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Les « 

critères et les valeurs » dans le travail, comme source de motivation pour


l’apprentissage d’un nouveau métier, au centre de rééducation professionnelle
Suzanne Masson.
Avant-propos

Entré dans la formation comme formateur dans l’univers du handicap, un manque


d’informations globales sur cet environnement me faisait défaut. La première partie propose
un aperçu général par un rappel historique, deux types de recensements des personnes
handicapées, fait découvrir un instrument d’identification du handicap puis présente la
COTOREP l’organisme qui oriente les travailleurs handicapés et finalement décrit le Centre
de Rééducation Professionnel « Suzanne Masson ».

La deuxième partie est consacrée à l’analyse de la démarche d’une formatrice chargée


de l’accompagnement de projets professionnels. Les rubriques se succèdent selon l’ordre de
son récit. Les extraits sont parfois longs, afin de mieux situer ces propos dans son discours et
de les confronter aux miens, donnant une impression de juxtapositions d’arguments à l’intar
d’un « arrêt sur texte ». Je n’ai pas non plus censuré des termes familiaux voire grossiers.

Lorsque je fais référence aux formateurs, il s’agit de ceux qui sont préoccupés du
domaine de l’apprentissage du métier.

Vous percevrez trois polices (fontes) différentes :

 La « Lucida Calligraphy » correspond au récit de Silvie Fournier.


 L’ « Arial » se sont des textes pris dans les ouvrages référencés dans la
bibliographie, avec très peu de modifications.
 La « Times » indique mes analyses ou remarques.

Dans ce mémoire, je fais référence à un questionnaire que j’ai élaboré suite à des
entretiens avec des stagiaires dont l’architecture tient compte des recommandations de
l’ouvrage « Psychologie de la communication ». À partir d’un groupe contrôle j’ai pu
comparer les réponses de 11 stagiaires à 15 jours d’intervalle. Le contrôle se situe sur deux
appréciations :

- la distance du centre de formation par rapport à chez eux


- leur expérience professionnelle

Un stagiaire avait a priori mal saisi le questionnaire ; effectivement à la rubrique


« avez-vous une longue expérience professionnelle ? » 1er réponse : 10, 2nd réponse : 11. Sinon
dans l’ensemble, en comparant les moyennes obtenues, je constate 5% d’écart (1% sans le
stagiaire « indéterminé »). 145 stagiaires du niveau V du centre « Suzanne Masson » ont
répondu à ce questionnaire.

1
Les scores vont de 1 à 10 pour chaque item.

2
Table des matières

Première partie :

4 L’univers du handicap

Deuxième partie : le projet professionnel

11 Le choc du chômage

16 Silvie Fournier

17 Typologie de stagiaires

20 Les critères et les valeurs de travail

23 La motivation

28 La reconnaissance et l’estime de soi

30 Le sens de l’accompagnement

31 Courbes

33 Un autre type de stagiaires

Troisième partie :

35 Conclusion

Bibliographie

3
L’univers du handicap

Les statues antiques du Louvre, nous évoquent ce beau désir intemporel de l’Homme
fort, affrontant les travaux les plus insurmontables, au nom du bien-être de la cité. Il faudra
attendre la Renaissance, avec le peintre hollandais Bruguel, pour que le personnage de
l’infirme fasse son apparition notable dans l’art2.

Au XXI siècle, quels sont nos modèles ? Des miss monde,  un Monsieur muscle pour
nous sauver des méchants -fréquemment distingués par une « anomalie » physique.

C’est que tout le long de son Histoire, l’humanité ,au meilleur des cas, à souvent
condamné à l’exclusion l'impotent. Les lépreux du Moyen-Age flânaient avec une crécelle
pour éloigner les passants et ont baptisé les premiers lieux d’exclusions, les léproseries.
Durant la seconde guerre mondiale, lorsque le médecin d’un asile entrait le matin dans le
dortoir, il sentait l’odeur de la mort ; il existait toujours un fou qui avait rendu l’âme. C’est
qu’à cette époque, on laissait mourir de faim les aliénés dans les asiles3, cela évitait un
voyage… Maintenant en France, la vie des handicapés est nettement moins noire ; il existe le
Téléthon ; récemment un acteur trisomique a reçu un César ; d’autres atteignent le sommet du
Mont-Blanc et les personnes âgées ne sont plus incontinentes, elles participent à l’économie
de la Nation. Mais surtout, par delà les stéréotypes, ils ont des droits. Je fais l’impasse des
initiatives ecclésiastiques, de l’institutionnalisation de l’assistance publique durant la IIIème
république. Car l’approche qui nous intéresse, c’est celle de la réadaptation et du
reclassement, qui émergea après la 1er guerre mondiale, la der des ders. La tactique guerrière
est de blesser un maximum d’ennemis et non de les tuer. Cela pour plomber l’économie de
l’adversaire.

14-18 fut d’un tel cru, qu’une loi, celle du 2 janvier 1918 institue l’office national des
mutilés et réformés de guerre destiné à subventionner des écoles de rééducation. Un nouveau
langage apparaît : « le mutilé va se substituer à l’infirme, l’image de l’infirmité va devenir
celle d’une insuffisance à compenser, d’une défaillance à faire disparaître » Cette nouvelle
approche est née sous le poids des événements et des luttes sociales. Ce fut l’amorce d’une
série de lois garantissant la réinsertion des militaires mutilés. La loi du 14 mai 1930 ouvre le
droit aux victimes d’accident du travail, d’être admis gratuitement dans les écoles de
rééducation professionnelle crées pour les militaires. D’autres lois vont suivre. Cependant, il
faudra attendre la loi du 23 novembre 1957 qui affirme comme objectif, la mise en place d’un
système cohérent de reclassement professionnel des handicapés. Dans le texte, il ne s’agit plus
d’infirmes ou de mutilés mais l’on préfère l’usage, pour la première fois dans un texte
officiel, les expressions « handicapés » et « travailleurs handicapés ». Cette loi concerne
« toute personne dont les possibilités d’acquérir ou de conserver un emploi sont effectivement
réduite par suite d’insuffisance ou d’une diminution de ses capacités physiques ou
mentales » :

- Elle étend à tous les handicapés la compétence de la commission départementale


d’orientation des infirmes.
- Elle accorde à tout travailleur handicapé le droit à une réadaptation et à une
rééducation professionnelle adaptée avec prise en charge des frais de séjour et de la
rémunération, soit par l’État, soit par un organisme de la Sécurité sociale.

2
Les mendiants, peinture qui illustre la couverture de ce mémoire.
3
Histoires de la folie, documentaires vidéo de P. Muxel & B. de Solliers.

L’univers du handicap 4
L’univers du handicap

- Elle impose à toutes les entreprises des secteurs publics et privés une obligation
d’embauche des handicapés par priorité sur un certain nombre d’emplois et leur
assure une protection particulière : réglementation des salaires et des abattements,
allongement de la durée du préavis de licenciement.
- Elle renforce les structures du travail protégé en mettant en place, deux nouveaux
types d’établissements : les ateliers de travail protégé et les centres de distribution de
travail à domicile.

Diverse mesures viennent postérieurement à cette loi. Cependant se présente une réelle
complexité voire une impossibilité d’application de certains arrêtés. Dans ce contexte, la loi
d’orientation du 30 juin 1975 s’est voulue unificatrice et simplificatrice. Elle recouvre les
handicaps de toute nature (moteur, sensoriel, mentale) et de toute origine (congénitale,
accidentelle, pathologique). Elle intervient à tous les moments de la vie du handicapé et
affirme plusieurs droits : à l’éducation, au travail, à la formation, à la protection sociale, à la
vie sociale et aux loisirs.

La loi du 10 juillet 1987 " tend à créer une dynamique en faveur de l'accès à l'emploi des
travailleurs handicapés en prenant en compte les contraintes économiques des employeurs et
en les associant pleinement à la politique qui leur est proposée ". Elle opère un renforcement
de l'obligation d'emploi des personnes handicapées, elle accroît les moyens consacrés à leur
insertion en créant le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des personnes
handicapées et simplifie un certain nombre de procédures. La loi fusionne les régimes
antérieurs d'obligation d'emploi. Les secteurs privé et public sont désormais soumis à une
même obligation d'emploi de 6% de travailleurs handicapés dans leur effectif4. Cette loi
procède également à une modification de l'obligation d'emploi. Elle substitue à une obligation
de procédure, une obligation de résultat. Les employeurs, ne sont plus tenus de définir
préalablement les postes offerts à des travailleurs handicapés. Ils sont entièrement libres de
recruter les personnes handicapées qui leur conviennent et de choisir les postes qu'ils leur
proposeront. La loi propose aux entreprises la possibilité de s'acquitter partiellement ou
totalement de leur obligation d'emploi par déférents moyens : L’emploi de salariés
handicapés, la conclusion d'un contrat de sous-traitance avec le secteur protégé (traduite en
équivalant emploi et limitée à 3 % du taux d'emploi), une politique contractuelle par la mise
en oeuvre d'accords collectifs agréés par l'État et devenant exonératoires ; ces accords doivent
prévoir un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés ; enfin, le
versement d'une contribution à un Fonds de développement pour l'insertion professionnelle
des personnes handicapées pour chaque emploi non pourvu (innovation majeure de la loi du
10 juillet 1987). Ce Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées,
AGEFIPH, est juridiquement constitué en juillet 1988 et devient opérationnel en octobre
1989. Il a pour objet d'accroître les moyens consacrés à l'insertion des personnes handicapées
en milieu ordinaire. Il n'est pas destiné à se substituer à l'État, les actions qu'il finance sont des
actions nouvelles s'ajoutant aux aides publiques déjà existantes.

Il existe des difficultés législatives ; un rapport présenté au Conseil Économique et Social


en 1992, rappelle que : « cinq législations régissent la reconnaissance et la réparation du
handicap ». La première datant de 1804 ; résultant du code civil, s’agissant du droit commun
en matière de réparation des accidents causés par un tiers. Je ne désire pas énumérer toutes les
difficultés et carences du système, seulement souligner qu’une personne handicapé ne peut
obtenir l’intégralité de ses droits sans l’aide d’un spécialiste de la question  ou d’un
organisme: assistantes sociales, syndicats, associations.

4
Applicable pour les entreprises comportant plus de 20 salariés.

L’univers du handicap 5
L’univers du handicap

Une autre difficulté, est celle de recenser les handicapés. Cela va de 5 millions, dont 2
millions de moins de 60 ans, d’après une enquête de l’INSEE réalisée en 1980. La personne
handicapée étant celle qui déclarait subir une gêne ou une difficulté pour accomplir les gestes
de la vie quotidienne du fait d’une incapacité. Une autre méthode d’estimation consisterait à
agréger différentes catégories de bénéficiaires de prestations liées à un handicap. Sur cette
base, on dénombre 1,4 millions de personnes handicapées adultes, soit 5% de la tranche d’âge
de 18-60 ans. En incluant les plus de 60 ans nous atteignons 3,2 millions de personnes se
déclarant « handicapées ».

Le handicap est facilement observable, le mesurer objectivement est nettement moins


commode. Le SIMH, Système d’Identification et de Mesure des Handicaps, est un nouvel
outil d’identification qui pourrait être généralisé pour les années avenir, dans tous les secteurs
gérant les personnes handicapés. Il provient des recherches de Teresa Magalhães, professeur à
la faculté de Médecine de Porto et de Claude Hamonet, professeur à la faculté de médecine de
Créteil (fondateur du département universitaire de rééducation à l’université Paris XII). Il
propose un dispositif d’identification à quatre dimensions :

- corporel : ce niveau comporte tous les aspects biologiques du corps humain, avec
ses particularités morphologiques, anatomiques, etc.
- les capacités : ce niveau comporte les fonctions physiques et mentales (actuelles ou
potentielles) de l’être humain, compte tenu de son âge et de son sexe,
indépendamment de l’environnement où il se trouve.
- Les situations de la vie : Ce niveau comporte la confrontation (concrète ou non) entre
une personne et la réalité d’un environnement physique, social et culturel. Les
situations rencontrées sont : les actes de la vie courante, familiale, de loisirs,
d’éducation, de travail et de toutes les activités de la vie, y compris les activités
bénévoles, de solidarité et de culte, dans le cadre de la participation sociale.
- La subjectivité : ce niveau comporte le point de vue de la personne, incluant son
histoire personnelle, sur son état de santé et son statut social. Il concerne tous les
éléments subjectifs qui viennent compromettre ou supprimer l’équilibre de vie de la
personne. Il représente le vécu émotionnel des événements traumatisants
(circonstances d’apparition et d’évolution, annonce et prise de conscience de la
réalité des faits et acceptation de vivre avec sa nouvelle condition).

