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Du travail social à la gestion sociale du non-travail

Author(s): Robert Castel


Source: Esprit , Mars-avril 1998, No. 241 (3/4) (Mars-avril 1998), pp. 28-47
Published by: Editions Esprit

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/24277052

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Du travail social
à la gestion sociale du non-travail

Robert Castel*

Le TRAVAIL SOCIAL a à faire avec ce que l'on appelle communément


des « populations à problème ». Entendons par là des individus ou
des groupes qui souffrent d'un déficit d'intégration, qui ne s'inscri
vent pas ou s'inscrivent mal dans le système réglé des échanges
sociaux, qui n'arrivent pas à trouver une place ni à tenir leur place
dans la société. Mais deux interprétations sont possibles de cette
position décalée. Elle peut tenir à une incapacité propre à l'individu
de satisfaire aux exigences requises pour occuper une telle place. On
parlera alors de pathologie, de handicap, de déficience, d'invalidité,
d'inadaptation, ou de notions voisines qui laissent entendre que la
difficulté à s'adapter a d'abord et principalement son siège « dans »
l'individu. On peut prétendre au contraire que le déficit renvoie à une
carence de l'organisation sociale qui ne fournit pas à ses membres les
moyens nécessaires pour s'intégrer. S'il y a pénurie de places, des
sujets « normaux » pourront se trouver hors circuit. Ils auront été
invalidés par la conjoncture, mais ne sont pas des invalides au sens
où l'incapacité serait de leur fait.
Une telle opposition est bien entendu trop schématique. Différents
sujets sont différemment armés pour faire face à des carences objec
tives, de sorte qu'il y a toujours une dimension personnelle dans la
capacité ou l'incapacité à s'adapter aux situations. Il est dès lors
presque toujours possible de renvoyer à l'individu une part de la res
ponsabilité de ce qui lui arrive en vertu d'une argumentation du type :
s'il est au chômage, il y est bien pour quelque chose - par exemple, il
n'est pas très motivé pour trouver du travail (version morale tradition

* Sociologue, directeur d'études à I'EhesS. Dernier ouvrage paru : les Métamorphoses de la


question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.

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nelle), ou il n'est pas assez qualifié pour être employable (version


technocratique moderne). Toutefois, un tel raisonnement rencontre
vite ses limites. S'il y a aujourd'hui près de trois millions de chô
meurs de plus qu'en 1975, il est difficile de prétendre que c'est parce
que le nombre des fainéants ou des sous-qualifiés a augmenté de trois
millions en vingt ans. On peut donc tenir que le déficit d'intégration
renvoie à deux séries de déterminations différentes, même si elles
interfèrent peu ou prou. L'une est principalement imputable à l'éco
nomie de l'individu, et l'autre à des conditions économiques et
sociales défavorables. On peut ajouter que s'il y a toujours eu des
personnes en déficit d'intégration, il y en a aujourd'hui bien davan
tage, et que la différence tient plus à une transformation des condi
tions objectives qui favorisent ou au contraire font obstacle à l'inté
gration qu'à une augmentation des difficultés d'adaptation
directement imputables aux individus.
S'agissant du travail social, les difficultés qu'il rencontre aujour
d'hui - difficulté à définir quelles sont réellement ses tâches, et diffi
culté à les réaliser - tiennent dans une large mesure au glissement
qui s'est opéré depuis les années soixante-dix d'une problématique à
l'autre. Le travail social classique qui s'impose dans la phase d'ex
pansion de la société salariale est centré sur la réduction de déficits
qui sont (ou paraissent) principalement imputables à la personne de
ses bénéficiaires, tandis qu'il est maintenant toujours plus sommé de
prendre en charge les retombées les plus dramatiques de la mutation
sociale, économique et technologique en cours. Il en résulte un
brouillage de ses repères, une dévaluation de ses techniques et, pour
finir, une interrogation de fond sur sa finalité : que peut bien vouloir
dire « travailler » en faveur de personnes dont on soupçonne sans
cesse plus que l'on sera incapable de leur donner ce dont elles ont le
plus besoin, à savoir du travail ? Ainsi, si le travail social apparaît
aujourd'hui déstabilisé, c'est qu'il est confronté à de nouvelles popu
lations dont le profil diffère de celui de la clientèle à partir duquel il
s'est constitué. Comment s'est opérée cette transformation, quel est
son impact sur les pratiques et sur les finalités des interventions
sociales, quelles éventualités dessine-t-elle pour l'avenir des profes
sions du social ?

De l'assistance à la réparation, la naissance du travail social

Le travail social que l'on appellera classique représente la version


moderne, technicisée, professionnalisée, de la vieille assistance.
Celle-ci a presque toujours pris en charge ses bénéficiaires sur un
mode à la fois fruste, parcimonieux et humiliant : hôpitaux, hospices

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et institutions « charitables » où les plus démunis échouent lorsqu'ils


n'ont plus aucun recours, distributions d'aumônes ou de secours à la
discrétion des instances dispensatrices, relations paternalistes avec
la clientèle maintenue en situation de dépendance. Autre caractéris
tique séculaire de l'assistance : elle concerne essentiellement des
populations incapables de travailler, comme les enfants orphelins ou
abandonnés qui ne le peuvent pas encore, les vieux indigents qui ne
le peuvent plus, et tous ceux qu'une invalidité, au sens large du
terme, empêche de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. L'assistance
répond à ces situations limites. Mais le peu de secours que l'on dis
pense ainsi représente déjà beaucoup, puisque l'on n'est redevable
de rien à des populations qui manquent de tout, y compris de droits à
quoi que ce soit.

En instaurant un droit au secours, la Troisième République s'est


engagée sur la voie d'une réhabilitation de l'assistance. La nation se
reconnaît une responsabilité à l'égard de ceux restés sur ses marges.
Le droit d'être assisté en fait des concitoyens. En ce sens, il est vrai
qu'une relation nouvelle se noue entre « assistance et République »,
puisque les plus démunis font alors partie de la communauté natio
nale1. Mais en limitant le droit au secours aux personnes démunies de
tout autre recours et en veillant à ce que les aides dispensées ne
dépassent guère le seuil de la survie, la Troisième République s'en
est tenue à l'affirmation d'un principe dont les applications pratiques
sont demeurées subalternes, souvent même dérisoires. C'est surtout à
travers des initiatives privées, généralement inspirées par la philan
thropie et le catholicisme social que, durant l'entre-deux-guerres,
l'assistance a commencé à se détacher d'une gestion minimaliste et
indifférenciée de l'indigence.

Le véritable tournant conduisant à la conception du travail social


tel qu'il s'épanouit dans les années soixante et soixante-dix date en
fait des années quarante. Le développement d'une assistance
moderne, devenue aide sociale en 1953, peut ainsi être mis en paral
lèle avec l'épanouissement concomitant d'un système généralisé de
couverture des risques à partir du travail (assurances sociales et
Sécurité sociale). L'édifice de l'aide sociale est, certes, moins majes
tueux, parce qu'il a affaire à des populations en situation de hors tra
vail et, de ce fait, minoritaires et menacées de discrédit. Mais c'est
pour tenter de les réhabiliter en constituant pour elles un champ

1. Voir Colette Bec, Assistance et République, L'Atelier, Paris, 1994. La Convention natio
nale, reprenant les propositions du Comité pour l'extinction de la mendicité, avait déjà imposé
et commencé à appliquer ce principe du droit au secours, « dette inviolable et sacrée » à l'égard
des citoyens malheureux. Mais il ne survivra pas à la reconquête des conservateurs et des libé
raux dont l'alliance sur ce point, tout au long du XIXe siècle, cantonne l'assistance au domaine
d'une bienfaisance publique ou privée, charitable ou « sociale », mais maintenue en dehors de
la juridiction de l'État et de la sphère des obligations légales.

