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Par Babacar Kanté, agrégé des facultés de droit, professeur titulaire

de l’université Gaston Berger de Saint-Louis du SENEGAL.


Année universitaire 2002/ 2003
I- Historique du droit administratif :

Le point de départ est l’idée que là où il existe une administration, il doit y avoir de droit
administratif. A partir de ce moment on peut affirmer que même sous l’ancien droit il existait
un droit administratif (cf. principe de légalité). A cette époque, cependant le droit
administratif était embryonnaire (contribution des juges à élever le droit administratif ;
l’époque de la féodalité). Progressivement ce droit va acquérir ses lettres de noblesses pour
être au rang de disciplines scientifiques (première étape : royauté, organisation contentieuse ;
deuxième étape : apport du juge, sophistication du droit, réflexion des commentateurs du
droit). C’est par la suite que ce droit sera transposé dans les colonies d’Afrique par la France,
qui vont le recevoir comme un héritage après leur accession à l’indépendance.

A- La naissance du droit administratif en France :


La naissance du droit moderne est strictement liée à la formation d’un Etat en France. Les
contentieux créés par le fonctionnement féodal étaient effectivement soumis à un droit
administratif. Cependant ce droit administratif dans son contenu n’était pas satisfaisant. Il sera
construit à partir de la Révolution française de 1789 (cf. état de police). Le point de départ
se trouve dans l’interprétation française de la séparation des pouvoirs, mouvement, évolution
vers la séparation des fonctions administratives et juridictionnelles. La Loi L 16-24 du 8
Août de 1790 et la Loi L 16 Frutudor l’An III avaient interdit au juge de connaître du
contentieux administratif (remarque du sens négatif de la nature du titulaire du contentieux
administratif).
A partir de ce moment c’est l’administration qui allait se juger elle-même : l’application de la
théorie du « ministre juge ». Le conseil d’état chargé de remplir cette fonction de juge ne sera
transformé en juridiction en 1799. Mais on peut affirmer que c’est la Loi du 24 Mai 1872 qui
va donner au conseil d’état son véritable caractère de juridiction. C’est en effet à cette date

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qu’on est passé de la justice retenue à la justice déléguée. Le conseil d’état ainsi créé et les
tribunaux administratifs vont ainsi progressivement élaborer le droit administratif moderne.
Trois principaux facteurs ont favorisé le développement de ce droit administratif :
Le premier facteur : c’est la compétence consacrée et affirmée du conseil d’état. Ainsi après
l’interdiction faite au juge judiciaire de connaître du contentieux administratif et la période
d’application de la théorie du ministre juge, il y a eu la création du conseil d’état suite à
l’interprétation de la séparation des pouvoirs qui à son tour a conduit à une séparation des
fonctions administrative et judiciaire. C’est ainsi qu’on a abouti à la fin de l’application du
principe selon lequel « juger c’est administrer ».
Le deuxième facteur : c’est l’absence de code administratif à caractère général.
Contrairement aux disciplines de droit privé, il n’existe pas de code de droit général en droit
administratif pouvant servir de base au droit administratif. Il existe de plus en plus de textes
en droit administratif. Mais d’une part ces textes sont éparpillés, d’autre part ils sont pour
l’essentiel postérieurs à la naissance d’une juridiction administrative. La multiplication des
textes pose le problème des sources du droit administratif. Certaines de ces sources sont
écrites d’autres non écrites. Du fait que les textes sont de plus en plus nombreux aujourd’hui,
on se pose la question de savoir si le droit administratif est un droit jurisprudentiel (cf.
caractère du droit administratif).
Le troisième facteur : c’est l’obligation pour le juge de statuer. Conformément aux
dispositions du code civil le juge administratif est en effet obligé de statuer lorsqu’il est saisi.
N’ayant pas de code à sa disposition, le juge était obligé de créer des règles de droit. Ce droit
a constitué progressivement un ensemble de règles différentes des règles du droit privé mais
adaptées à l’administration. Justement c’est le sens de l’arrêt Blanco rendu par le tribunal
des conflits 8 février 1873. Par la suite ce droit a été l’objet d’une discipline scientifique
enseignée dans les facultés de droit avant d’être imité dans d’autres pays.
On retient trois grandes étapes de l’évolution de ce droit administratif en France :
- Première étape va de sa naissance à la première guerre mondiale. Pendant cette première
étape le droit administratif a été construit autour de la notion de service public.
- Deuxième étape : elle va de la première guerre mondiale à la deuxième guerre mondiale.
Cette deuxième étape correspond à la naissance et au développement des services publics
industriels et commerciaux et de la gestion des services publics par des personnes privées.
-Troisième étape commence à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale. Cette étape
correspond à l’intervention de certains textes fondamentaux.

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Exemples : le statut général de la fonction publique, la nationalisation, l’interventionnisme
économique.
Elle correspond à la naissance des principes généraux du droit. C’est ce droit ainsi élaboré par
le juge, analysé par la doctrine qui en a fait une discipline scientifique que la France va
appliquer dans ses colonies.

B- La réception du droit administratif en Afrique :


Pendant la période coloniale déjà le droit administratif était appliqué dans les colonies.
Exemple : arrêt Houphouët Boigny
Après leur accession à l’indépendance, les pays africains n’ont pas repris exactement le
modèle français. Le modèle français se caractérisait en effet par une dualité de juridiction. A
côté de la cour de cassation compétente pour les affaires de droit privé, existe un conseil
d’état compétent pour les litiges administratifs. Pour résoudre les conflits de compétence entre
les deux ordres de juridictions la France a créé un tribunal des conflits (T.C).
Les pays africains ont adopté pour l’essentiel, en revanche l’unité de juridiction à la dualité du
contentieux. On peut évoquer deux raisons à ce propos :
-La première raison est historique. En effet les élites africaines avaient été formées aux
institutions administratives françaises. Elles étaient donc plus familiarisées avec la pratique
des institutions.
-La deuxième raison est d’ordre pratique. Il s’agissait d’assurer une transition en douceur tout
évitant le coût prohibitif de la dualité de juridiction. Le réaménagement du droit administratif
en Afrique n’a pas seulement revêtu un caractère institutionnel. En effet d’un point de vue
structurel, les Etats africains en construction ont développé un droit administratif structurel
plus important que celui de la France.
Récemment les pays africains se sont engagés dans une réforme de leur système
d’organisation judiciaire. Ainsi on constate que plus de trente ans (1990) après leur accession
à l’indépendance, la plupart de ces pays africains a eu la tendance à un retour à une dualité
française de juridiction. Il en est ainsi du Sénégal depuis 1992 (conseil d’état, cour de
cassation). Le Sénégal se distingue de la France et des autres pays africains par l’adoption
d’un Code des Obligations de l’Administration (C.O.A) qui reprend l’essentiel des principes
jurisprudentiels français en matière de contrats et de responsabilité. Dans le fond le droit
administratif africain utilise les mêmes principes et concepts que le droit administratif

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français. Cependant dans leur application, la jurisprudence africaine aboutit parfois à des
résultats différents de ceux de jurisprudence française. Exemple : le contrôle de légalité.
Ces différences sont parfois volontaires et d’autrefois involontaires (utilisation des concepts
de droit privé).

II- Définition du droit administratif :


Malgré sa naissance relativement ancienne, la définition du droit administratif continue
encore de poser problème. En effet ces définitions font l’objet de contre verses doctrinales.
Le droit administratif a fait l’objet de plusieurs tentatives de définitions. On rappelle quatre
perspectives à partir desquelles on a tenté de définir le droit : la théorie du service public, la
théorie de la puissance publique, la théorie des bases constitutionnelles, la combinaison des
théories du service public et de la puissance publique.
Dans le fond, on retient cependant deux critères de manière générale pour définir le droit
administratif : un critère organique et un critère matériel.
- Selon le critère organique le droit administratif se définit à partir de l’organe auquel il
s’applique c’est-à-dire l’administration. Dans cette perspective le droit administratif serait le
droit applicable à l’administration et qui comprend les règles relatives à son organisation, à
ses droits et obligations, à ses activités et à ses rapports avec les administrés. Cette définition
du droit administratif correspond à une conception large du droit administratif. En effet le
droit administratif ainsi entendu comprend aussi bien des règles dérogatoires par rapport au
droit public que par rapport aux règles de droit privé. Dans ce sens le droit administratif
comprend les règles de droit public et celles de droit privé.
- Selon le critère matériel le droit administratif est défini à partir de son contenu. Dans ce sens
le droit administratif est défini comme le droit spécial applicable à l’administration. Cette
définition du droit administratif prend en considération uniquement les règles différentes des
règles de droit privé applicable à l’administration. Cette conception bien qu’inexacte au plan
scientifique est pourtant celle qui est retenue au plan pédagogique. Le droit administratif sera
donc défini d’une part à travers son objet et d’autre part à travers son contenu.

A- Objet du droit administratif


Le droit administratif a essentiellement pour objet l’administration. L’administration à son
tour peut être définie selon deux approches : une approche sociologique et une approche
juridique

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- Selon l’approche juridique l’administration se définit à partir de deux critères : un critère
organique et un critère matériel.
* Au sens organique, l’administration est définie comme étant un appareil ou un ensemble de
personnes chargées de gérer des tâches administratives. C’est ainsi qu’on peut citer l’Etat, la
région, la commune, la communauté rurale, l’établissement public (Université),
l’administration des finances, l’administration des travaux publiques.
*Au sens matériel, l’administration correspond à une activité ou à une fonction. C’est ainsi
qu’on parle de l’administration de l’administration de la mairie sous le contrôle du conseil
municipal. Mais l’administration qui est généralement synonyme de gestion peut être relative
aux affaires publiques et aux affaires privées. L’administration se distingue cependant des
organismes privés à trois points de vue au moins. D’abord par le but car l’administration
poursuit une mission d’intérêt général. Ensuite par les moyens parce que l’administration
utilise des prérogatives de puissance publique. Enfin par la personnalité car les structures qui
interviennent pour le compte de l’administration bénéficient de la personnalité morale de
droit public. Exemple : région.
Mais l’administration se distingue aussi d’autres personnes publiques. C’est ainsi qu’elle se
distingue du pouvoir législatif par sa désignation et par ses pouvoirs de nomination et
d’élection (législatif, loi et règlement). L’administration se distingue également du
gouvernement dans la mesure où l’administration applique la politique gouvernementale. Elle
se distingue également de la juridiction car même si les deux ont vocation à appliquer le droit,
l’administration est subordonnée à la juridiction surtout à la juridiction administrative.

A- Contenu du droit administratif.


La définition du droit administratif au sens étroit veut que le droit administratif soit différent
du droit privé. Cela signifie que l’administration ainsi entendue est autonome. Ce principe
d’autonomie du droit administratif a été affirmé par un arrêt rendu par le T.C le 8 février
1783, Blanco, GAJA, n°1.
Cette autonomie revêt en réalité deux aspects. D’abord un aspect négatif qui signifie que les
règles du droit privé ne sont pas applicables par principe à l’administration. Ensuite un aspect
positif qui signifie que les règles du droit public constituent le droit applicable à
l’administration. Mais cette autonomie du droit administratif correspond par conséquent soit à
un avantage, soit à une contrainte. Ainsi par exemple en matière de responsabilité, l’exigence
d’une faute lourde dans certains cas est une faveur dont bénéficie l’administration. Alors que
l’application du régime de la responsabilité sans faute représente une contrainte pour elle. De

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même en matière de contrat, le droit administratif offre à l’administration une modification
unilatérale des dispositions contractuelles qui la lient à un particulier. Mais en même temps
l’administration ne peut pas contracter avec qui elle veut même comme elle veut.
Cette autonomie du droit administratif n’est pas absolue. Elle est en effet fonction du système
d’organisation judiciaire. C’est ainsi qu’elle est plus marquée dans le système de la dualité de
juridiction atténuée dans le système de l’unité de juridiction en cours dans les pays africains.

