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PLAN DU COURS
INTRODUCTION
CONCLUSION
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OPTION / PHILOSOPHIE ET SOPHISTIQUE :
ARISTOTE ET LES SOPHISTES / LICENCE 2/ 2019-2020
(Prof. Léon Raymond AHOUO, Département de Philosophie, Université F.
HOUPHOUET-BOIGNY Abidjan Cocody Côte d’Ivoire/ e-mail :
ahouo2002@yahoo.fr
INTRODUCTION
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I- DEFINITION DE LA PHILOSOPHIE ET DE LA SOPHISTIQUE
I.1-LA PHILOSOPHIE SELON ARISTOTE
La Philosophie apparaît bien comme une discipline aux définitions multiples en
fonction des courants de pensée et parfois des idiolectes des penseurs. De ce fait, il
est opportun de la définir à partir de son étymologie, c'est-à-dire de son origine
sémantique scientifique. Selon cette origine, la Philosophie se définit comme
"amour de la sagesse". En effet, le mot "philosophie" est formé par les termes grecs
philein qui signifie "aimer", et sophia qui veut dire "sagesse". Mais le mot
"sagesse", dans la langue grecque, se comprend de deux manières. Quand elle est
spéculative, contemplative ou théorique voire théorétique, la sagesse est dite
sophia, c'est-à-dire savoir. Quand elle est pratique, la sagesse est dite phrônésis,
c'est-à-dire savoir-faire ou savoir-être, ou encore conduite droite, attitude correcte
ou comportement conforme aux valeurs morales et sociales parce que inspiré par le
savoir de la sophia.
La définition étymologique de la Philosophie permet ainsi de comprendre
que celle-ci est amour, c'est-à-dire désir d'une sagesse qui est sophia et/ou
phrônésis. Cette distinction entre la sagesse spéculative ou contemplative
(sophia) et la sagesse pratique (phrônésis) existe explicitement chez Aristote.
Au-delà de sa définition étymologique, la Philosophie, chez Aristote, est
comprise diversement, et notamment comme métaphysique, à partir de cette
affirmation du Stagirite : « I1 y a une science qui étudie l'Être en tant qu'être, et les
attributs qui lui appartiennent essentiellement ». (Aristote, La Métaphysique, I,1).
La Philosophie, dès lors, tend à être interprétée sous la forme d'une ontologie
comprise comme « science de l'Être en tant qu'être ». Parfois, elle est même
rapportée à une onto-théologie quand l'Être est compris comme Dieu, Premier
Moteur selon Aristote. Son glissement vers l’Etre laisse ainsi voir ou suggérer
qu'elle est une métaphysique dans sa dimension de science des premiers principes
ou des premières causes. La métaphysique, justement, est aussi définie comme
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philosophie première qui nourrit toute la Philosophie. Heidegger, en ce sens, écrit :
« L'arbre de la philosophie croît du sol nourricier de la métaphysique ». (M.
Heidegger, Questions, "Qu'est-ce que la métaphysique ?", p. 24).
Toutefois, en dehors de sa collusion avec la métaphysique, on peut précisément
comprendre, chez Aristote, la Philosophie comme "science de l'Universel". La
conception d'un univers hiérarchisé révèle chez le Stagirite une architectonique où
domine la Philosophie et ou le Philosophe est seul capable de science à un point
culminant. C'est pourquoi Aristote écrit : « La connaissance de toutes les choses
appartient nécessairement à celui qui possède au plus haut degré la science de
l'Universel ». (Aristote, La Métaphysique, I, 1004b, 12-18). Ainsi, la Philosophie,
comme science de l'Universel, est pour Aristote une science maîtresse, une science
dominatrice. Elle est, dans la perspective aristotélicienne, l'effort spéculatif pour
acquérir une conception globale de l'univers. Autrement dit, elle est une réflexion
critique sur l'universalité des choses.
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sophistique est une pseudo-philosophie. Elle est une fausse philosophie
cherchant à imiter la philosophie qui, elle, a une bonne réputation.
En affirmant qu'il y a une ressemblance trompeuse entre la philosophie et
la sophistique, Aristote se montre d'accord avec Platon. Ce dernier pense que le
sophiste ressemble au philosophe de la même manière que le loup ressemble au
chien. (Platon, Le Sophiste, 231a). Leur apparence fait qu'on les confond
malheureusement. Dès lors, la définition, par Aristote; de la sophistique comme
pseudo-philosophie, annonce sa critique à l'encontre des Sophistes.
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Les règles de l'éthique sophistique (relativisme et apparence), pour
Aristote, sont loin de ressembler à celles de la philosophie. Comme il l'écrit :
«La sophistique diffère (...) de la philosophie par son choix d'une manière de
vivre ». (Aristote, La Métaphysique, IV). Si la manière de vivre des Sophistes
est faite d’un pragmatisme adossé au relativisme et à l’apparence, en revanche,
celle du philosophe repose sur la quête de l'essence, de la vérité, de la vertu et de
la rigueur sémantique.