La subjectivité n’a pas été validée dans l’évaluation du handicap ; probablement dû à la


complexité d’une telle mesure qui est, par essence, subjective.

L’univers du handicap 6
L’univers du handicap

Ces quatre niveaux interagissent. Ce sont les interactions entre eux qui conduisent ou
pas à des situations de handicap. Le SIMH quantifie le degré d’indépendance et le degré
d’autonomie de la personne ; « La dépendance apparaissant comme spécifique de la
métrologie et de la quantification du handicap. La dépendance étant l’aide technique ou
humaine nécessaire à une personne pour accomplir une fonction ou s’adapter, partiellement
ou totalement, à une situation donnée. ». Allant de zéro (absence de handicap) à quatre (très
grand handicap, très grande dépendance des aides humaines avec des substitutions totales). Il
découle d’une moyenne de trois scores obtenus (corps, capacités, situations de la vie), eux-
mêmes étant notés de zéro à quatre dans leurs items respectifs.

Extrait d’items de la rubrique « Situations de la vie »

Situations de la vie 0 1 2 3 4
Orale
Communication Écrite
Gestuelle
Mémoire
Cognition Capacité d’apprentissage
Affectivité Orientation
Affectivité

L’objectif du SIMH est de :

- Décrire tous les éléments constituants du handicap ;


- Quantifier les éléments constituants du handicap ;
- Faire émerger tous les besoins des personnes handicapées de façon à mieux faire
correspondre les réponses de la réadaptation.

Il se veut certes fiable, mais surtout simple d’usage et transférables dans les différents
secteurs médicaux. Si les formateurs n’ont pas accès aux dossiers médicaux, lors de groupes
d’appui (réunion entre formateurs, responsable formateurs, assistantes sociales, médecin,
psychiatre pour se concerter sur des cas délicats), les inquiétudes d’une équipe de formateurs
sur la capacité d’apprentissage d’un stagiaire peut être rapidement confortée par l’équipe
médico-sociale. Sur cet exemple de la « capacité d’apprentissage », nous percevons les limites
et les dangers d’un système simplificateur ; il pourrait provoquer un effet Pygmalion,
provocant une dynamique fataliste, renvoyant les causes des difficultés du stagiaire à son
handicap et évitant, probablement, une remise en question sur la qualité de la relation
pédagogique établie.

L’univers du handicap 7
L’univers du handicap

Il est important de bien saisir la distinction entre être handicapé et être travailleur
handicapé. Ces deux notions renvoient à des droits différents. En guise d’illustration, voici le
cas de deux individus ayant subit un accident qu’a provoqué le même préjudice : la perte du
majeur. L’un est menuisier, l’autre violoniste. La sécurité sociale mesurera le même handicap.
Tous deux souhaitant un reclassement, se tournent vers la COTOREP (COmmission
Technique d’Orientation et de REclassement Professionnel). Celle ci reconnaîtra le type de
catégorie du travailleur handicapé. Or, le violoniste sera reconnu comme travailleur handicapé
de type C (grave), tandis que le menuiser comme travailleur handicapé de type A (léger). La
COTOREP effectue un rapport entre le handicap et l’ancien métier exercé.

Article L323 du code du travail


« est considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir
ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d’une insuffisance ou d’une
diminution de ses capacités physiques ou mentales ».

Nul n’est censé ignorer ses droits. La COTOREP ne pratique pas une politique de
communication à outrance. Voire certains médecins déconseillent ce recours à leurs patients
par crainte qu’ils soient stigmatiser de personne handicapée, confondant ainsi le handicap à la
reconnaissance de travailleur handicapé procurant des droits5. La personne handicapée prend
connaissance de cette commission soit d’un proche soit d’un organisme, parfois par hasard.

Elle a été instituée au niveau de chaque département, par la loi du 30 juin 1975, elle
reçoit les demandes des travailleurs handicapés, statue sur la reconnaissance, fixe la
catégorie :

A : handicap léger ou temporaire ; le handicap permet d’escompter une


adaptation satisfaisante au travail dans un délai maximum de 2 ans
B : handicap modéré et durable entraînant une limitation permanente de
l’adaptation professionnelle.
C : handicap professionnel grave et définitif nécessitant un aménagement
important du poste de travail.

le taux de handicap6, décide de l’orientation professionnelle et se prononce sur l’accès


aux diverses allocations liées au statut de travailleur handicapé. Toutes ces décisions
engendrent un impact essentiel sur l’avenir des personnes concernées.

Un dossier peut être déposé dès l’âge de 16 ans –en cas d’entrée dans la vie active.
Légalement il n’existe pas de limite d’âge. Il est constaté que la COTOREP n’oriente plus les
personnes au delà 45-47 ans. La nationalité française n’est pas exigée. Le refus de la
reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est prononcé, soit lorsque la personne est
jugée apte à travailler sans avoir à bénéficier de mesures particulières, soit au contraire,
lorsque les incapacités constatées sont telles qu’une aptitude au travail est impossible.

Ce dossier comprend deux documents : un document administratif et un certificat


médical. Il est à la disposition au siège de la COTOREP (un par département) ou à la mairie
(bureau d’aide sociale). Une fois rempli, il doit être déposé à la COTOREP du département du
lieu d’habitation. La COTOREP a l’obligation de traiter toutes les demandes. En 1997, 104
260 personnes ont bénéficié de la reconnaissance de travailleur handicapé.

5
Propos recueillis d’une assistante sociale et d’une formatrice travaillant pour le centre.
6
À ne pas confondre avec la pension d’invalidité de la Sécurité Sociale.

L’univers du handicap 8
L’univers du handicap

60% des décisions d’orientation mènent l’insertion vers le milieu ordinaire de travail
avec l’aide possible d’organismes ayant pour mission prioritaire d’assurer le
placement des travailleurs handicapés en milieu ordinaire de travail avec un
contrat de durée durable. 5% des chômeurs inscrits à l’ANPE, sont des
travailleurs handicapés
25% en milieu protégé. Si cette orientation est moins coûteuse que les CRP, les
résultats sont très faibles pour la réinsertion des travailleurs handicapés vers le
milieu ordinaire puisqu’elle n’est que de 1 à 2%. Une si faible reinsertion est
du fait que les milieux protégés doivent maintenir un certain niveau de
production et par conséquent, ils maintiennent les « bons éléments » dans leur
structure.
15% en formation dont 80% en CRP et le 20% dans des structures ordinaires de
formation (c’est à dire sans suivi médico-social) telle l’AFPA (Association de
Formations Pour Adultes).

Le ministère de l’emploi et de la solidarité a inscrit dans son budget 2000, des mesures
et des moyens nécessaires au bon fonctionnement des COTOREP pour qu’elles puissent
mieux orienter et informer les personnes handicapées afin de mieux connaître leurs besoins.
Dans le CRP « Suzanne Masson », il est déploré que des formations commencent sans être à
taux plein provocant des problèmes budgétaires. Or il semble étonnant que des personnes
handicapées ne souhaiteraient pas ce genre de traitement avec assistance médicale et sociale,
dans le cadre d’une formation qualifiante. Il est soupçonné que la COTOREP oriente les
travailleurs handicapés vers les CRP au compte-gouttes, car le prix de la journée est élevé,
favorisant d’autres formes d’orientation, au détriment des prestations qu’aurait pu obtenir le
travailleur handicapé.

La création d’un CRP est souvent à l’origine, d’une initiative syndicale ou


ecclésiastique. Ils sont donc des établissements privés, gérés par des associations à but non
lucratif, et regroupé, pour un nombre d’entre eux, au sein de la FAGERH7 (Fédération des
Associations Gestionnaires et des Établissements de Réadaptation pour Handicapés). D’autres
sont publics comme ceux de l’ONAC (Office National des Anciens Combattants). Le CRP
« Suzanne Masson » fut créé en 1950 suite à une convention signée entre l’USTM8 Seine de
la CGT et la Sécurité Sociale. Les locaux actuels ont été inaugurés au siècle dernier (1981) au
41 avenue du Dr Arnold Netter Paris 12ème. Le bilan durant ses 50 années d’existence est de
13 876 stagiaires formés dont 9 000 réinsérés dans un emploi qualifié dans la profession
apprise. Elle rééduque 260 handicapés en moyenne par an dans les domaines de
l’électronique, l’automatisme et informatique ; les formations sont de niveau V (CAP BEP),
niveau IV (BAC pro) et récemment niveau III (BTS) ; elles sont homologuées par le ministère
du travail ; l’ingénierie se réalise en partenariat avec la FAGERH et l’AFPA ; l’actualisation
des besoins technologiques est entretenue principalement par les enquêtes réalisées par les
formateurs lors des visites de leurs stagiaires en PAE (Période d’Application en Entreprise)
auprès des responsables d’encadrement de l’entreprise. Le centre perçoit 1200 f par jour par
stagiaire de la sécurité Sociale ; pour obtenir l’équilibre budgétaire, il lui faut un taux de
remplissage de plus de 75%. Les orientations des travailleurs handicapés sont proposées par
les psychologues de l’AFPA avec l’aval de la COTOREP. Il est à savoir que plus de 80% des
stagiaires avant l’entrée en formation, sont au chômage depuis plus d’une année9 et que 40%
7
Elle fédère 14 associations gestionnaires et plus de 80 établissements de préorientation et de rééducation
professionnelle sur les 113 répartis sur l’ensemble du territoire.
8
Union Syndicale des Travailleurs de la Métalurgie.
9
Les conséquences du chômages sont traitées dans le chapitre suivant.

L’univers du handicap 9
L’univers du handicap

des stagiaires percevaient moins de 3600f par mois. Durant la formation, ils perçoivent
l’intégralité de leur salaire antérieur s’ils ont travaillé au moins 6 mois durant une année ou 12
mois durant 2 ans et cela, même si cette condition était établie 10 ans avant la formation ;
sinon le stagiaire ne remplissant pas ces conditions gagne 90% de l’indemnité forfaitaire :
3800f. Cette situation est rare, se sont souvent les jeunes stagiaires ayant peu d’expériences
professionnelles qui sont dans cette situation. La nature de la prise en charge est due, pour les
2/3 des stagiaires, d’une maladie longue durée et pour 1/3 suite à un accident de travail ou une
maladie professionnelle.

Les formations durent 17 mois ; elles correspondent aux formations de douze mois
d’AFPA mais avec le suivi médico-social en plus. Elles sont entrecoupées par deux Périodes
d’Application en Entreprise (PAE).

La PAE est fondamentale pour la réinsertion du stagiaire ; dans un premier temps, il


appréhende le secteur professionnel auquel il se forme techniquement ; dans un deuxième
temps, il peut obtenir une promesse d’embauche dans l’entreprise où il a effectué son second
stage d’application. Le mémoire (pour le diplôme universitaire des professionnels de
l’insertion des travailleurs handicapés) de Jean Claude Melis, concluait que c’était la
méconnaissance des travailleurs handicapés chez les employeurs comme étant l’un des
principaux frein à leur réinsertion. Ces derniers préférant verser la contribution au fond de
développement pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

Durant la formation, 20% des stagiaires sont arrêtés soit pour raisons médicales soit
pour raisons techniques ; il se peut parfois qu’il y ait des reprises de stage en cours de
formation. Le taux de réussite à l’examen est supérieur à 90%. Parmi ceux qui ont obtenu le
certificat de formation professionnelle, le taux d’accès à l’emploi est supérieur à 75% dont
90% travaillent dans la formation apprise. Le salaire moyen constaté pour les stagiaires de
niveau IV est de 50% au-dessus du smic et de 30% au-dessus du smic pour les stagiaires de
niveau V.

