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EpiMETHEE
Essais Philosophiques
EDMUND HUSSERL
LOGIQUE FORMELLE ET
LOGIQUE TRANSCENDANTALE
Traduction de Suzanne BACHELARD
TRENT UNIVERSITY
LIBRARY
LOGIQUE FORMELLE
ET LOGIQUE TRANSCENDANTALE
DU MÊME AUTEUR
EDMUND HUSSERL
LOGIQUE FORMELLE
ET LOGIQUE TRANSCENDANTALE
Essai d'une critique de la raison logique
DEUXIÈME ÉDITION
1965
DÉPÔT LÉGAL
lre édition.2e trimestre 1957
2e — . 1er — 1965
TOUS DROITS
de traduction, de reproduction et d’adaptation
réservés pour tous pays
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nés-
AVERTISSEMENT
(j '■ A Os
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https://archive.org/details/logiqueformelleeOOOOhuss
INTRODUCTION
(i) Einsicht.
4 LOGIQUE FORMELLE
du point de vue pratique mais dont l’action (i) n’était pas finalement
comprise avec évidence. Elles élaborèrent ces méthodes, non pas
certes dans la naïveté de l’homme au niveau de la vie quotidienne,
mais cependant dans une naïveté de niveau supérieur, naïveté qui renon¬
çait à justifier la méthode par des principes purs, en recourant à
l’idée pure et en se réglant sur les possibilités et nécessités aprioriques
dernières. En d’autres termes, la logique qui était originellement le
porte-flambeau de la méthode et qui élevait la prétention d’être la
doctrine pure des principes de la connaissance et de la science pos¬
sibles, perdit de vue cette mission historique et resta bien loin en
arrière dans son évolution. La réorganisation grandiose des sciences
de la nature au xvne siècle était encore déterminée par des réflexions
logiques sur l’essence et sur les exigences de la connaissance authen¬
tique de la nature, sur ses buts et sur ses méthodes principiels. Ces
réflexions se plaçaient elles-mêmes dans la suite des efforts, si carac¬
téristiques de cette époque, tendant à fonder une nouvelle logique,
la vraie logique. Ici a sa place non seulement Galilée, mais également,
comme il faut le souligner, Descartes. Déjà significatif est le titre
Discours sur la méthode (2) ; et la « philosophie première » de ses Médi¬
tations n’est elle-même qu’une expression pour désigner une théorie
de la science tout à fait radicale et de plus universelle. Si donc la
logique précède encore les sciences dans ces débuts des temps
[3] modernes, ce rapport essentiel change à l’époque suivante, préci¬
sément à l’époque où les sciences en se rendant indépendantes
deviennent des sciences spécialisées qui ne se soucient plus d’une
logique et même qui la mettent de côté presque avec mépris. Mais la
logique elle-même, dans ces tout derniers temps, dévie absolument
de son sens propre et de sa tâche inaliénable. Au lieu de suivre les
normes pures essentielles de la science selon toutes leurs organi-
(1) Leistung.
(2) En français dans le texte allemand.
6 LOGIQUE FORMELLE
(i) Auslegen.
LOGIQUE FORMELLE
(a) Cf mes Idem..., ainsi que mon nouvel ouvrage (paraissant cet automne) :
Cartesianische Meditationen, eine EinUÜung in die transzendeniale Phànomenohgte
(Halle a. S., M. Niemeyer).
12 LOGIQUE FORMELLE
(1) Besinnen.
(2) Intendierenden Sinn.
(3) A bzielen.
(a) Log. Unters., 2e éd., t. II, ire partie, p. 50 sq.
14 LOGIQUE FORMELLE
(1) Ausfüllung.
(2) Assoziativen Ueberschiebungen.
(3) Erfüllung.
(4) Gebilde.
16 LOGIQUE FORMELLE
(1) Materialer.
(2) SachhaUiger.
E. HUSSERL
2
LOGIQUE FORMELLE
(1) Anschauung.
(2) Sachverhalte.
(3) Nous traduisons Gegenstandlichkeit par objectité d’une part pour prévenir
toute confusion entre la notion de Gegenstandlichkeit et celle d’Objektivitat (d’objec¬
tivité au sens le plus courant) et d’autre part pour respecter une nuance que Husserl
a voulu introduire entre Gegenstandlichkeit et Gegenstand (objet). Cf. Log. Unt.,
2e éd. ; II, 1, p. 38, n. 1 : « J’opte maintes fois pour l’expression plus indéterminée
d’objectité ( Gegenstandlichkeit) parce que dans tous les cas ici il s’agit non pas
seulement d’objets (Gegenstande) au sens étroit, mais aussi d’états des choses, de
caractères, de formes indépendantes réelles ou catégoriales. » Dans Logique formelle
et logique transcendantale on est en présence de la même situation : une « objectité »
peut être aussi bien une forme catégoriale qu’un objet du monde extérieur. I/em-
ploi de cette notion écarte toute possibilité d’interprétation de la pensée de Husserl
comme un réalisme naïf.
INTRODUCTION
(i) Einsickt.
20 LOGIQUE FORMELLE
(i) Seinssinn.
INTRODUCTION 21
ne veut donc pas être une simple logique pure et formelle et, prise
dans la conception la plus large, une mathesis universalis au sens
leibnizien, une science idéale logique qui ne serait pourtant qu’une
science « positive ». D’autre part, elle ne veut pas être a fortiori une
technologie simplement empirique pour une sorte d’effectuations
[15] spirituelles (extrêmement utiles du point de vue pratique) que l’on
nomme science, elle ne veut pas être une technologie que l’on oriente
empiriquement vers des résultats pratiques. Mais en tant que fonction
suprême de l’intérêt purement théorique dans sa manifestation totale,
cette logique veut mettre en évidence le système des principes trans¬
cendantaux, système qui confère aux sciences leur sens possible
en tant que sciences authentiques.
Combien une telle logique fait besoin aux sciences ou encore
combien les sciences sont incapables d’apparaître avec leur positivité
naïve comme se suffisant à elles-mêmes et sont incapables de persister
dans une telle prétention de se suffire à elles-mêmes, c’est ce que
montre l’absence, dans toute science si exacte soit-elle, d’un débat
sur le vrai sens de ses concepts fondamentaux. Cette absence est un
symptôme de ce que les sciences en vérité sont dans un manque total
de clarté à l’égard de leur propre sens. Mais assurément seule la
logique transcendantale peut faire comprendre complètement que
les sciences positives ne peuvent réaliser qu’une] rationalité relative,
unilatérale, qui laisse subsister une complète irrationalité comme son
envers nécessaire; et seule la logique transcendantale peut faire
comprendre complètement que par une simple union systématique
de toutes les sciences particulières ne peut jamais se développer une
connaissance universelle de l’être, au plus haut sens du terme, comme
essayait de 1 atteindre originellement la philosophie ancienne.
Je m en tiendrai a ces remarques sur le sens des recherches qui
seront exposées par la suite. Il est dans la nature des choses que les
recherches de la première section aient une certaine complétude et
une certaine unité qui devaient manquer à la deuxième section.
INTRODUCTION N
(i) Saizgedanke.
28 LOGIQUE FORMELLE
(i) Einsichtiges.
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES 29
§ 2. Idéalité du langage
Mais les trois rubriques que nous avons établies ont besoin de
subir une distinction plus poussée et elles ont besoin d’être clarifiées
du fait du manque de clarté et de fixité des mots employés. Premiè¬
rement en ce qui concerne la rubrique : discours (1) remarquons que
nous ne devons pas négliger ici une certaine distinction. Le mot
prononcé, le discours énoncé d’une manière actuelle, pris en tant que
phénomène sensible et spécialement en tant que phénomène acous¬
tique, nous les distinguons en effet du mot lui-même et de la phrase
elle-même ou encore du discours plus ample qui est constitué par
une suite de phrases. Ce n’est pas pour rien que nous parlons — dans
le cas où nous n’avons pas été compris et que nous répétons — préci¬
sément d’une répétition des mêmes mots et des mêmes phrases. Dans
(i) Rede.
LOGIQUE FORMELLE
3°
(i) Selbigkeit.
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
[20] clarté de la situation qui est ici en jeu. De prime abord nous pouvons
délimiter ainsi ce terme « exprimer » : nous considérons qu’avec
chaque mot et avec chaque union de mots combinés pour former
1 unité d un discours, quelque chose est pensé. Plus précisément :
là où le discours se déroule dans sa fonction naturelle, vraiment en
tant que discours dans lequel « telle et telle chose est énoncée », là
1 intention pratique de celui qui parle n’est manifestement pas dirigée
finalement vers les simples mots mais « à travers » les mots est dirigée
vers leur signification; les mots portent des intentions signifiantes;
ils servent comme des ponts pour conduire aux significations, à ce qui
est pensé « par leur moyen ». Cela vaut chaque fois que le discours
est un discours qui remplit sa fonction normale et d’une façon
générale chaque fois que c’est un véritable discours. En vérité un
perroquet ne parle naturellement pas. Nous excluons présentement
aussi le discours mensonger qui vise autre chose que ce qu’il dit.
A Yunité du discours correspond une unité de l'opinion et aux structures
et aux formes du discours en tant que pur langage correspondent
des structures et des impositions de formes de l’opinion. Mais cette
opinion n’est pas extérieure aux mots, en marge des mots ; au
contraire, en parlant, nous effectuons d’une manière continue une
activité d’opinion, activité interne, se fusionnant avec les mots, leur
donnant pour ainsi dire une âme. Ayant reçu ainsi une âme, les mots
et les discours entiers rendent alors pour ainsi dire corporelle en eux une
opinion et la portent en eux corporifiée à titre de sens (a).
Nous n’avons pas besoin d’aller plus loin et nous pouvons déli¬
miter comme concept provisoire de la pensée, le premier et le plus
large qui soit, le concept qui doit embrasser tous les vécus psychiques
dans lesquels consiste cet opiner; cet opiner dans lequel, pour le
sujet parlant (et parallèlement pour le sujet qui comprend en
(a) Cf. sur ce point et sur ce qui suit Logische Untersuchungen, t. II, ire partie,
ire section, Expression et signification.
E. HUSSERL 3
LOGIQUE FORMELLE
34
(1) Deckung.
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES 37
(1) Einfall.
3»
LOGIQUE FORMELLE
[24] et du fait que cette unité peut être recréée par tout le monde, ces
formations deviennent un bien commun de l’humanité. Chaque
science dans son travail théorique a en vue exclusivement des for¬
mations « logiques », des formations du logos théorique. En ce sens
elle est elle-même une « logique ». Mais la logique au sens usuel est
la science du logique en général, c’est-à-dire tout d abord au sens
de science des formations logiques de la raison jugeante prise en
général — mais d’autre part, c’est aussi la science de cette raison elle-
même, donc de la subjectivité jugeante prise en général, en tant que
subjectivité engendrant de telles formations.
Le langage vient ici en considération d’une manière secondaire
en tant qu’aux buts primaires de la raison théorique (qui consistent
à atteindre des vérités et qui sont du côté de la signification), s allie
dans la science un but attaché à la technique de la connaissance, à
savoir le but de faire avancer le travail dans la sphère du jugement
au moyen d’un langage scientifique approprié. Ce qui implique aussi
que les résultats scientifiques soient consignés dans des « documents »
les plus durables possibles dans le monde objectif de la culture.
Dans nos considérations ultérieures en vue de la clarification systé¬
matique de l’idée de logique nous nous tournerons exclusivement
vers le côté de la signification des expressions scientifiques, donc
purement vers la raison jugeante elle-même et vers ses formations.
Que le but primaire et propre visé par l’être connaissant réside dans
cette raison jugeante, la situation suivante en témoigne . ce qui
apparaît certes en premier lieu dans le champ de la conscience (dans
ce qu’on appelle le champ du regard de l’attention) et dans ce qui se
détache de ce champ, ce sont les formations en tant qu’énoncés, mais
le regard thématique est toujours dirigé non pas vers les expressions
en tant que phénomènes sensibles, mais « à travers elles » vers ce des
est pensé. Les expressions ne sont pas des fins thématiques, mais qui
index thématiques, renvoyant par-delà elles-mêmes aux thèmes logi¬
ques proprement dits.
40 LOGIQUE FORMELLE
(1) Sachhaltiger.
(2) Gehalte.
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES 43
§ 7. La fonction normative
ET LA FONCTION PRATIQUE DE LA LOGIQUE
(1) Betàtigung.
(2) Sic (en français dans le texte).
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
LA DIRECTION SUBJECTIVE
ET LA DIRECTION OBJECTIVE DE SA THÉMATIQUE
entier des productions qui sont nées dans l’unité d’un intérêt théo¬
rique sont lies a la maniéré d’une totalité une pour former une théorie uni¬
verselle. Le façonnement de cette théorie, façonnement se pour¬
suivant d une manière systématique a l’infini, est le but commun des
savants travaillant dans une communauté ouverte les uns avec les
[30] autres et les uns pour les autres. Par ce façonnement le « domaine »
scientifique en jeu doit devenir l’objet d’une connaissance systé¬
matique et former une totalité une de formations de connaissance,
appelées vérités théoriques, qui s’édifient les unes sur les autres pour
constituer la forme unitaire d’un système de la vérité.
Toute formation objective de cette sorte n’a pas seulement
1 existence fugitive de ce qui, formé d’une manière actuelle, apparaît
et disparaît dans le champ thématique. Elle a aussi le sens-d’-être
d’une valeur qui persiste d’une manière durable; elle a même une
validité objective, au sens particulier de ce mot, validité s’étendant
au delà de la subjectivité qui connaît d’une manière actuelle et au delà
de ses actes. Une telle formation objective reste identique dans la
répétition, elle est toujours à nouveau reconnue à la manière d’un
existant permanent, elle doit sa présence objective à sa forme
documentaire exactement comme les autres objectités du monde
de la culture ; chacun peut ainsi la trouver dans une durée objective,
la recomprendre avec le même sens; elle est susceptible d’identifi¬
cation inter-subjective, elle est présente même quand personne ne
la pense.
La direction opposée de la thématique logique est la direction
subjective. Elle va vers les formes subjectives profondément cachées
dans lesquelles la « raison » théorique réalise ses effectuations. Ce qui
vient tout d’abord ici en question, c’est la raison dans Vactualité, à
savoir 1 intentionnalité qui s’écoule dans un accomplissement vivant
et dans laquelle ces formations objectives ont leur « origine ». En
d autres termes, Peffectuation de cette intentionnalité consiste en ce
que dans le champ thématique du sujet les formations, les objectités
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
E. HUSSERL
4
5° LOGIQUE FORMELLE
rationnel et qu’elle n’est pas devenue une science qui aurait pénétré
jusqu’à la claire conscience de ses buts et qui les aurait réalisés de
degré en degré en un progrès sûr (ce que pourtant exigeait d’une
manière inconditionnée sa mission propre). A peu près tout ce qui
concerne le sens fondamental de la logique, de sa problématique, de
sa méthode, est chargé d’incompréhensions du fait de cette source
trouble, du fait que l’objectivité provient de l’effectuation subjective,
cette objectivité étant restée incompréhensible et n’ayant jamais été
mise en question de juste façon. Tout est donc débattu et cependant
rien n’est jamais clarifié dans le débat. Même l’objectivité idéale des
formations logiques et le caractère apriorique des doctrines logiques
spécialement relatives à cette objectivité et alors aussi le sens de cet
a priori sont touchés précisément par ce manque de clarté, attendu en
effet que ce qui est idéal apparaît inséré dans la sphère subjective et en
tant que formation jaillit d’elle.
Ce que nous avons dit jusqu’ici sur la logique a donc été exprimé
dans un aperçu provisoire et dans une vue qui ne peut se confirmer
que par des explicitations plus concrètes et, dans la mesure où cela
nous paraît utile, par un éclaircissement au moyen des motivations
historiques et des interprétations de la logique qui proviennent de
ces motivations.
§ 9. La thématique immédiate
C’est sur ces formations qu’est dirigée la visée (i) de celui qui pense ;
ces formations sont des résultats de pensée et en même temps des
soubassements pour de nouveaux actes de pensée. La pensée elle-
même, comprise concrètement comme intentionnalité (dont on laisse
ignorée la qualité) dans la « synthèse » de laquelle les formations de
pensée se constituent comme unités de sens, a besoin seulement
d’être dévoilée, ce qui aurait lieu dans une nouvelle activité de
pensée.
La pensée des savants —• actuelle aussi bien qu’habituelle, indi¬
viduelle aussi bien qu’intersubjective — est pensée cohérente.
Elle reçoit la cohérence de l’unité d’un intérêt théorique ou corréla¬
tivement de l’unité du domaine scientifique qui doit être exploré et
connu d’une manière conséquente. En ce qui concerne ce domaine,
ce qui se développe dans la pensée scientifique en fait de résultats
de la sphère du jugement et de la connaissance forme un champ
thématique indépendant (ouvert à l’infini), forme l’unité (qui continue
à se construire) de la science en tant que théorie, en tant que multiplicité
de thèmes connexes qui s’entremêlent les uns avec les autres
thématiquement.
Des réflexions dirigées du côté subjectif vont au delà de ce champ
thématique. En général, le savant n’inclura donc dans sa recherche,
du fait de l’exclusivité de son intérêt théorique pour son domaine
particulier, aucune thématique subjective. Le géomètre par exemple
ne pensera pas à explorer, outre les formes géométriques, également
la pensée géométrique. Il peut se faire que des passages à l’attitude
subjective soient occasionnellement utiles, même nécessaires, pour
l’intérêt propre qui vise la théorie du domaine. Comme dans d’autres
activités aux perspectives lointaines, dans les activités théoriques
également peut apparaître le besoin de demander dans une prise de
conscience réflexive : « Quelle méthode suis-je en train de suivre.
(i) Absehen.
52 LOGIQUE FORMELLE
par moi, à dessein. » Les formations avec leur teneur et leur organi-
[36] sation aux formes multiples ainsi que les différents niveaux de for¬
mations intermédiaires, voilà ce que, ici comme partout, il faut
expressément décrire, en opposition à la formule uniforme et toujours
la même : « Je tends vers ceci et le réalise élément par élément. »
Nous discuterons encore de plus près ce point important. Indi¬
quons avant tout ici la distinction essentielle suivante. Les formations
théoriques ne se présentent pas comme le font les actes du moi qui
sont des actes passagers et pouvant seulement être répétés, mais elles
se présentent comme des objets c’est-à-dire en tant qu’objectités
pour ainsi dire saisissables, prêtes à être examinées, toujours à nou¬
veau identifiables et accessibles à l’examen, à l’analyse, à la description
répétés à peu près comme celles de l’expérience externe. Avec la
réserve que ces formations ne sont pas données comme ces pré¬
données passives de l’expérience externe, mais qu’elles sont données,
en tant que catégoriales, uniquement par l’action théorique (a).
Mais alors ces formations ont précisément, elles aussi, une présence,
tout d’abord en se construisant à la manière d’événements et ensuite
comme étant précisément identifiables dans la répétition de l’activité.
Ainsi elles doivent à titre de résultats être tirées de tout juger qui est
nôtre, à tous les degrés de complexité, et aussi de tout jugement
d’autrui réeffectué par nous, et cela en fait ou en pensée; alors ces
formations sont, selon l’une ou l’autre de ces éventualités, des juge¬
ments que nous « portons » effectivement ou des jugements possibles.
Comme le sont dans tout autre type d’expérience les objets d’expé¬
rience, de même donc ici dans 1’ « expérience catégoriale » les forma¬
tions catégoriales (l’expression étant prise dans un sens fort large)
sont données originellement d’une manière intuitive et évidente.
Assurément nous aurons encore à faire attention à ce qu’ici, suivant
les différentes directions d’examen, des objectités différentes pour-
(i) Einsicht.
6o LOGIQUE FORMELLE
visée qui tend vers les résultats et laisser se développer dans leur réali¬
sation les résultats engendrés. Cela ne doit naturellement pas signifier
qu’il n’y a pas d’analyses et de descriptions subjectives, mais cela
signifie seulement qu’au delà des résultats engendrés et au delà du
développement subjectif dans lequel ils se réalisent progressivement
une subjectivité intentionnelle doit être explorée dans laquelle se
constituent comme unités synthétiques les éléments qu’elle est en
train d’engendrer et qu’elle a engendrés — subjectivité à laquelle on
n’a encore nullement accès lorsqu’on se tourne ainsi simplement
vers le « je pense ».
