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Ch. MAYOLA Mavunza Lwanga


Professeur Ordinaire

LA PHILOSOPHIE DE LA NATURE
Cours dispensé aux étudiants de l’Université de Kinshasa
et de l’Université Saint Augustin

Année Académique 2018-2019


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SOMMAIRE

0. Introduction

1. Philosophie de la nature, philosophie naturelle et physique : approche


terminologique
1.1. Philosophie de la nature
1.2. Philosophie naturelle
1.3. Physique

2. Les grandes philosophies de la nature et leurs figures marquantes :


2.1. La physis grecque et Parménide
2.2. La physis grecque et Héraclite
2.3. Platon (429-348)
2.4. Aristote (384-322)
2.5. René Descartes (1596-1650)
2.5.1. Le monde corporel
2.5.1.1. Le mécanisme
a. Le corps en général
b. Les corps vivants
c. Causes du mouvement
2.5.1.2. Le dualisme
2.5.1.3. La morale…
2.5.1.4. Résumé
2.6. Les philosophies biologiques : 1. le vitalisme, 2. l’évolutionnisme, 3. le
finalisme.
2.6.1. Le vitalisme
2.6.2. L’évolutionnisme
2.6.3. Le finalisme
2.7. L’éthique de responsabilité à l’endroit de la nature

3. La physique d’Aristote
3.1. La physique, science des principes
3.1.1. Ces principes, quels sont-ils ?
3.1.2. Ces principes, combien sont-ils ?
3.1.3. Quelle est la finalité de la science des principes ?
3.2. La physique d’Aristote, science des causes de la nature.
3.2.1. La physique, science de la nature (êtres naturel, artificiel et
spéculatif).
3.2.2. La physique, science des causes
3.2.2.1. Les causes, ce qu’elles sont
3.2.2.2. Le nombre de causes et ce en quoi elles sont causes
3.3. La physique d’Aristote, science du mouvement
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4. Pérennité de la physique d’Aristote


4.1. Actualité de la causalité aristotélicienne : le hasard, cause originelle
de la vie sur la planète terre ?
4.1.1. La vie implique beaucoup de coïncidences
4.1.2. La vie n’est pas un fait accidentel
4.1.2.1. Formation de la croûte terrestre. Apparition de la vie.
4.1.2.2. Est-ce que la première étincelle de vie arriva sur la terre de
l’ensemble de l’univers ?
4.1.2.3. Des raisons de science naturelle s’élèvent contre l’hypothèse
d’une création éternelle
4.1.2.4. De quand date la vie sur la Terre ?
4.1.2.5. Résumé

4.2. Conclusion : Le mystère

BIBLIOGRAPHIE
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0. Introduction

L’idée d’une philosophie de la nature semble anachronique dans


un monde où la répartition des tâches parait désormais bien délimitée :
la science seule compétente pour étudier la matière dans toutes ses
dimensions, et la philosophie se réservant le royaume de l’esprit.

La spécialité hybride de la philosophie de la nature pouvait se


justifier jadis lorsque la science, non encore parvenue à sa maturité,
mêlait à ses recherches des considérations métaphysiques. Elle
paraitrait inopportune de nos jours en tant que savoir autonome voulant
étudier la nature, et de même niveau d’abstraction que la science.

Un tel jugement émane d’une mentalité assez répandue soit dans


le monde de certains scientifiques omnibulés par la rentabilité de leur
spécialité, soit dans celui d’une certaine philosophie spiritualiste,
préoccupée de se cantonner dans un univers propre, qui ne lui soit pas
disputé par la science. Il est le reflet d’une profonde dichotomie et d’un
séparatisme, instauré entre les deux domaines de la matière et de
l’esprit, à la charnière desquelles s’insère cependant l’unité de l’homme
réel, placé en situation dans le monde. La philosophie de la nature garde
sa justification comme une réflexion métaphysique sur le monde corporel
dans lequel l’homme est plongé en situation vitale et en dialogue
permanent avec lui. C’est à ce titre qu’elle s’insère parmi les
préoccupations philosophiques contemporaines, et qu’elle est réclamée
même par la science moderne.

De nombreux savants qui ont le plus contribué à l’avènement de la


science moderne ne cachent pas leur conviction de la nécessité d’une
véritable philosophie qui soit une véritable réflexion métaphysique,
conviction qui semble découler d’un vœu de la science elle-même,
parvenue à un horizon lui faisant découvrir ses limites. Le sens de la
responsabilité pousse à un effort philosophique : la science se sent
incapable de l’assumer à elle seule dans un monde qu’elle pénètre de
plus en plus. L’avènement de l’énergie atomique, par exemple, dont le
rôle décisif pour le bonheur ou le malheur de l’homme, oblige la science
à se mettre sous la régulation des sciences supérieures, la morale et la
politique, c’est-à-dire sous la lumière de la vision métaphysique du
monde et de l’homme.

La pensée philosophique moderne, sous la forme existentialiste,


confirme l’ouverture de la science à une authentique philosophie de la
nature. Brisant avec l’idéalisme rationaliste ou un spiritualisme
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désincarné enfermant la pensée dans sa propre contemplation et


l’isolant du monde, l’existentialisme proclame avant tout que l’homme est
un être jeté dans le monde, en situation concrète avec lui. Certes, ce
monde comprend avant tout les autres personnes humaines, le groupe
social et historique, mais il comprend aussi le monde matériel en
prolongement de notre corps, notre milieu, notre "englobant", au sein
duquel nous réalisons notre destinée libre.

La révolution culturelle que nous visons actuellement se réalise


principalement sous l’égide de la science et de la technique, et se
manifeste en fait sous la norme d’un nouveau rapport entre l’homme et
la nature. Il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle manière de vivre, il
s’agit d’une poussée historique vers l’unification du monde, la
"planétarisation" de l’humanité et corrélativement un nouveau visage
donné à la nature par l’homme la modelant à son image et pour son
service. Un tel processus exige alors impérativement la réconciliation
par-delà tout dualisme, de l’homme avec son univers. Désormais, toute
tentative d’isolationnisme vis-à-vis du monde, est condamnable car
synonyme de renoncement pour l’homme à assumer sa mission
"mondaine".

Les philosophies de la nature indiquées et analysées ci-dessous


éprouvent cette assomption. Elles se construisent sur les connaissances
des sciences de la nature : la physique, la chimie, la biologie, la
paléontologie, l’écologie … Elles traitent du monde physique, de la vie et
de l’homme.
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1. Philosophie de la nature, philosophie naturelle et physique :


approche terminologique

1.1. Philosophie de la nature

La philosophie de la nature est une réflexion métaphysique sur le


monde corporel dans lequel l’homme est plongé en situation vitale et en
dialogue permanent avec lui. Elle cherche à spécifier la structuration, le
devenir de l’univers et la place de l’homme en son sein. Elle est à
distinguer de la philosophie naturelle et de la physique.

Dans son étude sur Les Philosophies de la nature, Michel


Ambacher distingue la « philosophie naturelle » de la « philosophie de la
nature », et il entend la première « au sens où Galilée et Newton, Comte
ou Darwin ont parlé d’une philosophie naturelle. C’est-à-dire sous
l’aspect d’une connaissance globale et objective des diverses catégories
de phénomènes qui composent le monde ». Quant aux philosophies de
la nature, écrit-il encore, « des doctrines comme celle de Leibniz ou de
Berkeley, de Shelling, de Hegel ou de Bergson … ont tenté de
revaloriser à l’encontre des représentations mécaniques et abstraites,
une approche qualitative et intuitive de la nature ».

1.2. Philosophie naturelle

La philosophie naturelle, connue en latin sous le terme philosophia


naturalis, est une expression qui s’appliquait à l’étude objective de la
nature et de l’univers physique qui régnait avant le développement de la
science moderne (Galilée). Traditionnellement alliée à la théologie
naturelle, elle désignait autrefois l’ensemble des sciences astronomique,
physique, chimique et biologique. La philosophie naturelle se distinguait
de la philosophie morale, qui désignait non seulement la morale et
l’éthique, mais aussi la théorie de la connaissance, la psychologie, la
sociologie, la politique et l’esthétique.

La philosophie naturelle était le terme dont l’usage précéda notre


terme actuel de science dans le sens que, avant le remplacement du
terme philosophie naturelle par celui de science, le terme science était
employé exclusivement (et comparativement rarement) comme un
synonyme de connaissance ou d’étude, et quand le thème de cette
connaissance ou étude était l’œuvre de la nature, alors le terme
philosophie naturelle était utilisé.
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La science moderne (scientia en latin qui signifie "connaissance")


put acquérir le statut de philosophie naturelle lorsque la pure déduction,
alliée aux méthodes inductives d’acquisition de la connaissance, parvint
à établir des vérités sur les phénomènes naturels, sans l’appui de la
Révélation (Cfr Descartes, Les Principes de la philosophie). Rappelons
qu’en logique générale, qui repose sur les fondements philosophiques
d’Aristote, l’induction est l’un des trois types d’inférence, avec la
déduction et l’abduction. La méthode expérimentale, empirique par
nature, s’appuie en grande partie sur de l’induction.
Depuis le XIXe siècle, le terme a été ressuscité dans le contexte de
la controverse sur la création et l’évolution par ceux qui étaient inquiets
de ce que la science n’accepte pas les explications surnaturelles.
1.3. Physique

D’un point de vue historique, il semble que cette distinction n’ait


pas toujours existé, si l’on admet que les penseurs présocratiques furent
indissolublement physiciens et philosophes de la nature, eux qui
cherchent l’Archè, le principe des choses, s’interrogèrent sur leurs
éléments, terre, air, eau ou feu, ainsi que sur leurs modes de
composition et de séparation. Ainsi, l’idée de transformation, de devenir
de la nature, est présente aux origines de la pensée philosophique, et
sera reprise par les philosophies ultérieures, principalement la
Naturphilosophie du XIXe siècle allemand. Parmi ces prédécesseurs
présocratiques, Aristote distingue cependant les théologiens des
physiciens, tel Anaxagore. On pourrait dire que le physicien explique la
nature à partir d’elle-même, par des principes qui lui soient immanents :
plus tard. Schelling, dans ses Idées pour une philosophie de la nature,
affirmera précisément que « nous détruisons toute idée de nature en y
faisant pénétrer la finalité du dehors, à partir de l’entendement d’un Etre
transcendant ».

Pour Aristote, la physique est « philosophie seconde », à côté de


sa « philosophie première », nommée ensuite Métaphysique. Car la
métaphysique traite de « quelque chose d’éternel, d’immobile et de
séparé ».

Le mot physique a comme étymologie le mot grec phusikê, qui


signifie connaissance de la nature.

Au XIIe siècle, lorsque le mot est apparu en français ancien, la


physique couvrait deux domaines : la médecine, et les sciences de la
nature (ex : un médecin en anglais est un physician).
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A partir de la fin du XVe siècle, le mot physique a désigné science


des causes naturelles. Les chaires de philosophie naturelle établies dans
les anciennes universités créées au XIIIe siècle, comprenaient
l’ensemble des sciences de la nature, selon un corpus universitaire qui
reposait sur la philosophie…

Le mot physique a pris son sens moderne, qui est plus restreint
que le sens originel, à partir du XVIIe siècle (Galilée. Descartes), et
surtout de la physique classique qui est née avec Newton. Le mot
physique est employé dans son sens actuel depuis 1690 (Petit Robert).