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propre d'activités qui mobilise des techniques nouvelles et donne


naissance à de nouvelles professionnalités.
Que le travail social s'adresse essentiellement à des personnes pro
visoirement ou définitivement en incapacité de travailler rend compte
de ses principales caractéristiques qui marquent ses limites, mais
aussi fondent sa dignité.
Primo, le travail social fonctionne d'emblée à la discrimination
positive, même si la notion en tant que telle n'apparaît que plus tard.
Mais à la différence des couvertures universalistes de la protection
sociale, les interventions de l'aide sociale sont nécessairement parti
cularistes. Elles découpent un certain nombre de catégories caracté
risées sur la base d'un manque, c'est-à-dire d'un déficit par rapport
au régime commun : vieillards sans ressources, familles déstructu
rées, enfants en danger ou à problèmes, délinquants ou prédélin
quants, handicapés psychiques ou physiques... La tâche du travail
social est de mobiliser à leur égard des ressources supplémentaires
pour compenser cette différence : en somme, de faire plus pour ceux
qui sont dans le moins.
Secondo, le travail social procède dès lors selon la logique du
ciblage : définition de « populations à risques » ou de « groupes
cibles » qui présentent des difficultés particulières. Cette segmenta
tion des publics a souvent été critiquée, mais il faut comprendre
qu'elle correspond à la dynamique profonde du développement d'une
pratique qui se technicise et se professionnalise au fur et à mesure
qu'elle multiplie ses créneaux d'intervention. L'idéal serait d'identi
fier des problèmes toujours plus précis pour leur attacher un traite
ment spécialisé, exercé par des professionnels eux-mêmes spéciali
sés, si possible dans des institutions également spécialisées. Les
années soixante, en particulier, se caractérisent par une extraordi
naire multiplication de ces établissements spéciaux, mais aussi d'un
boom qualitatif et quantitatif des professions du social qui obéissent à
cette logique conjointe de sérialisation des populations et des modali
tés technico-institutionnelles de leur prise en charge.
Tertio, cette dynamique du développement du travail social met au
cœur de la pratique un type de technicité professionnelle que l'on
peut appeler la relation d'aide, ou la relation de service. Elle repose
sur l'interaction entre un professionnel compétent, ou censé être com
pétent, et un usager, en vue d'améliorer l'état de l'usager. Cette rela
tion est de l'ordre de ce que Erving Goffman appelle le schéma de
réparation, qu'il ne faut pas prendre en un sens réducteur. Il s'agit de
remédier à un dysfonctionnement, à un manque, en mobilisant une
compétence professionnelle de type technico-psychologique2. Cette

2. Erving Goffman, Asiles, 4e partie, trad, français, Minuit, Paris, 1968.

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référence à un modèle clinique -au sens large du terme- peut


prendre des formes très diverses. Certaines dispensent un soutien
psychologique et un accompagnement moral qui restent proches du
sens commun. D'autres renvoient à la tradition plus sophistiquée du
case work. À la fin des années soixante, la référence psychanalytique
s'impose auprès des plus modernistes en ce qu'elle leur paraît donner
un fondement théorique rigoureux à cette exigence de technicité pro
fessionnelle. En tout état de cause, il n'y a jamais eu de consensus
sur les techniques et les références théoriques du travail social. De
nombreux intervenants sociaux sont également conscients de la dis
tance qui sépare un modèle clinique des conditions d'exercice de la
profession, s'agissant, par exemple, d'une équipe de prévention opé
rant dans un quartier difficile. Il n'en demeure pas moins que la pra
tique, même d'un éducateur de rue, reste fondée sur la présence, la
disponibilité, le contact, qui évoquent le binôme écoute-parole.
Mobiliser sa bonne volonté et sa compétence pour aider l'interlocu
teur à « s'en sortir », c'est bien une forme de la relation de service
reposant sur la dénivellation entre un professionnel et un client. Et à
l'horizon de cette relation, il y a l'espoir, souvent déçu d'ailleurs, que
l'état du bénéficiaire du service soit transformé et rapproché du
régime commun, de sorte qu'à la limite, il puisse voler de ses propres
ailes.

Enfin, ces formes professionnalisées et technicisées du travail


social se développent en synergie avec l'implication croissante de
l'État qui impose ses régulations pour homogénéiser et contrôler les
pratiques, même s'il n'en est pas toujours l'initiateur. Il faudrait rap
peler le rôle joué par le Plan pour le développement de ce secteur
social (en particulier le Ve Plan de développement économique et
social, 1967-1971, et partiellement le VIe Plan, 1971-1976), la créa
tion des Dass (1964), du service unifié de l'enfance (1969), d'une
Direction de l'action sociale en 1971 - dotée en 1972 d'une sous
direction des professions sociales et du travail social -, du « système
Audas », qui recense l'ensemble des enfants relevant de l'aide sociale
en 1971, d'un secrétariat d'État à l'aide sociale en 1974, de la loi sur
les institutions sanitaires et sociales de 1975, etc. Les administra
tions de l'État se font omniprésentes. Non pas, évidemment, qu'il ne
subsiste une place pour le secteur privé qui a traditionnellement
dominé le champ de l'assistance et a été à l'origine de la plupart des
initiatives en matière d'aide sociale. Mais il est contrôlé, placé sous
des tutelles administratives sans cesse plus serrées, de sorte que la
distinction public-privé tend à s'estomper et à être remplacée par des
services unifiés dans lesquels la puissance publique joue un rôle pré
pondérant, au moins comme gestionnaire des dispositifs. La promo
tion du travail social s'inscrit ainsi dans les stratégies de développe

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ment de l'État social qui se déploient à différents niveaux. De même


qu'il intervient pour stabiliser la relation salariale à travers le droit
du travail, la protection sociale et la négociation entre les « parte
naires sociaux », il se reconnaît une responsabilité à l'égard des
populations laissées à l'écart de ces grandes régulations de portée
universaliste parce qu'un déficit d'ordre personnel les empêche de se
trouver de plain-pied avec elles.
Telle est la représentation approximative de la configuration du
travail social au début des années soixante-dix. Tableau à coup sur
beaucoup trop schématique, mais qui n'est pas faux, comme le prouve
l'accord général constaté à l'époque sur l'existence d'un tel cadre.
Accord, évidemment, de ceux qui le mettent en place, c'est-à-dire à
la fois des administrateurs modernistes qui entendent étendre et
rationaliser l'intervention de l'État, et des professionnels également
modernistes voulant rompre avec les vieilles traditions de l'assistance
et la définition essentiellement morale de leur travail pour devenir de
véritables techniciens. Mais sont également d'accord avec l'existence
d'une telle configuration ceux qui la contestent en dénonçant dans la
mise en place de ces dispositifs un risque d'assujettissement des
populations concernées. Ainsi, la dénonciation du « contrôle social »
qui a fleuri dans les années post-soixante-huit s'attaquait précisé
ment à cette double dimension : critique de l'emprise étatique sur des
comportements non conformes pour les inscrire de force dans des
cadres administratifs mutilants, et critique d'un traitement psycholo
gisant des individus atypiques qui les normaliseraient en détruisant
leur potentiel subversif. Le numéro spécial d'Esprit de 1972 a illustré
jusqu'à l'extrême cette posture3. Mais quoique l'on pense aujourd'hui
de ces critiques, elles ne sont que l'envers, la présentation en négatif,
de la double orientation dans le sens d'un interventionnisme adminis
tratif toujours plus systématique et de l'expansion d'un modèle tech
nique de prise en charge fondé sur la relation de service, qui paraît
alors constituer la dynamique profonde du développement du travail
social.