(a) Cf. ci-dessous, IIe section, chap. Premier, §§ 57-59 ; cf. également l’introduc¬
tion du concept d’intuition catégoriale, Logische Untersuchungen, t. II, 2e partie,
pp. 142 sqq.
64 LOGIQUE FORMELLE
E. HUSSERL 5
PREMIÈRE SECTION
Chapitre Premier
LA LOGIQUE FORMELLE
CONÇUE
COMME ANALYTIQUE APOPHANTIQUE
a) L’idée de morphologie
La possibilité de soumettre tous les jugements aux concepts purs
de la configuration ou de la forme entraîna immédiatement l’idée d’une
classification descriptive des jugements exclusivement sous ce point
de vue de la forme, donc abstraction faite de toutes les autres dis¬
tinctions et positions de question, comme celles touchant la vérité
ou la non-contradiction. On distingua ainsi, quant à la forme, des
[44] jugements simples et des jugements composés, parmi les jugements
simples les formes du jugement singulier, du jugement particulier,
alors des certitudes qui ont un contenu modifié : des certitudes sur
des possibilités, des probabilités, etc.
On peut naturellement caractériser de même comme forme le
genre apophansis, dans sa généralité laissée indifférenciée par rapport
aux formes particulières et on peut l’impliquer avec cette généralité
dans des constructions de forme. Ainsi nous pouvons, si les signes
littéraux désignent des énoncés qui sont des assertions ayant une
autonomie, former par exemple A et A’ (en tant que formation d’un
jugement conjonctif, donc in forma en tant que type de production
correspondante de formes); de même nous pouvons former : si A,
alors A’, etc. Les formes indéterminées A et A’, nous pouvons par
exemple tout d’abord les déterminer plus précisément au moyen de
formes primitives de particularisations et à partir de ces formes,
selon des principes quelconques de construction de formes, nous
pouvons progresser jusqu’à des formes toujours nouvelles. Des
formes générales de construction de cette espèce comme les formes
conjonctive et hypothétique sont alors également des formes fonda-
mendales, en tant qu’elles désignent des espèces fondamentales d'« opé¬
rations » que nous pouvons entreprendre avec deux jugements arbi¬
traires ou plutôt avec deux formes arbitraires de jugements.
c) Le concept d'opération
en tant que concept conducteur de la recherche des formes
se tiendront pas alors les unes à côté des autres, mais elles devront
aussi être fondées les unes sur les autres. Ainsi, par exemple, la forme
S est p est plus originelle que la forme Sp est q qui est déjà une trans¬
formation opératoire de la première, c’est-à-dire une transformation
effectuée au moyen de l’opération du changement du prédicat en un
attribut. Mais cette forme Sp est q intervient dans la définition de
cette opération, portant en soi aussitôt un nouveau principe pour
des constructions de formes.
Finalement on pourra arriver à concevoir le point de vue opéra¬
toire d’une manière si large que, sous ce point de vue, on considérera
déjà la forme fondamentale S est p comme une opération, l’opération
de la détermination d’un substrat de détermination S ; on pourra de
même considérer toute modalisation comme une opération qui
construit des formes et certes, dans une certaine manière, transforme
le sens, de sorte qu’à l’égard de la série des modalités c’est pour des
raisons essentielles que la forme de l’apophansis (au sens originel,
l’assertion qui a le caractère de certitude) est caractérisée comme forme
primitive et les autres formes comme ses variantes. Là, on voit assu¬
rément sur le champ que la notion d’opération, au sens de change¬
ment qui doit être engendré dans une libre activité et qui permet de
passer de tout jugement à un autre jugement, fournit un concept
étroit, en tant que la modalisation en effet n’est pas l’affaire d’une
transformation arbitraire.
Il faut encore maintenant faire ressortir le fait suivant : toute
organisation opératoire d'une forme à partir de formes a sa loi et cette loi,
en ce qui concerne les opérations proprement dites, est d’une telle
espèce que ce qui est engendré peut être soumis à nouveau aux mêmes
opérations. Toute loi opératoire porte donc en soi une loi d'itération. Cette
légalité T opération itérable traverse tout le domaine du jugement et
rend possible la construction par itération de l’infinité des formes
possibles en général et cela au moyen de formes fondamentales et
d’opérations fondamentales qu’il faut établir.
76 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
(1) Konsequenzlogik.
(2) Schlüssen.
(3) Ausschlüssen.
LA LOGIQUE FORMELLE 77
unes sur les autres. Ils s’enchaînent ensemble pour former l’unité
d une formation de mots qui à son tour consiste en formations qui
ont une autonomie relative; chaque formation est porteuse d’une
unité d’indication et le tout est une unité autonome qui du point
de vue noétique a le caractère phénoménologique d’une autonomie
formée par association et qui, parallèlement (du point de vue noéma-
tique), a le caractère phénoménologique de l’autonomie d’une unité
de « signification », cette unité étant « indiquée » et étant construite
de façon convenable à partir de formations « indiquées ».
Maintenant, du côté de la signification, les formations « indi¬
quées », les jugements eux-mêmes, peuvent apparaître dans 1’ « évi¬
dence » du remplissement continu des intentions indicatrices, donc sous le
mode de jugements proprement dits, engendrés en même temps dans
P activité originelle ; ou bien, ils peuvent être indiqués, comme dans la
lecture passive, sous le mode vide.
Il s’agit ici d’un cas particulier d’une légalité tout à fait générale.
Dans toute espèce de conscience vide peut intervenir cette distinction
qui vient différencier 1’ « être présent à l’esprit d’une manière vide »;
d’une part la conscience vide peut s’écouler de la manière suivante :
elle n’a pas de séparations internes et elle «’est pas une organisation
de pensées vides particulières; au contraire elle peut s’écouler sous
le mode d’une conscience vide organisée, qui se manifeste comme
organisée. C’est comme lorsqu’il m’arrive de me représenter la rue
devant ma maison d’une manière non-intuitive, « confusément, d’un
bloc » et cela, même si je me dirige vers elle; mais il peut m’arriver
aussi — et cela venant éventuellement après ma représentation
confuse — en la parcourant d’une manière explicite et articulée, de
me représenter les tournants de la rue, les arbres plantés, les maisons
qui lui appartiennent — mais toujours d’une manière non-intuitive,
éventuellement avec quelques points intuitifs qui transpercent par
moments. Ainsi une conscience vide non-organisée peut être trans¬
formée en une conscience vide organisée « correspondante » et dans
E. HUSSERL 6
82 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
b) Distinction et clarté
(a) 1/expression d’un point limite au lieu de celle d’une idée de la clarté, expres¬
sion qui s’offre ici tout d’abord, ne serait pas toujours convenable. Il ne faut pas
toujours penser à quelque chose comme une limite. Ainsi l’évidence parfaite de
l’expérience externe est une idée régulative au sens kantien. L’expérience externe
n’est jamais a priori expérience qui donne la chose « elle-même » d’une manière
parfaite, mais, aussi longtemps qu’elle s’écoule dans une concordance conséquente,
elle porte en elle, à titre d’implication intentionnelle, l’idée d’un système infini,
fermé sur soi, d’expériences possibles : à partir de l’expérience de fait nous aurions
pu parcourir ces expériences possibles ou nous pourrions les parcourir maintenant
ou dans l’avenir, de sorte que, en tant que continuations concordantes de l’expé¬
rience de fait, elles auraient montré ou montreraient comment la chose est, « prise
en soi-même », au delà de ce qui se montre d’elle. En tant que corrélât de cette anti¬
cipation infinie qu’il faut élucider phénoménologiquement (anticipation qui en
88 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
tant que telle a une évidence propre), la chose existant en soi est de son côté une
idée qui guide légitimement la pensée dans les sciences de la nature et lui rend pos¬
sible de progresser dans des degrés d’approximation avec les évidences relatives
correspondantes. Pour notre but nous pouvons nous contenter d’une première
caractérisation grossière de la « clarté a (pour le concept de la chose comme idée
au sens kantien, cf. Ideen, p. 309 sqq.).
LA LOGIQUE FORMELLE 89
suite conséquente de jugements, quand elle peut être effectuée avec intui-
tivité, devient une suite conséquente des vérités ou des possibilités qui
se réfèrent aux choses. Mais toute contradiction exclut de prime abord
les questions de l’adéquation, elle est a limine une fausseté.
(i) Abzielung.
LA LOGIQUE FORMELLE
97
E. HUSSERL
7
98 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
APOPHANTIQUE FORMELLE
ET MATHÉMATIQUE FORMELLE
ET LE PROBLÈME DE SA SITUATION
PAR RAPPORT A LA MATHÉMATIQUE FORMELLE
juger c’est porter des jugements sur des objets, énoncer des propriétés
ou des déterminations relatives de ces objets ; alors on doit remarquer
que l’ontologie formelle et l’apophantique formelle, malgré la diffé¬
rence expresse de leur thématique, doivent être cependant très étroi¬
tement solidaires et sont peut-être inséparables. Finalement, toutes
les formes d'objets, toutes les variantes du quelque chose en général
interviennent dans P apophantique formelle elle-même ; c’est ainsi que,
par essence, les qualités (propriétés et déterminations relatives), de
même les états des choses, les liaisons, les relations, les touts et les
parties, les ensembles, les nombres et tout autre mode d’objectité,
explicité in concreto et originellement, existant pour nous d’une
manière véritable ou possible, n’existent qu’en tant qu’ils inter¬
viennent dans des jugements. En conséquence, dans toutes les
distinctions formelles de jugements sont impliquées aussi des dis¬
tinctions de formes d’objets (quelque clarification précise que
cet « être-impliqué » et cet « intervenir » puissent recevoir) (a).
Dans le jugement plural intervient le pluriel, dans le jugement uni¬
versel l’universel. Certes le pluriel dans le jugement plural n’est pas
l’objet dans toute la force du terme, au sens de ce « sur quoi » l’on
porte un jugement, donc au sens de substrat de déterminations; il en
est de même de l’universel dans l’autre exemple. Mais dans la doctrine
formelle du jugement (et cela en tant que morphologie pure) inter¬
viennent aussi ces « opérations » grâce auxquelles la forme plurale
du jugement peut être changée en la forme de la prédication singu¬
lière sur la collection et la forme du jugement qui contient « en géné¬
ral » en la forme d’un jugement sur l’universel pris comme genre.
État des choses et qualité sont des catégories objectives, mais tout
jugement, par exemple « S est p », qui juge sur S et énonce de lui la
qualité p, peut par « nominalisation » être changé en un jugement sur
l’état des choses S est p ou en un jugement sur la qualité p, sous la
(a) Cf. sur ce point, Ideen, p. 248 sq. et Logische Untersuchungen, t. II,
ire partie, 5e recherche, §§ 34-36, et t. II, 2e partie, 6e recherche, § 49.
(b) Cf. ci-dessus § 12, alinéa de conclusion, p. 71.
APOPHANTIgUE FORMELLE ni
cette ontologie réelle qui valut pour lui comme « philosophie pre¬
mière ». Il lui manqua l’ontologie formelle et donc aussi la connais¬
sance que l’ontologie formelle, en soi, précède l’ontologie réelle.
La découverte proprement dite du formel s’effectue pour la pre¬
mière fois au commencement des temps modernes dans la réalisation
de la fondation de l’algèbre par Viète, donc de la technicisation déduc¬
tive de la théorie des nombres et de la théorie des grandeurs; et cette
découverte atteint ensuite son sens pur grâce à Leibniz dont la
mathesis universalis a manifestement complètement repoussé toute
attache à une généralité quelconque liée au concret, fût-ce la plus
haute généralité.
Les tenants de la logique philosophique des temps modernes
— je ne vise donc pas les logiciens rivalisant avec les mathématiciens
[71] dans le développement technique de l’algèbre logique et restant
comme eux dans la naïveté philosophique -—■ ne triomphaient pas,
dans ce qui est ici en question, de l’emprise de la tradition aristo-
télico-scolastique. Ils ne comprenaient pas le sens de la mathesis
universalis — sens sans doute difficile à saisir à partir des brèves indi¬
cations de Leibniz. Ils ne voyaient pas le problème posé par la
mathématique nouvelle et cela pour d’autres raisons profondes.
b) Imperfection de la connaissance
de /’idéalité des formations apophantiques
E. HUSSERL S
114 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
dant pas prévalu et que dans les temps modernes la plupart des logi¬
ciens, même après le développement d’une mathématique formelle
et de son extension réalisée par le calcul logique, n’étaient pas en
état de voir une connexion interne entre la thématique mathématique
et la thématique logique. Une telle connexion ne put être mise en
relief que lorsque les formations de la logique formelle devinrent
thématiques en tant que formations parallèles à celles de la mathé¬
matique formelle et dans la même attitude tournée vers l’objectivité
idéale. Dans la mathématique, cette attitude abstractive était une
tradition solide, elle déterminait de tout temps et exclusivement la
visée théorique de la théorétisation mathématique. Dans la logique
on devait d’abord lutter pour parvenir à cette attitude.
(a) Cf. dans la Logik de Lotze, chapitre premier, § 18 ; chap. III, § m, les
assertions qui peuvent d’autant moins être considérées comme approfondies que
Lotze ne parle là que de mathématiques en général et qu’il n’exclut pas, comme
il ressort du contexte, la mathématique matérielle.
(b) Cf. Der philosophische Kritizismus, II, 1, p. 228.
APOPHANTIQUE FORMELLE 115
(a) Cf. ma Philosophie der Arithmetik, 1891, par exemple p. 91 (objets catégo¬
riaux en tant que formations).
(b) I+a mise en évidence de cette exigence constituait le thème principal du
premier tome de mes Logische Untersuchungen.
116 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
les mathématiques comme une science qui traite des lois générales
(des formes) auxquelles doivent se conformer les choses dans leur
existence. Par le mot chose je n’entends pas seulement ici celles qui
possèdent une existence objective, indépendante de notre conscience,
mais aussi celles qui existent simplement dans notre représentation
et cela de nouveau à titre d’individus (c’est-à-dire d’intuitions) ou
à titre de simples concepts universels, en un mot donc, j’entends
par « chose » tout ce qui en général peut être un objet de notre
faculté de représentation. » A y regarder de plus près, on voit que
Bolzano donne ici une définition (qui a sans doute besoin d’être
améliorée) d’une ontologie apriorique universelle qui renferme en
soi, non séparées, une ontologie matérielle et une ontologie se rap¬
portant au formel vide. Il tente alors de dégager une « mathématique
universelle » au compte de laquelle doivent être mises, en tant
que disciplines, la « théorie des nombres », la « théorie combi¬
natoire », etc.; il souligne que vis-à-vis de ces disciplines des disci¬
plines comme la géométrie, la chronométrie, etc., doivent valoir non
pas comme disciplines coordonnées mais comme disciplines subor¬
données et il trouve que les premières se distinguent par le fait que
leurs lois « sont applicables à toutes choses sans exception » tandis
que les lois des autres ne le sont pas. Mais quand il pense : « Chose
en général » comme genre suprême sous lequel se tiennent, en tant
que genres particuliers se livrant par division, les concepts suprêmes
de la géométrie et des disciplines qui lui sont coordonnées, il devient
visible qu’il n’a pas vu la distinction entre la forme vide du quelque
chose en général prise comme genre suprême qui se différencie en tant
que forme formelle vide et entre la région universelle de l’existant possible
(du réel au sens le plus large), région qui se différencie en régions parti¬
culières. Il n’a donc pas vu non plus la distinction entre les subsomp-
tions des particularisations formelles sous le général formel et entre
les subsomptions des particularisations régionales (constituées par
les mathématiques matérielles) également sous le général formel. Les
n8 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
(a) Logische Unterschungen, 1.1 : Prolegomena zur reinen Logik, ire éd., 1900.
APOPHANTIQUE FORMELLE ïm
de lui laisser dire son mot. En même temps que la clarification renou¬
velée de ce qui dans, ce chapitre, avait été exposé par trop sommai¬
rement s’offriront à nous des délimitations critiques et des perfec¬
tionnements essentiels qui nous rapprocheront essentiellement du
but de notre présente recherche.
(a) C’est une simple mise au point littéraire de mon mémoire d’habilitation
de 1887 dont un fragment Ueber den Begnff der Zahl est paru pour des fins acadé¬
miques (non dans le commerce).
(h) En relation expresse avec cela et en faisant intervenir comme autre exemple
la personne juridique, B. Krdmann a dans sa Logik (1892, I, p. 101) intro¬
duit le terme « objets d’ordre supérieur ».
120 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
entre intuition sensible et intuition catégoriale, etc., sont consacrées les amples
recherches du t. II des Logische Untersuchungen, en particulier t. II, ire partie,
section 3, § n et toute la deuxième section sur « Sensibilité et entendement » dans
le t. II, 2e partie.
(a) Prologomena, § 68.
(b) Loc. cit., p. 248 (2e éd., p. 251).
Chapitre III
(a) Notion qui à partir de son introduction (loc. cit., § 64) continue à être dési¬
gnée par le mot « théorie ».
THÉORIE DES SYSTÈMES DÉDUCTIFS
lois fondamentales ayant telle et telle forme déterminée (ce qui est ici le
seul facteur déterminant). Quant à leur matière, les objets restent
complètement indéterminés — objets que le mathématicien, pour
indiquer cette indétermination, désigne de préférence par le terme
T objets de pensée. Précisément ils ne sont déterminés ni directement en
tant qu’éléments particuliers (individuels ou spécifiques) ni indirecte¬
ment par leurs espèces et genres internes, mais ils sont déterminés
[80] exclusivement par la forme des liaisons qui leur sont attribuées. Ces
liaisons elles-mêmes sont donc aussi peu déterminées, quant à leur
contenu, que le sont leurs objets. Ce qui est déterminé c’est seulement
leur forme et cela grâce à la forme des lois élémentaires admises comme
valables pour ces liaisons. Ces lois élémentaires déterminent alors,
de même que le domaine, également la théorie à construire, ou pour
parler plus justement, la forme des théories. Dans la théorie de la multi¬
plicité le signe « + » par exemple n’est pas le signe de l’addition
numérique mais le signe d’une liaison en général pour laquelle sont
valables des lois de la forme a b = b + a, etc. La multiplicité est
déterminée par le fait que ses objets de pensée rendent possibles ces
« opérations » (et d’autres opérations dont il faut prouver la compa¬
tibilité a priori avec celles-ci).
U idée la plus générale d'une doctrine de la multiplicité est d’être une
science qui donne une forme déterminée aux types essentiels de
théories possibles et étudie leur relations les unes par rapport aux
autres, relations qui se conforment à des lois. Toutes les théories
effectives sont alors des spécialisations ou encore des singularisations
des formes de théorie leur correspondant, de même que tous les
domaines de connaissance soumis à une élaboration théorique sont
des multiplicités particulières. Si, dans la doctrine de la multiplicité,
la théorie formelle considérée effectivement est menée à bien, alors
par là même tout le travail théorique déductif est termine pour la
construction de toutes les théories effectives ayant la même forme
(Prolégomènes, p. 249 sq.).
iz6 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
(1) Definitheit.
ta) A savoir l’idéal qui est suggéré aux mathématiciens par la forme systéma¬
tique des Éléments, bien que cet idéal n’ait pas été formulé par Euclide lui-même.
E. HUSSERL
9
130 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
(1) Définit.
(2) Defmiert.
THÉORIE DES SYSTÈMES DÉDUCTIFS 131
(i) Voltstàndigen.
132 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
(a) C’est une défectuosité de l’exposé des Logische Untersuchungen que de n’avoir
pas mis cette pensée au centre du développement, en insistant d’une manière répétée,
bien que cette pensée détermine constamment le sens de tout le développement.
Un défaut plus sérieux des Prolégomènes — remarquons-le incidemment — vient
de ce qu’en même temps que le concept de vérité ne sont pas évoquées les modalités
i38 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
de la vérité et que n’est pas citée la probabilité comme une de ces modalités. En
conséquence, l'élargissement nécessaire d’une logique formelle est donc déterminé
de telle façon que les variantes modales du juger et des jugements entrent dans la
logique de la certitude ou de la vérité en tant que possibilités formelles générales,
et cela du fait que toute variante de cette sorte peut apparaître dans les éléments
constitutifs prédicatifs du jugement et ne peut pas alors être considéré comme
extra-formel. En d’autres termes, la « matière » des jugements au sens de la logique
formelle est seulement l’élément constitutif qui dépasse le quelque chose en général ;
au quelque-chose-en-général appartiennent précisément toutes les formes dans
lesquelles on juge non seulement quant à la certitude, mais aussi quant à la possi.
bilité, etc. Un élargissement apparenté, quant à son sens, à celui que nous venons
de mentionner, se produit en outre quand on prend en considération le fait que
l’affectivité apporte des modalités du quelque-chose-en-général qui sont insérées
de même dans la sphère doxique (cf. sur ce point Ideen, p. 243 sq. et plus loin
ci-dessous, § 50, p. 184).
