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MARSAUD

Blandine
DIPLOME D’ETAT D’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL
SESSION 2012

LE NON-RECOURS AUX DROITS FACE À LA DÉSAFFILIATION DES


S.D.F.

MEMOIRE D’INTIATION A LA RECHERCHE DANS LE CHAMP PROFESSIONNEL


VALIDATION DU DOMAINE DE COMPETENCES 2 : EXPERTISE SOCIALE
SOMMAIRE
:

Introduction
:
 2
I. L
‘histoire
des
S.D.F.
en
situation
de
désaffiliation
:
entre
punir
et

assister
 6

1.
La
notion
de
sans
domicile
fixe
en
situation
de
désaffiliation
 6
a. L’exclusion
 7
b. La
clochardisation
 7
c. L’errance
 9
d. La
déviance
pour
les
S.D.F.
 9
e. La
notion
de
carrière
S.D.F.
 10

2.
Les
politiques
sociales
vis­à­vis
de
cette
population
 12
a. Le
glissement
de
vagabond
à
clochard
 14
b. Le
rapport
à
la
norme
 15

3.
La
prise
en
charge
de
ce
public
 17
a.
Le
cadre
législatif
de
l’accompagnement
 17
b. Les
institutions
venant
en
soutien
au
S.D.F.
en
situation
de
désaffiliation
 19
c. Les
minimas
sociaux
 21

II. Enquête
de
terrain
:
les
enjeux
du
non­recours
aux
droits
des


S.D.F
en
situation
de
désaffiliation
 24

1.
Le
dispositif
d’enquête
 25
a. L’évolution
et
le
cheminement
de
ma
question
de
départ
 25
b. Méthode
d’enquête
 26
c. Les
Entretiens
 27
d. Les
observations
 28

2.
Le
non­recours
aux
droits
des
S.D.F.
en
situation
de
désaffiliation
 30
a. La
personnalité
S.D.F.
en
situation
de
désaffiliation
 30
 La
perte
de
soi
 30
 La
résignation
 32
b. Les
institutions
comme
vecteur
du
non‐recours
aux
droits
 34
 L’urgence
sociale
 34
 Le
bricolage
de
la
prise
en
charge
des
personnes
S.D.F.
dites
désaffiliées
 38
 La
lourdeur
administrative
 39
 La
figure
normative
du
travail
social
 40

3.
La
problématisation
de
mon
sujet
d’étude
:
 45

Conclusion
 48
Bibliographie

Annexes
 I
Annexe
1
:
guide
d’entretien
 I
Annexe
2
:
guide
d’observation
 II
Annexe
3
:
entretien
et
observation
 III

1
Introduction
:


« Alors si l'urgence, c'est prendre une personne,
qu'elle fasse le 115 pour une nuit, et le lendemain, elle ne
sait pas où elle doit dormir etc. etc., si c'est ça qu'on
appelle urgence, alors oui, c'est mort. Malheureusement
ça existe encore et ça continuera d'exister, c'est ça qui est
terrible, mais l'idée c'est de sortir de ça, parce que avec ça
vous construisez mais alors rien du tout »1.

Cette citation me permet d’exprimer le choix de mon sujet et de le situer :


l’accompagnement des personnes SDF dites en situation de désaffiliation.
Le choix de ce sujet s’est effectué au cours de ma seconde année de
formation, suite à la lecture de l’ouvrage de Patrick DECLERCK, Les Naufragés.
En effet, l’ouvrage (et l’auteur) met en avant l’idée que la réinsertion est une
utopie pour les S.D.F. et accuse les institutions d’accueil d'avoir comme unique
fonction de permettre à ces personnes « d’accepter » leurs conditions de vie. Cette
lecture m’a fait me questionner sur ma pratique en tant que future assistante de
service social. De plus, au cours de mon stage de seconde année d’assistante de
service social au sein d’un service de polyvalence de secteur en région d’Île-de-
France, j’ai constaté que nous recevions des personnes en rupture d’hébergement,
mais pas des personnes inscrites dans la carrière S.D.F. Par ailleurs, j’ai pu
confirmer mon observation dans un autre service de polyvalence dépendant de la
Picardie. C’est par ces expériences professionnelles que je me suis questionnée et
ai décidé de travailler autour de ce sujet : les services sociaux dépendants du
Conseil général œuvrent dans la lutte contre les exclusions mais pourquoi les
personnes SDF dites désaffiliées qui sont inscrites depuis longtemps dans la rue
ne se présentent peu, voir pas dans les structures de droits communs ?
Ce sujet m’a questionnée car la population des SDF alimente les débats
médiatiques, tout particulièrement en hiver, pourtant il n’a pas été constaté plus de
décès en hiver qu’en été2. Nous les croisons au coin d’une boulangerie en haut
d’un escalier de métro, sous et sur des cartons dans la rue, ils habitent les trottoirs
des villes. Cette visibilité fait peur ou crée un effet de compassion, et bien

1
Entretien avec le directeur d’un centre d’hébergement d’urgence en région parisienne
2
Entretien avec la responsable de la délégation départementale d’Evry

2
souvent, nous cachons cette misère.
Leur visibilité croissante depuis une vingtaine d’années a contribué à une
prise en charge globale des problèmes d’ « exclusion ». Ils deviennent la cible de
l’action publique avec la création de dispositifs pour les SDF. Beaucoup d’entre
eux refusent toute prise en charge et ne fréquentent pas ou peu les différentes
structures à leurs dispositions. Comment pouvons-nous travailler avec des
personnes en situation de grande précarité ? Comment les soutenir, les
accompagner face à cette urgence (hébergement, isolement, errance, maladie…).
Là sera la complexité du travail à réaliser auprès d’eux. Il faut dans un premier
temps leur donner les moyens de se reconstruire avant d’entamer leur réinsertion
sociale et professionnelle.
Pour parler de cette population, je n’utiliserai pas le terme d’exclus, car ce
mot est rempli de sens et de contre sens. Il est employé sans être déconstruit : je
déconstruirai donc cette notion. Dans les politiques sociales, il n’est jamais
mentionné l’exclusion mais bien les exclusions. De plus, cette notion se confond
avec la pauvreté, la misère, l’isolement, la ségrégation, l’handicap, la
discrimination, et le besoin. Le mot « exclusion » est caractérisé comme étant plus
un état qu’un processus. Alors que l’ « exclusion » en terme sociologique résulte
d’une dégradation d’une situation antérieure. Selon Robert Castel, il faut
comprendre l’ « exclusion » comme étant un processus. D’ailleurs, il en désigne
trois phases : l’intégration ou l’affiliation sociale, la phase de vulnérabilité sociale
puis la désaffiliation. La phase de désaffiliation étant l’absence durable de travail
et la perte des relations sociales. C’est pourquoi j’emploierai le terme de
désaffiliation pour caractériser la population SDF qui sont inscrit dans ce
processus depuis longtemps et qui sont en rupture.
Et j’ai choisi le terme de « sans domicile » par rapport à celui de « sans-
abri ». Il y a des différences importantes entre les deux termes et je trouvais que le
terme de SDF était plus adéquat pour la population que je souhaite étudier. Il est
donc important de définir la différence entre « sans-abri » et « sans domicile »
pour comprendre mon choix. L'expression de sans-abri remplace celle de sans-
logis. Ce terme renvoie aux personnes qui ne disposent d'aucun lieu couvert pour
se protéger des intempéries ou qui occupent un abri de fortune (hall de gare, cage
d’escalier…). Par conséquent, le langage courant reconnaît également comme
sans-abri une personne qui exerce des va-et-vient entre la rue et les centres

3
d'hébergement d'urgence fermés le jour.
La notion de sans domicile est plus large que celle de sans-abri. Ce terme
renvoie à une personne privée d'une résidence fixe. Elle inclut les personnes qui
vont d'un hébergement à un autre sans faire l'expérience de la rue.
De plus, le sigle de SDF date de la fin du XIXème siècle, il s'est imposé
dans les années quatre-vingt-dix. Il devient le symbole de la pauvreté extrême. Le
« SDF serait surtout victime d'évolutions économiques et sociales »3. Certaines
personnes sans domicile fixe souffrent d’une perte spatio-temporelle, elles vivent
la nuit et dorment le jour. La rue est remplie de « loups », c’est ainsi que les SDF
racontent la rue lorsqu’ils vont porter plainte. Pour autant, ils ne sont pas plus
écoutés. Le corps des personnes sans domicile exprime cette souffrance, ce sont
des corps qui fonctionnent au ralenti, qui sont las de cette vie dans la rue4.
Des lois, des dispositifs institutionnels ont été mis en place pour soutenir ce
public en grande précarité. C’est le cas par exemple des minimas sociaux qui font
partie d’une des techniques développées pour les SDF afin qu’ils survivent dans la
rue (60% d’entre eux perçoivent les prestations sociales (y compris l’allocation
chômage) et pour 28% d’entre eux elles constituent le seul revenu)5. Une partie
des SDF refuse de se rendre dans les services d’aide proposés. Ces lieux ont été
créés, il y a une vingtaine d’année afin de traiter les problèmes dits de « grande
exclusion ». Il serait intéressant d’étudier les raisons de ce refus. Les services de
polyvalence sont certes le lieu d’instruction du RSA. Mais, l’accompagnement qui
leur est proposé ne peut leur convenir compte tenu de leur problématique. Alors
comment aider une personne SDF en situation de désaffiliation qui ne
demande rien et qui ne se présente pas dans les services de droit commun ?
Dans une première partie, je définirai d’abord les différents termes
qualifiant cette population, puis je ferai un historique en terme de politique sociale
et enfin je présenterai les différents dispositifs de prise en charge. L’objectif est
d’un part l’émergence de cette population et d’autre part, de faire ressortir les
enjeux de politique publique autour de la population S.D.F. en situation de
désaffiliation.

3
BROUSSE Cécile, « définition de la population sans domicile et choix de la méthode d’enquête »,
In INSEE, n°116, 1er partie, 2006, p.15
4
CORNUT Nicolas, Comme des enfants, documentaire, Lyon : Cocottesminute productions, 2007.
5
PERES Rémi, « La trajectoire des sans domicile fixée, In Thèmes d’actualité sanitaires et
sociaux, Vuibert, Paris, 2008, p.118

4
Dans une seconde partie, je m’appuierai sur une enquête de terrain. Dans un
premier temps, j’exposerai le dispositif d’enquête, puis, j’analyserai le non-
recours aux droits de cette population de deux manières :
- le point de vue de l’individu SDF lui-même, à travers sa personnalité,
- le point de vue des Institutions, de la place des travailleurs sociaux
existants autour de cette population.
L’objectif est de comprendre pourquoi malgré des dispositifs existants, les SDF
n’en sont que peu bénéficiaires.

5
I. L
‘histoire
 des
 S.D.F.
 en
 situation
 de
 désaffiliation
:

entre
punir
et
assister


« Les portraits de S.D.F qui circulent dans les


médias superposent l’héritage historique des « mauvais
pauvres » et des dégénères mentaux », dans un
vocabulaire parfois à peine actualisé. Comme les
« mauvais pauvres » de l’Ancien Régime, comme les
« mauvais citoyens » qui ne respectent pas le contrat
social de l’après Révolution, les S.D.F. sont souvent
décrits comme responsables de leur situation et finalement
coupables, fainéantisés ou ayant une mauvaise volonté à
travailler, une imprévoyance, un manque d’hygiène, une
violence latente ou déclarée, un alcoolisme. »6

Dans cette partie je déconstruirai les prénotions existantes autour de la


population S.D.F et notamment pour les personnes en situation de désaffiliation,
puis je présenterai la place des pouvoirs publics et les prises en charges existantes
pour cette population.

1.
La
notion
de
sans
domicile
fixe
en
situation
de
désaffiliation


« Le « problème SDF » a toujours été appréhendé


en relation avec la marge de la société, la défiance, voire
le crime. »7

Cette situation me permet d’introduire les sens et les contre-sens qui sont
autour de la population SDF. On parle de cette population en termes :
d’ « exclus », de personne « clocharde », d’ « errant ».

6
BRESSON Maryse, « chapitre 2 : S.D.F., une étiquette et un mythe », In Les S.D.F. et le nouveau
contrat sociale, l’Harmattan, Paris, 1997, p.58
7
DOMINGO Bruno, « « SDF » et construction d’un ordre public local : fluidités de l’identité
assignée et normalisation des lieux », In Déviance et société, 2007, vol 31, n°3, pp283

6
a. L’exclusion


Comme j’ai pu le définir dans mon introduction on ne peut pas catégoriser


une population. De plus, ce terme à la mode ne fait qu’habiller une réalité
ancienne, à savoir que les marginaux, les vagabonds ont toujours existé surtout
lors de période de crise économique. Cette population renvoie toujours à la pitié et
au rejet. Dans le sens commun, l’exclusion évoque un constat d’impuissance ainsi
que l'idée d’une incapacité pour résoudre ce fléau. Cette représentation autour des
personnes SDF en situation de désaffiliation réduit notre jugement et nous
empêche de voir ce qui se passe aujourd’hui. Nous ne pouvons pas traiter de cette
population en termes d’exclus. Cela signifierait que nous ne pouvons pas
intervenir sur ce processus. Certes, certaines personnes s’enracinent dans celui-ci
et le traitent comme une fatalité. Cela empêcherait tout Homme vivant dans la rue
de prétendre une réinsertion. L’exclusion d’une personne, en reprenant la
définition de la désaffiliation, renvoie à la définition sociologique de la norme, et
par conséquent, en quoi les personnes SDF n’y répondraient pas. Une
norme comme le définit Durkheim « sont des manières d’agir, de penser, et de
sentir », c’est-à-dire des règles qui permettent aux individus d’interagir ensemble.
Elles régissent les conduites individuelles et collectives. La spécificité d’une
norme tient dans sa sanction sociale lors d’une transgression. Ces normes ont été
intériorisées au cours d’un processus de socialisation. « Les normes sociales ne
constituent pas un ensemble indifférencié et on peut mettre en évidence une
gradation des normes en fonction de leur degré d’obligation sociale. » 8 Pour être
intégré, comme le définirait Maryse BRESSON, il est important de réunir tous les
« traits », toutes les caractéristiques retenues pour être reconnu par la société et y
appartenir.

b. La
clochardisation


Patrick DECLERCK présente dans son ouvrage Les naufragés, ceux qu’il
appelle les clochards afin de distinguer les personnes pauvres de ceux qui sont des
grands « exclus ». L’auteur désigne ainsi l’extrême « exclusion » sociale : il nous
présente les sans-abri mais au sens large. Il s’intéresse aux personnes qui vivent
depuis longtemps dans la rue ou de façon récurrente et qui sont les plus

8
BLOESS François, ETIENNE Jean, NORECK Jean-Pierre, « Normes », in Dictionnaire de sociologie
les notions, les mécanismes, Hartier, 1995, p157-161

