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ECONOMIE-POLITIQUE-VIE SOCIALE-CULTURE
NUMÉRO 554Congo-Afrique
AVRIL 2021
n° 554 � AVRIL 2021 � 61e Année 303
304 Congo-Afrique n° 554 � AVRIL 2021 � 61e Année
Économie – Politique – Droit – Vie Sociale – Culture
Revue mensuelle du Centre d’Études pour l’Action Sociale (CEPAS)
fondée en 1961 par les Pères Jésuites sous le nom de « Documents pour l’Action »
CONSEIL DE RÉDACTION
Alphonse NTUMBA LUABA LUMU Fredrick OGENGA
André YOKA LYE MUDABA Ghislain TSHIKENDWA, S.J.
Augustin MBANGALA MAPAPA Jean-Claude MASHINI D.M.
Bernard LUTUTALA MUMPASI Luka LUSALA LU NE NKUKA, S.J.
Bertin MAKOLO MUSWASWA Marie-Madeleine KALALA
Crispin MPULULU, S.J. Noël OBOTELA RASHIDI
Daniel MUKOKO SAMBA Paulin MANWELO, S.J.
Elie P. NGOMA-BINDA Rigobert MINANI BIHUZO, S.J.
Emmanuel BUEYA BU MAKAYA, S.J. Rufin MFITZSCHE MIKA
François KABUYA KALALA Yves ALONI MUKOKO
BUREAUX
Adresses :
9, Avenue Père Boka, Kinshasa/ Gombe, en face du Ministère des Affaires Étrangères
Boîte postale : B.P. 5717 Kinshasa/ Gombe (République démocratique du Congo)
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Dépôt Légal n° UJ 3.02101-57514 | ISSN 1819-1010
Imprimerie Médiaspaul/ Kinshasa
SOMMAIRE
Note de lecture
Hippolyte MIMBU KILOL
GODDEERIS Idesbald, LAURO Amandine & VAN- 414
THEMSCHE Guy (dir.), Le Congo colonial. Une histoire en ques-
tions, Waterloo, Renaissance du Livre, 2020, 15x 2,5 x 23 cm,
464 p. Prix : 30 €. ISBN : 978-2-507-05689-6.
G
n’aboutira pas à un développement à long terme.1
4 Il s’agit de trois propositions des lois organiques touchant le pouvoir judiciaire. L’article de
Pandatimu publié dans cette livraison en analyse les contours.
À
TSHIMPANGA MATALA la lecture de l’article 1, paragraphe 1
KABANGU, de sa Charte, l’ONU s’assigne comme
Professeur
des Relations
mission, celle de « maintenir la paix
Internationales, et la sécurité internationales » 1 .
Université de Le désastre provoqué par la deuxième Guerre
Lubumbashi mondiale avait conduit à cette prise de conscience.
(UNILU). Pour mieux accomplir cette mission, plusieurs
matalakabangu@
stratégies furent mises à contribution, notamment le
yahoo.es
développement des relations amicales entre les nations
et la promotion de « la coopération internationale
pour résoudre les problèmes internationaux d’ordre
économique, social, intellectuel ou humanitaire… »2.
Il résulte de ce constat que l’une des voies pour asseoir
la paix dans le monde repose dans la solution de ces
problèmes à travers la coopération entre les nations.
Et une fois ces problèmes résolus, l’embellie ainsi
créée peut contribuer à la croissance de l’économie
mondiale, à l’amélioration des conditions de vie et
au développement des peuples. Un tel climat est une
garantie de paix et de sécurité. C’est dans ce sens que
dans sa lettre encyclique sur le développement des
peuples « Populorun Progressio », le Pape Paul VI disait
que « le développement est le nouveau nom de la paix »3.
Face à cette évidence, des efforts furent
déployés pour promouvoir la coopération pour le
développement, non seulement comme un instrument
de redistribution et de partage des richesses entre les
différentes nations, mais aussi comme un catalyseur
qui conduit à la paix et la sécurité entre les nations.
1 J-P. COT et A. PELLET, La Charte des Nations Unies, Economica, Paris,
1991, p. 23.
2 Idem.
3 D. COLARD, Les relations internationales de 1945 à nos jours, Masson,
Paris, 1991, p. 243.
comme tout apport financier d’origine publique transféré sous des conditions
concessionnelles ou avantageuses avec comme finalité l’appui aux projets
de développement9. Cette aide financière devenait un ingrédient nécessaire
de la coopération. Pour garantir sa continuité et la rendre régulière, la
Résolution 2626 (XXV) fixait à 0,7% de leurs PNB respectifs le niveau de
contribution des pays développés à l’aide publique au développement.
Cependant, les deux crises internationales qui ont marqué cette
deuxième décennie, – d’une part, la crise monétaire avec la dévaluation de
la monnaie américaine et la suspension en août 1971 de sa convertibilité
en or ; et d’autre part, la crise du pétrole en 1973 avec une augmentation
vertigineuse des prix du pétrole, décidée unilatéralement par les pays
producteurs et exportateurs de ce produit, concrètement les pays membres
de l’OPEP, – changeaient la donne affectant sensiblement la stratégie de
la coopération pour le développement, concertée au sein de l’ONU pour la
décennie.
Face à cette situation, les pays en voie de développement revendiquaient
en 1974 l’instauration d’un nouvel ordre économique international (NOEI).
Ils exigeaient la reforme du cadre juridique et institutionnel qui régissait
les relations internationales, et qu’ils considéraient comme injuste et
fonctionnant en leur défaveur. Il fallait promouvoir une autre politique
tendant à favoriser la participation effective de ces pays dans les processus
de prise de décisions au sein des institutions financières internationales,
l’adoption d’un nouveau mécanisme qui puisse garantir des prix justes,
stables et rémunérateurs de leurs matières premières, une autonomie
de gestion et de contrôle sur leurs matières premières, le transfert de
technologie ainsi que l’adoption d’un code de bonne conduite pour les
entreprises multinationales.
Il convient de souligner que les deux crises monétaire et énergétique
rendaient encore plus complexe le problème de la dette extérieure des
pays en voie de développement. L’inflation conséquente à ces deux crises
conduisit au déséquilibre des balances de paiement de la plupart de ces
pays qui se virent obligés de recourir aux prêts extérieurs pour rééquilibrer
ces balances. Ce paysage ne permit pas de considérer positif le bilan de la
décennie. Tous les efforts déployés durant cette période ont été anéantis
par ces deux crises.