Avec le recul, nous pouvons mieux comprendre aujourd'hui que le


travail social d'alors s'attaquait à la face d'ombre de la société sala
riale en trajectoire ascendante, avec l'ambition de réduire l'écart
entre ceux qui y participaient pleinement et ceux qui ne pouvaient s'y
inscrire parce qu'affectés d'une déficience. D'où l'importance du
« schéma de réparation » qui, dans les meilleurs des cas, procédait à

3. Pourquoi le travail social ?, avril-mai 1972. Ce numéro a fait beaucoup pour populariser
et stabiliser l'expression « travail social », qui n'était pas familière à l'époque. Il vaut la peine
pour notre propos de rappeler la définition proposée par Esprit : « Par "travail social" nous
entendons d'abord toute action qui vise à réduire une inadaptation quelconque ou qui est (expli
citement ou implicitement) préventive de l'inadaptation d'un individu ou d'un groupe », (op.
cit., p. 547).

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une remise à niveau (guérison ou normalisation, les Anglo-Saxons


disent « réhabilitation »), et dans les autres, attestait au moins que
les inaptes au travail méritaient considération et qu'une société
emportée par la croissance et la croyance au progrès social faisait de
son mieux pour ne pas les abandonner ; du moins si « faire de son
mieux », c'est tenter de remettre un maximum de gens au régime
commun et finalement au travail, ce que refusaient les contestataires
de l'époque4. Mais ils attestaient en même temps que tel était l'idéal
du travail social ou, si l'on préfère, le pari qu'il prenait.
Pari difficile à tenir. Le travail social n'a jamais eu bonne
conscience et le « malaise de la profession » ne date pas d'aujour
d'hui. Les travailleurs sociaux ont toujours été conscients des incerti
tudes de leur savoir construit à partir de référents extérieurs à leur
champ (psychologiques, sociologiques, administratifs, politiques...),
et de la fragilité de leurs techniques d'intervention face à des situa
tions extrêmes. Le travailleur social pouvait alors porter le regret de
ses échecs (« Ce que je fais n'est-il pas un bricolage inefficace ? »),
voire, car beaucoup avaient intériorisé les critiques « gauchistes »
portées du dehors, l'ambivalence devant ses réussites (« N'ai-je pas
été trop normalisateur ? »). Mais aujourd'hui, la problématique n'est
plus la même. Le travail social apparaît plutôt hanté par l'incertitude
du registre sur lequel il opère.

« Exclusion », « précarité » :
l'élargissement des populations concernées

Cependant, on ne saute pas du jour au lendemain d'une probléma


tique à une autre. Sans doute même une problématique n'est-elle
jamais complètement transformée de part en part : on trouve aujour
d'hui encore des secteurs de pratiques, comme le travail en internat
avec les handicapés profonds, où le socle « classique » de la profes
sion s'est conservé à peu près en l'état. Mais, sans prétendre faire un
bilan exhaustif, on dégagera l'une des importantes lignes de transfor
mation du travail social qui conduit de la configuration évoquée plus
haut à une nouvelle figure beaucoup plus incertaine5. De ce point de
vue, en deçà ou au-delà de la transformation des techniques et des
statuts professionnels, il faut mettre l'accent sur la très lente prise de

4. Ainsi le reproche synthétique que formule Pierre Lascoumes et qui vaut pour des cen
taines de déclarations du moment : « L'action sociale participe directement à la gestion et à la
reproduction de la force de travail », in Prévention et contrôle social, les contradictions du tra
vail social, Masson, Paris, 1977, p. 203. Aujourd'hui, on aimerait bien qu'elle ait ce pouvoir !
5. Ce panorama reste nécessairement sommaire dans ces limites. Pour un véritable bilan, il
faut se reporter à la synthèse de Michel Autès dans la thèse qu'il vient d'achever, les Modes de
légitimation de l'intervention publique : de l'assistance au développement social, École des hautes
études en sciences sociales, 1997.

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conscience de la modification intervenue dans les types de popula


tions concernées par l'aide sociale.
Bien que l'on ne puisse dater une bifurcation de trajectoire à une
année près, 1974 est sans doute une date significative6. C'est l'année
où est créé un secrétariat d'État à l'Action sociale, apparemment dans
la logique de l'investissement croissant de la puissance publique
dans le secteur. Mais aussitôt nommé, le secrétaire d'État (René
Lenoir) décide de mettre un point d'arrêt à l'expansion des personnels
qui a profondément marqué la période précédente : les écoles d'édu
cateurs spécialisés voient leurs crédits-formation bloqués sur la base
de leurs effectifs de l'année. En 1974 paraît également un ouvrage,
Vaincre la pauvreté dans les pays riches, dont l'auteur est proche du
pouvoir giscardien7. De pauvreté, il n'avait guère été question dans la
période précédente, du moins dans la littérature du travail social, car
c'est un très vieux concept, statique, globalisant, mâtiné de résigna
tion chrétienne, qui paraît incompatible avec le volontarisme d'une
aide sociale qui se professionnalise et se technicise et, pour ce faire,
se définit des objectifs bien mieux cernés. Or, voici que Lionel Sto
leru explique que la compétitivité économique repose sur la persis
tance des inégalités ; les plus faibles risquent ainsi de se trouver tota
lement démunis ; c'est dans l'ordre des choses de la rationalité
libérale, mais ne soyons pas cruels : il faut « vaincre » cette pauvreté,
d'autant que nous sommes un pays riche, et riche parce qu'il y a des
pauvres. Stoleru préconise alors « l'impôt négatif », lequel se traduit
par une aide financière aux plus démunis qui leur permettra de ne
pas sombrer complètement, mais évitera aussi qu'ils viennent contre
carrer par des revendications égalitaires l'efficacité du marché. Exit,
donc, le ciblage précis des populations à problèmes auxquelles on
s'efforçait d'ajuster des réponses spécifiques. Si l'on en croit Stoleru,
« les pauvres » se retrouvent à nouveau une masse indifférenciée à
laquelle on distribue des subsides pour éviter leur dénuement absolu
ou leur révolte.

