il a écrit « Théorie pure du droit ».

Section 1 - La nature du droit

Il va approcher la nature du droit à travers 3 grandes distinctions grâce auxquelles il va proposer sa


définition du droit.

1. Distinction entre droit positif et théorie du droit


Il entend faire une réflexion sur le droit en général et non au service d’un ordre juridique détermi-
né comme Hart. Kelsen ne prétend pas faire un droit positif ou réfléchir dans le cadre d’un droit
positif déterminé. Il veut proposer une définition du droit en général donc qui vaille à tout ordre ju-
ridique, c’est pourquoi son propos relève de la théorie du droit et non du droit positif.

2. Distinction entre le droit et la nature


Le droit doit être différent de la nature. Il est indépendant du monde des faits et du monde des rela-
tions entre les faits. La nature est l’ensemble de ce qui est et relève du domaine de l’être (Sein).
Chaque science étudie une portion de l’être et donc toutes les sciences qui portent sur l’être sont des
sciences naturelles mais visent essentiellement les sciences qui étudient le vivant. Or, pour Kelsen,
les sciences humaines (psychologie, sociologie, la science politique) sont aussi des sciences natu-
relles. Le sein se prête donc aux sciences naturelles qui étudient ce qui est mais aussi les rapports
pouvant s’établir entre les choses et entre les faits.
Ex : En physique, quand on soumet l’eau à une température de 100° C au niveau de la mer, elle commence à
bouillir. Le type de rapport existant entre le fait de soumettre de l’eau à 100°C au niveau de la mer produit un
second fait qu’est l’ébullition. Il y a un lien entre ces 2 faits qui sont liées en ce sens que le premier entraîne
automatiquement le second. Le premier cause le second. C’est le lien de causalité des sciences naturelles
Ex : Si on soumet certains métaux à une certaine température, on constate que ce fait entraîne une dilatation
de ces mêmes métaux. Il y a un lien de causalité entre le fait de soumettre des métaux à une certaine tempé-
rature et leur dilatation. C’est également un lien de causalité.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Lorsque les sciences naturelles étudient ce qui est, elles n’étudient pas uniquement les faits mais les
rapports entre eux qui sont, dans la nature, de l’ordre de la causalité. Ce sont les seules choses que
les sciences naturelles peuvent connaître.

Kelsen dit que le phénomène juridique ne peut se réduire à ce qui est bien qu’il consente à recon-
naître pour qu’il y ait du juridique, il faut que se passe certains faits dans la nature. Pour qu’il y ait
du droit, il faut 3 conditions préalables :
1. Faits psychiques. Quelques uns ont voulu adresser à une autre être humain un commande-
ment. La volonté d’un humain d’exiger d’autrui autre chose confère à son commandement la
signification subjective d’un acte de volonté.
2. Faits matériels. C’est la parole adressée à qui l’on veut commander mais la communication
du commandement se fait souvent par la voie de l’écrit ou alors par des signes (ex : policier)
3. Faits sociaux. Ce sont les rapports de pouvoir qui sont indispensables pour permettre à un
être humain d’adresser des commandements aux autres. Les faits peuvent aussi être étudié
par des spécialistes de la nature.

Bien que le droit doivent s’appuyer sur des éléments de faits (Sein), le cœur du phénomène juri-
dique ne se retrouvent dans aucun de ces faits. La spécificité du droit se trouve dans le monde du
devoir-être (Sollen). Il y a donc 2 sphères distinctes : celle du Sein à laquelle le phénomène juri-
dique n’est pas complètement étranger et celle du Sollen. Pour expliquer cela :
• Argument d’évidence. Quand on dit «Il faut faire quelque chose » ou « Il est interdit de
faire quelque chose », tout le monde « sent » bien que ces propos ont un sens, ont un rapport
avec un pouvoir déterminé mais qu’il y a quelque chose de plus que la volonté arbitraire
du pouvoir. Cette dernière idée ne se trouve nul part dans l’ordre du Sein. Ce plus est la
sphère du Sollen ou du devoir-être objectif. L’ordre donnée n’a pas simplement la significa-
tion subjective d’un acte de volonté mais a aussi une signification/validité objective. Si
l’ordre a cette signification, c’est que l’injonction ou l‘interdiction tire sa signification ob-
jective de quelque chose qui relève du Sollen. Argument qui sert peu sa théorie.
• On a vu les exemples de l’ébullition de l’eau et de la dilatation des métaux. On a observé
que le fait n°1 fait être l’ébullition/dilatation. Imaginons la même chose pour une norme
juridique.
Ex : Le vol est condamné par une peine d’emprisonnement de 1 an à 5 ans dit le CP. Un lien est fait
entre le vol et l’emprisonnement. Sauf que ce n’est pas toujours le cas car certains voleurs arrivent
à éviter la condamnation ou même de se faire arrêter. On ne peut pas dire que le vol fait être l’empri -
sonnement
La norme juridique établit des rapports mais pas des rapports équivalents comme ceux
existant entre 2 faits présents dans la nature. La seule chose qui est vrai est que tout vol doit
être puni d’une peine d’emprisonnement. La norme provoque la survenance d’un nouveau
devoir-être et non pas d’un nouveau être. Les relations entre un acte déterminé et la puni-
tion est un lien d’imputation et non de causalité. Le lien d’imputation est que telle situation
doit faire être telle sanction.

C’est ce qui fait irréductibilité du droit, c’est qu’il fait naître un devoir-être objectif appartenant au
Sollen. C’est un Sollen distinct du Sein. C’est ce qui fait l’originalité de la pensée de Kelsen, il
n’existe pas des devoirs mais certains devoirs découlant qui sont distinctes du Sein. Ceci lui permet
de dire que le brigand au coin d’une rue qui demande de l’argent émet un commandement mais
qui n’est pas juridique car c’est un pur fait qui n’a que la signification subjective de l’acte de vo-
lonté du brigand. Alors que l’administration fiscale qui demande de payer ses impôts donne une
injonction juridique car peut être rattaché à la sphère du Sollen (infra).

