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BLOC FEDERAL

COMMUNICATION DU BLOC FEDERAL


(à la Première Session Ordinaire de l’année 2023 du Conseil
Economique, Social, Culturel et Environnemental)

COMMENT LE FEDERALISME PEUT-IL


FAVORISER LE DEVELOPPEMENT LOCAL ET LA
COHESION SOCIALE AU TCHAD ?

N’DJAMENA, le 16 février 2023


I. INTRODUCTION

Par : M. BANIARA YOYANA, Magistrat, ancien Ministre, Coordonnateur de CORE TCHAD, Porte-parole
du Bloc Fédéral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers,

Le Bloc fédéral est très honoré et se réjouit d’être convié à votre première session
ordinaire sur cet important thème d’actualité « Cohabitation pacifique :
vecteur d’une transition apaisée et une paix durable au Tchad ».

Le Conseil Économique, social, culturel et environnemental a été de toutes les


lois fondamentales de notre pays, qu’elles s’appellent Constitution, Charte
fondamentale ou Acte fondamental suivant les péripéties de notre histoire
politique.

Organe consultatif, votre institution est l’œil et l’oreille des pouvoirs publics,
c’est à dire que le Conseil est par définition, l’excellent conseiller des pouvoirs
exécutif et législatif. Le Conseil est obligatoirement saisi par l’un ou l’autre
pouvoir pour avis sur toutes les questions à caractère économique, social,
culturel et environnemental par le chef de l’Exécutif ou celui du législatif.

Il peut lui-même procéder à l’analyse de tout problème de développement


économique, social, culturel et environnemental et adresse les conclusions de
son analyse aux destinataires concernés.

Assumant pleinement sa mission de conseiller des pouvoirs publics, peut


recourir à la consultation du public dans les matières relevant de sa
compétence et c’est bien le sens de l’invitation que, M le président, vous avez
adressée au Bloc Fédéral.

Mesdames et messieurs les conseillers, le Bloc Fédéral est un collectif des partis
politiques fédéralistes, organisations de la société civile et personnalités
partageant les objectifs du fédéralisme. Le Bloc fédéral est représenté ici par cinq
personnes dont trois prendront la parole après cette introduction pour
présenter l’une, les grandes lignes de ce qu’est le fédéralisme et l’autre le
scenario pour l’instauration du fédéralisme au Tchad. Le troisième pour conclure.

Je remercie pour votre aimable attention.

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II. CONCEPTS ET PRINCIPES FONDAMENTAUX DU FEDERALISME

Par : Dr NASRA DJIMASNGAR, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques


de l’Université de N’Djamena, Secrétaire National du Parti UN NOUVEAU JOUR

Le Tchad, devenu indépendant depuis le 11 aout 1960 a adopté comme forme


de l’Etat, l’Etat unitaire. A la conférence nationale de 1993, les participants, après
d’âpres discussions, ont accepté de faire un pas en avant en décidant de passer
de l’Etat unitaire à l’Etat unitaire fortement décentralisé. Trente ans après,
l’expérience a montré les limites de cette forme améliorée de l’Etat unitaire. Les
raisons sont entre autres un manque de volonté de l’autorité centrale à
transférer une partie de ses attributions au niveau déconcentré. Cette
concentration du pouvoir a eu comme effet la prédation, les détournements
massifs, l’exclusion et le clientélisme au sommet de l’Etat pour avoir accès à un
emploi public.

Toutes ces années de guerre qu’a connu le pays sont tributaires de cette forme
de l’Etat qui favorise l’abus du pouvoir. Si ailleurs, l’Etat unitaire a fait moins de
ravage, un manque de volonté accompagné des velléités de confiscation du
pouvoir par tous les régimes qui se sont succédés ont été, au Tchad, à l’origine
de cet effritement du tissu social que le fédéralisme se veut un moyen de le
raccommoder.