10 Du nom du Secrétaire au Trésor américain de l’époque, James Baker et de son successeur Nicholas
Brady.
11 E. O. WILSON, La diversité de la vie, Paris, Odile Jacob, 1993, pp. 12-36. Lire aussi M. CHAUVET et
L. OLIVIER, La biodiversité, enjeu planétaire : Préserver notre patrimoine génétique, Éditions Sang de la
Terre, Paris, 1993.
18 Ch. WATSON et L. SCHALATEK, The Global Climate Finance Architecture, ODI, Climate Funds
Update, Londres, 2019.
19 M. Lire SPENCE, The Next Convergence. The future of Economic Growth in a Multispeed World, Farrar,
Strauss & Giroux, Canada, 2012.
Conclusion
que cette richesse soit orientée vers la satisfaction des besoins de base
des populations de ces nations. Nombreux sont les pays en voie de
développement qui ont connu une croissance économique sans satisfaire
les besoins de base et réaliser le bien-être de leurs populations. Dans ce
sens, la croissance économique n’amène pas toujours au développement.
Ainsi, la réorientation des politiques qui canalise les dividendes de cette
croissance vers la satisfaction des besoins de base et l’éradication de la
pauvreté est nécessaire.
Le développement, c’est avant tout l’homme et son environnement ;
satisfaire ses besoins primaires et améliorer le milieu où il vit sont les
nouveaux paramètres sous-jacents dans les nouvelles politiques de
coopération. Sont mis en relief l’éradication de la pauvreté, l’élimination de
la faim, l’éducation de tous, l’égalité des sexes, l’accès à l’eau et à l’énergie,
la préservation de l’environnement et la promotion des sociétés pacifiques
et résilientes, etc.
Il est évident que l’atteinte de tous ces objectifs nécessite l’implication de
tous les acteurs, sans laisser le protagonisme aux seuls États. De ce fait, la
coopération pour le développement exige, ces dernières années, l’implication
de tous les acteurs publics et privés avec une meilleure coordination des
politiques en vue de faciliter la réalisation de ses objectifs.
Si la coopération classique a longtemps inspiré l’idée d’un donneur et
d’un récepteur, la coopération à l’ère de la mondialisation prétend créer
un cadre basé sur un partenariat partagé. De l’assistanat d’autrefois, les
tendances actuelles sont davantage tournées vers le partenariat. Certes, les
pays développés et ceux en voie de développement partagent aujourd’hui
des espaces de convergence sur certains problèmes auxquels ils sont
confrontés : l’insécurité urbaine, le chômage juvénile, les flux migratoires,
la contamination des villes et les problèmes liés à l’environnement, les
nouvelles pandémies comme celle de COVID-19, sont des défis communs
auxquels ces États s’affrontent et lesquels exigent une action commune
dans le sens d’un partenariat responsable en vue des résultats durables
qui consolident le développement des pays déjà développés et promeuvent
celui de ceux en voie de développement22.
En effet, dans un monde devenu de plus en plus interdépendant, les
problèmes de la paix, la sécurité, la pauvreté, le sous-développement
ainsi que le changement climatique requièrent une réponse collective et
coopérative pour laquelle tous les acteurs sont appelés à s’impliquer. Dans
ce sens, depuis la décennie 2000, la coopération pour le développement a
redéfini ses politiques et a assis un partenariat où tous les acteurs doivent
jouer un rôle pour la réussite de cette activité.
LA BALKANISATION DE LA RD CONGO OU
L’ INTÉGRATION RÉGIONALE ?
L’ALIÉNATION DE FACTO DE LA PARTIE ORIENTALE
DE LA RD CONGO
I
Introduction
José MINAKU, S.J., l est 8 heures du matin, aux postes-frontières
Directeur du Centre
de la Ruzizi 1 et 2, entre la RD Congo et le
spirituel Amani/
Bukavu. Rwanda ; c’est la cohue habituelle. Dans un sens,
joeminakusj@ de la RD Congo vers le Rwanda, des milliers de
gmail.com femmes commerçantes traversent pour aller acheter
des vivres frais qu’elles revendront à Bukavu. Des
voyageurs font les formalités d’usage pour se rendre au
Sud, à Bujumbura, en passant par les belles routes du
Rwanda ; d’autres vont au Nord, à Goma, en passant
par la nouvelle route qui longe la côte. D’autres
voyageurs vont à l’aéroport de Kamembe, à 5 km de
la frontière, qui les connecte au monde entier. Dans
l’autre sens, c’est-à-dire du Rwanda vers le Congo,
une marée humaine, hommes et femmes de toutes
catégories, déferle également en quête d’éducation dans
les écoles et universités de Bukavu, pour œuvrer comme
ménagères ou pour travailler dans les chantiers. Ils ont
la réputation d’être méticuleux et honnêtes. Des deux
côtés, des véhicules de transport des biens attendent
de passer les douanes. Le même scénario est perceptible
aux postes-frontières de Goma, entre la RD Congo et le
Rwanda, d’Uvira, entre la RD Congo et le Burundi ou
de Bunagana et Goli, entre la RD Congo et l’Ouganda.
Pour ces populations congolaises, Kinshasa est un
« pays » lointain, le royaume des politiciens dont on
entend parler à la radio et que l’on voit apparaître lors
des campagnes électorales. Depuis des décennies, ces
citoyens ordinaires de l’Est de la RD Congo n’attendent
pas grand-chose de Kinshasa.
L’extraversion économique et sociale des provinces
de l’Ituri, Nord et Sud Kivu vers les pays voisins, est
un fait indéniable. Même dans le domaine musical où
la RD Congo a toujours affirmé sa suprématie africaine,
les jeunes de l’Est fredonnent volontiers des chansons
tanzaniennes, ougandaises ou kényanes. La persistance
de cette situation d’extraversion ne concoure-t-elle pas
à l’aliénation de cette partie de la RD Congo ?
332 Congo-Afrique n° 554 � AVRIL 2021 � 61e Année
La balkanisation de la RD Congo ou l’intégration régionale ?
La locomotive de cette initiative était un Zaïre fort, qui imposait une sorte
de « pax romana » que le Président Mobutu appelait machiavéliquement
« relations de bon voisinage ». Cependant, en 1994, un génocide est survenu
au Rwanda et il a eu des conséquences dévastatrices dans les pays voisins,
principalement au Congo où des massacres, tueries aux premier et second
degrés, ont fauché la vie de plus de 6 millions de Congolais. La CEPGL a
été littéralement emportée.
