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Master 1 Électrotechnique
et Automatique
Arezki DICHE
2019/2020
Table des matières
Avant-Propos iii
I Éthique et Déontologie 1
1 Éthique et Déontologie 2
1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Définition de quelques concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.3 De la nécessité d’une éthique de l’ingénierie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3.1 Cas BART . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3.2 Cas DC 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3.3 Cas de la navette Challenger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.4 Problème éthique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.5 La délibération éthique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.5.1 Phase 1 : L’inventaire des aspects éthiques et normatifs de la situation . . . . 7
1.5.2 Phase 2 : La clarification des valeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.5.3 Phase 3 : La prise de décision « raisonnable » . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.5.4 Phase 4 : Le dialogue avec les parties prenantes . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.5.5 Test d’une décision éthique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.6 Approches éthiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.7 Éthique et déontologie en milieu d’entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.7.1 Aperçu historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.7.2 Codes de déontologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.8 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2 Charte de l’éthique et de déontologie universitaire 13
2.1 Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.2 Principes fondamentaux de la charte d’éthique et de déontologie universitaires . . . . 14
2.3 Droits et obligations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.3.1 Les droits et obligations de l’enseignant-chercheur . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.3.2 Les droits et devoirs de l’étudiant de l’enseignement supérieur . . . . . . . . . 17
2.3.3 Les droits et obligations du personnel administratif et technique . . . . . . . 18
3 La recherche intègre et responsable 20
3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.2 De la nécessité d’un code éthique pour la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
3.3 Pour une recherche éthique et responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
3.3.1 L’évaluation par les pairs et le conflit d’intérêts . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
i
TABLE DES MATIÈRES ii
II Propriété intellectuelle 27
Aperçu historique 28
4 Propriété industrielle 30
Avant-Propos
Trois évènements ont attiré mon attention, au moment où je colligeais ces notes de cours et
essayais d’y mettre un peu d’ordre pour en faire un document plus élaboré à l’usage des étudiants,
bien sûr profitant de la situation exceptionnelle du confinement instauré par les autorités pour
mettre un terme à la pandémie de la Covid-19.
Le premier est à l’actif du Président américain, M. Donald Trump. Ce dernier à croire le
journal allemand Die Welt, tel que rapporté par l’OBS et l’AFP 1 , a essayé de faire main basse sur
le laboratoire allemand CureVac en lui proposant une très grosse somme d’argent, au moment où
ce dernier a affirmé être « à quelques mois » de pouvoir présenter un projet de vaccin pour une
validation clinique. Selon le journal allemand, M. Trump a essayé d’attirer à coups de millions de
dollars des scientifiques allemands travaillant sur ce potentiel vaccin ou d’en obtenir l’exclusivité
pour son pays en investissant dans l’entreprise. Ce vaccin serait alors « seulement pour les États-
Unis », a affirmé au journal une source proche du gouvernement allemand.
Le deuxième évènement est du ressort du microbiologiste marseillais, Pr. Didier Raoult. En
effet, celui-ci s’est livré à une véritable bataille pour faire admettre son protocole de soin basé sur
la Chloroquine. Ses contradicteurs et pas des moindres, lui reprochaient de n’avoir pas suivi la
méthodologie de vérification habituelle avant d’administrer un médicament à des sujets humains,
telle que préconisée par les codes en vigueur notamment le code de Nuremberg. Mais, face à un
danger réel où l’on enregistre des décès au quotidien, a-t-on le droit de rester sans rien faire ? A-t-on
le droit d’essayer quelque chose qui a des chances d’aboutir ? En temps de guerre, à chaque fois que
l’on retarde une décision, elle devient lourde de conséquences.
Le troisième est toujours lié à cette pandémie qui a frappé de plein fouet le monde ! L’admi-
nistration américaine a dénoncé à plusieurs reprises le manque de transparence de la Chine, voire
une opération de « dissimulation » de Pékin pour « cacher » initialement la gravité du virus. Elle
accuse par ailleurs l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de s’être alignée sur les positions
chinoises, et a suspendu les fonds américains à l’agence onusienne pour sa « mauvaise gestion » de
l’épidémie 2.
Les trois évènements ne sont pas choisis fortuitement dans ce tintamarre lié à la pandémie où
les fake news disputaient la vedette à l’information avérée. Mais, parce qu’ils posent de véritables
problèmes éthiques et déontologiques ! Le Président américain n’a-t-il pas le droit de penser au
bien-être de son peuple ? A-t-il le droit ce faisant, de soudoyer les chercheurs allemands pour avoir
l’exclusivité du vaccin ? Pr. Raoult a-t-il bien agi ? Les Chinois ont-ils le droit de retenir les infor-
mations concernant cette pandémie ? Autant de questions auxquelles il n’est pas aisé de répondre
du premier coup. Mais, cela passe par ce qu’on appelle la délibération éthique qui nécessite une
analyse profonde de la situation où il faut tenir compte de tous les éléments et acteurs en jeu.
Cela pour dire que les problèmes éthiques sont quotidiens ! Mieux, ils sont partout ! Et l’ingénierie
n’en est pas exempte. C’est ce que l’on verra dans ce cours.
1. OBS et AFP du 15 mars 2020.
2. Algérie Eco du 17 avril 2020.
iii
Première partie
Éthique et Déontologie
1
Chapitre 1
Éthique et Déontologie
«Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.»