Des formes de science se sont développées historiquement à partir


de la philosophie, ou de ce que l’on considérait comme philosophie
naturelle dans leur contexte historique. Dans les anciennes universités,
elles sont occupées de nos jours principalement par des professeurs de
physique. Les notions que nous avons de la science et des scientifiques
datent seulement du XIXe siècle. Avant cette époque, le mot « science »
signifiait simplement connaissance (science et savoir ont la même
étymologie) et le « label » de scientifique n’existait pas.

Ce qui marqua un tournant dans les mentalités, ce fut le fameux


procès de Galilée (1633), et la réaction philosophique de Descartes.
Celui-ci écrivit, dans son non moins fameux Discours de la méthode
(1637), que l’homme devait se « rendre comme maître et possesseur de
la nature ».

Au tournant du XVIe et du XVIIe siècle, on commença à considérer


que le traité scientifique d’Isaac Newton (1687) formait les principes
mathématiques de la philosophie naturelle. Pourtant, Newton n’était pas
un philosophe, mais "seulement" un scientifique. La révolution que
constitua la prise de conscience que la terre tournait autour du soleil
(héliocentrisme), entraîna des changements de mentalités : on réalisa
qu’il était possible d’expliquer ce phénomène par des équations
exprimables en langage mathématique, grâce à des théories de calcul
différentiel et intégral.
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2. Les grandes philosophies de la nature et leurs figures


marquantes :

2.1. La physis grecque et Parménide

La question de la nature est posée par les philosophes


présocratiques sous l’angle de la question de l’être. Parménide (fin du
VIe siècle, milieu du Ve siècle av. J.-C.) est la figure marquante de cette
approche. Il écrivit un traité sur la nature (De la nature), qui est
pratiquement le seul que nous avons conservé. L’affirmation célèbre de
Parménide, posant une vérité paralysante pour l’esprit : « l’être est, le
non-être n’est pas », pose la Nature comme ontologiquement intangible
et éternelle. En effet : le non-être ne pouvant, par définition, être,
comment l’être pourrait-t-il provenir de ce qui n’est pas ? Une
reformulation plus expressive peut être : comment peut-il y avoir quelque
chose à partir du néant ? Cette affirmation ontologique, reposant sur une
vérité logique fondamentale, pose néanmoins la difficulté de
l’appréhension de la Nature que nous avons par l’expérience : celle-ci
est en effet gouvernée par le changement, la naissance et la mort, et
donc par le passage d’un être au non-être.

2.2. La physis grecque et Héraclite

La pensée d’Héraclite est l’extrême opposée de l’éléatisme de


Parménide. Pour ce dernier, l’unité de l’être rend impossible la déduction
du devenir et de la multiplicité ; pour Héraclite, au contraire, l’être est
éternellement en devenir. Héraclite nie ainsi l’être parménidien. Les
choses n’ont pas de consistance, et tout se meut sans cesse : nulle
chose ne demeure ce qu’elle est, et tout passe en son contraire.

« A ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours


d’autres et d’autres eaux ». (Fragment 12, Arius Didyme dans Eusèbe,
Préparation évangélique, XV, 20, 2).

Tout devient tout, tout est tout. Ce qui vit meurt, ce qui est mort
devient vivant : le courant de la génération et de la mort ne s’arrête
jamais. Ce qui est visible devient invisible, ce qui est invisible devient
visible ; le jour et la nuit sont une seule et même chose ; il n’y a pas de
différence entre ce qui est utile et ce qui est nuisible ; le haut ne diffère
pas du bas, le commencement ne diffère pas de la fin.
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2.3. Platon (429-348)

Platon consacre son dialogue. Le Sophiste à réfuter la thèse de


Parménide, et démontrer la coexistence de l’être et du non-être en
introduisant les concepts de mouvement, de repos, d’autre, de même :
« L’ETRANGER : Il s’ensuit donc nécessairement que le non-être dans
le mouvement et dans tous les genres ; car, dans tous, la nature de
l’être, en rendant chacun autre que l’être, en fait un non-être, en sorte
qu’à ce qui point de vue nous pouvons dire avec justesse qu’ils sont tous
des non-êtres et, par contre, parce qu’ils participent de l’être, qu’ils sont
et ont de l’être ».

Une difficulté néanmoins demeure pour une approche


Platonicienne de la Nature : il s’agit fondamentalement d’une philosophie
des Idées, ce qui pose le problème de la connaissance de la Nature en
termes de connaissance de l’Idée de Nature. Là donc ou Parménide
opère un réductionnisme ontologique de la Nature mais inadéquate à la
compréhension de la diversité et des changements observables. Platon
nous impose de voir au-delà de ce que nous offrent nos sens, et nous
détache donc de la Nature appréhendée dans la matérialité.

2.4. Aristote (384-322)

La conciliation de ces deux approches (le positionnement dans le


monde sensible et la considération du changement inhérent à la Nature)
est opéré par Aristote dans la Physique. Cette œuvre présentée par
Heidegger comme « le livre de fond de la philosophie occidentale », initie
en effet l’approche Métaphysique de la Nature. En effet, la connaissance
de la Nature pour Aristote consiste à connaître non pas les éléments
(comme Parménide ou les physiciens : l’eau, la terre, le feu et l’air) mais
les premiers principes : les causes premières. En cela il s’agit bien d’une
métaphysique car la méthode consiste à partir de ce qui est premier pour
nous, le donné sensible et les totalités qui s’offrent à nous pour découvrir
ce qui est premier par nature, il s’agit de dépasser la connaissance de la
nature telle qu’elle se donne à nous en essayant de déterminer ses
fondements.

2.5. René Descartes1 (1596-1650)

L’immense influence du cartésianisme sur la pensée moderne


vient à la fois de sa valeur intrinsèque et de l’opportunité de son

1
Extrait de THONNARD, pp. 489-494.
11

apparition. « Descartes, dit le P Maréchal, réunissant en soi la plupart


des aspirations de son époque, sut y donner une réponse qui parut alors
satisfaisante à beaucoup d’esprits désenchantés des philosophies
officielles. Il eut le mérite de restaurer hardiment le sens métaphysique
qui se perdait ; mathématicien, il réintroduisit en philosophie, à l’encontre
d’un éclectisme désagrégeant, le souci de la rigueur et de l’unité
systématique ; physicien non moins que philosophie, il saisit et domina
les tendances scientifiques les plus fondamentales de son époque. Il
donnait ainsi satisfaction à trois grandes et inévitables exigences de la
pensée humaine : l’exigence éternelle d’une métaphysique, l’exigence
de l’unité rationnelle dans la spéculation, et aussi l’exigence d’une
harmonie des doctrines philosophiques avec les intérêts théoriques et
pratiques de son temps »2.

Mais en accomplissant cette grande tâche à laquelle avait fallit la


scolastique décadante, Décartes ne se contenta pas de respecter les
nouvelles vérités de la science mathématique naissante, il en épousa
pleinement l’esprit rationaliste. Sa doctrine est une affirmation résolue
d’indépendance totale et d’auto-suffisance de notre raison pour atteindre
la pleine vérité naturelle.

Il récuse d’abord tout secours d’ordre surnaturel : « Jamais, dit


Bréhier, il n’a fait intervenir spontanément, dans le tissu de sa
philosophie, le moindre dogme spécifiquement chrétien et catholique. Il a
affirmé sa foi non pas en tant que philosophe, mais en tant que citoyen
d’un pays catholique »3. Il évite délibérément de chercher ses
inspirations dans les dogmes révélées ou d’éclairer ses démarches aux
lumières de la foi.

Il s’affranchit plus encore de la tradition : « Ce que les anciens ont


enseigné, a-t-il écrit, est si peu de chose, et pour la plupart si peu
croyable, que je ne puis avoir aucune espérance d’approcher de la vérité
qu’en m’éloignant du chemin qu’ils ont suivi », et c’est pourquoi il décide
de rebâtir à neuf son système en rejetant une bonne foi toutes les
opinions qu’il avait eu en sa créance.

Enfin, l’expérience elle-même n’a chez lui qu’un rôle secondaire


pour découvrir le vrai. Il ne fait pas appel à l’influence de l’objet, mais
aux seules lumières de l’idée claire, si bien que celle-ci, dans son sens le
plus profond, tend à mesurer le réel comme l’idée divine créatrice dont

2
Point de départ de la métaphysique, cah. II, pp. 25-26.
3
Histoire de la Philosophie, II, p. 65.
12

elle est une participation, au lieu d’en dépendre comme nos idées
arbitraires.

René Descartes resta jusqu’à sa mort un catholique convaincu, il


est aussi un grand philosophe, mais sa doctrine n’est plus une
philosophie chrétienne. Elle inaugure au contraire l’orientation toute
nouvelle de la philosophie moderne où la raison est sil jalouse de son
indépendance et si témérairement confiante en ses propres forces
qu’elle en vient enfin à se diviniser en affirmation le panthéisme.

2.5.1. Le monde corporel

L’idée claire de la pensée a conduit René Descartes à un


spiritualisme exagéré qui ouvre la voie à l’idéalisme ; l’idée claire du
corps, le mène au mécanisme qui fraye le chemin au positivisme. De là
découle un dualisme radical qui rend insoluble le problème de l’union de
l’âme et du corps ; enfin un essai de morale couronne l’étude de
l’homme.

2.5.1.1. Le mécanisme

René Descartes trouve en cette théorie l’explication, soit des corps


en général, soit des corps vivants, y compris celui de l’homme, soit de
l’origine du mouvement.

a. Le corps en général

Selon René Descartes, l’essence du corps est l’étendue. En effet,


pour trouver l’idée claire et distincte du corps, il faut en éliminer tout ce
qu’il est possible sans le détruire, et cela fait, il ne reste que l’étendue ou
la quantité. A cet attribut fondamental qui en est l’essence, les seuls
attributs du corps sont la divisibilité, la figure, et le mouvement.

Or, ces propriétés sont toutes opposées à celles de la pensée, de


sorte que le corps qui n’est qu’étendue, ne peut agir sur l’âme qui n’est
que pensée. D’où ce corollaire important : « Nos idées de couleurs, de
son et autres qualités sensibles, au même titre que nos pensées d’ordre
affectif, douleurs, joies, etc., sont en nous à l’occasion de la présence
d’un corps, mais elles ne nous disent rien sur la nature de ce corps ;
elles sont l’œuvre exclusive de l’âme. Pour ces propriétés qu’on a
appelées «qualités secondes" par opposition à la quantité nommée
"qualité première", René Descartes enseigne une solution définitivement
idéaliste ».
13

b. Les corps vivants

Le végétal, l’animal, le corps humain, sont évidemment des corps ;


par conséquent, toute leur réalité est une étendue douée de mouvement.
Ainsi, toute la partie de la psychologie qui traite, non seulement des
puissances végétales, mais aussi des facultés sensibles (sens externes
et internes en tant qu’ils relèvent du corps) devient un chapitre de
mécanique. « Ces fonctions, dit René Descartes, suivent toutes
naturellement en cette machine de la seule disposition de ses organes,
ni plus ni moins que font les mouvements d’une horloge, ou autre
automate, de celle de ses contrepoids de ses roues »4. Car « il n’existe
dans tout l’univers qu’une seule et même matière » connue par l’idée
claire d’étendue ; et puisque les lois de la mécanique expliquent tous les
phénomènes de la nature, « comme nous le verrons », dit René
Descartes avec assurance, il n’y a pas à chercher d’autres principes,
comme serait l’âme végétative ou sensitive. Les animaux n’ayant pas
d’âme pensante, sont de purs automates.