Au Dialogue National Inclusif et Souverain qui s’est tenu à N’Djamena du 20


août au 8 octobre 2022, les mêmes débats de 1993 ont refait surface. Il a été
question une fois de plus de la forme de l’Etat. Pour trancher définitivement sur
la question, les participants ont unanimement décider de soumettre la question
au référendum.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, la question principale qui doit guider notre
réflexion est celle de savoir : après plus de soixante années d’expériences de
l’Etat unitaire, qu’est-ce que la fédération peut apporter de meilleur au peuple
tchadien, désabusé et meurtri, qui a perdu toute confiance en ses dirigeants et
partant, de tout ce qui est politique ?

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Les fonctions du fédéralisme
Pour commencer, qu’est-ce que le fédéralisme ?

Le fédéralisme est un système d’organisation, d’administration et de


gouvernement dans lequel l’Etat est organisé en fédération et partage avec les
Etats fédérés les diverses compétences constitutionnelles que sont les
compétences législatives, juridictionnelles et administratives.

Quelle est l'essence du fédéralisme ?

Avec la démocratie, les droits fondamentaux et l'Etat de droit, le fédéralisme sera


l'un des maillons importants de notre Etat. Certes, mais pour quelle raison ? Et
pourquoi ce système est-il important pour le Tchad ? La réponse tient dans les
quatre fonctions principales que remplit le fédéralisme.

Premièrement, il protège l'identité des minorités régionales et linguistiques en


leur permettant de façonner leur cadre de vie de manière à préserver leurs
particularités. Avec la fédération, il y aura une langue nationale. Chaque Etat
fédéré choisira sa deuxième langue qui sera la langue dominante au niveau local.

Dans cette mosaïque de spécificités locales et régionales dont regorge le Tchad,


c'est le système fédéraliste qui permettra aux communautés régionales et
linguistiques de sauvegarder leur identité.

La deuxième fonction essentielle du fédéralisme est d'assurer une séparation


verticale des pouvoirs. Ce qui sera une grande innovation au regard de ce qui se
fait au Tchad depuis les indépendances où le pouvoir est concentré entre les
mains d’un homme ou d’un groupe. Ce système centralisé du pouvoir qui
favorise l’exclusion est la cause majeure de tous les conflits civils comme armés
dans notre pays. D'un côté, le fédéralisme limite le pouvoir de l'autorité centrale.
De l'autre, il circonscrit aussi le pouvoir des autorités au niveau fédéré, qui sont
soumises, dans une certaine mesure, au contrôle du pouvoir central. En cas de
problème avec une autorité locale, un citoyen peut s'adresser aux juges de l’Etat
fédéré et remonter jusqu'aux tribunaux fédéraux. Le fédéralisme instaure un
mécanisme perfectionné de « checks and balances », de poids et contrepoids,
entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés. Il renforce ainsi l'Etat de droit et la sécurité
juridique, deux aspects primordiaux pour toute personne qui envisage de venir
s'établir au Tchad.

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Cette séparation rapproche le pouvoir des citoyens en étant un instrument de
proximité.

Le fédéralisme remplit une troisième fonction essentielle en favorisant


l'efficience. Les organisations fédérées peuvent réagir avec plus de rapidité et
de précision à des situations nouvelles que les structures centralisées, lesquelles,
on le sait, prennent souvent des mesures qui ne répondent pas à des besoins
avérés. Dans un système de type fédéraliste, la recherche de solutions se fait au
plus près du citoyen, ce qui permet de contrôler plus efficacement la politique,
mais aussi les finances publiques. Cette efficience permettra par exemple de
réaliser de meilleures infrastructures, adaptées aux spécificités locales.

Enfin, le fédéralisme remplit une quatrième fonction essentielle, qui est de


favoriser la concurrence entre les Etats fédérés, source de créativité et
d'innovation.

Comme vous pouvez le constater, la concurrence, l'efficience, la proximité avec


les citoyens, la séparation des pouvoirs et la protection des minorités sont autant
de caractéristiques qui constituent l'essence même du fédéralisme et
contribuent à rendre un pays attrayant pour les individus comme pour les
entreprises. Le fédéralisme peut être le garant de la stabilité politique et sociale
de notre pays. Il renforce l'Etat de droit et la sécurité juridique et favorise une
affectation judicieuse des ressources publiques. L’administration sera simplifiée
et à proximité des citoyens.