THÉORIE DES SYSTÈMES DÉDUCTIFS 139
Chapitre IV
loppée, en tant que les formes des théories ont, selon leur sens propre,
leur corrélât dans les multiplicités objectives. Le chemin parcouru
d’une manière conséquente à partir de la science en tant qu’organi-
sation de propositions, donc du côté de la signification, pour chercher
les conditions formelles de la vérité possible et finalement de la science
vraie, conduisait (précisément grâce au rapport que le sens a avec les
objets et qui réside dans les propositions elles-mêmes) à une ontologie for¬
melle universelle qui au niveau suprême détermine le nom : doctrine
de la multiplicité.
Il faut maintenant poser la question suivante : cette dualité de
sens, conforme à l’essence, de l’analytique formelle, peut-elle déjà
être amenée à une intelligibilité suffisante ? Est-ce déjà clair ce que
signifie vraiment : être tantôt orienté vers les jugements en général et
être tantôt orienté vers l’objectité en général, et cela avec une généralité
[94] formelle ? Le sens d’une ontologie formelle face à une ontologie
matérielle (nous ne disons pas réelle car nous ne savons pas encore
ce qu’il peut y avoir sous la deuxième dénomination) est-il déjà
suffisamment transparent ? Peut-on sans aucune hésitation parler
vraiment d’ontologie formelle ? En fait déjà à l’époque des Logische
Untersuchungen et encore longtemps après j’éprouvai à cet égard
des difficultés. Notre prochaine tâche doit être maintenant une
tâche de clarification qui est tout à fait nécessaire; en cette occasion
les vues qui précédemment nous ont rendu possible la division en
trois de l’analytique nous seront utiles en partie.
E. HUSSERL
10
146 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
tantes précisément pour une pensée qui procède avec une généralité
apriorique (alors que cela conduirait in concreto a des jugements ridi¬
culement vides), cela tient a l’evidence que le libre-choix des confi¬
gurations syntaxiques est limité si les objets doivent pouvoir exister
vraiment, corrélativement si les jugements prédicatifs doivent pouvoir
être des vérités. Les syntaxes de jugement en tant que syntaxes qui
imposent des formes sont soumises a priori à des lois qui exposent
les conditions de vérité possible. L’imposition de forme qui s effectue
dans le jugement et d’où proviennent également tous les concepts
mathématiques en un sens plus strict — au sens le plus strict
comme ensemble, nombre, suite, grandeur, multiplicité (encore que
ces concepts proviennent de formations de jugement de niveau extrê¬
mement élevé), cette imposition de forme s effectue naturellement
non pas sur des objets « transcendants », mais sur des objets repré¬
sentés dans le jugement lui-même. Ainsi, dans les jugements formels aprio-
riques de la logique également, le « noyau vide » : quelque-chose,
c’est-à-dire le sens formel des lettres S, p, etc,, est 1 element constitutif
des jugements eux-mêmes. Comment aurions-nous donc dépassé
une doctrine formelle du jugement ? Avec toutes les distinctions
formelles des objectités du jugement ne restons-nous pas à 1 inté¬
rieur de cette doctrine ?
morphologie des jugements. Nous avons déjà évoqué une fois cette
question (a) : de même que propriété désigne une forme qui intervient
tout d’abord d’une manière non-indépendante dans le jugement et
qui « nominalisée » donne la forme-substrat : propriété, de même dans
le jugement plural intervient le pluriel qui « nominalisé », transformé
en objet au sens d’objet par excellence — au sens de substrat, d’« objet
sur-lequel » on porte un jugement — donne Yensemble. Il est ici
indifférent que l’on puisse colliger et compter, sans inclure aussitôt
les formations correspondantes dans des prédications effectives.
Ce sont des activités « objectivantes » (doxiques) comme les activités
prédicatives; elles ont comme celles-ci des modalités de la croyance
(et ce sont les mêmes), elles doivent être effectuées à propos de tous
les substrats concevables (à propos du quelque-chose-en-général) ;
leurs formations sont en conséquence de même façon des catégories
formelles (b). En outre toutes ces activités sont toutes à inclure,
conformément à l’essence, dans des jugements prédicatifs et dans
ces jugements elles sont susceptibles de nouvelles mises en forme.
Dans une apophantique vraiment accomplie, dans l’apophantique
conçue comme doctrine des jugements prédicatifs, on doit trouver
aussi, lorsqu’on considère le maniement universel de toutes les
formes apophantiques tel qu’il est requis pour une logique formelle,
toutes les formes de « positions » doxiques et de propositions doxiques
— toutes celles que d’une manière quelconque nous considérons
comme ontologico-formelles. Mais l’on doit aussi prêter attention au fait
que ces activités doxiques et les activités prédicatives vont de pair
et que d’autre part il existe un lien entre elles; l’on ne doit donc pas
délimiter la logique d’une manière trop restreinte comme si elle ne
concernait pas par exemple les ensembles et la théorie des ensembles,
les nombres et la théorie des nombres.
(a) § 25.
(b) Comme on le voit déjà, pour l’essentiel, dans ma Philosophie der Arith-
metik ,p. 91.
148 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
orienté thématiquement vers les jugements (ce qui implique aussi : être
orienté vers les configurations syntaxiques qui apparaissent, avec le
sens d’éléments constitutifs, dans le jugement devenu thème) et
d’autre part d’être orienté vers les objets et leurs formes syntaxiques
— qui sont pris comme thèmes il est vrai dans l’activité de jugement
mais de telle sorte que les jugements et leurs éléments ne le soient pas ?
a) Le juger n’est pas dirigé vers le jugement mais vers Tobjectité thématique
(r) Vermeinte.
STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
l’état des choses peut à son tour, de l’extérieur, recevoir une forme
fonctionnelle changeante dans des activités syntaxiques quelconques
qui pour ainsi dire gagnent du terrain et l’entourent, cette forme
n’étant pas mise au compte de l’état des choses lui-même. Elle appar¬
tient alors justement à l’état des choses qui est de niveau plus élevé
et qui se constitue avec les nouveaux jugements.
Cette situation embrouillée mais que l’on peut pénétrer parfai¬
tement dans sa nécessité d’essence ne change cependant rien à ce qui
est pour nous ici le point capital : celui qui juge est dirigé vers Vobjet
et étant ainsi dirigé il n'a affaire à l'objet jamais autrement que dans des
formes catégoriales quelconques (ou comme nous disons aussi syntaxiques)
qui sont donc des formes ontologiques. Tout nouveau jugement dans la
suite des jugements, toute liaison de jugements et finalement toute
la suite des jugements prise comme un seul jugement — étant entendu
que ce jugement est de très haut degré — constitue une nouvelle
objectité catégoriale.
(1) Beurteilung.
ORIENTATION VERS LES OBJETS
E. HUSSERL
11
i6z STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
à leur tour peuvent être saisies par des jugements toujours nouveaux
et interviennent alors dans ces jugements à titre de parties. Le juge¬
ment n’est-il pas ex definitione ce qui se forme et est formé en tant
que jugé dans l’effectuation de jugement, ce qui alors est identifiable
toujours à nouveau en tant qu’objectité idéale ? Cela est-il autre chose
que l’objectité catégoriale ?
Pour justifier maintenant (malgré l’évidence de l’exposé que nous
avons fait jusqu’ici, évidence qui prise en un certain sens est inatta¬
quable) notre prise de position que nous n’avions fait qu’annoncer
par avance, nous avons à montrer que, par opposition à P orientation
thématique dans laquelle nous nous étions placés jusqu’ici, un revirement
thématique est toujours possible conformément auquel ce n’est pas le
domaine d’objets considéré et les objectités catégoriales de niveau plus
élevé construites à partir de lui qui sont dans le champ thématique
mais — ce qui est tout autre et bien distinct — ce que nous nommons
lesjugements ainsi que leurs éléments constitutifs, leurs liaisons et autres
transformations qui aboutissent à des jugements de degrés toujours
nouveaux.
(1) « Meinen ».
(2) Meinung.
(a) C’est le noème du juger. Pour le concept de noème, cf. Ideen, pp. 181 sqq.
et spécialement pour le jugement, pp. 194 sqq.
(b) Cf. § 40.
STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
(1) WirkHchkeü.
(2) Realen.
174 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
ensembles réels et aux complexes liés réels (par exemple comme ceux
des systèmes planétaires), etc. Dans les jugements prédicatifs leur
correspondent les objectités catégoriales intentionnées qui inter¬
viennent comme éléments constituants du jugement. En même temps
que se manifeste la justesse des jugements pris dans leur totalité ou
la justesse de leur « rectification », se manifeste également la justesse
et la non-justesse correspondantes de ces objectités catégoriales
elles-mêmes.
Le type formel caractéristique de l’intentionnalité qui pénètre et
domine l’unité de la vie scientifique et de ses formations détermine le
type particulier de la raison scientifique en tant que raison réalisant
la connaissance authentique au moyen Tune critique de la connaissance
qui T accompagne constamment. En conséquence, l’effectuation systé¬
matique de la raison scientifique — c’est-à-dire la science conçue
comme une théorie dont on doit poursuivre le façonnement à
l’infini — a le sens particulier d’être un système de jugements qui,
soumis à une critique continuelle, sont amenés consciemment à
l’adéquation à la donation évidente des choses mêmes et sont, en ce
sens, des vérités, des jugements originellement justes, dirigés vers
l’être vrai et réel, ces jugements embrassant d’une manière idéelle
l’être vrai total du domaine et l’épuisant en un système « complet ».
Il faut remarquer à ce propos que l’activité scientifique de
jugement abandonne la direction naïvement immédiate de la connais¬
sance vers les réalités objectives (direction qui s’offre lorsque l’on a
d’une manière naïve les choses mêmes dans l’évidence immédiate)
[n5] et qu’elle rend thématiques les jugements, les objectités intentionnées
en tant qu’intentionnées; en conséquence, le juger s’achève toujours
en propositions pour lesquelles le « juste » ou le « vrai » ont été obte¬
nus originellement (et ont été confirmés) comme prédicats, même si
l’on passe le plus souvent sous silence ce processus du fait qu’il
traverse tous les résultats théoriques. Mais d’autre part, il va de soi
que ce processus, conforme au but de la science, se tient au service
ORIENTATION VERS LES OBJETS 175
APOPHANTIQUE
EN TANT QUE DOCTRINE DU SENS
ET EN TANT QUE LOGIQUE
DE LA VÉRITÉ
(i) Vermeintheiten.
E. HUSSERL 12
178 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
Caractéristique phénoménologique
DE l’attitude ORIENTÉE VERS LE SENS
(a) Ceci serait la réflexion noétique sur les multiplicités noétiques constituant
l’imité noématique. Cf. sur ce point, Ideen, pp. 201-207.
i8o STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
(a) Cf. Ideen, p. 265. En outre, sur le rapport du sens et du noème, cf. pp. 185,
267-273.
APOPHANTIQUE EN TANT QUE DOCTRINE 181
appartiennent donc aussi aux jugements en tant que sens. Par consé¬
quent il y a aussi pour ces jugements en tant que sens la distinction de
la possession évidente des choses « elles-mêmes » et de la simple
croyance; il y a modalisation, en particulier éventuellement biffage,
vérification, réfutation évidente (en tant que vérification négative),
mais ensuite il y a critique en revenant au sens de niveau plus élevé.
L’explicitation du sens peut être évidente, mais elle n’a pas besoin
de l’être et elle peut aussi induire en erreur. Que les objets qui
s’appellent alors sens soient effectivement autres que les objets purs
et simples, on en a un témoignage dans le fait qu’un juger cohérent
et qui, en tant que tel, revient, dans le processus d’identification, aux
objets déjà posés (il en est ainsi également en particulier pour un
juger au service de la connaissance) emprunte des chemins différents pour
l'une et l'autre région formelle et effectue des identifications différentes
(ou des distinctions différentes et des éliminations différentes au
[119] moyen du biffage). Le sens qui s’enonce : « Le jugement S est p »
ne peut jamais être identifié avec ce qui est jugé purement et sim¬
plement ; S est p et avec l’état-des-choses que l’on doit tirer de là
par nominalisation. En outre dans le passage à 1 évidence d existence
il est clair que l’être réel du jugement en tant que sens n’est pas atteint
quand S n’existe pas ou quand S n’est pas p, en un mot quand 1 etat-
des-choses, l’état-des-choses qui est pour celui qui juge, n’existe
pas. Le jugement est alors inexact, mais en tant que jugement il est
un être de la région du sens. Au reste toutes les formes d’identifications
dans les enchaînements possibles de jugement (dont les identifications
menant à l’évidence sont un secteur particulier) entrent avec des
modifications dans la sphère du sens.
Le fait que les « sens » en tant qu’objets, à 1 opposé des actes qui
s’y rapportent et des sujets, sont « transcendants », sont des pôles
idéaux d’unité, tout comme les objets qui ne sont pas des « sens »,
cela a besoin seulement d’être mentionné. On se trouve, en effet,
devant la même situation pour tous les objets en général.
182 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
Dans tous les cas est valable aussi le fait que le sens considéré doit devenir
thématique pour que la « critique » puisse s'installer. Tous les « actes » par
excellence, à savoir tous les vécus intentionnels qui effectuent des « posi¬
tions » (positions au sens strict, thèses, prises de position), sont soumis
à une critique de la « raison » et à chaque genre de telles positions appar¬
ié21] tient une évidence propre (a) qui peut être transformée, selon une loi
d’essence, en une évidence doxique. En conséquence la synthèse iden-
tificatrice de la sphère du jugement a, elle aussi, ses analogues dans
les synthèses identificatrices des autres sphères positionnelles. Par¬
tout les thèmes immédiats (le mot étant donc maintenant pris dans un
sens très large rapporté à tous les genres de positionnalité) subissent,
avec cette réflexion, une modification.
Nous parlions de la conversion possible de toute évidence en une
evidence doxique. D’une manière plus générale il faudrait dire ici :
tous les sens extra-doxiques, dans une thématisation doxique à tout
moment possible, peuvent entrer dans la sphère doxique et en parti¬
culier dans la sphère apophantique. C’est une situation semblable à
celle-ci : tout jugement modalisé peut prendre la forme d’un juge¬
ment-certitude, d’un jugement au sens normal du terme. Dans l’état-
des-choses du jugement interviennent alors le possible, le pro¬
bable, etc.; il en va de même pour le beau et le bien. Ainsi la logique
formelle de la certitude peut-elle s’enrichir des diverses formes de
modalités, mais elle peut aussi en une certaine manière accueillir les
modalités de l’affectivité.
Ces considérations laissent prévoir que même les sphères d’actes
extra-doxiques admettent une considération formelle. Cela a une
signification importante puisque s’ouvre la possibilité d’élargir l’idée
de logique formelle pour constituer une axiologie et une «pratique »formelles.
(a) 1/évidence affective a été pour la première fois mise en relief par F. Bren-
tano ; cf. dans son exposé : Von Ursprung sittlicher Erkenntnis (réédité par O. Kraus,
Feipzig, 1921) les développements sur 1’ « amour juste et caractérisé comme juste »
(p. 17).
APOPHANTIOUE EN TANT QUE DOCTRINE 185
Il se développe alors, pour ainsi dire, une logique formelle des valeurs,
des biens. Toute sphère positionnelle a ses catégories « syntaxiques »,
a ses modalités fondamentales propres du « quelque chose » et les
formes dérivées de celles-ci et en conséquence toute sphère posi¬
tionnelle a sa « logique formelle », son « analytique » (a).
sont compatibles dans l’unité d’un seul jugement, ils peuvent être « multipliés ».
I*a « multiplication » dans le « calcul logique » ne signifie rien d’autre que cette opé¬
ration de la liaison conjonctive de jugements pensés en soi comme non-contradic¬
toires pour aboutir à un jugement unique. I,a loi opératoire correspondante (de sens
itérable) est une loi fondamentale qui énonce qu’a priori tout jugement (le jugement
distinct, le jugement en soi non-contradictoire) est compatible avec tout autre juge¬
ment et forme avec ce dernier un jugement également distinct. « Validité des juge¬
ments » veut dire dans la sphère de la conséquence leur unité harmonique en soi,
la possibilité qu’on a de les effectuer d’une manière distincte, à savoir la possibilité
qu’on a de se transporter par la pensée dans une telle efïectuation.
APOPHANTIQUE EN TANT QUE DOCTRINE
a) Position de la question
L’idée de mathesis universalis en tant que science des sens apophan-
tiques de tous les niveaux catégoriaux, nous l’avions séparée, dans
nos dernières réflexions, de tous les intérêts logiques, pour la saisir
tout à fait purement dans son caractère propre. Maintenant, mettons
en jeu à nouveau ces intérêts logiques.
La mathématique se trouve donc située à nouveau à l’intérieur
de la doctrine de la science, elle exerce dans cette doctrine les fonc¬
tions de la critique et ses doctrines prennent donc elles-mêmes ce
sens fonctionnel. Les lois de la relation entre non-contradiction et
vérité sont énoncées de prime abord et ensuite on introduit, comme
il est licite de le faire conformément à ces lois, les concepts du
domaine de la vérité (jugement prédicatif vrai, objet-substrat existant
vraiment, prédicat vrai, multiplicité vraie, etc.). Les lois de la consé¬
quence et de la non-contradiction deviennent des lois de la vérité
[128] matérielle possible. Bien que dans ces lois les contenus matériels
(les noyaux) restent des indéterminés, ils sont maintenant pensés
dans cette généralité comme rapportés pourtant à une objectité
possible. La vérité possible en tant que justesse veut dire en effet
possibilité de l’adéquation aux choses possibles elles-mêmes. Ainsi
par exemple dans les lois formelles de la justesse possible des juge¬
ments prédicatifs sont incluses eo ipso les lois de la possibilité des
états des choses. Ainsi donc le système mathématique de la logique
en entier acquiert une relation à l’objectité possible en général.
E. HUSSERL 13
194 STRUCTURES DE LA LOGIQUE FORMELLE
DE LA LOGIQUE FORMELLE
A LA LOGIQUE
TRANSCENDANTALE
[13 3 J Chapitre Premier
PSYCHOLOGISME
ET FONDATION TRANSCENDANTALE
DE LA LOGIQUE
son domaine non pas aux vécus du colliger et du compter mais bien
aux nombres et de même que la théorie de l’ordre et des nombres
ordinaux a affaire non pas aux vécus de l’ordination mais bien aux
ordres eux-mêmes et à leurs formes, de même la syllogistique a tout
aussi peu affaire aux vécus psychiques du juger, du déduire, etc.
[136] La même chose vaut pour les autres sciences objectives. Personne ne
désignera comme domaine de la science de la nature, au lieu de la
nature elle-même, les vécus psychiques de l’expérience naturelle et
de la pensée concernant la nature. Là, ne s’affirmaient pas les tentatives
psychologistes auxquelles succomba presque généralement la logique
moderne. En conséquence, pour la logique aussi bien que pour
toute autre science objective (la psychologie humaine et la psycho¬
logie animale exceptées), toute thématique dirigée vers la subjectivité
semble donc exclue (thématique que le plus souvent on qualifiera
d’emblée de psychologique). Une telle thématique appartient préci¬
sément non pas au domaine de la logique mais à celui de la
psychologie.
Mais qu’en est-il alors de notre exigence d’inclusion dans la logique
des recherches tournées corrélativement vers la subjectivité ? N est-
elle pas sur le même plan que l’exigence correspondante pour toutes
les sciences ?
Déjà aussitôt après la parution des Logische Untersuchungen, on a
élevé le reproche que les études phénoménologiques qui s imposaient
là sous le titre de « clarification » des concepts fondamentaux pure¬
ment logiques et que le second tome tentait de mettre en relief en
les développant plus largement signifiaient une rechute dans le
psychologisme.
D’une manière étonnante on a considéré les Prolégomènes à me
logique pure comme surmontant absolument le psychologisme sans
faire attention qu’il n’y était nulle part question du psychologisme
tout court (en tant qu’erreur universelle de la théorie de la connais¬
sance) mais qu’il était question d’un psychologisme dans un sens tout a fait
208 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
(a) Cf. plus loin ci-dessous, chap. VI, en particulier § 99. Renvoyons aussi à
l’avance à des développements plus précis dans des publications qui suivront
bientôt.