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Rmq : Ce n’est pas parce qu’un fait ce constate qu’il est un devoir-être et fait partie du droit. Il y a
une étanchéité entre ce qui est et ce qui doit être. A l’inverse, ce qui doit-être n’est pas forcément
ce qui est. Ce n’est que rarement que ces 2 sphères se rencontrent.
Ex : Ce n’est pas parce que les voleurs doivent être emprisonnés qu’ils le sont tous. A l’inverse, ce n’est pas
parce qu’une infraction n’est plus poursuivie qu’elle n’est plus infractionnelle.

3. Distinction entre droit et morale


Dans le monde du Sollen, il y a les normes de droit mais aussi les normes morales. Pour Kelsen, la
sphère du Sollen se divise entre Sollen juridique et Sollen moral avec une absence de nécessité
entre les 2. Ce qui est dû juridiquement n’est pas nécessairement dû moralement.
Ex : Les lois nazies faisant obligation de dénoncer les Juifs. Cette obligation était due juridiquement mais pas
nécessairement moralement.
A l’inverse, ce qui est dû moralement, ne l’est pas forcément juridiquement.
Ex : Engagement sur l’honneur à un ami de prendre soin de son épouse s’il meurt. S’il meurt, on en a l’obli-
gation morale mais pas juridique.

Une norme morale ne se tire ni des faits (Sein), ni d’aucune norme juridique. Elle ne se déduit que
d’une autre norme morale plus générale qui se déduit d’une norme plus générale encore.
Ex : La norme morale de la prudence sur les routes se déduit d’une norme morale plus générale qu’est celle
de ne tuer autrui qui peut se déduire du 6ème commandement, norme morale plus générale, qui se déduit
elle-même du principe qui Dieu et ses commandement.

Les valeurs morales n’ont pas de validité objectives et sont de l’ordre de l’opinion. D’ailleurs,
elles ne se démontrent pas. Or, si on veut définir scientifiquement le phénomène juridique, il est
impossible d’intégrer dans la définition du droit la référence à une valeur ou à un système de va-
leur donné. Cela reviendrai de donner à un système de valeur moral une supériorité sur d’autres sys-
tèmes moraux et cette supériorité ne peut être déterminée scientifiquement (positivisme). Le théori-
cien du droit qui ferait ça ferait prévaloir sa morale personnelle.
Rmq : Ca ne veut pas dire que les valeurs n’ont pas de sens pour Kelsen mais c’est de l’opinion, de
la politique, de la valeur. Or il doit se cantonner aux jugements de réalité.

Le Sollen juridique fonctionne sur le mode de l’habilitation. Son auteur ne pourra l’émettre que
s’il a été habilité par une norme juridique qui a été elle-même posée par une autorité habilité par une
norme supérieure,… Par conséquent, ce qui fait l’existence d’une norme juridique (validité) est la
circonstance qu’elle a été émise par une autorité habilité à le faire. L’habilitation est le mécanisme
par lequel le commandement humain peut, grâce à l’habilitation, recevoir la signification objective
de norme juridique.
Ex : Si « la bourse ou la vie » n’est pas une norme juridique c’est parce que le brigand n’en avait pas reçu
l’habilitation par une norme juridique supérieure tandis que le fisc a reçu l’habilitation de demander de payer
l’impôt.
C’est l’habilitation qui permet de rattacher un commandement humain à la signification objec-
tive de la norme juridique.

Ce n’est pas tout car il faut que les commandements soient obéis en gros et de manière générale et
qu’en cas de désobéissance d’un sujet, les autorités du système juridique déclenchent un mécanisme
de sanction. Il faut un degré d’obéissance et d’application de la norme. L’appréciation de cette ef-
fectivité est conçue de façon assez souple car c’est impossible de vérifier l’effectivité de toutes les
normes d’un ordre juridique. Pour Kelsen, l’effectivité se rapporte à un ordre juridique tout en-

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

tier. Ainsi, l’effectivité d’une norme particulière est présumée quand l’ordre auquel la norme se rat-
tache est effectif.
Ex : Bulle de 1 que personne ne respecte. Pour Kelsen, pour que cette norme soit juridique, il faut que l’ordre
juridique belge soit globalement obéit en gros et de manière générale et que globalement, l’ordre juridique
réagit lorsqu’une norme de son système n’est pas respectée.

Un ordre juridique est un mélange d’habilitation (rattachement de la norme au sollen) et d’effecti-


vité (appartenant au monde du Sein). Voilà pourquoi, pour Kelsen, le droit est toujours un droit ca-
pable de s’imposer. Il n’y a de droit que celui qui parvient à s’imposer grâce à l’obéissance des su-
jets et des poursuites de ceux qui ne l’auraient pas respecté.

On a du Sein et du Sollen mais le cœur est le Sollen car la condition du Sein est celle que pourrait
remplir un gang. Dans certains pays, les systèmes de rackettent sont bien respectés par la popula-
tion mais ils ne sont pas juridique car il manque la condition fondamentale qu’est l’habilitation re-
çue d’une norme juridique supérieure.
Rmq : Pour l’examen, comparer avec la position de Weber et L.F. En effet, Kelsen dit que le droit est un Sollen
mais distingue bien le sollen juridique du moral. Ainsi, il exclu toute notion de valeur dans la définition du droit et
reste juspositiviste en disant à la fois que le droit est un sollen. II s’éloigne cependant de L.F car il tente de donner
une condition supplémentaire au sollen juridique (l’habilitation par une autre norme) pour qu’un commandement
soit du droit (Sollen) et non un simple fait (Sein)

Section 2 - La structure du droit

La structure kelsénienne du droit est pyramidale, représentation élaborée par Adolf Merkl. Ainsi,
il y a une pyramide des normes avec une norme juridiques n°1 qui doit respecter la norme juridique
n°2 qui lui est supérieur et ainsi de suite. On pourrait représenter le phénomène juridique comme
une immense pyramide avec des étages de normes.