Les avantages du fédéralisme au niveau individuel

Le fédéralisme présente beaucoup d’avantages pour les citoyens.

Le premier de ces avantages est le principe de subsidiarité.

Ce terme aux consonances théoriques et technocratiques n'en a pas moins une


substance concrète. Les décisions qui concernent les citoyens à l'échelle locale
sont prises au niveau local. Les prestations dispensées par les diverses
administrations sont facilement accessibles à la population. Les autorités locales
possèdent les compétences requises pour répondre au mieux aux attentes des
citoyens. Quant à la population, elle peut exercer une influence notable sur son
environnement direct. Elle peut par exemple approuver ou refuser la

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construction d'un édifice. Cela peut sembler anodin d'un point de vue politique,
mais ce pouvoir compte pour beaucoup dans la qualité de vie. La population
peut aussi se prononcer sur l'affectation des recettes fiscales. Les citoyens ont
ainsi davantage conscience de la nécessité que chacun apporte sa contribution
financière pour assurer le bon fonctionnement du système dans son ensemble.

Aussi, avec l’administration qui sera laissée à la charge des Etats fédérés, la
problématique de l’intégration à la fonction publique nationale et la gestion des
carrières des fonctionnaires sera résolue. Aucun fonctionnaire n’aura à effectuer
le déplacement de la capitale pour les questions de titularisation et avancement.
Tout se traitera au niveau local.

Les avantages du fédéralisme au niveau économique

Il a déjà été mentionné quelques-uns des avantages qu'un système fédéraliste


présente pour les entreprises : il s'agit notamment de l'Etat de droit, de la
sécurité juridique, de la stabilité politique, de la qualité des infrastructures, du
niveau de formation élevé et adapté aux besoins locaux, de l'accessibilité des
administrations, car géographiquement proches des citoyens, et du faible taux
d'imposition.

L’atout majeur à ce niveau est la concurrence fiscale. La fiscalité dans un Etat


fédéral étant soumise à la loi de chaque Etat fédéré, pour plus d’attraction des
investisseurs nationaux et internationaux, chacun des Etats fédérés pratiquera sa
fiscalité dans la fourchette qui sera déterminée par la loi nationale.
L’entreprenariat sera dans ce sens boosté.

Les avantages dont bénéficient les entreprises sont aussi bénéfiques pour les
individus et inversement. Le fédéralisme sert tant l'économie que les citoyens.

Quelques appréhensions à lever

- La relation entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés : Dans un système


fédéraliste, il y a des domaines qui relèvent du pouvoir central et d’autres qui
relèvent des Etats fédérés. Plus généralement, la défense nationale, la
diplomatie et la monnaie restent au pouvoir de l’Etat fédéral. Ce sont des
domaines régaliens que le pouvoir central ne concède pas.

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Pour le reste, il appartient à la loi de déterminer la dévolution du pouvoir aux
autorités locales ;
- La survie des Etats moins dotés de ressources économiques : Dans un
système fédéral, les Etats fédérés moins forts ne seront pas délaissés au profit
de ceux qui sont les plus forts. Par le système de péréquation, il y aura une
juste répartition des richesses nationales pour rendre viables les Etats les
moins forts ;

Les velléités sécessionnistes : La fédération n’a pas de visées sécessionnistes.


C’est un mode d’organisation administrative et de répartition territoriale du
pouvoir pour une gestion efficiente tenant compte de toutes les couches
sociales sans exclusive. Aucun Etat fédéré ne peut détenir une armée. Ce qui
devrait mettre fin à la peur ambiante du sécessionnisme éventuel.

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III. SCENARIO POUR L’INSTAURATION DU FEDERALISME AU TCHAD

Par : M. FIKA GAPILI TEDANG, Membre de la coordination de CORETCHAD, un Think Tank de la société
civile qui prône le Fédéralisme

Le système de gouvernance politique du Tchad centralisé et hérité de la


puissance coloniale française, constitue une des sources principales du « mal
tchadien ». En effet, ce système est caractérisé par un pouvoir exécutif qui
concentre toutes les décisions et les ressources nationales entre ses mains, un
système de contrôle public extrêmement faible et inefficace, voire inexistant et
un mode de gestion clientéliste de l’appareil de l’Etat qui ne prend pas en
compte les aspirations de la population. Les populations subissent une
administration centrale corrompue qui nomme des administrateurs civils et
militaires, souvent des analphabètes, chargés de les piller, les malmener, les
appauvrir et étouffer toute velléité de contestation, sans aucun recours pour
elles.