François Rabelais
1.1 Introduction
O n est souvent, voire trop souvent, amené à prendre des décisions. La prise de décision
est présente dans tous les aspects de notre vie et les décisions sont prises à plusieurs
niveaux (personnel, social et politique). Bon nombre des décisions auxquelles nous sommes
confrontés ont une dimension éthique explicite ou implicite et exigent par conséquent des jugements
normatifs.
La réflexion éthique n’a donc, pour ainsi dire, jamais quitté l’être humain dans ses pratiques
et actions quotidiennes. En effet, certains auteurs 1 voient dans le Code de Lois d’Hammourabi,
Roi de Babylones, édicté vers 2000 ans av. J.-C, ainsi que dans l’Ancien Testament où sont
décrites les normes de pratiques auxquelles s’astreignaient les constructeurs de l’antiquité, une espèce
de formalisation de l’éthique de l’ingénierie. Tout comme ils considèrent les règles d’admission aux
corporations et autres guides du Moyen-Âge, des ancêtres des codes de déontologie dits modernes
qui se sont développés depuis la fin du XIXe siècle 2 .
Les disciplines scientifiques et d’ingénierie sont considérées comme étant des professions haute-
ment éthiques où les professionnels (scientifiques ou ingénieurs) montrent un comportement éthique
avec un standard moral autrement élevé 3 . Cependant, l’évolution technologique n’a pas toujours été
« saine ». Et les exemples n’en manquent pas ! Le lancement des bombes atomiques sur Hiroshima
et Nagasaki (1945) faisant selon certaines estimations 250 000 morts ainsi que des centaines de cas
de cancers, les accidents de Bhopal 4 (1984) et Tchernobyl 5 (1986) et tout récemment l’accident
1. À l’instar de Mike Martin et Roland Schinzinger, auteurs du livre Ethics in Engineering, McGraw-Hill
Higher Education, 2004.
2. Ch. Didier, Éthique et identité professionnelle des ingénieurs : Enquête sur les diplômés des écoles du Nord de
la France,Thèse de Doctorat en Sociologie, EHESS, Paris, 2002.
3. James G. Speight and R. Foote, Ethics in Sciences and Engineering, Wiley, 2011.
4. La catastrophe de Bhopal (Inde) survient dans la nuit du 3 décembre 1984. Elle est la conséquence de l’explosion
d’une usine d’une filiale de la firme américaine Union Carbide produisant des pesticides et qui a dégagé 40 tonnes
d’Isocyanate de Méthyle dans l’atmosphère de la ville. Cet accident industriel tua officiellement 3 828 personnes et
entre 20 000 et 25 000, selon les associations des victimes.
5. La catastrophe nucléaire de Tchernobyl est un accident nucléaire majeur qui a commencé le 26 avril 1986 dans
2
CHAPITRE 1. ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE 3
du Golfe du Mexique (2010) et la catastrophe de Fukushima (2011), pour ne parler que des faits
saillants, posent de manière accrue la question de l’éthique dans les métiers de l’ingénieur. Il s’en est
même trouvé ceux qui ont appelé au renouvèlement des principes éthiques 6 devant régir la conduite
de l’ingénieur dans l’exercice de son métier. En effet, on fait de plus en plus état des implications
environnementales des innovations et des réalisations technologiques mais aussi de leurs effets sur
les générations futures auxquelles on n’a pas le droit de léguer une planète en catastrophe.
Ces considérations nous amènent à dire que nous sommes en plein dans « une civilisation du
risque technologique » 7 . Le risque est donc devenu « la mesure de l’action ». Et, l’ingénieur est non
seulement un acteur de cet « écosystème mondial », il en est aussi l’auteur et le concepteur. Sa
responsabilité éthique est engagée : l’ingénieur ne peut plus se contenter de réaliser ce qui est tech-
niquement possible et légalement autorisé, il doit aussi intégrer dans sa réflexion un questionnement
éthique sur les intentions et sur les conséquences des progrès techniques auxquels il travaille.
Figure 1.1.1 – Pélicans trempés de pétrole dans le Golfe du Mexique (DR : C. Cole/LA
Times).
Éthique : « Qui se rapporte à la morale. Discipline de la philosophie qui a pour objet les principes
moraux guidant la conduite d’un individu, d’un groupe ». Art de diriger la conduite humaine en
tenant compte, en conscience, des valeurs en jeu. Elle se réfère aussi au produit d’une réflexion
portant sur les valeurs afin de les critiquer, de les renouveler, et ce à la mesure des changements
que la vie quotidienne fait émerger. Une telle réflexion est alimentée notamment par la morale, par
la philosophie, par la psychologie et par la sociologie.
L’éthique est une démarche visant, face à un problème donné à adopter la meilleure solution
en s’appuyant sur des valeurs apprises, admises et intégrées et en tenant compte du contexte dans
lequel le problème se pose actuellement.
Alors que la morale définit des principes ou des lois générales, l’éthique est une disposition
individuelle à agir selon les vertus, afin de rechercher la bonne décision dans une situation donnée.
La morale n’intègre pas les contraintes de la situation. La morale ignore la nuance, elle est binaire.
L’éthique admet la discussion, l’argumentation, les paradoxes.
