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LA RECHERCHE DE SOI
ÉDUCATION, TRANSMISSION, ÉMANCIPATION
COURS -SÉQUENCE 1
CNED
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SOMMAIRE
SÉQUENCE 1
ÉDUCATION, TRANSMISSION, ÉMANCIPATION 2
BIENVENUE 2
CONCLUSION 41
BIENVENUE
Dans cette séquence « Éducation, transmission et émancipation », ces trois thématiques – à la fois
indépendante et en continuelle interaction – seront étudiées sous trois angles, dans une perspective
historique large, allant du XVIIIe au XXe siècles. C’est ainsi que vous découvrirez dans une première partie
la manière dont l’éducation peut aider l’enfant à devenir soi. Dans la deuxième partie, nous passerons
de cette perspective individuelle à une perspective systémique afin de mieux comprendre ce qu’un état
démocratique doit et peut mettre en place pour favoriser l’émancipation de tous. Dans la troisième
et dernière partie c’est un retour à l’individu qui vous sera proposé mais à un stade ultérieur afin de
comprendre comment, après l’éducation formative, une émancipation est envisageable et praticable.
Cependant, cette séquence aura une particularité. En effet, le choix a été fait de vous proposer, en
parallèle de cette approche variée des thématiques en question, l’étude d’une œuvre intégrale : L’Enfant
de Jules Vallès. Découvrez ci-dessous un peu plus précisément ce livre que vous aurez continuellement
dans votre cartable !
L’Enfant est le premier volet d’une trilogie ; il paraît en 1878 et sera suivi par Le Bachelier en 1881 et par
L’Insurgé en 1886, dans une édition posthume. Souvent qualifiés par l’étiquette « autobiographiques »,
ces trois romans suivent le parcours de Jacques Vingtras, un héros qui ne partage pas seulement avec
Jules Vallès les initiales J.V.
Reprenant le modèle du roman de formation cher à ses aînés écrivains du XIXe siècle – au premier
rang desquels Flaubert avec L’Éducation sentimentale (1869) –, Vallès aspire également à raconter sa
propre histoire, celle d’un enfant éduqué sous les coups qui connaîtra l’émancipation par l’insurrection
parisienne communarde, alors émancipé de la figure paternelle disparue à la fin du Bachelier et qui lui a
transmis in fine la soif de la liberté. Mais à cette démarche de l’intime s’ajoute une perspective historique
beaucoup plus large : c’est l’école des années 1840 que l’on découvre pour être ensuite instruit sur le
vent de révolte qui souffle sur la France dont l’acmé sera la Commune, en 1870.
ous les yeux du lecteur, Jacques Vingtras s’éduque – plus qu’il n’est éduqué – et s’émancipe par la
S
révolte. Ce mouvement de libéralisation s’achève dans la réalité par l’écriture pour Jules Vallès : il
transmet l’espoir vital « à tous ceux qui crevèrent d’ennui au collège », « à tous ceux qui, nourris de grec
et de latin, sont morts de faim » et « aux morts de 1871 […] victimes de l’injustice »1. Il redonne donc vie
à ceux qui ne sont plus.
Se concentrer sur le premier volet de cette trilogie nous permettra de voir qu’il contient, en germe, cette
émancipation, traversant l’épreuve d’une enfance où l’enfant est oublié, où le père est infantilisé et où
advient un écrivain adulte qui grandit encore en regardant en arrière.
1 Ces trois citations sont extraites des dédicaces des romans de la trilogie.
Afin de comprendre au mieux les informations données, de les relier au reste de la séquence et de les
assimiler plus aisément, un prérequis est inévitable : la lecture intégrale de L’Enfant. Vous effectuerez
cette lecture à votre rythme et de manière indépendante. Cependant, voici quelques conseils :
• Privilégiez une édition destinée aux scolaires
Cela vous permettra d’obtenir des éclairages quant aux possibles difficultés de compréhension
rencontrées.
Éditions de L’Enfant destinées aux scolaires
– Collection Étonnants Classiques, Édition Flammarion, Paris, 2018.
– Collection Folio + Collège, Édition Folio, Paris, 2016.
– Collection Petits Classiques, Édition Larousse, Paris, 2009.
– Collection Bibliocollège, Édition Hachette, Paris, 2006.
• Munissez-vous d’un stylo et d’un carnet
Tout au long de votre lecture, notez dans votre carnet les idées qui vous viennent à l’esprit, en
conservant toujours en tête les trois mots-clés du chapitre : « Éducation », « Transmission »,
« Émancipation ».
Activité 1
Texte-Document 1
Extrait de Emile ou De l’éducation (1762), Jean-Jacques Rousseau
Lisez le document suivant ainsi que la présentation initiale puis laissez-vous guider par le questionnaire
qui les suit.
Description du document
Le XVIIIe siècle est traversé par la nature comme idéal. Selon Jean-Jacques Rousseau, l’homme est bon :
dans l’état de nature, il est heureux et libre, ne connaît pas le mal. Il faudrait donc élever les enfants dans
un milieu naturel qui leur permettrait d’atteindre le bonheur en pratiquant la vertu. Rousseau expose ses
principes pédagogiques dans cet essai Émile ou De l’éducation dans lequel il imagine un enfant, Émile, que
l’on aurait protégé des méfaits de la société. Dans le livre II, le lecteur suit Émile entre deux et douze ans,
âge dans lequel l’enfant doit avant tout s’épanouir loin des contraintes d’une éducation rigide et strictement
livresque. Le philosophe s’adresse ici aux pédagogues pour leur délivrer le premier de ses commandements :
il est urgent de ne rien faire. Ceci remet évidemment en question tous les principes antérieurs d’éducation
et amène Rousseau à formuler de nombreux paradoxes qui surprendront certainement le lecteur. Écoutons
maintenant Rousseau.
« Oserais-je exposer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l’éducation ? Ce
n’est pas de gagner du temps, c’est d’en perdre. Lecteurs vulgaires, pardonnez-moi mes paradoxes : il
en faut faire quand on réfléchit ; et, quoi que vous puissiez dire, j’aime mieux être homme à paradoxes
qu’homme à préjugés. Le plus dangereux intervalle de la vie humaine est celui de la naissance à l’âge de
douze ans. C’est le temps où germent les erreurs et les vices, sans qu’on n’ait encore aucun instrument
pour les détruire ; et quand l’instrument vient, les racines sont si profondes, qu’il n’est plus temps de
les arracher. Si les enfants sautaient tout d’un coup de la mamelle à l’âge de raison, l’éducation qu’on
leur donne pourrait leur convenir ; mais, selon le progrès naturel, il leur en faut une toute contraire. Il
faudrait qu’ils ne fissent rien de leur âme jusqu’à ce qu’elle eût toutes ses facultés ; car il est impossible
qu’elle aperçoive le flambeau que vous lui présentez tandis qu’elle est aveugle, et qu’elle suive, dans
l’immense plaine des idées, une route que la raison trace encore si légèrement pour les meilleurs yeux.
La première éducation doit donc être purement négative. Elle consiste, non point à enseigner la vertu
ni la vérité, mais à garantir le cœur du vice et l’esprit de l’erreur. Si vous pouviez ne rien faire et ne rien
laisser faire ; si vous pouviez amener votre élève sain et robuste à l’âge de douze ans, sans qu’il sût
distinguer sa main droite de sa main gauche, dès vos premières leçons les yeux de son entendement
s’ouvriraient à la raison ; sans préjugés, sans habitudes, il n’aurait rien en lui qui pût contrarier l’effet
de vos soins. Bientôt il deviendrait entre vos mains le plus sage des hommes ; et en commençant par ne
rien faire, vous auriez fait un prodige d’éducation.
Prenez bien le contre-pied de l’usage, et vous ferez presque toujours bien. Comme on ne veut pas faire
d’un enfant un enfant, mais un docteur, les pères et les maîtres n’ont jamais assez tôt tancé, corrigé,
réprimandé, flatté, menacé, promis, instruit, parlé raison. Faites mieux : soyez raisonnable, et ne
raisonnez point avec votre élève, surtout pour lui faire approuver ce qui lui déplaît ; car amener ainsi
toujours la raison dans les choses désagréables, ce n’est que la lui rendre ennuyeuse, et la décréditer de
bonne heure dans un esprit qui n’est pas encore en état de l’entendre. Exercez son corps, ses organes,
ses sens, ses forces, mais tenez son âme oisive aussi longtemps qu’il se pourra. Redoutez tous les
sentiments antérieurs au jugement qui les apprécie. Retenez, arrêtez les impressions étrangères :
1) Pourquoi Rousseau dit-il que la première éducation « doit […] être purement négative » ? Par quel
adjectif pourrait-on remplacer le terme « négative » ?
2) Formulez en quelques phrases et en vous appuyant sur des citations extraites du texte les principes
de cette éducation.
3) Précisez en quelques phrases les inconvénients d’une telle éducation – si tant est qu’on puisse la
mettre en œuvre.