1. Structure juridique dynamique et étagée reliée par des habilitations successives


Cette structure est dynamique dans le sens où le système, sous couvert de la pyramide, ne reste pas
statique. A la différence des systèmes moraux, les normes juridiques peuvent être modifiées à
chaque instant pourvu que ce soit sous le respect d’une norme supérieur.
Ex : Policier qui gère la circulation produit par ses gestes de nouvelles normes juridiques qu’il a été habilité à
produire en vertu d’une norme supérieure comme le code de la route qui dit que l’agent peut régler la circula-
tion.

Le rapport existant entre la norme habilité et la norme habilitante est que la norme habilité doit
être élaborée d’une manière réglée par les normes supérieures. La norme habilité n’en est pas une
qui se déduit de la norme supérieure. L’habilitant trace des limites à l’intérieure desquels celui qui
produits des normes habilités peut faire des choix différents. On pourrait croire que l’habilité a peu
de marge de manœuvre par rapport à l’habilitant mais ce n’est pas le cas.
Ex : Le juge est la simple bouche de la loi. Mythe que le juge, auteur de la norme habilité, ne pouvait déduire
de la norme habilitante qu’une et une seule conséquence
Le juge est représenté comme n’ayant aucun choix dans l’adoption de sa norme subordonnée. Or
Kelsen dit que ça ne fonctionne pas ainsi car la norme supérieure est exprimée en termes suffisam-
ment généraux pour qu’elle n’ait pas une et une seule signification possible. L’auteur de la norme
inférieure a beaucoup plus de liberté qu’on ne croit dans l’application de la norme supérieure. Ceci
explique pourquoi les juges peuvent donner à un même texte des significations différentes.

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

Dans le langage courant, on dit rarement qu’un jugement est une norme juridique. Or dans la repré-
sentation pyramidale de Kelsen, le jugement est aussi une norme juridique produite par un auteur
qui en a reçu l’habilitation par une norme juridique supérieure. Il en est de même pour les contrats.
Il explique aussi qu’entre les différents étages, il existe des actes juridiques (Kelsen).
Ex : Contrat. La norme juridique supérieure (art.1134) autorise les particuliers à créer des normes juridiques
contenues dans le contrat. Ces normes juridiques inférieures ont été produites au moyen d’un acte juridique
qui est l’acte juridique créateur de norme qu’est le contrat conclu. Ce contrat, acte juridique, crée de nou-
velles normes juridiques, obligations souscrites par les parties. Il faut faire attention au sens du mot
contrat qui peut renvoyer à l’acte juridique créateur de nouvelles normes ou aux normes crées par l’ordre ju -
ridique. Quand on dit que les parties ont conclus un contrat, on dit qu’elles ont accomplis l’acte juridique
qu’elles ont été habilites à produire. Une fois conclu et qu’une partie dit que l’autre n’a pas correctement
exécuté le contrat, le mot contrat renvoi aux obligations créées par le contrat. Le mot renvoie aux normes ju -
ridiques crées.
L’acte juridique est le mécanisme se situant entre l’acte supérieur habilitant l’auteur de l’acte et
l’étage inférieure, étages des normes crées par l’auteur habilité.

Rmq : La délégation (p.186 -187) semble avoir été sautée. Je renvoie le lecteur de la synthèse à une
lecture attentive desdites pages.

2. La base de la pyramide
Ce sont des actes juridiques se trouvant dans la situation particulière où elles ne produisent plus
aucune norme. Ce sont les actes grâce auxquels la chêne des différentes normes juridiques finit par
entrer en contact avec le réel (Sein).
Ex : Contrat avec une partie qui ne s’exécute pas. On peut aller en justice qui nous donnera gain de cause. Il
ne s’exécute toujours pas donc on va demander l’exécution forcée du jugement. On va vendre une partie de
ses biens et avec le produit de la vente, on va se faire rembourser. L’exécution d’une saisie est un acte juri-
dique habilité par une norme supérieure. Cet acte juridique qui se contente de vendre les biens ne fait rien
d’autre que d’exécuter le résultat ultime de l’enchainement des différentes normes qui se sont succédé
avant lui. Cet acte là ne produit plus une nouvelle norme. L’objectif est de réaliser dans le monde de l’être
la suite de toutes les délégations successives qui l’on précédé. Le jugement d’une saisie se contente de réali-
ser le fruit de toute délégation antérieure.
Ex : Policier qui nous arrête en a reçu l’habilitation par une norme supérieure. Il ne créé aucune norme juri-
dique nouvelle, il n’est qu’exécutant.

On retrouve la question de savoir ce qui permet de distinguer des actes identiques comme la séques-
tration et l’emprisonnement,… Pour Kelsen, la réponse est que les uns sont juridiques parce que
leurs auteurs ont été habilités à les poser par une norme supérieure alors que celui qui cambriole ou
séquestre n’a pas été habilité à poser de tel acte.

3. Le sommet de la pyramide – La Grundnorm


La norme la plus élevée de la pyramide est, dans notre esprit, la norme matériellement la plus
haute de ce système. La Constitution en Belgique. Or pour Kelsen, c’est une erreur parce que,
pour être une norme juridique, il faut que l’auteur qui la pose ait été habilité à le faire par une
norme juridique supérieure. La Constitution de 1831 a été posée par le Congrès National alors qu’il
n’y était pas habilité. Cette Constitution est issue d’un fait (Sein) qui est la révolution belge et son
corollaire, l’indépendance de la Belgique consacrée dans une nouvelle Constitution. Dans la théorie
de Kelsen, la norme la plus élevée dans le système juridique ne peut être la norme matériellement
plus élevée (Constitution) car vient d’un fait (Sein) ce qui voudrait dire que tout le Sollen juridique
reposerait sur un simple fait ce qui est, dans l’optique de la séparation stricte du Sein et du Sollen,
illogique. La Constitution n’est donc pas la norme juridique la plus élevée du système. En effet, elle

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

se situe en dessous de la norme suprême qu’est la Grundnorm (norme fondamentale). Cette


Grundnorm est l’idée de dire que pour que la Constitution soit considérée comme une norme juri-
dique que ses auteurs ont été habilités à poser, il faut supposer qu’une norme antérieure et hypo-
thétique a en réalité habilité le constituant originaire à poser la Constitution. Cette norme est hypo-
thétique est la seule qui n’a pas été habilité mais qu’il faut supposer. Cette norme est supposée par
l’esprit humain car sans cette supposition la Constitution originaire ne serait qu’un simple fait.