PSYCHOLOGISME 209
E. HUSSERL 14
210 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
(1) Reale.
PSYCHOLOGISME 21 I
(a) Mes Logische Studien qui vont paraître bientôt développent et fondent cette
distinction qui n’était pas encore faite dans les Prolégomènes.
212 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
(a) Des objectités irréelles peuvent très bien admettre une référence au temps
extérieure à l’essence aussi bien qu’une référence à l’espace et qu’une réalisation
non moins extérieures à l’essence.
PSYCHOLOGISME
(1) AuflÔsung.
214 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
(1) Urtümliche.
(a) Comme je l’ai été moi-même à l’époque des Logische Untersuchungen.
2i6 logiques formelle et transcendantale
vérité en tant que justesse (a)... précisément parce que, pour les
objectités elles-mêmes en tant qu’existantes pour nous, ces donations
sont constituantes d’une manière originelle et qu’elles fondent origi¬
nellement leur sens et leur être. De même les inadéquations origi¬
nelles, en tant que donations de la nullité elle-même, sont fondations
primitives de la fausseté, du non-droit en tant que non-justesse (en
intervertissant : de la vérité de la nullité, de la vérité de la non-
justesse). Par ces inadéquations originelles se constitue non pas
l’objectité pure et simple, c’est-à-dire l’objectité existante, mais,
sur la base de l’objectité intentionnée, le biffage d’une telle « opinion »,
donc son non-être.
objet lui-même) nous avons désigné une généralité qui est rapportée
d’égale façon à toutes les objectités, nous n’entendons pas par là
que la structure de l’évidence est semblable dans tous les cas.
La catégorie de P objédité et la catégorie de P évidence sont des corrélats.
A toute espece fondamentale d’objectités — en tant qu’unités inten¬
tionnelles qui doivent être maintenues dans une synthèse inten¬
tionnelle, finalement à toute espèce fondamentale d’unités d « expé¬
rience » possible — convient une espèce fondamentale de P « expérience », de
P évidence et pareillement une espèce fondamentale du style d’évidence
indiqué d’une manière intentionnelle dans l’augmentation éventuelle
de la perfection de la possession des choses elles-mêmes.
Ainsi prend naissance la tâche importante qui consiste à examiner
à fond tous ces modes de l’évidence, a rendre compréhensibles les
effectuations extrêmement complexes qui concourent pour former
une unité synthétique et qui renvoient à des effectuations toujours
nouvelles, effectuations dans lesquelles l’objectité en question se
montre elle-même et plus ou moins parfaitement. Traiter de haut 1 évi¬
dence et la « confiance en soi de la raison » ne donne rien ici. Et
rester attaché à la tradition qui, pour des motifs depuis longtemps
oubliés, en tout cas jamais clarifiés, réduit l’évidence à 1 évidence
rationnelle apodictique, absolument indubitable, et pour ainsi dire en
soi absolument achevée, c’est se fermer la compréhension de toute
effectuation scientifique. La science de la nature par exemple doit
faire fond sur Y expérience externe uniquement parce que cette expé¬
rience est précisément le mode où Pon a les objets de la nature « eux-
mêmes », et sans cette expérience externe on n’arriverait absolument
plus à penser sur quoi l’opinion naturelle (c’est-à-dire se rapportant
aux choses spatiales) pourrait se régler. Et c’est à nouveau unique¬
ment parce que l’expérience imparfaite est pourtant expérience, est
pourtant conscience d’avoir les choses « elles-mêmes » que 1 expé¬
rience peut se régler sur l’expérience et se rectifier grâce à l’expé¬
rience. C’est pour cette raison précisément qu’il est même absurde,
220 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
(1) Reellen.
(a) Pour l’analyse de la constitution des data temporels, cf. mes leçons sur la
phénoménologie de la conscience interne du temps, publiées par M. Heidegger
dans ce même Jahrbuch, t. IX.
PSYCHOLOGISME 223
(r) Reelles.
(2) Erzeugende.
PSYCHOLOGISME 227
Ce qui est ici « manié », ce ne sont donc pas des réalités ; il n’y a
pas à revenir sur le sens propre aux objectités idéales : comme nous
l’avons déjà dit, nous sommes sûrs de ces objectités, dans une évi¬
dence qui leur est propre, de façon absolument aussi originelle que
celle avec laquelle nous sommes sûrs des objectités saisies par l’expé¬
rience. Mais d’autre part il n’y a pas davantage à revenir sur le fait
qu’elles aussi sont des buts que l’on peut produire, des fins et des
moyens et qu’elles sont ce qu’elles sont uniquement en vertu d’une
production originelle. Mais cela ne veut aucunement dire qu’elles
sont ce qu’elles sont uniquement dans et pendant la production ori¬
ginelle. Elles sont « dans » la production originelle : cela veut dire :
elles sont connues en elle comme dans une certaine intentionnalité
de la forme : activité spontanée, et cela sous le mode du soi-même original.
Cette maniéré d’être donné par me telle activité originelle n’est rien d’autre
que la manière qui est spécifique de la « perception ». Ou, ce qui revient
au même, cette activité originelle qui procure un acquis, voilà ce qui
est 1’ « évidence » pour ces idéalités. L’évidence, prise d’une manière tout
à fait générale, n’est précisément pas autre chose que le mode de
conscience qui, se construisant éventuellement d’une manière extra¬
ordinairement complexe et hiérarchique, offre son objectité inten¬
tionnelle sous le mode du « cela lui-même » original. Cette activité de
conscience qui rend évident •—- ici une activité spontanée difficile
à explorer — est la « constitution originelle », pour parler d’une
manière plus significative, la constitution fondant primitivement les
objectités idéales de l’espèce logique.
sens pris comme me espèce d’objets ayant une essence propre est nié au
profit des vécus subjectifs, des data dans la temporalité immanente ou
psychologique.
Il importe peu ici pourtant que l’on considère ces data comme
des data irréels au sens de la psychologie (science des hommes et des
animaux en tant que réalités objectives) ou comme data d’une subjec¬
tivité transcendantale (de quelque façon qu’on la distingue de la subjec¬
tivité psychologique), subjectivité qui précède toutes les réalités
objectives, même les sujets humains; et dans ce dernier cas, il importe
peu que l’on considère ces data comme un amas de sensations posées
d’une manière absolue ou comme des vécus intentionnels dans
l’unité téléologique d’un moi concret et d’une communauté de
« moi ». Assurément l’expression psychologisme convient mieux à
toute interprétation qui transforme toute idéalité en élément psycho¬
logique proprement dit, ce qui devrait déterminer aussi le sens par
excellence de psychologisme.
Critique analytique
ET CRITIQUE TRANSCENDANTALE DE LA CONNAISSANCE
et restait empêtré. Son domaine ... cela veut dire son champ théma¬
tique, dans le sens premier, dans le sens principal du terme, champ
thématique comme en a toute science. Cela n’exclut pourtant pas
que secondairement — au service de la connaissance du domaine —
devient thématique ce qui n’appartient pas au domaine, mais est
avec lui en connexion essentielle. Cela vaut, en effet, déjà, comme
nous l’avons mentionné antérieurement, pour le premier champ
de la critique « analytique » indispensable pour toute science, c’est-à-
dire pour le champ de sa théorie et de ses jugements en général se
rapportant au domaine ainsi que pour le champ des processus idéaux
correspondants.
Et alors une situation analogue ne devrait-elle pas pouvoir valoir
— et être forcément valable — pour le champ total des actes inten¬
tionnels, des modes d’apparaître, des divers modes de conscience
dans lesquels le domaine scientifique, ses objets et ses relations entre
objets sont donnés au préalable pour celui qui juge, et de même des
modes de conscience dans lesquels se déroulent intentionnellement
la vie et l’aspiration théoriques entières qui se rapportent au domaine,
dans lesquels se constituent intentionnellement la théorie et l’être
scientifiquement vrai du domaine ? Ne devrait-on pas en fait avoir
affaire, ici aussi, au champ d’une critique nécessaire pour toutes les
sciences, d’une critique transcendantale ? ... nécessaire, si toutefois
les sciences doivent pouvoir être des sciences authentiques. Si cela
pouvait être rendu évident et si l’on arrivait à déployer le champ
immense des tâches de cette critique dernière qui est la plus profonde
qui soit, alors naturellement on aurait ainsi servi la logique; car en
tant que doctrine universelle de la science et non pas simplement en
tant que doctrine analytique (en tant que simple mathesis universalis)
la logique se rapporterait aux sciences authentiques en général,
quant à leurs possibilités essentielles générales et elle se rapporterait
aussi bien à toute critique concernant ces sciences et leur authenticité,
à nouveau quant aux possibilités essentielles générales de cette cri-
PSYCHOLOGISME 23 5
que d’autre part, dans sa relation à toutes les sciences possibles, elle
doit être cette science qui a à traiter, comme thème, de ces recherches
critiques nécessaires pour toutes les sciences, et cela pourtant dans
une généralité qui concerne indistinctement toutes les sciences. Ces
deux exigences ne coïncident pas d’emblée. Car si la logique, c’est-à-
dire l’analytique formelle qui est pour nous la seule actuellement à
être délimitée d’une manière sûre, a comme première sphère théma¬
tique les formes des formations catégoriales de jugement et d’objet et,
sous le seul point de vue de l’extension, est rapportée aux formations
qui dans toutes les sciences sont soumises à ces formes, alors se
posent pour la logique précisément les problèmes constitutifs qui lui
sont particuliers; ces problèmes concernent l’édification subjective
des formes catégoriales générales et ils concernent en premier lieu
les concepts régionaux suprêmes comme jugement-en-général,
objectité-en-général. Pour les sciences particulières ces problèmes
[156] entrent aussi sans doute en ligne de compte mais seulement en passant
par la logique prise comme méthode de ces sciences. Pourvu que l’on
puisse justement montrer que l’authenticité de la science ne peut
être authenticité que si l’on se fonde sur le rôle conscient de norme
qui revient aux principes logiques, donc pourvu que l’on puisse
montrer que la logique n’est pas seulement une science propre à côté
des autres sciences mais qu’elle est en même temps la pièce fonda¬
mentale de la méthode pour toute science en général qui doit être
rendue possible. Cela nous l’avions affirmé par anticipation dans
notre introduction mais seule la suite de notre livre permettra de le
fonder réellement.
En tout cas, après toutes les recherches poursuivies jusqu’ici en
vue de la clarification radicale et de la garantie critique du domaine
spécifique de l’analytique et des domaines que l’on peut distinguer en
elle, notre tâche la plus urgente est de diriger nos recherches ulté¬
rieures avant tout vers la clarification des recherches subjectives exigées
pour cette analytique ainsi que vers la clarification de leur nécessité.
PSYCHOLOGISME
QUESTIONS INITIALES
DE LA PROBLÉMATIQUE
DE LA LOGIQUE TRANSCENDANTALE :
PROBLÈMES RELATIFS
AUX CONCEPTS FONDAMENTAUX
C’est dans une évidence immédiate que sont données tout d’abord
les formations logiques et leurs formes générales et c’est nécessai¬
rement la première étape. Mais maintenant est exigée une réflexion
thématique sur cette évidence, c’est-à-dire sur l’activité constructrice de
formes qui auparavant s’effectuait immédiatement dans une naïveté
non-thématique. Il s’agit alors de « clarifier » les formations et les
formes générales (formations de degré supérieur) qui sont tout
d’abord seulement « données » dans cette évidence, pour pouvoir,
par l’élucidation de l’intentionnalité qui vise originellement leur sens
objectif et le réalise, saisir avec exactitude et délimiter ce sens lui-
même et pour pouvoir garantir son identité contre tout ce qui peut
déplacer et masquer ce sens dans la naïveté. En d’autres termes,
dans toute activité d’effectuation se trouvent une intention et une
réalisation; on peut considérer cette activité et ce qui s’y trouve
impliqué, on peut s’assurer de l’identité de son dessein et de la
réalisation de ce dessein. Dans le dessein et l’activité naïfs, la visée
peut se déplacer, et de même dans la répétition naïve de l’effectuation
et dans tout autre retour à ce que précédemment nous avons cherché
à atteindre et avons réussi à atteindre. Il en est de même dans la
thématisation qui s’effectue dans la suite des actions naïves du logi¬
cien. C’est dans la réflexion qui part des thèmes immédiats qui ne
sont que donnés (des thèmes subissant éventuellement des dépla¬
cements très essentiels) pour se diriger vers l’activité qui constitue
ces thèmes dans la visée et le remplissement de cette visée — activité
qui reste cachée dans l’action naïve ou, comme nous pouvons le
dire également, qui reste « anonyme » et qui devient seulement à
présent thème propre — c’est dans cette réflexion que nous ques¬
tionnons après coup l’activité considérée. C est-à-dire, nous question¬
nons l’évidence — qui précisément s’eveille en même temps pour
savoir ce vers quoi elle tend et ce qu elle a acquis et dans 1 évidence de degré
supérieur nous nous livrons aux activités d identification et de
fixation, nous suivons les variations possibles des fluctuations théma-
24o LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
b) La clarification
des différents concepts fondamentaux des disciplines logiques
est une mise à nu de la méthode subjective cachée
qui forme ces concepts et une critique de cette méthode
(a) Cf. sur ce point ci-dessous les clarifications plus profondes du chap. IV,
surtout §§ 89 et 90.
LA PROBLÉMATIQUE DE LA LOGIQUE 243
et en tant que telle elle est une norme pour la praxis méthodique à
venir constituée en habitude. La méthode logique authentique est
possible uniquement du fait de l’exploration thématique et du
façonnement téléologique de la méthode naïve elle-même.
Cela jette déjà par avance une lumière sur les problèmes très débat¬
tus des fondements non seulement des mathématiques mais aussi de
toutes les sciences objectives. Pour la mathématique formelle en
tant qu’elle est l’analytique même, nous sommes déjà fixés sur le
sens de ces problèmes grâce aux réflexions que nous avons faites
jusqu’à présent et la confusion habituelle qui a lieu dans la position
de ces problèmes est supprimée. Partout dans le problème des fonde¬
ments, comme dans toute problématique épistémologique, remar¬
quons l’absurdité que nous avons déjà mentionnée à plusieurs
reprises qui consiste à prendre les sciences comme quelque chose
qui existe déjà; comme si la recherche des fondements devait signifier
simplement une clarification venant après coup ou à la rigueur une
amélioration qui ne modifie pas essentiellement ces sciences mêmes.
En vérité les sciences qui ont des paradoxes, qui opèrent avec des
concepts fondamentaux qui ne sont pas créés par le travail de la
clarification de l’origine et par celui de la critique ne sont absolument
pas des sciences mais, en dépit de toute leur ingéniosité, ne sont que
des techniques théoriques.
La création des concepts fondamentaux est donc en fait, pour
toutes les sciences, une action de fondation (dans le sens le plus littéral
du mot), comme nous l’avons déjà dit par anticipation. Pour toutes
les sciences... mais en première ligne pour la logique qui est appelée
246 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
(1) Logik-geradehin.
Chapitre III
au fait que l’expression verbale — que nous avons exclue de nos consi¬
dérations logiques — est une présupposition essentielle pour une
activité intersubjective de pensée et pour une inter subjectivité de la
théorie dont l’existence est valable idealiter et si nous songeons que
par conséquent aussi une possibilité idéale d’identification de l’expres¬
sion en tant qu’expression doit entraîner avec elle un problème
constitutif.
ensemble qui lui soit disjoint et, par addition, adjoindre ce nouvel
ensemble au premier; on peut avec tout nombre a former toujours
à nouveau un nombre a -f- 1, et ainsi à partir de 1 former la suite
« infinie » des nombres. Dans la morphologie des sens analytiques
nous avons des lois purement itérables ; en elles se trouve enfermée
l’infinité, se trouvent enfermés le « toujours à nouveau », le « et ainsi
de suite ». La mathématique est le domaine des constructions infinies,
domaine d’existences idéales, non seulement de sens « finis », mais
aussi d’infinités obtenues par construction. Manifestement se pose
ici à nouveau le problème des origines constitutives subjectives qui
prend la forme suivante : c’est alors le problème de la méthode des
constructions, méthode cachée qu’il faut mettre à nu et à laquelle
il faut donner une forme nouvelle de norme, méthode dans laquelle
deviennent évidents le « et ainsi de suite » de sens divers et les infinités
en tant que formations catégoriales de nouvelle espèce (mais qui
jouent un grand rôle également déjà dans les sphères préconceptuelles
de la représentation). Mais c’est précisément cette évidence dans tous
ses aspects particuliers qui doit être maintenant prise pour thème.
Validité veut dire ici naturellement non pas : vérité mais juste¬
ment : simple juger sous le mode de la « distinction ». La loi analytique
de contradiction ne doit donc absolument pas être confondue avec
la loi de la logique de la vérité qu’on appelle traditionnellement
loi de contradiction.
Quelque justes que soient ces tournures subjectives, elles indiquent
simplement le caractère de loi effective qui se tient derrière elles et
qui vient au jour dans la mise à nu effective des structures subjectives
169] corrélatives. Dans la perspective purement objective l’énoncé de la
contradiction appartenant à l’analytique pure est un énoncé sur
1’ « existence » — et la coexistence — mathématique idéale, donc sur
la compossibilité de jugements au stade de la distinction. Mais c’est
du côté subjectif que se trouve la structure apriorique de l’évidence
et des effectuations qui relèvent d’ordinaire de cette structure, struc¬
ture dont la mise à nu met réellement en relief les situations subjec¬
tives essentielles qui correspondent à son sens objectif.
Au caractère subjectif de l’évidence qui appartient seulement à
la sphère idéale de la conséquence et de la non-conséquence s’entre¬
mêlent avec une nécessité d’essence les évidences de la morphologie
qui sont relatives aux modes de la confusion et aux connexions
de l’intention et du remplissement que nous avons montrées
précédemment.
Toutes ces évidences avec les structures essentielles qui leur
appartiennent doivent être déployées de telle sorte qu’on voie
qu’elles fonctionnent ensemble dans la « méthodique » subjective
et cachée de la constitution intentionnelle des diverses unités idéales
et des diverses connexions idéales qui lient la morphologie à la
doctrine de la conséquence pour former l’unité de l’analytique mathé¬
matique. Toutes les structures subjectives ont précisément un
a priori de la fonction, elles doivent toutes être mises en relief et cet
a priori doit être formé consciemment du fait d’une claire auto¬
compréhension : il est une méthode, à la clarté originelle, pour une
E. HUSSERL
17
258 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
DE LA LOGIQUE DE LA VÉRITÉ
(a.) Cf. Section I, § 16, p. 79 et pour les « principes logiques », § 20, p. 93.
LES PRÉSUPPOSITIONS IDÉALISANTES zGi
(1) Objekte.
2-JZ LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
RETOUR DE LA CRITIQUE
DE L’ÉVIDENCE
DES PRINCIPES LOGIQUES
A LA CRITIQUE DE L’ÉVIDENCE
DE L’EXPÉRIENCE
aux relations nominalisées, etc.), aux prédicats derniers (non plus aux
prédicats de prédicats, etc.), aux formes générales dernières, aux relations
dernières (a).
A UN MONDE D’iNDIVIDUS
subjective, cela signifie que l’ordre ainsi tracé des formes du jugement
recèle en soi en même temps un ordre, lui aussi tracé, des processus qui
rendent évident au contact des choses, ordre qui étage les choses vraies elles-
mêmes.
Pour préciser, disons que parler du dévoilement de la genèse du
sens des jugements c’est exactement la même chose que parler du
déroulement des moments du sens qui sont impliqués dans le sens
manifeste et qui lui appartiennent par essence. Les jugements en
tant que produits achevés d’une « constitution » ou d’une « genèse »
peuvent et doivent être questionnés relativement à cette constitution,
à cette genèse. C’est précisément le caractère propre de l’essence de
tels produits qu’ils sont des sens qui, en tant que produits d’impli¬
cation de leur genèse, portent en eux une sorte d’historicité; qu’en
eux, d’une manière graduelle, le sens renvoie au sens originel et à
l’intentionnalité noématique correspondante; que l’on peut donc
questionner toute formation de sens relativement à son histoire du
sens, histoire conforme à l’essence du sens.
Cette propriété merveilleuse appartient à l’universalité de la
conscience en général en tant qu’elle est intentionnalité effectuante.