L’ensemble du CRP « Suzanne Masson » emploi 110 personnes dont :

 20 formateurs, 1 responsable formation pour le niveau V


 17 formateurs, 1 formateur chargé d’études pour le niveau IV et III

 12 travaillent pour le médico-social

Les locaux sont de qualité tout comme le matériel ; une cafétéria a été inaugurée en l’an
2000, pour une mise en conformité sollicitée par un inspecteur de l’AFPA lors d’un contrôle ;
l’importance est le bien-être du stagiaire et ils ne sont pas rares à déguster une boisson chaude
une demi-heure avant le début des cours, les nouveaux murmurant sur ce qu’ils étaient, avec
anciens s’exprimant sur ce qu’ils seront, dans leur nouveau métier.

L’univers du handicap 10
Le cadre qui ne dit pas à sa femme qu’il est licencié, j’en ai rencontré souvent ; qui continue à s’habiller le matin
et qui part avec son attaché-case.
Le choc du chômage

Le licenciement constitue un choc tellement massif qu’à mon avis, ça réactive des problèmes qui étaient
existants et qui… tant que la personne était dans un cadre de travail bon an mal an, elle arrivait plus ou moins à
gérer et à garder un lien social. À partir du moment où le chômage intervient soit effectivement il se trouve que
ses compétences sont complètement obsolètes par rapport au marché du travail soit même si à la limite elle
retrouve du travail, c’est un choc… je dis le choc du chômage c’est quelque chose d’assez impressionnant ;
j’accompagne ces personnes depuis des années et des années, c’est un choc qui peut vraiment réactiver des
problèmes anciens ou des pathologies latentes qui peuvent parfois, se transformer en pathologie grave ; quand je
sens que cela touche des choses lourdes, j’ai fait des formations avec des psychiatres sur toutes les pathologies
que l’on peut rencontrer, quand je décèle une pathologie beaucoup trop lourdes qui n’est pas de mon ressort de
traiter, je conseille à la personne le suivi d’un autre type. Je reste bien cadrée dans une dynamique du retour à
l’emploi ou retour à la socialisation.

Évoquer les effets du chômage est une première approche de l’apport du travail et de
ses valeurs pour l’homme. Le fait d’être chômeur ne doit pas seulement être considéré comme
une simple absence de travail, mais comme une autre façon d’être et de vivre imposée par
cette situation. Il est à souligner l’attitude ambiguë de notre société à l’égard du chômage, cela
même dans une situation de plein emploi : notre société est régie par la valeur du travail ; or,
le droit au travail n’étant pas garanti, celui qui en est dépourvu, prend une position de
demandeur vis à vis de ses droits, non attribués automatiquement –contrairement à ses
devoirs, ébauchant dans son entourage le soupçon de profiteur. Ce soupçon persiste malgré le
fait qu’entre janvier 1993 et octobre 1994, ce sont près d’un quart des ménages en France qui
ont subit l’expérience du chômage par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs de leurs membres.

Une des premières études fut « les chômeurs de Marienthal » réalisée dans un village
d’Autriche vers le début des années 1930. Cette enquête sur les chômeurs a mis en évidence
le fait que le chômage constitue une atteinte psychologique, privant l’individu d’un ensemble
de besoins et de possibilités de se réaliser. Quatre étapes communes à tous les chômeurs dans
leur ordre, non dans leur durée et leurs conséquences, ont été observées :

 L’état de choc
 L’optimisme et la motivation dans la recherche d’un nouvel
emploi
 Le pessimisme et l’anxiété
 La résignation

Le projet professionnel 12
Le choc du chômage

Ces diverses phases dégagées par cette enquête initiale sont considérées comme
toujours valables et applicables à la situation actuelle des chômeurs. Nombreuses études ont
repris ce schéma d’évolution des processus psychiques en les adaptant, dont voici les
observations.

La première phase : les chômeurs qui escomptaient obtenir un autre emploi dans un délai
de six mois, manifestaient une haute estime d’eux-mêmes, beaucoup
de confiance ainsi qu’un sentiment de satisfaction par rapport à leur
vie ; cependant, il existe un écart entre ce que rapportaient les
chômeurs interrogés et ce qu’ils ressentaient ; en effet, derrière leur
attitude imprégnée de calme pointait un ressentiment vis-à-vis de
l’employeur ou, de manière plus large, vis-à-vis du système dans
lequel ils se trouvaient.

La deuxième phase : est celle de la mobilisation optimale des ressources dans la recherche
d’un emploi ; cette phase au cours de laquelle la rancœur s’atténue
dure environ trois mois ; c’est le stade au cours duquel le chômeur
obtient le plus de soutien de sa famille et de ses amis ; il développe en
conséquence un optimisme et des efforts redoublés dans la recherche
d’un emploi, ce qui a pour conséquence de préserver son estime de
soi. Si les démarches s’avèrent infructueuses et ne débouchent sur
rien de tangible, alors surgissent des sentiments d’agressivité et
émerge un état de frustration et de culpabilité.

La troisième phase : est celle d’une remise en cause souvent douloureuse du chômeur de
sa capacité à trouver du travail ; elle dure environ un mois et demi. Elle
fait suite à l’échec des diverses tentatives de recherche d’emploi ; il
s’agit donc d’un moment de doute, de frustration et d’agressivité. Le
doute s’installe quant à la capacité à trouver encore du travail ; ce
doute va s’exprimer par une baisse d’efforts dans les recherches
engagées ou dans les contacts à prendre ; mais ce repli sur soi
engendré par le doute provoque à son tour un sentiment de frustration
et de culpabilité.

La quatrième phase : est celle du défaitisme et de la résignation ; elle apparaît lorsqu’un


individu se trouve au chômage depuis au moins six mois et elle peut
durer indéfiniment ; au cours de cette phase, l’individu ne manifeste
plus aucune motivation pour un nouveau travail ; la résignation
s’installe, accompagnée d’un isolement volontaire ainsi qu’un
désœuvrement plus ou moins marqué. Dans certains cas, la
dépression qui accompagne la résignation serait plus importante
quand un individu déploie de grandes activités, que lorsqu’il est animé
par l’amertume et le ressentiment ; en d’autres termes, plus un
chômeur se débat avec son état de chômeur et a du mal à l’accepter,
plus la réalité lui apparaîtra comme insoutenable. À ce stade, les
chômeurs ont tendance à réagir de manière rigide à une proposition
d’emploi, particulièrement ceux qui possèdent un diplôme ; ils
manifestent dans ces moments là des exigences pour occuper un
emploi strictement conforme à leur formation et se montrent les plus
réfractaires si de telles conditions ne sont pas remplies.

Le projet professionnel 13
Le choc du chômage

L’individu est marqué psychologiquement par une telle expérience. Trois effets ont été
plus particulièrement étudiés : les effets sur l’estime de soi, les effets sur l’état émotif et les
effets sur la santé mentale.

L’estime de soi : le fait d’être chômeur tend à développer globalement une estime de soi
négative. Celle-ci va évoluer en fonction de la durée du chômage. Une
telle modification de l’estime de soi intervient au cours de phases qui
définissent l’expérience du chômage ; au départ, le chômeur est en
état de choc, il va nier la réalité pendant un certain temps, mais
progressivement il fait face aux divers changements liés à la perte de
son travail, en minimisant par exemple, ce qui lui permet de croire que
sa vie reste encore la même ; en dédramatisant la situation, l’estime de
soi est maintenue car le sentiment de bouleversement créé par le fait
de se trouver au chômage disparaît progressivement. Mais une telle
situation n’est que provisoire et il réalise qu’il ne trouve toujours pas de
travail et que la situation est bouchée. Par voie de conséquence, le
niveau d’estime de soi baisse encore. C’est seulement à partir du
moment où le chômeur prend conscience qu’il n’est pas responsable
d’être chômeur, qu’il peut commencer à reprendre confiance en lui et
rechercher d’autres raisons de vivre ; dans ce cas, le chômage sera
vécu différemment, du fait que de nouveaux cadres de référence se
mettent en place. Il reste que l’image de soi est fortement atteinte par
la situation de chômage et qu’elle se dégrade à mesure qu’il s’allonge.

L’état émotif : les principaux sentiments éprouvés au début du chômage sont, par
ordre décroissant : le sentiment de nervosité, d’inquiétude, de solitude,
de désespoir, de dépression ; ces états émotionnels diminuaient avec
le temps, le chômeur finissant par s’habituer à sa situation en
banalisant ce qui lui arrive. Cette banalisation peut s’interpréter comme
une défense de son identité fragilisée par la perception négative dont il
est l’objet. Cinq stades importants ont été recensés pour saisir le lien
entre état affectif et évolution du chômage :

1. Le stade de l’affliction où interviennent de façon


décroissante les réactions émotionnelles suivantes : le
refus, la colère, le marchandage, la dépression.
2. La recherche d’emploi qui comporte un état d’acceptation,
certaines formes d’enthousiasme passager, une phase de
stagnation et de frustration puis un état d’épuisement moral.
3. La menace de l’identité ; il se manifeste par des états de
dépression et de retrait ainsi que par une remise en cause
de soi.
4. La désorganisation et de crise : il s’agit d’une période
caractérisée par des sentiments de détresse, de désespoir,
d’incertitude et d’abandon.
5. Le dernier stade étant celui de la réadaptation où l’individu
redéploie ses ressources pour faire face à la nouvelle
situation.

Le projet professionnel 14
Le choc du chômage

La santé mentale : la santé psychologique peut être considérée comme le maintien d’un
équilibre psychique basé sur la préservation de son identité, de son
autonomie et de la maîtrise sur son environnement. Lorsqu’un individu
se trouve au chômage, c’est l’identité personnelle et sociale construite
par le travail qui se trouve brisée ; pour retrouver un équilibre
psychique, le chômeur est confronté à une difficile activité pour
repenser et refaire l’image qu’il s’est faite de lui-même, pour redéfinir
ses choix de vie ; en d’autres termes, il s’agit pour lui de repenser la
façon dont il a interprété sa vie, ainsi que le contexte dans lequel elle
s’est développée. Le fait d’être au chômage affecte donc d’une
manière ou d’une autre la santé mentale et plus la durée du chômage
est longue, plus la santé psychique a tendance à se dégrader,
notamment à travers une baisse de l’estime de soi et l’émergence
d’une détresse psychologique, caractérisée par l’anxiété, la dépression
et l’amertume. Dans le CRP, plus de 5% des stagiaires sont suivis par
un psychologue.

Le chômage n’implique pas une absence d’activités. Souvent dans certaines


démarches administratives, la périphrase « sans activité » à « chômeur » est préférée. Elle
signale cette croyance sociale où il n’existe que le travail en terme d’activité. Toutefois dans
cette même dynamique, les loisirs se présentent comme une activité à part entière, mais
réservés à ceux ayant déjà une activé « professionnelle » . Les données recueillies par des
récits de vie ont permis d’identifier plusieurs façons d’être chômeur avec deux principales
formes ; la première c’est vivre sans travail ; elle désigne l’attitude de ceux qui n’attendent
plus rien et n’espèrent plus trouver de travail ; ils organisent leur vie en conséquence ; ils
cherchent à vivre à leur façon en se débrouillant comme ils peuvent. Ainsi ils chercheront à
toucher le revenu minimum d’insertion (RMI) sans le désir de se réinsérer ; le fait de travailler
étant considéré comme être exploité, même si leur revenu pouvait être grandement amélioré.
La deuxième forme est a contrario de la première, où la situation du chômage n’étant plus
vécue comme une perte du travail, mais comme une possibilité de plonger dans une nouvelle
façon de vivre, d’organiser son temps et d’entreprendre des activités telles le travail au noir,
bénévolat etc. Ce qui est recherché, c’est un nouveau mode de vie pour ne plus retourner dans
un système considéré comme aliénant. Il s’agit de refaire sa vie en mettant à profit le temps
du chômage avec des boulots de survie et faire des projets.

L’entrée en formation des chômeurs longue durée, est une véritable épreuve. Pas
question de s’inquiéter du programme, d’être dans les temps. Car en plus du chômage qu’ils
ont subit, leur identité en règle générale, est fragilisée par un processus de régression lors de
l’entrée en formation et le fait qu’une formation appelle au conflit et dissonance cognitif, est
parfois éprouvant. Le paradoxe est à confronter : leur demande d’être assisté et leur besoin
d’autonomie. L’attention du formateur dans ces premiers temps doit être maximale. Connaître
leur nom ou prénom très rapidement, afin de faciliter la communication et de les
« narcissiser ». Montrer notre confiance en eux, pour leur susciter un sentiment de
compétence dans l’acte d’apprendre ; être patient, les progrès n’étant pas linéaires. L’aspect le
plus important durant ces premières semaines, c’est l’enthousiasme du formateur faisant parti
d’un groupe où tous le monde a quelque chose à apprendre et pas obligatoirement sur le
contenu de la formation ; la salle serait un espace de vie avec ses joies et ses conflits, avec le
projet commun de s’en sortir.