7
désocialisées.
Patrick DECLERCK recense sur Paris en 2001, entre 10 000 et 15 000
personnes dans ce cas. Ces personnes sont celles qui vivent dans la rue de manière
habituelle et installée. Il dresse une typologie de la clochardisation : la fatigue,
l’alcool, la mendicité, le problème de santé et les troubles psychologiques. Tous
les clochards n’ont pas systématiquement ces caractéristiques, mais ils concernent
une grande majorité d’entre eux. Il est important de retenir que toutes les
catégories sociales sont touchées par cette grande exclusion. Même si la présence
des personnes issues de la haute société reste minoritaire parmi cette population.
La clochardisation est le produit d’un dysfonctionnement social,
économique et culturel. Mais il faut la rattacher à un symptôme
psychopathologique. Certains souffrent d’alcoolisme, de schizophrénie… et peut
conduire à la clochardisation.
Patrick DECLERCK définit la clochardisation comme un déni du corps poussé
à l’extrême, la personne ne parvient plus à faire surface, elle ne répond plus aux
exigences de la société (travail, logement, famille…). Une perte d’emploi, d’un
logement, une rupture peut entraîner une personne dans ce que nous pouvons
appeler un naufrage. Cependant de nombreuses personnes rencontrent ces
difficultés appelées des accidents de la vie, et arrivent à éviter cette déchéance.
Les causes de la clochardisation remonteraient donc plus loin, généralement
à l’enfance. C'est ce qui ressort des entretiens effectués par l’auteur. Les SDF
expriment dans un premier temps un choix de vie, pour découvrir qu’ils ont subi
un traumatisme tel un décès, un inceste, une violence, un alcoolisme d’un parent,
un manque d’affection de leur mère… Ce sont des souffrances qui perdurent dans
le temps. Ce terrain précoce cumulé à des accidents de la vie peut éventuellement
aboutir à une psychose et à un fréquent alcoolo-tabagisme massif faisant glisser
très vite les personnes vers un abandon de soi.
Il donne comme définition de la clochardisation :

« D’abord il est indéniable que la clochardisation


ne peut se réduire à un seul type de cause. Il s’agit d’un
processus à l’étiologie multifactorielle ou se conjuguent,
en général, les effets croisées les exclusions économiques,
sociales, familiales et culturelles, ainsi que des facteurs de

8
pathologies individuelles le plus souvent psychiatrique
(alcoolisme et poly toxicomanie, personnalité
pathologique, psychose), eux même majorés par leurs
manifestations par la vie à la rue. Il peut arriver aussi
bien évidemment, ça et là, qu’un facteur isolé bouscule
cette multi étiologie en la surdéterminant. »9

c. L’errance


La notion d’errance est complexe et labile. Elle est employée pour illustrer
les débats traitant des problèmes divers d’ « exclusion ». Ce terme renvoie à une
définition s’articulant autour de public choisi au cours de cette étude:
Au sens figuré, il désignerait une personne qui a un parcours chaotique et
complexe dans lequel les personnes désaffiliées circuleraient sans objectif précis
et viendraient à l’opposé se promener et flâner. Il désignerait également une forme
d’abandon de soi et une forme de fuite des problèmes. Les sans domicile Fixe sont
plus concernés par l’errance. L’errance a pour point commun avec une personne
sans domicile fixe, le fait d’interroger les lieux qu’elle va occuper. Cette relation
singulière au lieu est à sonder dans la perspective double, du sujet et de la société.
Nous pouvons définir le SDF comme étant un sujet errant. Ils « sont
caractérisés par une pathologie centrale du lien qui résulte soit d’une fuite pour
survivre psychiquement face un environnement anxiogène, désorganisateur et
empiétant, soit d’un échec d’amarrage premier dans un environnement absent ou
excluant »10. Cela signifie que le sujet SDF doit trouver et adopter un ensemble de
stratégies pour survivre.

d. La
déviance
pour
les
S.D.F.


La déviance a pour définition la transgression à une norme sociale. Elle est


définit par un groupe d’appartenance et/ou à un contexte. En ce qui concerne la
population SDF en situation de désaffiliation, nous pouvons reprendre la
définition proposée par H. BECKER11. Il exprime que la déviance relèverait d’un
processus de catégorisation, reposant sur 4 temps :

9
DECLERCK Patrick, les naufragés avec les clochards de paris, Pocket, 2003, Paris, p.288-289
10
MATHIEU Franck, « problématisation », In L’errance psychique des sujets SDF, le manteau
cloacal, l’effondrement scénique et la séduction, thèse de Psychologie, université Lyon II, tome 2,
novembre 2011, p.161
11
BECKER Howard, Outsider, Metaillie, Pris, 1991, p.248

9
- Dans un premier temps la transgression d’une norme. Pour le SDF, la
norme dérogée est de ne pas avoir un emploi, et un lieu résidence fixe.
- Ensuite nous avons le maintien dans la durée. Une personne Sdf peut rester
de nombreuse année dans la rue.
- Après nous avons la désignation comme étant déviant. Etre reconnu
comme étant SDF par les pouvoir public et la société.
- Enfin, nous avons l’enfermement dans une sous culture ou la sortie.

e. La
notion
de
carrière
S.D.F.


A partir de cette notion je pourrai définir mon public étudié.


Selon Julien DAMON « toutes les analyses démographiques et sociologiques
confirment qu’être SDF n’est pas qu’une caractéristique propre à des individus
mais plutôt une circonstance vécue, plus ou moins longtemps par certaines
personnes ».12 Il est nécessaire de comprendre que ce phénomène résulte d’une
étape dans un processus. C’est en prenant compte des flux, des biographies
individuelles, des entrées dans et des sorties hors de cette situation que nous
pouvons obtenir une représentation pertinente de la réalité.
Afin de comprendre ce phénomène, je reprendrai l’explication de Julien
DAMON. La carrière est utilisée dans la sociologie du travail et dans
l’anthropologie sociale pour expliquer l’évolution d’une personne tout au long des
différentes phases de responsabilité et d’apprentissage qu’elle peut traverser. Par
conséquent, utiliser cette notion pour les SDF est à envisager par rapport au
système de prise en charge, afin de comprendre ils ont pu s’inscrire dans les
dispositifs, les résistances à la prise en charge, le fait de saisir ou non les
opportunités qui leurs sont proposées par rapport aux acteurs pouvant travailler
avec eux.

12
DAMON Julien, « Les SDF : des « bricoleurs » cibles d’action publique », la question SDF, Puf,
Paris, 2002, p.148

10
Phases Rapports avec le système de prise en charge des S.D.F.
Fragilisation Contacts inexistants ou hésitants
Ignorance des différentes possibilités proposées
Refus possible d’être pris en charge
Routinisation Contact établis depuis longtemps
Relations suivies avec différents segments du système de
prise en charge
Capacité d’évaluer et maîtrise des dispositifs permettant
d’assurer la vie quotidienne
Sédentarisation Contacts ponctuels et très spécifiques
Refus assez général de la prise en charge institutionnelle
Maîtrise de réseaux de survie construits avec et à côté du
système de prise en charge.
Tableau – Les trois phases de la carrière du S.D.F. et le système de prise en charge13

La carrière du SDF peut comporter trois phases : la fragilisation, la


routinisation et la sédentarisation.14 La phase de fragilisation correspond à l’entrée
dans la carrière. La phase de routinisation correspond à une phase d’engagement
parfois très longue dans la carrière. « Ils développent des savoirs faire et des
répertoires de pratique figuratives qui leur permettent de s’engager et de
contrôler des interactions avec les habitants de la ville et avec les acteurs du
système de prise en charge. »15. Puis il y a la phase de sédentarisation, c'est la
phase qui correspond au public choisi dans mon analyse. C’est la phase
d’adaptation à la rue des personnes dont la situation évoque le processus de
clochardisation comme la définit P. DECLERCK.
Pour conclure, la notion de sans domicile fixe est avant toute chose un
engrenage, c’est une situation instable et transitoire et c’est pourquoi, je souhaite
l’utiliser.

13
DAMON Julien, « les S.D.F. : des bricoleurs » de cibles d’action publique », In La question
S.D.F., Puf, Paris, 2002, p. 157
14
Idem, p153
15
Idem, p154

11
2.
Les
politiques
sociales
vis‐à‐vis
de
cette
population

« Mes amis, au secours… une femme vient de
mourir gelée cette nuit à 3 heures, sur le trottoir du
boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par
lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. Devant leurs frères
mourant de misère, une seules opinion doit exister entre
les hommes : la volonté de rendre impossible que cela
dure, (…) Chacun de nous peut venir en aide aux sans-
abri. (…) Grâce à vous aucun homme, aucun gosse, ne
couchera ce soir sur l’asphalte ou les quais de Paris.
Merci. »16

L’appel de l’Abbé Pierre sera le point culminant dans la prise en charge des
personnes sans domicile fixe en situation de désaffiliation. Pourtant la prise en
charge des SDF connaîtra un tournant dans les années 90 avec la création du
SAMU Social.
Avant de comprendre ce tournant dans la prise en charge et la
reconnaissance de cette catégorie de population, nous allons effectuer un rappel
historique qui aura un impact sur leur interpellation et leur reconnaissance.
Cette population connaît des changements de terme on les appelle : les
vagabonds, les mendiants, les sans domicile fixe, les sans-abri, mais la loi autour
de cette population est séculaire. Ils sont considérés tour à tour comme dangereux
ou en péril. Selon les époques, nous tentons de les sédentariser, de pourvoir à
leurs besoins, de les réprimer ou de les isoler dans des institutions construites à cet
effet.
Dans la seconde moitié du XXème siècle, les vagabonds et les mendiants sont
tolérés dans les villes, mais il règne autour d’eux une ambiguïté dans leur
représentation. Ils sont acceptés tant qu’ils ne perturbent pas l’ordre public. Ainsi
le clochard qui fait partie du paysage urbain permet à chacun de nous de nous
conforter dans notre position sociale.
En 1946, il apparaît dans la législation française l’expression de
« rééducation reclassement » qui deviendra la réadaptation puis la réinsertion
16
Extrait de l’appel Abbé Pierre le 1er février 1954 sur l’antenne de RTL, cité par RULLAC
Stéphane, « la nouvelle » question SDF » de l’assistance à punition sociale », Le péril SDF
Assister ou punir, L’Harmattan, Paris, 2008, p.100

12
sociale. Dans un premier temps, cela concernait principalement les prostitués mais
la question se déplacera sur les personnes sans domicile fixe.
Derrière ce sigle, qui ne va pas de soi, il est intéressant de reprendre la
définition de ce public comme « des personnes à la rue en disant qu’elles n’ont
pas d’espace privé reconnu ou qu’elles vivent en situation de précarité sur les
lieux publics. » 17
Depuis les années 1980, le terme de S.D.F. est omniprésent dans la presse.
Ce sont les lois sociales qui vont fonder la légitimité de l’emploi de la formule
S.D.F. A commencer par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
(1948), puis l’art 25-1 qui intègre l’idée de la nécessité d’avoir un logement. Par
conséquent, la loi BESSON reconnaît les sans domicile fixe comme des « ayant
droit », donc l’utilisation de ce sigle évolue vers la reconnaissance d’un statut
administratif. Avant d’avoir cette désignation administrative, cette formule était
inscrite dans le code pénal et concerné les vagabonds et les gens sans aveu18.
Le terme de SDF désignait au début du XXème siècle, la population
Tzigane mais la loi du 16 juillet 1912 ne permet une telle désignation qui cible et
discrimine une population. Ce terme de SDF est étendu à la population nomade.
En 1969, il est créé un carnet de circulation pour les personnes n’ayant pas de
résidence ou de domicile fixe voulant circuler sur le territoire français pour
exercer la profession de commerçants ou d’industriels forains. Avec ces
différentes lois, il est ainsi pointé les « bon » et les « mauvais » pauvres tel que le
vagabond qui est reconnu comme être le mauvais. Ce sera inscrit dans le code
pénal jusqu’en 1994.
Dans la définition de la catégorie SDF intervient un critère important celui
du domicile de secours qui est en référence au système assistanciel qui est
toujours en vigueur selon R. CASTEL. Le domicile de secours date depuis le
Moyen-âge et est instauré par l’ordonnance de Moulin. Le principe de ces
domiciles de secours sera entériné lors du congrès international de l’assistance
publique en 1884 et mis en application 9 ans après (1893). « Outre la volonté de
réguler les flux des pauvres, le principe de domicile de secours permettrait
surtout de définir ou de désigner les collectivités comme les responsables
17
GABORIAU, « réflexion sur le problème des sans-logis », le nouveau mascaret, 1999, p.34, cité
par ZENEIDI-HENRY Djemila, « derrière le sigle SDF », in Les SDF et la ville Géographie du
savoir-survivre
18
Idem p.20

13
territoriaux à qui incombent la prise en charge des pauvres »19. La loi sur la
décentralisation de 1982 ne lève pas l’ambiguïté sur le traitement des SDF : les
SDF sans domiciliation ne dépendent pas du département mais de l’État. Mais le
code de la famille et de l’action sociale modifié en 1986 accentue l’importance du
domicile de secours en affectant les dépenses de l’aide sociale au département. Par
conséquent ils sont pris en charge par les collectivités locales bien qu’ils ne
relèvent pas de leur territoire de compétences. « Les SDF pâtissent des
incohérences de la loi de décentralisation puisque Etat et Département se
trouvent impliqués dans l’application du dispositif de prise en charge
assistancielle »20. C’est ainsi que nous avons un glissement entre la notion de
domicile de secours et de domiciliation. La notion de domiciliation permet la
volonté de faire accéder au rang de citoyen les sans domiciles fixe. Ce statut s’est
affirmé avec la création du Revenu Minimum d’Insertion, qui fait découvrir aux
travailleurs sociaux un nouveau public ayant besoin du service social de
polyvalence qui était jusque-là peu présent dans le champ de l’aide sociale.

a. Le
glissement
de
vagabond
à
clochard


Le clochard a la forme de résurgence du vagabond, il est considéré comme


l’héritier par les quelques caractères du vagabond tout en étant tout autre. Ce
passage du vagabond au clochard s’apparente à une passation de marginalité. Le
vagabond est caractérisé comme étant essentiellement dans l’errance et oscillant
entre la ville et la campagne. Mais au cours du siècle, le vagabond s’est urbanisé
compte tenu du contexte de l’exode rurale croissante. Par contre, les clochards se
caractérisent par un ancrage urbain et plus souvent dans les quartiers. C’est ainsi
qu’ils ont été définis comme faisant partie du « paysage urbain local ». Par
conséquent, c’est cette certaine visibilité qui les caractérisera. « Aimant la vie de
bohème et refusant de participer au jeu social »21.
La naissance du terme clochard a pour terminologie « clocher » qui
signifiait au Moyen-Age « boiter », il renvoyait à ce rapport au physique avec ces
images courantes de la personne sale, crasseuse, pouilleuse, en guenilles et qui
serait vecteur de maladie. La clochardisation est souvent l’aboutissement d’un

19
Idem, p.20
20
Idem, p. 21
21
Idem, p. 28

14
parcours linéaire dans la carrière de SDF.
Les années 80-90 voient la triste consécration du mot SDF qui fleurit dans
toute la presse. L’exclusion et la nouvelle pauvreté se posent comme les nouvelles
questions sociales. Les pauvres changent, ils s’exposent, se montrent dans les
espaces publics contrairement aux précédents. L’hiver devient la saison des SDF,
avec les cadavres de personnes mortes de froid et qui gêne les autorités publiques.
De cette forte médiatisation, a été érigé les SDF en symbole exclusif de la
nouvelle pauvreté. Ce phénomène identifiant les nouveaux pauvres comme tel se
constatera également aux États-Unis avec les Homeless.
Leur prise en charge provient de la crise des années 70 avec le
développement de la pauvreté et de l’exclusion. De plus le nombre de SDF et de
sans abri ne cesse d’augmenter depuis les années 30. Le tournant de cette prise en
charge date des années 90. Elle provient de l’intégration de la notion d’urgence
sociale, ainsi un nouveau mode d’action et de réponse pour les sans-abri et les
sans domicile fixe apparaît. Il est considéré comme étant un révélateur et une
nouvelle source de construction de l’intervention publique. Cette notion sera très
controversée. Le débat connaît un clivage entre ceux qui refusent l’emploi
d’urgence dans le domaine sociale et ceux qui défendent l’importance d’une
réponse immédiate selon les situations. La loi du 29 juillet 1998, relative à la lutte
contre les exclusions prévoit un dispositif de veille sociale et de premier secours
en réformant les aides d’urgence et ainsi permet une reconnaissance des structures
accueillants un public en rupture.

b. Le
rapport
à
la
norme


Le système social français repose sur le principe de solidarité et de partage.