Quand la communauté internationale a voulu reprendre en main une
situation chaotique dans la région, elle a embrayé naturellement sur la
moribonde CEPGL qu’elle a transformée en un outil capable de résoudre
la crise régionale qui s’est cristallisée en RD Congo. Une des productions
récentes sur la dynamique socio-économique dans la région des Grands
lacs a été faite par Docteur Blaise Muhire, au sujet d’une réflexion sur le
commerce transfrontalier4. Le rapport de Blaise Muhire affirme à ce sujet :
Grâce à l’appui financier de l’Union européenne, la CEPGL a multiplié
des initiatives pour la réalisation des projets communs depuis 2007,
notamment la modernisation des infrastructures douanières pour
faciliter les mouvements des biens et des services et la tentative de la
construction du barrage hydro-électrique « Ruzizi III »5.
Paradoxalement, ces efforts d’intégration n’ont pas empêché les
pays voisins, principalement le Rwanda, de soutenir une rébellion qui a
littéralement paralysé les efforts de la RD Congo qui venait de connaître
ses premières élections démocratiques. En effet,
Au cours de la même année, une rébellion naquit dans le Nord-Kivu,
à l’Est de la RD Congo, le Congrès national pour la Défense du Peuple
(CNDP), qui s’est ajouté à une dizaine d’autres groupes armés actifs dans
la partie orientale du pays. Cette rébellion a non seulement lancé un
défi au gouvernement fraîchement issu des premières élections démo-
cratiques (2006), mais elle a aussi sapé les efforts de la stabilité dans la
région des Grands Lacs. Les implications régionales dans cette nouvelle
crise à l’Est de la RD Congo n’ont pas manqué de mobiliser les acteurs
internationaux, notamment les Nations Unies et l’Union européenne6.
Les groupes armés des pays voisins ont élu domicile en RD Congo, souvent
avec l’appui logistique et politique de ces pays voisins, principalement le
Rwanda et l’Uganda. La communauté internationale n’a jamais condamné
formellement ces deux pays agresseurs du Congo. Au contraire, à chaque
crise, le gouvernement congolais a été contraint à négocier « à l’interne » avec
les agresseurs qui ont emprunté des visages congolais. Ces pays s’érigent
ainsi en parrains des négociations « intercongolaises ». C’est cette dynamique
qui a conduit à la création de la Conférence internationale sur la Région des
Grands lacs (CIRGL) qui a, d’une certaine façon, escamoté la CEPGL. Cette
4 Dr. Blaise MUHIRE, Étude sur le Commerce et les Opportunités pour un Dialogue transfrontalier
dans la Région des Grands Lacs (RD Congo, Rwanda, Burundi, Ouganda, Tanzanie et Zambie),
Publication de la Fondation Konrad Adenauer Kinshasa, Février 2020.
5 Dr. Blaise MUHIRE, Op. cit., p. 18.
6 Blaise MUHIRE, Op. cit., p. 19.
Congo-Afrique n° 554 � AVRIL 2021 � 61e Année 335
José MINAKU, S.J.
pourrait relier Bunia à Kisangani. Quant à la route nationale n°5, elle relie
l’Ituri à la province du Tanganika. La valeur stratégique de ces routes est
indéniable. L’ambitieux projet des « 5 chantiers » en 2006 avait ces routes
en ligne de mire. Mais le projet a foiré. Pour n’avoir pas réussi à construire
les routes nationales 2 et 4, l’Est de la RD Congo, c’est-à-dire l’axe allant de
Uvira à Aru, soit plus de 900 km, s’est tourné vers l’Ouganda, le Rwanda
et le Burundi. C’est aussi l’une des zones les plus denses de la RD Congo,
du point de vue de la population. La frontière avec les pays voisins étant
constituée de lacs, rivières, montagnes et terre ferme, il est impossible de
la contrôler. D’où l’importance de la contrebande qui fait que la RD Congo,
en 2018, n’aurait exporté qu’une centaine de Kilos d’or, par cette longue
frontière, alors qu’en réalité, des dizaines de tonnes sont arrivées à Dubaï.
Toutes ces observations mettent le doigt sur une seule réalité : l’absence
de l’État congolais qui a failli dans sa mission de créer des voies de
communication ad intra. La conséquence logique est sans appel : cette partie
du pays donne parfois l’impression de tourner le dos, de bouder le reste du
pays. On aurait pu au moins s’assurer de connecter les trois provinces en
question, par la route nationale n°5. Mais les coupeurs de route infestent
des tronçons de cette route et s’assurent que le projet échoue. À qui profite
le crime ? La liaison avec l’Ouest se fait par voie aérienne, et donc demeure
très coûteuse. Le petit fermier du Masisi n’a donc aucune chance d’aller
vendre ses produits à Kananga.
Conclusion
20 J.R. BONGENGWA, « L’exploitation des minerais dans l’espace CIGRL. La RD Congo lance son
certificat régional », in Horizon Mines Magazine, Mensuel n°003, août 2013.
T
Introduction
effective des Vingt-cinq nouvelles provinces : Défis et perspectives de prévention des conflits » in
Congo-Afrique, n° 433, (mars 2009), p. 300.
9 Évariste BOSHAB et MATADI NENGA, Le statut de représentants du peuple dans les assemblées politiques
délibérantes, Academia-Bruylant, Coll. Bibliothèque de droit africain, Louvain-la-Neuve, 2010, p. 20.
10 Idem. Souligné dans le texte, p. 20.
11 Jean FOUGEROUSE, (dir), L’État régional, une nouvelle forme d’État ? Un exemple de recomposition
territoriale en Europe et en France, Bruylant, Bruxelles, 2008, note à ce propos : « La notion d’État
unitaire renvoie à une forme de répartition du pouvoir de décision, et en particulier à l’unicité du
détenteur du pouvoir législatif. Le caractère unitaire de l’État est une question d’organisation des
pouvoirs, tandis que l’unité de l’État concerne le contenu des règles juridiques et l’existence ou
non des normes qui définissent l’État et y sont rattachées intrinsèquement ».
12 TOENGAHO LOKUNDO, « La réforme sur la décentralisation et le découpage territorial : portée,
forces et faiblesses » in Actes des Journées sociales du CEPAS (du 03 au 5/11/2008) : enjeux et défis
de la décentralisation in Congo-Afrique, n°433, (Mars 2009), Kinshasa, pp. 213-231, spécialement
aux pages 216-220.