III- Les traits caractéristiques du droit administratif


Le droit administratif se caractérise par un certain nombre de traits bien que depuis sa
naissance en France et qui constituent son origine par rapport aux branches du droit. Mais au
cours de son évolution, le droit administratif a subi des mutations qui ont contribué à accroître
sa complexité.
A- Caractères originels du droit administratif.
Parmi tous les caractères du droit administratif, on pourrait citer deux qui sont suffisamment
marquant pour être considérés comme étant spécifiques.
D’abord c’est un droit essentiellement jurisprudentiel. C’est l’un des caractères les plus
importants. Contrairement au droit civil, ou au droit de la famille, le droit administratif en
France n’est pas codifié. C’est un droit dont les règles les plus importantes ont été élaborées
par la jurisprudence. Même au Sénégal où il existe un Code des Obligations de
l’Administration (C.O.A) de 1965, le développement du droit administratif est largement dû à
la jurisprudence.
Ce code ne comporte en effet que 148 articles. Certains de ses dispositions sont
nécessairement laconiques et dans des domaines relativement nouveaux, la législation est
inexistante. La jurisprudence fait donc œuvre normative. Ainsi quantitativement et
qualitativement la jurisprudence reste une source importante du droit administratif. Ce
caractère essentiellement jurisprudentiel emporte deux conséquences importantes sur le droit
administratif :
 La première c’est que le droit administratif
est un droit évolutif. Il faut rappeler que le juge administratif n’est pas lié par ses précédents
en raison de l’interdiction des arrêts de règlement dans le système français. Le juge a la
grande latitude pour adopter ses décisions avec beaucoup de souplesse aux circonstances du
moment. Le droit administratif est un droit essentiellement théorique. Le juge bénéficie d’une
certaine indépendance par rapport aux textes. Il profite de cette marge de liberté pour créer

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des règles originales par rapport à celles du droit privé. C’est ce qui fait du droit administratif
un droit subtil. L’analyse des décisions des juridictions administratives nécessitera dès lors
une certaine technicité. Exemple : utilisation par le juge de la technique du renversement de la
preuve, responsabilité sans faute, le contrôle du pouvoir discrétionnaire.
 La deuxième c’est que le droit administratif
est un droit original. L’originalité revêt deux aspects. Le premier, le droit administratif est un
droit autonome. Pour qu’un droit soit considéré comme étant un droit autonome il faut qu’il
remplisse au moins deux conditions. La première c’est d’avoir un champ d’application propre.
La deuxième c’est d’avoir des règles spécifiques. Le droit administratif remplit ces deux
conditions. En effet l’objet du droit administratif c’est de s’appliquer essentiellement à
l’administration et dans le fond l’administration met en exergue des règles exorbitantes du
droit commun. Cette autonomie du droit administratif n’a cependant pas un caractère absolu.
Elle est susceptible de degré. Ainsi on distingue l’autonomie essentielle et celle accidentelle
du droit administratif (cf. Georges VEDEL). En plus dans les pays africains du fait de
l’existence du système de l’unité de juridiction, cette autonomie tend à l’affaiblir. Du fait de la
non spécialisation des juges en matière de contentieux administratif, on note en effet un
rapprochement entre le droit administratif et le droit privé. En revanche en France, le
rapprochement entre le droit administratif et le droit privé est volontaire.
La deuxième condition : le droit administratif est un droit de conciliation. Il tend à réaliser un
équilibre entre les exigences contradictoires dans la mesure où il s’applique dans les rapports
entre l’administration et les particuliers. Le droit administratif essaie de concilier l’autorité de
l’administration et le droit des individus, l’intérêt général et les intérêts privés, l’ordre et la
liberté. Pour permettre à l’administration de poursuivre sa mission de satisfaction de
l’intérêt général, le droit administratif confère à l’administration des prérogatives de puissance
publique.
Exemple : privilège du préalable (l’acte administratif bénéficie d’une présomption de légalité
et d’être exécuté jusqu’à son annulation par le juge ou son retrait par l’administration).
Le juge administratif veille cependant à ce que ces prérogatives ne se transforment pas en
pouvoir arbitraire. Il impose des limites à l’administration. La violation de ces limites par
l’administration est sanctionnée soit par l’annulation de l’acte pris par l’administration, soit
par un engagement de la responsabilité de l’administration. C’est la recherche de cette
équilibre qui se trouve au cœur de l’évolution du droit administratif. Elle est essentiellement
l’application du juge et son résultat varie en fonction des époques et du contexte.

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A- Les mutations du droit administratif.
De façon cyclique le droit administratif a été considéré comme un droit en crise. La répétition
de ce jugement est plutôt la preuve que c’est un droit en mutation. En effet au de son
évolution, le droit administratif a rencontré plusieurs défis les uns d’ordre interne et les autres
d’ordre externe. En y répondant (défis) le droit administratif a subi certaines inflexions qui lui
ont permis de s’adapter à un contexte différent de celui que l’on a vu naître. Ces mutations du
droit administratif, ces dernières années concernent d’une part ses sources et d’autre part son
contenu.
Sources :
Le droit administratif reste encore essentiellement jurisprudentiel mais la jurisprudence est
fortement concurrencée. On note une pluralité de sources du droit administratif depuis un
certain temps. Ainsi par exemple la création et le développement du conseil constitutionnel en
France ont eu des conséquences en terme de création d’une source de production de plus en
plus importante du droit administratif en dehors du juge administratif. La jurisprudence
constitutionnelle crée en effet des principes généraux du droit qui s’imposent à toutes les
autorités administratives et judiciaires de l’Etat.
Depuis 1952 le droit constitutionnel jurisprudentiel occupe une place de plus en plus
importante parmi les disciples du droit public interne en France. De même la réalisation
progressive de l’intégration européenne a fait du droit communautaire applicable dans l’ordre
interne une source qui s’impose de plus en plus au juge administratif. D’un autre côté les
écrites deviennent de plus en plus nombreuses. Exemple : le droit de l’urbanisme, le droit de
l’environnement, le droit économique, le droit des collectivités locales….
Ainsi le juge administratif fortement concurrencé perd de sa liberté de manœuvre et s’insère
dans un réseau de plus en plus complexe de sources qui lui sont extérieures.
Contenu :
Le droit administratif a pendant longtemps été considéré comme un droit autonome mais
progressivement il perd cette autonomie. D’une part il tend à se rapprocher de plus en plus du
droit privé. Cette situation s’explique en partie par les conséquences des changements
intervenus dans le rôle et la place de l’Etat en matière de politique d’interventionnisme
étatique. D’autre part dans le fond le droit administratif semble s’adapter à une nouvelle
situation en changeant sa philosophie de base, en déplaçant son point d’équilibre. En effet le
droit administratif tend à évoluer vers une plus grande prise en compte des doits et libertés
des individus face à l’administration. C’est ainsi que l’on pourrait expliquer les efforts du

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législateur et du juge administratif tendant à réduire la part des secrets et l’importance de
l’unilatéralité dans le processus décisionnel au sein de l’administration. On peut citer par
exemple les lois sur l’accès au document administratif de 1978, et les lois sur la motivation
de l’administration.
De même il s’explique par les nouvelles tendances en matière de responsabilité qui atténuent
les privilèges initialement reconnus à l’administration.
Exemple : élargissement de la responsabilité sans faute, restriction du domaine de la faute
lourde, fréquence de la présomption de faute.

Première partie : l’administration et le droit administratif


Deuxième partie : le contentieux administratif
Troisième partie : les actes administratifs
Quatrième partie : le principe de légalité
Cinquième partie : le principe de la responsabilité

Première partie : l’administration et le droit administratif.

Le droit administratif est généralement défini comme le droit de l’administration. Cependant


les rapports entre droit administratif et administration sont complexes. En effet il n’est plus
possible de soutenir aujourd’hui que le droit administratif est tout le droit de l’administration
ou que le droit administratif est devenu le tout de l’administration. Certaines activités entières
de l’administration échappent au droit administratif. Mais à l’inverse certains organismes
privés sont soumis au droit administratif. Dès lors il convient d’étudier l’administration pour
d’une part identifier ses structures et d’autre part déterminer la part de leur régime juridique
qui, correspond à l’application du droit administratif. Le droit administratif entretient des
rapports entre les deux aspects de l’administration, c'est-à-dire l’aspect organisationnel et
l’aspect fonctionnel.

Titre I : Le droit administratif et l’organisation administrative :

L’administration se définit soit au sens organique soit au sens matériel. Mais son étude
devient complexe lorsqu’ on l’envisage sous l’angle du droit comparé. Son organisation et son
fonctionnement varient en effet en fonction des circonstances politiques, historiques,

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économiques et culturelles. Ainsi par exemple du point de vue historique le Sénégal a
emprunté à la France son modèle d’organisation et de fonctionnement de l’administration. Ce
modèle se caractérise essentiellement par une forte centralisation. Après les indépendances,
les pays africains comme le Sénégal ont réaménagé ce modèle. Malgré tout on constate que
l’organisation administrative repose sur les mêmes grands principes qu’en France et y revêt
les mêmes formes. En définitive les modalités d’application de ces techniques d’organisation
administratives et les formes d’intervention de l’administration diffèrent.

Chapitre I : L’organisation administrative

Pour remplir sa mission de satisfaction de l’intérêt général, l’administration utilise un certain


nombre de structures. Ces structures sont agencées de manière à leur permettre d’atteindre
une meilleure efficacité dans une plus grande rationalité. Les principes de base de
l’organisation administrative permettent de déterminer les différentes structures
administratives et les procédés selon lesquels ils sont agencés

Section I : Les procédés d’agencement des structures administratives

Ces procédés sont généralement de deux types : les procédés techniques d’agencement et les
procédés de contrôle de ces structures administratives.

Paragraphe I : Les procédés techniques :

L’administration sans être elle-même une personnalité morale, utilise des personnes morales
de droit public. La question est donc de savoir comment va-t-on agencer les compétences et
les domaines d’activités de toutes ces structures ? A cette question, le droit administratif
apporte essentiellement deux réponses : la première c’est la centralisation et la deuxième c’est
la décentralisation.

A- La centralisation
La centralisation correspond à la catégorie des procédés dits autoritaire. En effet la
centralisation est un système qui ne reconnaît pas l’existence de la personnalité juridique à
d’autres collectivités dans le cadre étatique. Il convient de la définir et de voir ses modalités
d’application.

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1°) Définition e la centralisation :
C’est un procédé technique selon lequel l’ensemble des services est rattaché à une seule
personnalité juridique à savoir l’Etat. Dans ce système, tous les services administratifs sont
assurés par des services centraux ou par des services locaux qui s’occupent d’affaires à
caractère local mais sous la direction des services centraux. Dans le système centralisé, il
n’existe qu’un centre unique de décision situé au sommet de la pyramide de structures
administratives.

a- Avantages et inconvénients de la centralisation :


On lui reconnaît généralement trois avantages :
- Au plan politique : on considère que la centralisation permet un renforcement de l’unité
nationale en réduisant les spécificités locales ;
- Au plan administratif : la centralisation est considérée comme une technique qui permet
une certaine efficacité par son unité d’action ;
- Au plan financier : on considère que la centralisation est un système peu coûteux du fait
qu’il permet des économies, de moyens humains et matériels.
En revanche, on reconnaît trois inconvénients de la centralisation :
-Au plan politique : c’est un système qui exclut la participation des administrés à la gestion
des affaires locales ;
- Au plan administratif : c’est un système qui alourdit le processus décisionnel ;
- Enfin c’est système qui ne permet pas un rapprochement de l’administration et des
administrés, qui risque d’aboutir à des décisions inadaptées.

2°) Les modalités d’application de la centralisation :


En pratique, on ne trouve pas de cas d’application absolue de la centralisation. La principale
raison c’est que cette application entraînera plus d’inconvénients que d’avantages. Ainsi on
retiendra deux modalités d’application.

a-) La concentration :
C’est un système où seuls les pouvoirs centraux prennent les décisions que les agents
subordonnés sont chargés d’exécuter. Ce système présente trois intérêts théoriques : la
simplicité, la rapidité et l’objectivité. Dans la réalité un tel système n’existe pas.

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b-) La déconcentration :
C’est un système où le pouvoir est distribué par le transfert de la capacité de décider de
l’autorité centrale à des agents soumis à l’autorité hiérarchique. Cette deuxième modalité de la
centralisation présente trois intérêts théoriques : le rapprochement de l’administration à
l’administré, le désengorgement des structures centrales et une simplicité peu coûteuse.

B- La décentralisation :
Traditionnellement on définit la décentralisation par rapport à la centralisation. La
décentralisation est ainsi entendue comme un système d’organisation administrative qui
reconnaît la personnalité morale à des structures différentes de l’Etat, ayant une personnalité
morale donc un pouvoir de décision autonome pour gérer des activités déterminées. La
décentralisation est classée parmi les procédés non autoritaires d’agencement des structures
administratives.

1°) Définition de la décentralisation :


C’est donc un système d’organisation administrative qui confère une existence juridique et
des pouvoirs de décision à des collectivités secondaires personnalisées pour la gestion de leurs
propres affaires par des organes issus d’elle-même. Donc la décentralisation est un mode de
répartition des tâches entre l’autorité centrale qui aura compétence pour les affaires présentant
un intérêt national et les autorités décentralisées qui ont en charge des affaires spécifiques ou
locales. La décentralisation qui est souvent confondue avec la déconcentration s’en distingue
complètement. En effet dans la décentralisation les collectivités bénéficient de la personnalité
juridique alors que dans la déconcentration, il s’agit de créer des circonscriptions
administratives.
La décentralisation obéit généralement à trois conditions qui la distinguent de la
centralisation.
La première condition : la reconnaissance d’intérêt propre, cela signifie que la collectivité
décentralisée doit avoir des intérêts propres différents de ceux de l’Etat. Elle doit
correspondre à une entité humaine intégrée ayant une certaine singularité. La reconnaissance
de ces intérêts propres correspond à la notion d’affaires locales en ce qui concerne les
collectivités locales et à celles de spécificités pour les établissements publics.
La deuxième condition : l’existence d’organes propres, les intérêts reconnus à la
collectivité par la loi doivent être pris en charge les organes propres à la collectivité. Pour

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qu’il y ait décentralisation, la collectivité décentralisée doit désigner ses propres organes en
son sein. Dans le cadre des collectivités locales, cette désignation se fait généralement par la
voie des élections. Mais dans le cas des établissements publics, cette désignation se fait par la
voie de nomination.
La troisième condition : l’octroi de la personnalité juridique, la décentralisation implique
la reconnaissance de la personnalité juridique au profit de la collectivité en question. Cette
reconnaissance entraîne la possibilité pour la collectivité d’avoir la capacité juridique, de
prendre en charge les affaires qui lui sont confiées. C’est en effet cette personnalité juridique
qui conférera une autonomie juridique, politique, administrative, financière à cette collectivité
locale. Ce procédé de la décentralisation tout comme la centralisation n’est nulle part appliqué
de façon absolue. Ce procédé comporte par ailleurs comme la centralisation des avantages et
des inconvénients.

a-) Les avantages


Deux avantages majeurs :
 Au plan politique, la décentralisation est
considérée comme permettant une meilleure participation des administrés à la gestion de
leurs propres affaires.
 Au plan administratif, la décentralisation
permet une meilleure prise en compte des réalités locales.

b-) Inconvénient
On en trouve qu’un : c’est le risque qu’elle présenterait pour la cohésion de l’Etat du fait
qu’elle privilégie les spécificités locales au détriment des intérêts nationaux.

