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Afrique: Est-ce que la démocratie garantit le développement?

Article · October 2014

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Marobe Wama
Pan African University
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Afrique: Est-ce que la démocratie garantit le
développement?
Par Marobe Wama. Un article de Libre Afrique.

Abraham Lincoln définit la démocratie comme « le gouvernement du peuple par le peuple pour
le peuple ». En cela, il met l'accent sur la nécessité pour les gens de prendre en charge les
questions qui déterminent leur destin et suggère un lien direct entre le gouvernement et le peuple.
Dans son livre « la fin de la pauvreté », Jeffrey Sachs soutient que la démocratie est une
condition préalable au développement économique. Selon lui, un régime qui est despotique,
arbitraire et sans foi ni loi, peut facilement détruire le développement.

Dans le contexte africain, alors que la démocratie demeure un aspect crucial pour le
développement, ce n'est pas seulement la démocratie, du moins telle qu’elle est pratiquée dans
certains pays, qui garantira le développement. Adeolu Oyekan observe généralement que : « bien
qu'aucune société aspirant véritablement au développement ne peut ignorer la démocratie, les
expériences démocratiques dans beaucoup de pays du tiers monde laisse un énorme fossé entre
les gains attendus de la démocratie et la réalité sur le terrain ».

Si des pays comme le Botswana, Maurice, le Ghana et le Sénégal, entre autres, semblent être des
« modèles » de démocratie en Afrique, ils présentent des résultats mitigés. Par exemple, tandis
que le Botswana et Maurice semblent donner satisfaction, au Ghana et au Sénégal la corruption
et l'inefficacité du gouvernement sont rédhibitoires. Dans des pays comme le Cameroun, la
Gambie, le Nigeria, le Rwanda, la Tanzanie, le Togo et l'Ouganda, les élites politiques ont
bloqué le processus d’une véritable démocratisation. Ainsi, des élections défectueuses, des partis
politiques faibles, des organes judiciaires et législatifs au rang de figurants, des commissions
électorales partiales et des organisations de la société civile faibles ne peuvent créer aucun
changement.

Comment la démocratie peut garantir le développement ?

Premièrement, les citoyens doivent être autorisés à avoir le dernier mot quant à la conception et
la mise en œuvre des politiques affectant leur vie par le biais de leurs représentants. C'est
pourquoi Claude Ake, dans son ouvrage « La faisabilité de la démocratie en Afrique », souligne
à juste titre que : « lorsque le développement se démocratise de sorte que les gens deviennent en
même temps ses agents, ses moyens et sa fin ; à ce moment là, le développement sera
concrétisé ».

Deuxièmement, la bonne gouvernance doit accompagner la démocratie. Cela permettra d'assurer


l'existence de normes démocratiques reconnues et entretenues par les citoyens et leur
gouvernement. Ce dernier doit être proche des gens en impliquant les citoyens dans l'élaboration
et la mise en œuvre des politiques et des programmes qui les concernent. Par conséquent, l’état
de droit, l'inclusion, la responsabilisation, la transparence, la méritocratie, la protection des droits
de l'homme et des libertés, et la fin de la corruption doivent être les normes.

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Troisièmement, la séparation claire des pouvoirs entre les organes gouvernementaux. La
concentration du pouvoir et la centralisation sont un lieu commun en Afrique et il est donc
difficile d'affirmer catégoriquement la différence entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Les
contrôles et les contre-pouvoirs devraient être institutionnalisées au sein de la classe dirigeante et
entre gouvernants et gouvernés pour assurer le partage des coûts et les bénéfices du
développement.

Quatrièmement, la démocratie doit être accompagnée de tous ses ingrédients essentiels, entre
autres : pluralité, des élections régulières libres et équitables, des contrôles et des contrepoids,
indépendance judiciaire, état de droit, reddition des comptes, transparence, pour garantir le
développement. C'est parce que, une telle démocratie crée plusieurs centres de pouvoir lequel est
partagé pour l'intérêt des citoyens.

Pourquoi la démocratie n’a pas pu garantir le développement en Afrique ?

La démocratie a besoin de faire partie d'une culture qui permet aux gens d'avoir leur propre
autodétermination, conformément à leurs valeurs. Cependant, la démocratie actuelle en Afrique a
été imposée de l'extérieur. Par conséquent, peu importe leurs bonnes intentions, certains
dirigeants voient la démocratie libérale comme une extension de la supériorité occidentale. Si la
démocratie est importée, elle ne tient pas compte des réalités locales et elle sera partielle et
incohérente. C'est pourquoi Julius Nyerere a fait valoir que « la démocratie prêt-à-porter ou la
démocratie Coca-Cola ne peut pas aider l'Afrique ». Quand il manque à la démocratie le respect
de la propriété, il est difficile de garantir le développement.

Samuel Makinda dans « la démocratie et multipartisme en Afrique » conclut que « la plupart des
tentatives pour introduire la démocratie à l'occidentale ont créé des problèmes pour les dirigeants
et les électeurs qui n'ont aucune expérience de l'exploitation des systèmes politiques ouverts et
concurrentiels ». Il déplore que cela « ait révélé les faiblesses des structures et de la performance
des institutions publiques de nombreux États, et a montré le lien entre un régime autoritaire et les
tensions politiques ». L’observation de la façon dont les partis pratiquent les élections révèle plus
de problèmes que de progrès. La plupart des pays en développement souffrent de la faiblesse des
partis politiques, de la société civile et du secteur privé. Ceux-ci ne peuvent pas promouvoir le
développement car ils sont faibles, pauvrement institutionnalisés et discrédités par les élites
politiques.

La démocratie et le développement sont des éléments inséparables. Il ne peut y avoir de


développement dans sa conception globale si la démocratie est bloquée et vice versa. Par
conséquent, si l’objectif de la démocratie est de garantir le développement, nous devons
poursuivre la politique de la « nouvelle démocratie » qui signifie essentiellement donner le
pouvoir au peuple. Les gens doivent prendre le siège du conducteur quand il s'agit d'examiner les
questions qui déterminent leur destin. La nouvelle démocratie doit être complétée et renforcée
par des institutions populaires, la participation populaire, la société civile, le secteur privé, les
collectivités locales, les syndicats, les médias, et les groupes religieux, entre autres. Ceux-ci
devraient agir pour unifier les gens tout en œuvrant pour le développement social, politique et
économique. Les efforts de la communauté internationale devrait soutenir la nouvelle démocratie

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correspondant à ce que les gens voudraient et ne pas leur imposer ce qu'ils pensent et ce qu’ils
veulent.

Marobe Wama, chercheur à l’institut pour la gouvernance et les sciences humaines et


sociales, Université panafricaine, Yaoundé, Cameroun – Article initialement publié par
African executive, traduction réalisée par Libre Afrique. Le 10 octobre 2014.

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