1) Cette éducation dispensée à l’enfant de 2 à 12 ans serait « négative » au sens où il s’agit de prendre
le contrepied absolu des principes inculqués habituellement aux enfants. Tout d’abord il est urgent
d’attendre, c’est-à-dire de ne rien faire ou de faire le moins possible pour éviter de corrompre la nature
de l’enfant. « Gouverner sans préceptes et […] tout faire en ne faisant rien » : tel doit être le difficile
credo du maître qui voit là la négation-même de sa fonction. Or ce serait pourtant la meilleure des
postures que cette « abstinence » en matière d’éducation puisqu’elle permettrait à l’enfant de grandir
à son rythme et à l’adulte de ne pas vouloir en faire un autre adulte en miniature à coups de contraintes
et de menaces – ce à quoi se résume à cette époque l’éducation magistrale ou parentale. La formule
« laissez mûrir l’enfance dans les enfants » est remarquable : elle souligne précisément le défaut
majeur de l’éducation traditionnelle qui est la négation-même de l’enfance, la négation des tendances
naturelles de l’enfant. Cette éducation « négative » est donc en réalité « naturelle » : il s’agit d’éduquer
en suivant la nature.
2) Outre la prudence et l’abstinence du maître évoquées à l’instant, Rousseau préconise de solli-
citer la sensorialité de l’enfant : « Exercez son corps, ses organes, ses sens, ses forces ». À la fin de
l’extrait, grâce à l’exemple des Spartiates, dont on connaît la force physique et le courage au combat,
Rousseau critique un autre aspect de l’éducation traditionnelle : elle se contente d’imposer à l’enfant
une connaissance livresque qui va « lui rendre la raison ennuyeuse » en l’amenant « toujours dans
les choses désagréables ». À l’inverse, Rousseau propose des « expériences » qui susciteront son
intérêt. Quant à l’éducation morale, elle est inutile : il ne faut pas « enseigner la vertu ni la vérité »
mais « garantir le cœur du vice », c’est-à-dire se contenter d’intervenir lorsque c’est nécessaire pour
protéger l’enfant de faire ou de subir le mal.
3) Rousseau est conscient du caractère utopique de cette éducation qui nécessiterait un isolement quasi
impossible – serait-il même souhaitable ? – de ses semblables et de la société tout entière (avant
dernier paragraphe). Que penser ensuite du fait que l’on tienne éloigné l’enfant jusqu’à douze ans
Texte-Document 2
Kant, Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu, Pédagogie 1776-1787, traduction Barni,
éd. Auguste Durand, 1855, p.187-200
« L’homme est la seule créature qui soit susceptible d’éducation. Par éducation l’on entend les soins (le
traitement, l’entretien) que réclame son enfance, la discipline qui le fait homme, enfin l’instruction avec
la culture. Sous ce triple rapport, il est enfant, — élève, — et écolier. […]
L’espèce humaine est obligée de tirer peu à peu d’elle-même par ses propres efforts toutes les qualités
naturelles qui appartiennent à l’humanité. Une génération fait l’éducation de l’autre. […]
L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce qu’elle le fait. Il est à remarquer
qu’il ne peut recevoir cette éducation que d’autres hommes, qui l’aient également reçue. Aussi le
manque de discipline et d’instruction chez quelques hommes, en fait de très-mauvais maîtres pour leurs
élèves. Si un être d’une nature supérieure se chargeait de notre éducation, on verrait alors ce qu’on
peut faire de nous. Mais, comme l’éducation, d’une part, apprend quelque chose aux hommes, et d’autre
part, ne fait que développer en eux certaines qualités, il est impossible de savoir jusqu’où vont nos
dispositions naturelles. […]
Il n’y a personne qui, ayant été négligé dans sa jeunesse, ne soit capable d’apercevoir dans l’âge mûr en
quoi il a été négligé, soit dans la discipline, soit dans la culture (car on peut nommer ainsi l’instruction).
Celui qui n’est point cultivé est brut ; celui qui n’est pas discipliné est sauvage. Le manque de discipline
est un pire mal que le défaut de culture, car celui-ci peut encore se réparer plus tard, tandis qu’on ne
peut plus chasser la sauvagerie et corriger un défaut de discipline. Peut-être l’éducation deviendra-t-
elle toujours meilleure, et chacune des générations qui se succéderont fera-t-elle un pas de plus vers
le perfectionnement de l’humanité ; car c’est dans le problème de l’éducation que gît le grand secret
de la perfection de la nature humaine. On peut marcher désormais dans cette voie. Car on commence
aujourd’hui à juger exactement et à apercevoir clairement ce qui constitue proprement une bonne
éducation. Il est doux de penser que la nature humaine sera toujours mieux développée par l’éducation
et que l’on peut arriver à lui donner la forme qui lui convient par excellence. Cela nous découvre la
perspective du bonheur futur de l’espèce humaine ».
Enfin le dernier paragraphe ouvre sur un paradoxe passionnant : Kant n’évite pas le problème soulevé
par Rousseau quant à la contradiction entre le principe d’obéissance ou de soumission inhérent dans
l’éducation (par sa partie « négative » en tout cas) et l’exercice de sa liberté.
Retenons à l’orée de notre réflexion cette dernière formule qui relie éducation et apprentissage de la
liberté.
Introduction
La recherche de soi, c’est-à-dire la quête d’identité, qui va être un des enjeux majeurs de la période
moderne, passe nécessairement par la question de l’éducation. Bien avant l’époque romantique, le siècle
des Lumières posa cette question au centre de sa réflexion philosophique : comment aider l’homme à
s’accomplir, à devenir meilleur et à être libre ? Comment l’aider à se réaliser ? La figure de l’enfant et
celle de l’adolescent à sa suite s’imposent alors comme paradigme de cette question de la formation du
moi à travers l’éducation qui mènera à l’émancipation.
En effet, pour les philosophes des Lumières, il ne saurait y avoir d’émancipation sans accès au savoir.
On se rappelle bien sûr la fameuse réponse de Kant dans Qu’est-ce que les Lumières : « Qu’est-ce que
les lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité, dont il est lui-même responsable…. puisque la cause
[de sa minorité] en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et
de courage de s’en servir sans la direction d’autrui »2 . Kant associe ici de façon fondatrice pour les
siècles qui suivront l’éducation et l’émancipation, c’est-à-dire la capacité d’un individu à penser par
lui-même, à s’affranchir des tutelles, qu’elles soient religieuse, familiale ou magistrale. Cette sortie de
la minorité, l’affranchissement d’un sujet par rapport aux maîtres à penser, est, selon les Lumières la
seule voie possible pour accéder au statut de sujet, y compris sur le plan politique. Accéder au savoir,
de quelque façon que ce soit, est la seule façon de s’affranchir et de devenir libre, au sens politique du
terme. Penser, s’interroger sur le monde, c’est aussi être un citoyen. On voit ainsi se dessiner les enjeux
de l’association de ces trois termes et celle-ci devra être pour nous le fil rouge de cette séquence :
l’éducation doit mener à la liberté. C’est pourquoi, depuis les Lumières, la littérature, la philosophie
et les arts vont reprendre à leur compte cette question en montrant quelles voies peut emprunter un
individu pour devenir un sujet, libre de penser, d’agir, de gouverner et de se gouverner. La question
politique est donc intimement associée à la question de l’éducation. Et nous l’allons montrer dans les
pages suivantes.
Initiée au XVIIIe siècle, cette réflexion sur une éducation émancipatrice va traverser le XIXe siècle,
principalement dans la production romanesque chez Stendhal, Hugo et Balzac en nous montrant
l’ascension de héros et les conflits sociaux et politiques qui entravent l’accomplissement de leurs vœux.
Le roman d’ascension est un des genres du romantisme : le héros romantique cherche à s’affranchir
de sa famille, de son milieu, de la société entière pour se réaliser ; il croise des figures auxquelles il va
s’identifier, parfois des héros politiques qui donnent un sens au parcours du héros. Nous verrons que la
société, la famille, l’école, loin de prendre en charge la formation des individus, les entravent : les héros
romantiques sont des personnages qui vont se construire seuls CONTRE la société. Leur émancipation,
présentée comme un processus d’auto-transformation et d’auto-formation est l’objet de nombreux récits
à la première personne qu’ils soient autobiographiques ou de fiction.
Reprenons les choses maintenant d’un peu plus haut, c’est-à-dire au siècle des Lumières, pour poser
les fondements de notre réflexion sur l’éducation et l’émancipation.
2 « Qu’est-ce que les lumières » ? (déc. 1784), trad. S. Piobetta, op. cit. p. 83
Activité :
Lecture et analyse de documents-images.
3 P. Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime, Points Seuil, 1960.
Image 1 Image 2
Anne-Louis Girodet Portrait du Docteur Trioson Anne-Louis Girodet Benoît Agnès Trioson regardant
donnant une leçon de géographie à son fils (1803) des figures dans un livre (1797)
Pour accéder à des informations sur cette œuvre,
cliquez sur ce lien :
https://webmuseo.com/ws/musee-girodet/app/
collection/record/82?vc=ePkH4LF7w6yelGA1CLiiIj
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1) Décrivez les deux scènes en vous concentrant sur le thème de l’éducation et de la transmission. Vous
réfléchirez notamment au rôle des objets présents dans les deux œuvres. Quels principes d’éducation
suivent les deux scènes ? Montrez les ressemblances et les différences entre les deux toiles. Reportez-
vous aux pages web du Musée Girodet proposés en lien ci-dessus.