2°) Les modalités d’application


Tout comme la centralisation, la décentralisation obéit à deux modalités d’application : l’une
correspond à la décentralisation territoriale encore appelée décentralisation horizontale et
l’autre c’est la décentralisation technique encore appelée décentralisation verticale ou de
service.

a-) La décentralisation horizontale ou territoriale


Il s’agit d’une décentralisation qui repose sur une base géographique. Elle consiste à doter une
collectivité territoriale d’une compétence générale mais limitée à une partie du territoire pour

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les affaires la concernant. Le résultat de la décentralisation territoriale ou horizontale est la
création de collectivités locales. Exemple au Sénégal il existe trois collectivités locales : la
région, la commune et la communauté rurale.
Le choix en faveur de la décentralisation est l’expression d’une option en faveur de la
démocratie locale.

b-) La décentralisation verticale, technique ou par service.


Elle consiste à conférer une autonomie administrative à un service public en lui octroyant la
personnalité juridique. Cette forme de décentralisation aboutit à la création des
établissements publics (cf. action publique). Il s’agit donc de précédé qui n’est pas dépourvu
de sens juridique. Il permet en effet de confier la gestion de certaines activités (à certaines
personnalités publiques) aux principaux concernés. Cette modalité de la décentralisation ne
coïncide pas avec la décentralisation territoriale sauf si l’établissement public est à caractère
local.

Paragraphe II : Les procédés de contrôle

Centralisation et décentralisation multiplient les centres de décision et peuvent perturber le


fonctionnement de l’administration d’où la nécessité de mettre en place des techniques de
contrôle pour une plus grande cohérence de l’ensemble de ces structures administratives.
Ainsi à chacun de ces procédés d’agencement des structures administratives correspond une
technique de contrôle. Dans le cas de la centralisation, il s’agit du contrôle hiérarchique et
dans le cas de la décentralisation, il s’agit du contrôle de tutelle.

A- Le contrôle hiérarchique
Une administration hiérarchisée est une administration dans laquelle chaque agent se trouve
dans une position de subordonnée par rapport à un agent qui est son supérieur hiérarchique à
l’exception de celui qui exerce son autorité directement ou indirectement sur tous les autres.
De cette définition de l’administration centralisée ou hiérarchisée découle un certain nombre
de caractères du pouvoir hiérarchique et ses caractères d’exercice.

1°) Les caractères du pouvoir hiérarchique


Quatre traits fondamentaux permettent de caractériser le pouvoir hiérarchique.

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a-) Le pouvoir hiérarchique est un pouvoir de plein droit :
Cela signifie que c’est un pouvoir qui appartient de droit au supérieur hiérarchique qui peut

l’exercer sans qu’un texte ne soit nécessaire pour le lui conférer expressément. La

jurisprudence considère que le caractère du pouvoir de plein droit du pouvoir hiérarchique

découle d’un principe général du droit (Conseil d’état, 30 juin1964, Géralt, Dalloz, 1951,

p.539) ; (Cour suprême du Sénégal, 23 mars 1966, Mamadou Lamine Diop, GAJAS,

Tome I, p.272 ; annales Africaines, 1973, p.284)

b-) Le pouvoir hiérarchique est un pouvoir s’exerçant pour des raisons de légalité ou

d’opportunité.

c-) Le pouvoir hiérarchique peut s’exercer spontanément ou recours hiérarchique.

d-) Le pouvoir hiérarchique ne prévoit pas de moyens de défense du subordonné. Le

subordonné n’a pas la possibilité de s’opposer à la décision de son supérieur hiérarchique car

la compétence accordée à ce dernier l’a été dans l’intérêt du service public. Le subordonné

est donc tenu d’exécuter les ordres de son supérieur hiérarchique sauf lorsque ces derniers

sont manifestement illégaux. Le subordonné a cependant intérêt à agir contre les décisions de

son supérieur lorsqu’elles portent atteintes à son statut. Exemple : les sanctions.

2°) Les modalités d’exercice du pouvoir hiérarchique.

Le pouvoir hiérarchique obéit généralement à deux modalités : d’une part il s’exerce sur les

personnes et d’autre part il s’exerce sur les actes.

15
a-) Le contrôle sur les personnes :

Ce pouvoir correspond au pouvoir disciplinaire que le supérieur hiérarchique exerce sur ses

subordonnés. Il peut prendre la ferme mesure d’instruction (avant que le subordonné

n’intervienne) c'est-à-dire d’intervention a priori ou de sanction, ou d’une intervention a

posteriori.

b-) Le contrôle sur les actes

On doit distinguer plus nettement deux types de contrôle.

 Le contrôle a priori : -l’instruction qui

peut être définie comme le pouvoir préalable par lequel un supérieur hiérarchique donne un

ordre à son subordonné ou alors détermine le contenu des actes à prendre (pouvoir

d’orientation).

- Le pouvoir d’approbation : par ce pouvoir, le supérieur hiérarchique confère à travers son

accord un effet juridique à l’acte de son subordonné. Dans le cas où il existe une approbation,

le supérieur hiérarchique bénéficie parfois d’un droit de veto.

 Le contrôle a posteriori : il comporte un

pouvoir d’annulation. Cela signifie que le supérieur hiérarchique a la possibilité de mettre fin

aux effets de l’acte pris par le subordonné. Ce pouvoir comporte également un pouvoir de

réformation qui signifie que le supérieur hiérarchique peut modifier le contenu de l’acte pris

par le subordonné.

L’exercice du pouvoir hiérarchique rencontre des limites qui peuvent être de trois ordres : 1°)

respect dû aux droits acquis ; 2°) obligation pour le supérieur hiérarchique de l’exercer en cas

de recours et 3°) absence de pouvoir de substitution.

B- Le contrôle de tutelle

16
Contrairement à la tutelle en droit civil qui a pour but de protéger l’incapable, la tutelle en

droit administratif vise la protection de l’intérêt général. La collectivité décentralisée n’est pas

indépendante mais seulement autonome. Il est dès lors normal que s’exerce un contrôle sur

cette autonomie.

Contrairement au pouvoir hiérarchique qui est un contrôle interne, qui s’exerce au sein même

de la personne publique, le contrôle de tutelle est un contrôle qui s’exerce de la part d’une

personne publique (Etat) sur une autre personne publique. Le contrôle de tutelle est dès lors

un contrôle de simple surveillance et non un rapport d’autorité. Le pouvoir de tutelle

correspond au pouvoir conféré par la loi à l’autorité de tutelle sur la collectivité décentralisée

dans un but de protection de l’intérêt général. Il existe plusieurs types de contrôle de tutelle et

des modalités.

1°) Les différents types de contrôle de tutelle :

On peut les classer selon deux critères : d’abord selon l’objet, on distingue la tutelle de

légalité de la tutelle d’opportunité. Ensuit selon la nature du contrôle : on distingue la tutelle

administrative, la tutelle financière et la tutelle technique.

La tutelle de légalité est un contrôle qui porte sur le respect du droit en vigueur par la

collectivité décentralisée de la part de la collectivité centrale. Elle port en général sur la

compétence liée (la collectivité doit obéir aux conditions qui lui sont fixées).

La tutelle d’opportunité porte sur le pouvoir discrétionnaire de la collectivité décentralisée

c'est-à-dire sur la marge de liberté que lui laisse la réglementation.

La tutelle administrative correspond à un contrôle à caractère général qui porte sur les actes

pris par la collectivité sous tutelle par la collectivité de tutelle (Etat central).

17
La tutelle financière correspond au contrôle exercé sur les finances des collectivités

décentralisées. Exemple : approbation du budget des collectivités locales (établissement

public).

La tutelle technique est le contrôle exercé par la collectivité centrale (administration) à

laquelle se rattache la collectivité décentralisée du point de vue de ses activités. Exemple :

Ministre de l’éducation nationale sur les universités.

2°) Les différentes modalités d’exercice de la tutelle

L’autonomie des collectivités décentralisées constitue le principe et le contrôle de tutelle

l’exception. Cela signifie que le pouvoir de tutelle doit être prévu par un texte. Ce caractère

exceptionnel de la tutelle trouve sa formulation dans l’expression « pas de tutelle sans

texte » « pas de tutelle au- delà des textes ». Contrairement au pouvoir hiérarchique, la

tutelle obéit à des modalités très strictes. Mais comme le pouvoir hiérarchique elle s’exerce

selon deux modalités.

a-) La tutelle sur les personnes

Dans le cas des collectivités locales, les organes émanent généralement de ses entités elles-

mêmes. Le con trôle de l’administration centrale est plus limité. Mais l’autorité de tutelle

dispose d’un pouvoir de suspension et même d’évocation des autorités décentralisées parfois.

Exemple : Cour suprême du Sénégal, 26 mai 1965, Ibrahima Seydou Ndaw, annales

africaines, 1973, p.280 ; GAJAS, Tome I, p.106 (possibilité qui existe à travers le Code des

Collectivités locales de dissoudre un conseil régional par décret, article 52). Suspension

possible d’un maire par arrêté du ministre chargé des collectivités locales et sa révocation par

décret, article 140.

18
b-) La tutelle sur les actes :

L’article 2 du Code des Collectivités locales prévoit que les actes des collectivités locales

font l’objet d’un contrôle de légalité, exemple : par le représentant de l’Etat.

Par rapport au pouvoir hiérarchique, on peut dire que le contrôle de tutelle comporte les

mêmes pouvoirs : un pouvoir d’autorisation, d’annulation. Mais à la différence du contrôle

hiérarchique, le contrôle de tutelle ne comprend pas de pouvoir d’instruction. En revanche, il

induit un pouvoir de substitution, d’agir en lieu et place de quelqu’un. Il n’existe qu’à deux

conditions : il faut une mise en demeure (injonction) adressée à la collectivité décentralisée,

ensuite il faudrait un refus de l’autorité sous tutelle. L’exercice par l’autorité de tutelle du

pouvoir qui lui est reconnu peut ouvrir un contentieux qui est de la compétence du conseil

d’état. Exemple : C.E, FR., 18 avril 1902, Maire de Néris-les-Bains, GAJA, N°-80

Section II : Les structures administratives.

L’administration, elle-même n’est pas une personne morale. Cependant elle agit parfois par

l’intermédiaire des personnes morales de droit public. La notion de personne morale est au

cœur du fonctionnement et de l’organisation des structures administratives. Elle permet en

effet de distinguer les différents types de structures administratives.

Paragraphe I : La personnalité de droit public :

Sa reconnaissance à la structure permet de déterminer sa place et son rôle dans l’organisation

administrative.

A- La définition de la notion de personnalité morale de droit public :

19
On dit qu’un groupement a la personnalité morale lorsqu’il bénéficie d’une personnalité

différente de celle des individus qui le composent c'est-à-dire lorsqu’il est tutélaire lui- même

de droit et d’obligation. Cette personnalité permet de distinguer les personnes physiques des

personnes morales. Mais celles-ci peuvent être soit des personnes de droit public, soit des

personnes de droit privé.

La personne morale de droit public constitue un centre d’intérêt juridiquement protégé. La

reconnaissance de la personnalité à un groupement correspond souvent à une volonté

politique beaucoup plus qu’à une logique juridique. Au Sénégal, les personnes morales de

droit public sont : l’Etat, la région, la commune, la communauté rurale et l’établissement

public.

B- Les intérêts de la notion :

L’attribution de la personnalité morale à des groupements emporte plusieurs conséquences.

On pourrait en retenir cinq qui constituent les intérêts de la notion.

1°) Il permet de distinguer l’intérêt des particuliers qui agissent pour le compte d’un

groupement et l’intérêt de la collectivité pris en charge par la personne morale de droit public.

2°) La personnalité morale de droit public permet à son tutélaire d’avoir un patrimoine propre

différent de celui de ses membres.

3°) La personne morale peut ester en justice soit en engageant la responsabilité d’autres

personnes morales ou d’agents à son égard soit pour répondre de ses actes.

4°) La personne morale de droit public est protégée contre l’application de certaines règles de

droit privé, l’impossibilité d’appliquer la règle de la saisine de ses biens et de se voit attribuer

certaines prérogatives de droit public.

5°) La personne morale est tenue d’agir dans le sens de l’objet en vue duquel elle a été créée.

20
Paragraphe II : Les différentes structures administratives :

L’Etat est une personne morale de droit public unique car d’une part il englobe les autres

institutions et collectivités, d’autre part il est en même temps une institution administrative et

une institution politique et enfin il est la seule personne morale à avoir une vocation générale.

On pourrait classer les structures administratives selon deux critères :

1°) Critère fonctionnel

Il aboutira à une distinction entre structures administratives appartenant à l’administration

générale et qui sont compétentes pour toutes les activités administratives et les structures

appartenant à des administrations spéciales qui sont compétentes pour des activités

déterminées.

2°) Critère géographique :

Son application aboutit à une distinction entre les structures de l’administration centrale

compétentes pour l’ensemble du territoire national et les structures administratives locales

compétentes pour une partie du territoire national. L’adoption de ces critères aboutit à la

distinction entre l’administration centrale et l’administration locale.

A- L’administration centrale

Les structures administratives appartiennent pour l’essentiel au pouvoir exécutif. Il s’agit

généralement de trois structures : la présidence de la république, la primature et les

départements ministériels. Mais en outre, l’administration centrale comprend des

circonscriptions administratives et des organismes de consultation et de contrôle.

a-) La présidence de la république

21
Le président de la république est en même temps une autorité politique et administrative. A ce

titre la Constitution lui reconnaît un certain nombre de pouvoirs en matière administrative.

Ainsi par exemple, la Constitution partage le pouvoir exécutif entre le président de la

république et le premier ministre. Cependant le président de la république exerce un certain

nombre de pouvoirs de façon exclusive. Exemple : aux termes de l’article 42 de la

Constitution : « il détermine la politique de la nation » ; article 43 : « il signe les

ordonnances et les décrets » ; articles 44-45 : « il nomme à tous les emplois civils et

militaires ». Mais aux termes de l’article 50 : « il peut déléguer ses pouvoirs au premier

ministre ».

