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DOCUMENTSA CONSULTER :
- décret du 30 novembre 1928 créant, dans les territoires relevant du ministère de la France
d’outre-mer, des juridictions spéciales et le régime de l’éducation surveillée pour les
mineurs.
- l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante redéfinissant l’approche du
traitement de la délinquance juvénile selon une philosophie déprise de tout lien avec les
anciens établissements carcéraux de rééducation que furent les maisons de correction.
L’exposé des motifs précise que désormais
« C’est bien plus que le fait matériel reproché au mineur, sa véritable
personnalité qui conditionnera les mesures à prendre dans son intérêt »
- décret 146 du 10 octobre 1966 créant un tribunal pour enfants
- Décret 66-416 du 10-06-1966. créant le service spécialisé pour la prise en charge des
mineurs délinquants et ceux en danger moral.
- décret 108 du 9 mars 1968 créant une division des affaires sociales ayant comme attribution
principale, l’étude des problèmes sociaux, le contrôle des institutions sociales, publiques et
privées, la protection de la famille et de l’enfance, l’assistance aux handicapés et la prise en
charge de l’enfance délinquante et en danger moral
- décret 77-659 du 25 juin 1977, portant création de la direction de l’éducation surveillée et de
la protection sociale Elle se substitue au service spécialisé pour la prise en charge des mineurs.
- Décret 2010-707 du 10 juin 2010 portant organisation et fixant les règles de fonctionnement
du Centre de Formation Judiciaire.
La seconde période (fin des années 1950, début des années 1970), est celle que
Chauvière désigne période de l’orientation salariale. La professionnalisation
des éducateurs spécialisés s’oriente vers l’amélioration et l’uniformisation des
salaires. En même temps que les syndicats, apparaissent les premiers accords de
travail et la convention collective. Effet des centres de formation, la technicité
devient le label de qualité de certains établissements et de certains éducateurs
spécialisés.
La troisième période a pour toile de fond la fin de l’Etat providence (années
1980 et 1990) avec pour corollaire le désengagement des pouvoirs publics, la
massification de l’exclusion sociale et de la précarité des travailleurs. Cette
période est marquée par le recours massif à des faisant-fonction, sur la base de
contrats précaires entrainant l’augmentation préoccupante des travailleurs
sociaux pauvres. L’autre caractéristique de cette période réside dans l’essor de
« têtes pensantes du social » (managers, gestionnaires, chefs de projets) issues
très souvent de formations autres que sociales. Une des conséquences est
l’accaparement par des tâches gestionnaires, la tendance à la judiciarisation des
conflits et l’éloignement des cadres des attentes des travailleurs sociaux
abandonnés à la malmenance des usagers.
Comparativement au découpage qu’opère Chauvière, au Sénégal le processus de
professionnalisation des éducateurs spécialisés se déroule en deux périodes
seulement.
Son importation et inscription au sein des Services publics du Sénégal ont
permis, avec la création de l’ENAES et du diplôme d’état d’éducateur
1
CHAUVIERE Michel, Quelle qualification pour quelle demande sociale ?in MARTNET J-L (dir). Les
éducateurs aujourd’hui. Privat/ Lien social, 1993.
5
2
Jean-Pierre Allinne :Jalons historiographiques pour une histoire des prisons en Afrique
francophone,Clio@Thémis - n°4, 2011, p27.
3
à une époque où dans les cercles coloniaux on méprise les guérisseurs, les pratiques médicales
traditionnelles et dans l’ensemble les savoirs vernaculaire, les administrateurs coloniaux excluaient toute
solution endogène.
4
Op.cit., p28. , voir aussiI. Thioub, « Marginalité juvénile et enfermement à l’époque coloniale: les premières
écoles pénitentiaires du Sénégal, 1888-1927 »
7
Certes, au Sénégal, en la matière les mots par lesquels le langage urbain (wolof)
parle de cette catégorie sont particulièrement chargés : xale yu yaqu ; xale yu
futi ; xale yu të.
5
Elles sont privées mais peuvent bénéficier du concours de l’Etat.
8
- les mineurs délinquants excusés mais non remis à leurs parents (art. 66 du
Code pénal),
- les jeunes en correction paternelle,6
- ceux condamnés à des peines de six mois à deux ans d’emprisonnement,
mais aussi
6
Au XIXème siècle et jusqu'en 1935, les pères de famille, dans une visée de correction de leur enfant pouvaient
demander à l'autorité judiciaire l'incarcération de leur fils ou leur fille pour une durée limitée.
9
7
L’administrateur judiciaire versait aux Pères un franc par jour et par enfant, contre trente-cinq centimes par
détenu adulte dans les prisons
8
R. Castel, L’ordre psychiatrique, l’âge d’or de l’aliénisme, Paris, 1976.
10
délinquants » (statut de 1916). Environ quatre cents enfants vont passer par
l’établissement pendant les onze années de son fonctionnement. En 1927,
Bambey fermera également ses portes pour être remplacé par l’école
professionnelle implantée sur l’une des iles de Karabane en Casamance.