C’est donc l’Etat avec un pouvoir exécutif hyper centralisateur face à un


système de contrôle parlementaire et citoyen défaillant qui est une des
causes principales de la mauvaise gouvernance au Tchad. Cette forme de
l’Etat reste la cause principale du sous-développement des régions,
l’étouffement de la promotion de leur potentialité, et l’impossibilité donnée à
des dirigeants locaux de présenter des programmes de développement du
territoire de leur ressort, d’être élus sur ces bases et de rendre compte à leurs
populations de leur succès ou de leur échec.
L’Etat unitaire, même fortement décentralisé, a montré ses limites au Tchad en
abandonnant les populations à leur triste sort sans eau ni électricité, avec des
hôpitaux et écoles sans personnels, des routes entièrement délabrées et, comble
de tous, soumises aux rackets des forces de l’ordre et des autorités
administratives censées les protéger.

Notre vision du fédéralisme, comme mode de gestion de l’Etat, permettra de


responsabiliser toutes les communautés dans la gestion des services sociaux de
base, de rendre les ressources financières et humaines disponibles localement
et contrôlables facilement et de rapprocher les centres de décision des
bénéficiaires. Elle est articulée autour des points suivants :

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Architecture institutionnelle

L’architecture institutionnelle envisagée est inspirée d’une part des bonnes


pratiques internationales et d’autre part des réalités socio-politiques et des
soubresauts observés à ce jour dans l’évolution historique de la gouvernance
publique au Tchad.

Elle prévoit une République à deux niveaux :

- L’Etat fédéral dirigé par un Président et un Vice-Président élus au suffrage


universel direct, issus de deux Etats différents ;
- Huit (8) Etats fédérés ainsi que le district de la Capitale fédérale. Chaque Etat
fédéral est subdivisé en Arrondissements dont l’autonomie est garantie, ceci
pour favoriser le développement local ;

- Un régime parlementaire bicaméral avec une Assemblée fédérale et un Senat


représentant les Etats fédérés dont l’une des missions essentielles est la
certification des nominations aux hautes fonctions de l’Etat ;
- Chaque État fédéré est représenté par trois (03) à six (06) sénateurs élus au
suffrage universel direct, dans leur État respectif. Le nombre des sénateurs
élus par Etat fédéré est proportionnel au poids démographique de l’Etat. Sont
membres de droit du Sénat : les Gouverneurs des Etats fédérés, les anciens
Présidents de la République, les candidats arrivés en 2eme et 3eme position
à l’élection présidentielle.

- Des grandes institutions sont prévues tant au niveau fédéral qu’au niveau
fédéré. Il s’agit de : le Conseil Economique, Social, Culturel et
Environnemental, la Haute Autorité des médias et de l’audiovisuel, la
Commission Nationale des Droits de l’Homme, le Médiateur National et le
Bureau du Vérificateur National. Cette dernière institution étant en
charge de la bonne gouvernance ;

- Un système judiciaire articulé autour d’une Cour Suprême et des autres


ordres juridictionnels.

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Découpage territoriale

En partant d’une analyse minutieuse du contexte nationale notamment l’histoire


socio-politique du pays de l’ère précolonial à nos jours, les découpages
administratifs successifs du Tchad du temps colonial à aujourd’hui, le processus
de décentralisation du pays, les publications des tchadiens sur le Fédéralisme,
les propositions des forces sociopolitiques fédérales, quatre critères ci-après ont
été définis pour le découpage territorial :

1. Acquis du maillage administratif existant notamment le découpage


administratif du Tchad en provinces, départements, sous-préfectures et
communes. Ils ont souligné la nécessité d’éviter des regroupements sur
des bases purement ethniques ou linguistiques.