Pourtant pour être protégé, il faut répondre à des normes imposées par la société.
Le salariat est basé sur le principe d’obligation d’un travail régulier et stable.
Cette norme est inscrite dans le code pénal napoléonien en 1810, elle est définie
comme norme juridique comme étant une obligation de travailler mais aussi au
sens social. Pour être accepté et reconnu dans la société il faut exercer un emploi
ou avoir un statut qui l’en dispense. C’est ainsi que naît cette image et le résultat
d’un héritage de l’image du S.D.F en situation de désaffiliation. L’émergence du
travail comme norme sociale transforme l’image. Elle et est amplifiée par la
grande Peste au XVème siècle, et rend l’image de la misère comme étant

15
insupportable. Cette vision provient des initiatives politiques du pouvoir royal. Il
y a une seconde norme qui s’impose dans les représentations sociales : le
logement. Le travail et le logement sont deux vecteurs permettant à un individu
les possédant d’être accepté comme un membre de la communauté à part entière.
Contrairement à la norme du travail, la norme d’avoir un logement ne
découle pas d’un investissement des pouvoirs publics. Cette norme restera
longtemps subjacente à celle du travail. Un lien étroit existait entre avoir un
logement et avoir un emploi. Cette norme ne suffit pas aux règles de
comportement et aux manières d’agir. Il ne suffit pas de faire mais il faut avoir
pour être reconnu. Dans les discours politiques, la norme du travail sera le
principal élément d’intégration mais il y aura un glissement sur celle par le
logement pour être reconnu dans la société. Malgré tout les S.D.F apparaissent
comme étant en marge de la société et même parmi les pauvres22.
Avec ce glissement de norme, nous voyons l’importance et la mouvance des
politiques sociales en matière de logement. Il faudra attendre 1982 et la loi
relative aux droits aux locataires pour voir explicitement le droit au logement. Il
s’agit alors d’une reconnaissance du logement comme un droit par les pouvoirs
publics. Dans les années 1980, on observe une augmentation des difficultés
sociales (chômage de masse, pauvreté…) qui sont liées à la déstabilisation du
salariat. Mais ça ne sera que la loi du 31 mai 1990, dit la loi BESSON, qui visera à
mettre en œuvre le droit au logement. L’article stipule « garantir le droit au
logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation toute
personne ou famille éprouvants des difficultés particulières en raison notamment
de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence a droit à une
aide de la collectivité dans les conditions fixés par la présente loi pour accéder à
un logement décent, indépendant et si maintenir »23. C’est ainsi que dans les
années 1990, les S.D.F seront l’image emblématique des personnes ne pouvant
répondre à cette norme du logement. De plus la situation de la crise du logement

22
Pauvreté : je retiendrai deux définitions : l’approche monétaire et la théorie de Simmel. -
- L’approche monétaire : il faut tenir compte de l’ensemble des revenus du ménage et définir un
seuil le plus adapté. En France pour le calculer, c’est la moitié du revenu médian.
- Simmel qui exprime l’existence de plusieurs forme sociale de la pauvreté et entendent étudier les
relations d’interdépendance entre les populations jugées pauvres et les autres.
PAUGAM Serge, « la pauvreté », in dictionnaire de sociologie, dir. AKOUN André ANSART Pierre,
Le Robert, Seuil, 1999, p.388
23
Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, en ligne,
www.legifrance.gouv.fr

16
ne s’arrange pas. En 2000, les législateurs apportent une nouvelle dimension au
droit au logement. La loi SRU (13 décembre 2000), intègre dans l’article 55, une
dimension coercitive du droit au logement. A savoir, les pouvoirs publics
indiquent qu’ils ne peuvent pas seulement compter sur la volonté des élus en
matière de logement sociaux mais au contraire ils comptent contraindre à la
construction de logements sociaux. Puis, le droit au logement ne répond plus à
une logique de résultat mais de moyen. Ce changement s’inscrit dans le
programme défendu par le gouvernement : « le logement d’abord ». Ce
désengagement financier de l’État a entraîné la démission de Xavier Emmanuelli
qui est le fondateur du SAMU social. En matière d'hébergement on s'adresse
prioritairement au « SDF ». L'histoire de l'hébergement exprime l'évolution du
regard porté par la société sur les « SDF ». Ce regard est toujours à géométrie
variable. Il varie toujours entre la répression (les SDF sont un problème de société
publique, ils sont vu comme dangereux) et la compassion (les SDF sont en
danger). Par exemple, certains maires mettent en place des arrêtés d'anti mendicité
et anti glaneur.

3.
La
prise
en
charge
de
ce
public


a.
Le
cadre
législatif
de
l’accompagnement

« Il y a toujours eu des pauvres errants mais
historiquement, le vagabondage n’a pas toujours été dans
les images collectives et le vocabulaire une catégorie bien
définie. Cette catégorie s’est imposée d’abord dans les
édits et les règlements du pouvoir royal. »24

Au XVIIIème siècle, il y a une lutte contre le vagabondage et la mendicité,


Ce sera le moyen de promouvoir le contrat social. Depuis toujours, le norme
sociale repose sur le norme du travail.
Au cours du Moyen-Age, les vagabonds n’étaient pas reconnus comme la
figure emblématique des personnes pauvres. C’était des personnes errantes mais
qui ne faisaient pas forcément partie de la grande pauvreté, ni de l’indignité
comme peuvent être identifié les personnes SDF en situation de désaffiliation.
Au Moyen-Age, l’aide à la pauvreté était basée sur le principe de charité.
24
BRESSON Maryse, « les vagabonds à travers l’histoire », In Les S.D.F. et le nouveau contrat
social », l’harmattan, Paris, 1997, p.11

17
Les hôpitaux dirigeaient par les religieux, secouraient toutes personnes qui se
définissaient dans le besoin. Mais avec l’ordonnance de Jean le Bon du 30 juin
1350 condamne le vagabondage et la mendicité, exprime que c’est une volonté
des pouvoirs publics de les identifier et de les punir. Ainsi sous François Ier et
Henry II tous les actes de charité encourageant la mendicité. Compte tenu de
l’application de cette norme d’obligation du travail, les vagabonds, les fainéants,
les invalides sont enfermées dans les hôpitaux généraux au cours du XVIIème
siècle. A cette époque, l’Église perd de la reconnaissance et donc se sont les
bourgeois de la ville qui s’occupent des hôpitaux qui seront transformés en
maison de travail. Au cours de ce siècle, les personnes pauvres se voient changer
de statut, il passe à celui d'honoré. Il bénéficiait de l’aide du clergé avec la charité
pour être repoussé. C’est-à-dire qu’ils sont enfermés, mis à l’écart.
De la Révolution française au XIXème siècle, la prise en charge des S.D.F
évolue. Au moment de la révolution française, le problème de la richesse ou de la
pauvreté n’était pas une préoccupation des débats. D’ailleurs, le droit de
« subsistance » n’est pas inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme en
1789.ce n’est qu’en 1790, que la misère sera pointé et mise à mal. C’est ainsi qu’il
sera possible de lutter contre ces différences de ressource. Par conséquent, l’aide
envers les mendiantes n’est plus un droit de charité mais un devoir. Le comité de
mendicité présidé par le Duc de la Rochefoucauld-Liancourt, inscrit la pensé des
révolutionnaires qui est « celui qui existe a le droit de dire à la société : Faites-
moi vivre, la société a également le droit de lui répondre : Donne moi ton
travail. »25 Par conséquent l’aide envers ce public doit être indemnisé pour
pouvoir y prétendre. Cette expression exprime le contrat social à respecter pour
vivre dans la société. Le registre de la répression est ancrée dans la prise en charge
des S.D.F en situation de désaffiliation. Toute aide reçue est accordée sous
condition. Encore aujourd’hui cette contrepartie est présente avec le revenu de
solidarité active.
La loi 9 juillet 1998, relative à la lutte contre l’exclusion est le symbole de
la nouvelle modernité des sans domicile et d’une ouverture vers la réintégration
dans une citoyenneté ordinaire à travers la recherche et l’établissement d’un droit

25
Premier rapport du Comité de mendicité présenté à l’Assemblée constituante le 12 juin 1790,
cité par BRESSON Maryse, « la Révolution Française et le XIXème siècle », In les S.D.F. et le
nouveau contrat social, l’Harmattan, paris, 1997, p20

18
au logement, la recherche d’un droit au travail. Malgré cette loi, nous pouvons
croire que nous passons progressivement d’une prise en charge répressive à la
bienveillance. Depuis des décennies la répression et l’assistance constituent les
deux facettes à prendre en compte pour l’accompagnement des S.D.F en situation
de désaffiliation. Les mesures prises en leur faveur varient entre des dépôts de
mendicité, des maisons de travail, des mesures policières inventées pour réprimer
d’avantage ou les contraintes à travailler. Or du fait de leur condition et de leur
désaffiliation au monde social et professionnel, comment une personne S.D.F en
situation de rupture peut elle répondre aux exigences de la société ?

b. Les
institutions
venant
en
soutien
au
S.D.F.
en
situation
de
désaffiliation

Du Moyen-âge à la période contemporaine toute une panoplie de mesures a
été mise en place. Elle oscille entre la répression et l’assistance afin de venir à
bout des phénomènes de vagabondage, de pauvreté, et d’errance. Pendant des
siècles, on a surtout tenté d’assimiler pauvreté et délinquance et mis en place des
politiques répressives. Pour devenir au cours du XXème siècle une problématique
d’ordre public. Après la libération de la seconde guerre mondiale, un nouveau
climat s’instaure, notamment à partir de la création de la sécurité sociale. Nous
assistons à un basculement du droit pénal au droit social pour les personnes S.D.F.
Pour soutenir ces personnes en difficulté, il a était crée des institutions en
leur faveurs. Je tenterai de présenter les structures travaillant avec le public
étudiant. Malgré tout il est à noter qu’il existe d’autres institutions travaillant avec
des S.D.F mais qui ne sont pas inscrites dans cette problématique de
désaffiliation.

Le SAMU social : A partir de l’hiver 1993-1994, le SAMU social a été mis


en place. C’est un service mobile de « recueil » des SDF. Le SAMU social
intervient dans le cadre du plan Atlas, en complémentarité de la brigade
d’assistance aux personnes.

Le Samu social est crée le 22 novembre 1993 par le Dr Xavier


EMMANUELLI qui a pour vocation d'aller à la rencontre des personnes présentes
dans la rue. La création du SAMU social constitue un tournant dans la prise en
charge des SDF. On reconnaît là une urgence, la mission du SAMU sociale étant
d’aller à la rencontre d’un public en détresse qui n’est pas en état de faire appel
aux services sanitaires et sociaux. Le mot d’ordre de cette équipe de maraude est

19
« aller au-devant de l’urgence pour aller delà de l’urgence »26.

Le 115 : Ce numéro d'urgence départementalisé est crée en septembre 1997.


Il est gratuit et permet de mettre en lien les structures d’accueil et les personnes en
rupture d’hébergement. A partir de 1997, un dispositif d’écoute et de veille (le
115) reçoit les appels et des signalements de personnes en détresse. Il conduit
l’intervention des équipes mobiles la nuit. Leurs missions sont d’évaluer l'urgence
de la situation de la personne ou de la famille en difficulté, proposer une réponse
immédiate en indiquant notamment l'établissement ou le service dans lequel la
personne ou la famille intéressée peut être accueillie, organiser sans délai la mise
en œuvre de cette réponse, tenir à jour l'état des différentes disponibilités d'accueil
dans le département.

A cette fin, les structures et services d'accueils (centres d'hébergement et de


réinsertion sociale, SAMU sociaux, équipes de rue…) sont tenues de déclarer
périodiquement leurs places vacantes au responsable du dispositif de veille
sociale.

Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO) : Le Code de l’Action


Sociale et des Familles prévoit la mise en place dans chaque département, sous
l’autorité du représentant de l’État, « un dispositif de veille sociale chargé
d’accueillir les personnes sans-abris ou en détresse, de procéder à une première
évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers
les structures ou services qu’appelle leur état ». Il fonctionne sans interruption.
Ce dispositif est également chargé de recenser les places vacantes pour un
hébergement d’insertion, d’urgence ou de transition. Ainsi, il coordonne
l’ensemble des accueils de jour, des services d’accueil et d’orientation, des
équipes mobiles et des 115.

Lieux d’accueil de jour : Ces structures ont été créées en parallèle au Samu
social. Ces centres offrent des services aux sans-abri et ont été édifiées dans
l’hexagone.

Structures d’accueil pour l’hébergement d’urgence : On compte en France


18 800 places disponibles toute l’année dans les centres d’hébergement d’urgence,

26
LÖCHEN Valérie, « précarité, pauvreté, exclusion », In Comprendre les politiques sociales,
Dunod, Paris, 2010, p.342

20
auxquelles s’ajoutent 10 000 places d’extrême urgence. La priorité consiste à
développer des formules d’hébergement qui protègent l’individu en lui assurant
un minimum d’intimité.