C’est une des hypothèses les plus discutée de Kelsen car il dit qu’au sommet de l’ordre juridique
règne une norme hypothétique qui est la condition nécessaire pour que puisse s’enclencher tout le
mécanisme pyramidale du système juridique. Sans cela, on tombe dans la contradiction que l’acte
premier relève du Sein comme il n’y a pas d’habilitation. Les caractéristiques de cette Grundnorm
sont :
1. Le contenu de cette norme consiste à prescrire de se conduire par ou en vertu de l’acte
fondateur (Constitution). On doit se conduire par l’acte fondateur ou en vertu de cette der-
nier pour tous les actes successifs.
Ex : Les Belges doivent obéir à la Constitution et à toute norme juridiques qui en résulte par habilita-
tion successive
2. C’est une norme qui habilite et qui juridifie tout l’ordre juridique. C’est grâce à cette
Grundnorm que toutes les autres normes font partie de l’ordre juridique.
3. C’est une norme juridique qui appartient au Sollen juridique alors même qu’elle n’a été
habilité par aucune autre norme. Pourtant, l’habilitation est une condition nécessaire mais
la Grundnorm est bien une norme juridique. C’est une contradiction jugée nécessaire par
Kelsen pour que tout le droit puisse appartenir au monde du Sollen.
4. C’est une hypothèses nécessaire dès lors qu’on a admis au départ que le droit a pour spéci-
ficité d’être rattaché à un monde distinct du Sein qu’est le Sollen juridique qui ne peut se ti-
rer que d’un autre Sollen juridique.
Kelsen est un disciple de Kant et il dit que la Grundnorm est une hypothèse logico-transcendan-
tale, hypothèse qu’on ne peut vérifier empiriquement (dans les faits) mais c’est une hypothèse né-
cessaire pour que le droit tout entier soit rattachable à un monde du Sollen distinct du Sein. Ceci
oblige Kelsen, en raison de cette hypothèse de départ, d’inventer une norme supérieure à la Consti-
tution censée l’avoir habilité. C’est une hypothèse de pensée.

La norme fondamentale est cette norme supposée par l’esprit qui est supposée avoir habilité les au-
teurs de l’acte fondateur.

Section 3 - Le formalisme de Kelsen

Il faut distinguer le mot « formalisme » en droit positif et en théorie générale du droit.

Dans le premier cas, on l’emploie pour exprimer que certains actes juridiques ne sont valides que
s’il respectent certaines formalités, formes précises.
Ex : Contrats solennels dont la validité est soumise au respect de certaines formalités. C’est le cas du ma-
riage où un officier de l’État civil doit recevoir la demande en mariage et il faut aussi d’autres formes. Dans
la vie des affaires, la constitution d’une société dotée de la personnalité juridique suppose d’être constatée
dans un acte notarié. A défaut, la société constituée n’est pas considérée comme valide.

Or Kelsen n’est pas formaliste du point de vue du droit positif mais de la théorie générale du
droit. N’importe quelle volonté d’un pouvoir peut revêtir la qualité de norme juridique pour autant
que soit rencontré les exigences de l’habilitation et de l’effectivité. Ce qui caractérise la norme ju-

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ridique est qu’elle est un certain contenant, mélange d’habilitation et d’effectivité peu importe le
contenu. Pour déterminer si une norme est juridique ou non, seul le contenant importe. Le contenu
ne détermine pas la juridicité d’un commandement humain. D’ailleurs, il n’y a pas un seul conte-
nu de commun à tous les systèmes juridiques.

Cependant, du point de vue du droit positif, certaines conditions de contenu sont indispensables
pour produire du point de vue de l’ordre juridique positif une norme valide. Ainsi, en droit belge, il
existe des normes qui ne seront tenues pour valides dans l’ordre juridique que si elles respectent
certains critères
Ex : Lors de l’adoption d’un testament, il est interdit de déshériter complètement ses enfants parce qu’il
existe dans le droit belge, une condition de contenu qui conditionne la validité des testaments.
Ex : Dans le droit des contrats, il est interdit de vendre ses enfants. Un tel contrat sera tenu pour invalide en
droit belge car ne respecte pas une condition de contenu prévu dans le code civil belge.
En droit positif, la validité de normes juridiques dépendent de conditions qui tiennent au contenu
mais ce sont des conditions contingentes, qui tiennent au droit belge. Dans d’autres ordres juri-
diques, ça peut être différent. Les conditions de contenu varient d’un ordre juridique à l’autre.
Ex : En droit américain, il est possible de déshériter ses enfants.

Si on regarde tous les droits positifs passés, existants et à venir, on ne trouve pas une condition de
contenu commune à l’ensemble des droits positifs existant sur cette terre. Seuls les conditions
d’habilitation et d’effectivité sont toujours nécessaires pour qu’il y ait du droit. Kelsen n’envisage
pas les conditions nécessaires dans tel ou tel droit positif pour qu’une norme puisse appartenir à tel
ordre juridique. Il cherche le seul point commun qui tient au contenant.

Le formalisme kelsénien peut se résumer en ce que les caractéristiques du droit ont trait au conte-
nant et non du contenu. Preuve qu’il appartient au camp juspositiviste.

Section 4 - Droit et État

Pour Kelsen, droit et Etat son synonymes. Il donne de l’État une définition particulière par rapport à
la définition classique de l’État qui suppose 3 critères : territoire, population et pouvoir effectif
(Convention de Montevideo). Selon Kelsen, ces 3 critères sont reformulés en terme déjà juri-
dique par une sorte de tautologie, le phénomène d’État ainsi défini est saisi par un vocabulaire juri-
dique.