Ainsi, en dehors de la psychologie, René Descartes n’admet


qu’une seule connaissance vraie du réel, le mécanisme qu’on peut
définir : « La théorie philosophique expliquant toutes les subsistances et
toutes les propriétés et transformations du monde corporel par deux
principes seulement : une matière homogène et le mouvement local ».

Mais la matière, étant inerte, ne peut recevoir le mouvement que


du dehors : d’où la nécessité d’en chercher les causes.

c. Causes du mouvement

Il faut d’abord proscrire les causes finales, parce que nous ne


devons pas avoir la prétention de pénétrer les desseins de Dieu. Il suffit
donc de déterminer les causes efficientes ou les lois des mouvements
dont la variété constitue toutes les modifications de la matière. Cette
recherche est le programme même de la science moderne, de sorte que
le cartésianisme semble construit tout exprès pour la justifier
philosophiquement.

La cause générale de tous les mouvements du monde ne peut être


que Dieu. Car l’univers étant une masse inerte, il faut, pour le mouvoir,
créer le mouvement en le tirant du néant, ce qui exige une puissance

4
Traité de l’homme, éd. Cousin, IV, pp. 347-9 ; cfr. MERCIER, Origine de la
psychologie contemporaine, p. 32.
14

infinie. Et parce que Dieu est immuable, il conserve immuablement ce


qu’il a produit : la quantité de mouvement de l’univers est immuable.
Cette loi, sous la forme générale du principe de la conservation de
l’énergie, est une des bases de la science moderne ; mais René
Descartes la démontrait a priori, tandis que les savants en fondent la
valeur sur sa conformité avec les faits d’expérience.

2.5.1.2. Le dualisme

Les causes particulières des divers mouvements sont étudiées


dans les ouvrages scientifiques. Un seul cas intéresse la philosophie et a
embarrassé René Descartes :

Notre âme est cause particulière des mouvements de son corps.

Elle agit et pâtit avec lui ; elle souffre et désire suivant ses
dispositions. C’est un fait évident que René Descartes reconnaît : « La
nature n’enseigne, écrit-il, par ces sentiments de douleur, de faim, de
soif, etc., que je ne suis pas seulement logé dans mon corps ainsi qu’un
pilote en son navire, mais outre cela, que je lui suis conjoint très
étroitement et tellement confondu et mêlé que je compose comme un
seul tout avec lui ».

Mais l’âme et le corps restent deux substances complètes dont les


attributs sont irréductiblement opposés : le corps, semble-t-il, ne peut
agir sur l’âme, ni l’âme mouvoir directement le corps. Pour réduire la
difficulté, René Descartes enseigne que l’âme réside spécialement dans
la grande pinéale ou elle est en contact avec les « esprits animaux »,
dirige les mouvements du corps et en reçoit les contrecoups. Mais en
quoi consiste cette union ? Il tente bien d’en préciser la nature grâce à
l’idée de force, notion primitive que nous trouvons en nous et que nous
attribuons à tort à des phénomènes physique, comme la pesanteur, car
elle nous est donnée par la nature pour concevoir cette union même
« comme la force dont l’âme agit sur le corps ». Mais il finit par un aveu
d’impuissance : « Il ne semble pas, dit-il, que l’esprit humain soit capable
de concevoir bien distinctement, et en même temps, la distinction d’entre
l’âme et le corps et leur union, à cause qu’il faut pour cela, le concevoir
comme une seule chose et ensemble le concevoir comme deux, ce qui
se contrarie ».
15

2.5.1.3. La morale…

2.5.1.4. Résumé

En résumé, l’idée claire du corps ne comprenant que l’étendue


avec la figure et le mouvement, la seule vraie science des corps est le
mécanisme. Les idées des autres propriétés ne sont pas objectivement
valables (idéalisme). L’opposition créée entre l’âme et le corps rend
insoluble le problème de leur union et de leur action réciproque.
Appliqués à la pratique, ces principes orientent vers une morale à
tendance stoïcienne.

2.6. Les philosophies biologiques : 1. le vitalisme, 2. l’évolutionnisme,


3. le finalisme5.

La philosophie de la biologie est une réflexion sur la méthode et la


spécificité des sciences biologiques.

Par philosophie biologique, on désigne plus particulièrement les


tentatives pour dépasser les simples données de la biologie et les
intégrer dans les théories philosophiques. La biologie étudie non des
objets, mais des êtres vivants, qui ont une unité, une individualité. Les
problèmes de philosophie biologique sont liés à la notion de forme
vivante. Parmi ces problèmes, on peut citer ceux qui concernent la
formation des êtres vivants, la continuité des formes vivantes, leur
spécificité, leur transformation dans le temps, leur finalité.

Parmi les philosophies biologiques, on compte : 1. le vitalisme, 2.


l’évolutionnisme, et 3. le finalisme.

2.6.1. Le vitalisme

L’idée que la matière vivante est spécifique et irréductible à la


matière minérale est liée à ce que l’on appelle le vitalisme. Les théories
vitalistes font une distinction radicale entre les êtres vivants et l’univers
unanime. Les cartésiens niaient cette distinction. Pour eux, la vie se
réduisait à un pur mécanisme : il n’y avait donc pas de "règne du vivant".
Par réaction contre cette conception, l’allemand Stahl (1660-1734) a
élaboré une théorie vitaliste. Il fallait, selon lui, préciser ce qu’était la vie.
Il distingua, comme l’avaient fait les Anciens, deux parties dans le corps :

5
Extrait de JERPHAGNON, Lucien (Sous la direction de), Dictionnaire des grands
philosophes, Toulouse, Edouard Privat, 1973, pp. 55-60.
16

le mixte, c’est-à-dire les particules qui constituent le corps, et le vivant,


c’est-à-dire la vie elle-même. L’âme, dans sa doctrine, était le principe de
la vie ; elle maintenait assemblées les particules, dirigeait le
fonctionnement des organes, etc.

L’âme avait été le principe de vie invoqué par tous les vitalistes qui
avaient précédé Stahl, en particulier Aristote. Ce dernier considérait
l’âme comme un principe vital périssable pour les plantes (âme végétale)
et les animaux (âme sensitive), mais immortel pour l’homme (âme
rationnel).

On peut aujourd’hui distinguer deux formes de vitalisme : un


"vitalisme scientifique" et un "vitalisme philosophique", comme celui de
Bergson (1859-1941) et de Hans Driesch (1867-1941).

Le "vitalisme scientifique" estime que la matière vivante n’a pas


véritablement livré son secret, qu’elle est quelque chose de plus que la
somme des éléments chimiques qui la composent.

Le "vitalisme philosophique" tend à voir dans la nature un principe


organisateur immanent. Bergson élabora une philosophie biologique
anti-mécaniste. La vie, disait-il, ne se plie aux mécanismes physico-
chimiques que pour les utiliser. Elle ne se confond pas plus avec eux
qu’une courbe avec sa tangente. La vie est un "courant", un "élan". Le
biologiste et philosophie Driesch a considéré l’organisme vivant comme
un système harmonieux possédant une "entéléchie" vitale
individualisante.

Ce qui justifie et explique le vitalisme contemporain, c’est que la


philosophie mécaniste actuelle, qui prétend réduire les phénomènes
vitaux aux mécanismes physico-chimiques, n’est pas vraiment prouvée
par la biologie contemporaine ; simplement celle-ci n’explique de la vie
que ce qu’elle contient de physique et de chimique.

2.6.2. L’évolutionnisme

Si le "règne du vivant" a une unité, une spécificité, il est évident


qu’il y a un lien entre toutes les formes vivantes. Les théories de
l’évolution ont cherché à élaborer des systèmes de filiation et de
descendance entre tous les êtres vivants. Il faut se garder de confondre
les théories évolutionnistes scientifiques avec les théories
évolutionnistes philosophiques. La plus grande théorie scientifique de
l’évolution est celle de Charles Darwin (1809-1882) ; il est préférable de
17

lui donner le nom de transformisme. On appelle ainsi la doctrine suivant


laquelle les formes animales et végétales dérivent les unes des autres
par voie de filiation. Darwin a rassemblé un certain nombre de faits
d’évolution incontestables et décisifs : les fossiles d’espèces disparues,
la ressemblance entre embryons d’une même famille d’espèces, etc. A
partir de ces faits, il a élaboré une théorie transformiste : celle de la
descendance avec modification, par le jeu de la sélection naturelle.
Aujourd’hui, l’évolution comme fait est admise par tous les naturalistes,
mais l’accord n’est pas encore fait sur les causes de cette évolution,
c’est-à-dire sur la théorie transformiste. Les théories philosophiques de
l’évolution se fondent sur le transformisme, mais cherchent à le
dépasser. Ainsi, pour Bergson, l’évolution des formes vivantes, telle que
prétend la reconstituer le transformisme, est créatrice, c’est-à-dire
irréductible à un processus mécanique. L’apparition et l’évolution des
espèces vivantes ne peuvent s’expliquer que par un "élan vital", de
nature psychique, qui pénètre la matière et l’organise. La vie manifeste
sa puissance créatrice en produisant, par une évolution imprévisible, des
formes vivantes de plus en plus hautes.

L’évolution philosophique de l’anglais Herbert Spencer (1820-1903)


se proposait d’expliquer le registre entier du réel, depuis les
combinaisons les plus simples de la matière jusqu’aux plus hautes
sociétés humaines. L’univers est d’abord homogène (une masse de
matière et de mouvement), puis des systèmes se forment (comme le
soleil et les planètes), puis sur la terre les solides, les liquides, les gaz se
différencient, enfin premiers êtres vivants apparaissent et se diversifient.
Ainsi l’évolution biologique prolonge l’évolution cosmique.

De même, selon Spencer, l’évolution humaine prolonge l’évolution


biologique. La société n’est pas une création artificielle ; c’est un
organisme qui s’est naturellement développé ; l’évolution sociale fait
partie du processus d’évolution cosmique universelle.

