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Claire Couvreur DL1

La soif de la sagesse – Marcel Clément

1ère partie : l’enfance de l’intelligence


Au IVème siècle avant notre ère, à Milet, les Grecs commencent à s’interroger sur la cause de la
nature, sur son origine, sur la matière originelle dont les êtres sont constitués. La réponse à cette
question de ce qu’est la nature première à toutes choses varie selon les philosophes : l’eau, l’air, le
feu, l’infini indéterminé… Ces balbutiements de l’intelligence humaine constituent la première étape
de la philosophie qui s’interroge sur le principe même de l’être et de la nature. Pythagore franchit
l’étape suivante en distinguant le corps de l’âme, principe supérieur et noble, et en reconnaissant que
le monde est un ensemble ordonné obéissant à des lois précises, à tel point qu’il considère que tout
est nombre. Au début du Vème siècle avant JC, une distinction indispensable va se faire entre le
mouvement et l’immuable, opposant les physiciens aux métaphysiques, les premiers considérant que
les choses ne sont que mouvement, les seconds que l’Être est, le mouvement n’étant qu’une
apparence éphémère. Ce « cul-de-sac » philosophique entre deux pensées qui semblent inconciliables
est résolu par deux philosophes. Empédocle et Anaxagore vont s’interroger sur ce qui donne le
mouvement aux choses dans l’univers : le premier répondra l’Amour et la Haine (qui seront défini
comme le Bien et le Mal plus tard), tandis que le second affirmera qu’un seul Esprit gouverne le
monde. Anaxagore apparut un siècle plus tard à Aristote comme le « seul en son bon sens » car il
avait compris qu’une « intelligence » était la « cause de l’ordre et de l’arrangement universel ».
L’intelligence humaine progresse encore avec les premiers matérialistes mécanistes qui nomment
pour la première fois les atomes comme composants de l’être mais considèrent que tout est dû au
hasard et à la nécessité et se retrouvent donc dans une impasse.

2ème partie : l’âge ingrat de l’intelligence

Dans la Grèce du Vème siècle et particulièrement à Athènes, les sophistes répandent peu à peu leur
influence et s’interrogent, non plus sur la nature ou la cause des choses mais sur l’homme. Ils mettent
au point une nouvelle technique d’argumentation appelée rhétorique pour apprendre aux jeunes
Athéniens à persuader, dans un contexte politique où la démocratie apparaît, où chaque homme libre
doit convaincre et donner son avis. Les sophistes enseignent une logique qui instrumentalise la
pensée, en l’utilisant pour atteindre le succès et l’utile, et non le vrai, raison pour laquelle ils seront
vivement critiqués par leurs successeurs. Protagoras est un relativiste concernant la connaissance de
la nature : « l’homme est la mesure de toutes choses » semble alors être le nouveau credo. La vertu et
le bien sont selon lui fondés sur l’opinion de la multitude ; par conséquent rien n’est sûr et il n’existe
pas une Vérité. Ce sophisme lui sera durement reproché par Platon. Gorgias va plus loin que son
prédécesseur et se déclare pour un scepticisme radical, voire même un nihilisme absolu : il n’y a rien
et l’homme est incapable de connaître quelque chose ou de le communiquer. D’autres sophistes de
moindre renommée suivront ; tous remettent en question tous les présupposés, défendent des
paradoxes, identifiant, à tort, l’être avec la pensée. Mais ce désordre de l’intelligence et de la sagesse
prépare l’arrivée de Socrate qui apportera clarté et pureté.