Déontologie (Science du devoir) : La déontologie (étymologiquement du grec deon, le devoir
et logos le discours), est la théorie des devoirs moraux et l’ensemble des règles de conduite que
l’homme doit respecter à l’égard de la société en général. Dans un sens plus technique, et plus
répandu aujourd’hui, elle désigne l’ensemble de devoirs qu’impose à des professionnels l’exercice de
leur tâche. Les règles déontologiques émanent de groupes professionnels déterminés qui les établissent
généralement par l’intermédiaire de leurs propres instances, ordres professionnels, associations ou
syndicats sous la forme d’un code. Elles correspondent à un phénomène d’autorégulation 8 .
La déontologie n’a donc pas une vocation spéculative mais une visée pratique, elle entend définir
pour une pratique professionnelle donnée, à partir de son axiologie, un socle commun de règles, de
recommandations et de procédures 9 .
Comme les règles de droit, les règles déontologiques s’appliquent de manière identique à tous
les membres du groupe, dans toutes les situations de la pratique. Une autorité est chargée de les
faire respecter et d’imposer des sanctions en cas de dérogation. L’éthique, au contraire, invite le
professionnel à réfléchir sur les valeurs qui motivent son action et à choisir, sur cette base, la
conduite la plus appropriée.
1.3.2 Cas DC 10
Le 12 juin 1972, le DC 10 vol 96 d’American Airlines perd en vol sa porte de soute arrière
au-dessus de Windsor, en Ontario. La dépressurisation conduit à l’affaissement du plancher et à
une perte partielle des commandes de vol. Par chance, le pilote, entraîné en vue de ce risque qu’il
connaissait, parvient à contrôler son avion et à le poser. L’enquête met en évidence la mauvaise
conception du système de verrouillage de la porte. Ce problème était bien connu de la compagnie
Convair, à laquelle l’entreprise McDonnell Douglas avait sous-traité la fabrication du fuselage.
Le 27 juin 1972, Daniel Applegate, ingénieur et directeur de la production chez Convair
rédige un mémo à ses supérieurs dénonçant les dangers résultants de certaines faiblesses du devis.
On peut y lire la phrase suivante : « [...] une porte de soute s’ouvrira un jour ou l’autre au cours
des vingt années à venir [...] avec pour conséquence probable la perte totale de l’appareil ». John
Hurt, son supérieur hiérarchique direct et program manager pour le DC 10, ne conteste pas son
point de vue mais décide de ne pas l’exposer à McDonnell Douglas, pressentant les conséquences
financières d’une telle information dans un contexte de forte compétition. Applegate ne va pas
plus loin. Un Gentelmen’s agreement dont Applegate avait eu connaissance avait été établi dix
jours plus tôt, le 17 juin 1972, entre Jackson McGowan, président de la division Douglas de
McDonnell Douglas et de Jack Shaffer administrateur de la Federal Aviation Agency (FAA)
au terme duquel McGowan s’engageait à sécuriser le système de fermeture. Shaffer ne jugea
pas nécessaire de publier une directive de navigabilité. Les consignes de modification transmises à
l’usine de Long Beach où se trouvaient les appareils ne furent pas accompagnées de procédures
spécifiques de vérification ni d’une communication adaptée aux enjeux.
Le 3 mars 1974, la porte de soute qui nécessitait une méthode de fermeture inhabituelle n’est
pas fermée correctement par le bagagiste d’Orly. Elle n’est pas non plus vérifiée par l’équipage.
La porte se décroche en vol, le plancher passager qui présentait une fragilité de conception connue
depuis des années s’effondre. Le pilote perd les commandes. L’avion s’écrase neuf minutes après son
décollage de l’aéroport d’Orly dans la forêt d’Ermenonville faisant 346 morts.
1.3.3 Cas de la navette Challenger
Le 28 janvier 1986, lors de la mission STS-51-I, un des joints circulaires (O-ring) du propulseur
droit de la navette spatiale Challenger ne se dilate pas suffisamment à cause des températures
anormalement basses au moment du lancement. Des gaz brûlants s’échappent à la jonction des
cylindres qui composent le propulseur (Booster) de la navette. Celle-ci se désintègre en vol, 73
secondes après le lancement. Aucun des sept membres de l’équipage, six militaires et une enseignante
civil, ne survit. Roger Boisjoly, ingénieur en aéronautique, travaillait pour Morton Thiokol,
le fabricant des propulseurs. En juillet 1985, il avait signalé dans une note destinée au vice-président
de Morton Thiokol le défaut de conception des joints, suggérant que, sans réponse, ce défaut
pourrait conduire à « une catastrophe de la plus grande ampleur, avec perte de vie humaine »
lors d’un décollage. Il avait maintenu sa position jusqu’à la mise à feu. Rétrogradé par la suite, il
démissionne et dénonce, dans des articles et des conférences, le peu de cas que l’on fait, en pareilles
circonstances, de l’avis des experts.
Ces trois cas constituent des exemples classiques de l’enseignement de l’éthique de l’ingénierie
notamment aux États-Unis où cette discipline (Engineering Ethics) est des plus développées. Une
méthode pédagogique, a même été proposée par Roger Boisjoly lui-même, consistant à relater
l’histoire de l’explosion de la navette spatiale par séquence invitant les étudiants, en se mettant à
sa place, à choisir parmi diverses actions possibles 10.