2.6.3. Le finalisme

Ces théories qui veulent replacer l’évolution de la sphère du vivant


dans l’évolution cosmique font parfois appel à un principe finaliste
responsable de l’évolution. Croire au finalisme de l’univers, c’est y voir
un plan qui s’accomplit, admettre qu’il tend à un but. L’évolutionnisme de
Teilhard de Chardin (1881-1955) est un bon exemple de cette
philosophie. Teilhard de Chardin conçoit la matière initiale comme une
immense diversité éparpillée ; il admet l’existence d’un courant constant
et perpétuel de "complexification intériorisante" animant la masse totale
18

des choses. Teilhard esquisse ainsi les formes de l’évolution : d’abord


les corpuscules, puis les atomes, les molécules (donc la matière), puis
les protéines, les êtres "vivants" (c’est le début de la vitalisation), la
naissance d’une première membrane de vie autour de la terre (la
biosphère), enfin la transformation des espèces, l’émergence des
phénomènes, l’invasion de toute la Terre, la convergence en "groupe
sapiens" ; c’est alors le "pas de la réflexion", suivi de la socialisation
d’expansion, puis de la socialisation de compression : la noosphère
s’unifie. Au terme ultime, le point Oméga, le processus de spiritualisation
est achevé ; l’homme est au maximum de son progrès intellectuel,
spirituel, moral. Mais la matière n’aurait pas eu de raison d’arriver à
Oméga sans Dieu qui est en réalité le Moteur, le Collecteur et le
Consolidateur de l’Evolution.

La question de la finalité n’existe pas seulement au niveau de la


totalité des formes vivantes, mais aussi pour chaque forme vivante en
particulier. Ainsi, dans un organisme, chaque partie existe en vue du
tout, et n’est possible que par rapport au tout. La science, dans sa
démarche, fait abstraction de cette finalité. (J. Monod appelle cela
« principe d’objectivité », mais la philosophie ne peut manquer de
s’interroger sur elle. La biologie dite « moléculaire » rattache les formes
vivantes à la chimie de macro-molécules (A.D.N., etc.) mais cela ne
signifie pas qu’il n’y ait aucune finalité dans les organismes. La question
reste controversée.

2.7. L’éthique de responsabilité à l’endroit de la nature

L’éthique de responsabilité que Weber avait nommé "éthique du


pouvoir" dans le brouillon de sa conférence sur "Le métier et la vocation
du politique"6 est celle qui convient à l’homme politique, dans la mesure
où il doit prendre en compte les conséquences prévisibles de ses actes7.

6
WEBER, M., « Politik als Beruf » (1910), in Gesammelte Politische Schriften,
J.C.B., Mohr, 1988, pp. 505-560, trad. Le Savant et le politique, 10/18, Paris,
1998, pp. 166-180.
7
BLAY, Michel (Sous la direction de), Grand Dictionnaire de la Philosophie, Paris,
Larousse, CNRS Editions, p. 388.
19

3. La physique d’Aristote

3.1. La physique, science des principes

Dans la science de la nature, il faut efforcer de définir d'abord ce


qui concerne les principes8.

3.1.1. Ces principes, quels sont-ils ?

Les contraires.

Les principes ne doivent être formés ni les uns des autres, ni


d’autres choses. C’est des principes que tout doit être formé. C’est là le
groupe des premiers contraires. Premiers, ils ne sont formés d’aucune
autre chose. Contraires, ils ne sont pas formés les uns des autres (p.
39).

Les principes sont adoptés par les pré-socratiques sans motif


rationnel comme si la vérité elle-même les y forçait. Ils se distinguent les
uns des autres selon qu’ils pensent les premiers ou les derniers. Pour
certains, les principes sont plus connaissables selon la raison. Pour
d'autres, selon la sensation. Car le général est plus connaissable selon
la raison, le particulier selon la sensation.

Les exemples des contraires sont : le chaud et le froid, pour


Parménide, le rare et le dense, le plein et le vide, l’un et le multiple, l’être
et le non-être, pour Démocrite, le haut et le bas, l’avant et l’arrière, le
droit et le circulaire, l’humide et le sec, l’impaire et le pair, l’amitié et la
haine, le Pire et le Meilleur, le grand et le petit, le général et le
particulier… La raison a pour objet le général. La sensation le particulier.
L'opposition du grand et du petit est de l'ordre de la raison. Celle du rare
et du dense de l'ordre de la sensation9.

3.1.2. Ces principes, combien sont-ils ?

Les principes, qui sont des contraires, sont-ils deux ou trois ou en


plus grand nombre.

8
P. 18.
9
P. 39.
20

Qu'ils soient un, c'est impossible. Le contraire n'est pas un. Pas
davantage infinis. L'être ne serait pas intelligible. Ils ne sont donc ni un ni
infinis10.

Les principes ne sont pas aussi deux. On serait bien embarrassé


d’indiquer la disposition naturelle par laquelle la densité exercerait
quelque action sur la rareté ou celle-ci sur la densité. L'amitié n'unit pas
la haine ni ne tire rien de la haine, ni la haine de l'amitié. L'action de
toutes les deux se produit dans un troisième terme11.

Il faut accepter un troisième terme parmi les principes12.

Quoi qu'il en soit, on peut dire avec quelque raison, qu’il y a trois
éléments. On ne peut pas dépasser ce chiffre13.

C'est pourquoi, il faut dire que les principes sont en un sens deux,
en un sens trois. En un sens, ce sont deux contraires, comme si on parle
du lettré et de l'illettré, ou du chaud et du froid, de l'harmonieux et du
non-harmonieux. En un sens, non, car il ne peut y avoir de passion
réciproque entre les contraires. Cette difficulté est levée à son tour par
l'introduction d'un autre principe, le sujet. Celui-ci, n'est pas un contraire.
D'une certaine manière, les principes ne sont pas plus nombreux que les
contraires, et ils sont, peut-on dire, deux quant au nombre. Ils ne sont
pas non plus absolument deux, mais trois, par suite de la différence qui
existe entre leurs essences. L’homme et l’illettré sont différents dans leur
essence, comme l’informe et l’airain14.

On a donc dit le nombre des principes pour les choses naturelles,


soumises à la génération et les raisons de ce nombre. Il faut un sujet aux
deux contraires. L’un des contraires suffit, par sa présence ou son
absence, pour effectuer le changement15.

La nature qui est sujet. Elle est connaissable par analogie. Le


rapport de l'airain à la statue, du bois au lit, ou en général de la matière
et de I'inforrne à ce qui a forme, antérieurement à la réception et
possession de la forme, tel est le rapport de la matière, à la substance, à
l'individu particulier, à l'être. La matière est donc l'un des principes, bien

10
P. 41.
11
Pp. 41-42.
12
P. 42.
13
P. 42.
14
P. 46.
15
P. 46.
21

qu'elle n'ait l'unicité, ni l'espèce d'existence de l'individu particulier. Ce


qui correspond à la forme en est un autre. Le contraire de celle-ci est la
privation16.

3.1.3. Quelle est la finalité de la science des principes ?

L'étude de la génération, de la corruption, et en général, du


changement physique.

3.2. La physique d’Aristote, science des causes de la nature.

3.2.1. La physique, science de la nature (êtres naturel, artificiel et


spéculatif).

Parmi les êtres, les uns sont par nature, les autres par d'autres
causes17.

Les êtres par nature, sont les animaux et leurs parties, les plantes
et les corps simples, comme la terre, le feu, l’eau, l’air. De ces choses, et
d’autres de même sorte, on dit qu'elles sont par nature et qu’elles
diffèrent de ceux qui n'existent pas par nature.

Chaque être naturel, a en soi-même un principe de mouvement et


de fixité. L’un quant au lieu, l’autre quant à l'accroissement et au
décroissement, l'autre encore quant à l'altération. Pour toutes les autres
choses fabriquées; aucune n'a en elle le principe de sa fabrication; les
unes l'ont en d'autres choses et hors d'elles, par exemple une maison et
tout 'objet fait de main d'homme; les autres l'ont bien en eux-mêmes,
mais non par essence, à savoir toutes celles qui peuvent être par
accident causes pour elles-mêmes.

Avoir une nature est le propre de tout ce qui a un tel principe. Les
êtres naturels sont substances. Ce sont des sujets et la nature est
toujours dans un sujet. Sont choses conformes à la nature et ces
substances et tous leurs attributs essentiels. Pour le feu, le transport
vers le haut ; car cela n'est pas nature, pas davantage n'a une nature,
mais cela est par nature et conformément à la nature.

La nature existe. Il y a beaucoup d'êtres naturels.

16
P. 46.
17
A savoir l'activité pratique et poétique de l'homme et, d'autre part, la fortune.
22

En un sens donc, on appelle nature, la matière qui sert de sujet


immédiat à chacune des choses qui ont en elles-mêmes un principe de
mouvement et de changement.

En un autre sens, c'est le type et la forme, la forme définissable. La


nature doit être, dans les choses qui possèdent en elles-mêmes un
principe de mouvement, le type et la forme, non séparables, si ce n'est
logiquement.

Quant au composé des deux, matière et forme, ce n'est pas une


nature, mais un être par nature comme l'homme. Et cela est plus nature
que la matière: car chaque chose est dite être, ce qu'elle est plutôt
quand elle est en acte que quand elle est en puissance.

En outre un homme naît d'un homme, mais, objecte-t-on, non un lit


d'un lit ? C'est pourquoi ils disent que la figure du lit n'en est pas la
nature, mais le bois, car, par bourgeonnement, il se produira du bois,
non un lit; mais si le lit est bien une forme artificielle, cet exemple prouve,
par le bois, que c'est encore la forme qui est nature ; dans tous les cas
un homme naît d'un homme.

En outre, la nature comme naturante est le passage à la nature


proprement dite ou naturée. Car, sans doute, le mot guérison ne signifie
pas le passage à l'art de guérir, mais à la santé, puisque la guérison
vient nécessairement de l'art de guérir au lieu d'y aboutir; mais c'est un
autre rapport qu'il y a entre les deux sens de nature; car le naturé en tant
qu'il est en train d'être naturé va d'un terme à un autre. Vers lequel? Ce
n'est pas vers le point de départ; c'est vers ce à quoi il tend, c'est-à-dire
la forme; donc c'est la forme qui est nature.

Mais la forme et la nature se disent en deux sens, car la privation


est forme en quelque façon. La privation est-elle donc un contraire dans
la génération absolue, ou non ?

Appartiennent aux corps physiques les surfaces, solides,


grandeurs et points qui sont l'objet des études mathématiques. Les phy-
siciens parlent de la figure de la lune et du soleil, se demandant si le
monde et la terre sont sphériques ou non. C'est donc que ces attributs
sont aussi l'objet des spéculations du mathématicien, mais non en tant
qu'ils sont chacun la limite d'un corps naturel; et, s'il étudie les attributs,
ce n'est pas en tant qu'ils sont attributs de telles substances.
23

C’est pourquoi, encore, il les sépare ; et en effet, ils sont, par la


pensée, séparables.

3.2.2. La physique, science des causes

3.2.2.1. Les causes, ce qu’elles sont

En un sens, la cause, c'est ce dont une chose est faite et qui y


demeure immanent. L'airain est cause de la statue. L'argent de la coupe.

En un autre sens, c'est ce dont vient le premier commencement du


changement et du repos ; par exemple, l'auteur d'une décision est
cause, le père est cause de l'enfant, et, en général, l'agent est cause de
ce qui est fait, ce qui produit le changement de ce qui est changé.