Pour remplir sa mission, le président de la république dispose d’un certain nombre de

structures divisées en services et qui jouent le rôle de collaborateur du président. Exemple : le

cabinet, le secrétariat général de la présidence de la république, la maison militaire, le

contrôle financier et l’inspection générale d’état.

b-) La primature :

Premier ministre exécute la politique déterminée par le P.R. Pour remplir sa mission, l’article

57 de la Constitution accorde au premier ministre un pouvoir réglementaire et un pouvoir de

contreseing des actes du P.R.(article 43) et en même temps il dispose d’une administration

(article 57 de la Constitution).

La primature est divisée en un certain nombre de structures administratives et de services qui

jouent le rôle de collaborateur du P.M. : le cabinet, le secrétariat général du gouvernement

(séparation du conseil des ministres).

c-) Le département ministériel :

22
Le ministère regroupe de façon organisationnelle et hiérarchisée un ensemble de services

publics intervenant dans le même domaine et placé sous l’autorité d’un ministre. Le

département ministériel n’a pas de personnalité juridique. En plus sa création ne répond à

aucun critère juridique. De même le nombre et les appellations des ministres varient en

fonction des pays. Mais comme le P.R et le P.M, les ministres exercent un rôle politique et

administratif. En matière d’administration, le ministre exerce trois types d’attributions :

 D’abord il est compétent en matière

d’organisation de son département (cf. C.E., 7 février 1936, Jamart, GAJA, N°- 52). La

consécration du pouvoir réglementaire du ministre se limite uniquement dans l’organisation

de son service.

 Ensuite le ministre a compétence de diriger

son service (cf. pouvoir hiérarchique, pouvoir

sur les personnes et les actes de ses subordonnés).

 Enfin il a une compétence à prendre des

décisions dans les domaines relevant de son département. Cependant il faut préciser que le

ministre ne dispose pas de pouvoir réglementaire général. Le ministre dispose d’un pouvoir

réglementaire soit sur habilitation soit par délégation. L’article 50 de la Constitution pour le

P.R et l’article 57 de la Constitution, autorisent ces deux autorités à déléguer une partie de

leur compétence au ministre (CF. C.E., 23 mai 1939, Société distillerie Brabant,

conclusion : Nicole, question d’actualité AJDA, p.640, RDP, 1969, p.1129 : refus des

conclusions du commissaire du gouvernement).

Le ministère est généralement organisé autour du secrétariat général. Mais au Sénégal, ce

poste a été supprimé sauf au ministère des affaires étrangères.

d- L’administration territoriale :

23
L’administration de l’Etat comprend des services centraux représentés sur l’ensemble du

territoire national notamment dans les circonscriptions administratives. Les services

extérieurs, contrairement aux services centraux, sont dirigés par des autorités exerçant leur

pouvoir dans ces circonscriptions. Exemple : le ministre du tourisme.

Ces autorités entretiennent des relations verticales avec les autorités centrales, mais aussi des

relations horizontales avec les représentants des différents ministres dans les circonscriptions

pour assurer la coordination de leurs activités. Ces autorités sont le gouverneur (région), le

préfet (département) et le sous-préfet (arrondissement).

e- Les organismes de consultation, de coordination et de contrôle :

L’administration centrale bénéficie de la collaboration d’un certain nombre d’organismes

pour remplir sa mission. Ainsi parmi les organismes de consultation, on peut citer le conseil

d’état ; parmi les organismes de coordination, on peut citer le conseil interministériel (sous la

présidence du P.M). Parmi les organismes de contrôle, on cite le contrôle financier et

l’inspection générale d’état.

Mais de plus en plus les administrations centrales créent des autorités administratives

indépendantes. Il s’agit d’instances de régulation de la vie politique, sociale, économique,

culturelle (commission). Il en est ainsi du médiateur de la république, du haut conseil de

l’audio-visuel, l’observatoire des élections. Les autorités administratives indépendantes se

caractérisent par trois traits fondamentaux :

 Le premier trait : ce sont des autorités

administratives qui détiennent le pouvoir de décision. Elles peuvent intervenir soit par voie

de règlement, soit par voie de mesures individuelles mais aussi elles peuvent aussi émettre des

propositions et des recommandations.

 Le deuxième trait : ce sont des institutions

24
administratives dans la mesure où elles sont créées par l’administration elle-même pour la

contrôler mais aussi pour réguler ses rapports avec les administrés.

 Le troisième trait : ce sont des autorités

indépendantes. Elles n’ont généralement pas la personnalité juridique et par ailleurs leur

budget est rattaché à celui de l’administration. Cependant elles ne sont soumises ni au pouvoir

hiérarchique et ni au pouvoir de tutelle. En outre leur mandat est généralement de longue

durée et non renouvelable. (cf. C.E, 10 juin 1981, Retail, AJDA 1981, p.487 ; D1981, p.

622, note le Professeur GAUDMET, RDP 1981, p.1134, conclusion du commissaire du

gouvernement FRANC)

B- L’administration locale :

Il s’agit d’étudier les structures de l’administration territoriale décentralisée. Ces structures

sont en constante réorganisation. Au Sénégal, cette évolution peut être résumée en trois

grandes étapes : la première, c’est 1966 qui correspond à l’adoption d’un Code de

l’Administration Communale ; la deuxième étape, c’est 1972 qui correspond à la création des

communautés rurales et la troisième étape, c’est 1996 qui correspond à l’érection de la région

en collectivité locale et l’adoption d’un Code des Collectivités Locales.

Chacune de ces trois grandes étapes correspond à la création plus ou moins d’un type de

collectivités locales. Le droit des collectivités locales est régi au Sénégal aujourd’hui par les

Lois portant Code des Collectivités Locales, par la loi portant transfert de compétence aux

régions, aux communes et aux communautés rurales, la loi fixant l’organisation administrative

et financière de la commune d’arrondissement et ses rapports avec la ville, ensuite la loi

relative à l’organisation de l’administration territoriale. Plusieurs décrets d’application sont

venus compléter ce corpus législatif. Au total, l’administration territoriale comprend

actuellement trois structures : la région, la commune et la communauté rurale.

25
a- La région :

Elle est la dernière née des collectivités locales au Sénégal. Elle a été créée à la suite de la

modification de l’article 80 de la Constitution en 1994. La région a une compétence

générale en ce qui concerne les affaires de la région elle-même (neuf compétences). Il s’agit

de la promotion du développement économique, éducatif, social, sanitaire, culturel,

scientifique, la réalisation de plan de développement régional, l’organisation de

l’aménagement du territoire.

En revanche les compétences partagées concernent les neuf titres transférés aux collectivités

locales. Il s’agit des domaines de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles, la

santé, population et actions sociales, jeunesse, sport et loisirs, culture, éducation,

planification, aménagement du territoire, urbanisme.

Les organes de la région dans leur domaine de compétence prennent des actes qui sont

exécutoires de plein droit sauf dans des cas limitativement énumérés par les articles 334 et

suivants du Code des Collectivités Locales.

Les organes de la région sont au nombre de cinq : le conseil régional élu au suffrage universel

pour cinq ans et qui constitue l’exécutif régional ; le président du conseil régional qui est le

chef de l’exécutif régional ; le bureau du conseil régional qui est délégataire de certaines

compétences du conseil régional ; le comité économique et social qui donne son avis sur les

questions dont le conseil régional le saisit et le secrétariat général qui est l’organe technique

qui assure la continuité du conseil régional. Aux termes de l’article 37 du code des

collectivités Locales : « le conseil régional peut créer toutes structures régionales pouvant

concourir à l’efficacité de sa mission. De même la région peut participer à la création de

structures interrégionales».

26
b- La commune :

Sa création correspond à l’application de la décentralisation en milieu urbain. C’est un

mouvement qui a commencé au Sénégal depuis 1872 avec la création de Gorée et de Saint-

louis qui s’est poursuivie avec la création en 1880 de Rufisque et de Dakar. Le statut de la

commune a subi plusieurs modifications au Sénégal. Ainsi par exemple en 1990, la loi du 8

octobre a procédé à l’uniformisation du statut des communes sous le régime du droit commun.

Le régime de droit commun a entraîné la disparition de l’administrateur municipal. L’article

77 du Code des Collectivités Locales définit la commune et prévoit la possibilité de diviser

les grandes communes en communes d’arrondissement. Aux termes de l’article 80 du Code

des Collectivités Locales « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la

commune ».

Mais outre ces compétences générales, le conseil municipal prend des décisions dans tous les

domaines de compétences transférées aux communes par la loi.

Les organes de la commune sont essentiellement : le conseil municipal, le bureau, le maire et

le secrétaire municipal.

Le maire exerce deux types de compétences. Il applique les normes prises par l’Etat et il est

l’organe exécutif de la commune (cf. police administrative).

c- La communauté rurale :

Il s’agit d’une originalité de l’organisation administrative territoriale du Sénégal. Leur

existence était prévue par la loi du 17 juin 1964 : domaine national mais leur création n’a été

effective qu’à partir de la loi du 19 avril 1992. Leur création correspond à l’introduction de la

décentralisation en milieu rural. La communauté rurale est définie par l’article 192 du Code

des Collectivités Locales. De manière générale, elle est compétente pour gérer les affaires de

la communauté rurale. Concrètement comme la région et la commune, la communauté rurale

27
exerce les neuf titres de compétences dévolues aux collectivités locales. (cf. la loi portant

transfert de compétence aux régions, aux communes et aux communautés rurales, exemple :

l’alphabétisation, case de santé…..).

La communauté rurale comprend comme organes : le conseil rural, le président du conseil

rural, le secrétaire. Ces différentes collectivités locales peuvent s’associer et créer d’autres

structures. Ces organes des collectivités locales font l’objet d’un dédoublement fonctionnel

dans la mesure où ils exercent deux types de compétence. Ils sont d’une part des agents de

l’Etat et d’autre part ils sont des organes exécutifs des collectivités locales.

Chapitre II : Les formes de l’action administrative :

L’action administrative s’entend au sens large comme l’ensemble des actions juridiques que

matérielles. Parmi les activités, on en distingue généralement deux types. Le premier type

correspond à des activités qui ont pour but de permettre à l’administration d’effectuer des

prestations au profit des administrés. Ce sont des activités de gestion. Le deuxième type

correspond à des activités permettant à l’administration d’organiser la vie sociale et les

rapports entre l’administration et les administrés ou entre les administrés eux-mêmes pour

qu’ils se déroulent conformément à l’intérêt général. Ce sont des activités de prescription. On

distingue donc généralement l’état gérant de l’état garant.

Les autorités de gestion sont des activités de service public alors que les activités de

prescription sont des actes de police administrative.

Section I : Le service public :

28
Le service public constitue une des notions clés du droit administratif. On peut l’appréhender

sous plusieurs angles. On retient deux : au plan théorique, il s’agit d’une notion dont l’intérêt

a théoriquement baissé, au plan matériel, il s’agit d’une activité qui s’est diversifiée. Cette

diversification a rendu plus difficile la définition de la notion et à rendre encore plus

complexe ses modes de gestion et son régime juridique.

Paragraphe I : La définition du service public :

Malgré son importance, la notion de service public n’a pas fait l’objet d‘une définition légale

en France. En revanche au Sénégal, le service public a fait l’objet d’une définition légale par

le Code des Obligations de l’Administration (C.O.A). Cependant il convient de compléter

cette définition par un examen des modalités d’organisation et de fonctionnement du service

public.

A- La notion de service public :

L’article 11 du Code des obligations de l’Administration (C.O.A) définit le service public

comme étant « toute activité d’une personne morale en vue de satisfaire un besoin d’intérêt

général ». De cette définition, on peut dire qu’elle est restrictive et qu’elle ne correspond pas à

la réalité. Elle suppose en effet que les seules personnes publiques peuvent gérer un service

public ; il s’agit en fait d’une définition reprise de la jurisprudence du conseil d’état français

en un moment donné de son évolution. Après sa naissance, le service public a évolué et son

changement est passé au moins par trois étapes :

* La première phase correspond à une définition organique de la notion de service public.

C’est une définition qui fait référence à l’organe de gestion du service public. Il tait considéré

29
comme « une entreprise gérée par l’administration ». Il y a en ce moment une coïncidence

entre l’administration et la gestion d’activités d’intérêt général. Cette période va de 1873 à

1910 : cf. T.C., 8 février 1873, Blanco, GAJA, N°- 1 ; C.E., 6 février 1903, Terrier,

GAJA, N°-12 ; T.C., 29 février 1908, Fertry, onzième édition, GAJA, N°-20 ; T.C., 4

mars 1910, Thérond, GAJA.

Cette définition organique correspondait à une période d’économie libérale.

* La deuxième phase correspond à une définition mi-organique mi-matérielle. Cette définition

prenait en compte aussi l’organe de gestion que l’activité gérée. Le service public était défini

en ce moment comme une activité d’intérêt général gérée par/ ou sous le contrôle d’une

personne publique. Cf. C.E., Ass., 20 décembre 1935, établissements Vézia, GAJA, N°-55,

dixième édition ; C.E., 13 mai 1938, Caisse Primaire aide et protection, GAJA.

Cette définition correspondait à une période de confusion entre les activités publiques et celles

privées.

* La troisième phase correspond à une définition matérielle. Elle renvoie à l’activité gérée

quelle le soit par une personne publique ou privée, l’importance est que l’activité soit une

activité d’intérêt général. CF. C.E., Ass. Gén., 31 juillet 1942, Monpeurt, GAJA ; C.E.,

Ass. Gén., 2 avril 1943, Bouguen, GAJA, N°- 57.