Alors, il faudra attendre la Libération pour que la France étende en AOF la loi
de 1928 sur l’assistance aux mineurs et la liberté surveillée, au moment où la
France se dote avec l’ordonnance de février 1945 d’un instrument éducatif
autrement plus ambitieux. Un décret du 30 novembre 1928 crée dans les
territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer, des juridictions
spéciales et le régime de l’éducation surveillée pour les mineurs.
« Hélas, les écoles africaines sont trop souvent un terrain fertile pour l’agression
et la violence à connotation sexuelle contre les femmes. Les comportements de
mâles dominants adoptés par les enseignants et les autres élèves sont mis en
place très tôt et acceptés comme normaux par les filles. La peur de voir leurs
filles contraintes à avoir des rapports sexuels et subir une grossesse précoce est
l'une des raisons invoquées par les parents pour retirer prématurément leurs
filles de l’école ».10 Ce constat est révélateur des décalages qu’il peut y avoir
entre les statuts et rôles d’une part et d’autre part les rapports et actes concrets :
des obstacles à la mise en œuvre des « promesses faites aux enfants ». Au-delà
9
Un mémoire peut y construire un bon objet de recherche.
INDICE DE L’ÉGALITÉ DU GENRE EN AFRIQUE 2015, BAD, p21.
10
12
En outre des études menées dans les années quatre-vingt-dix ont permis de
conclure que « chaque année de scolarité supplémentaire pour les filles
contribue à réduire la mortalité infantile de 5 à 10 %, que 40 % des enfants nés
de mères ayant achevé les cinq années de scolarité primaire ont plus de chances
de vivre au-delà de l’âge de cinq ans et que 43 %d’entre eux ont moins de
risques d’être mal nourris. Les femmes qui ont achevé leur cycle d’études
primaires ont, en moyenne, moins d'enfants, utilisent des techniques agricoles
plus rentables et reçoivent des salaires plus élevés lorsqu’elles ne travaillent pas
dans le secteur agricole ».11
Dans les faits, les promesses des politiques publiques semblent se déliter dans
les méandres de multiples parcours d’évitement de la prison, confortant en fin
de compte l’impunité d’auteurs de graves violations des droits de l’enfant. A ce
propos M. Strobel relève la « répression mimétique » à travers ce qu’il
nomme une « justice officieuse »12, ce qui, précise-t-il, évite le jugement et
l’incarcération tout en améliorant le revenu des policiers. Les banabana de la
médiation sociale, efficaces dans la désamorce des procédures judiciaires,
marchandent des arrangements sur le dos des victimes de VBG, surtout dans les
cas de viols impliquant un membre de la famille (c’est souvent le cas), des
personnels des services sociaux de proximité ou parfois des touristes. Sans
doute l’histoire du travail social, du travail social salarié précisément, n’est-elle
pas en elle-même porteuse des germes de ce qui ressemble à un déficit de sens et
d’ancrage dans les représentations et les logiques d’action des communautés
hôtes ?
11
Mercy Tembon et Lucia Fort, Éditeurs, 2011. L’éducation des filles au XXIe siècle : l’égalité des sexes, la
responsabilisation des femmes, et la croissance économique, lesgrands axes du développement, Banque
mondiale, Washington, DC, cités par BAD 2015, p20.
12
M. Strobel, Criminalité apparente et répression mimétique : la délinquance juvénile au Sénégal, Dakar, 1976.
13
Le service social colonial créé en 1943 (par une loi du 19 novembre 1943) et
rattaché au ministère des colonies avait essentiellement deux missions : lutter
contre les répercussions de la guerre sur les familles des colons et intervenir
auprès des indigènes. Au Sénégal le service social colonial est introduit en
1948, avec des missions successivement élargies en 1952 et 1955. Des
travailleurs sociaux furent affectés en Afrique auprès du bureau des affaires
sociales du Sénégal dont les activités se limitaient, au début, à l’initiation au
tricotage, à la couture et à l’économie familiale. Plus centrés sur les besoins des
usagers, d’autres services sociaux virent le jour:
temps, est créé, au ministère du travail et des affaires sociales, le service des
affaires sociales à la place du bureau des affaires sociales.
En 1966 sont créés (par le décret 146 du 10 octobre 1966) le tribunal pour
enfants et le service spécialisé pour la prise en charge des mineurs
délinquants et ceux en danger moral. (Décret 66-416 du 10 juin)
En 1969 est créée une allocation d’entretien aux enfants mineurs indigents,
orphelins de père ou abandonnés et pupilles de l’État.