Toutes les unités intentionnelles proviennent d’une genèse inten¬
tionnelle, elles sont des unités « constituées » et partout on peut
questionner les unités « achevées » relativement a leur constitution,
à leur genèse totale et ce, relativement a leur forme essentielle qui
doit être saisie éidétiquement. Ce fait fondamental, embrassant dans
son universalité la vie intentionnelle entière, c’est lui qui détermine
le sens spécifique de l’analyse intentionnelle comme dévoilement des impli¬
cations intentionnelles avec lesquelles sont mis en relief, face au sens
achevé patent des unités, leurs moments de sens cachés et leur
relations de sens « causales ». En tout cas cela nous est facile à com¬
prendre dans le jugement et en particulier il devient aussi com¬
préhensible que non seulement le sens patent ou achevé, mais
encore le sens impliqué a constamment a intervenir, et qu en particulier il
282 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
joue aussi un rôle essentiel dans le processus qui rend évident (ici,
dans notre sphère logique, dans le processus qui rend évident les
principes logiques). Mais cela concerne, comme on va le voir dans
un instant, non seulement les implications syntaxiques mais aussi la
genèse, aux assises plus profondes, qui appartient déjà aux « noyaux »
derniers et qui renvoie aux origines provenant d’expériences. Faute
de voir clair sur tout cela, nous ne pouvons pas même disposer des
principes logiques, nous ne savons pas ce qui en eux peut dépendre de
présuppositions cachées.
(a) Dans les Studien zur Logik que j’ai annoncées ci-âessus déjà à plusieurs
reprises.
(b) C est dans mes Logische Untersuchungen, II (2e partie.), 6e Recherche, que le
concept de catégorial a été introduit pour la première fois, exclusivement en ce qui
concerne le syntaxique dans le jugement. Ra séparation n’était pas encore faite
entre ,1e syntaxique en général qui apparaît déjà dans la sphère antéprédicative (et
qui d ailleurs a aussi ses analogues dans l'affectivité) et le syntaxique de la sphère
spécifique du jugement.
RETOUR DE LA CRITIQUE DE L’ÉVIDENCE 287
19
E. HUSSERL
29° LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
(1) Einstimmigkeit.
292 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
mais le tout n’offre pas un sens ayant une unité harmonique; ce n’est
pas un tout qui soit lui-même sens.
Nous avons donc concordance et discordance (conflit) dans le
« sens » et cela de telle sorte qu’il ne s’agisse pas, avec ce qu’ici veulent
dire sens et totalité du sens, de jugements effectués réellement et à
proprement parler, de jugements au sens de la conséquence ... quoique
pourtant il s’agisse de jugements et de logique de la vérité. Des
jugements contradictoires sont présentement, en effet, concordants dans
T unité d’un sens ; mais contradiction et concordance selon les concepts
de la logique de la conséquence sont des concepts opposés qui
s’excluent et il est manifeste qu’ils présupposent déjà l’unité de ce « sens ».
Si nous nous demandons maintenant ce qui détermine ici le
concept de sens, alors nous nous rendrons compte d’une de ces
équivoques conformes à l’essence dont nous avons parlé antérieu¬
rement. Nous devrons revenir pour sa clarification à la distinction
qui a été traitée dans les Logische Untersuchungen et qui était la distinc¬
tion entre « qualité » et « matière » (a).
1. C est en tant que sens d’un énoncé que le jugement considéré peut
être compris. Mais si celui qui énonce passe de la certitude pure et
simple : « S est p » au cas où il présume, où il tient-pour-probable,
où il doute, s il passe à 1 affirmation ou au rejet négateur, ou aussi à la
supposition de ce même « S est p », alors :
2. Se détache comme sens du jugement le contenu du jugement en
tant qu il est un élément commun qui dans les vicissitudes du mode d’être
(certitude, possibilité, probabilité, caractère problématique, « réalité
effective », nullité) se maintient identique dans la direction subjective
du mode doxique de position. Ce contenu du jugement qui reste
identique dans la succession des modifications du mode primitif de la
certitude de croyance, ce contenu qui est ce qui, selon les cas, « est »
là, ou est possible, ou est probable, douteux, etc., les Logische Unter-
suchungen le prenaient comme un moment non indépendant dans les
modalités du jugement.
Le concept de sens a donc pour la sphère du jugement un double
sens essentiel... double sens qui d’ailleurs d’une manière analogue
s’introduit dans toutes les sphères positionnelles et avant tout bien
entendu aussi dans la sphère doxique du niveau le plus bas, celle de la
« représentation », c’est-à-dire celle de l’expérience de tous ses modes
de variation, y compris du mode vide. L’unité possible d’un tel contenu
du jugement, en tant que pensée comme unité qui peut être posée dans une
modalité quelconque, est liée à des conditions. La simple compréhen¬
sibilité grammaticale unitaire, la capacité de sens purement grammaticale
(avec le concept de sens grammatical qui à son tour est tout à fait
autre) n’est pas encore la capacité de sens que présuppose T analytique
logique.
Nous le voyons, le concept de jugement « distinct », du jugement
que l’on peut, du point de vue de la syntaxe, vraiment effectuer et qui
est présupposé dans la logique de la conséquence et par suite dans les
principes formels de vérité, a besoin d’une détermination essentielle
supplémentaire et d’une élucidation plus profonde correspondante.
La possibilité d’effectuation unitaire du contenu du jugement précède la possi¬
bilité d’effectuation du jugement lui-même et est sa condition. Ou encore,
1’ « existence » idéale du contenu du jugement est la presupposition de
/’ « existence » idéale du jugement (au sens le plus large d une objectité
catégoriale intentionnée en tant que telle) et se résorbe dans cette
déinière elle-même.
[194] alors nous sommes renvoyés aux noyaux syntaxiques qui appa¬
remment n’ont aucune fonction dans les considérations formelles.
Ce qui donc voudrait dire que la possibilité de la véritable effec-
tuation de la possibilité d’un jugement (en tant qu’opinion) prend
racine non seulement dans les formes syntaxiques mais aussi dans les
matériaux syntaxiques. Ce dernier fait, le logicien engagé dans la
logique formelle le négligera facilement, du fait que son intérêt est
dirigé d’une manière unilatérale vers le syntaxique — dont la multi¬
plicité des formes appartient exclusivement à la théorie logique — et
du fait qu’il algébrise les noyaux, le noyau ne relevant pas de la théorie
et étant alors considéré comme un quelque-chose vide qui doit
simplement être maintenu identique.
Mais comment la fonction des matériaux syntaxiques ou noyaux
se comprend-elle quand il s’agit de rendre possible l’existence du
jugement, donc la capacité d’être vraiment effectué qu’a le jugement
pris au sens du jugement-indication ? Ici Y élucidation réside dans la
genèse intentionnelle. Tout jugement en tant que tel a sa genèse inten¬
tionnelle, nous pouvons dire aussi ses fondements essentiels de moti¬
vation sans lesquels le jugement ne pourrait exister tout d’abord sous
le mode primitif de la certitude et sans lesquels il ne pourrait être
ensuite modalisé. Cela implique que les matériaux syntaxiques se
présentant dans l’unité d’un jugement doivent avoir affaire les uns avec les
autres. Mais cela provient de ce que le mode de jugement généti¬
quement le plus originel — il est question d’une genèse intentionnelle
et, de ce fait, conforme à l’essence et non pas d’une genèse psycho¬
physique et inductive qui du reste ne peut être conçue clairement
qu’à partir de cette genèse intentionnelle — est le jugement évident
et, au niveau de base, le jugement qui se fonde sur l’expérience. Avant
tout juger existe une base universelle de l’expérience; elle est cons¬
tamment présupposée comme unité concordante d’expérience possible.
Dans cette concordance, tout « a affaire » avec tout matériellement.
Mais l’unité de l’expérience peut être aussi discordante et cependant
RETOUR DE LA CRITIQUE DE L’ÉVIDENCE 295
dans ses traits fondamentaux mais que nous n’avons pas fondé dans
le détail, à savoir que, grâce à une genèse intentionnelle des jugements
(genèse qu’il faut mettre à nu), tout jugement (au sens non seulement
d’une indication de sens purement grammatical, mais aussi au sens
d’une homogénéité matérielle des noyaux, quant à leur sens) a néces¬
sairement une relation à une sphère unitaire d’expérience (à un domaine
unitaire de choses), relation telle que le jugement doive être amené
à l’adéquation soit positive soit négative; alors, dans ces conditions,
la conversion subjective des principes logiques en principes de l’évi¬
dence que nous avons présentée est fondée sans contredit. Mais
quels sont alors les rapports de P évidence à la vérité ? Il en va pourtant
moins simplement que ne laisse paraître ce changement d’orientation.
Chapitre V
LA FONDATION SUBJECTIVE
DE LA LOGIQUE COMME PROBLÈME
DE PHILOSOPHIE TRANSCENDANTALE
et les sciences qui portent sur les faits concernent ce qui existe en
fait dans le monde ou concernent l’existence de fait du monde lui-
même; les vérités et les sciences aprioriques concernent de même
[199] l’être mondain possible. Pour parler plus précisément, ces dernières
concernent ce qui reste nécessairement valable quand l’imagination
varie librement le monde qui existe en fait, elles concernent ce qui
vaut nécessairement comme forme essentielle d’un monde en général,
donc aussi de ce monde donné. Ainsi la doctrine apriorique de l’es¬
pace et celle du temps (géométrie, chronologie) sont rapportées à
l’espace et au temps comme formes essentielles de ce monde en tant
qu’il est un monde en général. Même les sciences aprioriques que la
logique a en vue sont donc mondaines. Tout comme l’est l’être-en-soi
du monde réel, de même est présupposé l’être-en-soi possible de ses
variantes possibles; est aussi présupposé le fait que, grâce à l’expé¬
rience et à la théorie, réelles et possibles, la science du monde réel et
la science d’un monde en général, possible a priori, sont « en soi »
possibles, ou ont en soi une existence et de ce fait, comme il va de soi,
peuvent être le but d’un travail de réalisation logique.
Or, assurément, la logique restait dans une apriorité qui ne pouvait
dans ses théories prétendre s’occuper d’aucune espèce de faits ni
non plus d’aucun monde existant en fait. Mais d’un côté on doit
songer que la logique, dans la perspective de l’ontologie formelle,
présupposait au moins l’être mondain possible qu’elle devait avoir
atteint à titre donc de variante possible du monde bien évidemment
réel. D’autre part, partout où elle éprouvait le besoin de clarifier ses
concepts fondamentaux et où elle s’engageait dans des recherches
dirigées vers la subjectivité, la logique prenait ces recherches comme des
recherches psychologiques au sens habituel, comme des recherches sur
la vie de la représentation et de la pensée, sur la vie de l’évidence,
vécues par les hommes dans le monde, restant indifférente au fait de
savoir si on avait là recours à la psychophysique et à l’expérimen¬
tation « objective » ou à la simple « expérience interne ». Et ainsi
FONDATION SUBJECTIVE DE LA LOGIQUE 303
pour être fondées, doivent être précédées par une critique de P expérience
qui impose aux sciences l’existence du monde. Cette critique, comme
on le sait, conduit chez Descartes à ce résultat qu’à l’expérience fait
défaut l’évidence absolue (celle qui fonde apodictiquement l’être
du monde) et que donc la présupposition naïve du monde doit être
supprimée et que toute connaissance objective doit être fondée sur
l’unique donnée apodictique d’un existant, à savoir de Y ego cogito.
Nous le savons, ce fut le commencement de toute la philosophie transcen¬
dantale des temps modernes qui se fait jour tout en ayant à lutter
[202] contre des obscurités et des aberrations toujours nouvelles. Les
débuts de cette philosophie avec la grande découverte cartésienne
— mais qui ne transparaît qu’à moitié — de la subjectivité transcen¬
dantale sont troublés aussitôt par Y aberration la plus néfaste qui
jusqu’à aujourd’hui est restée indéracinable et qui nous a gratifié
de ce réalisme dont les idéalismes d’un Berkeley et d’un Hume se
présentent comme les opposés non moins absurdes. Déjà chez
Descartes l’ego est établi par une évidence absolue comme une
parcelle du monde, première, existant indubitablement (mens sive
animus, substantia cogitans) et toute la question est alors d’y ajuster,
par un procédé de déduction logiquement concluant, le reste du monde
(chez Descartes la substance absolue et les substances finies du monde
hors de ma propre substance pensante).
Déjà Descartes opère là avec l’héritage d’un a priori naïf, avec
Ya priori de la causalité, avec la présupposition naïve des évidences
ontologiques et logiques pour le maniement de la thématique
transcendantale. Descartes manque donc le sens proprement transcen¬
dantal de P ego qu’il avait découvert, de cet ego qui précède, du point de
vue de la connaissance, l’être du monde. Il ne manque pas moins
le sens proprement transcendantal des questions qui doivent être
posées en ce qui concerne l’expérience et la pensée scientifique et
aussi, si l’on se place dans une généralité principielle, en ce qui
concerne une logique elle-même.
FONDATION SUBJECTIVE DE LA LOGIQUE 307
causale avec ces données, tout ce schéma n’est-il pas en fin de compte
un contre-sens achevé ? _
En fait il en est ainsi; et le contre-sens provient de ce que, avec
PHÉNOMÉNOLOGIE TRANSCENDANTALE
ET PSYCHOLOGIE INTENTIONNELLE
LE PROBLÈME
DU PSYCHOLOGISME TRANSCENDANTAL
conscience par laquelle tout pour moi reçoit son sens d’être.
Mais le monde est pourtant (nous ne pouvons pas passer si vite
sur ce point comme dans le paragraphe précédent) le monde de nous
tous-, il a dans son sens propre, en tant que monde objectif, la forme
catégoriale de 1’ étant véritablement une fois pour toutes non seulement
pour moi, mais pour tout être. Car ce que nous avons fait valoir
ci-dessus (a) comme caractère logique de la vérité prédicative vaut
manifestement aussi déjà pour le monde de l’expérience antérieure¬
ment à la vérité et à la science qui explicitent ce monde d’une manière
prédicative. L expérience du monde en tant qu’expérience constituante
ne veut pas dire simplement mon expérience tout à fait privée, mais
Y expérience de la communauté', de par son sens, le monde lui-même est
un seul et même monde auquel nous avons, nous tous, accès d une
manière principielle grâce à l’expérience, sur lequel nous tous nous
pouvons tomber d’accord par 1’ « échangé » de nos expériences, donc
par leur mise en commun, de même que la légitimation « objective »
repose sur l’assentiment mutuel et sur sa critique.
Cependant quelque énormes que soient les difficultés que puissent
entraîner le dévoilement véritable de l’intentionnalité effectuante et
tout particulièrement la distinction entre intentionnalité qui nous est
originellement propre et intentionnalité d’autrui ou encore 1 élu¬
cidation de cette intersubjectivité qui a la fonction d’intersubjectivité
constitutive du sens pour le monde objectif — ce qui a été dit subsiste
avant tout avec une nécessité insurmontable. En premier lieu et
avant toute chose concevable je suis. Ct je suis est, pour moi qui e
dit et le dit en le comprenant comme il faut, le fondement primitif
intentionnel pour mon monde-, là, il ne peut m échapper que même e
monde « objectif », le « monde pour nous tous », en tant que monde
valant pour moi avec ce sens, est « mon » monde. Mais le fondement
primitif intentionnel est le « Je suis » non seulement pour « le » monde
que je considère comme le monde réel mais aussi pour n’importe quel
« monde idéal » qui vaut pour moi et de même en général pour
tout ce que sans exception, en un sens quelconque qui soit com¬
préhensible ou valable pour moi, j’ai présent à la conscience comme
existant et cela tantôt légitimement, tantôt illégitimement — y
compris moi-même, ma vie, mon activité de pensée, tout cet avoir-
conscience. Que cela convienne ou pas, que cela puisse me paraître
monstrueux (de par quelques préjugés que ce soit) ou non, c’est le
[210] fait primitif auquel je dois faire face, dont en tant que philosophe je ne
peux pas détourner les regards un seul instant. Pour les enfants phi¬
losophes, cela peut bien être le coin sombre où reviennent les fan¬
tômes du solipsisme, ou aussi du psychologisme, du relativisme. Le
véritable philosophe préférera, au lieu de s’enfuir devant ces fantômes,
éclairer le coin sombre.
pour vis-à-vis, comme aussi le fait que pour lui je suis — avec
la totalité de ma vie, avec tous mes modes de conscience et tous
les objets valant pour moi — un alter ego comme il l’est pour
moi; et pareillement tout autre l’est pour tout autre de telle sorte
que le « tout être » prend un sens et pareillement le nous et le je
(je, c’est-à-dire « un parmi les autres ») en tant qu’ils sont impliqués
dans le « tout être ».
Essayons maintenant de déployer la problématique transcen¬
dantale très embrouillée de l’inter subjectivité et aussi de la consti¬
tution de la forme catégoriale de P « objectivité » pour le monde
qui est bien le nôtre et essayons, par ce moyen, au moins d’obtenir
une représentation du type des clarifications qui doivent être effec¬
tuées ici et cela purement par le dévoilement conséquent de ma vie
intentionnelle propre et de ce qui est constitué en elle.
Si dans l’universalité de mon ego cogito je me trouve en tant qu être
psychophysique, en tant qu’unite constituée dans cette universalité,
et que je trouve sous la forme « autre », rapportes à mon être psycho¬
physique, des êtres psychophysiques qui me font vis-à-vis, non
moins constitués en tant que tels dans les multiplicités de ma vie
intentionnelle, alors à ce moment seront sensibles tout d’abord de
[211] grandes difficultés déjà dans la relation avec moi-même. Moi, P « ego
transcendantal », je suis « ce qui précède » tout ce qui fait partie du
monde, moi qui suis le moi dans la vie de la conscience duquel le
monde avant tout se constitue comme unité intentionnelle. Donc moi,
le moi constituant, je ne suis pas identique avec le moi qui fait déjà
partie du monde, avec moi en tant que réel psychophysique; et la
vie psychique de ma conscience, sa vie psychophysique qui ait
partie du monde, n’est pas identique avec mon e& transcendantal,
dans lequel le monde se constitue pour moi avec tous ses éléments
ppiysiques et psychiques.
Mais est-ce que je ne dis pas deux fois moi quand, dans la vie
naturelle, je m’éprouve moi en tant qu’homme, faisant partie du
320 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
Partons du fait que pour nous, pour parler plus nettement, pour
moi en tant qu’ego, le monde est constitué en tant que monde « objec¬
tif », en ce sens de monde existant pour tout être, se révélant dans la
communauté intersubjective de connaissance tel qu’il est. Donc
doit déjà être constitué un sens de « tout être » pour qu’en relation
avec ce sens il puisse y avoir un monde objectif. Cela implique qu’il
doive y avoir à la base un premier sens de « tout être », donc aussi un
premier sens àdautrui, qui n’est pas encore le sens habituel, de
niveau plus élevé, à savoir le sens : « Tout homme » (i), sens qui
vise un réel dans le monde objectif, donc qui présuppose déjà la
constitution du monde.
L’ « autre » du degré constitutif inférieur renvoie alors, confor¬
mément à son sens, à moi-même; mais, comme nous l’avons déjà
remarqué il y a un instant, à moi non pas en tant qu'ego transcen¬
dantal, mais en tant que moi psychophysique mien. Même celui-ci ne
peut donc pas encore être moi, homme dans le monde objectif, dans le
monde dont l’objectivité ne doit être possible par lui que d’une
manière constitutive.
Cela renvoie à son tour au fait que ma corporéité matérielle qui
est, d’après son sens, spatiale et qui est un membre d’un environ¬
nement comprenant des corps étendus dans l’espace, qui est membre
d’une nature — à l’intérieur de laquelle s’oppose à moi le corps
[213] d’autrui — on est renvoyé, dis-je, au fait que tout cela ne peut pas
encore avoir la signification de ce qui appartient au monde objectif.