Le projet professionnel 15
Silvie Fournier

Je m’appelle Silvie Fournier, je suis formatrice, je m’occupe plus spécifiquement de l’accompagnement


du projet professionnel des personnes ; j’ai beaucoup travaillé avec les bénéficiaires du Revenu Minimum
d’Insertion ; j’ai travaillé en milieu carcéral, en prison ; je travaille avec des personnes demandeurs d ‘emploi
inscrit à l’ANPE, souvent des demandeurs d’emploi longue durée et qui sont loin de l’emploi, désocialisés,
déstructurés ou dans des métiers qui ne sont plus porteurs…

J’accompagne des gens privés d’emploi depuis longtemps, dans des difficultés d’emploi, d’insertion
sociale et professionnelle, mais ici s’ajoute une donne en plus, qui est une problématique physique, une
problématique de santé, d’état de santé générale qui s’est aggravée ou d’accident de travail qui ne permet plus
d’exercer le métier d’origine… comment elle vit ça ? Généralement les personnes qui arrivent ici, faut pas
oublier que pour eux souvent ça toujours été le parcours du combattant parce que… il y a eu la période de
maladie, la période d’accident, il y a eu l’espoir de retrouver son travail, si on était attaché à son travail… puis
on se rend compte qu’on ne peut plus reprendre ce travail là… finalement quand ils rentrent ici, c’est un peu la
planche du salut ; c’est pas forcement tout à fait un choix, c’est une solution par défaut. L’essentiel de mon
travail, c’est de dire toujours dans l’objectif professionnel, effectivement vous êtes là, on va pas changer les
donnes, mais qu’est ce l’on peut faire dans ce cadre ? Comment pouvez-vous vous redonner ou vous donnez une
possibilité de choix ?

Silvie possède aussi une expérience professionnelle en tant que peintre en bâtiment.
Elle est master en PNL ; de ce cursus elle a élaboré « les critères et les valeurs de travail».
Elle a fondé une association loi 1901, « Les Compagnons D’Athanor10 ». C’est à ce titre
d’intervenante extérieure, qu’elle agit au sein du centre « Suzanne Masson ».

10
12, Bd Saint-Jacques, 75014 Paris, Téléphone : 01 43 36 68 61

Le projet professionnel 16
Typologie de stagiaires

Tu as des stagiaires qui avaient toujours rêvé de faire de l’électronique ou de l’informatique. Ce n’est
pas forcement eux avec qui on arrive à accompagner vers l’emploi. Ils sont trop en projet et souvent on a un peu
tendance à passer à côté. C’est le cas type des gens qui avaient voulu faire de l’informatique, qui est un peu
autodidacte en informatique, qui a bidouillé un peu tout seul et qui « chouette je vais pouvoir me qualifier en
informatique », mais il magnifie un petit peu ce qu’il pourra trouver et quand tu lui dis tu es technicien de
maintenance en informatique, il s’effondre un petit peu parce qu’il avait des connaissances un peu en pagaille
alors qui pensait un peu être ingénieur en informatique… Je fais toujours attention aux gens en informatique qui
arrivent et qui connaissent déjà ; quand tu as un rêve de vie tout d’un coup on te donne la possibilité de le réaliser
! Il faut construire quelque chose quand même qui soit cohérent, compatible avec ce vers quoi tu peux prétendre
à l’issu de la formation ; cela ne veut pas dire qu’après tu ne pourras pas progresser dans des formations
internes… Alors au départ ils sont enthousiastes, il drive le groupe : « on va sortir de là, c’est l’Amérique, les
métiers de pointes » Et puis il y a la réalité extérieure qui est… c’est quand même pas… c’est des boulots
superbes. Tout d’un coup on te donne la possibilité de transformer ton hobby en métier ; mais il y a un peu un
décalage entre le rêve, entre ce que tu as investi dedans, au niveau affectif, au niveau réalité…
Qui possède le savoir, possède le pouvoir. Dans le cas de l’autodidacte en formation, certaines
conditions l’amènent à contester ce statut omniprésent des formateurs. Bien que décrié, le cours
magistral demeure dans l’apparence de méthode active : distribution de travaux pratiques identiques à
tous, les savoirs théoriques (cours, manuels, dictionnaires) proviennent du centre ; méfiance des
logiciels venant de l’extérieur voire interdiction ; seules les revues spécialisées dérogent à la règle,
cependant elles viennent de l’initiative du formateur. Bien que rassurante, dans les premiers temps,
cette méthode devient rapidement étouffante pour les amateurs et n’encourage pas l’émancipation des
débutants. Au bout du compte, elle rassure le formateur maîtrisant les quelques difficultés de ses TP.
Dans la pratique de mon expérience, en parallèle avec le contenu de la formation, j’incitais les
stagiaires à apporter des articles qu’ils jugeaient intéressants et je les photocopiais pour l’ensemble du
groupe ; les vendredis après-midi étaient « libres », certains (beaucoup à la fin) apportaient leur
« bécane » et ils plongeaient dans les arènes des circuits électroniques modifiant la configuration, la
dépannant (compétences primordiales exigées à la fin de la formation) ; un ordinateur était disponible
pour l’essai de logiciels externes et avec, à la clef, une démonstration à l’aide du retro-projecteur d’un
logiciel probant du stagiaire (compétence importante). Cette dynamique faite de découvertes, me
permettait de signaler mes erreurs aux stagiaires (pas facile pour l’ego…) lors de manipulations avec
un nouveau produit, du pourquoi je me suis trompé et surtout du comment je m’en suis sorti lors de
situations parfois délicates. Les difficultés de cette méthode sont la gestion du temps et le maintien de
la cohérence du groupe ; mais elle apporte un dynamisme où les « bons » et les formateurs sont des
pairs encourageant les moins audacieux à mettre « la main à la pâte ». Autre avantage : tandis que
certains « bidouillaient » le vendredi, j’étais totalement à la disposition de ceux qui souhaitaient un
retour sur le contenu de la semaine, consacrant plus de temps à leurs difficultés.

Le projet professionnel 17
Typologie de stagiaires

Il y a ceux qui n’ont jamais rien choisi, où en 4ème tu ne suis plus trop bien… « alors mon petit gars tu
feras plombier ou bien pâtissier » ; bon finalement il se retrouve un peu dans une situation un peu similaire où il
n’a rien décidé. Il est relativement passif pour s’engager dans quelque chose qui quand même met en jeu tout son
avenir de vie, de son avenir professionnel ; ce qu’il faut c’est relancer cette dynamique et cette possibilité qui
sont en mesure d’habiter un projet qui soit son projet, qui se mettent en projet et souvent ils ne sont pas
forcement en projet. Donc après tout ils sont là et puis c’est pas si mal parce que bon en plus, c’est pour ça que je
dis qu’il faut bien repérer tout ce parcours, douloureux, difficile, plein d’embûches, plein de difficultés qui a pu
durer très longtemps souvent 2, 3 ans voire plus avant de se retrouver ici… on t’a présenté ça, j’y vais mais de la
même façon quand en 4ème on m’a orienté en apprentissage. Pour ces personnes là, c’est de leur dire, bon on est
plus du tout dans une logique scolaire, les gens qui sont ici, ne sont pas profs, vous êtes entrain d’appréhender un
véritable métier technique mais ce qui serait intéressant c’est que vous puissiez l’habiter ce projet. Que cela soit
vous qui décidiez à l’intérieur des possibilités qui vous sont proposées, le type de métier, le choix de métier, que
vous travaillez un petit peu sur ce que vous pouvez souhaiter pour une fois dans votre vie faire comme type de
métier ou quel type d’environnement professionnel vous pouvez avoir envie de rencontrer. « Bah ! moi je ne sais
pas… »

À t’on réellement les moyens de posséder des projets professionnels ? Plus


précisément, à quoi tient un projet professionnel ? À des actionnaires comme chez Danone ?
Ces stagiaires ont subit la réalité très tôt : il faut s’insérer dans un des moules proposés par la
société et attention, il n’y en aura pas pour tout le monde. Un individu ne peut exister sans
projet, le danger c’est qu’il soit professionnel. Effectivement cette dynamique de projet
provoquera chez certains stagiaires, une réelle motivation pour réussir le stage, croyant qu’ils
trouveront « un costar à leur mesure  ». Cependant il existe un problème éthique : derrière le
« bah ! moi je ne sais pas » se présente une défense de l’individu face à la société. Son vécu
l’a mené à se méfier du futur, de ses souhaits, de se résigner. Durant ce travail de projet, il
oubliera, petit à petit ses craintes, se laissant aller à se projeter dans un métier qu’il souhaitera
exercer. Se projetant, motivé, il apprendra mieux, décrochant son certificat professionnel, il
trouvera un travail, celui qu’il a choisi. Que se passera t-il si le stagiaire reperd son emploi
pour des raisons économiques ? Qui sera là pour le soutenir d’un tel cuisant échec ? N’est-il
pas plus raisonnable de vivre avec l’idée d’être dans un désert économique et s’y adapter, que
de détourner ces victimes vers de possibles mirages ?

Le projet professionnel 18
Typologie de stagiaires

Tu as des stagiaires qui étaient dans des métiers qu’ils aimaient. Avec aussi une catégorie de personne
qui sont des gens qui étaient dans des métiers très identifiés en termes de valeurs et de mode de fonctionnement.
Tu as typiquement le chauffeur routier, c’est un profil de personnalité particulier ; c’est souvent des gens parce
qu’ils aiment bouger, ils aiment bien les horaires décalés, ils aiment bien être seuls, ils ont pas de patron sur le
dos. Tout le monde ne choisit pas d’être là… eux ils ont bien choisi d’être chauffeur routier et tout d’un coup ils
se trouvent entrain de préparer un travail où dans un premier temps ils s’imaginent qu’ils vont être dans un
atelier, et ben ça coince. Ici, il y a une forte population d’origine portugaise pour qui la valeur du travail est très
forte. Généralement quand ils viennent du bâtiment, l’amour du travail bien fait, l’application dans son travail,
mais où en même temps le travail quelque part cela doit être dur, ça doit être physique, il y en a qui me disent :
« moi, on va reconnaître que je suis un gars bien, parce que j’ai porté du poids toute la journée que je suis un peu
dégueulasse que j’ai les mains sales, que j’ai pris de la pluie sur la gueule, je suis un homme ; alors ne me
demande pas d’aller câbler des trucs dans un atelier, c’est un travail de femmelette. »
Ces derniers propos relatifs aux ouvriers du bâtiment, raisonnent en accord avec ceux de
Christophe Dejours11 dans ses recherches en psychodynamique du travail (anciennement appelé
psychopathologie du travail). Il constata cette virilité exacerbée, redoublée de comportements
dangereux durant les exercices des fonctions de ces ouvriers (manquement aux consignes de sécurité,
prises de risques inutiles, le non-port de gants ou casque de sécurité, etc.) qui font d’eux, au premier
abord, des êtres inconscients du danger, à l’esprit machistes (faut en avoir !). Les conclusions du
chercheur consistent au fait que ces « Hommes » ont parfaitement connaissance des dangers de leur
profession, pouvant les mener, dans les cas les plus graves, à la mort 12. Mais cette connaissance est
invalidante dans l’exercice de leur profession. En conséquence, ils élaborent collectivement, une
stratégie défensive ayant pour finalité de nier le danger. Ces stratégies consistent à inverser
symboliquement le rapport au risque: « je me tiens en équilibre sur une poutre sans harnet de sécurité,
car je veux créer l’insécurité et non la situation. ». Le danger est mentalement insoutenable à gérer. Ne
serait-ce qu’enfiler des gants, cet acte rappelle ce danger constant. Et celui qui n’adhère pas ou qui
n’adhère plus, ne peut travailler et est exclu. Et si un ouvrier meurt suite à un accident où il n’a pas
respecté les consignes de sécurité : « c’est qu’il a bien voulu » ; en conséquence pour le collectif, le
déni du danger est maintenu puisque mourir serait un acte volontaire. Une autre conclusion de ses
recherches, concerne le fait que l’on n’est pas ouvrier seulement dans le cadre du travail, on l’est tout
le temps et ceci est valable pour toutes professions (qui ne connaît pas un professeur expliquant des
trucs et des machins à deux heures du matin à ses amis). Ces ouvriers en reconversion professionnelle,
conservent ces processus défensifs qui possèdent aussi un rôle identitaires à un groupe, à un passé. Il
est naturel que leur demande consiste à retrouver un tel milieu viril ; mais il n’en est rien en terme de
besoin et les métiers issus des formations du CRP, ne débouchent pas sur de telles conditions. Cette
parcelle de leur vie se détachera d’eux avec le temps ; le temps de travailler dans un autre milieu.