Local « grand froid » : Ouvert lorsqu’il fait moins cinq degrés. Ce lieu
s’adapte à leur mode de vie. Il est dédié aux sans-abri qui sont très
« désocialisés », vieillis par les années de rue, qui meurent en premier27. Ce local
découle du plan du grand froid qui permet donc de mobiliser des plans
supplémentaires d’accueil pour les sans-abri. Le préfet est responsable de ce plan
assisté du comité de pilotage départemental de veille sociale. Il est noté que le
plan est déclenché en fonction de trois niveaux liés aux températures mais laissé
l’appréciation des préfets en fonction de chaque département.

c. Les
minimas
sociaux


La crise de l'État providence, les paradigmes de l'exclusion et de la


désaffiliation, la précarisation du travail (moins visible que le chômage), ce sont
ces différentes fractures qui constituent le contexte émergeant du RMI, pour aider
« les travailleurs sans travail », « les inutiles au monde »28 qui perdent leur
sentiment d'utilité sociale. Dès 1975, le CDI perd son hégémonie et en 1992 le
chômage explose. Les politiques publiques ont souhaité créer un revenu
permettant de lutter contre les exclusions et contre la déstabilisation du salariat.
Avec la loi du 1 er décembre 1988 instaurant le RMI, il est apparu une
nouvelle logique d’intervention dans les politiques sociales à savoir les politiques
d’insertion. C'est une logique d’action positive pour compenser la nouvelle
pauvreté. Elles agissent en faveur des personnes en situation de handicap, des
minorités sociales, des enfants maltraités et en difficultés sociales, des familles en
difficulté sociale. Elles identifient des risques, des populations, des territoires et
apportent des réponses : prestations, actions de prévention, actions de réparation...
L'idée du RMI vient du fait que plusieurs villes ont élaboré des
compléments locaux de ressource pour aider les délaissés de la crise, et cela dès
1985. Ainsi les maires, face à l’augmentation des besoins, vont demander l'aide de
l'État car de nombreuses villes sont concernées. A travers la mise en place d’un

27
SABERAN Haydee, « Sans domicile », In La France invisible, BEAUD Stephane, CONFAUREUX
Joseph, LINDGAARD Jade, découverte, 2006, Paris, p. 370-387
28
CASTEL Robert, « les inutiles au monde », In La métamorphose de la question sociale. Une
chronique du salariat, Fayard, Paris, 1995, pp.90-97

21
tel revenu, il est intégré aussi l’idée d’une dette sociale, c’est à dire que les
bénéficiaires sont redevables de cette aide. Cette politique se base sur de
nouvelles logiques. Dans un premier temps, elle rompt avec une logique
d'assistance car il y a une contrepartie. C'est la première fois qu'une allocation est
créée pour garantir un revenu minimum à toute personne. Puis, il y a le volet
insertion. Ce dernier prévoyait un contrat dès le premier jour et cela a créé un
débat. Cette idée anglo-saxonne, le workfare, ne convient pas au modèle français.
Cela signait la fin de l'assistanat, car cela conditionne l'obtention de l'allocation
dès la signature avec la mise en place d'un contrat d'insertion. Beaucoup était
contre ce volet du fait que le manque de travail n'est pas dépendant de la personne.
Une jurisprudence due à la tradition française a eu pour conséquence la
suppression de ce volet insertion : l'allocation n'était pas supprimée même pour
ceux qui ne cherchaient pas de travail. Cette logique de mobilisation de l’individu,
qui n'a pas bien fonctionné, allait de pair avec le libéralisme ambiant.
L’exclusion, dans les années 1990, devient progressivement le thème
fédérateur de la décennie, et l’objectif est la cohésion sociale. Elle a donné lieu à
la création de nombreux dispositifs destinés à favoriser l’insertion ou à prévenir la
marginalisation. Dans ces années, on a estimé que 12 à 15 millions de personnes
étaient touchées par la précarité. L’exclusion reçoit des définitions multiples et
tend à s’imposer en remplacement des concepts de marginalité et de pauvreté. A
la fin des années 1990, le chômage recule mais laisse tout de même une
importante catégorie de la population à l’écart et inscrite dans la précarité et dans
la pauvreté et dont les difficultés de santé et de logement ne sont pas résolues. En
2001, le rapport de la Cour des comptes sur le RMI présente les mesures
d’insertion qui se heurtent au chômage chronique et qui ont du mal à fonctionner
comme un tremplin vers un emploi plus stable. Le législateur renforce au cours du
temps la possibilité de cumuler pendant un certain temps les bénéfices du RMI
avec les revenus d’un emploi mais ce système ne bénéficie qu’à une petite partie
d’allocataires. Suite à quoi, une réflexion va être proposée et les législateurs vont
instaurer une nouvelle loi, le RSA. Cette loi est promulguée le 1er décembre 2008,
vingt ans après celle du RMI. L’objectif est premièrement, de favoriser l’insertion
en proposant un accompagnement spécifique pour les bénéficiaires du RSA.
Deuxièmement, l’idée est de permettre aux travailleurs pauvres d’avoir un
complément de salaire.

22
Le RMI avait été créé comme un moyen permettant d’intégrer les S.D.F.,
qui commençaient à être l’image emblématique de l’ « exclusion ». Cette loi est
un modèle qui a permis d’établir des décrets et des projets de loi pour la
réintégration citoyenne et l’application des droits aux exclus. De plus, avec la loi
sur le RMI, il a été initié la procédure de domiciliation, ce qui a permis de donner
une adresse administrative aux personnes n’ayant plus de toit. L’agrément a été
donné conjointement par le préfet et le président du conseil général du
département à des associations intervenantes auprès de ce public mais aussi au
centre communal d’actions sociales (CCAS des villes). Par conséquent, les S.D.F.
sont introduits dans un circuit particulier en marge des circuits « normaux ».29

A partir de ce travail de déconstruction du terme de S.D.F. en situation de


désaffiliation, et la présentation des différents moyens politiques, législatifs,
matériels et économiques mises en œuvre dans la prise en charge de cette
population, nous allons maintenant tenter d’aller à la rencontre de ce public.
Comme Philippe TOULOUSE, nous allons essayer d’approcher les SDF, de
construire des liens avec eux pour tenter de les comprendre, pour comprendre
qu’est-ce qui fait qu’ils ne bénéficient pas systématiquement des droits ou des
dispositifs mis en place pour eux. « On va à leur rencontre quinze jours par an,
quand il fait très froid, et on s’étonne qu’ils ne veuillent pas venir dans les locaux
« grand froid » c’est toute l’année qu’il faut tisser les liens pense Philippe
Toulouse qui maraude dans la ville à leur rencontre »30.
Dans cette seconde partie, je présenterai les facteurs influant sur le non-
recours de cette population, ainsi que ce qui freinent leurs prises en charges dans
les services de droits communs.

29
BRESSON Maryse, « la vie sans adresse et sans toit », In Les S.D.F. et le nouveau contrat social,
L’harmattan, paris, 1997, p.104
30
SABERAN Haydee, « Sans domicile », In La France invisible, dir. BEAUD Stéphane,
CONFAUREUX Joseph, LINGARD Jade, la découverte, Paris, p.371-372

23
II. Enquête
 de
 terrain
:
 les
 enjeux
 du
 non‐recours
 aux

droits
des
S.D.F
en
situation
de
désaffiliation


« La carrière administrative et sociale des SDF est


un parcours qui ressemble à un autre jeu, celui du jeu de
l’oie : d’une case départ (absence d’emploi et de toit) à
une case arrivée (un toit légal et des revenus stables).
Entre les deux, le nombre d’étapes intermédiaires a
fortement augmenté au cours du temps. Du Samu social
jusqu’aux HLM en passant par des logements d’insertion,
des CHRS ou des asiles de nuits, les cases se multiplient.
En théorie, le parcours des SDF est envisagé comme un
passage de la rue à des accueils d’urgence, puis des
hébergements et des stages d’insertion, et, en bout de
course, à une stabilisation des ressources et du logement
mais cet enchainement est loin de toujours fonctionner.
Notamment parce que les différents paliers sont saturés.
Dans ce jeu d’oie on voit plus souvent les personnes
passer d’une réponse à une autre réponse, d’une case à
une autre sans que ces passages soient inscrits dans une
trajectoire vers la stabilité. »31

Cette situation met en avant une dualité dans l'aide aux S.D.F, certains
réussissent à s'en sortir, mais tout autant abandonnent le « jeu de l'oie », voir ne
s'y sont même pas engagés. Cette constatation m'a fait me poser une question :
Pourquoi une personne S.D.F ne sollicite plus les structures de droits communs
qui peuvent lui apporter des aides qui sont censées être fondamentales ?

31
DAMON Julien, « Un système de prise en charge touffu et confus », in L’exclusion, Que sais-
je, Paris, 2002, p.90

24
1.
Le
dispositif
d’enquête


a. L’évolution
et
le
cheminement
de
ma
question
de
départ

Comme je l’ai dit en introduction, c’est la lecture de l'ouvrage « Les
naufragés » de Patrick DECLERCK qui m'a fait me questionner sur ma pratique
en temps qu'assistante de service sociale vis-à-vis de la population traitée dans
cette œuvre, à savoir les sans domicile fixe (SDF). Il traite plus particulièrement
de la population S.D.F. En situation de grande désocialisation, qu'il nomme
« clochards », et met en avant l'idée que leur réinsertion est utopique, entre autre à
cause de dysfonctionnements dans les institutions destinées à les accueillir ou à
les accompagner.

Au cours de mon stage de seconde année, au sein d'un service de


polyvalence de secteur en région d'Ile-de-France, j’ai pu voir que ce service
accueillait des personnes victimes de rupture d'hébergement, mais pas les
personnes qui sont inscrites dans ce même processus depuis un certain temps.
Cette observation s'est confirmée au cours de mon second stage en service de
polyvalence, cette fois ci dépendant de la région Picardie.

Si ce sujet s'est vite présenté à moi, le traitement et l'orientation de mon


étude ont demandé plus amples réflexions. Je me suis questionnée sur ce rapport
aux corps, à la norme sociale, sur la question de l'errance ou encore sur
l'accompagnement qui peut être proposé à ce public. De par mes expériences
professionnelles, une question en particulier m’est apparue importante : les
services sociaux dépendants du Conseil général œuvrent dans la lutte contre les
exclusions mais pourquoi les personnes SDF dites désaffiliées qui sont inscrites
depuis longtemps dans la rue se présentent peu voire pas dans les structures de
droits communs ?

Le logement est un droit fondamental, dès lors, pourquoi y a t il toujours


des personnes qui vivent dans la rue, et pourquoi ne semblent elles pas vouloir
profiter de ce droit ? J'ai réalisé une bibliographie qui m'a permise dans un
premier temps, de mieux connaître le public étudié, et de le définir exactement.
Deux auteurs m'ont permis tout particulièrement de comprendre ce qui ce cache
derrière l'acronyme S.D.F. : Julien DAMON et Cécile BROUSSE. Ce travail
théorique m'a permis de déconstruire mon sujet ainsi que les prénotions existantes

25
autours de ce thème. J'ai ensuite réalisé un travail empirique avec la réalisation
d'entretiens et d'observations.

J’ai aussi réalisé un travail sur l’évolution des politiques sociales afin de
comprendre les enjeux autour de la population S.D.F. Cette population fait l’objet
d’une reconnaissance et d’une prise en charge, mais en même temps fait l’objet de
répression : il règne une ambigüité entre assister et punir. A partir de ces
évolutions politiques, notamment avec la politique du « logement d’abord », je me
suis questionnée sur l’accompagnement offert, mais aussi l’importance de celui-ci
du point de vue des Hommes amenés à vivre dans la rue.

Cette évolution repose sur le transfert de crédits de la filière hébergement


vers le logement de droit commun. C’est au nom de ce principe que l’état a réduit
le financement de l’hébergement à l’été 2011.

Enfin, pour voir toutes les facettes du problème, j’ai souhaité participer à
des maraudes, pour aller à la rencontre du public ciblé, comprendre et observer sur
le terrain les dispositifs mis en place.

b. Méthode
d’enquête


Suite à une période de recherche théorique, j’ai entrepris une démarche


empirique afin de pouvoir questionner mon objet d’étude, le mettre en lien avec la
théorie, la réalité du terrain et me confronter à des professionnelles et des
bénévoles travaillant avec des S.D.F. en situation de désaffiliation. En particulier
pour savoir comment est-il possible de venir en aide à quelqu’un qui a cessé de
demander un accompagnement ?
Cette démarche s'est appuyée sur : quatre entretiens, quatre observations
dans le cadre d'un repas offert aux personnes accueillies au sein d'un centre
d'hébergement d'urgence, une journée en centre d'accueil de jour et enfin deux
maraudes organisées par la Croix Rouge.