10. Ch. Didier, Éthique de l’ingénierie : Un champ émergent pour le développement professionnel, Techniques de
CHAPITRE 1. ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE 6
de même que des plans d’exploitation et des stratégies commerciales, des idées d’ingénierie et de fa-
brication, des designs, des tarifications, des produits et des services en cours de développement, des
bases de données, des archives, des informations relatives aux salaires, des informations concernant
toute acquisition éventuelle par l’Entreprise ou dessaisissement et toutes les données financières et
rapports financiers qui n’ont pas encore été publiés.
Propriétés intellectuelles : L’Entreprise est légalement autorisée à tous les droits sur les idées,
inventions et créations intellectuelles qui ont été créés par ses employés au cours de leur période d’em-
bauche chez l’Entreprise ou en utilisant les ressources de l’Entreprise «Propriétés intellectuelles».
Cela conduit aux obligations suivantes que le personnel doit respecter. Le non-respect de celles-ci
peut être une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire constitutive d’une faute grave ou lourde
pouvant justifier la révocation immédiate du salarié de l’entreprise sans préavis ni indemnités.
L’obligation de loyauté : C’est une obligation inhérente au contrat de travail, imposant au
salarié de ne pas commettre des agissements pénalement sanctionnables. Elle s’accompagne d’une
obligation de fidélité et de non-concurrence envers l’employeur. Elle s’impose à tout salarié, même
en l’absence d’écrit, après la cessation du contrat.
L’obligation de discrétion : Elle s’impose au salarié sans avoir à être spécifiée dans le contrat
de travail. Ainsi, le salarié est tenu à cette obligation accompagnée d’une obligation de secret
professionnel vis-à-vis des tiers (clients, concurrents, mais aussi dans certains cas les autres salariés)
pour toutes les informations confidentielles dont il pourrait avoir connaissance dans le cadre de
ses fonctions. Les cadres ont une obligation de discrétion plus importante que les autres salariés
dans la mesure où ils possèdent des informations confidentielles de la vie de l’entreprise (stratégie
commerciale, politique de gestion des ressources humaines).
L’obligation de réserve : Elle interdit au salarié de critiquer ouvertement les décisions de son
employeur.
Le secret professionnel : C’est une interdiction pour le salarié de divulguer des informations
confidentielles ( par exemple, un secret de fabrication) liées à son activité professionnelle. Il ne doit
pas divulguer le secret professionnel aux tiers même lorsqu’il cesse d’être employé par l’entreprise qui
détient ces informations mais il peut utilisé les connaissances professionnelles qu’il a acquises dans
l’entreprise. Dans le cas de révélations sur les secrets de fabrication non brevetés, ces révélations
sont assorties de sanctions pénales.
Intégrité : L’intervenant doit agir avec compétence et rigueur en toute circonstance et à ne
prendre position que lorsqu’on a objectivement analysé la question et qu’on est en mesure d’exer-
cer un jugement éclairé. L’intégrité, c’est éviter toute situation de conflit d’intérêts susceptible
d’influencer la prise de décision ou l’exercice des fonctions.
Corruption : Par le vocable « corruption », on entend tout mésusage du pouvoir, de l’autorité
ou de fonctions publiques en vue de l’obtention d’avantages privés, d’extorsion, de trafic d’influence,
de népotisme, de fraude, de paiements « de facilitation » ou de détournement de fonds. C’est parce
qu’elle a des conséquences néfastes tant sur l’individu, que sur l’entreprise ou la société en général,
que l’on doit l’éviter, mieux la combattre. Constituant un délit grave sévèrement puni par la loi,
elle peut être active ou passive selon qu’elle est à l’initiative du corrompu ou du corrupteur.
CHAPITRE 1. ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE 12
1.8 Conclusion
D’après Christelle Didier 15 « l’ingénierie pas plus que la technique ne peuvent être qualifiées
de neutres du point de vue des valeurs. Par ailleurs, l’impact social, environnemental et culturel du
développement technique 16 est tel qu’il nécessite plus que jamais une maîtrise humaine. » Donc, il
est dans l’ordre naturel des choses d’intégrer « la dimension éthique » dans chaque réalisation et ou
invention technologique.
À cause de la position stratégique qu’ils occupent souvent au sein des entreprises et des organi-
sations, les ingénieurs ne peuvent ignorer la dimension éthique de leur travail.
Ainsi, l’ingénieur 17 « afin de maintenir et promouvoir l’honneur et la dignité de la profession
d’ingénieurs [. . .] servira avec dévotion son employeur, son client et le public », tout comme il 18 « ne
s’incline pas devant ceux qui méprisent le droit de l’individu et utilisent les techniques à des fins
mauvaises [...]». Le code de déontologie de l’ordre des Ingénieurs du Québec est en ce sens, plus
restrictif ! Il n’est pas moins stipulé que «l’ingénieur doit, lorsqu’il considère que des travaux sont
dangereux pour la sécurité publique, en informer l’Ordre des ingénieurs du Québec [. . .]».
À côté de cela, il y a lieu de parler de l’éthique des affaires que l’ingénieur dans l’exercice de
sa profession est tenu de respecter. Il se retrouve parfois, face à des situations où il y a un conflit
d’intérêts 19 manifeste ! Comment doit-il agir ? A-t-il le droit de recevoir ou donner des cadeaux dans
le cadre de son travail par exemple, sans que cela n’apparaisse comme étant de la corruption ?