2) Répondent-elles aux principes prônés par Rousseau dans l’extrait de L’Émile que nous avons lu et
analysé dans l’introduction ? Donnez des réponses distinctes et nuancées pour les deux tableaux.
A. La Leçon de géographie
Ce tableau est une excellente illustration de notre problématique qui associe l’éducation et la
transmission : le sujet du tableau est précisément la fusion de l’éducation et de l’amour par la
transmission du savoir. En effet, le Docteur Trioson et son fils sont très proches : leurs mains qui
s’entremêlent au-dessus du globe et le regard paternel posé tendrement sur le visage de l’enfant
prouvent la tendre sollicitude du père. Le globe terrestre, situé au centre du tableau, est l’objet qui unit
le père et l’enfant : c’est donc bien la leçon de géographie qui est le sujet du tableau, ici étroitement
associée à l’amour entre le père et le fils. L’index du père pointé sur le globe montre l’intention
pédagogique et l’index du fils indique la transmission de la leçon.
On notera également la présence du livre fermé à côté du globe : l’éducation livresque est certes le
fondement du savoir, puisque la main du fils repose sur le livre, mais celle-ci ne saurait suffire et doit
faire place à l’observation directe d’objets d’étude. La présence de la grappe de raisin posée au premier
plan sur la table est à cet égard significative : il s’agit de rappeler que l’observation des objets de la
nature (ce que l’on appellera plus tard la « leçon de choses ») est fondamentale dans la construction du
4
savoir à l’époque des Lumières .
Cependant ce même motif de la grappe de raisin peut fournir une autre entrée, spirituelle cette fois, au
tableau. En effet, notamment dans la nature morte au XVIe et XVIIe siècle, le raisin est traditionnellement
un symbole associé au Christ et signifie – par l’intermédiaire de l’Eucharistie5 – le pouvoir de
rédemption de Jésus. Cette valeur symbolique renvoie, en retour, au globe terrestre qui est associé,
dans l’iconographie chrétienne, au pouvoir universel du Christ sur le monde. Il ne s’agit certes pas de
tirer de ces deux éléments symboliques le propos essentiel du tableau, mais ils ne sont sans doute pas
anodins : façon pour Girodet d’inscrire la scène dans une dimension discrètement spirituelle et donc
d’associer l’éducation intellectuelle à l’éducation morale. Le globe et le raisin sont d’ailleurs des motifs
qui appartiennent à l’iconographie traditionnelle des « vanités », ces peintures à thème moral rappelant
la fugacité de la vie.
Un dernier objet attire notre attention : que signifie la présence du buste d’Hippocrate représenté à
l’arrière-plan dans l’ombre ? Le père étant médecin, Hippocrate représente le modèle du savoir antique
qui a été légué à la science médicale. Mais le docteur est tourné vers l’enfant, donc vers l’avenir, le
progrès, et c’est grâce à la transmission de valeurs que celui-ci va s’épanouir. De même, le livre sur
lequel s’appuie la main du jeune Benoît- Agnès est le récit autobiographique de la conquête des Gaules
par César. Ouvrage antique représentant la transmission du savoir classique mais aussi modèle de
réalisation de soi par la conquête militaire, ce qui peut être une discrète allusion du peintre aux récentes
campagnes victorieuses du général Bonaparte, qui, en 1803, peut servir de modèle au jeune enfant.
2) Comparons maintenant ces deux tableaux avec les idéaux pédagogiques de l’Émile.
En mettant ainsi en scène une tension psychologique chez l’enfant, Girodet réfléchit au paradoxe de
l’éducation qui veut prendre en compte la nature de l’enfance et lui impose les contraintes de l’éducation.
Le propos du peintre est finalement ambigu : si le livre reste une donnée incontournable pour une
époque aussi avide de connaissances, son usage doit cependant être tempéré par d’autres méthodes
d’apprentissage prenant davantage en compte la nature de l’enfant. Le besoin d’être aimé et le besoin de
jouer sont des éléments indispensables à l’enfant pour s’épanouir, « devenir » soi et grandir.
Activité :
Lisez l’extrait suivant puis répondez au brouillon aux questions qui suivent.
Dans cet extrait du chapitre IV, le lecteur fait la connaissance de Julien, au sortir de l’adolescence, au moment
où son père vient lui apprendre que M. de Rênal, le maire du village, souhaite l’engager comme précepteur
de ses enfants. Le tout jeune homme vit déjà dans l’amour des livres et il étudie le latin dans l’espoir d’entrer
dans la carrière ecclésiastique.
« En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne répondit.
Il ne vit que ses fils aînés, espèce de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs
de sapin, qu’ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur
la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils n’entendirent pas la
voix de leur père. Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place
qu’il aurait dû occuper, à côté de la scie. Il l’aperçut à cinq ou six pieds plus haut, à cheval sur l’une des
pièces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement l’action de tout le mécanisme, Julien lisait. Rien
n’était plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre
aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse :
il ne savait pas lire lui-même.
Ce fut en vain qu’il appela Julien deux ou trois fois. L’attention que le jeune homme donnait à son livre,
bien plus que le bruit de la scie, l’empêcha d’entendre la terrible voix de son père. Enfin, malgré son âge,
celui-ci sauta lestement sur l’arbre soumis à l’action de la scie, et de là sur la poutre transversale qui
soutenait le toit. Un coup violent fit voler dans le ruisseau le livre que tenait Julien ; un second coup aussi
violent, donné sur la tête, en forme de calotte, lui fit perdre l’équilibre. Il allait tomber à douze ou quinze
pieds plus bas, au milieu des leviers de la machine en action, qui l’eussent brisé, mais son père le retint
de la main gauche comme il tombait.
« Eh bien, paresseux ! tu liras donc toujours tes maudits livres, pendant que tu es de garde à la scie ?
Lis-les le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curé, à la bonne heure. »
Julien, quoique étourdi par la force du coup, et tout sanglant, se rapprocha de son poste officiel, à côté
de la scie. Il avait les larmes aux yeux, moins à cause de la douleur physique, que pour la perte de son
livre qu’il adorait.
1) Caractérisez le milieu social auquel appartient le héros. Quelles valeurs dominent ce milieu ?
Pourquoi Julien y apparaît-il comme étranger ?
2) Pourquoi le livre et la lecture cristallisent-ils la haine réciproque du père et du fils ?
3) En vous aidant de l’encadré concernant le Mémorial de Sainte Hélène, expliquez le rôle que joue
l’ouvrage pour Julien. De quoi est-il le symbole entre le père et le fils ?
2) Stendhal place la lecture au cœur des conflits entre le héros et son père : le livre est la matrice de ses
ambitions et l’énergie dans laquelle il puise sa révolte et sa haine. Par son goût de la lecture, Julien
montre à son père ses qualités intellectuelles qui renvoient ce dernier à son impuissance dans ce
domaine (« il ne savait pas lire lui-même »). Le dialogue entre le père et le fils se réduit à des invec-
tives de la part du père qui renvoie au fils son incapacité à obéir aux injonctions paternelles : « pares-
seux », « maudits livres », « Lis-les le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curé », « animal ».
Ces insultes sont la marque de la haine du père pour le savoir et les livres dont il ne peut dissocier ce
fils. D’un côté virilité et force brutale, de l’autre un goût du savoir qui pourrait passer auprès du père
pour un manque de virilité. Le lecteur comprend vite de quel côté penche le cœur du romancier et se
range du côté de l’intelligence.
« Ai-je été nourri par ma mère ? » ; voici la première phrase de L’Enfant, question à laquelle le principal
concerné ne peut répondre puisqu’il se place alors en amont de la mémoire infantile. En revanche, de la
violence, l’enfant se souvient : « je n’ai pas été dorloté, tapoté, baisoté ; j’ai été beaucoup fouetté ».
Élevé sous les coups, Jacques grandit donc de manière accélérée, dans cette brutalité, voleuse
d’innocence : « Je suis grand, je vais à l’école ». La juxtaposition de ces deux propositions et l’ordre choisi
sont révélateurs : ce n’est pas l’école qui a fait grandir l’enfant. Mais alors, pour celui qui à dix ans se
considère « déjà grand » (Chapitre II « La Famille »), que lui réserve la suite de son éducation ?
Dans le premier chapitre de L’Enfant, l’« école » n’est évoquée qu’en tant que
bâtiment ; une « belle petite école » dans une « belle rue ». Elle est donc présentée
positivement mais de manière expéditive. En revanche, le passage au « collège »
aura son chapitre.
