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Fondements et fragilités du

lien social
Qu’est-ce que le lien social?
" Les sociologues savent que la vie en société place tout être humain dès sa naissance dans
une relation d'interdépendance avec les autres et que la solidarité constitue à tous les stades de
la socialisation le socle de ce que l'on pourrait appeler l'homo-sociologicus. Par homo-
sociologicus, j'entends l'homme lié aux autres et à la société non seulement pour assurer sa
protection face aux aléas de la vie, mais aussi pour satisfaire son besoin vital de
reconnaissance, source de son identité et de son existence en tant qu'homme...
Dans les sociétés rurales, par définition plus traditionnelles, les solidarités se développent
essentiellement à l'échelon de la famille élargie. Liés à la famille pour leur protection, les
individus le sont aussi pour leur reconnaissance, l'identité familiale étant alors le fondement
de l'intégration sociale. Dans les sociétés modernes, les modèles institutionnels de la
reconnaissance se sont individualisés, ils se fondent davantage sur des traits individuels que
sur des traits collectifs. C'est moins le groupe en tant que tel qui fonde l'identité que la
juxtaposition de groupes différents – ou de cercles sociaux – qui s'entrecroisent de façon
unique en chaque individu. Il s'agit d'un processus historique qui place chaque individu dans
une plus grande autonomie apparente par rapport aux groupes auxquels il est lié, mais qui
l'oblige à se définir lui-même en fonction du regard d'autrui porté sur lui...
En partant des deux sources du lien social que sont la protection et la reconnaissance,
j'ai proposé de distinguer quatre grands types de liens sociaux : le lien de filiation, le lien de
participation élective, le lien de participation organique et le lien de citoyenneté.
Le lien de filiation recouvre deux formes différentes. Celle à laquelle on pense en priorité
renvoie à la consanguinité, c'est-à-dire à la filiation dite «naturelle».... Il contribue à l'équilibre
de l'individu dès sa naissance puisqu'il lui assure à la fois protection (soins physiques) et
reconnaissance (sécurité affective).
Le lien de participation élective relève de la socialisation extra-familiale au cours de
laquelle l'individu entre en contact avec d'autres individus qu'il apprend à connaître dans le
cadre de groupes divers et d'institutions.
Le lien de participation organique se distingue du précédent en ce qu'il se caractérise par
l'apprentissage et l'exercice d'une fonction déterminée dans l'organisation du travail.
Enfin, le lien de citoyenneté repose sur le principe de l'appartenance à une nation. Dans son
principe, la nation reconnaît à ses membres des droits et des devoirs et en fait des citoyens à
part entière.
Le lien social : entretien avec Serge Paugam 06/07/2012

La notion de société désigne un ensemble d’êtres humains entretenant des


relations sociales (familiales, amicales, commerciales, professionnelles, etc.) et reconnaissant
des valeurs communes, nées en partie d’une histoire partagée. Une société s’organise autour
d’institutions politiques, juridiques et économiques, mais aussi autour du sentiment
d’appartenir à une communauté. Jamais figées dans le temps, ces valeurs et ces institutions
évoluent sans cesse, faisant d’une société une entité vivante.
Le lien social désigne l’ensemble des relations de toute nature (politique, économique,
culturelle), qui relient les individus dans leur vie sociale et quotidienne, assurant ainsi l’unité
d’une société, sa cohésion sociale. Le lien social est, au sens général, ce qui construit
et renforce la capacité de vivre-ensemble au sein d’une même société.
Plus précisément, il peut désigner, la solidarité sociale et recouvrir les normes et valeurs
communes ainsi que les manières dont les individus sont interdépendants.
Toute société intègre les individus par le partage de normes, de valeurs, de rôles sociaux et
de pratiques en commun. L’intégration sociale suppose un sentiment d’appartenance au
groupe qui permet aux individus de développer la coopération, la participation aux activités
de celui-ci (économiques, politiques) et l’évolution des règles de la société.
L’intégration sociale s’oppose à tout ce qui fragilise et rompt le lien social et tend à diviser
une société en des groupes antagonistes et les groupes en individus isolés et désolidarisés.
Essentiels dans la vie individuelle et sociale, ces liens rattachent un individu aux autres et lui
assurent certaines protections face aux différents risques et accidents de la vie. Ils se
construisent au sein d’institutions telles que la famille, l’école ou le travail qui transmettent
des pratiques et des valeurs communes et renforcent la cohésion de la société.
La famille est la première instance de socialisation : c’est le premier groupe social
auquel appartient un individu. On naît dans une famille et, le plus souvent, on en recrée
une autour de soi au cours de sa vie. La famille a toujours évolué avec le temps, en
fonction des normes des différentes époques : aujourd’hui encore, elle ne cesse de se
redéfinir.
La famille se désinstitutionnalise. En d’autres termes, elle est moins encadrée par des règles
et des normes strictes, les relations familiales (notamment les règles d’alliance) sont plus
souples. La famille est aujourd’hui plus souple, plus individualisée.
Ainsi, on constate une diminution du nombre de mariages depuis les années 1960, et un
développement de l’union libre. On assiste en conséquence à une augmentation des naissances
hors-mariage.
On constate également une augmentation des divorces depuis les années 1970 (taux de
divorce : 45,1 % en 2008).
Enfin, on assiste la multiplication des formes familiales, conséquence le plus souvent de
la montée des divorces : familles monoparentales (8 % des ménages en 2009), familles
recomposées (à peu près la même proportion des ménages).
Toutes ces transformations sont à mettre en relation avec la montée de l’individualisme
on peut ajouter une réduction de la taille des familles (puisque le nombre d’enfants par
femme a diminué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale) et une mobilité
géographique qui amène à un éloignement plus grand des membres de la famille au sens
large.