11
Professeur en psychologie du travail au CNAM.
12
Deux ouvriers se sont tués lors de la construction de la Très Grande Bibliothèque ; ces informations sont peu
répandues ; serait-ce tabou dans notre société, que des gens meurent sur des chantiers ?

Le projet professionnel 19
Les critères et les valeurs de travail

Il y a deux axes : d’aller les aider à être à l’extérieur voir la réalité des environnements professionnels
qu’ils ne soupçonnent pas, et en même temps de faire avec tout ce travail que moi j’appelle le travail sur les
critères, qui est qu’ils élaborent quels sont les éléments qui peuvent leur permettre d’évaluer, de décider, choisir
un métier, un poste, un type de travail qui va être bon pour eux. Le chauffeur routier je vais l’aider à pouvoir
évaluer, réfléchir sur qu’est ce qui faisait que son métier lui plaisait tant. Quels étaient les paramètres qui
faisaient que ce métier là, l’aimait et qu’il pense qu’il ne pourra pas en faire un autre. Et tu leur fais le parallèle
avec des situations professionnelles existantes en électronique ou en informatique ; ils pourront faire le deuil de
leur métier chauffeur routier, parce que ce n’est pas chauffeur routier en soi souvent, c’est qu’est ce qu’il leur
permettait comme conditions d’exercice du travail, en quoi ils se retrouvaient eux avec leur personnalité, leur
façon de vivre, leur mode de vie. Ils peuvent tout à fait devenir technicien de maintenance en travaillant sur site ;
ils s’en foutent de travailler jusqu’à onze heure du soir, ce n’est pas un problème. Faut à la fois croiser comment
je peux habiter un projet, la réalité des environnements professionnels, les conditions d’exercice de ces
professions plus que les conditions de travail ; est-ce qu’ils exercent d’une manière autonome, en atelier, est ce
que l’on bouge, est ce que l’on est autonome, tous ces critères là qui sont plus des conditions d’exercice du
travail, des façons de faire, des façons de pouvoir vivre un métier, en quoi c’est compatible avec leurs critères
qui sont à eux où ils peuvent être bien quelque part, à quel projet ils vont pouvoir adhérer. Il faut croiser tout ça.
Il faut qu’ils aillent dehors pour voir tout ça. Il y a à la fois un travail d’élaboration de leurs propres critères de
travail et la rencontre de ces critères, à l’extérieur. Cela veut dire qu’ils soient suffisamment convaincus d’un
projet pour aller à l’extérieur convaincre un employeur qu’ils sont la bonne personne non seulement en terme de
technicité, mais qu’ils aient aussi la personne adéquate pour ce poste là et ce métier là. Cela veut dire qu’il est
suffisamment convaincu de son projet pour aller le porter à l’extérieur.

Le projet professionnel 20
Les critères et les valeurs de travail

Par le biais « des critères et des valeurs de travail » Silvie sensibilise chez les
stagiaires leurs modalités d’être et d’agir dans le métier qu’ils souhaiteraient intégrer. Dans le
même registre, Jacques Perron13 a élaboré un questionnaire de valeurs de travail (QVT)14. Cet
outil est destiné aux psychologues, aussi les propos qui suivent ont pour objectifs d’informer
quelles sont les principales valeurs de travail retenues par les spécialistes de l’orientation et
l'étendu des résultats regroupés par ce questionnaire

Le but est « de mesurer de façon valide et fiable et sous forme de regroupements
homogènes, la valeur accordée aux modes d’être et d’agir les plus caractéristiques de la
réalité du travail ». Après de nombreuses recherches, Il est constaté qu’ils existent cinq
valeurs prédominantes que les individus recherchent à des degrés divers dans le travail :

 Le statut est composé d’énoncés évoquant le fait d’être admiré(e), populaire,


reconnu(e) et influent(e), d’exercer l’autorité et d’avoir un poste et un revenu
élevés.
 La réalisation est représentée par l’importance de faire preuve d’imagination,
de découvrir des choses nouvelles, d’élargir ses connaissances et de
s’exprimer par son travail.
 Le climat porte sur le fait d’être compris(e) et accepté(e) par ses collègues,
sur l’importance de travailler dans un milieu agréable et bien organisé et de
partager ses tâches avec des personnes compétentes.
 Le risque est représenté par des énoncés évoquant des difficultés à
surmonter, des risques à prendre, des défis à relever et par l’importance de
faire preuve d’audace dans un milieu compétitif.
 La liberté est décrite en termes d’autonomie, d’indépendance et d’importance
de s’affirmer comme individu en se distinguant des autres.

Le questionnaire est constitué de 68 items mesurés entre 1 et 6, fournissant un score


final de 10 à 60 pour chaque valeur de travail plus un score de déviance. Ces scores sont
classés comme faible, moyen ou fort. L’ensemble procure deux indications : l’intensité avec
lequel le sujet valorise chacune des dimensions et la variation des différents scores. Les études
sur le QVT, a donné naissance au QVTI et QVTP. C’est deux fois le même questionnaire,
utilisé pour deux intentions différentes. Pour le QVTI, il s’agit de répondre pour chaque item
de « presque pas d’importance=1 » à « très grande importance=6 » ; pour le QVTP par
« pratiquement pas probable=1 » à « tout à fait probable=6 ».

Le rapport entre l’importance de chaque valeur de travail accordée par le sujet et leur
probabilité subjective respective accordée par ce même sujet, indique une des quatre attitudes
de l’individu envers ces cinq valeurs : indifférent, résigné, pessimiste ou optimiste (ex :
Liberté est fort dans le QVTI et faible dans le QVTP, l’attitude est pessimiste). L’ensemble
des attitudes regroupées indique « l’estime de soi » global du sujet et l’état plus ou moins
élevée de sa motivation.

Dans le QVTI, les différents classements d’importance accordée pour chaque valeur
de travail (ex : le statut est fort tandis que le risque est faible), définit sa variation allant de
très différenciée à plat (toutes les valeurs ont la même importance), esquissant ainsi, un profil
du sujet vers certains types de métiers.

13
Professeur en psychologie à l’Université de Montréal.
14
Le questionnaire est achevé depuis 1986.

Le projet professionnel 21
Les critères et les valeurs de travail

C’est un travail assez fin. Il faut bien rester dans le cadre d’un projet professionnel où comment la
personne va pouvoir identifier qu’est ce qui fait que quelque chose est valable, donc à de la valeur. Pour qu’ils
comprennent la notion de critère j’emploi un exemple de la vie courante : qu’est ce qui va faire que toi tu vas
choisir un restaurant ? Tu vas décider, tu vas me dire « tiens, je suis allé au restaurant, je te le conseille. » Tu vas
me sortir fatalement, un certain nombre d’adjectifs, qui sont des critères ; parce qu’il y a un bon accueil par
exemple, Accueil démontre que toi tu es sensible à la communication, et si on croise ce que chacun dans un
groupe, par exemple il y a eu cinq qui en premier ont mit accueil, on se rendra compte que derrière accueil, si on
redivise encore, ils ont pas les mêmes critères, pour pouvoir dire qu’un accueil est un bon accueil ; par exemple,
il y en a un qui va dire que pour moi l’accueil c’est quand je rentre quelque part, il y a quelqu’un de chaleureux,
je me sens admis dans quelque chose, dans un cercle ; un autre va dire parce que le cadre fait que les gens qui
tiennent le resto, veulent que les clients s’y sentent bien ; un autre va dire parce qu’il y avait des jolies nénettes
avec un super sourire et une mini-jupe ; puis un autre va dire parce qu’on m’a accompagné à ma place, on venait
tout le temps me voir si j’avais besoin de quelque chose, le patron est venu me parler ; c’est toujours derrière tout
ça, la relation à l’autre. Donc il y a des chances qu’une personne comme ça, elle va certainement aller vers un
projet où elle n’est pas toute seule à une table entrain de câbler. Un autre va dire parce que la table était bien
mise comme ça, que j’ai bien ce que j’avais demandé dans mon assiette, tu peux te dire qu’à priori c’est
quelqu’un qui est dans des processus auditifs, il est dans le détail, dans les séquences, il fera probablement un
très bon électronicien. Alors tu commences à repérer les modes de fonctionnement des critères de chacun. Après
il faut leur faire comprendre qu’un critère n’a de signification qu’à l’intérieur d’un contexte, c’est pour cela que
je prends un restaurant. Tu vas peut être avoir des critères transversaux à propos de situation de ta vie, mais tu
peux avoir des critères que tu veux retrouver dans le travail et pas ailleurs. Un critère doit être contextualisé
sinon il n’a pas de sens.
Cette méthode isole l’ancien métier, pour y extraire l’essence de la relation que possède
l’individu avec son besoin de conditions d’exercice du travail. Le stagiaire élabore son projet, avec
l’accompagnement et l’écoute attentive de la formatrice. Pas de « plan sur la comète » non plus, il
s’agit de confronter parallèlement ses désirs aux réalités du marché du travail.

Le projet professionnel 22
La motivation

C’est comme des poupées russes

Schéma proposé par Silvie à ses stagiaires

Dans un environnement, un contexte tu agis, tu te comportes, tu choisis un resto, tu rentres dans le resto,
tu bouffes dans un environnement où ? quand ? avec qui ? qu’est ce que fais ? Pour agir d’une certaine façon il
est bien évident que tu mets en jeu des capacités et des aptitudes ; tu mets en œuvre des comportements et des
actions en fonction de ton système de référence et de tes motivations. Et c’est là dessus que l’on peut jouer. Le
noyau c’est « Qui suis-je ? » ; je leur explique bien, que l’on ne va pas jusque là. Tu te rends compte, qu’à
l’inverse tu peux jouer sur la motivation, donc sur le choix en faite et bien tu peux dégager de nouvelles
capacités, de nouvelles aptitudes qui vont te donner de nouveaux comportements dans des contextes donnés. Si
t’apprends avec plaisir, si tout d’un coup, t’es motivé par ce que tu apprends, il est bien évident que ta motivation
c’est absolument vouloir saisir ce que tu es entrain d’apprendre ; donc tes capacités, tes aptitudes elles vont être
complètement différentes, donc ta mobilisation de comportements à apprendre va être autre, dans un contexte de
l’apprentissage. C’est sur cela que je travaille avec eux. Pour qu’ils puissent être motivés, qu’ils adhèrent à un
nouvel apprentissage qui va déboucher sur un nouveau métier, il faut que leur motivation repose sur quelque
chose, et la motivation elle va reposer sur le fait qu’ils peuvent être sûrs à la sortie, qu’ils vont trouver un costar
à leur mesure. Donc de pouvoir élaborer des critères de choix du métier, de l’environnement professionnel de la
situation professionnelle, qui va leur convenir. Donc cela joue même sur la capacité à apprendre ici. Et de leur
aptitude à pouvoir rencontrer quelqu’un pour le convaincre qu’il est le bon salarié pour le poste.