Dans le chapitre III, le collège du Puy-en-Velay est immédiatement comparé à un
lieu d’incarcération, ce qui le rapproche de la maison familiale qui est, elle, située dans la même rue
que la prison. L’établissement scolaire est touché par la dégradation – « le collège moisit, sue l’ennui
et pue l’encre » – un tel lieu rendant difficile, voire impossible toute émancipation. Cette énumération
retrouve en fin de paragraphe un écho sonore, quand le narrateur s’exclame : « Quelle odeur de vieux ! »
Dans la suite du chapitre, tandis que c’est la figure du père – maître d’études dans ce collège – qui
devient la source des moqueries (cf. B. 1. La figure autoritaire du père-maître : Le patriarcat fragilisé),
deux formes d’apprentissage sont évoquées : la lecture de l’œuvre écrite par le proviseur Hennequin
(cf. Un extrait à épingler) et une démonstration du professeur de philosophie. M. Beliben, pour prouver
l’existence de Dieu, utilise « petits morceaux de bois » et « haricots ». De prime abord, un apprentissage
ludique, adapté à la jeunesse des apprenants. Mais cela devient vite une leçon ridicule qui s’achève
brusquement : les quatre majuscules « C.Q.F.D. » clôturent le chapitre et résonnent avec ironie.
Activité :
Au brouillon, à partir de votre lecture du texte et de votre observation du tableau ci-dessous, vous
répondrez aux questions qui suivent en vous efforçant d’être le plus précis possible.
… et un tableau à admirer !
1) En quoi le narrateur présente-t-il la lecture des Vacances d’Oscar comme un événement miraculeux ?
La « vénération profonde » évoquée par le narrateur fait de la lecture des Vacances d’Oscar un moment
miraculeux, proche de l’épiphanie. L’objet-livre devient – par sa description – une relique, à l’apparence
misérable mais au contenu précieux. Celui-ci est qualifié de « malheureux » ; il « poisse » les mains du
lecteur, s’ouvre difficilement et est imprimé sur du papier de mauvaise qualité. Toutefois, de cette triste
enveloppe s’échappe « une impression de fraîcheur » et un « grand filet » lumineux. De plus, la précision
du souvenir lui-même affère à l’histoire racontée une force surnaturelle. Enfin, l’intertexte religieux est
difficilement discutable, l’épisode de la pêche miraculeuse retrouvant ici une récriture profane limpide.
3) La pêche miraculeuse est un épisode de la Bible à la suite duquel Simon, Jacques et Jean deviennent
apôtres. Juste après le miracle, Jésus dit à Simon (qui deviendra Pierre) :
« Désormais, tu seras pêcheur d’hommes ».
— Dans le contexte biblique, quel sens donnez-vous à cette phrase ?
C’est en voulant rassurer Simon qui a peur d’avoir commis une faute auprès de Jésus que ce
dernier lui déclare : « Désormais, tu seras pêcheur d’hommes ». Celui qui deviendra l’apôtre Pierre
a donc pour mission de « ramasser » dans ses filets les Hommes afin de les mener sur le chemin
de la foi et de les empêcher d’être de mauvais « pêcheurs ».
— Dans le contexte du roman, quel sens pourrait-on donner à cette phrase ?
Le « pêcheur d’hommes » pourrait devenir une périphrase désignant l’écrivain qui accapare dans
ses filets – c’est-à-dire dans ses pages – les lecteurs pour qu’ils deviennent à leur tour des trans-
metteurs du bon savoir ou même des auteurs.
Enfance battue que celle de Jacques Vingtras. De sa mère, point de douceur, de son père
point d’attention. Les passages de la maison à l’école puis de l’école au collège ne sont en
rien salvateurs, ces espaces s’approchant à chaque fois – au propre ou au figuré – d’une
prison.
Grand avant l’âge, le narrateur Jacques Vingtras devient l’auteur de sa propre histoire : il (d)écrit
l’enfance qu’il n’a pas eue, distinguant au fil de son parcours des figures tutélaires qui feront de lui le
« Bachelier » puis l’« Insurgé ». Dans la dernière page de ce troisième tome, il déclare : « Je viens de
passer un ruisseau qui est la frontière »
Dans un coin de ce chapitre, le « grand filet » passe de nouveau…
Crédits
Figure 1 : E
lisabeth Vigée Le Brun, Marie-Antoinette et ses enfants, 1787
Huile sur toile, 275 x 215 cm. Versailles, Château de Versailles
Figure 2 : A
nne-Louis Girodet de Roussy-Trioson, La leçon de géographie, 1803
Huile sur toile, 101 x 79 cm. Montargis, Musée Girodet
Figure 3 : A
ntoine-Jean Gros, Le Général Bonaparte au pont d’Arcole le 17 novembre 1796, 1796.
Huile sur toile, 130 x 94 cm. Versailles, Château de Versailles
Figure 4 : J
ean Jouvenet, La Pêche miraculeuse, 1706.
Huile sur toile, 3,92 x 6,64 m. Paris, musée du Louvre
Aux enfants « tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents » : c’est à eux que Jules Vallès dédie son
œuvre. Dans ce propos liminaire, le père est doublement représenté. En effet, le personnage de M. Vingtras est à la
fois maître et parent, tyran et violent. Cependant, contrairement à la mère qui bat l’enfant, la figure paternelle est
coupable d’une violence plus sourde, spectatrice passive des coups donnés par son épouse.
Reprendre le parcours du père dans ce premier volet de la trilogie nous permettra donc d’interroger conjointe-
ment les figures paternelle et enseignante qui ne seront ni dans l’éducation, ni dans la transmission mais qui ainsi,
paradoxalement, permettront l’émancipation du jeune Vingtras.
Dans le chapitre inaugural dédié à l’épouse Vingtras (cf. A.3.), la première évocation du père est celle
d’un homme blessé. Alors qu’il fabrique un chariot pour son jeune fils, il s’enfonce un outil tranchant
dans la main. Immédiatement, la mère rejette la faute sur Jacques et l’enfant de devenir ainsi l’innocent-
coupable qu’il restera longtemps, surtout aux yeux de celle qui lui a donné naissance…
Mais qui est véritablement ce père « blessé » ? Quelle est son histoire ? Si le récit suit bien le parcours de
l’« enfant », le parcours du père nous est dévoilé conjointement.
Toujours dans ce chapitre I, une analepse mentionne les origines paysannes du père et son abandon du
séminaire pour devenir bachelier : « Mon père – celui qui devait être mon père – n’y est pas resté, a voulu
être bachelier arriver aux honneurs… »
La formule entre crochets peut se lire de deux manières : à cet instant, le « père » ne l’est pas encore
mais le lecteur peut s’interroger sur la réalisation effective de ce devoir ; sera-t-il vraiment, après la
naissance de Jacques, un « père » ?
Figure 1. « Une émeute », Honoré Daumier, 20 novembre 1845. Caricature publiée dans le Charivari.
Dans le chapitre « Le retour », Jacques revient à Nantes et sa décision est prise : il arrêtera ses études
et « VEU[T] ÊTRE OUVRIER7 », inversant le mouvement émancipateur du père qui a tout fait pour sortir
du monde paysan dont il était originaire. Les derniers efforts autoritaires du père sont vains ; la mise au
point « Vous êtes mon fils, je suis votre père » n’atteindra pas sa cible et restera lettre morte… Toutefois,
L’Enfant ne s’arrête pas avec ce « retour » ; dans « La délivrance », la relation père-fils se complexifie.
7 En majuscules dans le texte.
Dans une version moderne du père déshonoré à venger, Jacques se mue en Rodrigue
pour se battre en duel contre le frère d’un élève frappé par M. Vingtras. Blessé, c’est
avec un pantalon taché de sang que le personnage entre « dans la vie d’homme ».
Un extrait à épingler…
Dans ces quelques lignes extraites de L’Insurgé, dernier volet de la trilogie, Jacques évoque ses « blessures »
d’enfance, stigmates de la jeunesse perdue :
« J’ai pris des morceaux de ma vie, et je les ai cousus aux morceaux de la vie des autres, riant quand l’envie m’en
venait, grinçant des dents quand des souvenirs d’humiliation me grattaient la chair sur les os – comme la viande
sur un manche de côtelette, tandis que le sang pisse sous le couteau.
Mais je viens de sauver l’honneur à tout un bataillon de jeunes gens qui avaient lu les Scènes de Bohème11 et qui
croyaient à cette existence insouciante et rose, pauvres dupes à qui j’ai crié la vérité ! […]
Je ne les plaindrai pas, moi qui ai déchiré les bandages de mes blessures pour leur montrer quel trou font, dans un
cœur d’homme, dix ans de jeunesse perdue ! »
L’Insurgé, extrait du chapitre III, 1886.
8 Idem.
9 Idem.
10 Jacques est avec sa mère.
11 La lecture des Scènes de Bohème renvoie à l’œuvre de Henri Murger Scènes de la vie de Bohème qui paraît en 1851.
Activité :
Au brouillon, à partir de votre lecture des deux extraits proposés, vous répondrez brièvement aux
questions qui suivent en vous efforçant d’être le plus précis possible.
1) Dans l’extrait de L’Enfant, à quel autre épisode du récit peut-on relier la blessure par la lame de
Jacques ?
2) Dans l’extrait de L’Enfant, quel sens symbolique peut-on donner à la tache de sang ?
3) Dans l’extrait de L’Insurgé, relevez les deux métaphores utilisées par le narrateur. Que pensez-vous de
leur utilisation ?
4) Entre L’Enfant et L’Insurgé, Jacques a grandi et a pris sa vie en main. Comment, à la simple lecture de
ces deux extraits, le comprend-on ?