2. Réalités historiques et socio-culturelles : le découpage doit être assis


sur des fondements historiques et socioculturels communs devant
permettre la constitution d’Etats fédérés où les citoyens partagent un
minimum de repères culturels communs et d’histoires partagés

3. Principe de l’efficience : le découpage doit s’orienter vers un nombre


plus limité d’Etats fédérés avec une taille suffisante et des compétences
suffisantes en matière de planification, de coordination et d’animation des
collectivités locales.

4. Principe de proportionnalité et de l’équilibre : un équilibre entre les


Etats en fonction de leur poids démographiques et, à certains égards,
territoriaux doit permettre de se prémunir contre le risque de voir les
grands Etats écraser les petits.

La prise en compte croisée des différents principes, règles et critères généraux


évoqués ci-dessus conduisent à la proposition d’une République Fédérale du
Tchad constituée de huit (8) Etats fédérés viables et équilibrés ainsi qu’un
District de la Capitale fédérale.

Ce découpage est quasi identique avec celui des Académies des Enseignements et
en grande partie convergente avec les conclusions du haut comité technique des
réformes institutionnelles mis en place en 2017 par le Gouvernement.

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Répartition des compétences

Au niveau de l’État fédéral, reviennent les compétences suivantes :


- Les relations étrangères y compris la coopération avec les organisations
régionales et internationales ;
- La monnaie et les échanges internationaux ;
- L’armée et la défense nationale ;
- L’enseignement supérieur et la recherche scientifique ;
- Les routes nationales, les autoroutes, le chemin de fer ;
- Le transport aérien et fluvial ;
- Les télécommunications et la cybersécurité.

Au niveau des États fédérés :

- L’enseignement préscolaire, primaire et secondaire ;


- L’enseignement technique et professionnel ;
- La culture ;
- La santé publique ;
- Les routes provinciales et départementales ;
- La pêche, la chasse et la protection de l’environnement ;
- L’agriculture et l’élevage ;
- La justice, jusqu’au niveau du second degré (Cours d’Appel) ;
- La sécurité et le maintien de l’ordre ;
- La collecte des taxes et impôts.

Au niveau des Arrondissements :

- La délivrance des documents d’État civil ;


- Les pistes rurales et les infrastructures communales ;
- La construction et l’entretien des routes intercommunales ;
- L’aménagement du territoire local;
- L’entretien des parcs naturels;
- L’aide sociale et l’aide à la jeunesse;
- La construction et l’entretien des hôpitaux, des écoles, des lycées, des
écoles professionnelles ;
- La collecte et la gestion des ordures ménagères ;
- La construction et l’entretien des bibliothèques et centres culturels ;

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- La construction de terrains et centres de sport ;
- La promotion de la culture locale,
- La gestion du foncier ;
- L’eau, l’hygiène et l’assainissement ;
- Electrification rurale.

Une étude spécifique doit permettre d’aboutir à une répartition optimale


des compétences entre les différentes entités et éviter les conflits de
compétence !

Répartition des ressources

La répartition des ressources est assujettie aux principes de solidarité,


complémentarité et subsidiarité entre les entités. Fédéral et fédérés. Pour ce qui
est de la quotepart entre État fédéral et États fédérés, il a été conseillé de
s’inspirer des modèles existants pour plus d’équité et de justice sociale :

- 50% des ressources collectées iront vers l’Etat fédéral ;


- 50% seront réparties entre les Etats fédères selon les critères suivants :
o Une part fixe attribuée à chaque Etat fédéré ;
o Une part variable en fonction du poids démographique et des
sources de revenus.

A noter que ce même principe devra être appliqué entre les Etats fédérés et leurs
Arrondissements pour garantir à ces derniers des ressources pérennes qui seront
injectes directement dans le social et le développement local.

Un système de péréquation pour assurer un développement équitable de


toutes les régions du pays : L’idée ici est de faire comprendre aux Tchadiens
que la fédération n’est pas synonyme de division mais d’unité, de cohésion
sociale, de justice et de liberté. C’est pour cela que l’État fédéral a la plus grande
part de ressources afin de lui permettre de les redistribuer là où cela est
nécessaire.