Un territoire pour Kelsen est le champs de validité spatial des normes juridiques produites par cet
Etat. Quand on dit qu’un Etat exerce son pouvoir sur la population, cette dernière n’est que l’en-
semble des individus destinataires des normes juridiques produites par cet Etat. Quand on parle
du pouvoir/puissance de l’État, c’est l’ensemble des instruments grâce auquel un Etat peut exercer
la contrainte sur ses sujets. D’emblée, l’État est défini en termes spécifiquement juridiques de
sorte à assurer une parfaite identification de l’État et du droit permettant à Kelsen de dire qu’il n’y a
de norme juridique que habilitée par l’État. Chaque Etat est défini comme une pyramide de
normes juridiques dans un système chapeauté par une Grundnorm. Tout système juridique corres-
pond à ce que Kelsen appelle un Etat. Droit et Etat se recouvre mutuellement, ce sont des syno-
nymes.

Mais il ne faut pas oublier que les particuliers peuvent créer des actes juridiques mais cela parce
qu’ils y ont été habilités par une norme juridique qui est rattachable au système juridique à quoi
s’identifie l’État (contrat → code civil → constitution → grundnorm). Le contrat fait partie du sys-

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

tème juridique étatique car les parties au contrat ont pu le faire parce qu’habilité par une norme juri-
dique supérieure jusqu’à la Grundnorm. Les actes juridiques passés entrée particuliers sont passés
dans ce système juridique qu’est l’État.

Cette spécificité fait que Kelsen va nier la distinction classique faite entre les normes juridiques
créer par les pouvoirs publics et celles fait entre particulier. La distinction entre droit public et
droit privé est scientifiquement erroné car laisse supposer qu’il y aurait une différence de nature
entre les actes entre particuliers et les actes de l’autorité étatique alors que toutes ces normes ont
pour point commun d’avoir été posé par un auteur qui y avait été habilité. C’est toujours la tech-
nique de l’habilitation qui est à l’œuvre. Il n’y a pas de raison de distinguer les normes juridiques
émanant des pouvoirs publics et des particuliers. La distinction masque l’identité foncière de toute
norme juridique peu importe les auteurs, cette identité étant l’habilitation. Tout le droit est la résul-
tant d’une chaîne d’habilitation dont le point de départ est la Grundnorm.

La plus au moins grande habilitation laissée au particuliers peut revêtir d’un intérêt d’un point de
vue politique. Il y a des systèmes juridiques où les particuliers sont largement habilités à créer des
normes juridiques. A l’inverse, il y en a où l’habilitation de faire des actes juridiques privé est
mince. Le système juridique où les individus sont fortement habilités est un système s’apparentant à
une démocratie dès lors que les citoyens grâce aux habilitations, participent de façon ± importante
à la création de normes juridiques. Par contre, dans les systèmes qui permettent très peu l’habilita-
tion sont des régimes autoritaires.
Ce n’est qu’un intérêt politique car du point de vue de la théorie générale du droit, le fait que la
norme est créée par un particulier ou un pouvoir public n’est pas une distinction nécessaire.

Section 5 - Une vision moniste des rapports entre droit international et droit étatique

La vision de Romano était dualiste mais celle de Kelsen est moniste. Il ne peut exister sur un terri-
toire qu’un et un seul ordre juridique par endroit. Il n’est pas possible que sur un territoire puisse
coexister plusieurs ordres juridiques. Le raisonnement est que si c’était possible d’avoir plusieurs
ordres juridiques sur un même territoire, cela voudrait dire qu’il existerait sur un même territoire 2
Grundnorm différentes et qu’en vertu de celles-ci, 2 Sollen différents soient prescrit à destination
des sujets. Pour Kelsen, cela ne se peut pas. C’est en vertu de ce principe logique que Kelsen en dé-
duit qu’il ne peut exister qu’un seul ordre juridique par endroit avec une seule Grundnorm. C’est ce
qui le conduit à adopter une position moniste en ce sens que sur un même territoire, on ne peut
concevoir qu’un seul ordre juridique, c’est le monisme. Il connaît 2 variantes.

1. Le monisme à proéminence internationale


En vertu de ce monisme, le seul ordre qui prime est d’ordre juridique international dont chaque
Etat n’est qu’une partie. Cela consiste à dire qu’il n’y a que la Grundnorm de l’ordre international et
que la juridicité des ordres des Etats est conditionnée par cette Grundnorm.

2. Le monisme à proéminence étatique


La Grundnorm existant sur chaque territoire est la Grundnorm de l’ordre juridique étatique qui re-
connaît ou qui habilite sur son territoire les normes du droit internationale. Le caractère juri-
dique des normes internationales tient en ce qu’elles doivent être habilitées par les règles de l’ordre
juridique interne.

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3. Position de Kelsen
Kelsen est plutôt le tenant d’une approche moniste à proéminence internationale. Pour lui, il
n’existe qu’un seul ordre juridique complet qu’est celui du système juridique international avec sa
Grundorm. Chaque ordre juridique étatique n’est que partiel et a reçu une délégation de l’ordre ju-
ridique international. Il existe dans la coutume international, une règle non écrite, bien que la
Convention de Montevideo y fasse référence, qui dit qu’est reconnu internationalement tout puis-
sance effective exercée sur la population d’un territoire donné. Ce serait la condition d’habilita-
tion des Etats de l’ordre juridique international. Or l’effectivité tient d’un Sollen juridique qu’il
créé. Mais on se rend compte que l’exigence d’effectivité est en réalité une condition qui est posée
par le droit international général juridifié par sa Grundnorm. On se rend donc compte que les 2
conditions d’existence du droit sont 2 conditions rattachables au monde du Sollen juridique. La
condition d’effectivité est une condition qui, en fin de compte, est elle-même émise d’une norme ju-
ridique internationale donc d’un Sollen juridique. Par conséquent, les ordres juridiques étatiques
n’existent que parce qu’ils on reçu une délégation de l’ordre juridique international.

