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ORAL LLCA

Figure controversée, Agrippine la Jeune fréquente les hautes sphères du pouvoir au Ier siècle
après JC, faisant partie de la dynastie Julio-claudienne. Elle est en effet à la fois nièce, sœur et mère
d’empereurs romains. Au cœur des intrigues et des complots, Agrippine manœuvre pour épouser
Claude puis placer son fils Néron à la tête de l’Empire. Femme de pouvoir, elle s’illustre par son
destin hors du commun et par le rôle décisif qu’elle joue dans les affaires d’Etat. Pourtant, elle est
présentée par les historiens Tacite et Suétone comme une figure sanguinaire, prête à tout pour
arriver au pouvoir. Nous pourrons donc nous demander si Agrippine la Jeune est bien le monstre
qu’on dépeint ses contemporains ou bien une femme en avance sur son temps ? Nous étudierons
d’abord le portrait négatif dressé par ces historiens des manœuvres d’Agrippine avant de considérer
comment cette impératrice s’illustre comme figure avant-gardiste.

I. Agrippine la jeune : monstre ?

Vue comme un monstre par les historiens latins, en particulier par Tacite et par Suétone,
Agrippine la Jeune est présentée comme jalouse, violente, intriguant sans cesse, empoisonnant
tous ceux qui se dresserait sur sa route, allant même jusqu’à l’inceste pour s’attirer les faveurs de
son fils… Dans les Annales, elle est décrite par Tacite comme impudique, déshonorée, violente,
semant autour d’elle l’épouvante et la menace.  Par ailleurs, Agrippine règne seule pendant 5 ans
en attendant que Néron soit assez grand. Elle détient en effet un pouvoir incroyable et unique
pour une femme de son temps et joue un rôle central dans les affaires politiques pendant toute
sa vie. Tacite critique les honneurs dont elle est entourée et le pouvoir incroyable qu’elle détient.
Agrippine rehaussait de plus en plus l’éclat de sa propre grandeur. On la vit entrer au Capitole sur
un char suspendu, privilège réservé de tout temps aux prêtres et aux images des dieux, et qui
ajoutait aux respects du peuple pour une femme de ce rang, la seule jusqu’à nos jours qui ait été
fille d’un César, sœur, épouse et mère d’empereurs.

L’Histoire garde donc une vision noire de cette impératrice détestée par les hommes de son
temps et vivement critiquée.

II. Réhabilitation de cette figure

Mais il ne suffit pas de la juger sur ses intrigues et sur ses crimes ; il convient de la replacer dans
l'histoire de son temps, histoire difficile où le salut de l'Empire romain reposait souvent entre les
mains de quelques personnes. Agrippine n'eut qu'une seule ambition, voir son fils Néron, qu'elle
avait eu d'un premier mariage, monter sur le trône impérial. Fine politique, elle savait que les droits
de Néron à la succession impériale étaient réels : n'était-il pas l'arrière-petit-fils d'Auguste ? Aussi la
vie publique et privée d'Agrippine fût guidée par l'ambition exclusive de rapprocher, étape par étape,
Néron des marches du trône. Ainsi livre-t-elle sa vie entière avec altruisme et abnégation pour celui
qui l’avait surnommé la « meilleure des mères ». Celui-ci la remercia en la faisant assassiner en 59.
Au centurion qui s'approchait d'elle, le poignard à la main, Agrippine cria : « Frappe au ventre », ce
ventre qui avait conçu un fils dénaturé, le dernier empereur de la dynastie Julio-claudienne. Elle paye
de sa vie la statut politique qu’elle occupe.

D’autre part, il convient de nuancer le portrait dressé par Tacite et Suétone, portrait sombre et
sanguinaire à dessein afin de mieux glorifier les nouveaux empereurs dont ils sont les contemporains
(Trajan et Hadrien). Dion Cassius, historien du siècle suivant revient sur l’inceste qu’Agrippine aurait
commis pour conserver une influence sur son fils et dément cette histoire inventée de toutes pièces
et vraisemblablement fausse. De plus, ces récits sont empreints de la mentalité de l’époque,
mentalité misogyne et patriarcal qui considère les femmes à Rome comme des enfants ou
d’éternelles mineures dont le mari hérite de la tutelle après le père. Les femmes dans l’antiquité
n’ont en effet aucun droit, aucune autonomie et sont soumis aux hommes. Dans cette société où les
femmes sont utilisées pour sceller des alliances, mariées de force ou poussées au divorce, Agrippine
s’illustre donc par son indépendance et par sa liberté d’action. Elle décide d’épouser Claude et de lui
faire adopter son fils Néron pour lui succéder et arrive à ses fins par son intelligence et ses
manigances.

Dans notre société actuelle, Agrippine la Jeune serait sans doute considérée positivement, car son
plus grand crime sur laquelle elle fût jugée sévèrement par l’Histoire, reste de s’être battue pour son
fils et d’avoir occupé une place importante dans l’Empire romain. Figure avant-gardiste et en avance
sur son temps, elle aurait donc été plus à sa place aujourd’hui où les femmes sont reconnus comme
égales aux hommes même si certaines inégalités subsistent encore…

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