26
c. Les
Entretiens


Les différents entretiens que j'ai réalisés se sont tous déroulés dans un mode
semi-directif, et se sont appuyés sur des grilles d'entretiens32 préalablement
rédigées, afin d'avoir un cheminement me permettant de recueillir les informations
nécessaires à ma réflexion.
Tout d'abord, j'ai interviewé un psychologue travaillant dans un centre
d'hébergement de réinsertion sociale, dans son bureau au sein des locaux. Ce
premier entretien avait principalement pour but de comprendre les enjeux de cette
structure et les limites de celle-ci par rapport au public S.D.F. en situation de
désaffiliation. Ce point a été soulevé par Mr M. qui considère que « certaines
personnes ne peuvent vivre en CHRS car ces structures sont trop
institutionnalisées et normées pour elles », et qu' « elles ne peuvent pas se
poser dans cette structure car elles ont intégré les normes de la rue, et elles sont
entrées dans un processus de clochardisation ». Nous reviendrons sur ce point
ultérieurement dans le second point de ce document.
Par la suite, je me suis entretenue avec un directeur de centre d'hébergement
d'urgence, le plus ancien de Paris ainsi que le plus important d'Europe. Mr P. a
pris ses fonctions de directeur en septembre 2011. Cet entretien avait pour but
encore une fois de comprendre le fonctionnement de cette structure, et de
comprendre comment les différents travailleurs sociaux pouvaient travailler avec
un public mouvant.
Les centres d’hébergement représentent une mise à l’abri. Pourtant, le
changement de politique de l’année dernière réduit le financement des structures
d’hébergement pour favoriser l’accès et le maintien dans un logement.
M’entretenir avec le directeur de ce centre d’hébergement d’urgence m’a permise
de découvrir les enjeux politiques concernant ce public.
Cet entretien était orienté sur l’identification de cette structure par les S.D.F,
mais aussi sur leurs parcours de vie, afin de comprendre pourquoi elles ne se
tournent pas vers les structures de droit commun, et pourquoi elles refusent l'aide
qui leur est apportée. Je souhaitais ensuite voir l’influence des politiques sociales
sur l’accompagnement proposé aux SDF en situation de désaffiliation. Dans cette
structure, il est proposé une nouvelle forme de prise en charge, illustrée entre autre

32
cf en Annexe 1

27
par l’embauche de travailleurs sociaux. L'urgence a aussi été évoquée, ainsi que
les difficultés administratives rencontrées par une personne S.D.F. en situation de
désaffiliation. Outre l’hébergement, ce centre proposait aux locataires, ainsi
qu'aux personnes extérieures, un repas chaud.
Ensuite, j’ai été accueillie, dans un des bureaux d’un centre d’accueil de
jour pour les personnes S.D.F en province, par Mme L, l’une des fondatrices, de
formation infirmière. Je souhaitais pouvoir connaître les moyens mis en œuvre
dans une petite ville, afin de les comparer avec ceux d’une grande ville. Nous
avons été interrompues par des bénéficiaires qui désiraient lui offrir des cadeaux.
Elle me confirma alors que c’était un public reconnaissant et qui avait besoin de
réaliser ces offrandes pour être reconnu en tant qu’individu. Elle abordera
également la question de la difficulté à pérenniser un lien entre SDF et structures
et expliquera que cette difficulté est essentiellement liée aux institutions de droit
commun. Elle décrira également pourquoi à un moment donné, les SDF cessent de
demander quoi que ce soit.
Enfin, je me suis entretenue avec la directrice de la délégation
départementale de la croix rouge de l’action sociale, en charge de l’équipe de la
Maraude bénévole. Les maraudes fonctionnent par équipes de bénévoles, il n’y a
pas de professionnel. Ils sont 60 bénévoles actifs. Elle m’expliquera ce qu’ils
apportent aux personnes S.D.F et leurs moyens pour les soutenir. Avec Mme G,
j’ai pu échanger sur la méthode pour intervenir auprès des personnes vivant dans
la rue et le but de leurs maraudes. J’ai voulu interviewer cette personne, car les
maraudeurs sont des personnes qui vont régulièrement à la rencontre du public
que je cible, et je souhaitais ainsi pouvoir comprendre pourquoi ils acceptaient les
maraudeurs et pas les structures de droits communs.

d. Les
observations


Afin de réaliser ces observations, j’ai réalisé des grilles d’observation.33 Cet
outil m’a permis de mieux appréhender mon travail de terrain et de permettre à
ces expériences de répondre au mieux à ma question de départ.
Le directeur du centre d’hébergement d’urgence m’avait proposé de venir en
tant que bénévole une soirée pour le temps du repas. A partir de ce moment, j’ai
pu découvrir l’importance des bénévoles dans la relation d’aide auprès de ce

33
cf annexe 2

28
public, les différents échanges qui peuvent exister. Dans un premier temps, je suis
restée une heure dans le hall d’accueil du centre afin de comprendre les démarches
que doivent entreprendre ces personnes pour avoir accès à un lit ou au réfectoire.
Quant aux personnes qui dorment le soir dans la structure, elles se présentent à
deux agents d’accueil, qui vérifient si la personne est inscrite sur leur liste reçu
par le 115 et qui les orientent. Ensuite, une quatrième personne est présente pour
leur donner un drap, des produits d’hygiène avant que les bénéficiaires aient accès
au dortoir.
Je me suis rendue ensuite, dans le réfectoire, où j’ai endossé la tenue propice
à la distribution. Je proposais du lait, et à partir de ce biais, j’ai pu créer un lien
avec les personnes accueillies. La distribution des repas se fait en deux services.
En premier lieu, ce sont les personnes extérieures de la structure qui sont servies
ensuite les hébergées.
En ce lieu, les hébergées prennent du temps pour observer les bénévoles
ainsi que les personnes qui bénéficient du repas.
Suite à cette observation, je me suis rendue pour une journée au centre
d’accueil de jour, dans lequel j’avais également la place d’un bénévole. Ce jour là,
la structure proposait un repas, moyennant une participation symbolique d’un
euro. Le matin, les personnes accueillies pouvaient prendre un petit déjeuner, une
douche, donner leur linge à laver, trouver une écoute auprès des salariés mais
aussi auprès des bénévoles qui les servaient. Certains individus s’installent dans
des fauteuils mis à leur disposition pour se reposer. Beaucoup d’entre eux n’ont
pas dormis, ils bougent beaucoup la nuit pour se protéger. Durant, l’après-midi,
les personnes étaient plus de passage, en raison de la distribution du courrier.
Malgré tout, certains sollicitent les bénévoles pour la lecture de leur courrier,
voire pour réaliser des démarches. Les bénévoles sont habilités à les accompagner
dans leurs démarches si les personnes le souhaitent.
Puis, j’ai eu l’occasion de pouvoir réaliser deux maraudes au cours
desquelles, j’ai pu également être au plus près du public étudié et voir comment
une personne S.D.F. en situation de désaffiliation identifie et reconnait la
Maraude. Cette maraude n’est composée que de bénévoles affiliés à la croix
rouge. Dans un premier temps, les maraudeurs se renseignent auprès du 115 pour
savoir s’ils doivent se rendre auprès d’une personne en particulier et également
pour les avertir de leur parcours. Puis, après, ils font des tours afin de repérer les

29
personnes « sorties de tout système ». Lors de chaque maraude, l’équipe est mixte
et composée de trois personnes.

2.
Le
non‐recours
aux
droits
des
S.D.F.
en
situation
de
désaffiliation


a. La
personnalité
S.D.F.
en
situation
de
désaffiliation


 La
perte
de
soi

« La rue est une broyeuse. Le chemin qu’elle offre
est pavé de minuscules renonciations, d’obstacles où,
chaque fois, ils laissent un peu de leur dignité »34.

Cette citation montre que les personnes S.D.F. se déconstruisent petit-à-


petit, ce que j’appellerai la « perte de soi ».
La perte de soi se caractérise par deux dégradations : celle des besoins et
celle du lien social. J’entends par lien social, l’ensemble des relations qui unissent
les individus faisant partis d’un même groupe social, et/ou qui établissent des
règles sociales entre eux et avec des groupes sociaux différents.
Nous allons d’abord voir comment se manifeste la dégradation du besoin.
Ce qui caractérise un individu dans la société c’est sa capacité à choisir pour
satisfaire ses besoins. Or une personne S.D.F inscrite depuis longtemps dans la
rue se contente de peu, sans choix, sans discrimination. 35
Lors d’une observation au centre d’hébergement d’urgence, les personnes
exprimaient leurs goûts dans l’acceptation ou de ce qu’on leur offrait, mais ils ne
demandaient rien de plus. Il me semble qu’ils se contentaient de satisfaire leurs
besoins vitaux, dans le cas présent se nourrir. De même lors des maraudes, les
bénévoles sont susceptibles de distribuer des vêtement, mais là encore les
bénéficiaires recherchaient le côté utile du don, mais pas l’agréable et encore
moins le luxe de la marque.
A présent, nous allons voir les raisons de la dégradation du lien social et ses
effets sur la population S.D.F. dite désaffiliée. Tous les entretiens tendent à dire
que la rue affecte les personnes, elle casse les individus, et les fait rompre toujours
un peu plus avec le monde social.

34
PROLONGEAU Hubert, Sans-domicile fixe, 1993,p. 11,15 cité par BRESSON Maryse, « La vie
sans adresse et sas toit », In Les S.D.F. et le nouveau contrat social, L’harmattan, 1997,p. 103
35
VEXLIARD Alexandre, « la personnalité du clochard »,In le clochard, Desclée de Brouwer,
Paris, 1998, p. 415

30
« Il se peut qu’à un moment donné, il y ait un
déliement du lien. Plus de lien, il se délie et les gens ne
sont plus dans la demande. Tout le monde ne tombe pas
dans la rue, s’ils tombent dans la rue c’est parce que leurs
tissus sociaux, toutes leurs relations, se craquellent petit à
petit et donc la personne tombe »36.

Le lien social est nécessaire au maintien de l’individu dans la société.


L’effritement de ce lien entraine une fragilisation, une faiblesse, si bien que les
personnes les plus vulnérables ne peuvent plus solliciter leur famille ou l’aide
sociale au sein des services de droit commun. Ce processus aboutit parfois à la
rue.
Selon Durkheim, la société industrielle crée toujours du lien social, car
l’individualisme va de paire avec l’interdépendance des individus. L’individu est
protégé face aux aléas de la vie, dans un premier lieu par la famille, mais aussi par
la société (protection sociale). Ceci s’illustre par un renforcement des liens
sociaux afin de les soutenir et lutter contre l’ « exclusion ».37 Lorsqu’une personne
perd ses repères, ses relations existantes dans son groupe d’appartenance, elle peut
se retrouver en marge de la société. Les S.D.F. vont parfois réussir à recréer du
lien avec d’autre personne de la rue, mais ne parviendront pas à « s’en sortir ».
La perte de soi est caractérisée par une longue période de privation, et ce de
toute nature : matérielles, affectives, morales, sociales. Suite à la perte de ces
liens, une personne S.D.F dite désaffiliée renonce aux exigences imposées par les
normes de la société. La personne se résigne à son statut de S.D.F. « Patrick vit
seul dans la rue. Il dort sur un parking de supermarché, il est caché derrière les
containers à verre sur un matelas qui lui a été donné. »38 Lors de la maraude, j’ai
pu constater que ce dernier s’était réinvestit l’espace, je lui ai tendu un verre de
café, qu’il m’a demandé de poser sur un petit muret, qu’il appelait sa table. Il avait
reconstruit son espace à l’extérieur, en se résignant à ne plus vivre dans un
logement voire même un hébergement. Si bien que lors du plan grand froid de

36
Entretien avec le directeur du centre d’hébergement d’urgence
37
PAUGAM Serge, le lien social, collection « que sais-je », presse universitaire de France, 2008,
123p
38
Entretien avec un bénéficiaire de la maraude

31
2011-2012, alors qu’il a été contraint par les forces de l’ordre39 de se loger à
l’hôtel, il a avoué s’être ennuyé et s’être senti mal à l’aise. Sous la contrainte, et
du fait de l’abandon de son espace qu’il s’était créé, Patrick n’a pu réinvestir cette
chambre du fait de son caractère obligatoire et temporaire. Cette expérience, ainsi
que ma seconde maraude, m’a permis d’observer la relation à l’autre auprès d’un
public désaffilié, aussi bien du point de vue des bénévoles de part des actions
menées que du point de vue des S.D.F. et de leurs réactions. Il s’avère que cette
forme d’aide tend à recréer des liens sociaux pour des personnes en perte de soi
par une action personnalisée. Il en sort que les « bénéficiaires40 » s’adressent assez
facilement aux maraudeurs bénévoles. C’est peut-être parce qu’ils restent toujours
décisionnaire quant aux propositions des bénévoles.
On observe que le processus de perte de soi s’accompagne en parallèle
d’une résignation.

 La
résignation


Cette phase est précédée de nombreux changements de mode de vie et de


mode de pensée pour une personne S.D.F. Dans un premier temps, celle-ci a
toujours l’espoir de modifier sa situation et de retrouver sa vie passée. Pourtant les
satisfactions de ses besoins se sont déjà modifiées. Dès lors c’est l’attachement à
ces normes, « ces besoins » qu’il la maintienne au sein de la société. C’est lors de
cette phase que la personne peut encore essayer de sortir de la rue. Lors de cette
période, l’individu découvre un nouveau lieu de vie, ainsi que les S.D.F. dits
désaffiliés formant un groupe d’appartenance. Le nouveau venu ne considère pas
appartenir à ce groupe mais sera tout de même contraint de se renseigner auprès
d’eux.
Lors de mes différentes observations, j’ai pu constater ces interactions : les
personnes nouvellement SDF vont observer, questionner les autres individus
vivant dans la rue, afin de connaître les nouvelles « normes », les comportements
à adopter pour survivre dans la rue et pour appartenir à ce groupe. Par exemple,

39
Lors de la période de la trêve hivernal (du 1er novembre au 31 mars), une vigilance et une action
renforcée en faveur des personnes sans domicile fixe. Le préfet de départemental prononce le plan
hivernal. Lors de ce plan est prévu l’ouverture de place supplémentaire dans les centre
d’hébergement d’urgence, ou les centre de jour restent ouvert la nuit. Lors de ce plan les maires
peuvent prendre la décision lors de circulaire pour permettre une mise à l’abri de ce public.
40
Terme employé par les bénévoles afin de parler de leur population. Ils ne les appellent S.D.F.
car certain d’entre eux travaillent, ont un logement

32
lors du repas au centre d’hébergement, les personnes s’échangeaient des
informations, ils se passaient des aliments, ils se soutenaient.
Ensuite, il y a une nouvelle phase celle dite régressive41.

« Un monde nouveau envahit la personnalité ; il


ébranle les normes morales, sociales, conceptuelles
acquises au cours de l’éducation. La société qui a été
représentée comme un refuge bienveillant, assumant la
sécurité en échange de quelques sacrifices, devient une
marâtre hostile ». 42

Cette phase correspond au moment où la personne refuse de prendre


conscience de sa situation tout en reconnaissant que la société ne l’accepte plus.
Un retour vers leur ancienne vie reste présent dans leur discours, malgré que leur
comportement change. Ils commencent à être épuisés par les échecs prolongés et
répétés. Par conséquent, la personne perd de son enthousiasme, et se déprécie.
Elle a certes conscience de son changement de statut mais garde en mémoire
l’Homme (l’être humain) qu’il a été et qu’il n’est plus.
Nous avons par la suite, une troisième phase qui est l’entrée dans la
reconnaissance de la rue comme son nouveau lieu d’habitation. La personne
intègre de nouvelles normes afin de satisfaire ses besoins élémentaires. Elle
accepte l’aide sans rien donner en retour, tout en sachant que la société
contemporaine reconnaît en tant que norme que, lorsque nous avons besoin de
quelques choses, cela demande une contrepartie (échange, troc, paiement, service
rendu…).
Enfin, la dernière phase caractérise plus particulièrement le public choisi
dans mon étude est la résignation. Les personnes acceptent leurs nouvelles
conditions de vie. « Nos bénéficiaires expriment un choix de vie et ne souhaite
pas changer de situation. »43 Dans cette phase, les S.D.F. dits désaffiliés trouvent
des nouvelles voies d’adaptation, d’harmonie relative et d’équilibre intérieur.
Cette résignation est nécessaire pour accepter cette condition de vie et leur
permettre d’y survivre.