Bien que ses intentions soient moins « libérales » (il maintient la


nécessité de prévenir l'inadaptation sociale par des interventions
volontaristes), l'ouvrage de René Lenoir, les Exclus, paru cette même
année 1974, comporte des implications du même type8. C'est en effet
une opération assez étonnante que de rassembler sous un même vo
cable des populations complètement hétérogènes, handicapés physi
ques ou psychiques, invalides âgés, « inadaptés sociaux », etc. Ainsi
arrive-t-on allègrement au chiffre de 6 ou 7 millions « d'exclus »

6. Les deux importantes lois de 1975, l'une sur le statut des institutions sanitaires et socia
les, l'autre « en faveur des personnes handicapées », peuvent être interprétées comme la pour
suite sur sa lancée du processus des années de croissance que l'on vient de retracer.
7. Lionel Stoleru, Vaincre la pauvreté dans les pays riches, Paris, Flammarion, 1974.
8. René Lenoir, les Exclus, Paris, Le Seuil, 1974.

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— « un Français sur dix », comme l'affirme le sous-titre de l'ouvrage !


On voit mal le bénéfice que l'on peut tirer en termes de rationalité
analytique ou d'efficacité pratique d'un tel amalgame (la remarque
vaut aussi pour la plupart des usages les plus actuels de ce terme
d'exclusion). En revanche, parler « d'exclus » comme de « pauvres »
dans leur globalité indifférenciée, c'est prendre ses distances par rap
port au processus de segmentation des populations à problèmes dont
on a vu qu'il était au cœur de la dynamique constitutive du travail
social moderne.

Dès l'année 1974, ce paradigme apparaît donc ébranlé. Sans doute


parce que « la crise » est déjà là et que « faire du social » coûte cher.
Un fort développement du travail social avait accompagné une crois
sance forte, il paraît subir le contrecoup de son arrêt. Sans doute
l'épuisement du modèle de développement professionnalisé du travail
social renvoie-t-il aussi à des difficultés internes, qui tiennent à la
manière dont il est mis en œuvre. Cette logique du ciblage entraîne
en effet la multiplication des services et des types d'intervenants qui
se chevauchent sans nécessairement se compléter, parfois pour le
traitement d'un même sujet que l'on promène de spécialistes en spé
cialistes. La dénonciation de la fragmentation des interventions et de
la clôture sur eux-mêmes des différents services est une critique
récurrente du travail social que compensent mal les appels, plus
rituels que traduits dans les faits, à une « action globale ». En multi
pliant les versions de la relation d'aide personnalisée sans contrôler
leur coordination, le travail social s'avérerait finalement inefficace.
D'ailleurs, comment pourrait-on mesurer son efficacité ? La demande
administrative d'évaluation des services médico-psychologiques qui
se développe au même moment va aussi dans le sens de la contesta
tion de pratiques qui se prêtent mal à la traduction statistique et à la
quantification.

Les critiques menées au nom de la rigueur économique, de la ratio


nalité technocratique et de l'efficacité technique peuvent ainsi par
faitement se conjuguer. Pourtant, il importe surtout de souligner
qu'elles se traduisent par une transformation de la représentation des
populations relevant de l'aide sociale. Des regroupements généraux et
indifférenciés comme « les pauvres » ou « les exclus » tendent à se
substituer aux systèmes de catégorisation toujours plus affinés du tra
vail social classique. Il faut aussi souligner que, dans un premier
temps du moins, ce glissement ne remet pas en cause le fait que les
interventions sociales continuent à s'adresser à des variétés de défi
ciences qui peuvent être principalement rapportées aux sujets à trai
ter. Autrement dit, on est encore dans le cadre d'une « handicapo
logie », si l'on entend par là une manière de nommer une gamme de

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facteurs rendant les individus incapables de s'intégrer — « inca


pables » signifiant ici qu'ils n'en ont pas, par eux-mêmes, la capacité.
En effet, quels sont ceux que René Lenoir, par exemple, appelle
les « exclus » ? Pour une bonne part, des « inadaptés physiques » et
des « débiles mentaux », c'est-à-dire des handicapés tels que la loi de
1975 va les caractériser et qui portent une déficience physique ou
psychique évaluable. Il y a aussi les inadaptés sociaux dont le
nombre est « plus difficile à chiffrer » ; néanmoins, « trois ou quatre
millions d'individus sont concernés ». On y trouve pêle-mêle des
enfants pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, des mineurs en
danger, des fugueurs, des malades mentaux, des suicidaires, des
alcooliques, des marginaux, d'anciennes prostituées, etc. Lenoir est
même tenté d'y mettre une bonne partie des « Français musul
mans9 ».

Cette catégorie d'inadaptation sociale est, en effet, fort embarras


sante. Elle ne renvoie pas toujours à une déficience objectivable,
comme la plupart des handicaps. Mais c'est bien une incapacité per
sonnelle qu'elle vise. D'autres tentatives de définitions le confirment.
Selon une commission du Plan, « l'inadapté social est un être qui,
sans qu'il soit atteint d'un véritable handicap physique ou mental,
souffre de carences multiples dans tous les domaines essentiels de sa
vie10 ». Peu auparavant, François Bloch Lainé caractérisait comme
inadaptés sociaux « les enfants, adolescents ou adultes qui ont, pour
des raisons diverses, des difficultés plus ou moins grandes à agir
comme les autres11 ».

Ce vague, cet embarras, peuvent néanmoins s'interpréter de la


façon suivante. La société moderne impose des exigences qui sont
toujours difficiles à tenir. Pour des « raisons diverses » - par exem
ple, parce qu'ils sont trop instables, qu'ils ont une culture trop éloi
gnée du monde du travail, qu'ils sont incapables de se plier aux disci
plines de l'emploi, etc. —, certains individus ne peuvent s'adapter à
ces rythmes. Comme « dépassés par les événements », ils restent sur
le bas-côté de la route, ne disposant pas en eux-mêmes des res
sources suffisantes pour se maintenir à niveau. Mais cela n'empêche
pas la machine sociale de tourner et le progrès de suivre son cours : il
y a toujours eu des « blessés de la civilisation », comme le disait déjà
un auteur du XIXe siècle12.

9. René Lenoir, les Exclus, op. cit., chapitre I.


10. Rapport de la commission handicapés-inadaptés in Rapport des commissions du VIe Plan
1971-1975, Paris, La Documentation française, 1971, p. 152. C'est nous qui soulignons.
11. François Bloch Lainé, Étude du problème général de l'inadaptation des personnes handi
capées, Paris, La Documentation française, 1969, p. 111.
12. Docteur Émile Renaudin, Commentaires médico-administratifs, Paris, 1858, p. 251.

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La redécouverte de la pauvreté dans les années soixante-dix s'ins


crit également, dans un premier temps, dans cette logique. Les vrais
pauvres ne sont pas des appauvris, ni non plus d'abord des exploités,
ce sont les paumés de la terre. Incapables de s'intégrer à la société
salariale, ils restent sur ses marges, vivant d'expédients. « Peuple des
pauvres », dira ATD-Quart Monde, comme allergiques à la modernité,
ils présentent d'étranges îlots d'exotisme — un « quart monde »,
comme il y a plus loin un « tiers monde » - au beau milieu des socié
tés d'opulence.