13 Pierre BON, « l’État autonomique : forme nouvelle ou transitoire en Europe », in Economica, 1994,
p. 60.
14 Franck MODERNE, « l’État des autonomies dans l’État des autonomies », in Revue française de Droit
constitutionnel, n° 2, (1990) p. 205.
20 https://www.radiookapi.net/2018/01/06/actualite/politique/lomami-la-decheance-du-gouver-
neur-kamanda-suspendue consulté le 6 janvier 2018.
Nous avons doté la RDC d’une bonne constitution qui permet d’avoir des
institutions où aucune institution n’est supérieure par rapport à l’autre.
Cette constitution a été faite pour qu’il y ait une gestion pacifique de
l’après-conflit, avec équilibre entre le Président de la République, et le
premier ministre, entre le sénat et l’Assemblée nationale, entre l’État
central et les provinces…, donc une série des mécanismes qui permet
d’avoir une gestion équilibrée sans que celui qui prend le pouvoir puisse
se permettre d’écraser d’autres institutions. C’est la philosophie de la
constitution de 2006 (…) en faisant la modification de 2011, on a modifié
l’équilibre des institutions. C’est-à-dire que l’on a renforcé le pouvoir du
président de la République par rapport à ce qui a été décidé par référen-
dum en 2006 (…) on n’est plus dans un mécanisme équilibré entre les
institutions, mais vers le présidentialisme22.
Dans la même perspective, nous pouvons affirmer, en accord avec
Jean-Michel Kumbu Ki Ngimbi, « qu’en plaçant les services nationaux en
province (services déconcentrés) sous l’autorité du Gouverneur de province,
celui-ci se rend redevable (accountable) devant le pouvoir central qui peut
le sanctionner. Or, telle n’est ni la lettre ni l’esprit de la Constitution dans
un système de régionalisme constitutionnel »23.
Conclusion
24 Jean Pierre LOTOY ILANGO, « La décentralisation en RDC : enjeux, défis et rôle du pouvoir tra-
ditionnel», in Congo-Afrique (février 2018), n°522, pp. 133-143.
DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE :
LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE À L’ÉPREUVE DE LA TRANSCENDANCE
DES DÉPUTÉS NATIONAUX EN RD CONGO
D
Dominique KIWELE e nos jours les « représentants du peuple »
KATATO, ont une place et un rôle très importants
Criminologue
dans l’organisation et le fonctionnement
et Assistant à
l’Université de d’un système politique qui se déclare
Lubumbashi/ démocratique. Ils sont parmi les acteurs politiques
Département des privilégiés.
Sciences Politiques et
À la suite des réflexions de Montesquieu, figure de
Administratives.
kiweledomy@ proue de la doctrine de « séparation des pouvoirs »,
gmail.com qui atteste que le pouvoir législatif (allusion faite ici
aux représentants directs du peuple, les députés)
représente le pouvoir le plus important mais, en
même temps, le plus dangereux dans l’exercice du
pouvoir politique1, nous nous proposons ici d’analyser
leur situation vis-à-vis du rôle qui est le leur dans un
système dit de démocratie représentative.
Le pouvoir législatif, disait Montesquieu, est le
plus important parce qu’il est celui grâce auquel le
peuple s’exprime à travers ses représentants. Il va de
soi que tout le monde ne peut pas exercer le pouvoir
de manière directe. Tout le peuple ne peut siéger au
parlement. Cependant, fait remarquer Montesquieu,
le pouvoir législatif est également le pouvoir le plus
dangereux car, s’il est vrai que le peuple se fait
représenter par ses élus, force est de reconnaitre qu’il
n’est pas dans l’hémicycle au moment de l’élaboration
et des votes des lois. Ici, il y a toujours la possibilité
de trahison de la part des députés ; ils peuvent voter
des lois qui vont à l’encontre des intérêts du peuple
pour des raisons sournoises et égoïstes.
Nous partons de l’hypothèse selon laquelle la
démocratie représentative plutôt que d’être une
aubaine pour le peuple congolais ayant, dans les
temps anciens, évolué sous un régime de confiscation
de pouvoir, serait par contre une perpétuation de la
1 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Genève, Barillot, 1748 (édition
électronique réalisée par Jean-Marie Tremblay), livre onzième,
chapitre 6.
1. De la démocratie
La littérature sur la démocratie est tellement abondante que nous
n’avons pas la prétention de dire ce qui n’a jamais été dit à ce sujet. Le terme
démocratie a eu des significations différentes pour les peuples différents
et en des lieux différents. À ce propos, Robert Dahl note : « Les États-Unis
n’ont-ils pas constitué une démocratie dès la Révolution américaine, une
démocratie républicaine pour prendre les termes de Lincoln ? Alexis de
Tocqueville, après son séjour aux États-Unis dans les années 1830, n’a-
t-il pas intitulé son célèbre ouvrage De la démocratie en Amérique ? Et
les Athéniens, au Ve siècle avant l’ère chrétienne, n’ont-ils pas qualifié
de démocratie leur système de gouvernement ? »2 Ceci démontre que la
démocratie n’a pas été inventée une fois pour toutes comme l’a été, par
exemple, la machine à vapeur. Mais tout comme le feu, ou la peinture,
ou l’écriture, la démocratie a été inventée plus d’une fois, et en plus d’un
endroit. Elle a donc, au cours de ces vingt-cinq derniers siècles, été soutenue,
défendue, attaquée, ignorée, établie, pratiquée, détruite et parfois rétablie.3
Néanmoins, pour les sociétés qui ont su conserver les traces de leur
histoire, « c’est dans la Grèce et la Rome4 antiques, vers 500 av. J.-C., qu’ont
été, pour la première fois, instaurés des systèmes de gouvernement offrant
à un nombre relativement important de citoyens la possibilité de participer
aux décisions, systèmes fondés sur des bases si solides qu’ils ont perduré
pendant plusieurs siècles, moyennant quelques modifications épisodiques.
Si la démocratie a désigné des choses différentes selon les époques, quel
sens pouvons-nous lui donner aujourd’hui ? Car, le fait qu’elle soit riche
d’une si longue histoire a contribué à entretenir la confusion et le désaccord.
2 Robert DAHL, De la démocratie (traduit de l’américain par Monique Berry), Paris, Nouveaux
Horizons, 2001, p. 3.