3ème partie : l’adolescence de l’intelligence – Socrate

Figure controversée et vivement critiquée dans l’histoire, Socrate s’illustre pourtant par sa loyauté
dans l’ignorance car « il ne sait qu’une chose, c’est qu’il ne sait rien ». A travers les discours de
Platon ou les souvenirs de Xénophon, Socrate apparait comme une intelligence droite, à la recherche
de la Vérité sans compromissions. Il reprend la découverte d’Anaxagore sur cette Intelligence « qui
met tout en ordre et qui est la cause universelle » et la pousse plus loin : toutes les choses portent la
marque de cette intelligence et sont disposés de la manière la plus parfaite possible. La méthode qu’il
utilise s’inspire des saches-femmes : en provoquant l’intelligence, la maïeutique permet à l’esprit
d’accoucher de la Vérité. Mais avant tout, Socrate reste humble et conscient qu’il ne peut atteindre
cette Vérité pour laquelle il meurt. Il apporte pourtant à la philosophie quelque chose d’inédit : son
amour de la Vérité lui permet de réorienter l’intelligence humaine vers l’ordre naturel que la raison
doit suivre. De plus, c’est le premier à demeurer libre spirituellement, à ne pas céder aux pressions
extérieures, à ne pas se soucier des opinions. Contrairement aux sophistes qui recherchaient à plaire
ou à obtenir le pouvoir par la persuasion, Socrate se préoccupa uniquement pendant toute sa vie de
chercher le bien et de soumettre toutes ces actions à ce bien et à la vertu. Accusé de corrompre la
jeunesse et d’introduire de fausses divinités dans la cité, il est condamné à boire de la cigüe : avec
lui, le premier esprit honnête dans la quête de Vérité, le premier philosophe s’éteint.

4ème partie : la maturité de l’intelligence – Platon

Après plusieurs déceptions politiques, Platon décide de suivre son maître Socrate en se dévouant à
l’étude de la justice : la philosophie. Il accepte donc de ne plus chercher à changer les institutions du
pouvoir mais plutôt de changer les hommes par la morale et la vertu et écrit dans sa jeunesse
plusieurs dialogues qui témoignent de cette recherche de droiture et de vérité. Après un voyage
déterminant auprès d’un disciple de Pythagore au cours duquel il a entrevu le lien qui existe entre
l’âme et le Bien auquel il aspire, Platon élabore la théorie des Idées. Il fonde l’Académie pour former
les jeunes gens à la politique dans une visée philosophique ce qui le rend célèbre dans toute la Grèce.
Une nouvelle période commence avec le Gorgias dans lequel il attaque la rhétorique en lui opposant
ce qu’il définit comme une juste soumission à la vérité : la dialectique. Platon rajoute donc à l’amour
de la vérité de Socrate, la soif d’absolu mais il reste avant tout celui qui a formé Aristote. La
maïeutique héritée de Socrate va devenir la dialectique et par cette méthode, Platon ne cherche plus
seulement à faire accoucher les esprits de la vérité qu’ils détenaient sans le savoir ; il veut élever
l’âme toute entière à son essence constitutive ultime en distinguant les composantes de la réalité pour
atteindre « l’Idée ou la Forme dans sa structure objective ». Le souci majeur de Platon qui transparaît
dans ses dialogues honnêtes et impitoyables est donc la connaissance et les différents degrés du
savoir : que peut connaître ou savoir l’homme ? Platon sépare le monde sensible de ses définitions..
Il distingue les choses sensibles qui s’écoulent et sont sans cesse en mouvance des réalités
intelligibles immuables et éternelles, objets de vraie connaissance : les Idées ou les Formes. Toute
cette pensée platonicienne se résume dans l’allégorie de la caverne. Platon considère l’univers
comme un grand vivant ordonné par un dieu qui le gouverne selon un Modèle encore supérieur à
lui et l’homme comme un petit vivant qui doit régler sa conduite sur l’Idée suprême du Bien : entre
les deux se trouve la Cité qui doit être organisé selon l’Idée de Justice et pour cela, il faut élever
l’âme de ceux qui devront gouverner. L’Académie a donc pour vocation de former par la philosophie
et la politique ces esprits afin de les préparer à diriger en vue de l’Unité et de la Justice. Platon
reprend cette division en trois parties de la Cité et l’applique à l’âme.