Cette définition correspondait à une période de diversification des moyens et des méthodes

d’intervention de l’administration. Lorsque le texte qui crée ne le qualifie pas, le juge peut se

fonder sur un certain nombre de critères pour déterminer sa nature. Exemple : l’intervention

du législateur ou alors le but visé ; l’existence d’une prérogative de puissance publique ; le

regard des pouvoirs publics.

Cette méthode logique a été appliquée par le juge dans l’arrêt C.E., 1963, Narcy, note de

Marcel de BALI, R.D.P., 1963, p. 1986.

Au total, la notion de service public est plus fonctionnelle que conceptuelle.

30
B- Les modalités d’organisation et de fonctionnement du service public :

En ce qui concerne la création du service public, la compétence est partagée entre le pouvoir

législatif et le pouvoir exécutif. S’agissant de l’organisation, le principe est que c’est

l’administration qui est compétente pour organiser un service public. Quant au

fonctionnement du service public,il obéit en principe à un certain nombre de règles valables

pour tout le service public. Ces principes sont appelés les « lois du service public ».Elles ont

été dégagées à partir des travaux de Louis ROLAND. Elles sont au nombre de quatre :

1°) Le principe de continuité du service public :

Il signifie que le service public ayant un but d’intérêt général, doit fonctionner sans

interruption. De ce principe découle un certain nombre de conséquences notamment pour les

agents de l’administration et les cocontractants de l’administration. Ainsi par exemple en cas

de grève, l’administration a la possibilité de réquisitionner certaines catégories d’agents.

Exemple : espionnage. Cf. C.E., 7 juillet 1950, Dehaene, GAJA, N°60.

Selon cette jurisprudence pour éviter que l’usage abusif du droit de grève ne compromette le

fonctionnement régulier du service public, il appartient au gouvernement « sous le contrôle du

juge » de limiter ces pouvoirs. De même les cocontractants de l’administration qui participent

à une mission de service public sont tenus d’exécuter leurs obligations même en cas de

difficultés imprévues mais sou réserve d’un droit à une indemnité. Cf. C.E., 30 mai 1916,

Compagnie d’éclairage de Bordeaux, GAJA, N°-32. (Cf. l’exécution des contrats

administratifs, pouvoir de modification unilatérale du contrat).

Ce principe de continuité est un principe général du doit mais le conseil constitutionnel lui a

donné une valeur constitutionnelle. Cf. C.const., 25 juillet 1979 à propos du service public

de la radio et de la télévision, D. 1980, p. 101

31
2°) Le principe d’adaptation et de mutation du service public :

Ce principe signifie que le service public lorsque les circonstances l’exigent doit s’adapter

aux nouvelles conditions de l’intérêt général. En effet des besoins nouveaux peuvent

apparaître et dans certains cas ils doivent être pris en charge par le service public. Ce principe

entraîne aussi un certain nombre de conséquences. Ainsi tout d’abord, les agents du service

public n’ont pas droit au maintient de leur statut. Cela veut dire que les lois et les règlements

qui déterminent le statut de l’agent peuvent faire l’objet de modification. Les usages du

service public n’ont pas droit au maintien de modalités de fonctionnement du service public.

En effet le service public peut supprimer ses modalités d’exécution lorsqu’il il y a u

changement.

Cf. C.E., 25 juin 1948, société du journal l’Aurore, GAJA, N°-69.

Lorsqu’il y a changement de circonstance de fait ou de droit, les usagers ont la possibilité de

demander à l’administration d’adapter la réglementation de l’organisation et de

fonctionnement du service public. Cf. C.E., 10 janvier 1930, Despujol, GAJA, N°-45

(conséquence des changements : actes administratif unilatéral).

L’administration dispose d’un pouvoir de modification unilatérale des contrats, d’exécution

d’un service public pour contraindre les cocontractants à s’adapter à des besoins nouveaux de

la collectivité. Exemple : C.E., 2 février 1983, Union des transports publics urbains et

régionaux, R.D.P. 1984, p. 212 (pouvoir de modification unilatérale de contrat).

3°) Le principe d’égalité :

Il signifie que les citoyens sont en principe égaux en droit et en obligation en terme d’accès au
service public mais aussi de traitement dans le service public. Le corollaire d’égalité des
citoyens devant la loi est proclamé par la déclaration des droits des citoyens, se trouve ainsi
consacré dans le fonctionnement du service public. Le principe « égal accès » au service

32
public signifie que peuvent accéder au service public, tous les citoyens remplissant les
conditions prévues. C’est le principe d’égal accès de tous les candidats aux fonctions
publiques. Cf. C.E., 28 mai 1954, Barel, GAJA, N°- 77 (égal accès au service public).
Le principe de l’égal de traitement signifie que tous les usagers du service public doivent être
traités sans discrimination. Le principe d’égalité de traitement doit s’appliquer seulement aux
usagers qui se trouvent dans la même situation. Le conseil d’état admet la légalité d’une
discrimination opérée par le service public entre des personnes ne se trouvant pas dans la
même situation. Cf. C.E., 10 mai 1974, Denoyez et Choques, R.D.P., 1975, p. 464 ; D.,
1975, p. 393.
De même ce principe interdit à l’administration de traiter dans le service public de la même
façon des personnes se trouvant dans des situations différentes. Le conseil constitutionnel a
d’ailleurs érigé ce principe d’égalité au rang de principe à valeur constitutionnelle. Cf.
C.const., 12 juillet 1979, relatif au pont de péage (décision)

4°) La neutralité.
C’est aussi un aspect du principe d’égalité. Il signifie que le service public doit fonctionner en
vue de la satisfaction de l’intérêt général. Il ne doit prendre en compte ni les croyances
religieuses, ni la race, ni les opinions politiques, ni le sexe, ni l’ethnie des citoyens. En effet la
prise en compte de l’un de ces éléments entraîne la rupture du principe d’égalité.
Ces quatre lois du service public sont valables pour les services publics aussi bien
administratifs, les services industriels et commerciaux que de leurs autres gestions par les
personnes publiques et la gestion de personnes privées. Lorsqu’elles sont violées, les
administrés peuvent intenter un recours soit pour annuler les décisions en cause, soit pour
engager la responsabilité de l’administration ou de la personne qui gère le service en question.

Paragraphe II : Les modes de gestion du service public :

Ils sont variables. Cette variété montre le caractère souple et flexible du droit administratif et
du service public. Il existe plusieurs critères de classification de service public en fonction de
leur mode de gestion. Mais on peut en retenir deux :
 Le premier critère est basé sur une
distinction entre la gestion directe et la gestion déléguée. La gestion directe implique
l’intervention de la collectivité de rattachement du service public. La gestion déléguée, c’est

33
un système dans le lequel la collectivité confie la gestion du service soit à une personne
publique (établissement public), soit à un organisme (privé).
 Le deuxième critère est fondé sur la nature
publique ou privée de la personne qui gère le service public. L’application de ce critère
aboutit à la distinction entre la gestion du service public par une personne publique et la
gestion du service public par une personne privée.

A- La gestion du service public par une personne publique :


On peut distinguer deux modes de gestion du service public par une personne publique. Le
premier mode, c’est la gestion du service par une personne de rattachement : la régie. Le
deuxième mode, c’est la gestion du service public par une personne publique spéciale : c’est
l’établissement public.

1°) La régie :
Elle consiste pour l’administration à gérer directement un service public avec ses propres
moyens c'est-à-dire ses agents, ses finances, ses biens. Le service géré en régie n’a pas de
personnalité juridique dans ce cas il s’agit d’une régie directe. La régie peut revêtir deux
formes :
 La régie indirecte : il en est ainsi lorsque le
service est doté d’un budget annexe.
 La régie intéressée : dans ce cas à la
différence de la régie directe, le service public est géré non pas par la personne publique
mais confié par l’Etat à un organisme public ou privé appelé tiers ou régisseur. Ce régisseur
est rémunéré en fonction des résultats de l’exploitation.

2°) L’établissement public :


C’est une modalité d’application de la décentralisation technique par service. Il est une
personne morale de droit public généralement chargé de la gestion d’un service public. La
multiplication des établissements publics et la complexité grandissante de leur régime
juridique ont entraîné une crise de la notion en France. Ainsi par exemple, il est apparu que
l’établissement public ne gérait pas toujours un service public. Exemple : les chambres
professionnelles.
De même, il est apparu une distinction entre deux types d’établissement public : les
établissements publics administratifs et les établissements industriels et commerciaux. Enfin

34
on note l’existence de ce qu’on appelle les établissements publics à double visage et les
établissements publics à visage renversés. Cela signifie que certains établissements publics
peuvent gérer en même temps des services administratifs et des services publics industriels et
commerciaux (aéroport, port : à double visage).
Les établissements à visage renversé : il s’agit d’établissement administratif pouvant gérer des
services publics industriels et commerciaux ou des établissements publics industriels et
commerciaux pouvant gérer des services publics administratifs. Mais quel que soit
l’établissement public, on pourrait le caractériser par trois traits fondamentaux :
 D’une part son autonomie administrative et financière : l’établissement public a
des organes et un budget qui lui sont propres et un pouvoir de décision.
 D’autre part, sa spécificité : l’établissement public doit gérer l’activité pour
laquelle il a été créé.
 Enfin, l’objet du contrôle de tutelle dont le contenu est déterminé par le texte de
création de l’établissement public et qui varie selon les établissements publics.
Au Sénégal, le statut des établissements publics est réglementé par la Loi du 26 juin 1990
relative à l’organisation et au contrôle des entreprises du secteur para public et au
contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant des concours financiers de la
puissance publique.
Les difficultés relatives au statut et au régime juridique des établissements publics sont
atténuées au Sénégal par la Loi qui détermine les différentes catégories d’établissements
publics et énumère les différents établissements publics. La législation sénégalaise, ainsi par
exemple jusqu’en 1978 comprenait trois catégories d’établissements publics : les
établissements publics administratifs, les établissements publics industriels et commerciaux et
les établissements publics professionnels. Mais depuis 1990, les établissements publics
administratifs ont disparu de la législation.

A- La gestion du service public par les personnes privées :


La personne publique peut décider de confier la gestion du service à une personne privée
physique ou morale selon plusieurs modalités. Ces modes de gestion sont plus souples mais
c’est un mode de gestion qui a évolué du régime conventionnel c'est-à-dire base
contraventionnelle vers l’attribution d’une mission de service public à personnes privées en
dehors de tout Etat. C’est ainsi qu’on est passé de la concession à la gestion du service public
par des sociétés nationales ou des sociétés d’économie mixte.

35
1°) La concession :
C’est un mode de gestion d’un service public par lequel une personne publique (le concédant)
confie par contrat à une personne privée (le concessionnaire) le soin de gérer cette activité à
ses risques et périls en lui permettant de se rémunérer sur les redevances perçues sur les
usagers.
Généralement, on distingue la concession de service public et la concession de travail public.
La concession a donc été la première modalité de gestion de service public par des personnes
privées. Mais le système a connu une crise et s’est progressivement dénaturé. On a en effet vu
des concessions à des sociétés publiques, à des établissements publics. Elle s’est même
étendue à des services publics administratifs. Exemple : le cas des autorités en France
considérées comme des services publics administratifs mais faisant l’objet de concession.
Aujourd’hui, le contrat de concession est intégré dans une catégorie juridique nouvelle en
France et plus large appelée la délégation de service (après le processus de la
décentralisation). C’est par les Lois du 6 février 1992 et du 29 janvier 1993 que ces contrats
correspondant au critère de la délégation de service public ont été introduits dans la législation
française. La délégation de service peut être définie comme étant une attribution à une
entreprise d’une mission plus ou moins étendue de service public avec des variantes selon des
formules de rémunération appropriées mais différentes normalement d’un prix.

2°) Les sociétés nationales et les sociétés d’économie mixte :


Les modes de gestion des services publics ont évolué vers leur attribution à des organismes
privés sous l’effet de la rigueur du procédé de l’établissement public, des vicissitudes du
capitalisme et des transformations du service public lui-même. Des organismes privés en
charge du service public sont créés par l’Etat et leur fonctionnement se trouve ainsi placé sous
son contrôle. Les procédés par lesquels les missions dévolues à un organisme de droit privé
sont donc variés. On pourrait en retenir deux qui sont les plus importantes en droit sénégalais.
Il s’agit de la société nationale et des sociétés d’économie mixte.
 La société nationale est définie à l’article
4 de la loi du 26 juin 1990 comme étant : « une société industrielle ou commerciale par
action dont le capital est intégralement souscrit par l’Etat et le cas échéant par d’autres
collectivités publiques ».
 Quant aux sociétés d’économie mixte,

36
l’article 6 de la loi du 26 juin 1990 les définit comme étant « une société industrielle,
artisanale ou commerciale dans laquelle l’Etat ou une collectivité publique possède une partie
du capital social directement ou indirectement.
Ces types de structures ne sont pas à proprement parler des structures de l’administration
classique mais ils en constituent un prolongement. Ces organismes de droit privé sont dotés en
général de prérogatives de puissance publique et soumis à un contrôle interne et rigoureux de
l’administration. C’est qui explique leur soumission partielle au droit administratif.

Section II : La police administrative :

La définition de la notion rencontre deux difficultés au moins. La première résulte de sa


confusion possible avec le service public dans certains cas. Il en est ainsi en matière
d’assainissement et de circulation. La deuxième résulte de sa confusion possible avec la
police judiciaire. Il en est ainsi par exemple en matière de contrôle d’identité. Cela justifie la
nécessité de définir la notion de police administrative avant de dégager son régime juridique.

Paragraphe I : La définition de la notion de police administrative :

Elle peut se définir dans un sens large et dans un sens étroit.