En dernier lieu, c'est la fin ; c'est-à -dire la cause finale. La santé


est cause de la promenade. Pourquoi se promène-t-il ? C'est, dirons-
nous, pour sa santé, et, par cette réponse, nous pensons avoir donné la
cause.

Bien entendu appartient aussi à la même causalité tout ce qui, mû


par autre chose que soi, est intermédiaire entre ce moteur et la fin, par
exemple pour la santé, l'amaigrissement, la purgation, les remèdes, les
instruments. Toutes ces choses sont en vue de la fin, et ne diffèrent
entre elles que comme actions et instruments.

Voilà, sans doute, toutes les acceptions où il faut entendre les


causes. Mais il arrive, par suite de cette pluralité de sens, qu'une même
chose ait une pluralité de causes, et cela non par accident; par exemple,
pour la statue, la statuaire et l'airain, et cela non pas sous un autre
rapport, mais en tant que statue, mais non au même sens...

3.2.2.2. Le nombre de causes et ce en quoi elles sont causes

Sur le nombre des causes et les différents sens suivant lesquels


elles sont causes, telles sont les déterminations que nous avions à
apporter. Elles suffiront.

On dit aussi que la fortune et le hasard sont des causes, que beau-
coup de choses sont et s'engendrent par l'action de la fortune et celle du
hasard. En quel sens la fortune et le hasard font partie des causes
étudiées précédemment, si la fortune et le hasard sont identiques ou
24

différents, et en général, quelle est l'essence de la fortune et du hasard,


voilà ce qu'il faut examiner.

Certains, en effet, mettent en question leur existence. Rien


évidemment, dit-on, ne peut-être effet de fortune, mais il y a" une cause
déterminée de" toute chose dont nous disons qu'elle arrive par hasard ou
fortune.

Le fait pour un homme de venir sur la place par fortune, et d'y


rencontrer celui qu'il voulait mais sans qu'il y eût pensé, a pour cause le
fait d'avoir voulu se rendre sur la place pour affaires. De même pour les
autres événements qu'on attribue à la fortune, on peut toujours saisir
quelque part leur cause, et ce n'est pas la fortune.

D'ailleurs, si la fortune était quelque chose, il paraîtrait, à bon droit,


étrange et inexplicable qu'aucun des anciens sages qui ont énoncé les
causes concernant la génération et la corruption n'aient rien défini sur la
fortune; mais, semble-t-il, c'est qu'eux aussi pensaient qu'il n'y a rien qui
vienne de la fortune.

Mais voici ce qui est surprenant à son tour. Beaucoup de choses


existent et sont engendrées par fortune et par hasard, qui, on ne l'ignore
pas, doivent être rapportées chacune à une certaine cause dans l'uni-
vers, ainsi que le demande le vieil argument qui supprime la fortune18.
Cependant, tout le monde dit de ces choses que les unes sont par
fortune, les autres non.

Aussi les Anciens auraient-ils dû, en toute hypothèse, faire mention


de la fortune : d'ailleurs, ce ne pouvait certes pas être pour eux une
chose analogue à l'amitié, la haine, l'intelligence, le feu, ou tout autre
chose pareille; donc soit qu'ils en admissent l'existence, soit qu'ils la
niassent, ils sont étranges de l'avoir passée sous silence ; et cela
d'autant plus qu'ils en font usage quelquefois. Ainsi Empédocle dit que
ce n’est pas constamment que l'air se sépare pour se placer dans la
région la plus élevée, mais selon qu'il plaît à la fortune; jugez-en. Il dit
dans sa cosmogonie : « il se rencontra que l'air s'étendit ainsi, mais
souvent autrement » ; et les parties des animaux sont engendrées la
plupart par fortune, à son dire.

Pour d'autres, et notre ciel et tous les mondes ont pour cause le
hasard ; car c’est du hasard que proviennent la formation du tourbillon et

18
Selon Eudème, il s'agit de Démocrite (Sp. 330, 15) ici et 196 a 24.
25

le mouvement qui a séparé les éléments et constitué l'univers dans


l'ordre où nous le voyons.

Mais voici qui est particulièrement surprenant: d'une part, selon


eux, les animaux ni les plantes n'existent ni ne sont engendrés par
fortune, la cause de cette génération étant nature, intelligence, ou
quelque autre chose de tel (en effet, ce n'est pas n'importe quoi qui naît,
au gré de la fortune, de la semence de chaque être, mais de celle-ci un
olivier, de celle-là un homme) ; tandis que, d'autre part, le ciel et les plus
divins des êtres visibles proviennent du hasard et n'ont aucune .cause
comparable à celle des animaux et des plantes. Même s'il en était ainsi,
cela valait la peine qu'on y insistât et il était bon d'en parler. Car cette
théorie est certes, à d'autres égards, contraire à la raison, mais elle est
rendue plus absurde encore par I’expérience que, dans le ciel, rien
n'arrive par hasard, et qu'au contraire dans les choses qui, censément,
n'existaient pas par fortune, beaucoup arrivent par fortune; à coup sûr le
contraire était plus vraisemblable.

D'autres encore pensent que la fortune est une cause, mais


cachée à la raison humaine, parce qu'elle serait quelque chose de divin
et de surnaturel à un degré supérieur19.

Ainsi il faut examiner ce que sont hasard et fortune, s'ils sont


identiques ou différents, et comment ils tombent dans notre classification
des causes.
D'abord on reconnaîtra que l'expérience montre des faits qui se
produisent toujours de même, et des faits qui se produisent
fréquemment ; or, il est évident que. la fortune n'est dite la cause ni des
uns ni des autres et que les effets de la fortune ne sont ni parmi les faits
nécessaires et constants, ni parmi les faits qui se produisent la plupart
du temps.

Mais, puisqu'il y a aussi des faits qui se produisent par exception à


ceux-là, et que tout le monde les appelle effets de fortune, il est évident
que la fortune et le hasard existent en quelque manière : car nous
savons que de tels faits sont effets de fortune et que les effets de fortune
sont de tels faits.

Or, parmi les faits, les uns se produisent en vue de quelque chose,
les autres non ; et parmi les premiers, les uns par choix, les autres non
par choix, les uns et les autres étant des faits qui se produisent en vue

19
Opinion professée par les Stoïciens que les Placita attribuent à Anaxagore.
26

de quelque chose ; on voit, par suite, que parmi les faits qui font
exception à la nécessité et à la fréquence, il y en a auxquels on peut
appliquer la détermination téléologique. Les faits qui en sont vus de
quelque chose sont tous ceux qui pourraient être accomplis par la
pensée ou la nature.

Or, quand de tels faits se produisent par accident, nous disons


qu'ils sont des effets de fortune.

Quand ce caractère accidentel se présente dans les faits qui sont


produits en vue d’une fin, alors on parle d’effets de fortune et de hasard.

Le hasard et la fortune appartiennent aux choses auxquelles


s'applique la détermination téléologique ; par exemple un homme aurait
pu, s'il avait su, venir en tel lieu pour toucher de l'argent; alors que son
débiteur y reçoit le montant d'une quête ; il y est venu, mais non pour
cela ; mais il lui est arrivé par accident, étant venu là ! d'être venu là pour
toucher de l'argent; et cela, non parce qu'il fréquente cet endroit la
plupart du temps ou nécessairement; et la fin, à savoir le recouvrement
de la dette, n'est pas du nombre des causes finales immanentes, mais
relève du choix et de la pensée ; alors, dans ces conditions, on dit qu'il
est allé là par effet de fortune. Au contraire, s'il y est allé par choix et en
vue de cette fin, soit qu'il y fréquente constamment, soit qu'il y recouvre
son argent la plupart du temps, ce n'est pas effet de fortune.

On voit donc que la fortune est une cause par accident, survenant
dans les choses qui, étant en vue de quelque fin, relèvent en outre du
choix. Par suite la pensée et la fortune sont du même ordre, car le choix
ne va pas sans pensée.

En somme, il est nécessaire que les causes d’où proviennent les


effets de fortune soient indéterminées. D’où il suit que la fortune paraît
être du domaine de l’indéterminé et impénétrable à l’homme et qu’on
peut émettre l’opinion qu'il n'y a pas de faits de fortune. Toutes ces
formules sont correctes, parce que justifiables. En un sens, il y a des
faits de fortune, car il y a des faits accidentels et la fortune est cause
comme accident; comme cause absolue, elle n'est cause de rien; par
exemple la cause de la maison, c'est l'architecte et, par accident, le
joueur de flûte; et les causes du fait qu'étant venu là, mais non pour
recouvrer son argent, on l'y a recouvré" sont infinies en nombre (on
voulait voir quelqu'un comme demandeur ou défenseur ..... ).
De même dire que la fortune est quelque chose de contraire à la
raison, est correct: car la raison est du domaine des choses qui sont
27

toujours ou la plupart du temps; la fortune, de celles qui font exception à


celles-là. Par suite puisque de telles causes sont indéterminées, la
fortune l'est également. Cependant, dans certains cas, on pourrait se
demander si n'importe quelle cause peut être cause de la fortune: par
exemple, si la cause de la santé ne serait pas le courant d'air ou
l'échauffement, et non la coupe de cheveux; car, parmi les causes
accidentelles, les unes sont plus proches que les autres.

D'autre part on parle de bonne fortune, quand un bien arrive, de


mauvaise fortune, quand c'est un mal; de fortune heureuse ou
d'infortune quand ce bien ou ce mal sont considérables; par suite quand
il s'en faut de peu qu'on ait éprouvé un grand mal ou un grand bien, on
parle encore de fortune heureuse, ou d'infortune; parce que la pensée
les considère comme existant, le peu s'en faut passant pour un écart nul.
En outre l'heureuse fortune est, dit-on, chose peu sûre, et avec raison;
car la fortune n'est pas sûre; car aucun effet de la fortune ne peut être ni
toujours, ni fréquemment.

En résumé, comme nous l'avons dit, la fortune et le hasard sont


des causes par accident, pour des choses susceptibles de ne se
produire ni absolument, ni fréquemment, et en outre susceptibles d'être
produites en vue d'une fin.

Mais ils .diffèrent en ce que le hasard a plus d'extension ; en effet


tout effet de fortune est de hasard, mais tout fait de hasard n'est pas de
fortune. En effet, il y a fortune et effets de fortune, pour tout ce à quoi
peut s'attribuer l'heureuse fortune et en général l'activité pratique. Aussi
est-ce nécessairement dans les objets de l'activité pratique qu'il y a de la
fortune. Une preuve en est qu'on regarde comme identique au bonheur,
ou presque, la bonne fortune; or, le bonheur est une certaine activité
pratique, puisque c'est une activité pratique réussie, Par suite, les êtres
qui ne peuvent agir pratiquement ne peuvent, non plus, produire aucun
effet de fortune. D'où résulte qu'aucun être inanimé, aucune bête, aucun
enfant n'est l'agent d'effets de fortune, parce qu'il n’a pas la faculté de
choisir; ils ne sont pas non plus susceptibles d'heureuse fortune ni
d'infortune, si ce n'est par métaphore; ainsi Protarque disait que les
pierres dont on fait les autels jouissaient d'une heureuse fortune parce
qu'on les honore, tandis que leurs compagnes sont foulées au pied. En
revanche Ces choses elles-mêmes peuvent, en quelque façon, pâtir par
effet de fortune quand celui qui exerce sur elles son activité pratique agit
par effet de fortune; autrement ce n'est pas possible.
28

Quant au hasard, il appartient aux animaux et à beaucoup d'êtres


inanimés: ainsi on dit que la venue du cheval est un hasard, quand par
cette venue il a trouvé le salut, sans que le salut ait été en vue. Autre
exemple: la chute du trépied est un hasard, si après sa chute il est
debout pour servir de siège, sans qu'il soit tombé pour servir de siège.