5ème partie : la sagesse de l’intelligence – Aristote

Fidèle disciple de Platon, Aristote fréquente l’Académie dans ses jeunes années avant de commencer
à remettre en question certains points de la philosophie platonicienne : il réfute la métaphore de la
caverne, la théorie des Idées… Il devient précepteur du futur Alexandre le Grand qu’il forme à la
philosophie puis fonde sa propre école de philosophie : le Lycée. Surnommé « le Philosophe », il
définit lui-même la philosophie comme la discipline qui traite des premières causes et des premiers
principes. Il distingue le premier les grandes parties de cette sagesse : la logique, la physique, la
métaphysique et l’éthique ou politique. La logique cherche une bonne utilisation de la raison dans
l’argumentation : « nous pensons connaître quand nous savons la Cause. Or les causes sont au
nombre de quatre ». La physique continue cette quête en s’interrogeant sur les causes de l’Univers et
distingue ces quatre causes : matérielle, formelle, finale et efficiente. Mais Aristote comprend qu’il
existe nécessairement une Cause première, mû par elle-même : un Esprit, une Intelligence suprême,
un mouvement qui n’a pas de terme, le premier Moteur de toute chose. Cette découverte aboutit à la
métaphysique qui cherche à remonter à cette cause qui n’a pas de causes par la méditation sur la
substance éternelle, le principe et la fin de toute chose, se pensant et gouvernant l’Univers ;
autrement dit, Dieu. L’éthique s’interroge sur le but de la vie humaine et remplace l’ « Idée du
Bien » de Platon par une autre fin : le bonheur. Il soutient que « tout art et toute connaissance comme
aussi toute action et toute réflexion tendent, semble-t-il, vers quelque bien ». C’est en effet dans la
perfection de l’activité et par une vie vertueuse et réglée que l’Homme atteint le bonheur et la fin la
plus élevée ; la Sagesse. Enfin, la politique qui considère l’homme comme un animal politique
cherche à instituer un système juste où chaque citoyen vivra bien.

6ème partie : le déclin de l’intelligence

Suite à Socrate, le contexte socio-politique de la décadence des mœurs et de l’individualisme freine


la soif de la sagesse et les philosophes retombent dans des erreurs antérieures à Socrate, considérant
avec mépris l’apport phénoménal du fondateur du Lycée. Hédonisme, stoïcisme et scepticisme se
succèdent, tous ayant en commun la vision individualiste de l’Univers et de la morale où chaque
individu est le but de son destin et où les fins morales personnelles sont plus importantes que le Bien
commun.

7ème partie : la soif n’est pas étanchée

Ce parcours dans le temps à la suite des premiers philosophes illustre bien la quête à travers les
siècles de la sagesse, soif jamais étanchée et moteur de la recherche des causes. Cette volonté de
savoir pour savoir et trouver les causes de l’Univers comme de l’Homme ont lancé les Grecs à la
recherche de la Vérité. Après les premiers balbutiements et querelles, Socrate purifie l’intelligence
de l’homme en l’invitant à se connaître d’abord lui-même avant de chercher les causes de l’Univers.
Puis Platon atteint l’essence des choses en contemplant les « Formes » et les « Idées qui sont causes
de tout. Aristote explique ce qu’est la matière et ébauche en premier une réflexion sur l’Acte pur, le
Moteur de toutes choses. Il fait faire à l’intelligence humaine un saut impressionnant en distinguant
les quatre causes de l’être en mouvement, en formulant les règles de raisonnement, en fondant la
physique, la logique, l’éthique, la science politique… Malheureusement, ses successeurs retombent
et s’égarent dans leur recherche par des confusions et des contradictions. Mais cette soif de la
sagesse qui persiste à travers les sagesses précède la Révélation qui apporte une réponse à cette
question : qu’est-ce que la Vérité ?

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