41
VEXLIARD Alexandre, « la formation de la personnalité du clochard », In le clochard, desclee
de Brouwer, paris, 1998, p .419
42
Idem, p. 419
43
Entretien avec une bénévole de la maraude croix rouge

33
En conséquent l’évolution de ces phases explique aussi une des raisons de la
non demande des S.D.F. dits désaffiliés. Comme l’expriment les différents
intervenants interviewés dans cette étude, ces personnes sont cassées, elles n’ont
plus envie, elles sont épuisées par les normes qui les entourent en sachant qu’elles
ne peuvent plus y répondre.
Certes la personnalité changeante des personnes S.D.F est une des
explications à leur non-recours à leur droit. Il est intéressant d’observer aussi les
difficultés rencontrées par ces personnes avec les institutions. Nous avons axé
notre première partie sur l’individu SDF lui-même potentiellement demandeur
d’aides pour maintenant, nous intéresser aux institutions qui délivrent les aides.

b. Les
institutions
comme
vecteur
du
non‐recours
aux
droits


Lors des différents entretiens menés ainsi que lors de mes observations, j’ai
pu constater et découvrir des dysfonctionnements institutionnels qui ont des
répercussions sur les S.D.F dits désaffiliés.

 L’urgence
sociale

« Si l’urgence existe c’est que toutes les institutions dysfonctionnent.
L’urgence : c’est le bout du bout de la chaîne. »44. Mr P présente l’urgence
comme une conséquence des dysfonctionnements au sein des institutions. Par la
suite, l’urgence a été évoquée de nombreuses fois par mes différents
interlocuteurs. Il est important de comprendre : En quoi cette urgence entraine le
non-recours aux droits de la part des la population S.D.F. en situation de
désaffiliation, au sein des différents institutions proposées (Services sociaux,
CHRS, Centres d’Hébergements d’Urgence, etc.) ?
Cette notion s’est étendue du domaine médical au domaine social via son
utilisation par X. EMMANUELLI, urgentiste, - qui a démissionné l’été dernier en
raison du désengagement de l’Etat au sein de la filière d’hébergement - impliqué
dans de nombreuses œuvres humanitaires. Dans le cadre de l’action sociale, ce
terme a été employé au cours de l’hiver 1992-1993, durant lequel une vague de
froid causera le décès de « nombreux nouveaux pauvres »45. En 1997, nous
assistons à un nouveau mouvement des chômeurs qui participent à la création de
l’urgence sociale, ce courant est l’expression d’une montée de la précarité et de

44
Entretien avec le directeur du centre d’hébergement d’urgence
45
DAMON Julien, « », In La question SDF, Puf, Paris, 2002, p.

34
trajectoires individuelles complexes amenant une personne à rompre les liens
existants et l’éloignant ainsi de la société. Cette urgence sociale est le reflet de
mutations directes de la société au sens économique comme politique. Elle peut se
définir comme la nécessité d’intervenir immédiatement et d’apporter une réponse,
à une situation imprévue, estimée menaçante et mettant les conditions
d’existences de la personne et/ou de sa famille en péril. Ainsi, elle remplit le
critère d’inconditionnalité dans l’espace et dans le temps.

« L’urgence s’est historiquement construite comme


une des modalités de l’action sociale, à côté des politiques
qui continuent à s’adresser à l’ensemble de la
population ».46

Cette urgence a été appréhendée par les politiques sociales en 1998, avec
des circulaires expliquant que l’urgence sociale doit donner « des réponses
immédiates aux personnes et aux familles en situation de détresse grave qui,
malgré les dispositifs existants, sont exposées à des risques sérieux pour le
maintien de leurs conditions d'existence ».47 A cela, il a été ajouté la mise en place
d’un fond départemental d’urgence sociale, puis d’une commission d’action
sociale d’urgence dans chaque département.48 Néanmoins ces commissions ne se
sont plus réunies depuis 2001. La CASU ne s’est plus réunit dans un grand
nombre de département, suite a un désengagement des partenaires intervenants
dans le dispositif qui avait pour objectif de veiller à l’efficacité des aides et
d’assurer une simplification et une transparence de la demande d’aide pour
l’usager.49
La notion d’urgence sociale est accompagnée d’une ambiguïté. L’urgence
est acceptée par les politiques sociales dans la mesure où son statut est transitoire.
En effet, celle-ci apporte une aide sur l’instant, mais ne traite pas les causes. Une
régularisation ultérieure, parfois présentée comme une contrepartie, est par là suite
nécessaire.Cependant, par définition, une personne S.D.F. peut avoir un logement

46
« Le concept d’urgence sociale » P 400 de la Revue du Droit SS N°3 mai-juin 2007
47
MINISTERE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE. Circulaire CAB/DAS n° 98-10
relatives à la mise en place immédiate du Fonds d'urgence sociale. Non paru au journal officiel.
(En ligne) disponible sur http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/1998/98-01/a0010019.htm
(consulté le 15 Avril 2011)
48
Article 154 de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, (en
ligne)
49
www.mipes.org/IMG/pdf/Les_CASU_en IDFBilan_apres_5_ans_Avril_2004_pdf (en ligne)

35
non stable, être hébergé, vivre dans la rue, dans un hall de gare, ou dans une cage
d’escalier et correspondre donc exactement à la définition de l’urgence
précédemment présentée. Néanmoins, les contreparties imposées, ainsi que les
moyens mis en place font que de nombreuses personnes peuvent y prétendre.
L’urgence sociale trouve son origine dans l’histoire des S.D.F. et se retrouve en
« marge » par rapport à la situation actuelle. Cela renforce l’ambigüité régnant
autour de la question S.D.F.50
Il faudrait donc penser à une réponse sur du long terme. Une solution
pérenne concernant la question S.D.F. pourrait par exemple comprendre un
logement permanent, des services d’accompagnement social, des dispositifs à
longue échéance. C’est-à-dire rompre avec cette notion d’immédiateté et apporter
des solutions sur le long terme. Elle doit aussi travailler sur les relations à autrui,
et leur permettre de reprendre confiance en soi et envers l’autre, les institutions, la
société.
En effet, ces personnes S.D.F. sont en rupture, elles se montrent méfiantes
envers l’autre. Elles parlent même d’apprivoisement des travailleurs sociaux, des
bénévoles, des administratifs…
Lorsque, je me suis rendue au centre d’accueil de jour, les accueillis ont
d’abord voulu savoir qui j’étais, ce que je faisais là, comme si j’étais une intruse
dans leur univers. Les bénévoles m’ont fait remarqués que les bénéficiaires de
l’accueil de jour s’orientent toujours vers le même bénévoles. Il s’avèrent qu’ils
ont besoin de se sentir en confiance pour pouvoir être accompagnés dans leur
parcours vers une réinsertion. Ce besoin s’est particulièrement ressenti dans la
remarque d’un bénéficiaire faisant suite, à l’évocation de la possibilité de mon
éventuel retour au centre : « Il va falloir l’apprivoiser aussi celle-là »51.

« Ils ont envie quand ils se sentent bien. Nous


travaillons beaucoup sur les conduites addictives. Comme
il y a un bon lien, ils savent que quand ils sont trop
alcoolisés et qu’ils sont désagréables nous leur dirons non
et ils seront obligés de revenir nous voir pour réintégrer le
café sourire. Ainsi, nous pouvons parler de l’événement

50
DAMON Julien, La question S.D.F., Puf, Paris 2002, pp. 271
51
Observation au centre d’accueil de jour.

36
passé. Il n’y a pas trop de cachotterie, il n’y a rien à
avouer. « OUI hier j’étais totalement alcoolisé, j’ai
déconné qu’est ce qu’on fait ? ». Moi je suis infirmière je
suis persuadée que l’insertion se fait aussi quand on a une
bonne santé moral et physique. »52

Dans les années 1950, l’urgence existait au niveau du logement. Afin de


combler ce manque les pouvoirs publics ont entrepris, après l’appel de l’Abbé
Pierre, la construction de nombreux logements mais aussi de « cité d’urgence ».
Le problème rencontré avec la construction de ces dernières est qu’elles devaient
être une solution provisoire qui tend à s’éterniser.53
Cette situation est d’autant plus présente dans les centres d’hébergements
d’urgence, comme toute grande structure permettant la mise à l’abri des personnes
le temps d’une nuit. Mais comment une personne qui est fatiguée par la rue peut-
elle trouver le repos nécessaire le temps d’une nuit ? Ils sont ouverts de 17h30 à
8h30, et ils se préoccupent déjà des nuits suivantes. « La personne n’a pas encore
fini sa nuit qu’elle pense déjà à téléphoner au 115 pour avoir une place pour le
lendemain au refuge. Après, vous vous étonnez que les gens ne viennent pas. »54
Si bien qu’une nuit censée être reposante devient plus éprouvante qu’une nuit
dans la rue. Cette citation est l’image du dysfonctionnement institutionnel. On
veut répondre dans l’urgence, mais ça n’est pas envisageable auprès de personnes
alors qu’elles sont résignées et désemparées.

« Avec les travaux sociologiques qui ont été réalisés,


on sait maintenant qu’il existe différents mécanismes.
Nous savons que c’est le déliement de tous les liens
sociaux qui rompent les uns avec les autres et qui font
qu’une personne peut se retrouver dans la rue.
Maintenant pour reconstruire ces personnes, il faut les
créer, et ça c’est toute la complexité de notre travail ».55

Les Maraudeurs rencontrent les même difficultés avec les personnes, même

52
Entretien avec la directrice du centre d’accueil de jour
53
DAMON Julien, « le complexe bureaucratico-assistanciel », In La question S.D.F., Puf, Paris,
2002, p.206
54
Entretien avec le directeur du centre d’hébergement d’urgence
55
Entretien avec le directeur du centre d ‘hébergement d’urgence

37
si celles-ci travaillent sur le relationnel et viennent leur apporter de la nourriture,
des vêtements, des couvertures, ils sont limités par les actions possibles.
Pour sortir de cette précarité liée à l’urgence, Mr P a pour ambition, par
exemple, de proposer un accueil de jour et de nuit, pour des personnes dites
désaffiliées en leur offrant un lit pour plus d’une nuit et donc un repos
inaccessible autrement. Il a l’espoir qu’alors ces personnes auront la volonté de
s’engager dans de nouvelles démarches de réinsertion.
De nos jours, l’urgence sociale a été partiellement abandonnée par les
pouvoirs publics. Ceux-ci évoluent et se modifient et leurs effets ont des
conséquences dans la prise en charge des S.D.F. en situation de désaffiliation.

 Le
bricolage
de
la
prise
en
charge
des
personnes
S.D.F.
dites
désaffiliées


La loi du 5 mars 2007, relation au droit au logement opposable s’inscrit


dans la politique sociale sur le logement et accentue le principe du « logement
d’abord ». L’article 4 de cette loi prévoit que « toute personne accueillie dans une
structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le
souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est
effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un
logement, adaptés à sa situation. »56 Avec ce dispositif, l’accompagnement
d’urgence n’est plus de vigueur. Il est intégré la notion de temps. Le SIAO prévoit
un nouveau type d’accompagnement. Ceci permet aux personnes ayant bénéficié
d’un accès dans une structure d’hébergement de prévoir un accueil dans cette
structure adaptée à sa situation.
L’accompagnement de ce public est une succession de bricolage comme le
définirait J. DAMON. Dans un premier temps, les acteurs doivent utiliser les
mesures, les réseaux, les outils qui sont à leur disposition et qui pris séparément
ne répondent pas aux problèmes qui leurs sont posés. Les procédures se
complexifient et ne permettent plus d’y répondre de façon définitive. Par
conséquent, le financement des structures et des associations trouve leur source
auprès de l’Etat mais pas seulement. Pour les associations, il est nécessaire qu’ils
montent des projets et qui les défendent pour pouvoir avoir un soutien financier.
Dès le financement, cela montre un dysfonctionnement dans la prise en charge de

56
« Article 4 », In Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et
portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, en ligne, www.legifrance.gouv

38
ce public. Donc, les gérants d’association doivent penser aux évolutions
concernant la question S.D.F., le fait que les institutions soient à la fois
demandeur et acteur de la prise en charge influe sur son caractère urgent mais
aussi sur le partenariat. Les partenaires agissant autour des S.D.F. ont chacun leur
mode de fonctionnement et leurs moyens.
« Une personne va demander un rendez-vous à
l’assistante sociale, elle aura rendez-vous dans trois
semaines, nous ici, nous pouvons leur proposer une
réponse plus rapide car nous avons un fond de secours,
une personne qui peut avoir un logement, il faut répondre
de suite, c’est pas dans trois semaines, puis après le temps
de monter un dossier… »57.
En conséquence, il est demandé aux personnes S.D.F. de s’adapter à la
situation. Il serait intéressant de voir comment se présente les recours
administratifs pour une personne qui est dite « cassée »58 ?

 La
lourdeur
administrative


Les personnes S.D.F. se sentent donc perdues, elles se résignent à la vie


qu’elles ont, mais sont aussi confrontées à la complexité des institutions. Toutes
les demandes pour rencontrer l’assistant de service social dans les services de
droit commun sont longues. Par ailleurs, « proposer un rendez-vous à 9h00, alors
qu’ils ont passé la nuit à marcher, ou à essayer de dormir, ce n’est pas les
aider »59. Certes, un travail sur la reconstruction des repères, des normes doit
s’effectuer avec la personne, mais dans un premier temps, il faut prendre en
compte l’absence de ceux-ci, sinon, le demandeur ne se présentera pas au rendez-
vous et ne sera pas en capacité d’honorer le contrat passé avec le travailleur social.
Sachant, que tout accompagnement proposé est soumis à une contractualisation
(par exemple une demande de RSA), il faut prendre en compte les capacités de la
personne afin de lui permettre de sortir de la rue.
En premier lieu, l’appel au 115, est une des premières conséquences menant
à une sortie du système de prise en charge, en raison des difficultés à le joindre.

57
Entretien avec une des fondatrice du centre d’accueil de jour
58
Terme employé par les différents professionnels et bénévoles rencontrés pour définir les S.D.F.
dit désaffilié.
59
Entretien avec une des fondatrices du centre d’accueil de jour

39
Les S.D.F. passent la journée à les appeler afin de pouvoir avoir une réponse à
leur demande de logement même si cela aboutit parfois à des refus. Le
changement de politique sociale concernant le logement explique aussi que
certains restent dans la rue. Le DALO proposant un nouveau type de prise en
charge, les places dans des foyers d’urgence se retrouvent d’autant réduites, tout
comme les financements.
De même, la politique du « logement d’abord », ne répond pas aux attentes
du public ciblé qui estime que le logement n’est pas une priorité, vis-à-vis de leurs
besoins vitaux. « On a des gens qui sont inscrit dans la rue, et qui cumulent
d’ailleurs beaucoup de problèmes : l’errance, les troubles psychiatriques,
l’alcoolisme, et d’autres pathologies, ce sont des gens qui ont arrêté de
demander »60. De surcroît, les circuits administratifs sont assez longs, et épuisants
pour une personne « cassée ». Ceci entraine un non-recours aux droits, car les
personnes sont peu ou mal informées de leurs droits. Une lassitude, une mauvaise
connaissance, une mauvaise compréhension, une gymnastique administrative sont
des facteurs trop lourds pour des personnes n’ayant pas toutes leurs aptitudes pour
venir dans les services d’aide sociale. « Les inégalités dans l’accès aux droits sont
bien là : à la fois sociales et administratives, dans les rapports sociaux comme
dans les relations de service. Quel que soit le type de non-recours, les inégalités
sont un facteur actif »61
Ces démarches font intervenir les travailleurs sociaux pour accompagner
tous les publics. Mais quelle est leur place effective auprès de la population S.D.F
en situation de désaffiliation ?