Autant de questions et de situations équivoques auxquelles est confronté l’ingénieur dans ses
tâches quotidiennes.
Dans ce qui précède, on a vu que l’éthique est balisée par des valeurs, alors que la déontologie
est circonscrite par des règles. Toutefois, dans les deux cas, l’objectif est le même, soit réguler la
conduite des personnes. Un code de déontologie établit une base en précisant ce qui est tolérable et
ce qui ne l’est pas. L’éthique est une question de jugement alors que la déontologie, qui peut laisser
place au jugement, est avant tout un ensemble de règles assez précises. Néanmoins, rien n’empêche
un ingénieur d’aller plus loin, bien au contraire.
Même si l’éthique est fonction d’une situation donnée, elle est cependant, liée en partie aux
valeurs personnelles de tout un chacun, lesquelles sont limitées par les balises fixées par les codes et
les lois qui s’appuient sur des valeurs communes à une société ou universelles.
15. Ch. Didier, L’«éthique de l’ingénierie » concerne aussi les ingénieurs, Dans Penser l’éthique des Ingénieurs,
2008, pp. 179-183.
16. Il en est ainsi par exemple de l’invention de l’électricité, de l’automobile, de la télevision ou bien de l’internet,
et de manière générale des Technologies d’information et de communication (TIC). Inventions qui ont révolutionné
l’existence humaine de façon radicale.
17. Code of ethics, IEEE, US, 1963.
18. Profession de foi du VDI, Allemagne, 1950.
19. Un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer
ou paraître influer sur l’exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles.
Chapitre 2
Charte de l’éthique et de déontologie
universitaire
2.1 Préambule
13
CHAPITRE 2. CHARTE DE L’ÉTHIQUE ET DE DÉONTOLOGIE UNIVERSITAIRE 14
peuvent porter atteinte aux principes, aux libertés et aux droits de l’université. Par ailleurs elles
doivent s’abstenir de toute activité politique partisane au sein de tous les espaces universitaires.
— L’étudiant doit préserver les locaux et les matériels mis à sa disposition et respecter les règles
de sécurité et d’hygiène dans tout l’établissement.
L’étudiant est dûment informé des fautes qui lui sont reprochées. Les sanctions qu’il encourt
sont prévues par la règlementation en vigueur et le règlement intérieur de l’établissement
d’enseignement supérieur. Elles sont du ressort du conseil de discipline et peuvent aller
jusqu’à l’exclusion définitive de l’établissement.
2.3.3 Les droits et obligations du personnel administratif et technique de l’en-
seignement supérieur
L’enseignant-chercheur et l’étudiant ne sont pas les seuls acteurs de l’Université. Ils sont étroi-
tement associés au personnel administratif et technique des établissements qui, tout comme eux, a
des droits qu’accompagnent des obligations.
2.3.3.1 Les droits du personnel administratif et technique
Le personnel administratif et technique doit être traité avec respect, considération, et équité au
même titre que l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur.
Le personnel administratif et technique a droit lors des examens de recrutement, de l’évaluation,
de nomination et de promotion, à un traitement objectif et impartial.
Le personnel administratif et technique ne doit subir aucun harcèlement ni aucune discrimination
dans l’évolution de sa carrière.
Le personnel administratif et technique bénéficie de conditions adéquates qui lui permettent
d’accomplir au mieux sa mission et, à ce titre, il bénéficie des dispositifs de formation continue et
d’amélioration constante de ses qualifications.
2.3.3.2 Les obligations du personnel administratif et technique
La mission du personnel administratif et technique est de réunir les conditions optimales permet-
tant à l’enseignant chercheur de s’acquitter au mieux de sa fonction d’enseignement et de recherche
et à l’étudiant de réussir son parcours universitaire.
Cette mission de service public, assurée à travers leur personnel administratif et technique par les
établissements d’enseignement supérieur, doit être accomplie dans le respect des valeurs fondamen-
tales de la fonction publique, de compétence d’impartialité, d’intégrité, de respect, de confidentialité,
de transparence et de loyauté. Ces normes de comportement représentent des principes majeurs que
chaque membre du personnel administratif et technique doit veiller à respecter et à promouvoir,
notamment :
La compétence
Le personnel administratif et technique s’acquitte de ses tache avec professionnalisme. Il est
responsable de ses décisions et de ses actes ainsi que de l’utilisation judicieuse des ressources st de
l’information mises à sa disposition.
L’impartialité
Le personnel administratif et technique fait preuve de neutralité et d’objectivité. Il prend ses
décisions dans le respect des règles en vigueur, et en accordant à tous un traitement équitable. Il
remplit ses fonctions sans considérations partisanes et évite toute forme de discrimination.
CHAPITRE 2. CHARTE DE L’ÉTHIQUE ET DE DÉONTOLOGIE UNIVERSITAIRE 19
L’intégrité
Le personnel administratif et technique se conduit d’une manière juste et honnête. Il évite de
se mettre dans une situation ou il se rendrait redevable à quiconque pourrait l’influencer indûment
dans l’exercice de ses fonctions.