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Phase de transition

Dans l’histoire moderne des institutions, le fédéralisme a émergé


essentiellement sous la forme d’un processus d’agrégation. De nouveaux pays
ont regroupé sous une forme fédérale des unités précédemment
indépendantes.

La création d’une fédération par un processus de désagrégation, comme ce


serait le cas du Tchad, est encore plus difficile parce que les États
(précédemment) centralisés répugnent à se dépouiller de leurs compétences
pour les transférer à leurs régions. Le transfert des compétences et des
ressources aux nouveaux Etats serait donc le défi principal.
Après l’adoption de la Constitution par referendum, des lois sont nécessaires
pour la mise en œuvre des nouvelles structures et le transfert des compétences.
Ce transfert des compétences aux Etats fédérés doit se faire suivant un processus
très ordonné, sur une période déterminée et assez courte.
Une Commission technique multidisciplinaire chargée de régler les différents
aspects de la transition du système actuel vers le Fédéralisme sera mise en place.
La mission principale de cette Commission est la suivante :

– Déterminer, dans les détails, la répartition des compétences entre les Etats
fédérées et l’Etat fédéral;
– Catégoriser et repartir les ressources humaines entre Etats et établir le
mode d’allocation et de mouvement du personnel;
– Définir les clés de répartition des ressources non prévues par la
Constitution;
– Réaliser toutes autres missions qui peuvent leur assigner dans le cadre de
la transition vers l’Etat fédéral.
Le délai nécessaire à la mise en œuvre de l’ensemble des actions nécessaires
pour une transition réussie vers un Tchad fédéral est de trois (3) ans.

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Fédéralisme et développement local

Comment le système fédéral proposé peut-il garantir le développement


local ? : Il convient de relever que le système fédéral tel que présenté permet de
rapprocher l’administration des administrés. Il engage la responsabilité directe
de citoyens dans le contrôle des actions publiques locales. Le système fédéral
est sensé incarné la réalité quotidienne locale, évitant de ce fait le style top-
down de l’État unitaire décentralisé. Cependant, afin de permettre une meilleure
compréhension du processus par la base, il est important que la constitution
fédérale aménage une bonne place aux autorités traditionnelles dans l’exercice
de pouvoirs au niveau local. Il est important par ailleurs de mettre l’accent sur la
consultation populaire comme mécanisme à la fois pour faire évoluer le
processus juridique mais également comme frein aux abus du pouvoir.

Les ressources seront injectées directement dans les Arrondissements et


permettront de satisfaire les besoins sociaux essentiels de la population.
L’autonomie financière des Arrondissements constitue la pièce angulaire
du système fédéral proposé.

Fédéralisme et bonne gouvernance

Comment le système fédéral proposé peut-il garantir la bonne gestion et


lutter contre la mauvaise gouvernance ? : Le système fédéral envisagé
préconise la mise en place d’un Bureau de vérification central qui est inspiré du
modèle canadien et paraît correspondre au mieux à la complexité du contexte
tchadien, fait des diversités structurelles. Il revient à ce bureau de vérifier et de
certifier tous les fonds publics ; ce qui limitera tout abus.

Le système fédéral proposé permettra de garantir la méritocratie dans l’accès


aux hautes fonctions de l’Etat. En effet, il est prévu que le Président de la
République nomme, en Conseil des ministres, aux hautes fonctions civiles et
militaires fédérales, après confirmation du Parlement. La liste des postes et
hautes fonctions civiles et militaires fédérales concernée par la procédure
de certification du Parlement sont déterminées par la Loi. Les hauts
fonctionnaires fédéraux seront certifiés par le parlement avant leur entrée en
fonction, conformément à la loi.

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Fédéralisme et cohésion sociale

Comment le système fédéral proposé peut-il renforcer l’unité nationale et


éviter la dislocation du pays ? : L’État fédéral envisagé se veut démocratique
et souverain, avec un système parlementaire à deux chambres, avec un système
de désignation des juges qui seront élus et inamovibles.