1) Dans l’extrait de L’Enfant, à quel autre épisode du récit peut-on relier la blessure par la lame de
Jacques ?
Le premier chapitre décrivait la blessure du père lors de la fabrication d’un jeu pour son fils (cf. A. 3.),
blessure pour laquelle Jacques était désigné coupable par sa mère. Dans le dernier chapitre, la blessure
reçue par Jacques peut se lire comme une entreprise de réparation. Mais cette fois, la mère lave la plaie
au sens propre plutôt que de l’agrandir comme elle l’avait fait au sens figuré quelques années plus tôt.
2) Dans l’extrait de L’Enfant, quel sens symbolique peut-on donner à la tache de sang ?
La tache de sang peut se lire comme l’empreinte symbolique du père et plus largement de la famille ;
une marque indélébile qui suivra éternellement l’enfant devenu adulte. Au doute de la mère – « Je
ne sais pas si le sang s’en ira… », succède sa certitude : « Tu vois, ça ne s’en va pas… » Le narrateur
souligne le « soin » que met sa mère dans l’accomplissement de cette tâche, seul soin qu’elle a toujours
donné, non pour son fils mais pour son apparence.
3) Dans l’extrait de L’Insurgé, relevez les deux métaphores utilisées par le narrateur. Que pensez-vous
de leur utilisation ?
Dans cet extrait, le narrateur utilise deux métaphores. La première est celle de la blessure, la plaie
étant à la fois cicatrisée et rouverte par l’écriture : « J’ai pris des morceaux de ma vie, et je les ai cousus
aux morceaux de la vie des autres […] moi qui ai déchiré les bandages de mes blessures ». La seconde
est celle de la viande coupée au couteau : « comme la viande sur un manche de côtelette, tandis que le
sang pisse sous le couteau ». Ces deux métaphores sont liées par le sang, rappelant la blessure non
guérissable de l’enfant battu, encore à vif dans ce « cœur d’homme » qui trouve dans l’écriture la voie de
l’insurrection.
4) Entre L’Enfant et L’Insurgé, Jacques a grandi et a pris sa vie en main. Comment, à la simple lecture de
ces deux extraits, le comprend-on ?
Tandis que dans le premier extrait, Jacques « veut » se lever sans y parvenir, se fait apporter ses
vêtements par sa mère qui les lui lave, dans le second extrait, il est l’acteur de ses gestes : il « prend »
des morceaux de sa vie, il « coud » et se présente en sauveur d’un « bataillon de jeunes gens ». Non
pas seul contre tous mais seul pour tous, il est devenu un guide, détenteur de la vérité. Un guide
intransigeant qui refuse de plaindre les « dupes » de la société, ceux à qui la vie n’a pas encore fait
comprendre que l’existence n’est ni « insouciante », ni « rose » mais qu’elle a plutôt la couleur du sang…
La figure du père est donc blessée du début à la fin de L’Enfant, non pas tant par Jacques
comme la mère aime le laisser croire mais par cette mère elle-même, une épouse avec
laquelle il ne communique pas. Dans ce récit de formation du père, on découvre un homme
à la puissance limitée, dénigré par ses élèves mais aussi par ceux qui devraient être ses
semblables. Le fils de paysan qui semble avoir rêvé d’échapper à sa condition se retrouve frappé par le
déterminisme en découvrant que son fils refuse de poursuivre ses études. C’est à l’école de la rue que
Jacques décide de livrer son éducation, tentant d’effacer constamment la tache de sang d’un enfant
battu qui veut désormais se battre pour les droits de ceux que l’on n’entend pas, de ceux qui ne savent
pas encore écrire et qui ne le sauront peut-être jamais…
Comme le montre cette métaphore guerrière de l’écrivain Charles Péguy, l’instituteur devient le véritable
« bras armé » de la République. Il cumule presque toutes les fonctions : si sa mission principale
est d’enseigner l’écriture, le calcul, la géographie, l’histoire de France, les sciences naturelles et la
gymnastique, le « maître » est aussi propagandiste du progrès et professeur de morale. Chaque matin, il
écrit une maxime au tableau et la commente pour ses élèves comme le montre l’iconographie de l’époque
(reportez-vous à l’activité 2 qui vous est proposée ci-dessous). Il se fait aussi éducateur en inculquant les
règles de l’hygiène, encore peu répandues dans les classes les plus pauvres, et développe une instruction
civique nécessaire à la fabrication de bons citoyens. L’instituteur, issu d’un milieu modeste, paysan puis
ouvrier, considère sa fonction comme un véritable sacerdoce laïc. Devenir instituteur est une promotion
même si l’instituteur gagne alors moins qu’un mineur. On comprend mieux toute l’ambiguïté sociale dont
est porteur la figure de l’enseignant de la Troisième République, admiré pour son savoir mais qui reste
– par vocation sans doute – du côté des pauvres dont il est issu et qu’il aspire à élever socialement en
transmettant le savoir fondamental.
La Troisième République est proclamée par la foule parisienne le 4 septembre 1870 à la suite du désastre de
Sedan qui scella la défaite de la France dans la guerre contre la Prusse,. Cette défaite entraîna la déchéance de
Napoléon III et la proclamation de la République. Après avoir fait face à l’insurrection de la Commune de Paris
(18 mars 1871 – 28 mai 1871) et évité une restauration de la monarchie, le nouveau régime veut consolider la
République en se dotant de nouvelles mesures constitutionnelles. Cet ensemble de mesures a d’abord et avant
tout une visée politique : il s’agit de renforcer l’unité nationale autour de mesures simples et fortes qui vont
donner à la France les grands principes et les grandes valeurs qu’elle continue d’incarner. Jules Ferry (1832-
1893), un des fondateurs de la République, est plusieurs fois ministre de l’instruction et président du Conseil
des ministres. Fervent admirateur de Condorcet, il fait passer l’égalité sociale par l’égalité d’éducation : il a foi
dans l’émancipation par l’instruction. Les lois dites « Jules Ferry » (votées entre 1879 et 1886) se déclinent en
trois temps forts constitués autour des trois grands principes républicains : gratuité absolue de l’enseignement
primaire, obligation de cet enseignement, et laïcité des maîtres et de leur enseignement. Ces lois scolaires,
associées à la séparation de l’Église et de l’État, à une foi patriotique et à la fidélité aux grands idéaux de la
démocratie vont accélérer le processus de démocratisation de la société française de façon durable. L’ensei-
gnement devient un droit pour l’enfant et le père de famille doit s’y soumettre : l’État met ainsi une limite au
pouvoir du père sur ses enfants, en même temps qu’il interdit au curé d’entrer dans l’école publique.
Activité 1 :
Lisez le texte suivant puis répondez au brouillon aux
questions qui suivent :
1) Retrouvez dans cet extrait les grands principes évoqués dans l’encadré sur les lois Jules Ferry.
2) Montrez que Ferry tente d’encadrer strictement la profession de l’instituteur mais aussi de le rassurer
sur son rôle.
Activité 2 :
Visionnez la vidéo que vous trouverez dans cette page consacrée au développement des écoles
e
primaires à la fin du XIX siècle : descendez à la rubrique « Animations », faites apparaître la
photographie puis cliquez dessus pour faire apparaître la vidéo de 4 minutes. Vous écouterez l’analyse
de deux photographies d’une classe de la commune d’Helemmes dans le nord de la France.
https://www.histoire-image.org/fr/etudes/developpement-ecoles-primaires-fin-xixe-siecle
Après avoir écouté le commentaire des photographies, essayez de formuler quelques remarques
concernant les stéréotypes de genre et les principes hygiénistes en vigueur dans l’enseignement
e
primaire de la fin du XIX siècle.
« La cécité aux inégalités sociales condamne et autorise à expliquer toutes les inégalités,
particulièrement en matière de réussite scolaire, comme inégalités naturelles, inégalités de
dons13. Pareille attitude est dans la logique d’un système qui, reposant sur le postulat de l’égalité
formelle de tous les enseignés, condition de son fonctionnement, ne peut reconnaître d’autres inégalités
que celles qui tiennent aux dons individuels. Qu’il s’agisse de l’enseignement proprement dit ou de la
sélection, le professeur ne connaît que des enseignés égaux en droits et en devoirs : si, au cours de
l’année scolaire, il lui arrive d’adapter son enseignement à certains, c’est aux « moins doués » qu’il
s’adresse et non aux plus défavorisés par leur origine sociale ; de même si, le jour de l’examen, il prend
en compte la situation sociale de tel candidat, ce n’est pas qu’il le perçoive comme membre d’une
catégorie sociale défavorisée, c’est au contraire qu’il lui accorde l’intérêt d’exception que mérite un cas
social » (P. Bourdieu et J.-C. Passeron, Les Héritiers, Éd. De Minuit, 1969, p.103)
En prenant pour objet l’école républicaine, qui s’est voulue dans ses principes strictement égalitaire, la
sociologie nous invite encore une fois à réfléchir – en tant qu’individus et en tant qu’enseignants – au
débat entre nature et culture. Quel est le rôle des facteurs innés et des facteurs acquis dans l’éducation
et dans le développement des facultés intellectuelles ? Grâce à Bourdieu et Passeron nous comprenons
de quel mirage nous avons été victimes. Les qualités que nous considérons trop facilement comme
naturelles (« cet.te élève est bien doué.e ou exceptionnellement intelligent.e ») peuvent en réalité
s’expliquer autrement : ces « dons » peuvent en réalité venir d’un ensemble de déterminations socio-
économiques, ce que les auteurs appellent « l’héritage culturel ». Les plus « doués » seraient en somme
des « héritiers ».