On peut donc parler de l'exclusion en terme d'inadaptation sociale


et de pauvreté en terme de cumul des handicaps sans mettre frontale
ment en question la responsabilité de la société, si ce n'est en vertu
du vieil argument, d'inspiration morale et religieuse plus que socio
logique, qui consiste à dire que le monde est dur aux malheureux. Le
monde est dur, certes, mais les pauvres portent des raisons d'être
pauvres et les inadaptés sociaux des raisons d'être marginalisés,
parce qu'ils manquent des capacités requises pour être à l'aise et
intégrés.

Mais de telles constructions sont fragiles et vont le devenir davan


tage encore. Lorsque Lionel Stoleru avance que le progrès écono
mique repose sur des inégalités telles qu'elles vont conduire certains
des concitoyens des nations riches à la pauvreté, veut-il dire que ces
pauvres sont pauvres parce qu'intrinsèquement incapables de se plier
aux exigences d'une société moderne, ou bien qu'ils subissent une
pression si forte qu'elle rejette une certaine proportion de malheu
reux, parmi lesquels on trouve aussi des gens parfaitement aptes ?
Sauf à défendre une conception substantialiste de la pauvreté - tenta
tion à laquelle n'a pas toujours résisté ATD-Quart Monde -, il est
nécessaire de s'interroger sur les conditions externes, ou objectives,
qui conduisent à l'invalidation de certains individus tout à fait « nor
maux ». C'est d'autant plus nécessaire que l'on constate que croît le
nombre des pauvres, ou des marginalisés, ou des laissés pour compte.
Et si nombre d'entre eux se retrouvaient ainsi rejetés sans y être per
sonnellement pour grand-chose ?

Voilà, me semble-t-il, le soupçon qui chemine depuis le début de


la « crise », mais avec une grande lenteur et en suscitant de nom
breuses résistances. À peine est-elle apparue qu'un glissement est
produit dans le signalement des populations en difficultés, même s'il
se recode encore pour l'essentiel dans les cadres d'une « handicapo
logie » entendue au sens large. Mais ce recodage devient sans cesse
plus difficile et, à la fin de la décennie soixante-dix, apparaît le
thème nouveau de la précarité, qui pointe vers une autre logique. À la
toute fin du septennat de Valéry Giscard d'Estaing, un rapport de

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février 1981 est symptomatique des progrès, mais aussi des lenteurs
et des ambiguïtés de cette prise de conscience13.
La demande du Premier ministre Raymond Barre est classique, et
même traditionnelle, puisqu'elle interroge les moyens de lutter contre
les « îlots de pauvreté » qui subsistent dans la société française, et
certaines propositions du rapport de Gabriel Oheix reprennent aussi
les catégories classiques de l'aide sociale, personnes âgées, enfants
en difficulté, anciens détenus, etc. Mais le rapport s'intitule « Contre
la précarité et la pauvreté » et souligne l'importance des politiques de
l'emploi, du logement, de l'éducation pour vaincre la pauvreté. Tout
se passe comme si ce rapport laissait coexister deux logiques tout à
fait différentes. La pauvreté est encore partiellement pensée comme
un phénomène résiduel, une poche d'archaïsme au sein des sociétés
modernes. Mais la précarité fragilise des situations qui n'ont rien
d'exceptionnel et peut faire basculer des gens qui paraissaient inté
grés. On les appellera bientôt les « nouveaux pauvres ».

L'insertion comme substitut

Ces « nouveaux pauvres » diffèrent des anciens parce qu'ils sont


les naufragés des mutations économiques, technologiques et sociales
en cours - les naufragés d'une société salariale profondément ébran
lée. Mais on va mettre encore un certain temps à le comprendre. On
interprète souvent les politiques d'insertion qui se mettent en place
au début des années quatre-vingt comme l'entrée dans un nouvel âge
du social. Il faut plutôt y voir dans un premier temps encore une
étape, certes décisive, dans la prise de conscience du processus
général qui nous affecte aujourd'hui. Mais il va falloir attendre que
certaines ambiguïtés portées au début par les politiques d'insertion
se décantent pour que l'on en vienne à regarder en face un risque de
déstabilisation profonde de la société salariale se traduisant par l'in
validation de catégorie d'aptes, et non plus d'inaptes, au travail.
Quelque chose de nouveau doit quand même s'être produit au
début des années quatre-vingt, puisque l'on éprouve alors le besoin
de mettre en place des dispositifs d'intervention sociale qui mar
quent, sinon une rupture, du moins une distance considérable par
rapport aux techniques et aux objectifs du travail social classique14.

13. Gabriel Oheix, Contre la précarité et la pauvreté : 60 propositions, février 1981. Ce rap
port n'a pas été publié. Des sociologues commencent au même moment à soulever ce thème de
la précarité. Voir aussi Agnès Pitrou, la Vie précaire. Des familles face à leurs difficultés, Paris,
Cnaf, 1980, sur l'analyse de familles ouvrières qui ne sont nullement des « cas sociaux », qui se
tiennent même à l'écart des services spécialisés, mais qui peuvent néanmoins décrocher au
moindre aléa.
14. Bien qu'à la fin de l'étape précédente, certaines innovations comme les opérations
« Habitat et vie sociale » (1976) anticipent certains traits des politiques territoriales. De même,

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Il s'agit d'actions initiées au niveau local, qui mobilisent plusieurs


types de partenaires sur un même territoire à partir d'un projet précis,
en vue de promouvoir un changement défini sur une base contrac
tuelle. Plusieurs rapports parus entre 1981 et 1983 en livrent la phi
losophie : ces politiques « transversales », « partenariales », « globa
les » sont aujourd'hui assez connues pour qu'il soit inutile de les
exposer en détail15. Dans un premier temps, elles ne lèvent pourtant
pas toute l'ambiguïté. Elles mobilisent bien de nouvelles technologies
qui paraissent rompre avec la relation de service classique du travail
social. Elles touchent aussi de nouveaux publics qui ne sont plus
catégorisés à partir d'un problème personnel et dans une logique pré
cise de ciblage. Mais elles continuent à s'inscrire dans une logique,
sinon de réparation, du moins de mise à niveau - au niveau requis
pour devenir apte à occuper un emploi.
Ainsi, les opérations « nouvelles qualifications » de Bertrand
Schwartz16 reposent sur le double constat que de nombreuses qualifi
cations deviennent obsolètes en raison des transformations technolo
giques, et que le chômage frappe particulièrement les jeunes sous
qualifiés. Mais cette situation est pensée comme transitoire. Une
politique de qualification intelligente peut préparer l'adaptation aux
nouvelles technologies, lesquelles anticipent dans les meilleures
conditions possibles la reprise économique. Le non-emploi est encore
pensé comme un désajustement entre une offre et une demande de
main-d'œuvre dont la raison principale tient à ce que les demandeurs
d'emploi n'ont pas la compétence adéquate pour répondre à l'offre. Il
est donc possible de remédier à cette situation, du moins dans cer
tains secteurs comme celui de l'emploi des jeunes qui sortent mal for
més de l'école, en mobilisant une meilleure pédagogie profession
nelle. Le Premier ministre Pierre Mauroy, dans sa lettre de mission à
Bertrand Schwartz, lui demande d'ailleurs de faire en sorte que « les
jeunes de 16 à 18 ans ne soient jamais condamnés au chômage, ni à
des emplois trop précaires ». C'est bien une situation provisoire qu'il
s'agit de surmonter en mettant en œuvre de nouveaux moyens.
Plus généralement, les politiques d'insertion dans leur ensemble
ont vécu longtemps, et vivent encore dans une certaine mesure, sur
cette ambiguïté. Le revenu d'insertion lui-même la porte dans son

