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Phénoménologie de la vie

DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE
IV

QUATRE PRINCIPES
DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE*

La phénoménologie repose sur quatre principes qu'elle revendique


explicitement comme ses fondements.
Le premier: «autant d'apparence, autant d'être» est emprunté à
l'école de Marburg. Acette proposition équivoque, en raison de la double
signification du terme d' « apparaître », nous préférerons cet énoncé
rigoureux: «autant d'apparaître, autant d'être».
Le second est le principe des principes : formulé par Husserl lui-
même au § 24 des Ideen I, il pose l'intuition, plus. précisément « toute
intuition donatrice originaire comme une source de droit pour la connais-
sance» et ainsi pour toute assertion notamment rationnelle.
Dans le troisième principe la revendication est si véhémente qu'elle
revêt l'allure d'un mot d'ordre, voire d'un cri: « Zf1 den Sachen selbst ! ;>
- «droit aux choses mêmes 1»
Le quatrième principe a été défini beaucoup plus tardivement· par
Jean-Luc Marion dans son ouvrage Réduction et donation, mais son impor-
tance rejaillit sur l'ensemble du développement phénoménologique à

* Une première version de ce texte a été publiée dans la Revue de métapf!ysique et de morale,
n° 1, 1991, p. 3-25. Afin de figurer dans le présent ouvrage, il a été légèrement remanié par
Michel Henry.
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l'égard duquel il agit comme une présupposition cachée mais toujours


déjà à l'œuvre. Il est formulé ainsi : «d'autant plus de réduction, d'autant
plus de donation »1•
Ces quatre principes fondateurs de la phénoménologie présentent
deux traits qu'il importe de souligner d'entrée de jeu. D'une part, et en
dépit de la revendication de radicalité qui transparaît dans leur expression
littérale, ils demeurent en fait foncièrement indéterminés. Cette indétermination
est d'autant plus grave qu'elle pèse d'autant plus dangereusement sur le
destin de la phénoménologie qu'il s'agit précisément des principes fonda-
teurs de la phénoménologie, c'est le caractère purement formel des énon-
cés auxquels ils donnent lieu, caractère qui leur retire une grande partie de
leur rigueur et par là de leur fécondité.
D'autre part, et cela malgré leur caractère formel, les quatre principes
renferment des tensions latentes peu compatibles avec la cohérence
qu'on attend d'un système de présupposés placés au départ d'une
recherche et chargés d'en assurer l'unité. Ces tensions sont telles, à vrai
dire, qu'elles aboutissent à de véritables contradictions.
Commençons par l'indétermination. Le premier principe établit une
corrélation décisive entre apparaître et être. Cette corrélation s'impose
avec la plus grande force parce qu'elle est tout à fait immédiate : que ·
quelque chose apparaisse, elle se trouve être du même coup. Si puissante
est la corrélation qu'elle semble se ramener à l'identité: apparaître, c'est
être par là même, identiquement. Quand le principe dit : «autant
d'apparaître, autant d'être», elle ne vise ni l'extension, ni en quelque sorte
l'intensité des déterminations phénoménologiques et ontologiques qu'il
met en rapport mais justement l'identité de leur essence. C'est .dans la
mesure où !'apparaître apparaît et pour cette raison que l'être« est», c'est
parce que !'apparaître déploie son règne que l'être déploie aussi le sien,
parce qu'ils ont un seul et même règne, une seule et même essence.
Or dès que nous voulons penser plus avant cette identité d'essence de
!'apparaître et de l'être, nous sommes obligés de la mettre en question.
Car apparaître et être, en dépit de cette identité supposée de leur essence,

1. J.-L. Marion, Riduction et donation. &cherches sur Husser~ Heidegger et la phénoménologie, Paris,
PUF, .1990, p. 302.
Table des matières

Avant-propos, 7
I. Le concept d'âme a-t-il un sens?, 9
II. Qu'est-ce que cela que nous appelons la vie?, 39
III. Phénoménologie de la vie, 59
IV. Quatre principes de la phénoménologie, 77
V. Phénoménologie non ini:êntionnelle : une tâche de la phénoméno-
logie à venir, 105
VI. Phénoménologie de la naissance, '123
VII. Souffrance et vie, 143
VIII. Le problème du toucher, 157
IX. Incamation, 165
X. Philosophie et phénoménologie, 181
XI. Eux en moi : une phénoménologie, 197

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