Cette idée pose problèmes à d’autres théoriciens du droit qui font valoir que les ordres juridiques
étatiques ont existé avant l’ordre juridique international. Ce dernier n’existe que depuis les traités
de Westphalie (1648) alors que les Etats étaient déjà installés depuis bien longtemps. Kelsen répond
qu’il ne faut pas faire une histoire du droit international car l’histoire relève du Sein. Ce qui l’in-
téresse, c’est la logique normative à l’œuvre quand on étudie de manière scientifique le phéno-
mène juridique. Or il va de soi pour Kelsen que si on étudie le droit sous l’angle de la logique qu’il
sous-tend, il est logique de considérer que le droit international est supérieur aux Etats et que
ces derniers ne sont que des délégués du point de vue de l’ordre juridique plus vaste. Cette réponse
nie les pouvoirs de force à l’ouvre dans les systèmes juridiques.
Ex : Militaire russe reçoit sa force de l’État dont il est l’organe et n’obéit pas parce que son Etat en a été ha-
bilité par l’ordre juridique international
La théorie selon laquelle les pouvoirs d’un Etat tirent leur pouvoir d’une délégation qui aurait été
consentie par l’ordre international est une théorie irréaliste car ne correspond pas à la réalité et
pourtant notre Cour de cassation a adopté cette version internationale du monisme.

Dans son arrêt du 27/05/1971 (Le Ski), La cour de cassation a affirmé que les juges belges avaient
l’obligation, lorsqu’ils devaient juger d’un conflit entre une norme internationale et une norme in-
terne postérieure, de faire primer la norme internationale. L’argumentation de la Cour est
l’adhésion des hauts magistrats à la théorie moniste à prédominance internationale. La Belgique est
un des rares Etats à avoir admis l’idée qu’en dépit de toute disposition constitutionnelle en ce sens,
les juges belges peuvent écarter une loi nationale en contradiction avec une norme internationale
ayant effet direct. Les juges étatiques sont des délégués de l’ordre juridique international comme
s’ils tenaient leur pouvoir directement du droit international. Elle défend assez mal ça car un juge
n’est juge que parce que l’État le reconnaît ainsi. Il y a une part d’illogisme chez ces juges. Il n’en
reste pas moins que c’est la position défendue par la Cour depuis 1971 et celles de la plupart des
juges belges. Dans les faits (Sein), même si Kelsen s’en fou, c’est assez gênant car cette vision ne
correspond pas à la réalité.

4. Monisme à prééminence étatique - Approfondissement


Ce qui confère au droit international sa juridicité du point de vue d’un Etat X c’est la Grundnorm
de l’État X. C’est en vertu de celle-ci que le droit international reçoit du point de vue de l’État X
une valeur juridique. C’est une théorie tirée par les cheveux car le droit international n’est du droit
que pour chaque Etat qu’en vertu de la Grundnorm de chacun de ces Etats. Il y a autant de droits in-

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ternationaux qu’il n’y d’Etats de ce point de vue. Pour un Etat Y, ce sera sa Grundnorm qui, pour cet
Etat Y, confirme la validité juridique du droit internationale et ainsi de suite pour l’État Z, A, B,…
Le caractère juridique du droit international dépend chaque fois de la Grundnorm de l’État don-
né. Dès lors, les autres Etats ne sont que des ordres juridiques pour X que s’ils satisfont aux condi-
tions de reconnaissance des Etats prévu par le droit international (les 3 critères). X tiendra Y et Z
pour des systèmes juridiques en vertu du droit international qui n’est du droit qu’en vertu de sa
Grundnorm. L’État X ne les reconnaîtra que s’ils répondront aux 3 critères : territoire, population
et pouvoir effectif. Il faut faire le même exercice pour chaque Etat. Du point de vue de chaque Etat,
il est l’ordre juridique universel. Sur chaque territoire, il y a toujours l’ordre juridique étatique de
ce territoire et tous les autres phénomènes juridiques ne sont considérés comme tel qu’en vertu de sa
propre Grundnorm.

Section 6 - Les principales critiques adressées à la théorie pure du droit de Kelsen

§ 1 - Les critiques radicales de Carl Schmitt


Il est né en 1988 en Allemagne et est mort en 1985. C’est l’un des juristes les plus éminents sous la
République de Weimar, régime qui s’est écroulé en 1933 avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Dans
les années 20’, il représente le courant conservateur des juristes Allemands mais en 33’, il adhère au
parti nazi et va s’enfoncer dans une sorte de compromission radicale. Il va organisé en 1936 un col-
loque antisémite. Il fini par ne plus occupé de fonction officielle à partir de 37 – 38’ et finira par se
retirer dans son village natal à la fin de la guerre. C’est quelqu’un de peu sympathique et de dange-
reux. On va s’intéresser à son œuvre qui n’était pas encore gangrenée par sa sympathie nazie.

Il va reprocher à Kelsen sa prétention à isoler le phénomène juridique de son contexte, de présenter


une théorie du droit pure en se concentrant uniquement sur le Sollen juridique. La grande cri-
tique est le fait qu’il sépare le droit des faits. Le droit ne pouvant être étudié indépendamment des
faits et de la morale mais particulièrement des faits. Ce que Schmitt va faire valoir comme critique
est que le droit est indissociable de la politique voire du politique. La seconde critique est que le
droit ne peut être réduit à un simple système de normes.

1. Première critique – Rapport entre le droit et le politique


La politique sont les débats quotidien et quand il parle de la notion de politique, l’entend différem-
ment. Ainsi, il va essayer de voir ce qui fait la spécificité de ce champs d’activité nommé le poli-
tique. Il ne se définit pas par les secteurs ou activités qu’il prétend régenter mais par le mode de re-
lation spécifique s’établissant entre collectivités humaines. Le politique caractérise une plus oui
moins grande association d‘individus formant un collectif ou une plus ou moins grande dissocia-
tion d’individus par rapport à d’autres. Le critère dominant de l’activité politique est l’antagonisme
entre le choix de ses amis et la détermination de ses ennemis.