 La
figure
normative
du
travail
social


Le travail social est un ensemble de pratiques avant d’être un objet d’étude;


celui-ci demeure l’objet de débat idéologique en ce qui concerne sa définition, ses
objectifs et son efficacité. Il est aussi un espace de pratiques professionnalisées ou
bénévoles (ces pratiques sont relativement obscures entre les différents
62
partenaires). C’est ainsi que je me suis questionnée sur la pratique du travail

60
Entretien avec le directeur du centre d’hébergement d’urgence
61
Warin Philippe, « le non-recoursau droits et inégalités sociales », In l’observatoire des
inégalité, 27 septembre 2011, (en ligne), www.inegalite.fr
62
BOUTANQUOI Michel, “ l’institution travail social”, In Pratiques, représentations sociales,
évaluation: logiques individuelles et collectives autour de la relation d’aide, Université de

40
social et son action sur la population S.D.F. en situation de désaffiliation.

Echange lors d’une maraude avec Patrick l’un des


bénéficiaire avec Daniel (maraudeur bénévole)

« Patrick : et toi tu as fais quoi hier ?

Blandine : je suis allée à l’école

P : ah bon, pourquoi ?

B : je souhaite devenir assistante sociale

P : bah non, il ne faut pas, tu ne vas pas aider ces


connards, tu ne vas pas les écouter se plaindre, leur payer
un logement…

B : ce n’est pas…

P : il faudrait mieux que tu sois médecin, ou infirmière


mais pas assistante sociale

Daniel : tu as une assistante sociale

P : oui mais on la voit toujours dans son bureau, elle ne


sort pas… »63

Echange avec Daniel, un bénévole dans le camion

« Daniel : lorsqu’il dit « ces connards », il s’inclut


dedans, et puis les assistantes sociales renvoient aux
normes fixées par la société »64

Cette citation me permet d’évoquer une des raisons du non-recours aux


droits des personnes S.D.F dites désaffiliées. Les travailleurs sociaux sont
employés dans des structures dirigées par la « Toute Puissance »65. Comment des

Franche-Comté, USFR des sciences du langage, de l’Homme et de la société, volume 2, 2009,


p.15-25
63
Echange avec un bénéficiaire de l’action sociale de la croix rouge. P présentait une certaine
agressivité envers les assistantes sociales qui se présentent que très peu sur le terrain, il reprend
l’idée que les assistants de service social nous les voyons que dans le bureau. Il est à noté que Mr a
la visite régulière dans la rue d’une infirmière de la croix rouge pour s’occuper de son suivi
médical. Il a une assistante sociale mais qu’il voit peu.
64
Echange avec un bénévole lors d’une maraude dans le camion après la rencontre avec Patrick
65
J’utilise le terme de puissance pour qualifier l’Etat. Le gouvernement légifère de nouvelles lois.
Ces lois fixent les nouvelles règles, les normes sociales et les interactions entre les individus. Par

41
travailleurs sociaux influencés par des normes institutionnelles et
sociétales peuvent-ils participer à l’accompagnement de personnes en dehors de
tout système? Depuis le XIXème siècle avec la montée de l’industrialisation, il y a
une montée de la « pauvreté ». Ce phénomène interroge le travail social. Celui-ci
est l’auxiliaire du pouvoir institutionnel qui ne parvient plus à intervenir auprès
d’eux. De surcroît, il parvient à isoler encore un peu plus les personnes S.D.F.
dites désaffiliées. Je reprendrai l’idée forte exprimé par Jean-Paul LAMBERT, à
savoir que les travailleurs sociaux contribueraient à la reproduction des inégalités
voire « excluraient » les personnes66.

« Tout le temps que l’inconnu est en notre présence,


des signes peuvent se manifester montrant qu’il possède
un attribut qui le rend différent des autres membres de la
catégorie de personnes qui lui est ouverte, et aussi moins
attrayant, qui, à l’extrême, fait de lui quelqu’un
d’intégralement mauvais, ou dangereux, ou sans
caractère. Ainsi diminué à nos yeux, il cesse d’être pour
nous une personne accomplie et ordinaire, et tombe au
rang d’individu vicié, amputé. Un tel attribut constitue un
stigmate, surtout si le discrédit qu’il entraine est très
large ; parfois aussi on parle de faiblesse, de déficit ou de
handicap. »67

On reconnaît l’image populaire du S.D.F. dans cette définition. Cette image


est véhiculée par les médias, les forces de l’ordre et par les pouvoirs publics par
l’intermédiaire des travailleurs sociaux. Si bien que du point de vue des personnes
S.D.F., cette définition pourrait s’appliquer aux travailleurs sociaux. Pour eux, les
professionnels sont l’image des normes et des représentations sociales et sont là
pour les faire appliquer. Par exemple, contrairement au domaine médical, les
actions se font sur le long terme et les effets sont moins rapidement ressentis.
Leurs appréciations nécessitent un recul qui n’est pas accessible à la personne

exemple, la loi relative au RSA insiste sur l’intégration des personnes par le travail.
66
RULLAC Stéphane, “ De la fonction punitive du travail social”, In le péril S.D.F. assister et
punir, l’Harmattan, Paris, 2008, p.149
67
GOFFMAN Erving, “Stigmate et identité sociale”, In Stigmate les usages sociaux des handicaps,
les éditions de minuit, Paris, 1975, p.12

42
vivant au jour le jour dans la rue.
Cette vision par la population S.D.F. en situation de désaffiliation, a fait
l’objet de nombreux travaux et d’étude critique : la question de la normalisation
par le travail social a émergé en 1972, suite à la parution dans la revue l’Esprit, un
numéro intitulé : « Pourquoi le travail social ? ». Le travail social serait un outil
appartenant au service de la classe dominante. Il serait un facteur permettant la
reproduction des inégalités, des rapports sociaux, des rapports de dominations par
le biais du contrat social.
Par la suite, de nombreux écrits sociologiques se sont penchés sur cette
question, je reprendrais notamment Michel FOUCAULT qui s’inscrit dans cette
analyse : les travailleurs sociaux participeraient à l’extension des pouvoirs
normalisateurs. « Les juges de normalités sont présents partout. Nous sommes
dans la société du professeur-juge, du médecin-juge, du travail social-juge, tous
font régner l’université du normatif, et chacun au point où il se retrouve y soumet
le corps, les gestes, les comportements, les conduites, les aptitudes, les
performances ».68 Le but d’une telle action est moins de contraindre que de
prévenir le risque, l’inadaptation pour une meilleure efficience sociale. Mais il n’y
a pas que cette question du contrôle social par les travailleurs sociaux, mais aussi
de la liaison qui unie le travail social et l’appareil de l’Etat. Par ces lois, ces
normes, ces représentations, l’appareil social contribue à l’existence de la
solidarité.
Il existe entre l’appareil de l’Etat et les travailleurs sociaux un lien qui serait
un moyen privilégié la reproduction sociale. A travers cette liaison, nous pouvons
reprendre la notion de violence symbolique comme le définit Pierre BOURDIEU.
C’est un tout pouvoir qui parvient à imposer des éléments et les rend légitimes en
dissimulant les rapports de forces qui sont au fondement de sa force. Cette
définition renvoie à l’intériorisation par les individus de la domination sociale
inhérente à la position qu’ils occupent dans un champ donné, et plus généralement
à leur position sociale. Cette violence est intériorisée par conséquent l’individu
intègre cette domination ce que nous qualifierons d’infra conscient. Les personnes
n’ont pas conscience de cette soumission du fait qu’elle repose sur des croyances

68
FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, Gallimard, Paris, 1975, p.311, cité par BOUTANQUOI
Michel, “le travail social et le contrôle social”, In travail social et pratiques de la relation d’aide,
L’harmattan, Paris, 2001, p.24

43
socialement inculquées.69
Le travail social renvoie à une contradiction car elle « œuvre dans le sens de
la reproduction des rapports sociaux de production, or ce sont ceux-ci qui
contribuent à l’absence de la solidarité au sein de la société civil, cette absence
rend le travail social nécessaire ».70
Différents travaux sociologiques ont fait l’objet de dénonciation de la
fonction normalisateur dans tous les sens du terme du travail social, mais il y a un
aspect psychologique à prendre en compte pour comprendre ce phénomène avec
la norme d’internalité. La personne influe aussi sur cette reproduction de la
norme lorsqu’elle se rend dans les services sociaux. Tout accompagnement débute
par une évaluation. Lors de celle-ci la personne livre son histoire. Par cette
dernière, la personne explique son comportement non pas des facteurs externes,
mais en admettant leur part de « responsabilité » dans leur changement de
situation. Le travail social a pour objectifs que les personnes se prennent en
charge, s’autonomisent, prennent conscience de leur possibilité, et ne relève pas
d’autre choses que d’un discours normatif. Lors de l’accompagnement d’une
personne S.D.F. en situation de désaffiliation, la personne est située au cœur de
l’action et restera le décideur des objectifs fixés et des moyens mis en œuvre.71
Les bénévoles et les travailleurs sociaux s’adressent en terme de conseil, mais ces
derniers reposent sur les différentes lois instaurées pour lutter contre l’exclusion.
En travaillant ainsi, il se pose la question de la reconnaissance de l’autre en tant
qu’être humain. Ceci soulève une ambiguïté car le travailleur social exprime que
la personne S.D.F. fait partie de la société au sens des pouvoirs publics mais en
même temps par ses conditions de vie, celle-ci n’en fait pas partie. En réalisant,
cette accompagnement, le travailleur social amène la personne à cheminer sur sa
situation, sur son identité par rapport à la norme sociale (tel que la norme du
travail, de la famille, du logement). « A ses divers tourments, il doit encore
ajouter celui de se sentir poussé simultanément dans plusieurs directions par des
professionnels qui lui clament ce qu’il devrait faire et ressentir à propose de ce

69
BOURDIEU Pierre, PASSERON Jean-Claude, La reproduction. Eléments pour une théorie du
système d’enseignement, édition de minuit, Paris, 1970, pp284
70
BOUTANQUOI Michel, “le travail social et le contrôle social”, In travail social et pratiques de la
relation d’aide, L’harmattan, Paris, 2001, p.26
71
LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, (en ligne),
http://www.legifrance.gouv.fr

44
qu’il est et n’est pas, le tout pour son bien, naturellement ».72

3.
La
problématisation
de
mon
sujet
d’étude
:

Suite à mes recherches théoriques et empiriques, j’ai pu aboutir à la
problématisation de mon sujet. Ce travail avait débuté par un constat de terrain :
en réalisant deux stages en polyvalence de secteur au sein de deux départements,
j’ai constaté que nous ne recevions pas de personne S.D.F. en situation de
désaffiliation, alors qu’une des missions du service sociale est la lutte contre les
exclusions. De là, j’ai pu poser cette question de départ : Comment aider une
personne S.D.F. en situation de désaffiliation qui ne demande rien et qui ne se
présente pas dans les services de droit commun ?
Ce travail de recherche m’a permis de découvrir les politiques sociales
existantes autour de ce public. En effet, l’intervention auprès des S.D.F. dits
désaffiliés a toujours existé, pourtant au cours des siècles les pouvoirs publics les
mettaient soit sur le devant de la scène sociale soit les cachaient. De surcroît, au
cours du XXème siècle, les S.D.F. endossent l’image emblématique de la pauvreté.
Puis, au cours de cette analyse, j’ai pu obtenir des résultats sur les raisons du non-
recours aux droits des S.D.F. en situations de désaffiliation. D’une part, il existe
des enjeux individuels résultant d’un changement de situation et d’une
appropriation d’un nouvel espace de vie, mais il y a aussi des enjeux
institutionnelles. Cet enjeu n’est pas des moindre avec la place des pouvoirs
publics qui influent sur leur prise en charge.
Je propose donc cette problématique : Pourtant, les pouvoirs publics
créent et votent de nouvelles lois œuvrant contre les exclusions, pour la
cohésion sociale, mais paradoxalement, il y a toujours autant de personnes
qui s’inscrivent dans la rue, y restent et n’ont pas recours à leurs droits.
Suite à cette problématique, j’émets l’hypothèse que les services de droit
commun produisent et reproduisent les inégalités sociales. Une personne S.D.F en
situation de désaffiliation est une personne en rupture avec les normes sociales
imposées par la société comme j’ai pu le définir. Pour combler, les
dysfonctionnements institutionnels, il y a la mise en place de structures de droits
commun et d’associations œuvrant auprès de cette population, mais cette rupture

72
GOFFMAN Erwing, “la politique de l’identité”, In Le stigmate, édition de minuit, Paris, 1975, p.
147-148

45
reste présente. Les personnes s’inscrivant dans la rue intègrent de nouvelles
normes. Quelle est la place des S.D.F. dits désaffiliés face aux normes reconnues
par la société et en quoi leur font-elles défauts ?
Afin de répondre à cette problématique et de vérifier cette hypothèse, je vais
vous présenter le dispositif d’enquête qui pourrait être mis en place. Cette enquête
s’effectuerait sur une période plus longue que ce travail d’initiation à la recherche.
Pour cela, je la réaliserai sur une année.
Je ferai un travail permettant de reprendre les deux dimensions que j’ai
distinguées lors de ma pré-enquête afin de comprendre pourquoi une personne
s’éloigne de tout système.
Dans un premier temps, je débuterai ce travail de terrain, par une
observation participante. Pour cela, je souhaiterai reprendre la méthode de Patrick
DECLERCK, à savoir s’émerger dans la population S.D.F. en situation de
désaffiliation Pour cette observation, je souhaiterai me mettre dans la peau d’un
S.D.F. et ainsi me permettre de m’intégrer à un groupe de S.D.F. Le but étant de
pouvoir connaître leur rythme de vie, leur condition de vie, et ainsi comprendre
pourquoi une personne voit ses liens se délier, voire disparaître. Ce travail me
permettrai de comprendre les enjeux qui faisant qu’une personne refuse à un
moment un accompagnement qui lui serait proposé. Lors de cette première étude
de terrain, je n’ai pas pu m’entretenir avec une personne S.D.F. sauf par le biais
d’observation participante au sein d’associations œuvrant contre leurs
« exclusions », j’ai eu une ébauche d’explication pour comprendre les effets du
non-recours aux droits.
A partir de ce nouveau travail d’observation au sein d’un groupe de S.D.F.
je souhaiterai pouvoir développer d’autant plus les enjeux individuels dans le non-
recours aux droits, mais aussi les enjeux institutionnels qui les bloquent. Ce travail
me permettra de recueillir des récits de vie, de connaître mieux leurs besoins et
leurs freins, et ce qui les entrainent vers l’éloignement du système
d’accompagnement social.
Dans un second temps, je souhaiterai m’investir en tant que bénévole au
sein d’association œuvrant en faveur de la population S.D.F en situation de
désaffiliation. Je souhaiterai faire partie des bénévoles dans un centre d’accueil de
jour et poursuivre les maraudes. Ce début de travail de terrain auprès de la
maraude bénévoles m’a permis de découvrir les effets de la norme sociale sur ce