On voit ainsi que la question de la transmission du savoir qui est au cœur des préoccupations et des
prérogatives de l’école vient percuter la transmission de facteurs socio-économiques qui peuvent aller à
l’encontre des principes mêmes de l’égalitarisme républicain.
12 Voir supra dans notre point A. le rôle des Lumières dans l’édification de ce mythe (Rousseau et Condorcet notamment).
13 « […] la recherche sociologique se doit de suspecter et de déceler méthodiquement l’inégalité culturelle socialement condi-
tionnée sous les inégalités naturelles apparentes puisqu’elle ne doit conclure à la « nature » qu’en désespoir de cause ». (Note
des auteurs.)
Les lois Jules Ferry ont profondément et durablement façonné l’école française publique,
en en faisant une arme pour consolider la nation et pour former des citoyens et des
patriotes. L’école de la République a également profondément modifié les rapports intra-
familiaux en ouvrant pour les enfants un espace dans lequel le père n’incarnait plus la
loi. En prenant ainsi en charge l’éducation des enfants, en plus de l’éducation que ceux-ci reçoivent à la
maison, l’État souhaite les émanciper des influences religieuses prédominantes de l’Église. Cependant,
comme l’a montré la sociologie, l’École n’est pas à l’abri des inégalités et elle peut même devenir à son
tour productrice (et même reproductrice) d’inégalités, soit en développant des stéréotypes de genre, soit
en maintenant un système qui perpétue les déterminismes sociaux.
Crédits
Figure 1 : H
onoré Daumier, Album Professeurs et moutards, « une émeute », 1845-1846.
Lithographie, 255 mm x 178 mm. Delteil 1441. Publié dans Le Charivari, le 20 décembre 1845.
BnF, département des Estampes et photographie
Comme nous avons pu le voir précédemment, la figure de l’écrivain apparait explicitement dans L’Enfant sous les
traits du proviseur, auteur des Vacances d’Oscar (cf. Mon marque-page n°1). Cependant, au cœur d’une démarche
autobiographique, la figure du personnage-écrivain est omniprésente : le lecteur sait que l’enfant qu’il voit grandir
et agir dans le temps de l’histoire est aussi, dans le temps de l’écriture, l’adulte et l’écrivain devenus.
Lorsqu’un écrivain se lance dans une démarche autobiographique, la mise en abyme est inévitable
et même consubstantielle : le mouvement d’analepse le renvoie à observer et à comprendre ce
qui a fait advenir l’écrivain, sans qui l’autobiographie ne serait pas. Au XXe siècle, Marcel Proust va
imposer avec la Recherche un modèle à la fois admirable et inspirant, encourageant tout autant que
décourageant pour des générations d’auteurs qui l’admirent mais le savent aussi indépassable ! Quant
aux prédécesseurs de Jules Vallès, ils ne sont pas moins intimidants et trois écrivains se distinguent :
Montaigne et ses Essais (Première parution en 1580), Rousseau et ses Confessions (Première version en
1767), Chateaubriand et ses Mémoires d’outre-tombe (sous forme de feuilleton en 1848). Ces trois titres –
« Essais », « Confessions » et « Mémoires » – deviennent même les parangon de l’écriture de soi.
Si Chateaubriand est le plus proche chronologiquement de Jules Vallès, c’est l’intertexte rousseauiste
qui est le plus apparent dans son œuvre, et ce précisément dans L’Enfant dont le premier chapitre
consacré à la « mère » (cf. A.3.) est le reflet d’un miroir inversé du début des Confessions : tandis que
Jean-Jacques « coût[e] la vie à [s]a mère », Jacques présente une figure maternelle qui, par ses coups,
lui a coûté son enfance. De ces coups émane alors une seconde référence, encore plus explicite avec
l’épisode de la « fessée », expérience on le sait décisive pour Rousseau et « premier souvenir » pour
Vallès.
Si le premier souvenir de Jacques est donc lié à la violence, celui de Jean-Jacques est lié à la lecture,
comme il l’écrit dans le premier tome de ses Confessions où le temps des « premières lectures » est la
date de départ de « la conscience de [s]oi-même ». Force est de constater que la figure du lecteur est
plus fréquemment mise en mots que celle de l’écrivain ; elle la précède et en est à l’origine. Quand elle
Un extrait à épingler…
L’adulte se cache entre les lignes quand est soulignée l’épaisseur de son récit. Cette épaisseur du temps – différence
subtile entre le temps de l’histoire et le temps de l’écriture – est particulièrement mise en avant dans l’extrait épinglé.
Soyez attentif et vous entendrez en fond sonore la voix de Jules Vallès à travers celle de Jacques Vingtras !
« Un jour je jetais une croûte, mon père est allé la ramasser. Il ne m’a pas parlé durement comme il le fait toujours.
« Mon enfant, m’a-t-il dit, il ne faut pas jeter le pain ; c’est dur à gagner. Nous n’en avons pas trop pour nous, mais
si nous en avions trop, il faudrait le donner aux pauvres. Tu en manqueras peut-être un jour, et tu verras ce qu’il
vaut. Rappelle-toi ce que je te dis là, mon enfant ! »
Je ne l’ai jamais oublié.
Cette observation, qui, pour la première fois peut-être dans ma vie de jeunesse, me fut faite sans colère, mais avec
dignité, me pénétra jusqu’au fond de l’âme ; et j’ai eu le respect du pain depuis lors.
Les moissons m’ont été sacrées, je n’ai jamais écrasé une gerbe, pour aller cueillir un coquelicot ou un bleuet ;
jamais je n’ai tué sur sa tige la fleur du pain !
Ce qu’il me dit des pauvres me saisit aussi, et je dois peut-être à ces paroles, prononcées simplement ce jour-là,
d’avoir toujours eu le respect, et toujours pris la défense de ceux qui ont faim. »
Rimbaud écrit ce poème le 20 septembre 1870, soit deux semaines après la grande journée d’émeute parisienne le
4 septembre qui a entraîné le renversement du second Empire. Il sera publié de manière posthume, en 1895, dans le
recueil Poésies.
« Les effarés »
« Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,
À genoux, cinq petits, — misère ! —
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.
Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain ;
Quand, sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées,
Et les grillons ;
Quand ce trou chaud souffle la vie ;
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre !
— Qu’ils sont là, tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas, — comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
— Si fort, qu’ils crèvent leur culotte,
— Et que leur lange blanc tremblotte
Au vent d’hiver…
20 septembre 1870.
« Les effarés », Arthur Rimbaud, Poésies, 1895.
Dans son roman Corniche Kennedy, Maelys de Kerangal place son intrigue à Marseille et plus précisément sur cette
Corniche Kennedy, barrière symbolique entre la mer et la ville, là où derrière les villas s’aperçoivent les tours des
quartiers nord. Suzanne, personnage principal, vient d’une de ces riches demeures. Elle s’en échappe en rencontrant la
« bande » de la Corniche. Rapidement se forme le triangle amoureux avec Mehdi et Marco. En 2016, Dominique Cabrera
réalise une adaptation du roman en en conservant le titre et en restant la plus fidèle possible à l’œuvre littéraire même si
elle procède à quelques modifications.
Voulant organiser un barbecue sauvage sur la Corniche, la bande s’en va dans les rues pour voler de quoi organiser
leur pique-nique. En passant devant les cuisines d’un restaurant, ils marquent une pause. Suzanne et Marco échangent
quelques mots. Cette très courte séquence est un ajout de la réalisatrice.14
https://www.youtube.com/watch?v=FI9xGkV8BqU (Extrait = 0:17 - 1:30)
A vous de trancher !
Ingrédients
– Quelques lignes du chapitre « La petite ville » (Un extrait à épingler)
– Quelques lignes des Misérables (Référence 1 : « nous avons perdu nos auteurs… » )
– Quelques traits de crayons de Gustave Brion (Référence 2– Le don du pain)
– Quelques vers de Rimbaud… (Référence 3 : Le chant des « croûtes parfumées »)
– Quelques images de Corniche Kennedy (Référence 4 : « voyez com’ ils charbonnent ! »)
Réalisation
– Lire attentivement le texte à épingler et le poème de Rimbaud
– Relire attentivement l ’extrait 1 des Misérables où Gavroche offre du pain aux deux enfants rencontrés
– Regarder attentivement l ’extrait du film Corniche Kennedy où l ’on voit la « bande de la Corniche »
s’arrêter devant les cuisines d’un grand restaurant.
– Laisser reposer pendant quelques minutes
14 Corniche Kennedy, Folio, pp. 104-107. Extrait du film 00:25:29 – 00:33:13.
2) Comment, dans sa gravure, Gustave Brion souligne-t-il l’attitude particulièrement mature du jeune
Gavroche ?