les « Pactes pour l'emploi » lancés par Raymond Barre, le premier en 1977, peuvent être consi
dérés comme le coup d'envoi de nouvelles politiques d'accès à l'emploi fondées sur les stages.
Mais c'est seulement à travers la promotion de l'insertion que ces tentatives trouveront leur doc
trine.
15. Sur l'esprit général de ces politiques, voir Jacques Donzelot, Philippe Estèbe, l'État ani
mateur, Paris, éd. Esprit, 1994. Jacques Ion a proposé une première analyse d'ensemble de
leurs implications sur le travail social dans le Travail social à l'épreuve du territoire, Toulouse,
Privat, 1990.
16. Lancées dans le prolongement de son rapport, l'Insertion professionnelle et sociale des
jeunes (Paris, La Documentation française, 1981), le premier et le plus explicite des rapports
publiés au début des années quatre-vingt sur l'insertion.

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article I. Cet « impératif national d'insertion » exige-t-il la réalisation


d'une insertion sociale et professionnelle, ou bien d'une insertion
sociale ou professionnelle ? On sait que des débats animés ont eu lieu
avant le vote de la loi sur le choix entre ces deux petites conjonctions,
de coordination ou de disjonction. Tenant compte des observations du
Sénat, l'Assemblée nationale retient le « ou ». Apparemment, on peut
donc être inséré professionnellement ou bien socialement. Tout n'est
pas clarifié pour autant, car que peut signifier être inséré socialement
sans être inséré professionnellement ?
L'enjeu de ces pinaillages grammaticaux est, en fait, considérable.
L'insertion sociale et l'insertion professionnelle représentent-elles
deux manières d'être inscrits dans la société, différentes, certes, mais
plus ou moins homologues, présentant chacune une certaine consis
tance, quelque chose qui ressemble à un statut ? Ou bien s'agit-il de
deux registres différents d'existence, deux manières incommensu
rables d'être au monde dont l'une, qui passe par l'emploi, est recon
nue et permet d'y occuper une place, tandis que l'autre représente un
état nouveau dont personne n'a jamais pu dire clairement en quoi il
consiste ? Qu'est-ce qu'un inséré permanent ? Dans quel no man's
land flotte-t-il, ballotté qu'il est entre intégration et néant ?
C'est vers le début des années quatre-vingt-dix que cette éventua
lité un peu effrayante d'une installation dans l'insertion commence à
s'imposer. Les évaluations du Rmi montrent que l'on en sort rarement
par l'emploi et que, si insertion il y a, elle serait donc le plus souvent
« sociale », sans que l'on sache pourtant exactement ce que cela veut
dire. Parallèlement, le chômage de longue durée montre qu'une partie
de la population active paraît condamnée à une inactivité qui pourrait
être permanente (d'autres situations, comme la mise en préretraite,
pour être moins dramatiques, vont dans le même sens). De leur côté,
les politiques de l'emploi en direction des jeunes enchaînent souvent
stages sur stages, jusqu'à ce que les « bénéficiaires » s'en lassent.
Les bilans des politiques locales du type Développement social des
quartiers (Dsq) ou Comités municipaux de prévention de la délin
quance (Cmpd), qui entre temps se sont coordonnées dans la Politique
de la ville, indiquent aussi que, si elles n'ont pas été inutiles, elles
n'ont pas suffi pour donner sens à l'existence de foules de jeunes qui
peuplent les quartiers dits défavorisés.
Ces constats, que l'on pourrait multiplier, ont des incidences pro
fondes sur le travail social et les interventions sociales. Certes, ces
professions ont toujours joué à la marge et avec la marge, et la margi
nalisation de nouvelles populations ne devrait pas en tant que telle
les surprendre. Mais leur tâche était de réduire l'écart, de ramener la
marge vers le centre. Aussi le professionnel pouvait-il mesurer ses
réussites et ses échecs selon que l'intervention parvenait plus ou

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moins à replacer dans le régime commun des individus incapables


d'y parvenir par eux-mêmes (quitte à s'interroger sur le bien fondé de
cette « normalisation »). Aujourd'hui, il semble que le statut même de
la marge ait changé, ou plutôt se soit dilué jusqu'à perdre ses repères.
Comment la définir, où passe la frontière avec le régime commun ? Il
existe plutôt un nombre croissant de situations incertaines et la ques
tion de résorber la marge ne se pose sans doute plus (celle de l'exalter
non plus, d'ailleurs). Le travailleur social est alors comme un passeur
qui s'apercevrait en cours de traversée qu'il n'y a plus de berge où
conduire son passager. Par exemple, les responsables d'une entre
prise d'insertion par l'économie travaillent pendant deux ans avec
« un jeune en difficulté » pour le « remettre à niveau ». Lorsque que
celui-ci est employable, il ne trouve pas d'emploi ; et après six mois
de galère, il faut revenir à la case départ. L'intervenant social devrait
il vivre désormais aussi avec ses réussites, situation d'autant plus
douloureuse qu'il aurait fait tout ce qu'il faut faire, et se retrouverait
finalement impuissant ? Ou bien faudrait-il admettre qu'il fait de la
simulation ? Qu'il simule, par exemple, l'employabilité de son
apprenti (une réalité toute virtuelle, si l'emploi réel se dérobe) ? On
pourrait encore évoquer le mythe de Sisyphe, mais ne chargeons pas
la barque.
Il n'est pas plaisant de parler comme je l'ai fait de « surnumérai
res », ou comme Jacques Donzelot de « normaux inutiles ». Mais le
caractère déplaisant tient à l'existence de la chose, non au fait de la
nommer. Or, il semble que ce type de profil se met à exister de plus
en plus, principalement du côté des jeunes qui n'arrivent pas à trou
ver un emploi et aussi du côté de « travailleurs vieillissants » dont il
faudrait avoir le courage de dire que s'ils perdent leur emploi, ils ont
peu de chances d'en retrouver un. Il s'agit d'un profil d'individus qui
ne sont pas particulièrement « déficients », « inaptes », « anor
maux », ni même, pour beaucoup, particulièrement sous-qualifiés. Ils
ne relèvent donc pas d'une « handicapologie », ni même d'une péda
gogie de la qualification. Beaucoup sont intégrables et la preuve en
est qu'il y a vingt ans, ils auraient été intégrés. Ils ont plutôt été vic
times d'enjeux qui se sont déroulés au-dessus d'eux, perdants d'une
guerre à laquelle ils participaient sans même le savoir.