Le respect
Le personnel administratif et technique manifeste de la considération à l’égard de toutes les
personnes avec qui il interagit dans l’exercice de ses fonctions. Il fait également preuve de diligence
et de célérité dans l’accomplissement de sa mission.
Ce respect doit également concerner les domaines de compétence de chacun. Ainsi ce personnel
doit s’interdire toute ingérence dans les actes pédagogiques et scientifiques. L’administration des
établissements d’enseignement supérieur doit s’interdire toute interférence dans ces domaines.
La confidentialité
Les dossiers administratifs, techniques, pédagogiques et scientifiques doivent être soumis à l’obli-
gation de confidentialité.
La transparence
Le personnel accomplit ses fonctions et les différents actes qui en découlent d’une façon qui
permette la bonne circulation de l’information utile aux membres de la communauté universitaire,
la vérification des bonnes pratiques professionnelles et leur traçabilité.
La performance
Le service public rendu, à travers leur personnel administratif et technique, par les établissements
d’enseignement supérieur doit également obéir à des critères de qualité qui impliquent l’obligation
de traiter leurs acteurs avec égards et diligence. En pratique, l’obligation de traiter l’enseignant et
l’étudiant avec égards signifie que le personnel administratif et technique adopte un comportement
poli et courtois dans ses relations avec eux. Quant à l’obligation de diligence, elle requiert notamment
que le personnel administratif et technique s’empresse de traiter les dossiers qui lui sont confiés et
qui concernent directement aussi bien l’enseignant que l’étudiant. Le personnel administratif et
technique est enfin tenu de donner à ces derniers toute l’information qu’ils demandent et qu’ils sont
en droit d’obtenir.
Les membres de la communauté universitaire, soucieux de promouvoir les règles
éthiques et déontologiques, s’engagent au respect de l’esprit et de la lettre de cette
charte.
Chapitre 3
La recherche intègre et responsable
«Il n’y a pas que “ceux qui aiment la science” et
ceux qui “ne l’aiment pas”. Il y a aussi, parmi ceux
qui la font, ceux qui la trahissent !»
Philippe Alfonsi, Au nom de la science.
3.1 Introduction
I l est indéniable que l’évolution et les changements connus par l’humanité, au cours du
siècle dernier sont essentiellement dus à la science et à l’ingénierie. Cela a requis surtout
un esprit critique, libre de tout préjugé et ouvert sur les nouvelles manières de réfléchir,
avec des chercheurs en mesure d’appliquer des principes d’investigation honnêtes, le tout selon une
méthodologie avérée.
L’essor scientifique et technologique moderne survenu à partir de la Renaissance est dû prin-
cipalement, au postulat que les théories scientifiques doivent être indépendantes de la théologie et
des croyances religieuses 1. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la connaissance a été échangée essentiel-
lement à travers des académies scientifiques qui se sont chargées de propager les nouvelles théories,
accélérant ainsi le progrès scientifique. Au début du XIXe siècle, on assiste à un mouvement de
recherche scientifique impressionnant au sein des universités : recherches pure et fondamentale. Les
scientifiques pour la plupart rattachés à des structures universitaires, n’étaient pas « intéressés » par
les applications technologiques des résultats de leurs recherches.
D’autre part, même si la recherche dans l’industrie (recherche industrielle et recherche appliquée)
est l’émanation de la recherche fondamentale, il n’en demeure pas moins que chacune a ses propres
objectifs ainsi que ses propres règles. Le cap de la recherche appliquée était donc, l’acquisition
de nouvelles connaissances mais surtout leurs adaptations technologiques pour la réalisation de
nouveaux biens qui seront par la suite commercialisés. Toutefois, il faut relever que les résultats de
ces recherches industrielles n’étaient pas la propriété des chercheurs et ingénieurs, mais des industries
pour lesquelles ils travaillaient.
Généralement, les discussions éthiques sont plus ou moins absentes dans les deux entités : re-
cherche fondamentale et appliquée 2. Dans les universités, les chercheurs étaient « indifférents » aux
conséquences de leurs travaux, alors qu’au niveau de l’industrie, les employeurs ne considéraient pas
approprié aux ingénieurs de s’en inquiéter.
1. J. G. Speight and R. Foote, Ethics in Science and Engineering, Wiley, 2011.
2. J. G. Speight and R. Foote, op. cit.
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CHAPITRE 3. LA RECHERCHE INTÈGRE ET RESPONSABLE 21
En ces débuts du XXIe siècle, on assiste à un changement fondamental : les universitaires et les
ingénieurs industriels, collaborent de plus en plus. Car, il est devenu impératif que ces deux formes
de recherche, coopèrent de plus en plus et de façon la plus étroite et la plus efficace possible, et
ce, même si elles diffèrent profondément aussi bien en ce qui concerne la pratique de la recherche
que son mode d’organisation. La recherche appliquée se nourrit de la recherche fondamentale, et la
recherche fondamentale ne peut progresser sans s’appuyer sur les progrès de la recherche appliquée.