« la motivation désigne l’ensemble des mécanismes biologiques et psychologiques qui


permettent le déclenchement de l’action, l’orientation, l’intensité et la persistance. »

Le projet professionnel 23
La motivation

Il existe plusieurs courants pour expliquer le concept de motivation. B. Weiner (1992),


les a répartis en deux clivages qui sont « l’Homme-machine » et « l’Homme-dieu » ; pour
l’un, l’Homme est fondamentalement agi par des causes qui le dépassent, telles que des forces
inconscientes (psychanalyse), des stimuli ( behaviorisme), des déterminations sociales
(sociologie classique). Pour l’autre, l’Homme est pleinement conscient et rationnel. Ce
courant a proposé depuis la seconde moitié du XXe siècle, des théories cognitives de la
motivation. J. Nuttin (1980) présente une vision de la motivation humaine caractérisée par la
recherche intentionnelle du progrès à travers la construction de buts, plans et projets
personnels. La spécificité de la motivation humaine est le dynamisme d’autodéveloppement et
la directionnalité. Par le dynamisme d’autodéveloppement, le chercheur suggère qu’il ne soit
pas nécessaire d’avoir de stimulation pour entrer en action (contrairement à la théorie
béhavioriste), car il existe une tendance inhérente au fonctionnement humain, à progresser
vers des buts personnels de plus en plus avancés, contrairement au fonctionnement animal ou
à celui de l’ordinateur, reproduisant des cycles d’actions préprogrammés. Par la
directionnalité, l’individu s’avère capable de se donner lui-même des orientations, des
finalités pour déclencher, modifier et réguler ses actions, contrairement à un animal. Toutefois
la notion la plus importante, qui tranche sur le monde animal et l’univers des machines, est la
perspective d’avenir. Elle est la condition sine qua none, dans la construction des buts
personnels s’inscrivant inévitablement dans un horizon temporel à plus ou moins long terme.
Un lien est possible avec cette notion et celle d’anticipation du renforcement à propos de
l’apprentissage.

Pour saisir ce concept d’anticipation du renforcement, un détour chez Y. Pavlov et ses


successeurs est le bienvenu. Ce physiologiste russe a découvert vers la fin du XIX siècle, le
conditionnement. Lorsque l’on répète le couplage de deux excitants, l’un nouveau comme un
signal sonore, l’autre de la nourriture pour le chien, on s’aperçoit au bout de plusieurs
dizaines de répétitions, que le signal sonore déclenche la salivation avant même la présence de
la viande15. Ce son est devenu, par le couplage et la répétition, un excitant conditionné. La
suite des recherches montre que le conditionnement ne se fait que si le couplage est suivi
d’une récompense, appelée renforcement.

15
Tandis que l’apprentissage avec un renforcement négatif (ex : choc électrique) conditionne l’animal après le
premier ou deuxième choc. C’est observable chez les individus ayant certaines peurs tel l’automobile après un
accident.

Le projet professionnel 24
La motivation

C. Hull ajoutera qu’il faut un besoin pour que le renforcement ait un effet. Les rats
apprennent d’autant plus vite que le besoin est fort (la faim) et que le renforcement (la
nourriture) est donné à la fin de chaque essai. Cependant dans la nature, l’adaptation ne peut
se faire que sur le modèle d’essais-erreurs, car de nombreuses erreurs seraient fatales, par
exemple manger une plante toxique. De ce fait, il faut tenir compte de l’apprentissage social.
Miller et Dollard ont entraîné un rat « leader » à recevoir de la nourriture dans une branche
d’un labyrinthe en forme de T. Dans la deuxième phase, un rat naïf est placé derrière le rat
leader à chaque essai. On observe que le choix du rat naïf se fait au hasard, il ne suit pas
spontanément le démonstrateur : l’imitation n’est pas innée. Dans la troisième phase, le rat
naïf est renforcé par de la nourriture chaque fois qu’il prend la même allée que le
démonstrateur ; au bout de plusieurs essais, le rat naïf devient imitateur. L’anticipation du
renforcement (ou anticipation symbolique du renforcement)16 tel que le désir d’une promotion
professionnelle, une augmentation possible, est un levier puissant dans l’apprentissage. À titre
d’exemple, les jeux d’argent devraient selon le renforcement négatif (on perd plus que l’on ne
gagne) résigner les joueurs même les plus « inconditionnels » ; or c’est bien l’attrait
hypothétique du gain qui maintient la motivation. L’anticipation du renforcement (l’idée du
gain), se montre plus puissant que le renforcement immédiat (la perte continuelle d’argent).
Par cet exemple, nous comprenons l’importance d’un projet pour le stagiaire ; sa projection le
motivera pour maintenir le cap malgré les difficultés rencontrées durant la formation.

Toutes ces motivations ci-dessus sont de types extrinsèques. C’est à dire que
l’apprentissage est motivé par un élément extérieur du savoir à cristalliser. C’est le fameux
adage « La carotte ou le bâton » où le stagiaire peut être pris pour un âne... Le renforcement
est le propre de toutes formes motivations extrinsèques ; cependant il ne faut pas en abuser,
cela provoquerait un effet Crespi17, où les performances diminuent.

Loin des chocs électriques ou bananes, H. Harlow découvrit avec les singes, le besoin
de curiosité. Dans une cage fermée, chaque singe doit apprendre à discrimer un carton bleu
d’un carton jaune et lorsqu’il appuie sur le bon carton, la récompense est l’ouverture d’une
fenêtre avec vue sur une pièce où différentes « animations » sont prévues (ex : un train
électrique). La récompense n’est donc pas, comme à la mode behavioriste, de la nourriture,
mais une stimulation cognitive. L’expérience peut durer un mois sans satiété. H. Harlow de ce
fait, oppose les motivations d’exploration (motivations intrinsèques) aux besoins
physiologiques et homéostatiques.

La motivation intrinsèque se nourrit d’elle-même ; le plaisir d’apprendre les échecs à


titre d’exemple. Elle ne provient d’aucune contrainte, elle est de la volonté du joueur à
s’améliorer dans la discipline qu’il a choisi. On parlera d’autodétermination. Son antonyme
est la résignation (appelé aussi amotivation). Rappelons qu’elle est contraire à la nature
humaine et animale, qu’elle est conditionnée lorsqu’il n’est plus possible de percevoir de lien
entre nos actions et l’environnement qui nous entoure. Tel est le cas du chômeur longue
durée.

16
Ce renforcement est propre à l’Homme.
17
Nom du chercheur ayant découvert que des rats habitués à recevoir une forte récompense avaient une chute de
performance lorsqu’ils recevaient une quantité normale de nourriture.

Le projet professionnel 25
La motivation

Comportement autodéterminé

Motivation intrinsèque

Motivation extrinsèque

Amotivation
Absence d’autodétermination

La motivation vue comme un continuum en fonction de l’autodétermination


Schéma inspiré de la théorie de Deci & Ryan 1985

Les divers renforcements (ex : projet professionnel) ont un effet sur cette motivation :
négatif ! Plusieurs expériences l’ont démontré18. Tout type de renforcement est nuisible car
par essence, l’intérêt suscité par l’apprentissage n’est pas le fruit de conditions extérieurs mais
l’amélioration ou l’appropriation de nouvelles compétences de la discipline choisie par le
stagiaire. Ainsi le passionné subit le projet professionnel qui va à l’encontre de sa motivation.
Un schéma résume quatre comportements possibles, selon la compétence perçue du stagiaire
et le degré de son autodétermination :

18
Voir « Motivation et réussite scolaire », Lieury, P28-32.

Le projet professionnel 26
La motivation

Comment l’intégrer dans un projet professionnel ? Pour trouver une réponse, revenons
à nos joueurs d’échecs. Lorsque les grands maîtres, maîtres d’échecs ont commencé à jouer,
ce n’était pas dans l’objectif d’être un champion. Cependant, après un certains nombre
d’années, il s’est avéré qu’ils pouvaient, grâce à leur niveau d’expertise, devenir
professionnels. De ce sentiment de compétence, apparaît le projet de lier l’utile à l’agréable.
L’autodétermination et le sentiment de compétence sont deux éléments dans la persévérance
du projet.

La motivation selon deux composants


Schéma inspiré de la théorie de Deci & Ryan 1985

Deux conclusions s’imposent de ce schéma :

 Un programme pédagogique trop rigide sera perçu comme une contrainte ayant
pour conséquence une baisse de la motivation. Il faut laisser une marge au
stagiaire dans le choix de son apprentissage. Elle peut être sous la forme du
« Vendredi après-midi » laissant les stagiaires libres dans leur exploration où le
formateur est une ressource et non un animateur.
 Les évaluations doivent être centrées sur la tâche (ou but d’apprentissage) en
valorisant l’effort du stagiaire19 qui, améliorant ses performances, accroît un
sentiment de compétence. De plus, par la progression de ses résultats, il perçoit
les erreurs comme des informations pour progresser.

Pour compléter, l’observation entre un passionné et un stagiaire peu motivé, prouve


qu’à long terme, la motivation est un facteur important au même titre que la capacité
d’apprentissage elle-même.

19
Il existe l’évaluation centrée sur l’ego. Il s’agit d’une comparaison de soi par rapport aux autres, telles les
évaluations d’élèves de classes préparatoires aux grandes écoles.

Le projet professionnel 27
La reconnaissance et l’estime de soi

Il y a des résistances dans la mesure… faut y aller très soft. Bon vous êtes là, vous allez pas laisser
passer cette chance là et c’est là où les deuils peuvent se faire, parallèlement il y a tout le travail de deuil si la
personne peut se dire qu’elle va retrouver les mêmes critères de son ancien métier, elle va se mettre à apprendre
autrement, ses motivations vont être autres, donc ses capacités, ses aptitudes à l’apprentissage vont être autres,
son action va être autre, elle va être motivée, elle va plus péter les plombs. Dans cet environnement, contexte
d’apprentissage, elle va en faire quelque chose de son apprentissage, du coup son deuil va se faire, sa santé va
s’améliorer, sa capacité à apprendre va s’améliorer. C’est vrai que tu as des résistances, tu as des moments où ils
te disent : « Tu me fais chier !». J’ai l’habitude de ça. Mais tu as toujours un moment, un petit noyau qui se dise :
on est là pendant 17 mois, faut que j’en fasse quelque chose, ils se rendent bien compte que s’ils peuvent jouer
sur leur motivation, ils voient bien que petit à petit l’horizon s’élargie. Parallèlement ils vont aller voir dehors,
des contextes d’emploi et cela pendant 17 mois. J’avais un Portugais qui était très remonté et bien lui, pour lui
montrer qu’il y avait des Hommes avec un grand H dans l’électronique, on s’est dépêché à lui présenter une
entreprise que l’on connaît diriger par un Portugais. Ils ont discuté d’homme à homme. « J’ai rencontré des
hommes en électronique. » Il a rencontré des critères de travail qui pouvaient être identiques avec son ancien
métier. Tout d’un coup il ne parlait plus que de ça, il fallait qu’il en chie, il a essayé d’être le meilleur dans
l’électronique, d’aller le plus loin possible, c’était une autre façon d’être un homme et d’exister. La motivation a
joué sur l’apprentissage. Si t’arrives à te dire « je peux élaborer un projet qui est mon projet, qui est mon choix,
qui va tenir compte de mes critères de choix d’environnements professionnels, c’est mon projet », tu y adhères.
Un petit gars qui disait au début je ne sais pas écrire, après il a commencé à écrire les lettres en bâton, il savait
écrire plus qu’il ne le croyait, à la fin il faisait des lettres en attachées comme il disait, il mettait 3 heures à les
faire mais il pouvait s’exprimer à l’écrit, on n’a jamais fait de remise à niveau en français. Il avait dépassé cela,
ce n’était pas important, ce qu’il avait besoin d’écrire, il l’écrivait. Pareil son métier c’était la cordonnerie
artisanale. Il a fait le deuil de la cordonnerie parce qu’il a retrouvé dans l’électronique, des choses aussi précises,
des choses aussi minutieuses, il s’est retrouvé dans quelque chose autour de la dextérité, autour de la finesse du
travail. Au début, il nous ramenait des chaussures que faisait son père et à la fin c’est lui qui apportait des
montages électroniques à son père. Et combien de fois il a pété les plombs : « j’en ai marre, je vais retourner à la
cordonnerie, il y a que la cordonnerie qui existe » et puis tout d’un coup, il a retrouvé tous ses critères dans
l’électronique.

Une reconversion est accomplie lorsque les composantes psychoaffectives sont


« heureuses ». Une formation propose les conditions d’une reconversion mais pas la
reconversion elle-même. Celle-ci se réalise au sein du monde professionnel, parmi des pairs,
des supérieurs, voire des clients par le biais de deux principaux jugements :

 Le jugement d’utilité :

Ce jugement fondamental porte sur l’utilité sociale, économique ou


technique du travail fait par l’individu sur le terrain. Il est avant tout
formulé par les supérieurs hiérarchiques et par l’encadrement qui sont les
mieux placés pour estimer la qualité du travail effectué. Il peut se résumer
à : « C’est du bon boulot » entendu comme résultat final du travail fourni
par le sujet et non dans la manière pour l’obtention de celui-ci.