Mon moi psychophysique premier en soi (de genèse temporelle
il n’est point ici question, mais de couches constitutives), en relation
avec lequel autrui, premier en soi, doit être constitué, est, on le voit,
membre d’une nature première en soi qui n’est pas encore nature objec¬
tive, dont la spatio-temporalité n’est pas encore spatio-temporalité
objective, en d’autres termes, qui n’a pas encore les traits consti-
Dirigé par cette attitude il faut alors ensuite revenir aux questions
concernant les formes et les contenus des actualités et des poten¬
tialités constitutives du sens pour ce sens d’être et ses degrés, démarche
dans laquelle à nouveau il n’y a rien à postuler et à « interpréter »
(à interpréter d’une manière « pertinente ») mais à expliciter. C’est
seulement ainsi qu’il faut créer cette ultime compréhension du
monde derrière laquelle, du fait qu’elle est compréhension ultime,
il n’y a plus rien à rechercher et à comprendre qui ait un sens. L’ap¬
parence transcendantale du solipsisme peut-elle tenir bon, alors que
prend le pas cette simple explicitation concrète ? N’est-ce pas une appa¬
rence qui peut intervenir seulement avant l’explicitation puisque,
comme nous l’avons dit, il se présente comme un fait que c’est en
moi-même et par moi-même que les autres ont un sens et que le
monde a un sens pour les autres et puisqu il ne peut donc s agir
ici de rien d’autre que de clarifier ce fait, c’est-à-dire ce qui est en
moi-même ?
d) Considérations finales
Il doit nous suffire ici d’avoir rendu compréhensible — au moins
en gros — la problématique de l’intersubjectivité et de l’objectivité
du monde, problématique qui offre des enchevêtrements dérou¬
tants (a). Il est maintenant clair que c’est seulement par cette mise
à nu de l’effectuation constituant le sens d’être du monde donné
que nous pouvons nous préserver de toute absolutisation (ce qui
serait un contre-sens) de l’être de ce monde et que nous pouvons
savoir vraiment et à tous égards ce qu’il nous est permis — à nous
philosophes — d’affirmer de l’être de ce monde, ce qu’il nous est
permis d’affirmer de la nature, de l’espace, de l’espace-temps, de la
causalité; c’est seulement ainsi que nous pouvons savoir en quel
sens nous avons à comprendre comme il le faut les déterminations
exactes de la géométrie, de la physique mathématique, etc., en quel
sens nous avons à passer sous silence les problèmes correspondants
des sciences de l’esprit mais qui sont d’une autre sorte.
Combien tout cela dépasse la sphère de la logique formelle, nous
(a) J’ai développé déjà dans mes leçons de GOttingue (semestre d’hiver, 1910-
1911) les points principaux qui permettent de résoudre le problème de l’intersubjec¬
tivité et de surmonter le solipsisme transcendantal. Mais mener à bien véritable¬
ment cette tâche exigeait encore des recherches spéciales difficiles qui arrivèrent à
une conclusion seulement beaucoup plus tard. Mes « Méditations cartésiennes »
vont apporter sous peu un court exposé de la théorie elle-même, h’année prochaine
j’espère aussi publier les recherches explicites relatives à ce sujet.
PHÉNOMÉNOLOGIE TRANSCENDANTALE 327
devons toujours l’avoir en vue, et cela de prime abord, afin que nous
puissions éviter d’attribuer à tort à la logique formelle des valeurs
qu’elle n’a pas. Nous devons saisir toute l’extension et l’importance
des problèmes de la « portée » de la connaissance; c est, en effet
seulement à présent que nous comprenons véritablement ce a quoi
voulait en venir — ou au moins devait en venir — cette vieille expres¬
sion de « portée » que l’on trouve dans la théorie de la connaissance.
(a) n faut ici remarquer que « objet « est toujours compris par nous dang ie
sens le plus large qui comprend aussi toutes les objectités syntaxiques. Cela donne
donc également au concept d’eidos un sens très large. Ce concept d’eidos définit
en même temps le seul des concepts de l’expression à signification multiple : a priori
à être reconnu par nous comme philosophique. C’est lui exclusivement qui est donc
visé, chaque fois où dans mes écrits il est question d’u priori.
PHÉNOMÉNOLOGIE TRANSCENDANTALE 333
ne veut pas dire décrire un fait empirique que l’on peut répéter d’une
manière empiriquement arbitraire. Sa validité universelle est une
validité qui est nécessaire de façon inconditionnée, c’est une validité
qui peut être soutenue à partir de tout objet concevable pris à titre
d’exemple et c’est ainsi qu’elle a été envisagée par nous. C’est seule¬
ment par une intuition éidétique que l’essence de l’intuition éidétique
peut être clarifiée.
Il est tout à fait nécessaire de se saisir de ce sens authentique et
de cette universalité de Y a priori; il faut se saisir en particulier de la
relation que nous avons décrite : tout a priori conçu « immédiatement »
se réfère et renvoie à Y a priori de sa constitution; il faut donc aussi se
rendre maître de la possibilité de saisir d’une manière apriorique la
corrélation de l’objet et de la conscience constituante. Ce sont des
connaissances de signification philosophique sans pareille. Elles
créent un style de la philosophie qui est essentiellement nouveau et
[221] rigoureusement scientifique, et cela même en opposition avec la
philosophie kantienne, bien que celle-ci renferme par ailleurs tant
d’intuitions importantes.
Si, grâce aux problèmes constitutifs qui appartiennent à toutes
les régions de l’objectité, s’ouvrent ici d’immenses champs de
recherche a la fois apriorique et subjective, alors il faut déjà prévoir
que ces champs de recherche doivent s’étendre encore plus loin que
ce qui constitue le champ d’investigation de l’analyse méthodique.
C est-a-dire que si tout fait subjectif a sa genèse, dont la temporalité
est immanente, il faut s’attendre à ce que cette genèse, elle aussi, ait
son a priori. Alors correspond à la constitution statique des objets rap¬
portée a une subjectivité déjà « développée » la constitution apriorique
génétique, fondée sur cette constitution statique qui la précède néces¬
sairement. C’est seulement par cet a priori, et en un sens plus profond,
que se prouve, comme nous l’avions déjà dit par anticipation (a).
(i) Weltbegriffe.
22
E. HUSSERL
338 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
les analyses intentionnelles que nous avons développées ou que nous n’avons
fait qu’indiquer ont aussi une validité dans Taperception psychologique,
avec cette réserve que c’est précisément une aperception « mondaine »
particulière qui, seulement après la mise entre parenthèses, fournit
des ensembles concrets subjectifs qui sont transcendantaux et paral¬
lèles aux ensembles concrets psychologiques. La théorie psycho¬
logique de la connaissance a un sens de bon aloi — à savoir quand elle
est comprise purement et simplement comme une dénomination
pour l’élaboration des problèmes multiples que pose le connaître
en tant que fonction à l’intérieur de la vie psychique humaine, à
l’intérieur de la psychologie conçue comme science de cette vie
psychique. Cette théorie de la connaissance se transforme en contre¬
sens seulement si l’on exige d’elle des tâches transcendantales, donc
si l’on fait passer la vie intentionnelle telle qu’elle se manifeste dans
Taperception psychologique pour la vie transcendantale et si l’on
tente d’effectuer par le moyen de la psychologie l’élucidation trans¬
cendantale de tout ce qui est « mondain »... avec le cercle que, avec
la psychologie, avec sa « vie psychique », avec son « expérience
interne » on a déjà présupposé naïvement le monde.
Toutefois on peut dire : si cette psychologie de la connaissance
était arrivée à un travail conscient du but et alors aussi couronné de
succès, cela aussitôt aurait été du travail tout fait également pour la
théorie de la connaissance. Toutes les vues structurelles acquises
pour la psychologie de la connaissance auraient profité également à
la philosophie transcendantale. Même si cette dernière était restée
enfoncée dans le mélange des résultats de l’attitude psychologique
et de l’attitude transcendantale (mélange presque inévitable au début),
cette imperfection se serait laissée améliorer par la suite au moyen
d’un renversement des valeurs sans altérer quant a leur noyau essen¬
tiel les vues acquises. Précisément cet emboîtement qui est ici déter¬
minant et qui est tout d’abord nécessairement caché constitue la grande
difficulté et détermine le problème transcendantal du psychologisme.
340 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
comme si ». , . , ,
En ce qui concerne d’autre part Kant, du fait de son attitude a
l’égard de Hume dont il restait dépendant tout en reagissant contre
lui il a pris en charge le problème constitutif mais non plus dans le
plein sens d’un problème faisant partie d’une problématique consti¬
tutive universelle qui était préfigurée dans la transformation humenne
de la conception cartésienne de Y ego cogito en etre « psyc îque »
344 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
tique du jugement, voyant clairement ses buts. Ici dans notre examen
historico-critique c’est seulement le contraste entre les théories
effectives et la théorie authentique du jugement qui s’offre à nous.
Le naturalisme psychologiste qui régnait universellement et qui
était à la recherche, depuis Locke, des « data » psychiques descriptifs
dans lesquels devait résider l’origine de tous les concepts, vit 1 essence
descriptive du jugement dans le belief — datum psychique qui n était
pas différent de n’importe quel datum de sensation, datum de rouge ou
datum de son. Mais n’est-il pas singulier que déjà Hume et plus tard
également à son tour Mill, après cette présentation du belief, parlent
en termes touchants des énigmes du belief. Qu’est-ce qu’un datum
peut bien avoir comme énigme ? Pourquoi alors le rouge et autres
data de sensation n’ont-ils pas d’énigme ?
Naturellement on éprouve l’intentionnalité et l’on a devant soi e
résultat de son action, mais dans l’attitude naturalistique on ne peut
pas arriver à saisir ce dont il s’agit. Rien T essentiel n'a été change a
cette situation même par la découverte de T intentionnalité faite par Brentano.
Il manquait l’examen corrélatif conséquent de la noèse et du noeme
du cogita et du cogitatum qua cogitatum. Il manquait le deroulemenMe
intentionnalités impliquées, le dévoilement des « mu tip ici es »
lesquelles se constitue 1’ « unité , Si cette umte netatt pus l 61
conducteur transcendantal, si donc dans la theor.e du |ugem<mt on
232] ne se proposai, pas dès l’abord comme but de questionner le jugeme
(au sens logique, en tant que jugement ayant une )
quant aux multiplicités noéttco-noémattques qui tendent
stble le fait qu'il se-produit-pour-nous originellement avec cet e
Méalité sT cela donc n’était pas réalisé, il manquait alors a toute
idéalité, si spécifique. Un tel but aurait présupposé
theone du ugement un but specmn ,, évidence
justement l’idéalité comme telle, comme donnée dune éntotce
saisissable. Au lieu de cela on restait attache aux «d a » ^
Même les théories logiques, plus spéciales nsychologies
jugement se perdaient dans les confusions troubles des psycholog
350 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
LOGIQUE OBJECTIVE
ET PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA RAISON
ET QUESTION CONCERNANT
LE CARACTÈRE DE LA LOGIQUE « DERNIÈRE ))
Laissons de côté ces problèmes qui sont trop loin de nos préoc¬
cupations actuelles et tenons-nous en au niveau de questions auquel
nous ont placés les recherches effectuées jusqu’ici.
(a) La sphère « immanente » a, elle aussi, ses problèmes constitutifs Cf. par
ïxeiple dans ce Jahrbuch f. Philos, t. IX, le mémoire que nous avons déjà .
3^8 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
DE LA SUBJECTIVITÉ TRANSCENDANTALE
partir de moi-même; il est bien entendu que donc en tant que philo¬
sophe je ne veux et ne peux vouloir rien d’autre que des prises de
conscience radicales de moi-même qui du fond d’elles-mêmes se
transforment en prises de consciences de soi de l’intersubjectivité
existant pour moi. Le monde transcendant, les hommes, le fait qu’ils
ont des relations les uns avec les autres et avec moi en tant qu’homme,
le fait que les uns avec les autres ils saisissent par l’expérience, ils
pensent, ils ont une action, ils créent, tout cela n’est pas supprimé,
déprécié, modifié par ma prise de conscience phénoménologique
mais est simplement compris et de la sorte est également comprise
la science positive obtenue par le travail de la communauté, finalement
aussi la phénoménologie obtenue par le travail de la communauté,
phénoménologie qui se comprend là elle-même comme fonction de
prise de conscience de soi dans l’intersubjectivité transcendantale.
C’est en tant qu’homme (dans l’attitude naturelle) que je suis
« dans » le monde, que me je trouve déterminé comme tel, que je me
trouve donc déterminé d’une manière multiple, de l’extérieur (il
s’agit d’une extériorité spatio-temporelle). C’est aussi en tant qu’ego
transcendantal (dans l’attitude absolue) que je me trouve déterminé
de l’extérieur — mais à présent donc non pas en tant que réel spatio-
temporel déterminé par un réel extérieur. Que signifie à présent le
« exterieur-a-moi » et le « être-déterminé-de-l’extérieur » ? Au sens
transcendantal je ne peux manifestement être conditionné par
quelque chose d’ « extérieur », par quelque chose qui dépasse ce qui
m appartient en propre de façon bien délimitée que dans la mesure
ou « extérieur » a le sens d « autrui » qui d’une manière absolument
intelligible acquiert et manifeste en moi la valeur d’être de Y ego
transcendantalement autre. A partir de là deviennent clairs la possi-
[244] bilité et le sens non seulement d’une pluralité de sujets absolus
coexistant (« monades ») mais aussi de sujets agissant transcendan¬
talement les ms sur les autres et, dans une activité commune, consti¬
tuant comme des œuvres les formations qui sont le bien de la com-
PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA RAISON 367
munauté. Mais tout cela n’est pas une hypothèse; c’est le résultat de
la prise de conscience systématique sur le monde qui se trouve en
moi-même en tant que « phénomène », qui a en moi-même et qui
tient de moi-même son sens d’être, tout cela est retour systématique
aux questions concernant le sens authentique, pur et sans mélange,
de ma propre donation de sens, aux questions concernant toutes les
présuppositions qui appartiennent inséparablement à cette donation
de sens et qui se trouvent en moi-même, à commencer par la position
préalable (1) absolue qui donne un sens à toutes les présuppositions,
c’est-à-dire celle de mon ego transcendantal.
Il ne s’agit donc effectivement que de prise de conscience de soi,
non d’une prise de conscience de soi qui s’interrompait précipi¬
tamment et qui tournerait à une positivité naïve mais d’une prise
de conscience de soi qui dans une attitude absolument conséquente
reste précisément ce par quoi elle commença : prise de conscience
de soi. Avec cette réserve que, sans changer essentiellement son style,
elle prend en progressant la forme de la prise de conscience de soi
de l’inter subjectivité transcendantale.
Le radicalisme de cette prise de conscience de soi philosophique qui dans
tout ce qui est déjà donné comme existant voit un index intentionnel
pour un système d’effectuations constitutives a mettre a nu est donc
en fait le radicalisme extrême dans 1 effort pour atteindre l absence de
préjugés. Tout existant déjà donné avec son évidence immédiate vaut
pour lui comme « préjugé ». Un monde déjà donne, un domaine
idéal d’êtres qui est déjà donné, comme le domaine des nombres,
ce sont des « préjugés » tirant leur origine de 1 évidence naturelle,
bien que ce ne soit pas des préjugés au sens péjoratif. Ces préjugés
ont besoin d’une critique et d’une fondation transcendantales, si
l’on veut satisfaire à l’idée d’une connaissance fondée absolument
qui puisse procurer savoir et science au sens strict... Pour s exprimer
(x) Voraus-Setzung.
36B logiques formelle et transcendantale
DE LA VÉRITÉ ABSOLUE
E. HUSSERL
370 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
riences qui sont en conflit avec elle et qui mènent à deS corrections
sous la forme de modification de détermination ou de biffage complet
(dans le cas de l’apparence). Mais manifestement on se trouve devant
une situation analogue pour tout type d’évidence, avec les particula¬
risations qui doivent être tirées de ce type lui-même.
La phénoménologie a, la première, entrepris de telles recherches
intentionnelles. U expérience (P évidence) donne F existant et le donne lui-
même, imparfaitement si elle est expérience imparfaite, plus par¬
faitement si, conformément à son type essentiel, elle se perfectionne,
c’est-à-dire si elle s’élargit dans la synthèse des expériences concor¬
dantes. Qu’en est-il des possibilités de ce perfectionnement, mais
374 LOGIQUES FORMELLE ET TRANSCENDANTALE
« J’espère pouvoir
concrètes qui se sont poursuivies litmes. Une première élaboration déjà
souvent exposé dans des leçons es g chg du t n des j^een rédigée en 1912
(1) Reell.
PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA RAISON 379
(a) J’ai tenté d’accomplir vraiment cette dernière critique dan* quatre heures
de leçons pendant l’hiver 1922-23 et par leur rédaction j’ai pu en faire profiter par la
suite mes amis.
PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA RAISON 383
ménologie.
CONCLUSION
(i) Mundanen.
E. HUSSERL
386 LOGIQUE FORMELLE
(1) Welt-Logik.
CONCLUSION 387
FORMES SYNTAXIQUES
ET MATÉRIAUX SYNTAXIQUES
FORMES-NOYAUX
ET MATÉRIAUX-NOYAUX
d’Mve^gio1!^—^dnns^lœquelles je tentai
tique et de façon purement descriptive^ es ^^nt pour une analytique pro¬
pure des significations prédicatives, comm
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LOGIQUE FORMELLE
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comment la proposition en tant que proposition totale rca ^ ^ pafües
aux objets) que nous devons toujours trouver^ mmbres de la
qui, elles-mêmes, ont une relation aux objets. Celavautd leurs
proposition et pour autant qu’ils sont pourvusmembres, cela v^
membres, jusqu’aux membres derniers c est a démem-
nous les «ypes de signifie,on. £>£ types * signi-
brement possible, se réfèrent aux choses d ^ rapportent à des objets-
fications se partagent en significations- uj q ; tions partielles qui
substrats (en tant que sujets se déterminant et en sigmfaca
(i) Sachbezüglichkeit.
392 LOGIQUE FORMELLE
se rapportent à des propriétés et aussi à des relations. D’autre part déjà dans le
langage normal on remarque facilement que se détachent des parties (nous
employons le mot partie dans un sens très large qui comporte donc aussi des
éléments qui ne sont pas des membres de propositions) qui, comme le est, le ou,
le parce que, etc., représentent des moments de la signification qui sont par essence
indispensables aux propositions et qui ne recèlent plus rien en eux de la référence
aux choses. Cela n’exclut naturellement pas que, grâce à leur fonction dans la
proposition qui en tant que proposition totale a une référence aux choses (ou
grâce à leur fonction dans tel membre qui est pris comme un tout...), ces parties
participent à cette référence. Mais en elles, prises purement en soi, il n’y a rien
de tel. A y regarder de plus près, on s’aperçoit que tout membre de proposition
et même tout membre primitif contient de tels moments, même s’ils ne trouvent
pas expression en propres termes dans la proposition grammaticale complète
(comme on l’a montré dans l’exemple ci-dessus).
rence aux choses par l’intermédiaire de leur mise en forme qui s’opère de
degré en degré de sorte que les formations de tout degré présentent, à leur
tour, dans les membres de la préposition, des matériaux et des formes relatifs.
Cette relativité nous occupera à nouveau plus loin.
La mise en forme n’est pas, comme il va de soi, une activité qui serait effectuée
et devrait être effectuée dans des matériaux déjà donnés — ce qui certes présup¬
poserait le contre-sens qu’à l’avance on pourrait avoir à part des matériaux, tout
comme si, au lieu de moments abstraits de significations, c’était des objets concrets.
Toutefois, en avançant dans les différentes directions de l’abstraction et en variant
alors les formations propositionnelles (dans la liberté du penser et du re-penser,
jugeant et quasi-jugeant) on peut suivre en quelque sorte la fonction des formes
et leur modification pour la formation du sens de la référence à l’objet, en d’autres
termes, on peut arriver à comprendre avec évidence la manière dont se réalise,
grâce aux structures essentielles des propositions et de leurs membres, la réfé¬
rence à l’objet que comportent ces propositions et leurs membres et la manière
dont se réabse leur typique analytico-formelle.
Mais les relations de signification qu’ont les formes les unes par rapport
aux autres se montrent aussi d’une autre manière; il en est de même pour les
distinctions qui sont en liaison avec ces relations de signification et qui sont des
distinctions entre références immédiates et références médiates aux choses. Grâce
à la forme, un membre qui en soi se réfère aux choses reçoit parfois encore une
référence aux choses qui s’étend au delà de lui-même, c’est-à-dire qu’il a une
relation avec une référence aux choses qui existe dans un autre membre. Par
exemple si l’on dit : ce papier est blanc, alors, comme dans toute proposition à déter¬
mination catégorique, le prédicat acquiert, par-delà sa propre teneur matérielle,
une relation avec le sujet papier, empiétant, dans le plan de la signification, sur
la référence aux choses que comporte celui-ci. Mais si, au lieu de blanc, l’on dit :
blanc tirant sur le bleu, alors le prédicat blanc qui auparavant était simple a main¬
tenant en lui-même une détermination secondaire qui concerne donc encore plus
indirectement le sujet primaire.