Dans son essence même, l’activité de recherche a vocation à contribuer au développement des
connaissances et à l’avancement de la science. On pourrait alors en toute légitimité, s’interroger sur
l’intérêt d’introduire, au sein de l’activité de recherche, une régulation des comportements traduite
par un code éthique de la recherche. L’idée même de restreindre, voire d’interdire, un acte d’expé-
rimentation semble contradictoire avec la recherche de la vérité scientifique 3 . Étant donné que la
qualité du résultat scientifique dépendra précisément de la liberté d’agir, de penser et de s’exprimer
du chercheur. Deux arguments fondamentaux militent en faveur de l’encadrement éthique de l’acti-
vité scientifique 4 . Le premier résulte de l’acceptabilité sociale de la science et le second réside dans
le fait que les règles éthiques favorisent la qualité des résultats scientifiques.
Il en résulte que la recherche doit s’appuyer sur des principes d’honnêteté 5 , d’intégrité 6 et de
responsabilité 7 sur lesquels la société fonde sa confiance en elle. Le bon fonctionnement de l’appareil
scientifique repose en grande partie sur l’hypothèse que les règles éthiques ont été respectées par
les scientifiques lors de l’établissement des résultats qu’ils ont publiés, ce qui permet aux autres
chercheurs de les prendre pour point de départ de leurs propres travaux.
La falsification de données, elle, repose sur du concret. Falsifier des données c’est transformer
d’une manière ou d’une autre les données obtenues lors d’un processus d’expérimentation (ou au
moyen de toute autre méthode scientifique) afin que les résultats correspondent le plus possible à
l’hypothèse de recherche ou à des résultats d’une recherche antérieure ou concurrente, qu’il s’agisse
de les invalider ou de les corroborer. Tout comme, elle peut caractériser l’omission volontaire d’une
partie des résultats qui peuvent venir semer le doute sur la confirmation d’une hypothèse.
3.3.4.2 Le plagiat
Le plagiat classique consiste à utiliser en tout ou en partie les écrits ou les idées de quelqu’un
d’autres sans reconnaître explicitement leur provenance 10 . On peut identifier au demeurant, d’autres
types de plagiat s’échelonnant sur un continuum de gravité. On peut en retenir cinq types.
L’emprunt abusif : La distinction entre un emprunt acceptable et un emprunt abusif n’est pas
facile à établir. S’il subsiste un écart acceptable entre les deux textes concernés, l’auteur est alors
dispensé des guillemets mais non de la référence nominale. Mesurer l’écart est affaire de jugement.
Le plagiat de traduction : Dans le plagiat de traduction, l’auteur tente de faire passer le
texte traduit pour un texte de son cru. La détection de ce type de plagiat est particulièrement
difficile lorsque le plagiaire se contente de copier de courts extraits de l’œuvre originale difficilement
repérables. En fait, un emprunt dans une autre langue que celle de l’article soumis constitue une
situation idéale pour l’abus.
L’autoplagiat : Elle consiste par exemple, à rédiger un « nouvel article » à partir d’articles déjà
publiés par le chercheur. Il existe toutefois une exception : la reproduction de la présentation des
aspects méthodologiques est acceptée.
Le plagiat verbal : La notion de plagiat au sens classique du terme est liée à l’écrit et au concept
de propriété intellectuelle. Aucun enseignant n’a été accusé de plagier le contenu verbal de ses cours,
même si ce contenu est rarement entièrement de son cru. Les professeurs indiquent toutefois leurs
sources dans le plan de cours distribué aux étudiants. Ainsi, puisqu’une large part de l’enseignement
universitaire consiste à transmettre des idées rarement nouvelles, qu’un « enseignement 11 qui ne
serait pas plagiaire [. . .] ne mériterait pas le nom d’enseignement ». De ce fait, un enseignant est
appelé à s’inspirer d’articles et de livres aussi divers que possible, dans la confection de son cours.
Le plagiait inconscient : Il survient par exemple lorsqu’un chercheur publie en toute bonne foi
pour une idée qu’il tient pour sienne puisqu’il l’a déjà pensé, alors qu’elle a déjà fait l’objet d’une
publication. On parle également de plagiat inconscient lorsqu’un individu confond en toute bonne
foi les informations qu’il transmet avec des informations préalablement discutées entre collègues.
C’est paradoxalement, les chercheurs chevronnés qui ont une longue carrière qui risquent d’être le
plus souvent victimes de l’autoplagiat inconscient de certains de leurs propres travaux.
10. S. Larivée, Le côté sombre de la science, Revue de psychoéducation, 46 (2), 2017, pp. 421- 452.
11. A. Compagnon, L’université ou la tentation du plagiat, sous la direction de C. Vandendorpe, Le plagiat :
acte du colloque tenu à l’Université d’Ottawa du 26 au 28 septembre 2011 (pp.173-188). Ottawa, On : Les Presses de
l’Université d’Ottawa.
CHAPITRE 3. LA RECHERCHE INTÈGRE ET RESPONSABLE 25
Cela fait ressortir deux types de responsabilité du chercheur dans sa pratique. Une première qui
concerne sa responsabilité envers les employeurs et bailleurs de fonds. Il s’agit vraisemblablement
d’une responsabilité juridique qui impose aux chercheurs de se soumettre aux obligations inhérentes
à leur statut et au cadre imposé par les bailleurs de fonds. La seconde évoque une responsabilité du
chercheur envers la société « pour des motifs davantage éthiques ».