1.1 Association entre individus amis


C’est sous cette forme que se constitue l’incarnation la plus éclatante du phénomène politique
qu’est l’État. L’unité politique sous-jacente à l’État se construit par un rassemblements de plus en
plus important de volontés pour former ensemble un groupe uni par des objectifs ou valeurs com-
munes. Il y a à l’origine, un nombre d’individus qui partage une même idée du mode d’existence
d’un groupe sur un territoire déterminé et cette volonté va progressivement s’homogénéiser, se dif-
fuser et s’amplifier pour parvenir à s’imposer sur un territoire déterminer et sur une population
plus ou moins vaste. Ce mode d’existence spécifique, le pouvoir constituant finit par le consacré
dans une Constitution qu’est l’instrument par lequel le pouvoir constituant, la Nation, parvient à

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imposer sur un territoire déterminé un mode d’existence spécifique. C’est la fameuse idée d’État-
nation. Une Nation n’est rien d’autre que la résultante d’une série de choix de plus en plus vaste de
ses amis, l’institutionnalisation des groupes politiques en se situant par rapport aux autres pour se
déterminer.

1.2 Détermination des ennemis


Ce qui va faire la consistance de l’activé politique d’un Etat est le choix de ses ennemis. L’ennemi
représente l’altérité, ce qui est différent de nous, qui nous est étranger sans donné de valeur mo-
rale. Le travail d’un Etat est de choisir ses ennemis. Cette activité politique de choix des amis et des
ennemis se fait tant vers extérieure qu’à l’intérieure de l’unité politique formée par un Etat donné
car il y a 2 types d’ennemis :
• Les ennemis extérieurs sont les faits pour des Etats d’entrer en conflit avec d’autres Etats
Ex : La France et l’Angleterre
• Les ennemis intérieurs. Malgré le processus d’homogénéisation, il y a toujours des récalci-
trants, minorités qui ne respectent pas le mode d’existence spécifique de cet Etat. C’est une
idée liée à la pensée de Schmitt car quand il l’écrit, on est sous la République de Weimar
qui a pour caractéristique qui n’a jamais fait consensus. La Constitution de 1919 a été dure-
ment attaquée par des minorités activistes. D’abord par les communistes avec le KPD qui a
très vite reproché à la République d’être une république bourgeoise et les nazis avec la créa-
tion du parti NSDAP. Parti nazi qui va aussi contester la légitimité de la République de Wei-
mar de sorte que la décennie des années 20’ en Allemagne sera la plus sanglante avant la
Guerre. Cela va faire de la République un Etat faible qui n’a pu obtenir l’adhésion générale.
Malgré ses défauts, c’est l’État tel qu’il existe et Schmitt va développer une théorie selon la-
quelle la fonction de l’État est aussi de désigner et d’éliminer ses ennemis intérieurs. Avant
33’, il était partisan de l’interdiction du parti NSDAP.
Les connotations d’amis et d’ennemis n’a rien à voir avec les connotations morales ou de supé-
riorité morale des uns et des autres. L’ennemi n’est pas inférieur mais étranger alors que l’ami
n’est pas supérieur mais le même que soi, alliés ou proximité qui conduit à l’unité politique.

3. Rapprochement avec Hobbes et la théorie de la guerre des races


La guerre est l’échelon le plus élevé de la sphère politique chez Schmitt, le phénomène d’hostilité
suprême. On retrouve ce thème de la guerre et de la politique comme chez Hobbes et dans la théo-
rie de la guerre des races.

On peut le rapprocher de Hobbes car n’est pas la guerre effective, ce qui est le cas de la Guerre
froide entre le bloc de l’Est et le bloc de l’Ouest. On nomme cette guerre ainsi car hostilité entre les
2 blocs mais qui n’a pas abouti en conflit réel généralisé. Cette guerre était virtuelle qui ne s’est ja -
mais transformée en une 3ème Guerre. Il y a un rapprochement avec Hobbes car en réalité la guerre
chez les 2 auteurs peut rester à l’état de pure potentialité sans dégénéré en guerre effective.
Mais la différence avec Hobbes est que la guerre de tous contre tous est un mythe destiné à obtenir
l’obéissance de l’État à l’égard des sujets tandis que les guerres virtuelles de Schmitt ne relève pas
du mythe car elles ont historiquement existé. C’est en cela qu’il se rapproche des théoriciens de la
guerre des races (supra)

Le point d’intersection entre le droit et la politique est le moment où un pouvoir politique


émerge sous la forme d’un pouvoir constituant qui est une unité politique qui va donner naissance à
la Constitution organisant le mode d’être de l’unité politique. Le processus politique va déboucher
sur l’avènement d’une constitution originaire qui va consacrer dans des dispositions le mode d’exis-

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tence spécifique de cette Nation. Pour comprendre le mode de fonctionnement d’un Etat, il faut
retracer la genèse de l’État fondé sur le processus politique de reconnaissance des amis et des enne-
mis. On ne peut pas comprendre un système juridique sans avoir à l’esprit le processus politique par
lequel cet Etat a pu être institué.

2. Seconde critique – Représentation du système juridique comme pur phénomène normatif


Bien que le droit soit notamment un système de norme, il ne se réduit pas à cela selon Schmitt car
pour comprendre le phénomène juridique, il faut ajouter au concept de norme celui de décision. Le
droit est une combinaison de normes et de décisions. Il s’oppose à la vision de Kelsen en ce
qu’elle fait du système juridique une structure abstraite qui donne l’impression qu’elle fonctionne
automatiquement. Le mot décision renvoie à la dimension concrète de l’ordre juridique qui, pour
fonctionner a besoin d’êtres humains. Ils le font fonctionner en prenant des décisions dans la mise
en œuvre des normes. Quand Schmitt dit que le droit est une combinaison de normes et de déci-
sions, il ne s’agit pas de notions séparées. Le droit est toujours de la norme et de la décision.
Ex : Un jugement. Au fond, si on regarde le jugement d’un tribunal à travers la vision de Kelsen, le juge-
ment produit une norme dans l’auteur a été habilité à poser par une autre norme. Sauf que le juge quand il
décide d’appliquer la norme, d’une façon ou d’une autre, en lui donnant telle ou telle interprétation, le juge
peut aboutir à des solutions différentes. Quand il s’agit de dire comment il va trancher le litige, il va devoir
décider dans le cas concret ce qu’il faire de la norme à appliquer. Le juge fait application d’une norme supé-
rieure pour produire un jugement mais la mise en œuvre de sa compétence relève de décision qui lui incombe
de prendre.
On voit rarement ça car la plupart du temps, un juge ou une autorité fait les 2 en même temps : ap-
plication d’une norme et prise de décision.