Les formes, comme cela s’est déjà imposé dans les premières analyses, sont
de différentes sortes, déterminant de manière très différente le sens total de la
proposition. Dans la totalité de la signification de la proposition, ces formes
[264] font partie de l’unité autonome d’une fonction une; la proposition elle-même
(non pas la proposition en tant que membre d’une autre proposidon, mais la
proposition en tant que proposition « indépendante », autonome) exprime aussi,
avec une généralité formelle, cette unité fonctionnelle. Dans cette unité, les
membres sont donc des membres ayant une fonction et ils ont par conséquent leurs
formes fonctionnelles que l’on peut apercevoir sur ces membres eux-mêmes.
Là donc en même temps (et la plupart du temps également dans l’expression
elle-même) se détache ce qui dans la forme lie les membres en une totalité. Mais
de grandes différences apparaissent dans les modes de cette forme de liaison.
D'un côté, nous avons les formes de liaison comme celles du et et du ou,
pour s’exprimer brièvement, les formes conjonctives (au sens élargi). Elles lient,
elles créent l’unité catégoriale mais leur sens propre n’implique aucune¬
ment la relation qui est tellement privilégiée partout (et en particulier pour le
savant et pour le logicien) et qui est la relation au jugement par excellence (à
FORMES ET MATÉRIAUX SYNTAXIQUES 395
phansis).
D'un autre côté nous avons le mode de « liaison » qui précisément constitue
la forme spécifique d’unité d’une proposition prédicative, dans le langage tradi¬
tionnel : la forme de la copule. Nous aurions donc pour ainsi dire la forme copu-
lative d'unité-, elle est ce qui amène à l’unité les membres de la prédication, tout
d’abord d’une prédication simple. C’est la forme : est intervenant dans differents
types de jugements, dans celui du jugement catégorique en tant que jugement
déterminant, mais aussi dans d’autres types puisqu’en effet, manifestement, elle
est attachée au type d’unité du jugement hypothétique et du jugement causa ,
de même qu’à toute liaison d’identification également. Elle est la forme fonc-
tionnelle qui érige les membres en membres de la totalité propositionneUeen
leur imposant à eux-mêmes la forme de membres, de sorte que la forme de totalité
doit être détachée abstractivement comme étant leur forme de liaison.
catégoriales (qu’avec de bonnes raisons nous qualifions aussi, par une nouvelle
expression, de syntaxiques), nous devons constater que les différents modes de
liaison, les copulatifs et les non-copulatifs, ont la même universalité, en tant
que modes d information qui lient les objectités catégoriales pour en former
de nouvelles.
_ ^ est cbir également que ce que nous avons dit sur l’organisation de la propo¬
sition en membres, alors que nous considérions toujours uniquement les for¬
mations de jugement apophantiques, convient, sous réserve d’une légère modi¬
fication, à toutes les formations syntaxiques, comme par exemple les nombres,
les combinaisons, etc. Nous avons donc là aussi à l’égard des formations ou
plutôt de leur forme une réduction aux démembrements derniers et une cons¬
truction de touts catégoriaux à l’aide de membres derniers qui a lieu en partie
au même niveau, en partie à des niveaux différents de nombre quelconque.
C est précisément l’universalité des formes fonctionnant aussi entremêlées les
unes avec les autres (pour parler d’une manière subjective et corrélative, c’est
l’univers alité des formes des actions effectuantes, réelles et concevables, des
actions de conjonction, de disjonction, de liaison copulative identificatrice, etc.),
qui a pour conséquence la construction idéellement itérative de formes dans une
infinité toujours ouverte.
généralité.
Relativement à ce qui a été exposé ci-dessus sur la forme unitaire d’une pro¬
position ou « jugement » (de la logique apophantique) et sur la forme que doivent
recevoir corrélativement ses membres, se manifestent des distinctions signifi¬
catives (et tout d’abord pour la morphologie des significations doxiques, pour
la grammaire « pure logique »). Ces distinctions doivent être montrées sur les
propositions en laissant de côté toute question concernant les enchaînements
constitutifs et les relations de sens qui deviennent par là connaissables.
Étant donné tout jugement, nous pouvons nous représenter d’autres jugemen
qui sont liés avec lui d’une manière copulative, par exemple comme sont lié .
[267] papier est blanc et ce mur est plus blanc que ce (même) papier. Avec la formalisation
aristotélicienne : Cet S est p et ce W est dans la relation p avec ce (même) S. En consi¬
dérant de plus près une telle possibilité de lier toute forme de jugement relevant
de la grammaire pure logique à de nouvelles formes de jugement ayant des
membres qui sont les « mêmes » que certains des membres de cette forme de
jugement, nous voyons se détacher, avec une généralité essentielle, dans les
jugements de toute forme ou, selon les cas, dans tous leurs membres, non seu¬
lement des distinctions descriptives de formes, mais aussi des stratifications de
formes. Nous allons maintenant nous occuper de ces stratifications.
Tout d’abord nous pourrons saisir avec les concepts de forme et de matériau
dont nous nous sommes servis jusqu’ici ce qui se détache descriptivement et
immédiatement. Nous distinguerons aussitôt en effet forme-sujet et forme du prédicat
en tant que prédicat déterminant le sujet et dans ce dernier cas nous distinguerons
prédicat-attribut et prédicat de relation. En outre (comme déjà au § 3), dans la
confrontation de nos exemples ou de nos formes d’exemples et dans la remarque
que ce papier, ou la forme de cet S, intervient une fois comme forme-sujet, comme
forme du substrat se déterminant, et la seconde fois comme forme-complément
à l’intérieur du prédicat de relation, une distinction se manifeste entre, d’une
part, le même contenu matériel qui la première fois intervient dans la forme-sujet
et la seconde fois dans le prédicat avec la forme-complément, et d’autre part,
ces deux formes elles-mêmes. Ce sont manifestement des formes pures et elles
appartiennent de façon immédiate à la forme fonctionnelle qui donne une unité
à la prédication. Mais nous voyons aussi que dans cette séparation de la forme
et du matériau nous devrions prendre le concept de matériau tout d’abord d’une
manière uniquement relative, c’est-à-dire non pas comme matériau pur, car du
même contenu entrant dans des formes fonctionnelles différentes, même dans
le cas d’exemples aussi simples, une forme peut encore être détachée (ici le ce
en tant que forme pure).
En tout cas, nous pouvons dire, en considérant la forme pure totale de l’unité
apophantique qui comprend les formes pures particulières qui toutes lui appartiennent
également, qu’elle est l’unité des syntaxes par lesquelles les matériaux identiques
(ce papier, blanc, etc.), qui persistent après qu’on a fait abstraction de ces formes
particulières, reçoivent une forme syntaxique. Donc la forme-sujet, la forme-
complément, etc., sont des formes syntaxiques. Là, il faut remarquer que ces
matériaux — nous disons matériaux syntaxiques — sont des moments du jugement
qui par abstraction se détachent de ces formes fonctionnelles, des formes syntaxiques,
comme le fait par exemple le substantif qui reste identique dans les variations
de ces formes ou encore l’adjectif qui reste identique, qu’il soit dans telle ou
telle syntaxe.
FORMES ET MATÉRIAUX SYNTAXIQUES 399
§ 8. Syntagme et membre
§ 9. « Contenu du jugement »
Pour éclaircir tout cela, en particulier aussi pour éclaircir la conception que
l’on peut se faire des propositions prédicatives totales comme syntagmes, prenons
des exemples.
Chaque fois où nous avons une proposition complexe que l’on peut morceler,
par exemple le jugement : du fait que survint un temps nuageux, les opérations de la
[269] guerre subirent une entrave, chaque morceau de la proposition est donné dans le
tout comme un morceau ayant une forme syntaxique, comme un membre. Quand
le morceau de proposition, par exemple le premier, devient indépendant, alors
ce n’est pas le membre tel quel qui devient indépendant mais ce qui apparaît
c est une proposition indépendante ayant même contenu de jugement, la proposition :
il survint un temps nuageux. A l’inverse, le changement syntaxique aurait pu com¬
mencer en partant de cette proposition (ce qui est possible pour toute propo¬
sition indépendante), à savoir en transformant cette proposition en un membre
d’une autre proposition. La proposition devenue désormais non-indépendante
a alors le meme « contenu »; nous disons tout simplement : la même proposition,
considérée tantôt comme proposition prise séparément, tantôt comme antécédent,
comme conséquent, etc. Le être-indépendant-pris-séparément doit lui-même
être considéré comme forme syntaxique. Dans la transformation des fonctions
dans lesquelles « la même » proposition prend les formes différentes de propo¬
sition antécédente, de membre d’une disjonction, etc., ressort comme élément
identique la même « matière propositionnelle » ou « matière du jugement »
dans le sens du même matériau syntaxique prédicatif qui prend les différentes
formes syntaxiques : proposition prise séparément, antécédent, conséquent, etc.
Ce que nous avons dit est valable dans une généralité formelle, cela est
donc valable pour les formes propositionnelles correspondantes en tant que
formes de syntagmes. Nous pouvons donc sur chaque forme, et d’une
manière itérative, effectuer une libre variation dans laquelle, en maintenant
son matériau prédicatif total pensé in forma (c’est-à-dire dans ce sens important
où l’on peut dire que nous respectons la forme de sa « matière »), nous
varions les formes syntaxiques et de même les formes des membres de la
proposition; nous pouvons effectuer cette variation précisément sur toutes les
formes, qu’elles soient des syntagmes indépendants ou non-indépendants (a).
E. HUSSERL
402 LOGIQUE FORMELLE
par exemple sont différents quant au contenu mais sont de même forme. Nous
aboutissons ainsi à un groupe limité de formes d’une espèce complètement
nouvelle mais qui ne sont plus des formes syntaxiques; tous les matériaux syn¬
taxiques derniers se groupent (chacun se présentant comme l’unité d’une forme
et d’un contenu) selon des catégories grammaticales pures d'une espèce nouvelle, caté¬
gorie de la substantivité et catégorie de l’adjectivité (prise dans sa fonction d’attribut
et dans sa fonction de relation).
§ 12. La formation-noyau
AVEC SON MATÉRIAU-NOYAU ET SA FORME-NOYAU (i)
Nous avons ainsi dans la sphère des significations prédicatives une réduction
aux éléments derniers, à savoir aux matériaux (pris au sens vraiment dernier du terme)
qui n’ont plus aucune espèce de formes de signification et qui sont à la base de
toutes les mises en forme de types et de niveaux divers. Sur ces éléments derniers
apparaissent les formes dernières, les formes-noyaux.
Nous avons arrêté tout cet examen à l’instant au niveau de ce qui est élément
dernier, mais l’examen des constructions de niveau plus élevé fournit pourtant
FORMES ET MATÉRIAUX SYNTAXIQUES 405
La logique traditionnelle n’a pour autant dire rien dégagé de ces distinctions
bien qu’occasionneüement elles se fassent jour aussi en elle. Il est en effet cia
Semblée queTe concept de matériau-noyau que nous avons fixé coïncide pou
Jr^lLec ce qA logique «dj—, te —
et donc qu’il faut comprendre sous l’expression terme non pas le matériau syn¬
taxique mais le matériau-noyau qui demeure identique dans la variation de la forme-
noyau.
Très fréquemment au lieu de terme on dit aussi concept. Cependant le mot
concept est entaché de maintes ambiguïtés de sorte que nous ne pouvons l’em¬
ployer sans précaution dans cette acception. Mais en tout cas avec le concept de
matériau-noyau est établie scientifiquement l’une des significations du mot
concept.
Il faut remarquer pour ce concept de concept ou de terme que, conformément
au sens entier de l'analytique, il ne se limite pas aux matériaux-noyaux derniers.
Pour ce concept il faut essentiellement considérer l’élargissement des concepts
« substantif » et « adjectif » (voir le paragraphe précédent) et en même temps
l’élargissement du concept de matériau-noyau; cet élargissement les élève au-
dessus des concepts primitifs qui sont les premiers à s’imposer par référence
aux formes grammaticales des mots. Par exemple la forme : que S soit p est la
condition pour que Q soit r fournit en effet dans l’imposition de la forme : « propo¬
sition antécédente » (ou dans celle de la forme : « proposition conséquente »)
un substantif qui est précisément la proposition « substantivée ». L’analytique
dont l’intention thématique tend vers le système de lois de la « conséquence »
formelle ne se soucie pas des noyaux derniers; elle laisse pendante, dans ses
formes propositionnelles, la question de savoir si les termes sont des formations
catégoriales substantivées ou non (cf. sur ce point l’appendice III).
751 APPENDICE II
REMARQUE]SUR LA CONSTITUTION
PHÉNOMÉNOLOGIQUE DU JUGEMENT
LE JUGER DANS L’ACTIVITÉ ORIGINELLE
ET SES MODIFICATIONS SECONDAIRES
§ i. Le juger actif
EN TANT QU’ENGENDRANT LES JUGEMENTS « EUX-MEMES »
PAR OPPOSITION A SES MODIFICATIONS SECONDAIRES
Juger d’une manière active, c’est engendrer des << objets de pensee », des
formations catégoriales. Son essence implique la possibdité (qui ici a la sigm -
cation subjective de faculté, qui a la signification du « Je peux ») e pouvo r
progresser dans une succession de niveaux, pour parler idéalement, elle implique
la possibilité d’une itération ininfinitum. Un juger quelconque, par exemple un
juger déterminatif pur et simple (un juger « catégorique »), engendre un état-
des-choses intentionné S „tp dans lequel le substrat dela tfcterminatior, SI sei de -
mine comme étant p. Par là es. en même temps engendre le résulta,
c'est-à-dire le f est apparu comme un « précipité » dan. km du à qu. est deso.ma
ainsi déterminé. A un second niveau, le ,,„ppeu. maintenant *"«*£*£
semen. d'un nouveau jugement, il peut, en prenant de «ouveUe, tomes c.m
goriales, devenir membre de jugements, de |»gemen.s œnjonmfs, hypotbtaques
et autres Ou il peut d'une autre maniéré continuer à donner lieu a d autres
jugements, par eaemple de telle sorte que le Sp devienne su » ',
du nouvel» jugement ip ... etc. Tou. jugement £*££££
ainsi devenir in infinie le soubassement d. nouveaux |»geme^^Lam«ne^
vaut manifestement si nous prenons pour base le concept élargi lugem
40 8 LOGIQUE FORMELLE
qui est privilégié dans les dernières parties du présent ouvrage et qui coïncide
avec celui d’objectité catégoriale (doxique) en général et en tant que telle.
Le juger actif n’est pas la seule forme du juger mais c’en est la forme originale.
C’est la seule forme dans laquelle l’objectité catégoriale intentionnée en tant
qu’intentionnée parvient à être engendrée réellement et véritablement, en d’autres
termes c’est la forme dans laquelle le « jugement » parvient à être donné « lui-
même » de façon originale. Tous les autres modes dans lesquels est donné le
même jugement sont caractérisés en eux-mêmes comme modifications intentionnelles
du mode qui engendre le jugement de façon active et originale. C’est un cas
particulier du privilège de l’originalité, privilège qui relève d’une loi d’essence
et qui a validité pour toute constitution d’objet, qu’elle soit passive ou active.
[z76] A partir d’ici faisons tout d’abord une incursion dans la théorie générale de
l’intentionnalité dont les connaissances nous rendront possibles ensuite des vues
plus profondes pour notre thème présent.
§ 2. Enseignement
QUE NOUS DONNE LA THÉORIE GÉNÉRALE DE L’INTENTIONNALITÉ
Mais en tout cas toute conscience se tient par essence dans une multiplicité de conscience
particulière qui appartient à cette conscience, dans une infinité ouverte synthétique
de modes possibles de conscience du même objet, mais multiplicité qui a pour
ainsi dire son centre et son but dans 1’ « expérience » possible. Cela désigne tout
d’abord un horizon d’évidence remplissante avec le « cela lui-même » pensé d’une
manière anticipée comme « devant être réalisé ». Mais là, par essence, reste ouverte
la contre-possibilité d’être détrompé : on aboutit alors à la suppression de l’anticipé
et au « au-lieu-de-cela-autre-chose », ce que montre une contre-figuration de la
multiplicité centrée. Voilà qui prescrit à toute « analyse intentionnelle » les traits
les plus généraux de sa méthode.
[280] dans une synthèse continue, en la forme modifiée du même donné « qui vient »
d’être. Cette conscience modifiée en tant que présente actuellement joue le rôle,
selon la même légalité, de mode primitif relatif pour une nouvelle modification
(modification de la modification) et ainsi de suite d’une manière continue.
Manifestement c’est en soi que toute modification de cette sorte renvoie,
immédiatement ou médiatement, à son mode primitif absolu — conscience qui
certes se modifie aussitôt mais qui n’est plus une modification. Cette variation
rétentionnelle continue est l’étape initiale, essentielle, de la constitution d’un
objet identique, qui persiste au sens le plus large, constitution que nous étudierons
de plus près dans le prochain paragraphe sur le cas particulier des formations
catégoriales persistantes plutôt que de continuer à la suivre ici dans sa généralité.
La variation continue de la rétention se poursuit jusqu’à une limite conforme
à l’essence. Ce qui signifie qu’avec cette variation intentionnelle va de pair éga¬
lement la propriété suivante : ce qui se détache se détache suivant des degrés et cette
graduation trouve sa limite quand ce qui était précédemment détaché se perd
dans le tréfonds universel... dans ce qu’on appelle Y inconscient qui n’est rien moins
qu’un néant phénoménologique mais qui est lui-même un mode limite de la
conscience. C’est à cet arrière-fond des éléments qui étaient auparavant détachés
et qui se sont sédimentés que se rapporte la genèse intentionnelle totale, cet
LA CONSTITUTION DU JUGEMENT 4M
arrière-fond étant l’horizon qui accompagne tout présent vivant et qui manifeste
son sens (aux variations continues) dans 1’ « évocation » (1).
Après cette incursion dans la phénoménologie de 1 intentionnalité et dans les
horizons méthodiques qui appartiennent aussi à notre problème particulier,
celui du jugement, revenons à nouveau à ce problème et utilisons pour traiter
ce problème les vues évidentes que nous avons acquises dans le cas le plus général.
a) La forme rétentionnelle
est la forme première en soi de la « sensibilité secondaire »
Transformation vivante de la constitution d un jugement
composé de nombreux membres
(1) Weckung.
414 LOGIQUE FORMELLE
Cependant quand nous parlons du fait que toute activité catégoriale, par la
manière dont se transforme la genèse active selon des légalités qui introduisent
des modifications passives, conduit à un acqtiis persistant, cela peut pourtant
signifier encore autre chose et d’une manière normale cela signifie constamment
autre chose. En effet tout juger conduit à un jugement-résultat qui, pour celui
LA CONSTITUTION DU JUGEMENT 4i5
qui juge, désormais et non pas seulement pendant la rétention vivante, est un
résultat durable, un acquis spirituel dont il peut librement disposer, à volonté,
n’importe quand. Nous sommes donc ici amenés au delà de cette première acqui¬
sition vivante acquise grâce à la production originale et aux rétentions qui s’y
rattachent. Là viennent en question les légalités essentielles générales de la genèse
passive et de pair avec elles celles de la constitution de l’objet — en tant que cons¬
titution d’« objets » qui « existent », en maintenant leur identité, pour moi, pour
nous, qui sont accessibles en tout temps en tant qu’ils restent les mêmes •— ainsi
que les lois essentielles de Yassociation et de la constitution associative. A celles-ci
appartiennent aussi les lois de la formation des aperceptions. Les légalités de la
genèse passive embrassent la sphère entière de la conscience en tant que sphère de
la temporalité immanente; sphère dans laquelle toute activité active de la conscience
rayonnant du pôle-Je (ainsi que sa formation syntaxique originale) a, elle aussi,
sa place et sa forme temporelles; cette activité intervient ensuite aussitôt dans
des évocations par association et, d’autre part, s’enfonçant dans le tréfonds par
l’intermédiaire de la rétention, elle a par la suite une action aperceptive et peut
alors participer de différentes manières à de nouvelles constitutions d’objets, à
des constitutions passives mais tout aussi bien à des constitutions productrices
et actives.