Au sens large, la police administrative peut être considérée comme une limitation totale ou
partielle de certaines activités des particuliers décidés dans l’intérêt général par la
prohibition. Dans ce sens, la police administrative ne présente pas de caractère spécifique, elle
se fond dans la fonction gouvernementale générale.
Au sens étroit, la police administrative est définie comme l’activité de l’administration qui a
pour objet de sauvegarder l’ordre public au sens le plus large du terme et qui permet de limiter
dans une certaine mesure les libertés individuelles et collectives. Dans ce sens, la police
administrative est individualisable parmi les activités administratives.
Ces définitions permettent de dégager un certain nombre de caractères de la police
administrative qui la distinguent de la police judiciaire.

A- Les traits caractéristiques de la police administrative :


L’objet et le but de la police administrative permettent de dégager ses traits caractéristiques
fondamentaux. On considère que la police administrative est une activité exercée
exclusivement par l’administration car ayant pour objet la limitation de la liberté d’action des

37
particuliers dans un but de prévention de trouble à l’ordre public. De cette présentation, on
pourrait retenir trois traits : le caractère préventif, la protection de l’ordre public et le caractère
administratif.

1°) Une activité de prévention :


La police administrative vise la prévention des troubles à l’ordre public. C’est une mission de
contrôle et de surveillance générale. La jurisprudence considère comme mesure de police
administrative, le contrôle de l’identité, la recherche d’individus considérés comme
dangereux, les rôles de police.

2°) Une activité de protection de l’ordre public :


L’ordre public est généralement défini selon une trilogie : la tranquillité, la sécurité publique
et la salubrité. Mais cette définition a été progressivement élargie à d’autres aspects.
La tranquillité correspond à la prévention des risques en cas d’attroupements, de disputes dans
les lieux publics, du bruit…
La sécurité publique correspond à la protection de l’intégrité physique et psychologique des
citoyens. C’est le sens de la réglementation de la circulation sur la voie publique, la lutte
contre les agressions et la lutte contre les calamités.
La salubrité correspond à la lutte contre les causes des troubles à la santé des administrés, à
assurer l’hygiène publique, à lutter contre les maladies contagieuses, à lutter contre la
pollution.
Les textes et la jurisprudence français intègrent aujourd’hui à cette trilogie un aspect
esthétique, qui consiste à la recherche du bel ordre public (cf. C.E., 14 mars 1941,
Compagnie nouvelle des Chalets de commodité, Rec. Lebon, p.44) ;
Également la moralité publique (Cf. C.E., 18 décembre 1959, société des films Lutétia,
GAJA, n° 84) ; aussi l’intégration de la protection des individus contre eux-mêmes dans la
notion d’ordre public. Exemple : le port de ceinture obligatoire (cf. C.E., 22 janvier 1982,
association autodéfense, commenté, déc. Dalloz, p.494, note prof. PACTO).
Aussi avons-nous enfin l’introduction de la protection de la dignité humaine (cf. Ass. Gén.
C.E., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-Orge et ville d’Aix- en- Province, AJDA,
1995, n° 12, p.878-942).
Dans tous les cas, la sauvegarde de l’ordre public est devenue un objectif de valeur
constitutionnelle en particulier lorsqu’il s’agit de protection de la santé et de la sécurité des
biens et des personnes.

38
3°) Une activité administrative :
La police administrative est le domaine par excellence des prérogatives de puissances
publiques. L’administration bénéficie d’un monopole en matière de police administrative. En
effet, la compétence est dévolue aux autorités administratives et politiques mais aussi aux
forces de police pour prendre des actes individuels et réglementaires. C’est cette importance
qui explique que son exercice est rigoureusement réglementé. Ainsi par exemple, les mesures
de police administrative ne peuvent faire l’objet de contrat. Les mesures de police
administrative doivent respecter le principe selon lequel la liberté une règle, la restriction
l’exception.
Du fait de la sensibilité de son domaine d’intervention, la police administrative fait l’objet
d’un contrôle de la part du juge qui fait la balance entre la protection des administrés et la
sensibilité de la sauvegarde de l’ordre public. Le juge procède à une appréciation in concréto
de la proportion qui existe entre les mesures prises et les risques de trouble par rapport aux
libertés individuelles (cf. C.E., 19 mai 1933, Benjamin, GAJA, n° 42 ; légalité d’une mesure
de police administrative) ; (cf. C.E., 31 décembre 1976, hôpital psychiatrique St- Egrèbe,
Dalloz 1977, p. 191, note prof. FRANC).

B_ La différence entre police administrative et police judiciaire :


La différence entre ces deux types de police n’est pas toujours facile et elle est nécessaire.
Elle comporte en effet des conséquences sur le régime juridique. Une des difficultés, c’est que
parfois le personnel de la police administrative et de la police judiciaire est le même. Ainsi,
par exemple l’agent de police qui règlement la circulation et qui verbalise un conducteur,
transforme une opération de police administrative en police judiciaire. L’intérêt de la
distinction, c’est que chacune des deux formes de police obéit à un régime de contentieux.
 la police administrative est de la compétence des juridictions administratives et
soumise au droit administratif (cf. arrêt Benjamin)
 quant à la police judiciaire, elle est de la compétence des juridictions judiciaires et
se voit appliquer les règles de droit privé. A titre d’exemple de rupture de liaison de la
compétence et de fonction, on peut citer l’arrêt de la Cour de Cassation, 23 mai 1956,
Docteur Giry, GAJA, n° 81.
La différence entre ces types de police se fonde sur le caractère et le but de l’activité. Ainsi
alors que la police administrative vise la prévention du désordre, la police judiciaire intervient

39
pour réprimer les auteurs des troubles à l’ordre public. La police judiciaire a pour objet la
sanction de l’infraction.

Paragraphe II : Le régime juridique de la police administrative :

Il s’agit de voir d’une part les différents types de police administrative et ensuite les
différentes autorités compétentes en matière de police administrative.

A- Les différents types de police administrative :


A cet égard on distingue entre deux types de police administrative : la police administrative
générale et les polices administratives spéciales. Mais dans certains cas, on peut se trouver
devant des hypothèses de concours de police administrative.

1°) La police administrative générale :


C’est l’activité de police administrative exercée d’une manière générale à l’égard des
particuliers. Cette police administrative générale correspond au pouvoir dont dispose les
autorités administratives même sans texte. L’explication de ce pouvoir, c’est l’obligation qui
incombe à ces autorités administratives (cf. C.E., 8 août 1919, Labonne, GAJA, n° 37).

2°) Les polices administratives spéciales :


C’est un type de police administrative qui s’applique à des activités particulières, à des
catégories déterminées de personnes ou de lieux précis. Il en est ainsi en matière d’activité
particulière de la police des jeux (casino), des chasses. En matière de personnes, on peut
rappeler la police des étrangers. En matière des lieux, on rappeler la police des gares, des
ports et aéroports.
Ces activités font l’objet d’une police administrative spéciale car elles sont considérées
généralement délicates voire dangereuses. Pour cette raison, la police administrative spéciale
est plus répressive que la police administrative générale. La police administrative spéciale est
généralement de la compétence du ministre dans le domaine de compétence duquel intervient
l’activité. Les autorités locales peuvent bénéficier de compétence en matière de police
administrative spéciale.

40
3°) Les concours de police administrative :
La multiplication des autorités intervenant en matière de police administrative entraîne parfois
des conflits de compétence. Ces conflits de compétence qui peuvent être réels ou latents
correspondent à ce qu’on appelle le concours de police administratif ou concurrence entre
autorité de police administrative. On pourrait distinguer trois cas de concours de police
administrative.

a°) Le concours de police administrative générale :


Il peut arriver en effet que la compétence de police administrative générale appartienne à
différentes autorités administratives hiérarchisées dans les circonscriptions géographiques
déterminées. Dans ce cas, le problème est de savoir de quel pouvoir disposer l’autorité locale
par rapport aux mesures prises éventuellement par l’autorité centrale ?
Ce cas a été réglé par la jurisprudence française C.E., 18 avril 1902, Maire de Néris-Les-
Bains, GAJA, n°10). Selon cette jurisprudence, l’autorité locale devrait appliquer les
décisions prises par l’autorité centrale. Mais elle peut prendre des mesures de restrictions
lorsque les circonstances l’exigent (cf. le dédoublement fonctionnel des autorités locales). Les
mesures restrictives doivent cependant être justifiées par les circonstances locales. En effet,
selon la formule de Doyen HAURIOU « il n’y a de violation de lois que dans la voie de
l’indulgence et non celle de la sévérité ».

b°) Le concours de police spéciale :


Ce concours peut se produire dans deux hypothèses :
 La première correspond à celle où deux autorités administratives hiérarchisées
bénéficient de compétence dans le même domaine de police administrative spéciale. En cas
de conflit, la solution est la même que dans le cas de la concurrence de police administrative
générale.
 La deuxième hypothèse, plus rare correspond à une situation où deux autorités
administratives bénéficient d’une compétence de police administrative spéciale dans des
domaines différents. Lorsqu’ apparaît un conflit dans ce cas, il s’agit d’hypothèse difficile à
résoudre. En effet la prévention de tels conflits se fait par une concertation entre les autorités
administratives.

41
c°) Le concours de police administrative générale et de police spéciale :
En matière de police administrative spéciale, les autorités compétentes sont généralement
désignées expressément. Dès lors les autorités administratives compétentes en matière de
police administrative générale ne peuvent plus en principe intervenir dans les domaines
réservés à l’autorité de police administrative spéciale. Cependant, dans de rares cas il est
possible qu’une autorité de police administrative générale de prendre des mesures dans un
domaine qui relève en principe de la police administrative spéciale. Ainsi par exemple
lorsqu’un visa accordé à un film en vue de sa projection, il s’agit d’une mesure de police
administrative spéciale et pourtant une autorité locale comme le maire peut procéder à
l’interdiction de la projection de ce film dans sa commune dans le cadre de ses pouvoirs de
police administrative générale.

B – Les autorités compétentes en matière de police administrative :


Du point de vue de leur ressort territorial, on peut distinguer trois types de mesures de police
administrative. Ces mesures correspondent à la différence entre les autorités administratives
de l’Etat.
 Le premier type : ce sont les mesures applicables à l’ensemble du territoire
national. Ce sont des mesures prises par les autorités administratives centrales.
 Le deuxième type : ce sont des mesures s’étendant à des circonscriptions
administratives (département, arrondissement…). Ce sont des mesures des autorités
déconcentrées.
 Le troisième type : ce sont les mesures applicables dans le cadre d’une collectivité
locale. Ce sont des mesures des autorités décentralisées.
En définitive, on peut donc distinguer entre autorités administratives centrales et autorités
administratives locales compétentes en matière de police administrative.

1°) Les autorités administratives centrales :


Aux termes de la Constitution : « le P.R. et le P.M. sont tutélaires du pouvoir réglementaire ».
Dès lors ils exécutent un pouvoir de police administrative générale sur l’ensemble du territoire
national. Initialement aucun texte ne confère un tel pouvoir au chef de l’exécutif en droit
français. C’est donc un arrêt du conseil d’état français, qui le premier, va consacrer ce
principe. C’est le sens de l’arrêt du C.E., 18 août 1919, Labonne, GAJA. A travers cette
jurisprudence, le juge administratif français reconnaissait un pouvoir réglementaire autonome
au P.R. en matière de police administrative avant même la Constitution de 1959. Mais

42
d’autres lois confèrent compétence au P.R. en matière de police administrative : Loi du 29
avril 1969 sur l’état d’urgence et de l’état de siège au Sénégal.
Les ministres n’ont pas de pouvoir réglementaire de droit (absolu). Ce qui signifie que le
ministre de l’intérieur n’a pas de pouvoir de police administrative générale à portée nationale
en dehors des cas de délégation du P.M. et du P.R. ou des cas d’habilitation. Dans les
circonscriptions administratives, c’est le préfet et le sous préfet qui disposent d’un pouvoir de
police administrative générale au nom de l’Etat.

2°) Les autorités locales :


Leurs compétences sont définies par le Code des Collectivités Locales. A travers ce code, il
apparaît que les autorités administratives décentralisées dans leur ressort ont une compétence
générale en matière de police administrative. Exemple article 32 du code des collectivités
locales pour le président du conseil rural (dans la région pour prendre des décisions de police
administrative) ; article 117 du même code, pour les compétences du maire, article 210 du
même code pour le président du conseil rural. Les représentants de l’Etat dans la collectivité
locale exercent aussi des pouvoirs de police administrative, pour la commune, par exemple cf.
article 129 du Code des collectivités locales.

Titre II : Le droit administratif et le fonctionnement de l’administration :

Il s’agit de l’étude des rapports entre le droit administratif et l’administration mais dans la
perspective des règles applicables aux activités de l’administration. La nature de
l’administration et de sa mission (intérêt général) font que l’administration est régie par le
droit administratif, un droit administratif autonome différent du droit des particuliers (cf. arrêt
Blanco). Mais il ne s’agit là que d’un principe. Dans certains cas en effet, les raisons justifiant
l’application d’un droit administratif à l’administration peuvent disparaître. Ainsi lorsque
l’administration se comporte comme un particulier, il y a lieu de lui appliquer le droit privé.
Ainsi donc l’administration se trouve régie par deux types de règles : le droit administratif et
le droit privé à titre occasionnel. Ce constat renvoie à une question fondamentale à savoir :
dans quel cas applique-t-on le droit administratif et dans quel cas applique-t-on le droit privé ?

Chapitre I : La dualité de régime juridique de l’administration :

43
L’administration fait l’objet d’une application aussi bien du droit administratif que du droit
privé. Cependant le droit administratif est le droit de principe de l’administration autrement
dit le droit commun de l’administration. Ce principe comporte des limites qui correspondent à
des cas d’application du droit privé à l’administration.