Le système prévoit également un système d’accès aux hautes fonctions de l’Etat


par un processus de mérite. Tout cela permettra d’éviter les injustices, les
inégalités et les exclusions diverses qui sont les causes profondes des
frustrations et du mal vivre des Tchadiens.

Comme dans le cas nigérian, pays aux multiples contrastes similaires au Tchad,
la mise en place de la République Fédéral au Tchad permettra non seulement
d’éviter la dislocation du pays mais surtout de renforcer son unité nationale. Elle
devra favoriser un environnement démocratique, largement participatif, propice
à la bonne gouvernance, à la responsabilisation. Cela devra permettre un
meilleur rapprochement du citoyen de la chose publique, un meilleur vivre
ensemble et la préservation de l’unité nationale.

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IV. CONCLUSION

Par : NOUBATESSEM JONATHAN, Secrétaire Général National de la Convention pour la Démocratie et


le Fédéralisme (CDF)

En conclusion, il est important de se demander si le gouvernement favorise la


cohésion sociale en suivant l’esprit du cahier de charges du DNIS.

Il est permis d’en douter. En effet, il y a deux courants d’opinion majeurs issus
du dialogue, l’Etat unitaire et l’Etat fédéral, mais nous constatons
malheureusement que par les actes qu’il pose, le régime prend fait et cause pour
l’Etat unitaire, et ce depuis les pré dialogues. Nous en voulons pour preuve :

- Les présidiums des sessions de pré dialogues dans les provinces ont été
pratiquement imposés par les autorités administratives, pour la plupart
acquises à la cause de l’Etat unitaire. Il en a résulté dans certaines
provinces des rapports controversés en ce qui concerne la forme de l’Etat,
avec des vives protestations des représentants des populations dans les
médias.
- Lors de la préparation du dialogue, la sous-commission technique N°2 du
CODNI, chargée de la forme de l’Etat, avait produit un rapport qui dans
ses conclusions penchait nettement vers la forme unitaire de l’Etat, au lieu
de s’en tenir à une analyse technique neutre. Ce rapport a été jugé
tendancieux par la plénière du CODNI à qui il était présenté, et la SCT2
était la seule des cinq sous-commissions à reprendre ses travaux pour ôter
les conclusions jugées tendancieuses et soumettre un nouveau rapport
plus neutre qui sera soumis au DNIS. Cela montre clairement l’orientation
antifédéralisme du régime de transition.
- Les mêmes manœuvres se sont répétées lors du dialogue : la mise en
place du bureau de la commission N°2 chargée entre autres de la forme
de l’Etat était une mascarade ; tout le monde était témoin des
manipulations qui se sont poursuivies jusque dans la grande salle du
palais des arts et de la culture, au moment de la désignation des membres
du bureau ; on assistait médusés aux agitations des partisans du régime
unitaire pour imposer les leurs à la tête de la commission. Alors que les
débats étaient vifs dans la sous-commission et n’ont abouti à aucun
consensus dans un sens ou dans l’autre, les membres du bureau de la

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sous-commission ont pris sur eux de tirer des conclusions de leur cru, en
faisant croire que l’assistance avait penché pour l’Etat unitaire.

Malgré tous ces coups fourrés, les partisans du fédéralisme ont tenu bon et
le DNIS a retenu de soumettre la question de la forme de l’Etat au
référendum. Malheureusement, il est regrettable de constater que le régime
de transition, supposé être neutre, continue, par ses actes, à montrer qu’il
favorise un courant d’opinion au détriment de l’autre, méprisant ainsi les
courants fédéralistes. Quelques exemples illustrent ce que nous avançons :