Cela vaut donc également des actes catégoriaux, corrélativement des forma¬
tions catégoriales. Une proposition, une démonstration — une formation de
nombres, etc., peuvent, du fait de l’association, longtemps après la disparition
de la production originale, revenir à l’esprit et bien que ce soit sous le mode de
donnée propre au souvenir qui revient à l’esprit, peuvent participer à de nouve les
actions originales de jugement. On adopte à nouveau le résultat de 1 originalité
antérieure et par là est créé un nouveau résultat sans que cette reprise implique
§ 4. Possibilités essentielles
DE RENDRE ACTIFS
LES MODES PASSIFS DE DONNÉE
Dans tous les modes secondaires de données que nous avons rencontrés dans
nos dernières réflexions — les modes rétentionnels, les ressouvenirs proprement
dits (qui du reste aussi, en liaison directe avec les rétentions, peuvent se développer
d’une manière involontaire ou volontaire, mais en étant en tout cas conditionnés
[284] par l’association) et enfin les surgissements aperceptifs, ceux qui sont apparemment
libres et ceux qui sont entremêlés avec des « perceptions » qui se détachent — dans
tous ces modes de données secondaires nous avons affaire à des « modifications »
qui renvoient donc phénoménologiquement à l’activité originelle.
LA CONSTITUTION DU JUGEMENT 4i7
Il faut en outre remarquer qu’ici comme dans tout renvoi de cette sorte est
impliquée aussi en même temps la conscience d’une liberté, d’une possibilité
pratique de rétablir le mode de donnée de l’activité originelle, le mode qui donne
les formations « elles-mêmes » et véritablement. Si l’on réussit à rétablir ce mode
originel de donnée, alors intervient nécessairement la synthèse de la coïncidence
identificatrice et remplissante, la conscience de revenir de ce qui est intentionné
dans la passivité à ce qui est pensé « lui-même ». Si, en ressuscitant le mode originel
de donnée, sous la forme du ressouvenir passif, sous la forme d’une idée qui
resurgit passivement, je reviens à mon ancienne conviction dans laquelle j’avais
jugé ^ estp et dans laquelle j’avais acquis alors le résultat Sp, le Sp se trouve alors
ressuscité pour moi précisément tout simplement d’une manière analogue à celle
avec laquelle il était « encore présent à la conscience » et « encore en main » dans
la rétention passive qui alors le reliait au présent; avec cette réserve que le avoir-
en-main ou plutôt le reprendre-en-main de nouveau a maintenant le mode phéno¬
ménologique du « à nouveau », du saisir à nouveau et cela en tant que conviction
qui vaut encore pour moi, qui est demeurée pour moi, qui est encore mienne.
Mais au lieu de m’en tenir à cette réapparition passive de mon jugement ou
à l’attention que je porte à nouveau à ce jugement, je peux aussi réactiver vérita¬
blement mon jugement, le reproduire pour de bon, je peux le produire, lui, le
même jugement, dans une activité renouvelée et véritable, je peux changer à
nouveau en .T est p le Sp qui réapparaît dans mon esprit et alors constituer le Sp
dans une activité renouvelée, donc d’une manière originelle. De même toute autre
modification du type du surgissement d’une idée implique la possibilité pour la
conscience d’une réactivation proprement dite (donc la possibilité d’acceder
par le remplissement au « cela lui-même »)... elle implique la conscience de
pouvoir se tourner vers une activité effective qui naturellement comme toute
intention pratique de la conscience a ses modes de réussite ou d échec.
§ 5. Formes fondamentales
QUE PRENNENT LE JUGER ORIGINELLEMENT PRODUCTEUR
ET LE JUGER EN GÉNÉRAL
a pour nous valeur d’être (dans le cas normal, sur ce qui vaut avec certitude),
alors dans une action librement productrice prennent naissance de nouvelles
formations catégoriales de notre opinion, ne faisant qu’un avec les signes corres¬
pondants, avec les mots correspondants. Nous renonçons à entrer dans les
86] complications intentionnelles (qui ne manquent pas d’intérêt) qui proviennent du
fait que les expressions elles-mêmes (prises à la fois du côté du signe et du côté de
la signification) peuvent déjà se présenter en tant que venant à l’esprit et, en tant que
telles, « impliquent » dans leur sens, d’une manière secondaire, tout ce qui est déjà
secondaire dans les expressions originales, de telle sorte que nous avons enveloppé
du secondaire « dans » le secondaire. Ce sont vraiment des implications intention¬
nelles (qui ne sont pas des éléments réels enfermés dans un tout à la manière des
parties) auxquelles nous avons affaire ici aussi bien dans l’apparition à 1 esprit
des expressions que dans leurs modes de réalisation... de la réalisation des signes
qui viennent à l’esprit avec leurs renvois et de la réalisation de leur significations
elles-mêmes auxquelles il est alors renvoyé.
D’après ces développements, nous avons, tout bien considéré, d une part, des
jugements qui sont tout à fait « confus », complètement inexplicites; dans le cas
le plus favorable nous avons des jugements dont on saisit les mots, qui sont
articulés verbalement et cependant dans ce cas on ne juge aucunement dans
une acdvité originelle. En contraste extrême avec ce cas, nous avons les jugements
parfaitement distincts, complètement explicites, les jugements produits originel¬
lement selon des états catégoriaux de toute sorte; ce sont assurément des cas
d’exception mais qui sont particulièrement importants. Entre les deux se trouvent
tous les jugements qui sont aussi effectués explicitement mais qui mettent en
œuvre un héritage ancien d’états catégoriaux; ce sont les cas de distinction incomplète.
§ 6. Le juger indistinct
Dans les deux groupes de la distinction imparfaite (comme nous l’avons déjà
exposé brièvement dans le cours de notre ouvrage (a)) le langage joue un grand
rôle avec ce qui se détache en lui, c’est-à-dire avec ses articulations et ses indi¬
cations de signification. Tout signe simple indique une signification (précisons .
indique une position ayant pour contenu un sens quelconque) et cette indication
est une indication associative. Les signes s’unissent pour former 1 unité d un
"en particulier les mots isolés pour former l’unité d’une expression, par
le fait que ce sont les indications qui s’unissent pour former l’unité d’une indi¬
cation et non pas seulement les signes sensibles pour former l’unité d’une confi¬
guration sensible — ce que font déjà des amas de mots « incohérents » (quant au
sens). La combinaison des mots qui aboutit à une unité de l’expression, donc la
liaison des indications leur appartenant qui aboutit à une unité de l’indication,
est unité d’une aperception qui est née par association : elle est née de modes
analogues d’une constitution passée qui a une action de fondation première et
qui est une constitution de formations catégoriales de même type ou qui est une
constitution de formations de jugement, en tant qu’expressions prises déjà du
côté du signe et du côté de la signification.
[287] Également dans la formation arbitraire de propositions grammaticales et
d’expressions qui ont une unité, nous pouvons, et nous le faisons très commu¬
nément, suivre précisément le style habituel de la formation du sens ; nous pouvons
laisser se former de nouvelles formations provenant d’éléments et de formations
ayant des formes familières typiques sans exercer le moins du monde de véritables
actions catégoriales et sans obtenir les formations catégoriales dans leur caractère
originel. Ainsi peuvent se réaliser sans qu’on le remarque le contre-sens par rapport
aux choses, le fait qu’il est dépourvu de sens de réunir pour en faire une unité
des éléments « totalement sans relation » (qui n’ont rien à faire l’un avec l’autre »),
mais également le contre-sens analytique qui est le thème principal dans le cours
de notre ouvrage. L’unité du « jugement » se réalise en tant qu’unité de la position
du jugement mais on juge d’une manière « confuse », inexplicite, « impropre ».
C’est une passivité associative, provenant de motivations associatives mais portant
en soi, à la manière de l’implication intentionnelle, une activité spontanée trans¬
formée et convertie en sensibilité passive et renvoyant à celle-ci en tant qu’elle
peut être rendue active.
C’est précisément par là que la passivité associative a aussi des fonctions
importantes dans le cadre de la raison, raison qui fournit, uniquement dans la
production active, l’évidence catégoriale de toute sorte, l’évidence comme donation
des entités catégoriales intentionnées « elles-mêmes ». Ces dernières, quand elles
ne sont qu’indiquées par la simple association, n’ont déjà en aucune façon cette
« existence » (de la « distinction ») qui de son côté est la présupposition pour
l’adéquation des entités catégoriales intentionnées, des jugements eux-mêmes aux
objectités catégoriales elles-mêmes, aux vérités catégoriales. C’est précisément parce
que l’association (au sens habituel du mot) dans tous les cas ne fait qu’indiquer
indirectement et anticiper mais ne donne pas les choses elles-mêmes (à moins
qu’elle ne s’unisse en même temps avec la donation de la chose associée « elle-
même »), c’est précisément pour cette raison que le juger « aveugle », né purement
par association, se situe avant les questions de 1’ « existence » ou de la « non-exis-
LA CONSTITUTION DU JUGEMENT
Ici assurément apparaît une différence significative qui distingue les modes
422 LOGIQUE FORMELLE
sont susceptibles de justification (et en ont besoin) grâce au processus qui rend
les jugements véritables. Car si peu que rétentions et ressouvenirs soient des
évidences qui donnent les choses « elles-mêmes » d’une manière originale, donc
des évidences proprement dites, ils ont pourtant la signification de dérivations
secondaires de l’évidence dans lesquelles, comme le montre une critique de la connais¬
sance, il reste toujours, quoique indirectement, quelque chose de l’évidence. Sans ces
rétentions et ces ressouvenirs il n’y aurait pas de science. Si la rétention vivante
était sans valeur, on n’arriverait vraiment à aucun résultat de pensée. Dès qu’on
aborde la légitimation des jugements, alors de nouveau la rétention entre en effet
en jeu et sa valeur d’autorité est présupposée. La situation est analogue en ce qui
concerne les souvenirs reproductifs. C’est non seulement en tant que ressouvenirs
clairs qu’ils ont une évidence, l’évidence de l’expérience de ce qui est passé — évi¬
dence certes imparfaite mais qui pourtant par essence peut être perfectionnée à
la manière de l’approximation tendant vers une limite idéale — mais ils ont aussi
une évidence secondaire en tant que souvenirs qui manquent encore de clarté. Sans ces sou¬
venirs reproductifs ferait défaut toute justification possible de la confiance qu’a
la science qu’elle est un fonds d’acquis durables de la connaissance, en tant qu’évi-
dences que l’on peut réactiver à tout moment.
APPENDICE III
et de la conséquence formelle
doivent être précisées en un sens pur qui ne garde en soi absolument rien d’une
référence à la vérité et à la fausseté des jugements, c’est-à-dire des jugements pensés
comme thèmes sous le point de vue de leurs rapports analytiques. En d’autres
termes, l’analytique pure s’occupe des jugements purement en tant que jugements
et elle s’occupe purement des rapports de jugements qui concernent la possibilité
proprement dite d’effectuation et de non-effectuation — mais il ne s’agit pas pour
elle de savoir si une telle possibilité a quelque chose à voir avec la vérité possible
des jugements. A l’opposé de la logique traditionnelle, compatibilité et contra¬
diction «’ont donc pas dans l’analytique pure le sens de compatibilité ou d’incompa¬
tibilité dans la vérité possible, de même la conséquence n’a pas le sens de vérité
de la conséquence (même si cette vérité n’est que présumée), etc. Il y a une compos-
sibilité de jugements purement en tant que tels... compossibilité dans l’unité
[292] d’une effectuation de jugement qui est effectuation explicite et proprement dite;
et seule cette compossibilité est un concept thématique de l’analytique pure. Si
l’on considère l’orientation subjective, on voit qu’il ne s’agit dans l’analytique
pure de rien d’autre que de la légalité formelle essentielle pour un pouvoir-porter-
des-jugements explicitement et à proprement parler (et encore pour un pouvoir-
porter-des-jugements-ensemble). Il n’est pas besoin d’ajouter : également pour
un ^««w'r-porter-des-jugements-ensemble... précisément parce que la légalité
essentielle de la « compossibilité » formelle renferme déjà en soi celle de la « co¬
nécessité » formelle.
La manière dont nous nous sommes exprimé dans le cours du texte suscite
à maintes reprises une apparence d’incorrection par le fait qu’à différents endroits
cette « co-nécessité » n’est pas évoquée expressément, en outre par le fait que
l’analytique pure est nommée tantôt tout simplement logique de la conséquence>
tantôt à nouveau logique de la non-contradiction et que dans cette dernière
perspective la non-contradiction est désignée expressément comme étant son
thème unique, universel. Mais c’est tout à fait correct du point de vue de la pensée,
comme il ressort des éclaircissements exposés ci-dessus, en particulier de ceux
sur les connexions essentielles de la thématique universelle et de la légalité de la
non-contradiction formelle avec la thématique universelle de la conséquence
formelle (au sens large comme au sens fort).
Indiquons encore expressément qu’on peut comprendre aussi par là la carac¬
térisation — donnée p. 191 — de la multiplicité euclidienne comme système
de la « non-contradiction » (au lieu de quoi d’ailleurs on dit aussi un peu aupa¬
ravant : « conséquence »). Il faut aussi remarquer qu’il est question là d’une
« multiplicité » et que déjà au chapitre III (pp. 129 sqq.) le concept exact de multi¬
plicité, en tant que système procédant purement de la nécessité analytique, avait
été clarifié en détail.
LOGIQUE DE LA SIMPLE CONSÉQUENCE » 427
En relation avec les recherches sur les syntaxes que nous avons communiquées
dans l’appendice I, ajoutons encore l’application suivante à l’analytique pure.
Prenons la tâche universelle de cette analytique sous la forme simple suivante :
rechercher les lois essentielles de la forme du jugement qui sont les conditions de la
possibilité pour qu’un jugement quelconque ayantuneformeque l’on peut fixer
arbitrairement puisse être un jugement « existant à proprement parler » — un juge¬
ment effectuable explicitement — à savoir au sens de l’évidence de la distinction.
Prenons le jugement dans la plus large généralité analytique qui soit, la géné¬
ralité d’une entité catégoriale intentionnée en général, qui a été déterminante
dans les derniers chapitres de ce livre.
La question posée concerne aussi les formes de jugements elles-memes en
tant que formes de jugements prises comme du général purement conceptuel
et elle s’énonce alors : quand les formes de jugements peuvent-elles etre saisies
dans une évidence originelle en tant que formes générales essentielles de jugements
effectuables véritablement et à proprement parler, quand ont-elles en tant que
telles une « existence » idéale ? ,
Étant donnée l’étendue du concept de jugement, toute conjonction quelconque
de jugements et toute totalité catégoriale quelconque, qui peut etre construite,
si ** - p“sé’,d“! k ptx
mêmes, c’est-a-dire les termes, seulement des lois des syntaxes
« >».“■ fo™‘lleS XsftXo» des formes-noyaux,
et, à un niveau plus profond, des io
donc de la substantivation (de la << nom11^ J^atique dans les questions posées,
Si nous nous engageons de façon y ^ substructure. Nous
nous devons donc rechercher les j>abord l’organisation syntaxique
devons prendre comme point de P . . des fofmes syntaxiques et
avec les distinctions qui s'y à ndre comme point de départ les
des jugements. Nous aurions ensuite a revenir
428 LOGIQUE FORMELLE
ET COMME « TAUTOLOGIES »
identité totale ou partielle avec les présuppositions. C’est justement cela qui
détermine manifestement la formation du concept de tautologie et sa doctrine
que l’on voit se dessiner dans la logistique moderne, concept sous lequel tombe
toute suite analytique close de propositions.
Il pourrait être intéressant de connaître les remarques touchant la tautologie
que le Pr O. Becker a très amicalement mises à notre disposition, remarques qui
incorporent en même temps cette notion dans l’analytique « pure ».
Selon le point de vue de la logistique, une tautologie peut être conçue comme
la négation d’une contradiction et réciproquement toute négation d une contra¬
diction est une tautologie. De cette « définition » résulte le caractère purement
analytique des tautologies ainsi caractérisées. Elles sont en quelque sorte des
systèmes de la conséquence qui se suffisent à eux-mêmes, qui n’ont besoin d aucune
prémisse en dehors de leurs prémisses posées. Le caractère propre de la tautologie
apparaît dans une stricte analogie avec celui de la contradiction si on abandonne
tout d’abord le domaine de l’analytique pure et si l’on prend en considération
la vérité et la fausseté possibles des jugements (cf. § 19) : _
« Toute contradiction exclut de prime abord les questions de adéquation,
elle est * limine une fausseté » (p. 93)- D’une manière strictement correspondante
est valable l’assertion suivante : toute tautologie exclut de prime abord les
questions de l’adéquation, elle est a limine vérité.
Au moyen d’opérations logiques formons avec les jugements A,
,» forme complexe P ^
représente elle-même un jugement, alors ; p faux') indé-
une contradiction) si et seulement si P est vrai (respectivement« P**&»$**
pendamment du fait que les jugements p p* .... ^ , deg états_
Aufklarung. Élucidation.
Auslegung. Explicitation.
Begründung . Fondation.
Besinnung . Prise de conscience.
Deckung . Coïncidence, recouvrement.
définit. « Défini ».
Definitheit. Définitude.
Deutlichkeit . Distinction.
Einsicht. Évidence rationnelle, évidence apo-
dictique.
Entscheidbarkeit. Décidabilité.
erfüllen. Remplir, satisfaire.
Erfüllung. Remplissement.
Erklàrung . Explication.
Erlebnis. Vécu.
Erzeugnis . Production.
Explikation . Explicitation.
Formbegriff. Concept formel.
Gebilde . Formation.
Gegenstândlichkeit . Objectité.
Gehalt . Teneur, contenu.
crrrarle . Immédiat, direct.
federmann': :::::::. Tout être.
Kern. N°yau-
Kernform . Forme-noyau.
Kerngebilde . Formation-noyau.
Kemstoff. Matériau-noyau.
Klârung. Clarification. . .
konkret . Concret (par opposition à abstrait;.
Konkretion !!!!!!! !. Ensemble concret, unité concrète.
28
E. HUSSERL
434
LOGIQUE FORMELLE
Leistung . Effectuation.
Mannigfaltigkeit. Multiplicité.
meinen. Opiner, viser.
Meinung . Opinion.
Moment. Facteur, moment.
Sachgehalt. Teneur concrète.
sachhaltig. Matériel, concret [par opposition à
formel].
Sachverhalt. État-des-choses.
Seinssinn. Sens d’être.
« selbst ».. . En personne, (la chose) « elle-même »
Selbsterfassung. Saisie de la chose « elle-même ».
Sclbstgebung . Donation de la chose « elle-même ».
Selbsthabe. Possession de la chose « elle-même ».
Stoff. Matériau.
Unsinn.. Non-sens.
Urform . Forme primitive.
vermeint . Intentionné.
Vermeintheit. Entité intentionnée.
Vollstandigkeit. Saturation.
Wesensform. Forme essentielle.
Widersinn. Contre-sens.
wissenschaftstheoretisch Épistémologique.
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Introduction. j
Considérations préliminaires . 27
PREMIÈRE SECTION
LES STRUCTURES
Pages
Pages
B) Élucidation phénoménologique
DU CARACTÈRE DOUBLE DE LA LOGIQUE FORMELLE
EN TANT QU’APOPHANTIQUE FORMELLE ET ONTOLOGIE FORMELLE
Chapitre IV. — Orientation vers les objets et orientation vers les jugements.. 143
§ 38. Les objets du jugement en tant que tels et les formations syn¬
taxiques . 144
TABLE DES MATIÈRES 439
Pages
Pages
DEUXIÈME SECTION
DE LA LOGIQUE FORMELLE
A LA LOGIQUE TRANSCENDANTALE Pages
§ 58. Analogie de l’évidence des objets idéaux avec celle des objets
individuels . 211
Fages
§ 70. Sens des clarifications que l’on vient d’exiger, ces clarifications
étant prises comme recherche constitutive de l’originel... 240
a) Déplacement des visées intentionnelles et équivoque.. 240
b) La clarification des différents concepts fondamentaux
des disciplines logiques est une mise à nu de la
méthode subjective cachée qui forme ces concepts
et une critique de cette méthode. 242
§ 71. Problèmes des fondements des sciences et recherche constitutive
de l’originel. La logique est appelée à prendre la direction
des autres sciences. 243
Pages
Pages
Pages
Conclusion.
385
Fages
Pages
64 03030
Husserl, Edmund
1SSUED TO
>19
É p i M ET h É E
Collection dirigée par Jean HYPPOLITE