Section I : L’application de principe du droit administratif à l’administration :

En droit sénégalais qui reprend en cela le droit français, le droit administratif est
fondamentalement le droit des personnes publiques. Ainsi pour des raisons liées à la nature de
l’administration et à sa mission, la partie des activités de l’administration assujetties au droit
administratif va se caractériser par une certaine originalité de son régime juridique.

Paragraphe I : Le droit administratif, droit des personnes publiques :

L’application de principe du droit administratif aux personnes publiques s’explique pour deux
raisons : d’abord dans la mesure où la création d’une juridiction administrative spéciale en
France a contribué au développement progressif de l’application d’un droit spécial à
l’administration. Le juge administratif a eu tendance en effet à appliquer à l’administration un
droit différent du droit privé. La jurisprudence a donc contribué au renforcement progressif du
caractère autonome du droit appliqué à l’administration.
Mais une raison d’ordre pratique ensuite dans la mesure où l’administration a besoin de
moyens d’action efficace. Le droit administratif permet de donner à l’administration certaines
prérogatives de puissance publique. Ainsi donc le droit administratif apparaît plus adapté à la
mission de l’administration. Les conséquences de l’application du droit administratif à
l’administration, c’est son régime juridique sera donc spécifique.

Paragraphe II : La spécificité du régime juridique de l’administration :

Cette spécificité se manifeste dans plusieurs domaines et de plusieurs manières. Ainsi par
exemple le régime général du personnel de l’administration est différent de celui des
employés du secteur privé. Les fonctionnaires de l’administration se trouvent dans une

44
situation légale et réglementaire alors que l’employé est lié à son employeur par un contrat de
droit privé.
Le régime des biens du domaine public est différent de celui des particuliers. Les biens du
domaine public sont insaisissables, inaliénables. De même le régime des actes unilatéraux et
bilatéraux est différent de celui des actes pris par les particuliers. En effet les actes
administratifs font l’objet d’une procédure spéciale d’élaboration et produisent des effets
différents de celui des particuliers.
Enfin le régime de la responsabilité qui incombe à l’Etat du fait de ses services publics est
différent surtout de celle des personnes privées. La responsabilité de l’administration es en
effet assujettie à des règles spéciales tant du point de vue de ses conditions d’engagement que
des modalités de la réparation (douleur morale, douleur physique).

Section II : L’application du droit privé à l’administration :

Il existe des cas où le droit privé s’applique partiellement ou occasionnellement à


l’administration. Mais ils produisent également des conséquences sur la nature juridique des
règles applicables à l’administration.

Paragraphe I : les limites de l’application du droit administratif à l’administration :

Les cas d’application du droit privé à l’administration s’expliquent par deux raisons
fondamentales :
 La première : c’est que l’application du droit administratif ne se justifie pas. En
effet lorsque l’administration décide de se débarrasser de son imperium (autorité) pour se
comporter comme un particulier, l’application du droit administratif à ses activités n’est plus
nécessaire. Il en est ainsi par exemple lorsqu’elle décide de gérer une activité industrielle et
commerciale selon les mêmes procédés qu’un particulier (cf. T.C., 22 janvier 1921, société
commerciale de l’Ouest Africain, GAJA, n° 38, encore appeler arrêt Bac Eloka).
 La deuxième raison : c’est que l’application systématique du droit administratif

45
peut être gênante. En effet le droit administratif peut parfois être formaliste et contraignant. Il
en est ainsi par exemple en matière de passation de contrat. Dans ces cas, l’application du
droit administratif n’est pas souhaitable.

Paragraphe II : La formation du droit privé administratif :

C’est la conséquence la plus importante de l’application du droit privé à l’administration. La


formation de ce droit privé administratif se fait de deux manières.
Quantitativement, on assiste à une application de plus en plus importante du droit privé à
l’administration. En effet l’application du droit privé à des activités de l’administration ayant
un caractère industriel et commercial ou n’ayant pas de caractères de service public est de
plus en plus importante. Cette situation introduit une complexité dans le régime de
l’administration.
Qualitativement, le droit privé appliqué n’est pas exactement le même que celui appliqué par
le juge judiciaire aux rapports entre particuliers (particulier à particulier). Le juge
administratif, maître de sa jurisprudence, a en effet la latitude de s’inspirer du droit privé mais
tout en adaptant ces règles à la nature et à la mission de l’administration. C’est donc ainsi que
se crée un droit privé administratif. De même le droit privé applicable à l’administration ne
comporte pas un certain nombre de règles, il en est de même des voies d’exécution forcée
contre l’administration. Ainsi le régime juridique de l’administration est donc fait d’une
coexistence entre deux types de règles (privées- administratives). L’administration a un
régime de dichotomie. Celle-ci est horizontale et verticale (contrat : validité du contrat, qui
peut agir au nom de l’Etat). Dès lors se pose la question : comment détermine-t-on les cas
d’application des règles de privé à l’administration ?

Chapitre II : La recherche du critère du champ d’application du droit administratif :

C’est la recherche de signe ou d’élément à partir duquel on détermine ou décidera


l’application du droit administratif. Ce problème trouve son intérêt dans la dualité des règles
applicables à l’administration. Mais la difficulté du problème c’est que ce critère n’est pas
défini par la loi. Ainsi donc cette recherche a été l’œuvre de la jurisprudence à titre principal
et accessoirement celle de la doctrine. Mais elle est complexe du fait qu’elle interfère avec
celle de la juridiction compétente dans un système de dualité de juridiction. En outre il est
possible de se placer à plusieurs points de vue pour déterminer un critère. La principale

46
conséquence de toutes ces difficultés c’est donc qu’une incertitude caractérisée du champ
d’application du droit administratif. Historiquement plusieurs tentatives ont été faites pour
trouver un critère justificatif et explicatif du droit administratif. Aucune d’entre elles n’a été
satisfaisante. Celui qui est retenu aujourd’hui est fondé sur la distinction entre la gestion
publique et la gestion privée.

Section I : L’échec des tentatives de recherche d’un critère :

Au cours de son évolution, la jurisprudence s’est fondée sur plusieurs critères pour déterminer
le cas d’application du droit administratif que la doctrine a tenté de systématiser. Mais aucun
de ces critères n’a été satisfaisant totalement. Mais chronologiquement à partir du dix
neuvième siècle, on pourrait retenir deux à savoir le critère de la puissance publique et celui
du service public.

Paragraphe I : Le critère de la puissance publique :

Ce critère a été avancé par certains auteurs comme LAFERRIÈRE et BATHELÉMY et plus
récemment par les doyens HAURIOU et VEDEL. Mais il a été abandonné par la suite au
profit de celui du service public. L’étude de ce critère conduira à l’exposé de la théorie à
l’analyse des raisons de son abandon.

A- Le droit administratif, droit de la puissance publique.


La doctrine a tenté de construire le droit administratif autour de cette notion de puissance
publique. Selon cette théorie, le droit administratif est un droit des moyens utilisés par
l’administration. En d’autres termes le droit administratif s’explique par les prérogatives de
puissance publique. Dans l’application de ce critère, la doctrine fait une distinction entre les
actes d’autorité et les actes de gestion. Les actes d’autorité sont les actes par lesquels
l’administration intervient comme détentrice des prérogatives exorbitantes de droit commun.
Ainsi selon BATHELÉMY les actes par lesquels l’administration agit en vertu de ses
pouvoirs de commandement la mettent hors du droit commun puisqu’il n’y a pas d’actes
semblables faits par les particuliers. En revanche les actes de gestion sont les actes accomplis

47
par l’administration à titre de gérant ou d’intendant des services publics. Dans le cas où
l’administration agit ainsi son activité est soumise au droit privé du fait qu’elle est comparable
à celle des particuliers gérant leur patrimoine.

B- L’abandon du critère :
Le fait pour l’administration d’utiliser les prérogatives de puissance publique correspond à
une réalité. Malgré tout, l’idée de puissance publique est insuffisante pour expliquer et
justifier tous les cas d’application du droit administratif. Deux critiques majeures ont été
adressées à ce critère :
 En théorie la distinction qui se trouve à la base de ce critère a été affirmée par
l’évolution des idées. En effet le rôle et la place de l’Etat ont fondamentalement changé.
 En pratique, il s’agit d’un critère parfois d’application difficile et qui a pour
conséquence la réduction du champ d’application du droit administratif (conclusion Tessier,
affaire feutrie de 1908).

Paragraphe II : Le critère du service public :

C’est le critère qui a remplacé celui de puissance publique comme critère d’application du
droit administratif en France. Mais cette notion a aussi été reprise au Sénégal et se trouve
d’ailleurs au cœur du Code des Obligations de l’Administration (C.O.A). Par la suite cette
notion s’est également avérée incapable de justifier tous les cas d’application du droit
administratif. L’étude de ce critère conduira à l’exposé de la thèse selon laquelle le droit
administratif est le droit du service public et à l’analyse des raisons qui ont conduit à son
abandon.

A- Le droit administratif, le droit du service public :


Cette notion de service est née après les changements politiques et économiques qui ont
entraîné l’abandon du critère de la puissance publique. Selon cette thèse, le droit administratif
serait un droit des missions du droit administratif. Ainsi donc les activités de l’administration
seront soumises au droit administratif lorsqu’elles sont relatives au service public c'est-à-dire
lorsqu’elles poursuivent un but d’intérêt général. La notion de service public a non seulement
servi de critère du champ d’application du droit administratif en France mais également de

48
détermination de la compétence de la juridiction administrative (considérant de l’arrêt
Blanco). Mais la notion a été théorisée par l’école du service public de Bordeaux
(DUGUIT, L. ROLAND, JÈZE) et plus récemment par André de LAUBADÈRE.
Selon cette théorie, la notion de service public intervient dans la définition d’un certain
nombre de notions fondamentales du droit administratif. Exemple le contrat administratif, il
en est ainsi du domaine public, enfin du travail public ou de l’ouvrage public.
Au Sénégal, on peut dire qu’elle explique l’étendue et les limites du champ d’application du
droit administratif à travers le Code des Obligations de Administration (C.O.A.).

B- La crise du critère :
La notion a connu son âge d’or entre 1873 et 1910 comme critère d’application du droit
administratif (cf. définition du service public- arrêt Thérond). Elle a connu une crise de 1910
à 1950 avant d’être relativisée à partir des années 60 (cf. arrêt Dauphin 1956). La crise du
critère trouve son origine dans l’imprécision même de la notion et s’est manifestée sous forme
d’une rupture du lien qui existait entre le service public et droit administratif. Cette rupture
s’est relativisée en deux étapes.

1°) La gestion privée du service public :


Dans un premier temps, la jurisprudence a admis la soumission de certaines activités ou de
certaines opérations d’un service public au droit privé (cf. arrêt Blanco : le juge disait qu
dès l’instant qu’on est présence d’un service public, le droit administratif était
applicable). C’est le sens de l’arrêt C.E., 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes
des Vosges, GAJA, n° 27).
Cette solution est un revirement de jurisprudence par rapport à la situation antérieure. En effet
jusqu’à cette période la présence d’un service public suffisait à entraîner l’application du droit
administratif à un litige. Mais cette nouvelle jurisprudence constitue une consécration des
idées avancées par les commissaires du gouvernement depuis les arrêts Blanco, Terrier et
selon lesquelles l’administration pouvait se comporter comme un particulier et se voir
appliquer par conséquence le droit privé. Cette jurisprudence correspond à un abandon partiel
du critère du service public.

2°) La gestion privée des services publics :


Dans un deuxième temps, certains services publics entiers vont être soumis à l’application du
droit privé. En effet la jurisprudence va admettre que l’ensemble des activités de certains

49
services publics soient soumis au droit privé (T.C., 22 janvier 1921, Société commerciale
de l’Ouest Africain, GAJA).
Cette jurisprudence a aggravé la crise du critère de service public en confirmant son abandon
total. En effet certains services publics seront dorénavant entièrement soumis au droit privé.
Ce sont les services publics qui sont exploités dans les mêmes conditions qu’un industriel
ordinaire l’aurait fait. Cette jurisprudence a ainsi introduit une distinction parmi les services
publics entre les services publics administratifs (S.P.A.) et les services publics industriels et
commerciaux (S.P.I.C). Á partir de ce moment, seuls les services publics administratifs
(S.P.A) seront soumis au droit administratif. En d’autres termes, il ne suffit plus qu’il ait
service public pour qu’il ait application du droit administratif. C’est donc cette crise totale du
service public qui va ouvrir la voie à la recherche d’un nouveau critère du droit administratif.

Section II : Le critère actuel : la distinction entre gestion publique et gestion privée

Après l’abandon des critères de la puissance publique et du service public, on pouvait


s’orienter dans deux directions pour trouver un autre critère du droit administratif : soit
rechercher un nouveau critère, soit réaménagé les anciens critères. La doctrine a systématisé
la jurisprudence actuelle et a conclu à une démarche pragmatique de la part du juge fondée sur
la distinction gestion publique et gestion privée.
La gestion publique est définie comme l’utilisation par l’administration des prérogatives
spéciales qu’elle tient de sa fonction de puissance publique et qui n’ont pas cours en droit
privé. Quant à la gestion privée, elle peut être définie comme l’utilisation par l’administration
de procédés de droit privé. La gestion publique correspond en gros au cas d’application du
droit administratif. Alors que la gestion privée coïncide généralement à l’application du droit
privé. Le critère actuel du droit administratif serait fondé sur une distinction. Mais elle serait
appliquée par le juge à deux niveaux d’abord à un niveau global ensuite à un niveau
analytique.