Alors que le boulanger a le visage resserré et semble attendre son argent, les deux mains fermement
posées sur son étal, Gavroche tend les morceaux de pain aux deux enfants. La générosité de Gavroche
apparaît implicitement sous les coups de crayon, tout comme elle se situe, entre les lignes de Victor
Hugo :
« Il y avait un morceau plus petit que les deux autres ; il le prit pour lui. Les pauvres
enfants étaient affamés, y compris Gavroche. »
Bien qu’affamé, Gavroche prend pour lui le plus petit morceau, montrant là un sens de l’équité propre à
une figure maternelle qui privilégierait l’enfant à nourrir plutôt que de ne plus avoir faim.
3) Dans le poème de Rimbaud, en quoi le four est-il une métaphore de la figure maternelle ?
Aux vers 14 et 15 des « Effarés », le « souffle » du four est comparé à la chaleur d’un « sein ». Entourant
« ce trou chaud » qui « souffle la vie », l’image de l’enfant en train de téter est immédiate. Comme le lait
matriciel, la chaleur du four leur redonne vie. Un chant léger sort alors de leur bouche, comme un enfant
qui gazouille, suppliant sa mère de ne jamais mettre fin à ce repas. Cette « lumière du ciel rouvert »
les réchauffe et les éclaire comme le ferait le sourire d’une mère voyant son propre lait faire grandir le
nouveau-né.
4) En quoi l’échange entre Jacques et son père dans l’extrait à épingler est-il particulier et marque-t-il
une étape dans l’émancipation du héros ?
À trois reprises, Jacques souligne la singularité de cet échange avec son père :
— « Il ne m’a pas parlé durement comme il le fait toujours »
Cette observation, qui, pour la première fois peut-être dans ma vie de jeunesse, me fut faite sans
— «
colère, mais avec dignité… »
— « ces paroles, prononcées simplement ce jour-là »
Si ordre il y a – « Rappelle-toi ce que je te dis là, mon enfant ! » – la douceur, la dignité et la simplicité qui
entourent cette parole la rendent particulièrement efficace, peut-être d’autant plus que cela est nouveau
et rare :
— « Je ne l’ai jamais oublié. »
Cette observation […] me pénétra jusqu’au fond de l’âme ; et j’ai eu le respect du pain depuis
— «
lors. »
C’est bien la voix d’un héros émancipé qui se fait entendre là et l’écriture se fait plus poétique :
« Les moissons m’ont été sacrées, je n’ai jamais écrasé une gerbe, pour aller cueillir
un coquelicot ou un bleuet ; jamais je n’ai tué sur sa tige la fleur du pain ! »
Ainsi divinisée, « la fleur du pain » dépasse même le « coquelicot » dont les pétales rouge sang
apparaissent en nombre sur les champs de bataille et le « bleuet » dont la couleur symbolise la
jeunesse15. Écraser cette fleur qui nourrit, c’est marcher sur ceux qui ont faim ; Jacques marchera lui à
leurs côtés.
5) Dans l’extrait du film Corniche Kennedy de Dominique Cabrera, quelles répliques des jeunes de la
Corniche font apparaître ce plafond de verre auquel ils se confrontent, ici matérialisé par la vitre qui les
sépare du chef de restaurant et de ses jeunes commis ?
Courant dans les rues de Marseille pour voler de quoi pique-niquer, la « bande » marque une pause
devant l’arrière-cuisine de ce que l’on devine être un grand restaurant. Grâce au reflet de la vitre,
l’image offre la superposition de deux mondes : celui des rues et celui du travail. Les deux ne sont pas si
éloignés ; ils se côtoient et il faut parfois peu de choses pour « passer » de l’autre côté… La « bande » le
devine mais elle sait aussi qu’elle n’a pas le sésame.
Durant cette courte scène, leurs réactions et leurs paroles sont particulièrement marquantes : ils
réagissent avec une forme de naïveté mais aussi de grande lucidité :
— L’identification
« Ils ont tous notre âge »
— L’observation
« Voyez comme ils charbonnent »
— Le code de la hiérarchie
« - Il est énervé le chef !
- Il est où le chef ?
- Lui qu’a pas de chapeau ! »
— Le code de la violence
« - Elle a un couteau dans la main !
- C’est une spatule, Gars ! »
— La violence du défaitisme
« Avec ta tête tu crois qu’ils vont t’accepter cousine ? »
La scène se termine avec le retour du reste de la bande – « Eh les gars, on a les côtelettes ! » – et la
reprise de leur course effrénée, dans les cris de joie d’avoir volé de quoi faire un festin. Mais certains
d’entre eux, comme Marco – le premier à s’être arrêté avec Suzanne – semblent ne pas oublier aussi vite
ces images…
15 Déjà signifiants du temps de Jules Vallès, le coquelicot et le bleuet deviendront les symboles du courage des soldats durant
la Première Guerre Mondiale.
Un écrivain se nourrit toujours des textes qu’il a lus enfant, adolescent mais aussi adulte
devenu. Si cela peut être intimidant, c’est avant tout un enrichissement, plus ou moins
assumé, plus ou moins avoué et donc plus ou moins visible. En envisageant d’abord le
modèle rousseauiste puis le motif du pain, nous avons pu mieux comprendre la démarche
autobiographique de Jules Vallès qui en écrivant L’Enfant entame un travail de résilience, comme pour
donner un sens à ce qui ne peut en avoir. Le livre offre à cette enfance volée le moyen de s’exprimer et
les deux autres qui suivront seront la preuve – s’il en faut encore une – que l’insurgé a su faire éclore cet
écrivain « qui ira loin ».
Simone de Beauvoir, née à Paris en 1908, reçoit une éducation catholique. Après son baccalauréat,
elle devient une brillante étudiante en philosophie. C’est ainsi qu’elle rencontre Jean-Paul Sartre, son
compagnon et partenaire intellectuel. Dans son œuvre autobiographique Les Mémoires d’une jeune fille
rangée, parue en 1958 après Le Deuxième sexe (1949), Beauvoir retrace le chemin qui amena une jeune
fille issue d’un milieu petit-bourgeois, conservateur et catholique à choisir le destin du professorat et de
la littérature. Double vocation donc qui se dessine dans ses Mémoires et qui donne sens à son aspiration
d’adolescente : s’arracher à ce milieu familial dont elle remet en question la morale, la vision du monde
fondée sur des principes figés, et la place qu’il assigne aux femmes – donc à elle-même. Sa vocation
d’écrivaine est sous-tendue par une volonté de naître à soi-même en s’arrachant aux injonctions
de sa propre classe. Mais cet arrachement ne se fera qu’au prix de la destruction méthodique d’un
Moi artificiellement construit par l’idéalisme bourgeois qu’elle a, dans un premier temps, fortement
intériorisé.
Vous avez remarqué à quel point la figure du père est omniprésente dans tous les récits que nous vous
avons proposés, qu’ils soient autobiographiques ou romanesques. L’enfant se construit souvent en
s’opposant aux figures parentales.
Dans le passage qui suit, extrait des Mémoires d’une jeune fille rangée, la jeune fille « rangée » n’est
désormais plus une enfant : après ses études secondaires, elle veut se construire elle-même. L’auteure
expose un des obstacles qui s’est dressé devant la réalisation de soi en la personne de son propre père.
Rien d’étonnant puisque, dans le cas de Simone, ce père incarne son milieu et la société patriarcale.
Elle analyse l’étonnant paradoxe dans lequel elle a été enfermée par ce père qui, tout à la fois, valorise
les qualités intellectuelles de sa fille et dénigre son choix de la carrière professorale qui la « réduirait »,
selon lui, au statut de fonctionnaire. Elle précise d’ailleurs à ce sujet : « Il nourrissait contre les
professeurs de plus sérieux griefs ; ils appartenaient à la dangereuse secte qui avait soutenu Dreyfus :
les intellectuels ». Dans ces conditions, se choisir une profession est déjà un acte politique et féministe :
c’est ainsi que Beauvoir fait le récit de sa vocation.
16 Dans le chapitre VI de L’Insurgé, on peut lire : « Ma jeune gloire ? Je dis cela pour me rengorger un peu, mais, vraiment, je ne
me trouve guère changé depuis que je lis, dans les journaux, qu’un jeune écrivain vient de naître, qui ira loin. »
17 Dans le chapitre VI de L’Insurgé, on peut lire : « Ma jeune gloire ? Je dis cela pour me rengorger un peu, mais, vraiment, je ne
me trouve guère changé depuis que je lis, dans les journaux, qu’un jeune écrivain vient de naître, qui ira loin. »
« Demain j’allais trahir ma classe et déjà je reniais mon sexe ; cela non plus, mon père ne s’y
résignait pas : il avait le culte de la jeune fille, la vraie. Ma cousine Jeanne incarnait cet idéal : elle
croyait encore que les enfants naissaient dans les choux. Mon père avait tenté de préserver mon
ignorance ; il disait autrefois que lorsque j’aurais dix-huit ans il m’interdirait encore les Contes de
François Coppée ; maintenant, il acceptait que je lise n’importe quoi : mais il ne voyait pas beaucoup de
distance entre une fille avertie, et la Garçonne18 dont, dans un livre infâme, Victor Margueritte venait de
tracer le portrait. Si du moins j’avais sauvé les apparences ! Il aurait pu s’accommoder d’une fille
exceptionnelle à condition qu’elle évitât soigneusement d’être insolite : je n’y réussis pas. J’étais sortie
de l’âge ingrat, je me regardais de nouveau dans les glaces avec faveur ; mais en société, je faisais piètre
figure. Mes amies, et Zaza19 elle-même, jouaient avec aisance leur rôle mondain ; elles paraissaient au
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«jour» de leur mère, servaient le thé, souriaient, disaient aimablement des riens ; moi je souriais mal,
je ne savais pas faire du charme, de l’esprit ni même des concessions. Mes parents me citaient en
exemple des jeunes filles «remarquablement intelligentes» et qui cependant brillaient dans les salons.