Par suite, on le voit, dans le domaine des choses qui ont lieu
absolument en vue de quelque fin, quand des choses ont lieu sans avoir
en vue le résultat et en ayant leur cause finale hors de lui, alors nous
parlons d'effets de hasard; et d'effets de fortune, pour tous ceux des
effets de hasard qui, appartenant au genre des choses susceptibles
d'être choisies, atteignent les êtres capables de choix.

Ainsi le hasard, pour s'en rapporter à son nom même, existe quand
la cause se produit par elle-même en vain. En effet la chute d'une pierre
n'a pas lieu en vue de frapper quelqu'un; donc la pierre est tombée par
effet de hasard, car autrement elle serait tombée du fait de quelqu'un et
pour frapper.

C'est surtout dans les générations naturelles, que se distinguent


faits de fortune et de hasard ; car d'une génération contraire à la nature,
nous ne disons pas qu'elle est effet de fortune, mais plutôt de hasard.
Mais c'est encore autre chose, car la cause finale d'un effet de hasard
est hors de cet effet, celle d'une telle génération est interne.

On vient de dire ce qu'est le hasard, et la fortune, et leur différence.


Comme modalités de causes, l'un et l'autre sont dans ce d'où vient le
commencement du mouvement; toujours, en effet, ils sont une sorte de
cause naturelle ou de cause par la pensée, mais le nombre de ces
sortes de causes est infini20.

Mais, puisque le hasard et la fortune sont causes des faits dont


l'intelligence ou la nature pourrait être causes, quand de tels faits ont une
cause par accident, puisque d'autre part rien d'accidentel n'est antérieur
au par soi, il est évident que la cause par accident n'est pas davantage
antérieure à la cause par soi. Le hasard et la fortune sont donc
postérieurs à l'intelligence et à la nature; par suite si le hasard est, ce qui
serait le comble, cause du ciel21, il faudra que, antérieurement,

20
Cf. 5. 196b 28.
21
Cf. 4. 196 a 24. ARISTOTE, dans sa critique des atomistes (résumée par PH. Gen.
Corr. 164, 10), insiste sur l'idée que l'à.1:ax1:wç c'est le hasard, donc
l'exceptionnel.
29

l'intelligence et la nature soient causes et de beaucoup d'autres choses


et de cet univers.

Qu'il y ait des causes et que le nombre des causes en soit tel que
nous le disons, c’est ce qui est évident : car c'est ce nombre qu'em-
brasse le pourquoi. En effet, le pourquoi se ramène, en fin de compte,
soit à l'essence (à propos des choses immobiles, comme en
mathématiques ; en effet, il se ramène en fin de compte à la définition du
droit, du commensurable, etc.), soit au moteur prochain (par exemple,
pourquoi ont-ils fait la guerre ? parce qu'on les a pillés) ; soit à la cause
finale (par exemple, pour dominer), soit, pour les choses qui sont
engendrées, à la matière. Voilà donc, manifestement, quelles sont les
causes et quel est leur nombre.

Puis donc qu'il y a quatre causes, il appartient au physicien de


connaître de toutes et, pour indiquer le pourquoi en physicien, il le
ramènera à elles toutes : la matière, la forme, le moteur, la cause finale.
Il est vrai que trois d'entre elles se réduisent à une en beaucoup de cas :
car l'essence et la cause finale ne font qu'un; alors que l'origine
prochaine du mouvement est identique spécifiquement à celles-ci ; car
c'est un homme qui engendre un homme; et d'une manière générale, il
en est ainsi pour tous les moteurs mus ; quant à ceux qui ne sont pas
mus, ils ne relèvent plus de la physique, car s'ils meuvent, ce n'est pas
pour avoir en soi mouvement ni principe du mouvement, c'est en étant
immobiles. Par suite, trois ordres de recherche : l'une sur les choses
immobiles, l'autre sur les choses mues et incorruptibles, l'autre sur les
choses corruptibles.

Aussi le physicien a-t-il indiqué le pourquoi quand il a ramené à la


matière, à l'essence, au moteur prochain. Et, en effet, pour la génération,
c'est surtout ainsi que l'on cherche les causes; on se demande quelle
chose vient après quelle autre, quel est l'agent et quel est le patient
prochains, et toujours ainsi en suivant.

Mais les principes qui meuvent d'une façon naturelle-sont doubles,


et l'un n'est pas naturel ; car il n'a pas en soi un principe de mouvement.
Tels sont les moteurs non mus, comme le moteur absolument immobile
et le premier de tous, et l'essence et la forme; car ce sont là, fins, et
choses qu'on a en vue; par suite, puisque la nature est en vue de
quelque fin, il faut que le physicien connaisse une telle cause.

C'est donc de toutes les façons qu'il doit indiquer la cause: par
exemple il dira que de telle cause efficiente nécessairement vient telle
30

chose, soit absolument soit la plupart du temps ; que, pour que telle
chose arrive, il faut une matière, comme des prémisses la conclusion;
que telle était la quiddité, et pourquoi cela est mieux ainsi, non pas
absolument, mais relativement à la substance de chaque chose.

3.3. La physique d’Aristote, science du mouvement


31

4. Pérennité de la physique d’Aristote

4.1. Actualité de la causalité aristotélicienne : le hasard, cause


originelle de la vie sur la planète terre ?

L’apparition de la vie sur la planète Terre résulterait d’une volonté,


immanente pour les panthéistes, transcendante pour les philosophes de
la transcendance.

L’absence de cette volonté, valorise le hasard, une cause sans


finalité, selon Aristote.

La vie impliquerait beaucoup de coïncidences, pour certains


scientifiques contemporains. La réfutation de cette thèse par d’autres
scientifiques et les philosophes de la transcendance, autorise à
substituer la cause sans finalité, le hasard, par une autre avec finalité, la
création. Les arguments des uns et des autres sont développés sous les
intitulés ci-dessous.

4.1.1. La vie implique beaucoup de coïncidences22

La vie serait apparue sur la Terre voici un peu plus de 3,5 milliards
d’années, soit environ un milliard d’années après la formation de notre
planète. Puis, trois milliards d’années durant, elle serait restée confinée
dans l’eau des océans, sous la forme simple de bactéries, les fameuses
"algues blanches" avant de se diversifier et de littéralement exploser, au
Précambrien, voici environ 700 millions d’années, pour finalement
envahir tous les milieux, eau, terre, air, avec le succès que l’on sait.

Ce scénario est-il universel ? Eh bien non, ont affirmé dès la fin


des années 1990 deux chercheurs américains, l’un paléontologiste,
Peter Ward, l’autre astronome, Donald Brownlee, en publiant leur
provocante hypothèse de la "Terre rare". Que dit cette hypothèse ? Que
notre présence ici est le résultat d’un extraordinaire concours de
circonstances, tellement improbable que notre planète serait en définitive
la seule, dans toute la Galaxie, à être habitée par des organismes
complexes.

La théorie de Ward et Brownlee met en lumière un certain nombre


de coïncidences qui, dans le système solaire, ont permis à la vie

22
BRUNIER, Serge, « Des milliards de planètes dans la voie lactée mais … une
terre unique ? », dans Science et Vie 1093 (2008), pp. 52-68.
32

d’évoluer jusqu’à nous. Ainsi, en plus d’être située exactement dans la


zone habitable du système solaire, la Terre est accompagnée d’un
satellite exceptionnellement massif, la Lune, qui lui sert de « balance
gravitationnelle » et l’empêche de basculer sur son axe, un équilibre qui
la protège de bouleversements climatiques catastrophiques.

Autres étonnantes singularités : notre planète profite d’un intense


champ magnétique qui l’isole des radiations solaires et cosmiques ;
tandis qu’elle possède une tectonique des plaques très active qui
régularise les échanges thermiques et gazeux entre son cœur et sa
surface, et qui a favorisé l’évolution en brassant et en isolant tour à tour
les espèces.

Enfin, la Terre possède un « garde du corps » puissant, Jupiter, la


plus grande des planètes du système solaire, dont la masse attire, tel un
aimant, un grand nombre de comètes et d’astéroïdes. Cela protège notre
planète, au moins en partie, d’impacts trop nombreux, comme en
témoigne la chute en 1944 de la comète Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter.
Autant de coïncidences vraiment extraordinaires.

A la lumière des plus récentes découvertes, leur hypothèse prend


une saveur nouvelle. La voie Lactée est largement hostile à la vie. Une
dangerosité liée, en premier lieu, au fait qu’il explose dans notre galaxie
plus de dix mille supernovæ tous les millions d’années ! Or, cette mort
explosive des étoiles, si elle survenait à une trentaine d’années lumière
de la Terre, bouleverserait complètement sa haute atmosphère, détruirait
sa couche d’ozone, y radieirait sa surface, et provoquerait probablement
une extinction massive. Mais il y a aussi des hypernovae, causées soit
par l’effondrement d’une étoile supergéante en trou noir, soit par la
collision de deux étoiles : leur titanesque explosion est environ un million
de fois plus puissante que celle d’une supernovæ.

Enfin, heureusement que le trou noir tapi au centre de notre


galaxie semble inactif (aucune matière – gaz interstellaire ou étoile – ne
se précipite dedans). Car si ce n’était pas le cas, les éventuelles Terre
proches subiraient de colossaux et fatals rayonnements : les astronomes
supposent que dans certaines galaxies, l’émission de radiations du trou
noir central a éradiqué toutes formes de vie.

On le voit, il ne fait pas bon vivre n’importe où dans une galaxie. Et


si la Terre a échappé au pire, c’est parce qu’elle se trouve dans la zone
habitable du système solaire… mais également dans celle de la Voie
lactée, une région extrêmement limitée, dessinant un trou étroit dans le
33

disque de la Voie lactée, très éloignée du centre galactique, où les


explosions de supernovae et d’hypernovae sont moins fréquentes.

Ce qui n’empêche pas que les astronomes américains Adrian


Melott et Brian Thomas de s’interroger sur la responsabilité des
hypernovae dans certaines extinctions majeures, comme celle de
l’Ordovicien supérieur, intervenue voici 445 millions d’années, et au
cours de laquelle 60% des formes de vie terrestres ont disparu.