Regarder vers l'amont

Il devient urgent de regarder cette réalité en face. Ce qui signifie


aussi ne pas la dramatiser artificiellement au point d'y réduire la tota
lité de la question sociale, comme le font ceux qui ne voient que de
1'« exclusion » partout, alors qu'elle n'en est, pour ainsi dire, que la

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pointe avancée. La désaffiliation extrême de ces populations s'inscrit


dans un continuum qu'il faut reconstruire en n'oubliant pas qu'il y a
des catégories de travailleurs intégrés, et aussi des travailleurs pré
caires dont la mise en instabilité alimente le flot croissant de ceux
qui décrochent et dont certains relèvent alors d'interventions sociales
spécifiques. On peut tirer certaines implications de cette mise en
perspective sur le champ des interventions sociales aujourd'hui. Les
professions du social constituent, elles aussi, ou devraient constituer
un continuum : la querelle des Anciens et des Modernes est particu
lièrement fâcheuse dans un secteur qui aurait besoin de toutes ses
forces et d'un minimum de solidarité pour affronter des situations
aussi graves.
En premier lieu, nous ne sommes pas entrés dans un âge entière
ment nouveau de l'intervention sociale qui rendrait obsolètes les
apports du travail social « classique ». Outre les situations très nom
breuses où le modèle des années soixante-soixante-dix persiste (en
particulier dans le travail en institution), au sein des situations nou
velles, on retrouve souvent une problématique « classique ». Par
exemple, l'insertion sociale dans le cadre du Rmi met souvent en pré
sence un professionnel et un usager qui rejouent la relation de ser
vice17. Cette situation n'est certes pas idéale, et l'une des faiblesses
du Rmi tient à ce qu'il a au moins partiellement échoué à associer,
pour réaliser le contrat d'insertion, une pluralité de partenaires pro
fessionnels et non professionnels. Il n'en demeure pas moins qu'il
existe, dans la plupart des situations d'insertion sociale une dimen
sion de réparation, de remise à niveau, qui réactualise la relation
d'aide classique. Il est donc sommaire d'opposer comme le jour et la
nuit de nouvelles professions du social et les représentants
archaïques de l'ancien travail social, d'autant que la relation de ser
vice n'est pas condamnée à répéter ce qu'elle était et que des innova
tions technologiques peuvent s'opérer dans ce cadre dans une logique
de contractualisation et de construction de projets.
Pourtant et en second lieu, les nouveaux profils de populations qui
sont apparus dans le champ des interventions sociales n'offrent sou
vent pas de prise aux techniques classiques. Une prise, c'est une
faille, un déficit identifiable et auquel on peut accrocher une action
réparatrice. Mais la question que posent « les jeunes de banlieue »,
par exemple, n'est réductible à aucune des catégorisations particu
lières des groupes-cibles du travail social. C'est d'ailleurs ce qui rend
compte du déplacement opéré vers le territoire. Le territoire local est
un espace où se croisent différents facteurs d'invalidation qui tien

17. Je ne parle pas des situations où le Rmi est alloué sans qu'il y ait proprement un contrat
de passé, et qui sont pourtant les plus nombreuses. Le Rmi est alors traité pour l'essentiel par
les assistantes du service social « ordinaire ».

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nent à l'emploi, à l'habitat dégradé, à l'absence de supports pour


construire une sociabilité vivante, à l'insécurité, au racisme latent ou
déclaré, etc. Si intervention il y a, c'est ce faisceau enchevêtré de
problèmes qui est son objet, et non la réduction d'un écart individuel,
d'où la nécessité de la transversalité, du partenariat et du recours à
des technologies qui sont effectivement nouvelles par rapport à celles
du travail social habituel.

Mais il ne suffit pas de célébrer ce déplacement comme une vic


toire de la modernité sur l'archaïsme. Il rend désormais le social soli
daire de la question de l'emploi, de la question urbaine, de la ques
tion de la sociabilité, de la question de la santé, et finalement de la
question du bonheur ou peu s'en faut. C'est sans doute trop lui
demander, d'autant que l'emploi apparaît à travers son manque ou sa
précarité, l'urbain à travers sa dégradation, la sociabilité à travers les
difficultés à inscrire des relations stables, et la santé à travers les dif
ficultés à accéder au système des soins. La question ressemble à celle
que posait Jürgen Habermas : peut-on « produire de nouvelles formes
de vie avec des moyens juridico-bureaucratiques18 » (même si l'on
remplace ici « juridico-bureaucratique » par des technologies qui,
bien que transversales, partenariales, etc., comportent toujours une
dimension construite, volontariste, par rapport aux modes d'organisa
tion propres aux populations concernées19) ? La question de la simu
lation précédemment évoquée se repose. Reconstruit-on de la socia
bilité réelle ou des analogons ? Un analogon du travail dans les
stages, un analogon de la communauté dans les associations, un ana
logon de la sociabilité quotidienne par des activités culturelles ou
sportives ponctuelles, et, finalement, un analogon de la citoyenneté,
une citoyenneté dite sociale, faite de pièces et de morceaux dont le
puzzle échoue souvent à constituer un socle stable auquel rapporter
des droits et de la considération sociale ?
Et pourtant, même s'il était vrai que les résultats à ce jour connus
de ces opérations fussent à ce point aléatoires, il faudrait les mainte
nir, les prolonger, les intensifier. D'abord, parce qu'il n'existe pas
actuellement de politique alternative positive en direction de ces
populations invalidées par la conjoncture. Les critiques de l'insertion
menées au nom d'une conception purement comptable de l'efficacité
et de la nécessité d'assister moins pour responsabiliser davantage les
publics en détresse ne font que retrouver les plus anciens accents du
paternalisme philanthropiques : stigmatiser les « mauvais pauvres »
en blâmant les victimes des mutations économiques et technolo

18. Jürgen Habermas, « La crise de l'État-providence et l'épuisement des énergies utopi


ques », Écrits politiques, trad, française, Paris, Le Cerf, 1990.
19. La question de l'implication des bénéficiaires dans ces dispositifs reste ouverte. Elle est
toujours posée comme une exigence, mais « sur le terrain » les choses sont beaucoup plus aléa
toires et, à ma connaissance, mal élucidées.

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giques (ainsi les dénonciations de « l'installation dans la culture