Le projet professionnel 28
La reconnaissance et l’estime de soi

 Le jugement de beauté :

Il juge la conformité du travail de la production, de la fabrication ou du


service selon le respect des règles de l’art. Il est important de saisir que le
jugement porte uniquement sur le travail, les savoir-faire, savoir-être et non
sur l’individu qui l’a produit. Ce jugement est rendu par un ou des pair(s).
Et ce sont ces homologues du terrain qui trancheront. C’est le jugement le
plus important pour l’individu. Car cela implique non seulement la
reconnaissance de ses compétences mais son intégration au sein d’un
groupe. Une fois identifié comme un semblable, l’individu cherchera à
quoi il se différencie des autres ; que son œuvre n’est tout à faite semblable
aux autres ou que sa façon de pratiquer diffère sensiblement ; tout ce qui
fait qu’il n’existe pas deux comme lui.

Le travail participe grandement à la construction de l’identité de l’individu par la


reconnaissance et l’accomplissement de soi.

Nous comprenons à quel point les stages en entreprise sont fondamentaux pour
effleurer ce processus. Un stage réussi n’est pas l’acquisition de nouvelles compétences (c’est
un plus) pour le stagiaire, mais que celui-ci ait été reconnu par de futurs pairs ; L’« estime de
soi » du stagiaire suite à sa reconnaissance dans le milieu professionnel est augmenté,
corollairement sa motivation aussi. Mais c’est le moment le plus risqué : le refus du milieu
professionnel laisse peu de chances de réussite pour la suite de la formation. En conséquence,
les formateurs sont très soucieux de l’environnement que le stagiaire rencontrera durant le
stage ; être parmi de futurs homologues est la situation la plus propice de reconnaissance de
soi mais attention, leur jugement est des plus graves, car il est sans appel.

Le projet professionnel 29
Le sens dans l’accompagnement

Peut être que s’il n’y avait pas eu ce travail sur les critères, je ne sais pas s’il se serait penché avec la
même précision sur ce qu’il recherchait et souhaitait retrouver dans le nouveau métier. Ce travail est porteur de
sens. Ce n’est plus « je suis là, parce que je suis cassé »… de perte de sens dans sa vie. Mais il faut vraiment que
ce soit le stagiaire qui fasse cette démarche. Moi je ne fais qu’accompagner cette démarche, je ne suis pas à la
place de. C’est un peu comme des pièces de puzzle qui se construit et tout d’un coup, il y a un sens qui est
évident. Parfois on tâtonne sur une pièce, sur une autre, c’est pas la bonne, parce qu’en allant à l’extérieur ce
n’est pas possible par exemple, on réajuste, on trouve la bonne pièce. Mais il faut du temps d’élaboration. Ce qui
est bien ici, c’est que la personne est dans un cadre d’apprentissage technique, avec des solutions
professionnelles où nous avons le temps de tricoter cette réponse. À la fois ce qui pourrait paraître très
contraignant, un support technique qui ne propose pas tous les métiers possibles, uniquement l’électronique et
l’informatique, et bien à l’intérieur de cela, tu peux élaborer des solutions satisfaisantes basées sur les critères.
Il est toujours délicat de parler d’efficacité en formation, tant le problème est
complexe. Néanmoins, suite à un questionnaire que j’avais élaboré au cours du stage, je n’ai
pas pu constater de décalage significatif entre les groupes qui bénéficiaient de cette forme
d’élaboration de projet et les autres, pouvant bénéficier d’autres services20. Cependant ce
constat n'implique nullement l’utilité de cette intervention. Elle est porteuse de sens. À
l’entrée de la formation, c’est d’abord la cause du handicap qui motive l’apprentissage ; par
son travail, cela devient une chance, de chercher un métier qui pourrait être aussi bien voire
mieux que le précédent. C’est aussi le cadre de régulations, où les inquiétudes peuvent être
relatées. Les formations négligent souvent l’écoute au profit du contenu, sous le prétexte qu’il
n’existe jamais assez de temps. Or il faut toujours veiller à ne pas devenir un média à la place
d’un formateur où l’on débiterait du cours préfabriqué. D’après mes courbes, Les regrets de
l’ancien métier sont au plus faibles à l’entrée de la formation et juste après le stage en
entreprise ; C’est dans l’activité professionnelle, dans un cadre de travail, où concrètement le
deuil pourra s’effectuer. Mais comme tout deuil, il restera toujours de ce parcours, une
blessure indélébile. À ma stupéfaction, l’item « avoir confiance » est très élevés tout le long
de la formation, avec une baisse à l’approche des examens. Est-ce dû au pourcentage de
réussite dans le processus de réinsertion, étant élevé dans l’ensemble des formations
proposées par le CRP ? Le deuxième graphique illustre cette complexité où les leurres sont au
rendez-vous. Nous pourrions croire facilement que plus le stagiaire est âgé, plus il a de
l’expérience professionnelle, donc plus il regrettera son ancien métier. C’est aussi vrai que la
taille moyenne des français est de 1m70 et que vous vous attendez à entrer dans une salle où
90% des stagiaires font cette taille… Là encore, l’écoute est indispensable, sans idées
préconçues, une compréhension d’humain à humain existe où, dans les cas les graves, on
recommande au stagiaire, l’appui psychologique auprès d’un professionnel de la santé.

20
Silvie propose à la lecture de ce passage, que la différence se distinguerait dans la perenité de l’emploi et qu’il
faudrait réaliser une enquête sur les stagiaires à long terme.

Le projet professionnel 30
Courbes

Perceptions subjectives durant le stage

10,0

9,0

8,0
échelle de 1-10

confiant
7,0
regret de l'ancien metier

6,0

5,0

4,0
1 2 8 11 15 17

mois

Les regrets de l’ancien métier sont au plus bas à l’entrée de la formation et après le stage en
entreprise.

Les moyennes cachent la singularité de l’individu.

Le projet professionnel 31
Courbes

Voici quelques moyennes sur l’ensemble des stagiaires. Les courbes respectives sont
similaires et montrent deux périodes de stress : à l’approche du stage en entreprise et de l’examen.

 Avez-vous choisi le stage : 9


 Le stage est-il intéressant : 9
 Une période importante de votre vie : 9

Ce sont les scores les plus élevés. Les stagiaires sont majoritairement autodéterminés dans leur
choix de formation, en sont satisfait et le considèrent comme un moment capital dans leur vie.

 Avez-vous l’impression d’apprendre : 8,5


 Le centre est-il bien équipé : 8
 Le centre est-il chaleureux : 7,5
 Le stage est-il proche de la réalité : 7.5
 Le stage est-il valorisant : 8,5
 Avez-vous l’impression d’être respecté : 8,5

Ils apprennent à l’aide d’un bon équipement la réalité du milieu professionnel qui leur donne
confiance en eux ( Êtes-vous confiant : 8,5) ; Pour l’estime de soi, leur présence en formation les
valorise et les efforts fournis par le centre pour le bien-être du stagiaire sont récompensés par
l’impression qu’ils ont d’être respectés.

 Le stage est-il stressant : 6


 Le stage est-il difficile : 6

Ils apprennent mais c’est un peu difficile et un peu stressant.

 Ce questionnaire vous a-t-il gêné : 3

Score le plus faible mais augmentant de 2,5 à 4 avec le temps. Est-ce dû à une fatigue de
devoir toujours prouver que les compétences sont acquises tout le long de la formation ? Si c’est le
cas, cela indique qu’il ne faut plus trop exiger à la fin de la formation, qu’il faut orienter ces cours à
des révisions.

La fatigue percevable dans l’item « le questionnaire vous a-t-il gêné ? »

Le projet professionnel 32
Un autre type de stagiaire

Il y a des résistances suite21 : Souvent ce sont ceux qui connaissent déjà un peu l’électronique ou
l’informatique, qui ont pratiqué cela comme un hobby. Ils ont déjà des critères arrêtés mais qui ne sont pas
forcément des transferts de critères de leurs anciens métiers mais qui sont des critères déjà préétablis et massifs.
Dans des projections pas toujours très réalistes. Donc tu pourras pas, tu auras du mal à le faire revenir. Parce que
la motivation est là, mais elle n’est pas forcément bien placée. Tu pourras lui faire toucher les critères de réalité,
de sa propre possibilité physique et la réalité du monde du travail et de la réalité de ce qu’elle peut faire à l’issu
de la formation ; alors là, elle va essayer de t’échapper, parce que lorsqu’elle en prend conscience, elle ne veut
pas se l’avouer ; donc toi, si tu lui mets le doigt dessus, c’est la révolte totale et à la limite, elle peut te driver un
groupe vers le négatif. De toute façon elle sera négative au niveau de l’apprentissage : « C’est nul, c’est trop lent,
on nous prend pour des blaireaux, on pourra pas travailler à l’issu de la formation » C’est certainement le cas le
plus difficile de la personne qui a déjà appliqué des critères sur ce qu’elle va découvrir là. Et ces critères sont
malheureusement souvent erronés. A contrario, plus les gens sont de niveau d’instruction bas, plus ils adhèrent à
la démarche. Je pense que quelque part, la personne se sent narcissisé, que l’on lui permette d’accéder à cela. Ce
n’est lui peut être jamais arrivé. Parce ce que c’est la personne à qui on lui a dit : «  t’es nul, tu vaux rien, quitte
l’école parce que ce n’est pas la peine » et tout d’un coup on leur propose autre chose… combien de fois ils me
disent : « pour une fois on ne me prend pas pour un con » Ils s’aperçoivent qu’ils ont une possibilité de choix
qu’ils n’avaient pas perçu.
Vous avez 13 ans. Vous décidez de quitter l’enseignement traditionnel, pour vous orienter vers
un CAP d’électrotechnique, parce que vous aimez le dépannage et vos parents sont contents que vous
appreniez un métier. Vous êtes un bon gars. À l’entrée scolaire, vous réalisez que vous êtes l’un des
rares à avoir souhaité cette orientation, les autres ont échoué sur ce lycée professionnel. Ces autres
dont la vie n’a pas été rose pour ne pas dire, pour certains, noire. Vous recevez une leçon de leur vie :
« Soigne ta droite, sinon tu morfles ». Un jour, votre famille est frappée par le chômage : le pater après
trente années de bons et loyaux services, est remercié. Votre père qui était plus fort que le mien,
s’écroule. Bien sûr, il se battra, c’est son honneur qui est en jeu, c’est la croyance que lorsque l’on
veut, on peut. Mais il est trop vieux. On lui écrira. Il comprendra. Parallèlement vous êtes pris d’une
sorte de vertige : votre carrière et tout ce qui s’en suit s’esquissent. Des conseillés confortent que votre
choix étaient un bon choix : on aura toujours besoin d’électriciens. Ce n’est pas tout de vouloir quitter
son milieu, il faut être accepter par un autre. Vous avez 17 ans. Vous êtes en seconde d’adaptation,
vous vous adaptez. Un objectif se profile: avoir des bouts de papier pour se hisser dans la hiérarchie
des diplômes. Vous souhaitez vous prouver que votre famille est respectable, même si le dimanche, on
va pas au musée. Un juge vous demande si vous agissez gratuitement, vous êtes condamné à dire oui :
vous ne faîtes pas le poids pour les longues tirades. Vous avez 20 ans. Vous êtes un prolétaire, avec un
métier dans les mains comme titre de propriété. Votre objectif s’affermi : apprendre pour s’enrichir,
s’enrichir sans voler personne. Pour monter en grade, faut passer devant des gens, qui jugeront de la
pertinence de votre projet professionnel. Vous jouez le bon petit gars, aimant trimer dans une usine
située dans une zone industrielle avec des horaires décalés, etc. Le psychologue vous oriente : votre
personnage était convaincant. Vous vous formez à l’informatique industrielle. Vous obtenez un papier
de plus. Vous avez 30 ans. Sur un chantier, vous apprenez l’existence d’une formation, celui de
formateur pour adultes. C’est ça. Vous êtes pris d’enthousiasme, avec des raisons rationnelles : vous
avez été professeur dans un collège, vous aimez les relations humaines. Vous savez aussi que vous
êtes incapable de gérer un groupe d’adultes et que vous avez besoin de ces compétences pour mener à
bien un projet où l’argent n’est pas une finalité. Cependant la réelle motivation, vous ne la soupçonnez
pas. Tandis que les documents ne sont pas encore prêts, vous avez le projet d’effectuer les 200 heures
de stage, dans un centre de rééducation professionnel. Vous avez déjà effectué trois mois de formation,
en stage vous êtes en quête d’une problématique. Vous cherchez un thème du côté de l’identité. Mais
pourquoi êtes-vous formateur dans un CRP ? Votre passé ressurgit tel un flash-back, vous ne jouez
21
J’ai réitéré ma question à propos des résistances aux projets professionnels.