Mais cette idée même de « dangerosité » pour l’existence dans


autre galaxie est contestée par certains chercheurs. Nicolas Prantzos,
astronome à l’Institut d’astrophysique de Paris, est de ceux-là. Et
d’expliquer :

« En réalité, on ne peut rien conclure sur la probabilité d’une


stérilisation définitive d’une planète hors de cette supposée zone
habitable. Parce que même si la létalité due à l’explosion d’une
supernovae était de 100% à la surface d’une planète, la vie
marine y survivrait probablement, puisque les radiations sont
absorbées par seulement quelques mètres d’eau… D’ailleurs la
vie terrestre a démontré sa robustesse ; et puis, il ne faut pas
oublier qu’une catastrophe cosmique peut même accélérer
l’évolution »23.

Pour preuve, l’extinction massive survenue à la fin de l’ère


secondaire et très probablement due à la chute d’un astéroïde d’une
dizaine de kilomètres dans le golf du Mexique : si elle a occasionné la
disparition des dinosaures, elle a aussi favorisé l’apparition de l’espèce
humaine…

Le débat n’est pas donc prêt de se clore contre les tenants d’une
Terre rare et ceux qui défendent l’idée de l’universalité de la vie dans
l’Univers. Pour les premiers, de 5 à 10% seulement des étoiles de la voie
lactée seraient situées dans la zone habitable. Pour les seconds, à
l’instar d’un Nicolas Plantzos qui réfute ce concept, « la Galaxie toute
entière est peut-être habitable ».

23
Cité par Serbe BRUNIER, « Des milliards de planètes dans la voie lactée, mais
une Terre unique », dans Science Vie 1093, 2008, p. 68.
34

4.1.2. La vie n’est pas un fait accidentel24

4.1.2.1. Formation de la croûte terrestre. Apparition de la vie.

La vie n’a pas toujours existé sur la Terre, car jadis elle était une
étoile incandescente. Les organismes ne pouvaient vivre sur cet astre
composé de liquides enflammés. La chaleur devait détruire toute vie et
tout germe vital.

Un jour, la lumière propre de la Terre s’éteignit. L’analyse spectrale


de la physique stellaire constate la parenté entre les matières terrestres
et stellaires. Ce qui prouve que notre Terre est d’un âge avancé – de
l’âge des autres astres.

Quand la croûte terrestre se fut formée et que la température


descendit au-dessous de 100°, les nuages des vapeurs d’eau purent se
décharger et la circulation de l’eau commença sur la surface terrestre qui
était à cette époque assez plate. C’est alors que seulement que la vie a
pu apparaître et c’est alors seulement qu’elle apparut.

La force destructrice et motrice de l’eau emplit les dépressions


causées par les montagnes qui s’étaient formées à la suite du
plissement de l’écorce terrestre. Dans ses réservoirs se formèrent et se
forment continuellement de nouvelles masses et de nouvelles couches
de terrain.
Des restes d’êtres vivants s’incrustent dans les couches
géologiques s’y pétrifient et forment des fossiles.

La répartition de la terre ferme et de l’eau évolue sans cesse. Les


fonds des mers avec leurs fossiles se dressent en montagnes, les
masses de terre ferme deviennent de nouveaux fonds maritimes.

L’eau, la chaleur, le gel, le mouvement des glaciers, le chimisme


des organismes vivants et morts et leurs restes amoncelés, tels que
masses calcaires, algues, coraux, silice, tourbe, charbon, houille et
naphte, sont les facteurs géologiques qui modifient le visage de la Terre.
Le grand rôle appartient cependant aux volcans et aux séismes. Ces
facteurs actifs formèrent le visage de notre planète depuis le début de la
formation des océans. Tous les fais géologiques se laissent expliquer
naturellement par l’hypothèse émise pour la première fois par Leyell

24
Cette synthèse est extraite de l’étude de Félix RUSCHKAMP, intitulée : « D’où
vient la vie », parue dans Essai sur Dieu, l’homme et l’Univers.
35

(1797-1875) sur la continuité des facteurs géologiques. A cette


hypothèse correspond celle de la continuité de la vie, car d’après la loi
fondamentale de la biologie, une nouvelle vie ne peut se produire que de
façon naturelle par la transmission de la vie d’une génération à une autre
par génération paternelle.

Etant donné que, dans le courant des siècles, la flore et la faune


change de caractère, on a pu se servir de fossiles de la même espèce et
du même âge comme de fossiles types pour établir la succession des
couches géologiques. Elles servent à la paléontologie pour établir la
succession de flore et de faune, c’est-à-dire pour l’étude de l’histoire des
organismes vivants. Cette histoire remonte jusqu’aux premiers âges
géologiques om avait commencé la circulation de l’eau.

Nous ne connaissons pas l’aspect des premiers êtres. Trois


cinquième de la surface de la Terre sont couverts d’eau, et il nous est
impossible de chercher des fossiles dans les couches qui se trouvent au
fond des mers.

Les premières traces semblent être effacées par la transformation


des plus anciennes couches en granit et en gneiss. Une chose
cependant est certaine : la vie sur la Terre n’a pu paraître qu’après le
commencement de la circulation de l’eau. Mais d’où vinrent les premiers
êtres ?

« Nous savons, il est vrai, dit judicieusement Martin Heidnhain, que


la vie s’est transmise d’une génération à une autre. D’om sont venus les
premiers êtres ? Ceci n’est pas une question de science naturelle, mais
une question purement philosophique. Pour un naturaliste, les premiers
êtres sont donnés… ».

Et que disent la raison et la philosophie au sujet de la provenance


de la vie ? Si les chaînons d’une chaîne génératrice n’ont pas la vie
d’eux-mêmes, la chaîne entière n’a pas la vie d’elle-même. L’inanimé ne
peut donner la vie, car il ne la possède pas. Là où les enfants n’ont pas
de père selon la nature, il doit y avoir un père transcendantal, surnaturel.
Les premiers êtres ne furent pas produits par des parents de leur
espèce. Ils ne sont pas d’origine naturelle, ils sont donc d’origine
surnaturelle. Ils ont été créés. C’est ce que disent la raison et la
philosophie et c’est ce que nous disent aussi la révélation.
36

4.1.2.2. Est-ce que la première étincelle de vie arriva sur la terre de


l’ensemble de l’univers ?

Lorsque la Terre n’était qu’une étoile incandescente sans eau, il n’y


avait pas de vie. Ceci est reconnu de tous, même de ceux qui admettent
la génération spontanée. D’où vient donc la vie sur notre terre ? Les
opinions diffèrent à ce sujet.

Une première opinion croit qu’elle avait éternellement existé dans


l’univers, ou bien sous forme d’embryon, - Cosmozoes -, (W. Preyer,
1880), volant à travers l’espace, et tombant, avec les météores sur les
étoiles et sur notre terre ; ou bien sous formes de Panspermes (Svante
Arrhénius, 1908) ou de Biogènes (Jul. Schultz, 1929), flottant librement
dans l’espace et arrivant sur la Terre par rayonnement.

D’autres croient à la génération spontanée ; les uns supposent


qu’elle existe dans l’espace, les autres sur la Terre, où elle a dû se
produire primitivement et peut être toujours reproduite.

Reste une dernière opinion, - celle qui est philosophiquement la


seule possible - : c’est la doctrine de la création, d’après laquelle les
organismes susceptibles de se développer ont été créés.

Etant donné que nous nous sommes rendus compte du non-sens


de toute génération spontanée se produisant n’importe où dans
l’ensemble de l’univers ou sur la Terre, il ne reste qu’à résoudre ces
deux questions :
1° Est-il possible ou impossible de croire que les germes de la vie créés
par Dieu, existent dans l’espace sous forme de Cosmozoes, Paspermes
et Biogènes et arrivent de là sur la Terre ?
2° Que dirons-nous de l’hypothèse d’une création éternelle ?
1° La vie des embryons organiques dans l’ensemble de l’univers parait
impossible pour les raisons suivantes :
a) L’immense froid dans l’espace cosmique (-273°c, zéro absolu). Les
derniers essais, entrepris avant 1945, pour conserver les aliments
par le froid, prouvèrent que, par le gel, la substance colloïdale des
corps organiques est défensivement détruite sans reconstruction
possible. Cependant, ceci ne vaudrait peut-être que pour les
organismes supérieurs ? Certains vermisseaux peuvent se maintenir
dans dommage à l’état sec dans l’air liquide (-190-200°), voire même
plusieurs heures à la température de l’hélium liquide (-271,8°). Ces
organismes ont une organisation supérieure en comparaison des
embryons bactériologiques ; il se pourrait donc que des embryons
37

plus simples soient en état de résister aussi au froid cosmique, ne


fut-ce qu’un certain temps.
b) L’immense chaleur provoquée par la vitesse de chaque météore
tombant sur la Terre, brûlerait chaque germe vitale qui y serait
contenu. Les embryons vitaux, arrivant de l’espace cosmique, ne
pourrait éviter ce danger que s’ils s’approchaient très lentement de la
Terre.
c) L’absence compète d’humidité et d’oxygène dans l’espace cosmique,
sans lesquels aucune vie ne peut exister au moins pendant une
période prolongée, indique l’impossibilité de la vie des embryons
dans l’espace cosmique.
d) Les mystérieux ultra-rayons, que les étoiles chauffées à blanc lancent
continuellement en grande masse et avec une énergie incroyable, et
dont la force porte soi-disant les embryons sur la Terre, détruirait bien
vite ces embryons, même les plus résistants. La force des ultra-
rayons est donc un moyen de transport non moins dangereux que les
météores dans la théorie de Cosmozoes, laquelle avait été rejetée
par Arrhenius et J. Schultz comme étant trop dangereuse. D’après le
Prof. Erich Regener, les ultra-rayons ne peuvent être arrêtés que par
des plaques de plomb de 50m d’épaisseur, leur intensité augmentant
au fur et à mesure qu’on se lève dans l’atmosphère.

Pour toutes ces raisons, il est bien difficile de se représenter des


embryons vitaux existant dans l’ensemble de l’univers. Rhumber pense
qu’il serait possible de faire transporter par n’importe quel moyen, les
premiers êtres de l’espace cosmique sur la Terre « s’il existait quelque
part dans l’espace des conditions d’existence plus favorables que sur
notre planète. En réalité, c’est tout le contraire. Jusqu’à ce jour, nous ne
savons pas avec certitude s’il existe quelque part un corps stellaire ou un
endroit dans l’univers où les conditions sont similaires à celles de la
planète Terre et où les organismes pourraient s’adapter à ces conditions
comme ils le font sur la Terre ».

De plus, les organismes sont si bien adaptés aux conditions vitales


de notre terre qu’ils semblent être liés à sa vie. Dès lors, l’hypothèse des
Cosmozoes, Panspermes et Biogènes apparait comme une fiction
absolument gratuite qui doit être rejetée pour des raisons physiologiques
et biologiques.

Les organismes de notre Terre, les plantes, ainsi que les animaux,
peuvent être considérés comme un système clos, d’après leur parenté
chimique. Il n’y a aucune raison de croire que les organismes qui
arriveraient de l’espace sur la Terre se rangeraient dans ce système
38

animal et végétal. Ne devraient-ils par plutôt être considérés comme des


intrus, de même que des ultra-rayons cosmiques, qui sont des étrangers
parmi les rayons terrestres ?