Rmi »). C'est l'honneur menacé d'une démocratie de devoir continuer
à traiter comme des concitoyens même ceux auxquels ont été refusés
les moyens d'exercer positivement leur citoyenneté.
Ainsi ces interventions portent-elles sans doute un avenir, ou du
moins posent-elles une question essentielle pour le futur proche.
Alors que la dégradation des positions fondées sur un travail stable
risque de provoquer un séisme social, peut-on espérer qu'une produc
tion de normes et de pratiques nouvelles prendra une consistance suf
fisante pour sauver les naufragés de la société salariale ? Ces tenta
tives se situent sur une ligne de crête, ténue et pourtant stratégique.
De leur réussite ou de leur échec dépend en partie la question de
savoir dans quelle mesure l'avenir sera vivable pour cette partie de la
population qui ne n'inscrit plus dans les systèmes universalistes de
protection construits à partir de l'emploi régulier. La réponse ne tom
bera pas du ciel. Ce n'est pas démagogie de dire que, si réponse il y
a, elle n'est pas du ressort d'une pure spéculation théorique ou d'un
pur volontarisme politique. Elle se forgera, elle commence peut-être
déjà à se forger à travers ces pratiques. Celles-ci se présentent dès
lors comme des laboratoires où accouche - dans la douleur - la possi
bilité d'élaborer certaines alternatives au travail capables de fonder
une reconnaissance sociale.
Il existe ainsi une relation étroite entre cette nouvelle conjoncture
où se déploient les interventions sociales et la nouvelle question
sociale entendue comme la nécessité de faire face aux impasses des
politiques de l'emploi. Toutefois, une telle proximité n'autorise en
aucun cas à rabattre sur le champ de ces interventions la réponse
d'ensemble à la question sociale. Autant le travail effectué dans cette
zone est essentiel pour ceux qui ont décroché des régulations de l'em
ploi ou ne parviennent pas à s'y inscrire, autant il est radicalement
impuissant par rapport aux dynamiques qui produisent ces situations
limite. Tel est le grand déplacement qui s'est opéré depuis l'apogée
du travail social classique : celui-ci recueille désormais une clientèle
dont le destin a commencé à se jouer en amont. C'est donc en amont
aussi qu'il faudrait se porter. Les opérations de discrimination posi
tive auxquelles ces formes d'action sociale sont limitées par nature et
par construction ne sauraient servir d'alibi pour économiser un autre
type de politique sociale, ou de politique tout court, qui relève du
maintien des grands équilibres et des régulations collectives à voca
tion universaliste. Les intervenants sociaux n'ont donc pas à entrer
dans le jeu de vouloir éponger toute la misère du monde social, pas
plus qu'ils n'ont à culpabiliser de n'y point parvenir.
Robert Cas tel

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Missions
Missions des
desprofessions
professionssociales*
sociales*
Professionsa Definitionb
1. Professions d'aide et d'assistance
Assistant de service social Travailleur social charge de faciliter l'insertion sociale
(assistante sociale) de families ou d'individus connaissant des difficultes,
par un soutien psychosocial ou materiel.
Delegue a la tutelle Travailleur social aidant des individus ou des families fai
aux prestations sociales sant l'objet d'une mesure administrative ou judiciaire de
tutelle aux prestations sociales, par un examen de la
situation budgetaire et l'etablissement d'un plan de ges
tion des ressources permettant aux interesses de recou
vrer leur autonomie financiere.

Conseillere en economie Travailleur social qui concourt a l'information et a la


sociale et familiale formation individuelles et collectives des adultes pour
(conseillere menagere; leur permettre d'ameliorer leurs connaissances de la vie
monitrice d'enseignement pratique quotidienne et du milieu social environnant.
menager)
Travailleuse familiale Travailleur social qui assure a domicile des activites
menageres et familiales et contribue a maintenir ou a
retablir l'equilibre dans les families ou il intervient.
Aide menagere Effectue ou aide a effectuer des activites de soins cou
rants, d'education et de menage au domicile des families.
2. Professions educatives

Educateur specialise Travailleur social charge, en dehors des heures de classe


ou d'atelier, de l'observation et de l'education des enfants
presentant des deficiences physiques ou psychiques ou
des troubles du caractere et du comportement.
Moniteur-educateur Participe a la prise en charge d'un individu ou d'un
groupe de personnes handicapes ou inadaptes devant
developper leurs capacites devolution et d'autonomie.
Educateur technique spe Dispense a un groupe de handicapes une formation pro
cialise (educateur d'ate fessionnelle contribuant a leur insertion sociale et pro
lier; moniteur technique) fessionnelle.
Educateur Organise des activites educatives personnalisees afin de
de jeunes enfants favoriser le developpement des jeunes enfants.
Aide medico Intervient aupres d'un groupe d'enfants gravement han
psychologique dicapes dans une relation individualisee de maternage
therapeutique et d'assistance.
3. Professions de l'animation
Animateur socioculturel Congoit, organise et encadre des activites d'animation ou
(animateur) de developpement social pour repondre aux besoins d'un
groupe ou d'une institution dans le cadre d'un projet
defini par le partenaire employeur.
a. On a indiqu£ iei les intitules officiels, et precise entre parentheses des appellations usuelles.
b. La definition des postes est fonder sur les textes officiels relatifs aux professions et sur les
descriptions propos£es par le Cereq dans ses etudes sur les postes de travail.
Sources: ministbre des Affaires sociales et de l'Emploi pour les textes officiels reglementant
metiers et formations; Cereq, les Emplois-types des activitys sociales, socioculturelles et de
conseil (Repertoire frangais des emplois, n° 8, Paris, La Documentation frangaise, 1978).

* Ce tableau et le suivant sont repris de J. Ion et J.-P. Tricart, les Travailleurs sociaux, Paris,
La Decouverte, coll. « Repbres », 1992, ouvrage en cours de reedition.

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Profession
Professionsociales,
sociales,
effectifs en exercice en 1970-1990

(Ministere) (Insee)
1970 1975 1980 1988 1982 1990
1990

Assistants de service social 18 921 25 102 29 309 34 000 31680 37 900

Educateurs specialises* 4 500? 19 480? 25 100 ? 41000


Moniteurs-educateurs* 2 500? 14 960 ? 17 000 ? 16 300
5 300
Educateurs de jeunes enfants 5 800 8 000 5 800 82 880 96 800

Educateurs techniques ■?
3 000? 4 500? 15 000
? ? ?
9 800 1 ?
Aides medico-psychologiques
Animateurs11 ? V
25 000? 55 000 33 660 55 000
?
850 1750 ?
Conseillers conjugaux
Conseillers en economie
?
sociale et familiale' 2 300 3 110 6 000 5 080 5 500
? V
Delegues a la tutelle 800 1200

Travailleuses familiales 5 370 5 990 8143 8 600?


Aides menageres
■>
40 000? 58 000 60 000? 188 500 258 000
Assistantes maternellesd 141500 249 300 226 000 •>

Sources : ministfere des Affaires sociales, Service des statistiques, des Etudes et des sys
t£mes d'information (Sesi), Insee, RP 1982, 1/20®, vol. D 100, tableau 06; RP 1990,
l/20e, Insee-Rtsultats (population active), 1992. La statistique ministSrielle 1988-1990
est incomplete et elle est donnSe k titre indicatif.

? Absence d'information ou estimation incertaine (divergences entre plusieurs statistiques


administratives).
a. Educateurs specialises et moniteurs-educateurs sont mal recenses dans la statistique
ministerielle, notamment dans la periode 1970-1980, de meme d'ailleurs que les autres
professions educatives. Des enqu§tes effectuees pour les ann6es 1971 et 1981 permet
taient d'estimer le personnel educatif k ces deux dates & 33 000 personnes (dont
18 000 non-dipl6mees) et 65 000 personnes (dont 17 000 non-dipl6m6es). (Sources :
Centre technique national d'etudes et de recherches sur les handicaps et les inadapta
tions, et Association pour la gestion des formations initiales du secteur sanitaire et social.)
Les educateurs de l'administration p^nitentiaire et de l'education surveill£e ne sont pas
comptabilis6s par le ministfcre des Affaires sociales.
b. Source : Rapport Davaine, La Documentation frangaise, 1982 ; Observatoire des profes
sions d'animation.
c. La statistique ministerielle des ann£es 1970, 1975 et 1980 porte sur l'ensemble des
conseillfcres et techniciennes.
d. II s'agit des assistantes maternelles agrees libres, y compris celles de l'Aide sociale k
l'enfance.

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