3.4.3 Le principe de diffusion et d’exploitation des résultats
Ce principe est défini par la charte européenne du chercheur comme suit : « tous les chercheurs
devraient veiller, conformément à leurs dispositions contractuelles, à ce que les résultats de leurs
travaux de recherche soient diffusés et exploités, en étant par exemple communiqués, transférés vers
d’autres organismes de recherche ou, le cas échéant, commercialisés. Les chercheurs expérimentés,
en particulier, devraient jouer un rôle pilote en assurant que la recherche porte ses fruits et que les
résultats font l’objet d’une exploitation commerciale ou sont mis à la disposition du public (ou les
deux à la fois) chaque fois que l’occasion se présente ».
Tout comme « les chercheurs devraient veiller à ce que leurs activités de recherche soient portées
à la connaissance de la société dans son ensemble de telle sorte qu’elles puissent être comprises par
les non-spécialistes, améliorant ainsi la compréhension de la science par la société ».
3.5 Conclusion
L’une des caractéristiques marquantes du vingtième et a fortiori du vingt-et-unième siècle, est
« l’implication » sans cesse grandissante de la science dans pratiquement tous les domaines de la vie
sociale. Les fruits de la science sont partout, tout comme le sont ses conséquences destructrices 15 .
De sorte que la science est à la fois à l’origine des réalisations de l’homme comme elle est responsable
de ses impasses.
Ce fait a conduit dès le début du siècle dernier les scientifique à s’interroger sur les critères
« moraux » d’une recherche scientifique responsable et intègre, à même de produire une connaissance
qui soit bénéfique pour l’homme. Toutefois, comme l’affirme A. Bayet 16 , « cette morale de la
science n’a pas eu ses théoriciens, mais elle a eu ses artisans. Elle n’a pas exprimé son idéal, mais
elle l’a servi : il est impliqué dans l’existence même de la science ».
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Aperçu historique
A ussi loin que l’on puisse se reporter, il semblerait que la forme la plus ancienne de la
propriété intellectuelle, est celle rapportée par Athénée de Naucratis dans son livre
Banquet des Savants 17 , et concerne les recettes de cuisine. En effet, il y est stipulé que : « Si
quelque cuisinier inventait parmi eux 18 un mets nouveau et fort délicat, aucun autre cuisinier n’avait
permission de le préparer, que l’inventeur, pendant un an, afin que tous les autres cherchassent à se
surpasser les uns les autres par de semblables découvertes ». Ainsi, il apparait clairement, à le lecture
de ce passage, que l’introduction de la propriété intellectuelle sous sa forme rudimentaire ou bien,
plus précisément, la protection d’une invention, est bien de susciter une forme d’émulation pour
pousser les autres à se surpasser tout en garantissant à l’inventeur, à l’instar des brevets modernes,
le droit et le monopole de jouir durant un certain temps, ici un an, de son invention.
Cependant, cette pratique semble avoir disparu avec la destruction de la Cité au VIe siècle avant
l’ère chrétienne 19 . En effet, aucune référence ultérieure notamment au cours du Moyen-Âge à cette
tradition. Elle réapparait au cours du XVe siècle dans les Cités-États italiennes avant de s’étendre
à toute l’Europe, sous forme d’un dispositif juridique visant les savoirs nouveaux. Bien entendu,
l’objectif est toujours incitatif pour importer les savoirs de l’étranger et de les diffuser localement.
Plusieurs auteurs s’accordent à dire que la naissance de la propriété intellectuelle sous son
acception moderne, et par-là la mise en place d’un dispositif juridique de protection de l’œuvre,
est sous-jacente de l’émergence du créateur ou encore l’inventeur comme acteur social pour pouvoir
revendiquer la propriété et la protection de ses « systèmes et mécanismes ingénieux ». Cela se
serait passé aux environs du XVe ou XVIe siècles. De même qu’il fallut la naissance de la notion
d’auteur − celui qui vit de sa plume − pour voir naitre la notion des droits d’auteur qui remonterait
au courant du XVIIIe siècle. À l’époque médiévale 20 , « le savoir technique est collectif, aux mains
de guildes qui en conservent les secrets, et [...] la connaissance est avant tout un héritage intouchable
des Anciens ». Cela dit, il faut certainement évoquer cette forme de lois privées ou privatae leges
qui plaçaient leurs bénéficiaires hors de portée des lois du commun et leur permettaient de faire le
négoce de certaines marchandises ou d’exercer certaines activités 21 .
La propriété intellectuelle concerne les créations de l’esprit humain, tout ce que son intelligence
et son imagination lui ont permis de créer : œuvres artistiques, inventions, marques, emballages des
produits que nous utilisons ou consommons. On distingue généralement la propriété littéraire et
artistique appelée aussi droit d’auteur et droits connexes (ou voisins) et la propriété industrielle.
Cette seconde partie du cours s’articulera donc, autour de ces notions de propriété industrielle
17. A. de Naucratis, Banquet des Savants, traduit par Lefebvre de Villebrune, p. 446. Ce livre date du IIIe
siècle apr. J.-C.
18. Il parle ici des Sybarites.
19. M. Couture, M. Dubé et P. Malissard, Propriété intellectuelle et université : Entre la libre circulation des
idées et la privatisation des savoirs, Presses de l’Université du Québec, 2010.
20. M. Couture, M. Dubé et P. Malissard, op. cit.
21. M. Couture, M. Dubé et P. Malissard, op. cit.
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