Le projet professionnel 33
Un autre type de stagiaire

plus. Vous appréhendez la motivation de ce rôle de formateur. Vous aviez des connaissances en
informatique quand votre père s’est retrouvé hors circuit. Vous aviez souhaité l’aider par ce savoir.
C’était lettre morte. Dix-sept années plus tard, vous aidiez le reclassement d’hommes meurtris. Votre
parcours s’affiche à vous : professeur vous répariez votre enfance subissant le système scolaire,
formateur vous répariez inconsciemment un père symbolique.

Derrière cette histoire, ce récit de vie, s’énonce un autre type de stagiaire : celui qui est
allergique au projet professionnel. Parce qu’il craint la société économique. Pour lui, toute
raison professionnelle doit se résumer à : « prends l’oseille et tire-toi ! » Pour qui le projet
professionnel est une offense, où l’on ne se contente plus d’inciter des gens à apprendre des
métiers pas forcement agréables et bien payés, mais de plus, à exprimer leur volonté de se
projeter dans ces métiers, avec la responsabilité d’être amorti par la société. Mieux que la
soumission, le consentement. Car le projet professionnel c’est d’abord et avant tout, les
besoins industriels qui priment. L’intéressé se contentera seulement de se plier à ces
exigences. Formateur, je doute que les raisons énoncées des stagiaires soient fiables, les
réelles motivations pouvant être inavouables ou inconscientes. Le projet professionnel n’est
pas un mal en soi. C’est un outil possédant une force pour aider la réinsertion de certains
stagiaires. Il n’est pas un mal en soi, s’il n’était pas obligatoire et surtout, s’il ne donnait pas
lieu à ce que je nomme le procès professionnel. C’est à dire le jugement de formateurs, sur les
projets des stagiaires, durant une séance où chacun d’eux passe à la « casserole ». Quelle est
la légitimité de cette démarche ? De quelles compétences ? Les formateurs possèdent tous une
expérience professionnelles de cinq ans minimum. Elle leur procure une bonne connaissance
du terrain mais nullement une compétence psychologique. De ce fait, leurs jugements ne sont
que factuels, se caricaturant à : « t’es dans le projet » ou « t’es hors projet ». Mais de quel
projet parle-t-on, si ce n’est celui du centre pour la réinsertion des travailleurs handicapés
dans le métier appris ? Si néanmoins, l’apprentissage purement technique, négligeant le
contexte professionnel s’avère insuffisant dans la réinsertion22, la pratique du projet doit être
sous la responsabilité de psychologues ayant les compétences pour analyser les démarches de
l’individu dans son intégralité. L’expérience du formateur peut être riche en informations
pour les stagiaires, les éclairant concrètement sur l’univers professionnel. Leur donnant des
« ficelles » pour trouver du boulot, les pièges à éviter. Mais aucunement une compétence de
jugement.

22
Propos de J.P. Armagnac, responsable de formation au CRP Suzanne Masson.

Le projet professionnel 34
Conclusion

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,


tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,


ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,


si tous les gens du monde voulaient s'donner la main. 23

Nous avons vu dans un premier temps, la complexité de l’univers du handicap et de la


réinsertion professionnelle, devenant un véritable parcours du combattant pour la personne
handicapé. Celle-ci, frappé par le chômage, suite à une maladie ou un accident, apprend au fur
et à mesure la résignation. Son estime de soi est endommagé tout comme la compétence qu’il
perçoit de lui. Par conséquence, les motifs de motivation, dans un premier temps, s’avèrent
d’ordre économique (ex : allocations supplémentaires) ou socio-affectif (ex : être dans un
groupe pour former des liens), et le motif vocationnel (orientation professionnelle dans la
logique de la recherche d’emploi) est faible. Il existe aussi des stagiaires dont la motivation
est intrinsèque à l’apprentissage et qui rebutent le projet professionnel ; d’après diverses
recherches sur les conséquences d’un renforcement sur une motivation intrinsèque, il est
légitime de se demander si le projet professionnel devrait être obligatoire, tout au moins pour
ces passionnés. De plus, les formateurs possèdent un passé professionnel leur attribuant une
compétence illusoire sur le projet professionnel, exempte de solides connaissances en
psychologie ; ils livrent des appréciations factuelles ne répondant pas forcément aux réels
besoins du stagiaire en difficulté. Le projet professionnel est du domaine de la psychologie où
l’unique connaissance du milieu professionnel est insuffisante. Toutefois, l’apprentissage
purement technique, négligeant le contexte professionnel s’avère insuffisant dans la
réinsertion.

La mission d’un CRP n’est pas de réinsérer à proprement parler : c’est donner les
conditions d’une réinsertion professionnelle au stagiaire. La principale condition étant la
maîtrise de solides connaissances techniques en adéquation avec le nouveau métier. Cette
réinsertion s’effectue dans les situations de travail où l’ancien stagiaire sera ou non intégré par
le milieu professionnel, en l’occurrence ses homologues. De ce fait, nous comprenons
l’importance du stage en entreprise, permettant au stagiaire une reconnaissance de soi par ses
compétences acquises et son utilité dans le monde du travail. C’est le début de l’émancipation
et des projets.

En conséquence, le CRP propose un cadre technique approchant la réalité. Par cadre


technique j’entends les locaux d’apprentissage et les supports pédagogiques pour appréhender
cette réalité. La principale difficulté étant la réalisation de TP, où trop de simplicité démotive
les stagiaires et trop de difficulté peut décourager ; son élaboration est rarement réussite du
premier coup et doit faire l’objet de concertations avec les collègues et stagiaires. A. Lieury
propose l’insertion de QCM pour sonder les connaissances encyclopédiques, complétant les
connaissances plus complexes pour la réussite d’un apprentissage. Effectivement, les TP
testent l’organisation des connaissances et les savoirs procéduraux ; aussi il faut veiller qu’un
concept est compris, car dans le cas contraire, les consignes durant un TP ne peuvent qu’être
vagues. L’autre avantage de ce procédé est d’augmenter la compétence perçue du stagiaire qui
peut être en difficulté dans le savoir-faire cependant maîtrisant les termes. En ce qui concerne
23
La Ronde Autour du Monde, Paul Fort.

Conclusion 35
Conclusion

les TP eux-mêmes, il est intéressant de s’inspirer des travaux de P. Vermersch sur l’entretien
d’explicitation24. Lorsqu’un stagiaire est en difficulté et demande de l’aide, il est à proscrire
les questions du type « pourquoi…» et éviter toutes formes de justification mais se centrer
avec le stagiaire sur l’action uniquement, en tenant compte du cadre temporel. Par exemple
« Par quoi as-tu commencé ? » « ensuite, qu’as-tu fait ?» « comment as-tu fait ? » et veiller
parallèlement que le stagiaire souhaite continuer le « contrat de communication » ; Des
questions plus délicates tels que : « Quand tu fais n’importe quoi, qu’est ce que tu fais ? » sont
riches en informations car elles se situe à l’endroit de la difficulté du stagiaire. Le but de cet
entretien est de faire prendre conscience au stagiaire, sa manière d’agir, l’aidant à organiser et
conceptualiser ses savoirs.

Un cadre de formation, ce n’est pas seulement l’apprentissage d’un métier, c’est un


cadre de vie où les stagiaires et les formateurs évoluent, avec le désir de communiquer. Pour
améliorer la qualité de communication, les recherches sur les attitudes de communication de
Porter25 nous sont utiles. Il existe cinq attitudes possibles :

 L’interprétation consistant à verbaliser à l’Autre les raisons cachées qui sous-tendent


ce qu’il vient de dire.
 L’évaluation consistant à formuler un jugement par rapport à ce que l’Autre exprime.
 L’aide consistant à proposer à l’Autre, à partir des éléments qu’il a exprimé, des
solutions ou des éléments de solutions.
 Le questionnement consistant, pour permettre à l’Autre de s’exprimer, à lui poser des
questions.

Ces quatre premières attitudes positionnent le locuteur sous la dépendance de


allocutaire. Elles affaiblissent le discours de l’Autre.

 La compréhension consistant à manifester à l’autre que l’on s’intéresse à ce qu’il dit et


qu’on l’écoute pour essayer de le comprendre.

Cette attitude se manifeste par la reformulation ; cette technique renvoie à l’Autre ce


qu’il vient d’exprimer dans un souci de contrôle de la compréhension et de stimulation de
l’expression et d’approfondissement. Dans ce type de relation, c’est l’allocutaire qui dépend
du discours de l’Autre. Elle crée un relationnel facilitant l’expression et témoignant l’intérêt
du formateur envers son stagiaire qui, écouté, accroît son estime de soi (favorable pour la
motivation). Toutefois, il est possible de poser des questions ou d’aider mais ce sont des
attitudes à utiliser avec modération.

Par delà les divergences, le respect de la personne prévaut sur les ambitions des formateurs,
des institutions, de l’économie et des stagiaires. Ce respect est source de progrès individuel et collectif.
La société nous y invite laborieusement. Ainsi, il est tentant d’accepter une relation où le formateur
serait un Dieu tout puissant, de simplifier la singularité d’un stagiaire immergé parmi d’autres et de lui
attribuer l’entière responsabilité quand ses démarches sont infructueuses 26. L’écoute attentive permet
de ne pas se laisser aller dans des raisonnements biaisés et d’apprendre de l’histoire de l’autre, un peu
de notre histoire.

24
S’inspirer car pour le pratiquer, il faut une base solide théorique et surtout une formation pratique.
25
Ceux de C. Rogers et M. Kinget sont semblables.
26
Pour rappel, l’ANPE propose en moyenne 120 000 emplois pour deux millions de chômeurs inscrits et un
travailleur handicapé reste, statistiquement, deux fois plus longtemps au chômage que la moyenne nationale.

Conclusion 36
Bibliographie

Introduction

Guide des handicapés, VO éditions, 1993


Système d’Identification et de mesure des handicaps, éditions ESKA, Claude Hamonet et
Teresa Magalhães
Guide Néret pour les personnes handicapées, 2000, éditions ASH
Bilans d’activités 1998 et 1999 du CRP Suzanne Masson
Brochure sur le cinquantième anniversaires du CRP Suzanne Masson
Mémoire de Jean Claude Melis, diplôme Universitaire des Professionnels de l’Insertion des
Travailleurs Handicapés, disponible sur l’Internet à l’adresse : http://themas.org/ dans le
chapitre « Analyse de la loi 87 »

Le choc du chômage

La psychologie sociale, Gustave-Nicolas Fischer, Points, 1997, P 355-363


Famille et chômage, Gilles Nezosi, http://www.social.gouv.fr/htm/actu/chomage/conn.htm

Typologie de stagiaires

Travail : usure mentale, Christophe Dejours, Bayard, 1998, P 81-92

Les critères et les valeurs de travail

Questionnaire de valeurs de travail, 1986, Jacques Perron


Disponible à la bibliothèque INETOP 41, rue Gai-Lussac 75005
Présentation d’ensemble du projet d’étude et valeurs de travail des lycéens et des adultes,
mars 1997, Vol.26/ N°1, Orientation Scolaire et Professionnelle (OSP), Jacques Perron

La motivation

Traité des sciences et des techniques de la formation, Philippe Carré & Pierre Caspar, Dunod,
1999, P 245-287
Motivation et réussite scolaire, A. Lieury & F. Fenouillet, Dunod, 1996

La reconnaissance et l’estime de soi

Le facteur humain, Christophe Dejours, PUF -Que sais-je ?-, 1992, P 59-62

courbes & conclusion

Psychologie de la communication Méthodes et théories, Jean-Claude Abric, Armand Colin –


Cursus, 1996, P 27-64
L’entretien d’explicitation, P. Vermersch

Un site sur les droits des personnes handicapées : http://www.handroit.com

Bibliographie 37

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