Nous devons donc définitivement dire que, dans l’espace et sur la


Terre, il ne peut y avoir de génération spontanée. Les organismes, tels
qu’ils vivent sur la Terre, adaptés à ses conditions, ne peuvent pas avoir
existé dans l’espace depuis toujours sous forme embryonnaire ; d’abord
parce que les conditions vitales indispensables y font défaut, et ensuite
parce que la création éternelle, comme nous le verrons plus loin, ne
peut être admise.

4.1.2.3. Des raisons de science naturelle s’élèvent contre l’hypothèse


d’une création éternelle

La constance de la masse et la conservation de l’énergie sont


comme nous le savons déjà, les deux lois fondamentales de la physique.
Tout processus physique est un processus énergétique accompagné de
la transformation de l’énergie en chaleur. C’est par exemple le problème
qui se pose pour l’éclairage : il nous faut obtenir la transformation de
toute l’énergie en lumière en évitant la transformation d’une partie de
cette énergie en chaleur ; nos anciennes ampoules à fil de charbon
étaient désavantageuses, car elles produisaient trop de chaleur. Nos
ampoules à filament métallique tendent à augmenter la lumière et à
diminuer la chaleur. Si nous pouvons connaître le secret des vers
luisants, qui éclairent sans perte importante de chaleur, ceci
provoquerait un nouveau bouleversement dans l’industrie de l’éclairage.
Etant donné que tous les phénomènes physiques sont toujours liés à la
production de chaleur, même en quantité minime, l’énergie, perdue en
chaleur, doit lentement augmenter jusqu’à ce que toute l’énergie se
transforme en chaleur. Ce processus de dégradation de l’énergie
s’appelle l’entropie. Clausius a donné à la seconde loi fondamentale (à la
loi de la conservation de l’énergie) la forme suivante : l’entropie tend vers
un maximum.

Une chute d’eau n’est possible que s’il existe une pente. C’est
alors que je puis en profiter. Mais toute l’eau est contenue dans un
bassin, je ne puis plus avoir de pente et en conséquence profiter de
l’énergie. Il en est de même de la chaleur. Si toute l’énergie est
transformée en chaleur du même degré, il n’existe plus de
"pente" d’énergie. Si ce maximum est atteint, rien ne peut plus se
produire, tout le processus physique devient impossible. C’est la mort de
l’énergie calorifique.
39

La vie sur la terre dépend du soleil. S’il n’y avait pas d’été, il n’y
aurait pas l’hiver éternel et toute vie devrait périr.

Le Soleil dépense continuellement dans l’espace cosmique sa


provision de chaleur. Mais le Soleil est un système clos et limité, comme
l’est sûrement notre Terre. Le jour doit venir ou il ne pourra plus nous
envoyer de chaleur. Et ce jour serait arrivé depuis longtemps si le Soleil,
la Terre et la vie sur Terre était éternels. La vie sur la Terre n’est
sûrement pas éternelle. Elle est venue dans le temps. Elle n’a pas été
produite par une génération spontanée. D’elle-même. Par hasard. Elle a
donc été créée.

4.1.2.4. De quand date la vie sur la Terre ?

La vie sur la Terre ne peut pas dater d’une époque très reculée
que la Terre elle-même. Elle doit même dater d’une époque beaucoup
plus récente que la Terre. Lorsque la Terre n’était qu’une étoile
incandescente, il ne pouvait y avoir de vie. Quand nous cuissons un
œuf, le blanc se coagule. Or, le blanc d’œuf (albumine) est une
substance indispensable à la vie, et la chaleur tue toute vie parce que,
sous son influence, l’albumine et le protoplasme se coagulent. Pour cette
raison, la vie sur la Terre n’a pu apparaître qu’après le commencement
de la circulation de l’eau. Ceci remonte très loin.

La circulation de l’eau date d’environ 3 milliards d’années, et la vie


d’environs 2 – 3 milliards.

Et l’homme ? Cet être qui s’élève grâce à son âme douée de


raison, au-dessus de toute vie végétative et animale, le seul qui, parmi
tous les êtres est en état de poser à la nature des questions quant à
l’époque de l’apparition et à l’histoire de la vie sur la Terre, l’homme, de
quand date-t-il ? Nous ne le savons pas jusqu’à présent. Nous ne
pouvons que comparer approximativement son âge, ou plutôt sa
jeunesse, à l’page des autres êtres : toutefois cette comparaison,
dépendant des calculs aléatoires, donnera toujours des résultats
différents.

Généralement, on suppose que l’humain a 250.000 ans et ce


chiffre est plutôt inférieur à la réalité. L’âge des vertébrés qui doit être
calculé selon les opinions compétentes des géologues et paléontologues
et non d’après la fantaisie des profanes est estimé à 500.000.000
40

d’années. Ainsi le rapport entre l’âge humain et l’âge des autres


vertébrés serait-il de 1 : 2.000.

L’homme est probablement apparu au-début de la dernière période


glaciaire : « Deus Aeternus – Dieu Eternel Vita diurna – La vie depuis
bien longtemps. Homo hesternus – L’Homme depuis hier, c’est-à-dire
depuis la période glaciaire.

4.1.2.5. Résumé

Il existe un principe d’économie qui est essentiel pour tout genre


d’exploration. Si une cause proche suffit pour expliquer un fait, il ne faut
pas avoir recours à une cause éloignée pour cette explication.

Tout ce qui se produit dans le monde naturel doit être, dans la


mesure du possible, expliqué par des forces naturelles. Seulement, là où
ces forces ne suffisent plus, où les limites de l’expérimentation naturelle
et les possibilités d’explication naturelle sont épuisées, c’est le
philosophe qui doit et qui peut chercher d’autres explications : l’esprit
humain ne se repose pas avant d’avoir trouvé la cause dernière.

Les êtres sont objets de la nature. La question « d’où viennent la


vie et les êtres ? » doit être en premier lieu adressée aux sciences
naturelles. Ce sont elles qui nous ont donné une réponse claire et non
équivoque.

Pas de parents, pas d’enfants. C’est une loi immuable de la nature


qui n’admet aucune exception dans le domaine des processus naturels
et exclut toute espèce de génération spontanée.

La Science connaît la continuité de la vie. Les organismes


d’aujourd’hui sont les enfants des organismes d’hier, et ceci depuis le
début de la vie sur cette Terre.

Elle connaît la transformation des aspects apparents et


héréditaires ; elle sait que les organismes de nos jours sont les
descendants des organismes qui avaient eu un autre aspect aux temps
primitifs.

Elle connaît les capacités d’un organisme : il vit, se développe, se


régénère, se transforme, se perfectionne et s’adapte au changement du
genre de vie et des conditions ambiantes. Les choses inanimées ne
possèdent pas ces facultés.
41

Elle connaît la complexité du lieu héréditaire qui se trouve dans le


noyau de la cellule ; il est différent dans chaque espèce.

Elle connaît toute la complexité du protoplasme de chaque cellule


et de chaque noyau, qui éclipse la complexité de combinaisons
inorganiques.

Elle sait que toutes les chaînes génératrices ont eu un


commencement, mais elle ne sait pas d’où arriva la première vie.

Elle ne sait qu’une chose : les premiers organismes n’avaient pas


des parents.

Si les sciences naturelles ne sortent pas des limites de leur


compétence, elles déclarent, comme le fait Martin Heidenhain, que les
premiers organismes ont été donnés. D’où viennent-ils ? « Ceci est une
question philosophique ». Dans le domaine de la nature, nous ne
trouvons pas de réponse.

Existe-t-il un domaine au-dessus de la nature ? Pourquoi


n’existerait-il pas ? Il doit exister, car la vie est là. Son origine ne se
trouve pas ici, dans le domaine naturel. C’est là que règne le Créateur
des créatures, dont il est le Père. Celui qui leur a donné tout ce dont
elles avaient besoin pour leur existence terrestre, toutes ces
merveilleuses facultés que nous avons reçues comme un héritage de
nos ancêtres, capacités que ni nous, ni eux n’aurions pu nous donner.

Charles Darwin, naturaliste-philosophe qui était en même temps un


croyant, terminait en 1856 son œuvre sensationnelle sur L’Origine des
Espèces par ces remarquables paroles : « il y a de la grandeur dans une
telle manière d’envisager la vie et ses diverses puissances, animant à
l’origine quelques formes ou une forme unique sous le souffle du
Créateur. D’un si petit commencement, des formes sans nombre, de
plus en plus belles, de plus en plus merveilleuses, se sont développées
et se développent par une évolution sans fin.

L’expérimentation naturelle nous laisse entrevoir les miracles de la


nature, mais ne peut trouver leur cause dernière ici-bas.

La philosophie qui expérimente tous les domaines de l’existence,


découvre, au-dessus du domaine de la nature, le domaine du surnaturel
où règne de Dieu, Soleil de Lumière et Cause Dernière.
42

La Théologie – gardienne et héraut de la révélation – nous


enseigne, d’accord avec la lumière de la raison : « que Dieu, « au
commencement, créa le Ciel et la Terre ». Et, pour cette raison, les
païens sont inexcusables, car ils ne veulent point reconnaître Dieu
invisible rendu visible à l’intelligence par le moyen de ses œuvres… (Ep.
Rom. 1-19 ss).

4.2. Conclusion : Le mystère

La question de l’origine de la vie est une pierre de touche de


l’intelligence et de la science. La foi rejette la théorie de la génération
spontanée, alors que tout ce qui est naturel devra être, dans la mesure
du possible, expliqué naturellement.

La théorie de l’évolution est le socle de la biologie du XXIe siècle.


Ses bases furent fixées en 1859 par Charles Darwin. Elle est cependant
un fait largement incompris, voire dénaturée par le prosélytisme, mais
surtout par l’ignorance.

Les créationnistes envisagent l’histoire du vivant uniquement du


point de vue religieux. Ils affirment que le règne du vivant a été créé tel
quel par Dieu, et qu’il n’a jamais évolué. Ils mettent en cause le concept
de hasard qui se trouve au cœur de la théorie de l’évolution. Le hasard
choque ceux qui ont une vision finaliste. Et pourtant, il a droit de cité
chez les biologistes qui lui reconnaissent tout le mérite. Il serait pour eux
la meilleure explication de l’extraordinaire diversité du vivant.

Le nombre de faits connus se rapportant aux conséquences de


l’évolution est tellement grand que certains auteurs ont cru pouvoir
affirmer que l’évolution était elle-même un fait. Une raison
méthodologique ne permet pas de partager cette opinion. Un fait doit
pouvoir être démontré. Or, la démonstration directe est impossible pour
la filiation des espèces. L’évolution n’est qu’une hypothèse, bien
qu’éminemment vraisemblable et vérifiable dans ses nombreuses
conséquences. L’on ne peut la rejeter sans la remplacer par une autre
au moins aussi plausible. Que l’on ne se trompe pas, un biologiste à la
hauteur des données actuelles n’a pratiquement pas le droit de ne pas
être évolutionniste s’il ne peut expliquer les faits d’une autre manière.
L’évolution est une hypothèse scientifique et non une certitude évidente.
43

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