Je m’en irritais car je savais que leur cas n’avait rien de commun avec le mien : elles travaillaient en
amateurs tandis que j’avais passé professionnelle.
Je préparais cette année les certificats de littérature, de latin, de mathématiques générales, et
j’apprenais le grec ; j’avais établi moi-même ce programme, la difficulté m’amusait ; mais précisément,
pour m’imposer de gaieté de cœur un pareil effort, il fallait que l’étude ne représentât pas un à-côté de
ma vie mais ma vie même : les choses dont on parlait autour de moi ne m’intéressaient pas. Je n’avais
pas d’idées subversives ; en fait, je n’avais guère d’idées, sur rien ; mais toute la journée je m’entraînais
à réfléchir, à comprendre, à critiquer, je m’interrogeais, je cherchais avec précision la vérité : ce scrupule
me rendait inapte aux conversations mondaines.
Somme toute, en dehors des moments où j’étais reçue à mes examens, je ne faisais pas honneur à mon
père ; aussi attachait-il une extrême importance à mes diplômes et m’encourageait-il à les accumuler.
Son insistance me persuada qu’il était fier d’avoir pour fille une femme de tête ; au contraire : seules des
réussites extraordinaires pouvaient conjurer la gêne qu’il en éprouvait.
[…] Je ne me rendais évidemment pas compte de la contradiction qui divisait mon père : mais je réalisai
vite celle de ma propre situation. Je me conformais très exactement à ses volontés : et il en paraissait
fâché ; il m’avait vouée à l’étude, et me reprochait d’avoir tout le temps le nez dans mes livres. On aurait
cru, à voir sa morosité, que je m’étais engagée contre son gré dans cette voie qu’il avait en vérité choisie
pour moi. »
Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958 © Éditions Gallimard. www.gallimard.fr.
Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre
que la consultation individuelle et privée est interdite.
18 Victor Margueritte fit scandale en publiant en 1922 un roman, La Garçonne, dont l’héroïne, une femme affranchie de tous
les stéréotypes de genre, se coiffe, s’habille et vit comme elle l’entend. L’expression « la garçonne » renvoie à une coupe de
cheveux, très courts, « masculine », à la mode dans ces années d’entre-deux guerres. Se coiffer « à la garçonne » signifie désirer
apparaître comme émancipée. Les femmes raccourcissent aussi leurs jupes, autre symbole d’émancipation.
19 Zaza est un des personnages essentiels de cette autobiographie : meilleure amie de l’auteur, Zaza est à la fois un miroir pour
Simone mais également une figure féminine dont elle doit se démarquer pour s’accomplir. D’ailleurs Zaza échoue à s’affranchir
de son milieu.
20 Le « jour » est l’expression qui désigne, dans le milieu bourgeois de l’autrice, la réception hebdomadaire où les maîtresses de
maison reçoivent. Les filles y ont leur place et doivent s’y plier aux codes de la conversation et du maintien assignés aux femmes.
1) Relevez les stéréotypes féminins que Beauvoir évoque dans cet extrait. Peut-on les attribuer à son
père ? à sa mère ? à elle-même ?
2) Montrez que Simone, à travers l’autoportrait qu’en dresse Beauvoir-écrivaine, se construit à partir de
ces figures féminines mais se distancie aussi d’elles.
3) Analysez/résumez le plus clairement possible l’aporie (l’impossibilité de penser) et l’impossibilité
d’exister dans laquelle l’enferme son père.
C’est pourquoi le corps est pour les femmes, dès le milieu du XXe siècle, le lieu privilégié de
l’émancipation et de l’affirmation de soi. Annie Ernaux, autrice née en 1940, prolonge le travail mémoriel
de Beauvoir en le radicalisant : elle consacre toute son œuvre à une écriture du corps, profondément
inscrite dans le temps social. C’est à cette inscription qu’est consacré l’ouvrage Les Années (2008),
sorte de clef de voûte de son écriture au croisement de l’universel et du singulier. Ernaux y retrace,
à partir de photographies de son album de famille, une histoire des corps depuis les années 1940
jusqu’aux années 2000. Ainsi ne fait-elle pas seulement œuvre autobiographique, mais plutôt œuvre
historienne en proposant une sociologie des corps en France dans ces Années, et tout particulièrement
des corps féminins, dans laquelle vient s’inscrire son propre corps. Ainsi, raconter une vie de femme, ce
n’est jamais raconter exclusivement ce qui est arrivé à UN corps ; écrire Les Années, c’est à travers le
sensible, à travers le « je », chercher à rappeler un vécu commun, créer un « nous ». Cette conscience
collective sera libératrice.
Dans l’extrait qui suit, Ernaux, avec la distance qui sépare l’écrivaine de la fille qu’elle était dans le milieu
des années 50, semble prolonger le regard critique de Beauvoir sur le rôle de l’école :
« Publique, privée, l’école se ressemblait, lieu de transmission d’un savoir immuable dans le silence,
l’ordre et le respect des hiérarchies, la soumission absolue : porter une blouse, se mettre en rang à la
cloche, se lever à l’entrée de la directrice mais non d’une surveillante, se munir de cahiers, plumes et
crayons réglementaires, ne pas répondre aux observations, ne pas mettre en hiver un pantalon sans
une jupe par-dessus. […] On était fiers comme d’un privilège d’être contraints à des règles strictes et à
l’enfermement »23.
21 Simone de Beauvoir, « La Phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty », Les Temps Modernes, n°2, octobre 1945, p.363.
22 Nous l’avons montré à propos des lois Jules Ferry cf. supra le point B et revoyez le commentaire de la photographie de la
classe de filles d’Helemmes en cours de couture.
23 Les Années, o.c., Gallimard, p.47-48.
En revanche, comme chez Beauvoir, l’entrée dans les études supérieures, le choix des études littéraires,
marquent pour Ernaux une rupture avec cet ordre établi et surtout une volonté de s’affranchir de son
milieu pauvre. L’écrivaine raconte ici cet engagement dans la littérature à la troisième personne en
s’appuyant sur son journal intime qu’elle tenait déjà à cette époque-là :
« À cet instant les connaissances abstraites de cette fille ne pourraient être répertoriées, non plus que
ses lectures, la licence de lettres modernes qu’elle achève n’étant qu’un indicateur moyen de niveau.
Elle s’est abreuvée d’existentialisme, de surréalisme, a lu Dostoïevski, Kafka, tout Flaubert, également
éperdue de nouveauté, […] comme si seuls les livres récents étaient capables d’apporter le regard le
plus juste sur le monde d’ici et maintenant.
Plus encore qu’un moyen d’échapper à la pauvreté, les études lui paraissaient l’instrument privilégié de
lutte contre l’enlisement de ce féminin qui lui inspire de la pitié […]. Aucune envie de se marier ni d’avoir
des enfants, le maternage et la vie de l’esprit lui semblent incompatibles. […]
Dans son journal intime, elle a écrit qu’elle […] est “la recherche d’un autre langage”, désirant
“retourner à une pureté première”, elle rêve d’écrire dans une langue inconnue »24.
Ernaux s’appuie donc sur l’expérience beauvoirienne : elle fait par l’écriture le récit de son émancipation,
l’écriture étant par elle-même l’agent de libération. Mais celle-ci n’est jamais définitive, et il s’agit,
comme Pénélope, de sans cesse déconstruire ce qui a été fait la veille : défaire les identifications
fausses, défaire les stéréotypes, libérer les corps, mais aussi libérer la parole, libérer l’écriture
elle-même.
Après un passage par l’école obligatoire qui, par définition, forme des « classes » d’âge en
les inscrivant dans un cadre strict (règles de la vie scolaire, parcours fléchés, programme
unique, matières imposées, évaluations et sanctions) qui laisse sans doute peu de place
au désir individuel et encore moins au plaisir, le temps peut venir du choix d’un parcours
librement choisi dans un domaine professionnel, intellectuel, artistique ou manuel. L’écriture reste dans
tous les cas le medium privilégié pour ressaisir et transmettre cette expérience de formation et d’avè-
nement de soi, toujours singulière mais universellement partagée.
Crédits
p. 31 : Edmond Yon, [Les Misérables, IV, Livre VI, chapitre II]. « Mangez ! », vers 1865.
Estampe, gravure sur bois, Maison de Victor Hugo, Hauteville House
CC0 Paris Musées / Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey
24 Ibid, p.88