3 Robert DAHL, Op. Cit., p. 10
4 À peu près à l’époque où il était institué en Grèce, le gouvernement populaire faisait son apparition
sur la péninsule italienne, à Rome. Mais les Romains, eux, donnèrent à leur système le nom de
République (Chose publique)
Une autre définition, très répandue même de nos jours, est celle donnée
par Abraham Lincoln qui l’emprunta d’ailleurs à Périclès : « le gouvernement
du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Une telle définition est trop
belle pour être vraie quant aux modalités pratiques. Faudra-t-il se leurrer
en la prenant stricto sensu ? La sortir de son contexte risquerait, cependant,
de vendre l’illusion à la conscience collective.
En effet, dans la Grèce antique, cette définition trouvait son sens,
moyennant certaines restrictions. Athènes du temps de Périclès (5e siècle
avant Jésus-Christ) compte, selon certaines estimations, environ 35.000
citoyens (libres, adultes et de sexe masculin) capables de se réunir sur la
place publique (agora) et de décider de la gestion de la Chose publique.
Le gouvernement d’Athènes était complexe, trop complexe pour être
décrit ici de façon correcte. Il avait pour noyau une assemblée à laquelle tous
les citoyens avaient le droit de prendre part. Selon certaines estimations,
tout citoyen ordinaire avait une chance raisonnable d’être désigné une
fois dans sa vie pour occuper la fonction la plus importante au sein du
gouvernement de la cité. Cette situation se justifie par le fait que le principal
moyen de sélection utilisé afin de pourvoir aux charges était le tirage au
sort dans lequel tous les citoyens éligibles avaient la même chance d’être
désignés. C’est ainsi qu’on pouvait alors, dans ces conditions, parler de
démocratie directe et de gouvernement du peuple par le peuple, ou plus
exactement de gouvernement des citoyens, puisque les esclaves et les
femmes étaient exclus.
Bernard Manin fait tout de même remarquer à ce propos que
dans la démocratie athénienne, l’Assemblée du peuple ne détenait pas
tous les pouvoirs. Certaines fonctions importantes étaient remplies par
des magistrats élus. Mais, surtout, la plupart des tâches que n’exerçait
pas l’Assemblée étaient confiées à des citoyens sélectionnés par tirage
au sort. Jamais, en revanche, aucun des régimes représentatifs établis
depuis deux siècles n’a attribué par le sort la moindre parcelle du pouvoir
politique, ni souverain, ni d’exécution, ni central ni local.5
C’est ainsi que les démocrates orthodoxes comme Rousseau et
Montesquieu ne considèrent la démocratie que dans le cadre de petits États.
Ça suppose le rassemblement du peuple comme à l’époque athénienne.
De ce qui précède, retenons que le passage de la démocratie antique à
celle moderne se caractérise par l’apparition du système représentatif qui
doit conduire à imaginer des définitions de démocratie qui ne soient pas
anachroniques.
La représentation politique7
Généralement, cette expression désigne « le processus par lequel des
gouvernants se considèrent comme légitimés à parler au nom d’un ensemble
plus large et autorisés à décider en son nom. » Cette légitimité résulte le
plus souvent de l’élection ; le peuple « souverain » étant une sorte d’être
originel dont la vocation est de désigner ceux qu’il habilite à le représenter.
Ceci dit, la représentation est le concept fondateur des régimes
démocratiques modernes. Rompant d’avec la théorie classique de la
démocratie, ceux-ci ne supposent pas le gouvernement du peuple par le
peuple, ou mieux, par les citoyens, mais le gouvernement du peuple par
les représentants du peuple.
dirigeants demeure un sujet tabou. Une loi a même été votée en accordant
des juteux avantages aux anciens Présidents de la République et à certains
membres du Gouvernement. Là-dessus, regardons un peu ailleurs : avec un
Budget annuel de 250,7 milliards d’Euros, le salaire du Président français
est de 15.203 Euros. Avec un Budget annuel de 498 milliards d’Euros, le
salaire de la Chancelière allemande est de 29.167 Euros. Avec un Budget
annuel de 740 milliards de dollars, le salaire du président américain est de
33.330 $. Combien gagne le Président congolais, ainsi que son prédécesseur
encore en vie, alors que le Budget voté en 2021 n’est que de 6.8 milliards
dollars ? Qu’adviendrait-il si le Budget est multiplié par dix en restant
dans les mêmes pratiques que celles d’aujourd’hui ?
Ces catégories de personnes sont ainsi mises dans des conditions
financières très favorables alors que l’État ne dispose pas d’assez de
ressources financières. Cette situation cautionne, pour les députés
nationaux, le moindre effort ou la résignation surtout dans le contrôle
parlementaire en vue de la recherche des moyens suffisants pouvant
permettre au pays de répondre de façon honorable aux nombreuses
sollicitations financières provenant, notamment, du peuple qu’ils sont
censés représenter. Le comble est que l’écart injustifié avec les autres
catégories de la population est tellement criant que la politique devient très
attractive : un eldorado pour la majeure partie de la population qui veut
s’y plonger afin de s’enrichir elle aussi « par rattrapage ». Et cela est loin
d’être une situation convenable pour sortir le pays du gouffre dans lequel
il se trouve. Là-dessus, Jean Pierre Mbelu déclare :
Le système qui est en place n’est pas un système politique. C’est un
système affairiste dans lequel tout le monde se bat pour manger. Vous
imaginez un enseignant de l’école primaire qui n’avait jamais touché
mille dollars américains quand d’un coup il se voit capable d’accéder à des
milliers de dollars, vous n’allez pas convaincre facilement ce monsieur-là
que lécher les bottes est une mauvaise chose22.
Conclusion
efforts afin d’aider à ce que les sous-payés ou les non payés reçoivent un
traitement plus digne et que les surpayés soient rabattus à un niveau qui
ne soit pas scandaleux. Une loi générale qui détermine la tension salariale
de façon plus ou moins équitable entre le plus gradé et le moins gradé
s’avère être une nécessité.
Aussi, aidé par la société civile et l’élite intellectuelle, le peuple devra
être de plus en plus capable d’exiger que la politique soit suffisamment
rigoureuse de manière à servir finalement les intérêts du pays, de la
nation tout entière et non pas seulement ceux des dirigeants étatiques
et des étrangers. Car, comme l’avait si bien dit Montesquieu : « C’est une
expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en
abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites (…). Pour qu’on ne puisse
abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir
arrête le pouvoir ». Il revient de ce fait à la population de cesser d’être
un souverain « primitif » et de revêtir le statut de souverain primaire.