Le pragmatisme des Sophistes les porte à se montrer prudents quant à
l'existence des dieux. Le Sophiste Protagoras écrit : « Au sujet des dieux, je n’ai
aucun savoir, ni qu’ils sont, ni qu’ils ne sont pas, ni quelle est leur manifestation.
Nombreux sont en effet les empêchements à le savoir : leur caractère secret et le
fait que la vie de l’homme est courte ». (Cf. Sur les dieux, Fragment B 4).
Contre ce qui semble être une impiété des Sophistes, Aristote donne cette
sentence : « Ceux qui se posent la question de savoir s'il faut ou non honorer les
dieux et aimer ses parents, n'ont besoin que d'une bonne correction, ceux qui se
demandent si la neige est blanche ou non n'ont qu'à regarder ». (Aristote,
Topiques, I, 105 a, 5-7). C'est dire ici que la blancheur de la neige est évidente
tout comme le devoir d'honorer ses parents et les dieux parce qu'ils existent en
réalité et que les hommes leur sont redevables. Il ne faut donc pas se comporter
comme les Sophistes dont l'intention est malveillante, quand ils relativisent ou
doutent de l’existence des dieux.
Aristote met à l'index l'intention des Sophistes dans sa critique de l'éthique
sophistique. Il définit la sophistique par l'intention quand il écrit : « Ce qui fait la
sophistique, ce n'est pas la faculté, mais l'intention ». (Aristote, Rhétorique, I, 1355
b 15). La faculté, c'est la capacité physique, spirituelle ou intellectuelle de faire ou
de ne pas faire quelque chose. On peut avoir la faculté de poser ou non un acte, mais
refuser de le faire parce que ce n'est pas l'intention poursuivie. En revanche,
l'intention, c'est ce qu'on fait ou ne fait pas volontairement, et non par incapacité ou
absence de faculté. Par conséquent, la malveillance attribuée à la sophistique est
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affaire d'intention, de choix volontaire de tromper puisque les Sophistes ont la
capacité d'éviter les discours trompeurs.
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Aristote propose des méthodes pour réfuter le discours sophistique quand
il écrit : « On résout les arguments qui sont de véritables raisonnements en les
détruisant, et ceux qui sont seulement apparents en faisant des distinctions ».
(Aristote, Les réfutations sophistiques, 18, 176 b 35). On détruit un
raisonnement en montrant sa défectuosité, c'est-à-dire son incohérence et son
absurdité. On peut aussi pour cela faire des distinctions entre les catégories, les
genres, les homonymies et les amphibologies. Dès lors, suite à la critique
aristotélicienne, on peut penser que, pour vraiment réussir dans le domaine du
discours, les Sophistes doivent renoncer au paralogisme et au sophisme. Cela
suffit-il à valoriser cette critique ?
CONCLUSION
Comme son Maître Platon, Aristote élève la philosophie et condamne la
sophistique. Celle-ci, pour lui, ne se soucie guère de ces exigences de la pensée
véritablement philosophique que sont : l'ontologie, l'absolu moral, la rigueur
sémantique dialogique, la vertu politique. Voilà pourquoi, elle apparaît plutôt
comme une pseudo-philosophie. Aristote peut alors critiquer l'éthique sophistique
au motif qu'elle est fondée sur le relativisme qui dénie l'absolu ontologique et
moral, et sur le pragmatisme de l’apparence qui promeut l’efficacité et l'efficience
du discours en vue du succès sociopolitique.
Aristote a-t-il cependant raison de discréditer la sophistique à cause de son
éthique fait de relativisme et d’apparence pragmatistes ? On sait que les Sophistes,
tout en assumant leur choix de vie, dénoncent le procès d'intention qui leur est fait
relativement à l'immoralité supposée de leur enseignement. En outre, quand
Aristote critique la défectuosité méthodologique du discours sophistique, il ne
réussit pas pour autant à remettre en cause l'efficience ni l’efficacité de ce discours
qui réussit car il atteint son but : la persuasion.
La sophistique a le mérite de montrer que le discours est un instrument du pouvoir
et tout autant un instrument de pouvoir. Bien plus, elle laisse comprendre que le
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discours est le critère d'évaluation de la philosophie de l'être et du sens. Devant un
tel mérite, on peut dire avec G. B. Kerferd que les Sophistes ont été plus ignorés
que refusés, et qu'ils ont été refusés pour avoir été méconnus. (Georges Briscoe
Kerferd, Le mouvement sophistique).
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
2-AUBENQUE Pierre, 1991, Le Problème de l’être chez Aristote, Paris, P.U.F., Quadrige.
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