- La marginalisation des fédéralistes dans toutes les institutions issues du


DNIS ;
- La mise en place de la CONOREC qui non seulement n’est pas prévue dans
le cahier de charges du DNIS mais viole allègrement l’article 7 de la charte
de transition qui dispose : « « l’organisation et la gestion de toutes les
opérations électorales relèvent de la compétence d’une structure
nationale impartiale et indépendante. Les modalités d’organisation
et de fonctionnement de ladite structure sont fixées par une loi ».
- La CONOREC, inféodée au gouvernement quant à son organe central et
aux autorités administratives territoriales acquises à l’Etat unitaire quant à
ses démembrements, n’est pas indépendante ; en outre elle n’est pas
impartiale au sens des accords du 13 août 2007, utilisées comme
référence pour les questions politiques du DNIS, qui demandent que les
organes de gestion des élections soient paritaires : en l’occurrence, il doit
y figurer autant de partisans de l’Etat unitaire que ceux de l’Etat fédéral
représentés par leurs corporations respectives. La mise en place de la
CONOREC est donc un recul par rapport aux pratiques démocratiques au
Tchad : les scrutins étaient en effet toujours organisés par un organe
indépendant et paritaire, la CENI.
- La dernière sortie du Premier Ministre qui trouve que le référendum,
pourtant l’un des points importants du cahier de charges, n’a pas de
grands enjeux ;

La marginalisation des fédéralistes ainsi démontrée, ajoutée à


l’exacerbation des inégalités sociales qui justifient pour une large part la
poussée fédéraliste, aura pour effet l’émergence et le renforcement des
courants séparatistes qui n’hésitent pas à s’exprimer de plus en plus

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ouvertement. Tout le monde se souviendra de la fermeture de la radio de
La Voix du Paysan à Doba par la HAMA en plein DNIS, suite à la diffusion
sur les antennes d’un communiqué des groupes sécessionnistes.

Loin de favoriser la cohésion sociale, nous concluons que le régime, par ses
actes, est en train de compromettre l’unité nationale, déjà fortement mise
à mal par les injustices sociales et les discriminations.

Pour une bonne cohésion sociale, nous proposons :

- La dissolution pure et simple de la CONOREC ;


- Les mesures d’apaisement : libération des prisonniers des manifestations
du 20 octobre et des prisonniers de guerre ;
- La mise en place d’un cadre de concertation politique comme prévu dans
le cahier des charges, après un dialogue politique avec tous les acteurs
politiques ; ce cadre connaîtra de toutes les questions politiques, y
compris le référendum ;
- La mise en place d’un organe de gestion des élections indépendant et
paritaire, composé, y compris dans tous ses démembrements, des
partisans de l’Etat unitaire et de l’Etat fédéral choisis par leurs structures ;
- La présentation de deux constitutions pour le référendum, produites par
chacun des deux courants d’opinion à savoir l’Etat unitaire et l’Etat
fédéral ;
- La neutralité du régime de transition dans les questions politiques ;
- La dépolitisation de l’administration territoriale comme recommandée par
les accords politiques du 13 août 2007 ;
- La résorption des inégalités et l’arrêt des mesures impopulaires telles que
les Zones Economiques Spéciales.

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Annexe 1 : schéma cartographique de l’Etat fédéral du Tchad proposé

NB : Des études approfondies et des consultations locales sont nécessaires pour


parvenir à un découpage territorial définitif.

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Annexe 2 : Configuration des Etats fédérés proposés

Effectif de la
N° Etat fédéral Provinces
population1
Tibesti,
NORD Borkou
01 632 927
(BET) Ennedi Ouest
Ennedi Est
NORD OUEST Barh-El-Gazel
02 Kanem 1 510 373
(KANEM)
Lac
NORD EST Wadi Fira
03 Ouaddaï 2 513 520
(OUADDAI)
Batha
CENTRE OUEST Hadjar Lamis
04 1 667 311
(BAGUIRMI) Chari Baguirmi
CENTRE EST Guera
05 Salamat 1 650 043
(GRAND GUERA)
Sila
SUD OUEST Mayo Kebbi Est
06 Mayo Kebbi Ouest 2 988 271
(MAYO KEBBI)
Tandjilé
SUD EST Moyen Chari
07 1 806 082
(MOYEN CHARI) Mandoul
SUD Logone Occidental
08 2 193 695
(LOGONE) Logone Oriental
09 N’DJAMENA N’Djamena 1 592 258

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Source INSEED : PROJECTIONS DEMOGRAPHIQUES REGIONALES 2009-2050; Hypothèse moyenne, Année 2020; Tableau 2.02, page 29

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