C’est autant dire que le peuple souverain « primaire » est celui à même de
suivre, de contrôler, d’analyser et d’évaluer les actes de gestion, les lois et
les projets de société élaborés par ses représentants avec une possibilité
de les corriger, les amender et éventuellement les dédire, faute de quoi, les
députés nationaux continueront à être soumis au dictat de leurs partis ou
regroupements politiques ou mieux à l’autorité morale plutôt qu’à servir
tout d’abord les intérêts du pays par un contrôle parlementaire responsable
et par le vote des lois de plus en plus justes pour l’intérêt du pays.
L
Willy MOKA-MUBELO, a démocratie est souvent perçue
S.J., PhD., comme le régime politique idéal pour le
Professeur à la
développement économique et le progrès
Faculté de Philosophie
S.P. Canisius/ des peuples en vue de la stabilité politique.
Université Loyola Une telle conviction semble aujourd’hui se heurter à
du Congo. certains comportements qui remettent en question
maestro.mocus@ le caractère « sacré » de la démocratie. En effet, la
gmail.com démocratie semble être aujourd’hui assiégée dans
de nombreux pays. Nous assistons à une attaque
contre les institutions et les pratiques démocratiques
dans le monde. La plupart des pays occidentaux
qui ont bénéficié des avantages de la démocratie
connaissent la montée implicite ou explicite des
régimes autoritaires. Le triomphe des valeurs
démocratiques, telles que le respect de la dignité
humaine, la primauté du droit, les droits de l’homme,
la tolérance et la décence publique, semble être remis
en question aujourd’hui. À titre d’exemple, depuis
l’élection de Donald Trump en novembre 2016 jusqu’à
son refus de se soumettre au verdict des urnes en
novembre 2020, au profit de Joe Biden, les États-
Unis d’Amérique, considérés comme le paradigme
des régimes démocratiques, ont vécu la remise en
question des valeurs démocratiques sur lesquelles
se fonde leur système politique.
Les valeurs morales de la société américaine ont
été également contestées. La détérioration du discours
public dépeint les États-Unis aujourd’hui comme un
pays fondé sur les « insultes » et les « mensonges ».
L’ancien Secrétaire d’État, Colin Powell, a exprimé
cette détérioration en ces termes : « Nous sommes
arrivés à vivre dans une société fondée sur des
insultes, des mensonges et des choses qui ne sont tout
simplement pas vraies. Cela crée un environnement
dans lequel les personnes mentalement instables se
sentent autonomes. »1 En Afrique, le non-respect des
1 Brett SAMUELS, “Colin Powell : We’ve come to live in a society
based on insults, on lies,” in The Hill, https://thehill.com/blogs/
blog-briefing-room/414124-colin-powell-weve-come-to-live-in-a-society-based-on-insults-on-lies
(Consulted on August 17, 2020). La traduction française est mienne.
2 Une définition attribuée au Président Américain Abraham Lincholn.
Il écrit :
La personne libre dans les sociétés démocratiques a besoin de qualités
morales supérieures à celles des citoyens de l’ancien régime : d’esprit
d’entreprise plus que de résignation ; de vertu civique plus que de piété
familiale ; de respect de la loi et de sa promulgation plutôt que de simple
soumission aux ordres ; de recherche de progrès personnel plutôt que de
stagnation dans une situation donnée ; de savoir-faire dans le compromis
pratique et l’opposition loyale plutôt que d’absolutisme moral intrai-
table ; et de bien d’autres qualités souvent ignorées. Notre conscience
des dispositions intérieures nécessaires à une vie démocratique est très
sous-développée8.
Le « sous-développement », pour ainsi dire, des dispositions intérieures
nécessaires à une vie démocratique est dû à une certaine perception et
conception de la démocratie qui mettent plus l’accent sur la dimension
procédurale conduisant à la mise en place des institutions politiques plutôt
que sur la qualité morale des animateurs de ces institutions. Mettre l’accent
sur la qualité morale n’est rien d’autre que promouvoir une société où la
vertu devient non seulement le fondement de toute action humaine et le
rempart contre les déviations, la faiblesse et l’infidélité humaines, mais
aussi le cœur de l’éducation morale.
Comme mentionné plus haut, la tempérance et la libéralité font parties
des vertus morales. De son origine latine (temperare, garder la mesure,
l’équilibre), la tempérance, observe Robert C. Solomon à la suite de Thomas
d’Aquin, est la vertu de ceux qui modèrent leurs désirs et leurs passions.
C’est onéreux pour nous en raison des renonciations qu’elle nous impose.
Elle répond à une attitude générale de retenue dont nous avons besoin
à chaque occasion. En vertu de sa capacité à modérer les appétits et les
pouvoirs qui pourraient nuire aux autres, la tempérance établit l’harmonie
dans les relations qui doivent exister entre les membres de la société. En
bref, la tempérance sert à restreindre notre appétit d’acquérir plus que
ce dont nous avons besoin au détriment des autres. Elle subordonne nos
désirs à la raison. Ainsi, la tempérance dans les affaires revient à « avoir un
ensemble raisonnable d’attentes et de désirs ». Le manque de tempérance
conduit à la cupidité, à cause de laquelle les gens trichent, mentent et
agissent injustement9.
Il ressort de ce qui précède que si la démocratie repose sur la tempérance,
elle cesse d’être simplement une forme de gouvernement pour devenir une
forme de vie sociale caractérisée par la réciprocité dans la protection et la
promotion des intérêts individuels et collectifs. La priorité de l’expérience
sur la théorie devient dès lors l’élément déterminant dans la compréhension
8 Michael NOVAK, Démocratie et Bien Commun, Paris, Les Éditions du Cerf, 1991, p.122.
9 Cf. Robert C. SOLOMON, “Business ethics and virtue,” in Robert E. Frederick (ed.), A Companion
to Business Ethics (Malden: Blackwell Publishers, 1999), 34.
10 Robert B. TALISSE, “Can Democracy be a Way of Life ? Deweyan Democracy and the Problem of
Pluralism,” in Winter, vol. XXXIX, no.1 (2003) : 1.