46
public, j’ai pu aussi découvrir des parcours de vie qui éloignent une personne de
tout système. Les maraudeurs professionnels ou bénévoles sont dernière
personnes qui repèrent ces personnes en situation de désaffiliation et qui non plus
recours à leur droit. Les maraudeurs sont là pour les conseiller, les orienter, les
informer de ce qu’ils peuvent faire. En m’investissant sur du plus long terme, je
souhaiterai voir l’impact des maraudes sur ce public. Etant nouvelle dans le
groupe, les bénéficiaires s’adressaient plus facilement aux maraudeurs qu’ils
connaissaient. Puis par le biais de ce travail bénévole, il me sera possible aussi de
recueillir des récits de vie et de pouvoir les comparer afin de comprendre ces
changements de parcours et leur refus au recours aux droits.
Le fait d’être bénévole au sein d’un centre d’accueil de jour a pour but de
voir les enjeux institutionnels sur cette population mais aussi individuels. Au sein
de ces associations, un travail d’accompagnement leur est proposé. Le but étant de
pouvoir voir comment une association peut accompagner une personne S.D.F.
désaffiliée à s’en sortir. Cette observation participante permettra d’analyser
l’accompagnement, et ce qui freine leur recours aux droits, mais aussi ce qui peut
éloigner une personne de tout système d’aide. Par ces associations je pourrai
également recueillir des récits me permettant de répondre à la problématique.
Puis je souhaiterai poursuivre les entretiens avec les différents
professionnels et bénévoles travaillant avec les S.D.F. en situation de
désaffiliation sur leur réinsertion socioprofessionnelle. Je pourrai ainsi proposer
une analyse sur l’accompagnement qui leur est proposé et ce qui entraine le non-
recours aux droits de cette population.

47
Conclusion

Ce mémoire porte sur une analyse de la population S.D.F. en situation de
désaffiliation. L’objectif de cette analyse est de comprendre les raisons amenant
une personne à ne plus avoir recours à ses droits.
Cette population ciblée reflète la dissociation du lien social. Une personne
se trouvant dans le processus de désaffiliation parcourt différentes phases. La
phase de désaffiliation arrive en phase finale du processus. Elle conjugue
plusieurs absences ne lui permettant plus d’assurer sa sécurité (travail, emploi…).
J’ai pu découvrir l’ambiguïté qui règne dans la prise en charge de la population
S.D.F. par les pouvoirs publics. La loi relative au RMI et la loi BESSON permettant
de reconnaître cette population comme des ayant droits, ayant un statut
administratif et un rôle de citoyen. Certes une personne S.D.F. en situation de
désaffiliation obtient un statut, mais j’ai pu constater que cette personne ne
répondait plus cependant aux normes imposées par la société : avoir un travail et
un logement. Ayant connaissance des différents dispositifs mis en place pour la
prise en charge de cette population, je me questionne malgré tout sur leur non-
recours aux droits. L’intervention sociale reste pourtant diversifiée pour cette
population par le biais de divers accompagnements (associations, services de
droit commun, centres d’accueil de jour, centres d’hébergement d’urgence).
Toutefois, pourquoi la population S.D.F dite désaffiliée cesse de demander ces
droits ?
A ce niveau d’analyse, j’ai pu obtenir des résultats sur deux niveaux :
individuel et institutionnel. Les enjeux individuels proviennent de la perte de soi
et de la résignation : l’un n’allant pas sans l’autre. Ce changement de personnalité
fait qu’une personne à un moment ne peut venir solliciter une aide malgré qu’elle
réponde aux critères d’obtention. Une personne en rupture sociale, isolée, ne peut
répondre aux normes et aux représentations sociales, ce qui l’empêche de se
rendre dans un service de droit commun. Lorsqu’un S.D.F se rend au centre
d’hébergement d’urgence celui-ci cherche une mise à l’abri et à se reposer. Mais
nous verrons qu’il y aussi des enjeux institutionnels qui interviennent pour sa
prise en charge. D’une part, les politiques publics rejettent l’idée de l’existence de
l’urgence sociale, car il n’est pas possible de traiter de la situation dans sa
globalité, en conséquent, il y a un désinvestissement de l’Etat dans le financement
des structures d’hébergement dédiées à cette population. Les institutions doivent

48
prendre en compte les changements politiques dans la prise en charge de la
population S.D.F. dite désaffiliée. D’autre part, l’institution est porteuse des
normes sociales. Comme l’a exprimé un psychologue travaillant dans un centre
d’hébergement de réinsertion sociale.
« Nous ne recevons pas des personnes qui sont rentrées
dans un processus de clochardisation car ces personnes là
ne sont pas structurées pour vivre en collectivité. À la
limite ils ont intégré les règles de la rue, ils vont toujours
avoir du mal à intégrer les règles du collectif, ici c'est vrai
que comme tout collectivité, il faut respecter les règles
pour qu'il y ait une bonne co-existence. Quelqu'un qui est
resté très longtemps dans la rue est très abimé, il va être
structuré pour vivre en groupe dans la rue, ici ils ne
restent pas, parce qu'il faut respecter les règles. Nous
avons aussi institué quelques obligations qui sont stipulées
sur le contrat d’hébergement. »73
Pour conclure ce travail sur la population S.D.F. en situation de
désaffiliation, j’ai pu me questionner sur ma future pratique professionnelle et
m’interroger sur la place des normes dans le travail social, notamment à travers la
question du non-recours aux droits qui renvoie à la situation de « toute personne
qui-en tout état de cause - ne bénéficie pas d’une offre publique, de droits et de
services, à laquelle elle pourrait prétendre ». J’ai pu découvrir ainsi un public que
je n’ai pas pu rencontrer lors de mes différents stages alors qu’ils œuvraient tous
dans la logique de la cohésion sociale, de la lutte contre les exclusions, dans
l’information et l’orientation nécessaire pour accéder à leur droit. De surcroît, j’ai
eu connaissance d’un appel à la candidature pour une allocation de recherche
post-doctorale74 sur le sujet : "Les politiques sociales de lutte contre la pauvreté et
la précarité et les phénomènes du non-recours aux aides sociales". Cet appel
exprime un malaise dans la prise en charge des personnes en situation de précarité
et de pauvreté.
73
Entretien avec Mr M psychologue au centre d’hébergement de réinsertion sociale en région
parisienne
74
Appel à la candidature pour une allocation de recherche post-doctorale, pour une période de 18
mois à compter du 1 er juin 2012 dans la MCF de sociologie à l’université d’Anger IUT Angers-
Cholet. Cet appel s’inscrit dans les activités de recherche du projet OUEST financé par la région
des Pays de Loire et a été lancé en juin 2011.

49
Bibliographie
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Cocottesminute productions, 2004
Livre :
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p.283-303
 GUIBERT-LASSALLE Anne, « Identités des SDF », Etudes, 2006/7 Tome
405, p. 45-55.
 VACHON Jérôme, « les sans-abri recherchent la reconnaissance de leur
identité positive », ASH, n°2723, sept 2011, p.46-47
 Warin Philippe, « le non-recoursau droits et inégalités sociales », In
l’observatoire des inégalité, 27 septembre 2011, (en ligne), www.inegalite.fr
Dictionnaire :
 BLOESS François, ETIENNE Jean, NORECK Jean-Pierre, « Normes », In
Dictionnaire de sociologie les notions, les mécanismes, les auteurs, Hartier, 1995,
p157-161
 BLOESS François, ETIENNE Jean, NORECK Jean-Pierre, « exclusion
sociale», In Dictionnaire de sociologie les notions, les mécanismes, les auteurs,
Hartier, 1995, p157-161
 BLOESS François, ETIENNE Jean, NORECK Jean-Pierre, «Socialisation»,
In Dictionnaire de sociologie les notions, les mécanismes, les auteurs, Hartier,
1995, p157-161
 PAUGAM Serge, « la pauvreté », In dictionnaire de sociologie, dir. AKOUN
André ANSART Pierre, Le Robert, Seuil, 1999, p.388
Annexes


Annexe
1
:
guide
d’entretien


Problématique : Renseignement souhaité

Public reçu : Qui se présente à l’association ?

Le parcours des SDF

Accompagnement : Qu’est qui est proposé aux personnes vivant dans la rue

Comment ont-ils connaissance du café sourire

La spécificité de l’association

Travail exercé avec les SDF

Bénévoles : Activités proposées

Relation avec le public SDF

I
Annexe
2
:
guide
d’observation


- Discutez avec les intervenants des maraudes et leur demander :

Selon vous, qu’est-ce qui fait que certains SDF refusent l’aide qu’on leur
propose ?

Qu’est-ce qui fait que certains SDF sont toujours invisibles ?

- Observez :

Les termes utilisés par les intervenants sociaux (des maraudes) lorsqu’ils parlent
et proposent une aide aux SDF. Parlent-ils sur un mode impératif ?

Les réponses, les comportements des SDF. Comment les SDF, croisés lors des
maraudes, réagissent-ils aux propositions d’aide ?

Si vous pouvez, si certains SDF refusent de l’aide devant vous, essayez de leur
demander : qu’est-ce qui fait qu’ils refusent ?, pourquoi ils rejettent cette aide ?

II
Annexe
3
:
entretien
et
observation


Premier entretien :
Entretien avec Mr M, il est de formation psychologue au centre d’hébergement de
réinsertion sociale. Cette structure existe depuis les années 1950. Elle a été crée
par le père Robin. Cette structure était auparavant au secours catholique. Depuis
1995, on est passé d’une institution catholique à une institution laïque, malgré tout
le symbole catholique reste présent. Ce centre est composé d’une équipe
pluridisciplinaire. À la base le centre d’hébergement de réinsertion sociale
proposait un hébergement d’urgence jusqu’aux années 1970. Son implantation
dans le 5ème arrondissement de Paris, avait été choisie pour provoquer et montrer
la misère.
Le CHRS accueille des hommes célibataires, et il y a un quatrième étage pour les
couple sans enfant. Il leur est proposé un accompagnement vers leur réinsertion
socioprofessionnelle.

Deuxième entretien + observation :

Entretien avec Mr P, directeur du centre d’hébergement d’urgence le plus ancien


de Paris et le plus gros centre d’Europe. Il a était crée en 1937. C'est l'histoire d'un
patronage la mie de pain. Un fonctionnaire a créé ce centre pour les enfants dans
la rue, en précarité, les enfants qui vivaient dans la rue, des familles extrêmement
pauvres donc il avait mis en place un patronage qui a évolué. Puis il a été proposé
une mise à l'abri des personnes. Au départ le souci du centre était de proposer à
manger. Une soupe était distribué.
Il est accueilli des hommes sans enfant. Dans ce centre, il leur est proposé plus
qu’une simple mise à l’abri, depuis quelques mois, le directeur du centre
d’hébergement d’urgence à embauché des travailleurs sociaux afin de permettre
aux personnes se présentant au centre d’être informés de leur droit.
Il est proposé un accueil pour se reposer mais aussi pour se restaurer.

III
Troisième entretien + observation :
Entretien avec Mme L, une des fondatrices du centre d’accueil de jour en
province. Ce centre a vu le jour après un constat du centre de soin pour les
personnes en situation de précarité, comme quoi ils ne recevaient pas les
personnes S.D.F, ils ont réfléchit sur une méthode pour pouvoir leur apporter les
soins qu’ils auraient besoins.
Le centre d’accueil de jour propose quotidiennement de prendre un petit déjeuné,
le mardi et le jeudi il y a la distribution du courrier, ils disposent d’une consigne,
ils peuvent prendre une douche, donner leur linge à laver, trouver une écoute, être
accompagner dans leur démarche. Il y a deux salariés et une quinzaine de
bénévoles.

Quatrième entretien + 2 observations :


Entretien avec Mme G, responsable de la délégation d’action sociale des
maraudes bénévoles de la croix rouge.

Ils se rendent auprès la population S.D.F. et recherchent toutes les personnes qui
peut être sortie de tout système d’aide sociale.

C’est une équipe de 60 bénévoles. Depuis 2 ans, les maraudes ont lieu tout au
long de l’année. Auparavant celles-ci cessaient à la trêve hivernale. Le problème
rencontré dans ce système et que les équipes avaient l’impression de les
abandonner, puis le travail d’acceptation à l’autre devait recommencer à zéro
chaque année.

IV
Nom : MARSAUD Prénom : Blandine

DIPLOME D’ETAT D’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL


SESSION 2012

Titre : Le non-recours aux droits face à la désaffiliation des S.D.F.

Il est très difficile de quantifier et de qualifier la population S.D.F. dite


désaffiliée. Nous croisons ces personnes au coin d’une rue, au pied d’un hall
d’immeuble, sur et/ou sous des cartons.

Les conditions de vie les contraignent, parfois, à se rendre vers les services
sociaux. Pourtant, ils ne s’y présentent pas toujours. Dans ce cas, comment aider
une personne SDF, en situation de désaffiliation, qui ne demande rien et qui ne se
présente pas dans les services de droit commun ? Au cœur de la politique de lutte
contre les exclusions envers les personnes S.D.F., il règne une ambiguïté. Depuis
le Moyen-Âge, la prise en charge varie entre leur venir en aide et les cacher.

Malgré la mise en place de services de droit commun, ils restent emblématiques


de la pauvreté et de l’ « exclusion ».

Le non-recours aux droits de cette population s’explique par différentes raisons,


empêchant ce public d’accéder aux structures. Plusieurs variables se recoupent et
se complètent. Au cours de cette analyse, les résultats obtenus reposent sur deux
dimensions : individuelle et institutionnelle. Ces deux approches m’ont permis
d’identifier une problématique qui repose sur une ambiguïté, celle qui consiste à
la fois à les aider et à les cacher, induisant un paradoxe. Ainsi, malgré les
différentes lois de lutte contre les exclusions le phénomène de non-recours reste
présent.

Mots clés : S.D.F ; Désaffiliation ; Non-recours aux droits ; Urgence sociale ;


Norme ; Personnalité S.D.F. ; Travail social.

Nombre de pages : 49 Nombre d’annexes : 3

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