On ne voit pas ces 2 éléments distincts. Schmitt va donc proposer d’analyser une situation dans la-
quelle, exceptionnellement, décision et norme sont temporairement séparés. La situation est
l’État d’exception.
Ex : Etat d’exception. C’est le moment ou le système normatif est suspendu ou écarté et où il ne reste plus
de décision. Cela arrive en cas de révolution ou de guerre civil, moments ou le régime juridico-politique en
place vacille. Le souverain va décider qu’en raison du caractère exceptionnel de la situation, il va suspendre
le système normatif ordinaire et fonctionner au moyen de décisions de pur fait afin d’arrêter les révolution -
naires. Il se libère des entraves normatives qu’il respecte habituellement. Il s’autorise à écarter l’application
classique des normes et de n’user que de décisions afin de mâter le danger qui menaçait le régime politique.
C’est donc une période temporaire durant lequel le souverain s’émancipe des contraintes normatives en ne
fonctionnant plus que par décisions. Ce fut le cas dans la République romaine lorsqu’elle était menacée par
des envahisseurs et que le Sénat romain pouvait confier à un tiers une délégation pour ramener la paix sur le
territoire et en lui disant de faire ce qu’il veut afin de revenir à la situation ordinaire de paix. Une fois la si -
tuation ordinaire revenue, l’État d’exception se termine et on revient au mélange de norme et de décision.
Ce moment temporaire où le système normatif est suspendu est le sens premier du mot dictature.
Ce n’est pas un régime juridique à part entière, ni même péjoratif mais un état nécessaire pour réta-
blir un régime juridico-politique existant mais menacé. C’est ainsi qu’il en parle d’une dictature de
commissaire où des hommes reçoivent la mission de faire tout ce qui est nécessaire au moyen de
décisions en vue de ramener la paix publique.

Parfois, le régime vacillant peut ne pas arriver à survivre et retrouver le calme et la paix publique.
Le régime juridico-politique tombe quand la révolution persiste et le met à mal comme lors de la
révolution de 1789. C’est l’hypothèse où la situation exceptionnelle conduit à renverser le régime
juridique en vigueur et à en installer un nouveau. Il y a toujours entre ces 2 moments, une pé-
riode brève où le nouveau pouvoir qui s’est affranchi du système normatif antérieure et de préparer
le nouveau système normatif. Jusqu’à ce moment, il n’est lié par aucune norme et durant cette pé-

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Martin Moreau – Bac 2 Droit – 2020 - 2021

riode le nouveau pouvoir en place n’est tenu par aucune limite normative et gouverne le pays uni-
quement avec de la décision habilité par aucune norme. On a aussi affaire à une dictature parce
que le peuple a manifesté sa volonté de change son mode d’existence, de régime. La dictature n’est
plus le fait de simples commissaires délégués par le régime politique existant car balayé mais une
dictature instaurée en raison d’un choix manifesté par le pouvoir souverain. Dans ce cas, la dictature
qui règne durant cette période grise est une dictature souveraine. C’est l’État d’exception établit
pour instaurer un nouveau système normatif. Il y a donc des moments où l’on voit bien la norme et
la décision se détacher l’une de l’autre avec un souverain dans une situation paradoxale car il est à
la fois en dehors de l’ordre juridique et en dedans. Il est en dehors en ce que le dictateur commis-
saire ou souverain n’est habilité en rien mais d’un autre côté, ces décisions sont au dedans de l’ordre
juridique car leur objectif est de rétablir un système de normes qui reprendra le dessus une fois que
sera revenu la situation ordinaire.

La décision est toujours première par rapport à la norme car à l’origine de tout Etat il y a une dé-
cisions souveraine de fonder un nouveau régime juridico-politique et c’est cette décision qui en-
clenche les processus de fabrication des normes d’un système juridique. La décision est la condi-
tion de possibilité de la norme.

La distinction du politique et du juridique peut également être éclairé par la distinction de la déci-
sion et de la norme car ce qui est à l’intersection des 2 est le pouvoir constituant. Il est à la fois à
l’intersection du politique et du juridique mais surtout prend la décision originaire fondamentale de
créer un nouveau système juridique. Les distinctions se répondent l’un et l’autre.

3. Principale opposition entre Schmitt et Kelsen


C’est la question du fondement du droit qui fait l’objet de leur opposition. Pour Kelsen, le fonde-
ment du droit est la Grundnorm, norme hypothétique qu’on appelle la norme fondamentale. Cette
Grundnorm appartient au monde du Sollen qui est à la base du système juridique. A l’inverse, chez
Schmitt, ce qui est à la base est la décision souveraine de créer un nouveau mode d’existence d’une
unité politique pouvant prendre la forme d’une révolution. C’est cette décision qui est à l’origine de
tout système juridique appartenant au monde du Sein. On peut dire que Schmitt réfute la distinc-
tion que Kelsen fait entre le monde du Sein et l’hypothétique monde du Sollen. Pour lui, tout com-
mence par un Sein qu’est la différence souveraine. C’est ce qui montre que les années 20’ du monde
germanique, le débat de théorie du droit a été force et lié à l’actualité. Encore, il s’oppose sur la no-
tion de souverain mais non développé au cours oral donc voir p.199 du Manuel.

Fondamentalement, malgré qu’elle puisse apparaître comme quelque chose d’abstrait et désincarné,
la théorie toujours est nourrie par l’actualité, les événements historiques, les débats concrets qui
peuvent avoir lieu. La théorie du droit n’est pas simplement un casse-tête logique mais aussi un ins-
trument de compréhension du monde qui nous entoure et du contexte des pratiques juridiques. La
théorie du droit est une grille de lecture et de compréhension du monde dans lequel on va se plon-
ger.

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