11 B. TALISSE, Op. cit., p. 1.
12 B. TALISSE, Op. cit., p. 1.
Conclusion
17 Ibid., p. 32.
8 Serge MBOUKOU, « Mobutu, roi du Zaïre : essai de sociologie anthropologie politique à partir d’une
figure dictatoriale. » In Le Portique (en ligne), 5-2007, mis en ligne le 06 décembre 2007, consulté le
14 Novembre 2019. URL: //journals.openedition.org/leportique/1379, p. 17.
Pour une telle démarche, V.Y. Mudimbe14 peut nous servir de miroir. Sa
pensée mous aide à nous rendre compte jusqu’à quel point notre odorat s’est
accoutumé à l’haleine d’un père abusif. Par ailleurs, si ces caractéristiques
sont les deux pieds de l’autel sur lequel l’État-nation est sacrifié, la victime
portée sur cet autel est constituée de la trilogie politique-économie-société.
17. Dans un régime autorité morale, la politique – entendue comme
capacité et droit d’infléchir de manière directe ou indirecte un ordre
sociopolitique dans un espace organisationnel bien défini – est sacrifiée
sur l’autel des mots d’ordre de l’autorité morale. Le droit d’infléchir l’ordre
sociopolitique est à la fois nié et confisqué aux populations, les mettant
ainsi dans une situation d’impouvoir. La négation des droits civiques et
politiques se laisse transparaitre par les répressions et musèlements de
toute voix qui s’élève pour exiger plus de justice, plus de transparence
dans la gestion des affaires publiques ou plus de redevabilité. Ceci veut
dire que les libertés démocratiques sont bafouées et le droit à la différence
nié quelquefois avec brutalité et répression éhontée. Plusieurs rapports et
monitorings des systèmes des Notions Unies et d’autres Organisations Non
Gouvernementales illustrent cette situation.15 Le droit d’infléchir l’ordre
sociopolitique n’est pas seulement nié aux populations à travers les diverses
formes de violences, il leur est aussi confisqué par un jonglage politicien
qui consiste, d’une part, à réduire le jeu démocratique à une mascarade
d’élections dans lesquelles le vainqueur est connu d’avance, (l’autorité
morale ou son dauphin) parce que de toute les façons les élections sont
organisées pour entrer « dans la vision de l’autorité morale »16 ; et, d’autre
part, par une crise de la représentation. Il se fait que dans l’État autorité
morale, les élus du peuple ne sont pas redevables vis-à-vis de leurs bases
électorales de qui ils détiennent (théoriquement) leur mandat. Ils sont
redevables vis-à-vis de leur autorité morale de qui ils attendent un « mot
d’ordre » à chaque fois qu’il y a des décisions importantes à prendre à
l’hémicycle. C’est ainsi que la troisième caractéristique de l’État autorité
morale est l’anaxocratie : entendu comme pouvoir du chef, par le chef et pour
le chef. Nous avions fait allusion à cette notion dans une étude antérieure.17
18. La question économico-sociale, entendue comme l’ensemble des
conditions matérielles et immatérielles qui contribuent au bien-être de
tous, dépend du modèle politique en place. En effet, dans un système
14 Cf. V.Y. MUDIMBE, L’Autre Face du Royaume, Ed, l’Age d’Homme, Lausanne, 1973 ; L’Odeur du
père, essai sur les limites de la science et de la vie en Afrique, Ed. Présence Africaine, Paris, 1982.
15 The Economist, Democracy index 2020, https://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-in-
dex-2020/ ; International IDEA, Global State of Democracy indices; https://www.idea.int/gsod-
indices//#/indices/countries-regions-profile?rsc=[490]&covid19=1.
16 Cf. MUKADI ILUNGA, « Les populations de Beni et de Butembo (RD Congo) ou le courage de la
lutte pour la démocratie », in Congo-Afrique, No 532 (Février 2019), pp. 537-544.
17 Cf. MUKADI ILUNGA, « Au sujet de la souveraineté populaire dans l’espace afrocongolais :
Participation politique et contrôle par le peuple », in Chiedza Arupe Jesuit Univerity, Vol. 22. No1.
2020 ; « Participation politique et contrôle par le peuple » in Congo-Afrique No 544, Avril 2020.
21 L’on peut lire avec intérêt la distinction entre vivre de la politique et vivre pour la politique chez Weber,
Le savant et le politique, Ed. Union Générale d’Éditions, Paris, 1963, pp. 95-96.
22 A. MBEMBE, Brutalisme, Ed. La Découverte, Paris 2020, p. 10.
23 D. ABADIE, « De la postcolonie d’Achille Mbembe, recension d’une hypothèse cardinale sur le
devenir de l’Afrique », in Thanking Africa, NRD n0 8 – Mars 2014, pp. 1-10.
24 MOBUTU, Discours-programme du 12 Mai 1965.
21. De ce qui précède, il ressort que soixante ans après les indépendances,
notre manière d’organiser le vivre ensemble reste problématique. Les
régimes des autorités morales – avec toutes les formes de métamorphoses
qu’ils ont subies au cours de l’histoire – n’ont pu être des manières
d’organiser la société qui promeuvent la vie ; c’est-à-dire des systèmes qui
donnent des raisons d’espérer. Ils ont été des systèmes mortifères aussi bien
pour l’afrocongolais que pour l’État tel que la rationalité moderne l’entend.
Dès lors, l’on peut se demander, comment nous en sommes arrivés là.
« Prendre le large … »
33. En somme, il nous faut prendre le large ! Notons avec Felwin Sarr
que la plupart des pays dans l’espace afrocongolais semblent être dans une
forme de course, sans succès, de rattrapage des modèles économiques et
politiques, de l’État-nation et des figures institutionnelles de la démocratie
représentative ; oubliant que ces formes d’organisation sociale, de régulation
du politique et de l’économique sont des résultantes de la sélection opérée
par des sociétés au cours de leur histoire, après de longs processus d’essai
et erreur. En ce sens, aussi longtemps que les institutions politiques,
sociales et culturelles ne seront pas le résultat de productions internes,
arrivées à maturité, des sociétés ayant opéré les synthèses nécessaires par
leur métabolisme propre, on observera longtemps encore une vie réelle
s’auto-organisant en dehors des espaces officiels, et obéissant à ses logiques
propres. L’imitation servile des modèles politiques et économiques élaborés
selon des impératifs qui ne tiennent nullement compte de la réalité des
cultures locales ne peut que produire de l’aliénation.41
34. L’utopie afrocongolaise – qui n’est pas moins qu’un défi – serait cet
impératif de « prendre le large » ; refuser un avenir tracé à l’avance, refuser
de « faire du passé des autres notre avenir ». Il nous faut donc bousculer
nos imaginaires (Kä Mana) pour façonner nos propres modèles politiques
et économiques à partir de nos dynamiques androgènes qui s’accordent
avec les exigences universelles de liberté et de dignité humaine42. Prendre
le large dans le contexte de l’espace afrocongolais consiste à désincarner
l’autorité (morale) et le replacer dans un cadre formel contraignant pour
tous.