Comme nous pouvons le constater les décennies 1960-1970 seront marquées par
un grand volontarisme en matière de création ou de reconfiguration du cadre
15
13
M. Strobel, Criminalité apparente et répression mimétique : la délinquance juvénile au Sénégal, Dakar, 1976.
14
Cabral (Firoze Manji and Bill Fletcher Jr: Amilcar Cabral and the struggle of memory against forgetting, p 7).
15
En gras et souligné par nous
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Créé en 1966 par leDécret 66-416 du 10 juin 1966.
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Notons d’emblée l’existence inévitable d’écarts entre les modèles, tels que
déclinés dans les documents officiels, et les pratiques en cours dans les
établissements et services. C’est le sort inhérent à tout modèle d’être
réinterprété à tous les échelons :régulation de contrôle au niveau des dirigeants
qui les créent ; régulation autonome au niveau de ceux qui ont la charge de les
mettre en œuvre ; les deux modes de régulation débouchent sur des
arrangements, une régulation conjointe sans laquelle l’application des règles
serait insupportable, voire impossible17. En l’occurrence les écarts sont amplifiés
par un héritage impactant lourdement la qualité des interventions (infrastructures
d’anciens services des grandes endémies, annexes d’hôpital psychiatrique ;sites
enclavés, personnels sans formation appropriée, mémoire institutionnelle
marquée par la coercition et la soumission).Les violences institutionnelles
(celles associées à toute institution et aux pratiques des professionnels et des
usagers), la capacité de suggestion des lieux, les charges que transportent les
appellations et les mots utilisés sont des dimensions souvent éludées, leurs
effets n’en sont pas moins réels.
Pour l’instant nous insisterons sur quelques aspects qui ont laissé des
empreintes durables :
18
On reconnait ici l’influence du modèle du « village psychiatrique » de Gheel en Belgique où les familles sont
incorporées au protocole de soins, et qui a passionné l’univers aliéniste au milieu du XX° siècle.
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Un Rapport pour l’Afrique et par l’Afrique, NUMERO ZERO-2018.
19
Le Rapport Alternatif sur l’Afrique pose des interrogations de fond dont nous
rappellerons certaines, au cœur de ce cours : progrès pour qui et vers où ? Quels
sens donner au développement à partir d’un prisme africain ?De quelle(s)
Afrique(s) parle-t-on ?
Quels sont les principes directeurs d’un progrès économique et social ? Quels
sont ceux du bonheur des Africains à partir desquels il est pertinent de mesurer
les avancées ?
Observons que même si des pays africains sont largués en queue de peloton des
classements mondiaux de « la richesse », aucun pays de ce continent ne figure
parmi les 19 pays affichant les taux de suicide les plus élevés au monde21. Ce
constat ne devrait-il pas suffire à documenter la vanité du discours et
l’impertinence des indicateurs de bien-être ?
Tout au moins cela suffit pour convenir avec Dominique Méda que la dimension
subjective qui fonde le bonheur reste ignorée par la comptabilité nationale qui a
une « incapacité congénitale à construire un indicateur de bien-être national
».Cela conforte également Bertrand de Jouvenel lorsqu’il fait remarquer, déjà en
1968, que« l’anatomie de la richesse n’est pas une physiologie du bien-être »
[Méda, 2000, p. 303].
Alors, dans le sillage de Pr Abdou Salam Fall, cela nous amène à interroger la
finalitéet le sens que les acteurs sociaux donnent à leur vie et à leurs activités de
21
Voir le classement établi par l’OMS en 2016.
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22
On reconnait ici l’influence du modèle du « village psychiatrique » de Gheel en Belgique où les familles sont
incorporées au protocole de soins, et qui a passionné l’univers aliéniste au milieu du XX° siècle.
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à une époque où dans les cercles coloniaux on méprise les guérisseurs, les pratiques médicales
traditionnelles et dans l’ensemble lessavoirs vernaculaire, les administrateurs coloniaux excluaient toute
solution endogène.
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Op.cit., p28. , voir aussiI. Thioub, « Marginalité juvénile et enfermement à l’époque coloniale: les premières
écoles pénitentiaires du Sénégal, 1888-1927 »
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H. Joubrel, L’enfance dite coupable, Paris, 1946.
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Hétéronomie
Intervention étrangère
D’autres solutions que l’enfermement existent en effet, et sont souvent bien plus
constructives : les transactions ou les amendes, bien évidemment, mais
également les mesures probatoires et la peine de travail.
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Alors que la justice des mineurs se modifie, que des tribunaux pour enfants et
adolescents sont créés en 1912, prenant en compte la spécificité judiciaire de la
jeunesse,3 que la psychologie de l’enfance se construit comme science, les
établissements font preuve d’une inertie presque absolue. Ces derniers semblent
relativement indifférents aux transformations qui touchent le secteur dans lequel
ils se situent, mais aussi aux évolutions concernant le statut de l’enfant dans la
société française.4 Alors que tout semble évoluer, que la place des jeunes dans
leur famille se modifie profondément, les établissements restent immuables.