La solidarité familiale peut se trouver réduite par la diminution de la taille et


l’éloignement géographique consécutif à la mobilité.
Les liens familiaux sont plus fragiles. Du fait de sa désinstitutionnalisation, les relations
conjugales sont plus fragiles.Par exemple, les familles monoparentales connaissent un risque
d’exclusion plus important que les autres, du fait de la précarité de leur situation et de la
faiblesse des revenus dont elles disposent.
Enfin, le contrôle social exercé par la famille est moins fort...D’autant que l’autorité est moins
bien acceptée, tant par les parents que par les enfants eux-mêmes. La notion
d’épanouissement personnel est beaucoup plus forte. En fin de compte, c’est la transmission
même de normes et de valeurs communes, au cœur de l’intégration, qui est plus difficile au
sein de la famille.

Le travail au cœur de l’intégration

Le travail est souvent réduit au seul apport de revenu. C’est une dimension
importante de sa fonction intégratrice, dans la mesure où le revenu permet la
participation à la société de consommation (pouvoir d’achat, accès au crédit), et
donc l’intégration économique.
Le travail donne aussi et surtout un statut et une identité aux individus. Cette
identité est fondée sur l’appartenance à un groupe socioprofessionnel, et à une
communauté de travail. Le travail est aussi la source de nombreuses relations
sociales.
le travail est ce qui permet d’accéder à la citoyenneté sociale, c’est-à-dire qui
permet de bénéficier des droits et des devoirs qu’impliquent le système de
protection sociale.

Les transformations du travail et de l’emploi menacent son rôle intégrateur


Le travail et l’emploi connaissent de nombreuses mutations depuis les années 1980, et
notamment une raréfaction des emplois au regard de la population active, qui se traduit par
une montée du chômage, et ensuite une précarisation croissante des emplois, conséquence de
la recherche de flexibilité par les entreprises.
Le chômage touche aujourd’hui un peu plus de 10 % de la population active. Le chômage de
masse est apparu historiquement dans tous les pays développés avec la « crise » économique
qui a suivi les chocs pétroliers de 1974 et 1979. la réalité du chômage reste difficile à
quantifier du fait de l’existence d’un ensemble de situations floues qui sont étroitement liées
au chômage mais qui n’apparaissent pas dans les mesures officielles (chômeurs découragés,
chômage déguisé, sous-emploi).
Ce qui est notable, au-delà de l’augmentation très forte du chômage au cours des années 1980
et son maintien à un niveau élevé, c’est l’importance croissante du chômage de longue durée
(plus d’un an).
Le chômage a de nombreuses conséquences pour les personnes qui sont touchées. Il y a bien
sûr la perte de revenu . Mais le chômage n’a pas que des répercussions économiques. Il
s’accompagne souvent de ruptures familiales (les divorces sont plus fréquents dans les
ménages où l’un des membres du couple est au chômage), perte de sociabilité (isolement
social, perte des liens sociaux, les collègues de travail, certains amis ...), perte de l’estime de
soi (sentiment d’échec, d’inutilité, dépression)...
Le chômage peut donc déboucher sur un processus d’exclusion sociale, qui marginalise
l’individu, fragilise son intégration à la société. Il est donc clair que le chômage de masse, et
particulièrement le chômage de longue durée sont des facteurs de risque pour le lien social et
l’intégration.
La montée des emplois atypiques, conséquence du ralentissement de la croissance
économique et de la recherche de flexibilité des entreprises est l’autre transformation majeure
du travail ces dernières décennies. Dans les emplois atypiques, on recense deux grandes
catégories : les emplois à durée limitée (CDD, intérim, travail saisonnier) et les emplois à
temps partiel :
Le développement de l’emploi atypique influe négativement sur la qualité du lien
social.
L’identité professionnelle est moins valorisante, elle est plus difficile à construire
(changement fréquent d’entreprise, de métier, voire de secteur d’activité). La
reconnaissance sociale est moindre, ainsi que l’intégration dans le collectif de
travail dans l’entreprise, car le salarié précaire n’est que de passage dans
l’entreprise. les emplois précaires s’accompagnent de revenus faibles, Le risque est donc
important de basculer dans la pauvreté. C’est le phénomène des « working poors », les
« travailleurs pauvres », qui sont aujourd’hui près de 2 millions en France.

Lorsque la perte d’emploi se cumule avec d’autres ruptures, notamment familiales (divorce,
départ du domicile parental, décès d’un proche...), apparaît un risque de désaffiliation
= désigne le processus de fragilisation progressive des liens qui unissent une personne aux
autres membres de la société : les relations sociales s’amenuisent, les formes de socialisation
s’affaiblissent. Au terme de ce processus se trouve l’exclusion, qui désigne la rupture totale
des liens sociaux : l’individu n’a alors plus de place dans la société, il est hors du travail mais
aussi hors des réseaux de solidarité et de sociabilité.

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