C
Introduction
13 Et ce, juste après la passation pacifique du pouvoir couplée d’une coalition avec le parti présidentiel.
14 Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, Op. cit, p. 990.
37 Idem, p. 546.
38 Lire les alinéas 2 et 3 de l’article 2 de la proposition de loi organique modifiant et complétant la loi
organique n° 08/013 du 05 Août 2008 portant Organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur
de la Magistrature.
39 Lire l’alinéa 2 de l’article 4 de la proposition de loi organique modifiant et complétant la loi orga-
nique n° 06/20 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée
par la loi organique n° 15/014 du 1er Aout 2015.
Conclusion
45 Grâces MUWAWA, « Propositions de loi sur les reformes judiciaires en RDC : analyse de réforme
sur les rôles et missions d’un député national ». Disponible sur https://actualite.cd/2020/06/24/
propositions-de-loi-sur-les-reformes-judiciaires-en-rdc-analyse-de-forme-sur-les-roles, consulté le
30 juin 2020 à 22 h 08.
46 N’ayant fourni aucune preuve attestant l’inefficacité du Conseil Supérieur de la Magistrature à
sanctionner les magistrats incriminés, l’exposé des motifs de la proposition de loi organique sur les
juridictions de l’ordre judiciaire dit confusément que « la magistrature ne renvoie pas elle-même
une image positive ».
47 Communiqué de presse du PPRD non daté et lu en 2020 consécutivement aux manifestations contre
l’examen par le Parlement de trois propositions de loi portant la réforme judiciaire.
Total général mensuel pour une rémunération décente : (A)+(B)+(C) 1 315 964
Équivalent en USD 664
Enveloppe journalière pour une rémunération décente (mois de 26 jours) 50 614
Équivalent en USD 26
Hormis pour les quotes-parts mensuelles des articles non alimentaires non récurrents
mensuellement (cf. point C) dont les valeurs ont été mises à jour pour la dernière fois
au mois de septembre 2020, la collecte des données pour l’enquête du mois de mars
2021 a été conduite par le secteur des Appuis au développement du CEPAS du 13 au
14 avril 2021.
Les prix moyens ont été calculés sur base des prix au détail récoltés dans les marchés
(Grand-marché, marché de la liberté, marché Pumbu de Mont-Ngafula, marché
Delvaux), les supermarchés (Shoprite et Kin-marché) et 8 alimentations réparties sur
8 sites géographiques différents.
Le taux moyen de la Banque Centrale du Congo, le plus proche de la fin de la période de
collecte des données, était de 1 986,9067 Francs congolais pour 1 dollar (20 avril 2021).
Contact BNB : Tél. +243 898923309 ** E-mail – patmavinga@gmail.com
MARS 2021
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Élections 2023 : La CENCO, provocatrice
ou conseillère avisée ?
Noël OBOTELA
RASHIDI, Historien.
Professeur ordinaire/
L e microcosme sociopolitique congolais a été agité en
ce mois de mars par la question électorale de 2023.
Tout est parti de la déclaration faite, le 1er mars 2021,
Université de
par la CENCO (Conférence Épiscopale Nationale du
Kinshasa, Faculté
des Lettres et Congo) au cours de laquelle les évêques catholiques
Sciences Humaines. avaient appelé à tout faire pour organiser les élections
Membre du Conseil « en 2023 pas plus tard ». Ce qui aurait provoqué un
de Rédaction de tollé au sein de l’UDPS. De son côté, et par la bouche de
Congo-Afrique. son Secrétaire général, le parti Nouvel Élan a proposé
nobotela2005@
d’amorcer les réformes institutionnelles pour éviter « le
yahoo.fr
glissement » en 2023. Cette déclaration a été faite, le
6 mars 2021, au cours d’une matinée politique
organisée à Kinshasa.
Rappelons que les évêques avaient adressé, le 1er
mars 2021, un mémo au Président de la République.
Il contenait plusieurs points dont notamment le respect
du délai constitutionnel relatif aux élections devant se
tenir en 2023. La Présidence de la République aurait
répliqué, le 2 mars 2023, d’un ton ferme en rappelant
aux hommes de Dieu que leur travail est de s’occuper
de l’Église, et non des élections qui sont l’apanage
de la CENI. Le même jour, l’Abbé Donatien Nshole
avait déclaré que « la CENCO n’a fait que prévenir
(…). Les évêques ne vont pas changer de point de
vue. La CENCO a fait la même chose en disant NON
au troisième mandat de (Kabila). La CENCO reste
constante ».
Il s’en est suivi un démenti par le canal du porte-
parole du chef de l’État, qui dans une interview, le
3 mars 2021, avait précisé que la présidence de la
République n’a jamais donné son avis sur la déclaration
des évêques catholiques réclamant des élections dans
le délai constitutionnel. Le Chef de l’État n’a jamais
nié la nécessité d’organiser les élections en 2023. Il a
invité les uns et les autres à ne pas prêter au président
Tshisekedi « des intentions farfelues » sur ce sujet.
Cependant il reconnaît la sortie d’un article signé par la
Par une ordonnance lue, le 2 mars 2021, le Chef de l’État a nommé René
Likulya Bakumi, premier avocat général des Forces Armées de la RD Congo
428 Congo-Afrique n° 554 � AVRIL 2021 � 61e Année
Mars 2021
en qualité d’Auditeur Général des FARDC. Par la même occasion, il l’a élevé
au grade de Lieutenant-Général des FARDC. Comme Auditeur Général, il
a remplacé le Lieutenant-Général Timothée Mukunto décédé, le 15 janvier
2021, en Afrique du Sud où il était évacué pour des soins.
Une autre ordonnance, du 5 mars 2021, a nommé Erik Nyindu comme
Directeur de la cellule de communication de la Présidence. Il est journaliste
ayant œuvré à TV5 et à la Voix de l’Amérique (VOA) et basé à Bruxelles.
Par la même occasion, le Chef de l’État a pris une ordonnance portant
organisation et fonctionnement du Cabinet du Président de la République
en réaménageant les différents services de la Présidence dont la fusion des
services de la presse présidentielle et de la communication.
AFRIQUE
Téléphone
(+243) 81 51 99 351 Centre
d’Études
pour l’Action
Site internet Sociale
www.cepas.online