Paragraphe I : L’application globale :

Elle consiste à rechercher la nature du service public en cause c'est-à-dire l’activité à


l’occasion de laquelle le litige est né. S’il apparaît que le service en question est un service
public administratif (S.P.A.), le litige auquel il a donné naissance sera soumis au droit
administratif. Mais si le service est un service public industriel et commercial (S.P.I.C.), ce

50
sera le droit privé qui s’appliquera. Mais après l’application globale de la distinction entre
gestion publique et gestion privée, la soumission du litige au droit administratif ou au droit
privé sera retenue à titre de présomption.

A- La recherche de la nature du service :


Depuis l’arrêt Société commerciale de l’Ouest Africain en 1921, il existe deux catégories de
service public : les services publics administratifs (S.P.A.) et les services publics industriels et
commerciaux (S.P.I.C.). La tentative de création d’une troisième catégorie de service public à
savoir les services publics sociaux, a tourné cours dans la mesure où ils ont été assimilés à des
services publics industriels et commerciaux (S.P.I.C.) (T.C., 22 janvier 1955, Naliato,
GAJA/ R.D.P 1955, p. 716).
Les services publics administratifs (S.P.A.) correspondent aux services publics à gestion
publique alors que les services publics industriels et commerciaux (S.P.I.C.) correspondent à
des services à gestion privée. Pour déterminer la nature administrative ou industrielle et
commerciale de l’activité de rattachement du litige, le juge prend en considération plusieurs
éléments. On pourra en retenir deux.

1°) La nature ou l’objet de l’activité en cause :


La prise en compte de cet élément par le juge lui permet de répondre à la question de savoir
si le service public auquel se rattache le litige poursuit le même but que les entreprises privées
ou non. Pour répondre à cette question, le juge peut par exemple prendre en considération la
réalisation de bénéfice ou non. Dans l’affirmative, le juge pourra qualifier le service public en
service public industriel et commercial (S.P.IC.), dans le cas contraire il pourra le qualifier de
service public administratif (S.P.A.) (arrêt Bac Eloka de 1921, GAJA, conclusion du
commissaire du gouvernement / conclusion du commissaire du gouvernement BREVANT
« affaire Rabou contre territoire de Nouvelle Calédonie »; conclusion de Jeanne
DEMAZOLIER en 1968/ le rapport Bernard « centours routières »).

2°) Les modalités d’organisation et de fonctionnement du service public :


Il s’agit ici de déterminer la nature de service public en fonction de ses règles d’organisation
administrative, juridique et financière. Pour cela, le juge peut prendre en considération
plusieurs éléments notamment deux éléments :
 Le mode de fonctionnement du service public : il s’agit de déterminer l’origine des

51
ressources du service public. Si ces ressources sont extérieures, le juge pourra qualifier le
service en question de service public administratif (S.P.A.). Mais lorsque ces ressources
proviennent des redevances perçues sur les usagers, le juge pourra qualifier le service en
question comme un service public industriel et commercial (S.P.I.C.).
 La comptabilité du service public : si le service est soumis à des règles de
comptabilité publique, le juge pourrait le qualifier de service public administratif (S.P.A.).
Dans le cas contraire, il pourrait conclure à la qualification de service public industriel et
commercial (S.P.I.C.).
L’ensemble de ces éléments que le juge utilise est appelé par la doctrine de faisceau d’indice.
Mais l’application de ce faisceau d’indice appelle trois remarques :
 La première c’est que ces éléments constitutifs ne sont pas cumulatifs ;
 La deuxième c’est que ces éléments ne sont pas applicables de façon arithmétique.
Le juge applique la méthode dite d’imprévisionniste dont le résultat dépend de la densité des
éléments de droit public ou de droit privé.
 La troisième remarque : il est possible de substituer à cette méthode objective que
constitue le faisceau d’indice une méthode subjective fondée sur la recherche de l’intention
du législateur.

A- L’application du droit administratif au service public administratif à titre de


présomption :
Lorsqu’il apparaît au terme de l’application globale de la distinction gestion publique et
gestion privée que l’activité à laquelle se rattache le litige est un service public administratif
(S.P.A.), le juge aura tendance à le soumettre au droit administratif. Mais en revanche si
l’activité est un service public industriel et commercial (S.P.I.C.), il aura tendance à
soumettre le litige au droit privé. Mais la mesure où il est possible que l’administration, dans
le cadre de la gestion d’un service public administratif (S.P.A.) utilise des procédés de gestion
privée, l’application du droit administratif à l’ensemble du litige ne sera pas évidente. Dès lors
quand le juge conclut à l’application du droit administratif au service public administratif
(S.P.A.), ce n’est qu’à titre de présomption. Il lui faut en effet vérifier si le procédé de gestion
utilisé est conforme à la nature du service public en cause. C’est l’objet de l’application
analytique de la distinction gestion publique et gestion privée.

52
Paragraphe II : L’application analytique de la distinction gestion publique et gestion
privée :

Elle tend à déterminer le droit applicable à la solution du litige en considérant isolément l’acte
ou la situation litigieuse abstraction faite de considération relative à l’activité dans laquelle
s’insère cet acte ou situation. L’application analytique de la distinction gestion publique et
gestion privée appelée également analyse acte par acte, tend à qualifier l’origine du dommage
ou l’objet du dommage. Cette qualification aura pour conséquence de confirmer ou d’infirmer
la présomption résultant de l’application globale.

A- La qualification de l’origine du dommage ou de l’objet du litige :


Un litige né à l’occasion d’une activité de service public peut trouver son origine soit dans un
acte juridique soit dans l’opération matérielle. Dans le cas d’un acte juridique, lorsque le juge
considère qu’il est l’expression de la mise en œuvre d’une prérogative de puissance publique,
le litige qui y est relatif sera soumis au droit administratif. Dans le cas d’une opération
matérielle, lorsque le juge considère qu’il est l’expression de la mise en œuvre d’une
prérogative de puissance publique, le litige en rapport avec cette opération sera soumis au
droit administratif.
A partir du moment où le résultat de l’application analytique peut aboutir à un résultat
différent de celui de l’application globale se pose le problème de leur combinaison. C’est là
que l’application analytique confirme ou infirme l’application analytique.

B- La confirmation ou l’infirmation du droit applicable :


L’application globale peut révéler l’existence d’un service public à gestion publique et
entraîner l’application du droit administratif. Alors dans le même temps l’application
analytique révèle l’utilisation de procédés de gestion privée qui appelle l’application du droit
privé. A l’inverse l’application globale peut révéler un service public à gestion privée d’où
l’application du droit privé. Il existe une conformité entre le résultat de l’application globale
et de celui de l’application analytique. Dans ce cas, l’application analytique ne fait que
confirmer l’application globale. Mais c’est lorsqu’il y a une contradiction entre les deux qu se
pose le problème de la primauté de l’une sur l’autre. En fait, dans ce cas le résultat de
l’application analytique qui prime en vertu du principe selon lequel les règles spéciales
dérogent aux règles générales. En effet, l’application globale n’aboutit qu’à une clause
générale. Mais cette primauté qui résulte de ce principe comporte parfois des limites. Ainsi

53
par exemple, lorsqu’un litige oppose un usager à un service public industriel et commercial
(S.P.I.C.), même lorsque l’origine du litige se trouve dans un ouvrage public ou de travaux
publics et malgré le caractère attractif du régime de droit public, des dommages d’ouvrage et
de travaux publics, le litige sera soumis à l’application du droit privé. Il existe en effet une
clause selon laquelle des « rapports entre le service public industriel et commercial (S.P.I.C.)
et ses usagers sont des rapports de droit privé ». Ces rapports de droit privé vont donc
s’opposer à l’application du droit administratif dans un tel cas (cf. T.C., 17 octobre 1966,
Dame veuve Ganasse contre S.N.C.F., Dalloz 1967, p. 252 ; Cour suprême, 30 juillet
1969, Régie des chemins de fer du Sénégal (R.C.F.S.) contre veuve Maurandi, revue
sénégalaise de droit (R.D.S.) 1970.

Deuxième partie : Le droit administratif et le contentieux administratif.

Il faut rappeler l’origine jurisprudentielle du droit administratif en France pour comprendre


l’importance du contentieux administratif. C’est après l’interdiction faite au juge judiciaire de
connaître les litiges administratifs que la juridiction administrative a été créée et s’est mise à
appliquer progressivement le droit administratif. Mais ce principe comportait des exceptions
ce qui fait que des litiges administratifs soient encore de la compétence des juridictions
judiciaires. Dès lors, lorsque le litige éclate et que la victime souhaite de le faire trancher par
un juge, la première difficulté qu’elle rencontre est relative à la détermination de la
compétence juridictionnelle. Seulement ce problème ne se pose pas dans les mêmes termes en
France et au Sénégal. Mais lorsque le demandeur a identifié la juridiction compétente, il lui
faudra respecter un certain nombre de voies et de procédure pour saisir valablement le juge.
C’est donc le deuxième problème que pose l’introduction d’une action en justice contre
l’administration en matière contentieuse. L’ensemble des règles juridiques qui régissent les
solutions, par la voie juridictionnelle des litiges administratifs, constitue le contentieux
administratif. L’étude de ce contentieux administratif passe par la réponse de ces deux
questions fondamentales : quelles sont les juridictions compétentes en matière de contentieux

54
administratif ? Quelles sont les différentes voies de recours et la procédure au contentieux
administratif ?

Titre I : La juridiction compétente en matière de contentieux administratif

Le problème se pose en des termes différents en France et au Sénégal. En France, le système


se caractérise par une dualité de juridiction souvent contestée mais réelle et dont les
dysfonctionnements sont réglés par le tribunal des conflits (T.C.).
Après leur accession à l’indépendance, les pays africains, comme le Sénégal, n’ont pas repris
intégralement le système de la dualité de juridiction. Pourtant pendant la période coloniale, la
France avait appliqué son système de dualité de juridiction dans les territoires placés sous sa
domination par la création à côtés des juridictions les conseils du contentieux administratif.
Mais ces conseils de part leur composition (autorité administrative), de part leur compétence
(affaires mineures, locales), ne remplissaient pas les mêmes fonctions que les juridictions
administratives en France. C’est ainsi que les pays africains ont réaménagé ce système en
institutionnalisant un système d’unité de juridiction. Il en a été ainsi du Maroc suivi par
d’autres pays comme le Sénégal et la Côte D’Ivoire. Dans ce système, un seul ordre de
juridiction est compétent pour l’ensemble des litiges administratifs et privés. Mais la
spécificité du contentieux administratif est maintenue par l’application d’un droit
administratif autonome et d’une procédure spéciale aux litiges en matière administrative.
Depuis les années 199O, les pays africains ont réformé leur système d’organisation judiciaire
et certains se sont rapprochés du système français de la dualité de juridiction : le Mali, le
Gabon, le Sénégal…. Ainsi donc au Sénégal, la réforme de 1992 a aboutit à l’éclatement de
l’ancienne cour suprême qui coiffait l’organisation juridictionnelle en quatre juridictions : le
conseil constitutionnel, une cour de cassation, un conseil d’état et plus récemment une
cour des comptes.
Ainsi à la suite de cette réforme, le Sénégal a maintenu le principe de l’unité de juridiction en
première instance et en appel mais a créé une dualité de juridiction au sommet de la hiérarchie
c'est-à-dire en cassation. Dans ce système, c’est le tribunal régional qui reste le juge de droit
commun, mais sa compétence n’est pas exclusive. En effet d’autres juridictions bénéficient
d’une compétence d’attribution en matière de droit commun au Sénégal.

Chapitre I : La compétence de droit commun du tribunal régional :

55
La loi qui fixe l’organisation judiciaire au Sénégal a institué le principe de l’unité de
juridiction en première instance et en appel. En effet l’organisation judiciaire au Sénégal
comprend actuellement le conseil constitutionnel, la cour de cassation, le conseil d’état, la
cour des comptes, les cours d’appel, les cours d’assise, les tribunaux régionaux, les
tribunaux départementaux et le tribunal du travail.
Ces juridictions connaissent toutes les affaires civiles, commerciales ou pénales des différents
du travail et de l’ensemble du contentieux administratif. Cette compétence des juridictions de
première instance et d’appel de toute matière constitue la clef de voûte du système
d’organisation judiciaire au Sénégal. Parmi ces juridictions, le tribunal régional joue le rôle
de juge de droit commun. Mais sa compétence n’est pas exclusive en matière de contentieux
administratif, se pose dès lors le problème de l’étendue de sa compétence et de ses limites.

Section I : Le principe de la compétence de droit commun du tribunal régional

C’est l’article 3 du 2 février 1984, qui pose le principe. Aux termes de cet article : « sous
réserve des compétences d’exception en premier et dernier ressort du conseil d’état, de la
cour d’appel et des cours d’assise et premier ressort des tribunaux départementaux, du
travail et des organismes administratifs à caractère juridique, les tribunaux régionaux sont
juges de droit commun en première instance en toute matière ».
Il apparaît ainsi que le tribunal régional est le juge droit commun en première instance en
matière de contentieux administratif. Mais malgré cette compétence de droit commun dévolue
aux tribunaux régionaux, on peut relever dans la jurisprudence sénégalaise des décisions de
juridictions de première instance ou d’appel portant déclaration d’incompétence (cour
suprême 21 janvier 1975, Cheick Tidiane Kane contre commune de Dakar, Anales
africaines de 1977, p. 80).

Section II : Les limites de la compétence de droit commun du tribunal régional

C’est l’article 3 de la loi du 2 février 1984 qui en même temps pose principe de la
compétence droit commun du tribunal régional, en fixe les limites. Curieusement cet article 3
procède par énumération pour déterminer les matières qui sont de la compétence du tribunal
régional. Aux termes du paragraphe premier de cet article 3 « le tribunal régional connaît de
toute instance tendant à faire déclarer débitrice les collectivités publiques, soit en raison des

56
marchés conclus par elles, soit en raison des travaux publics qu’elles ont ordonné, soit en
raison de tous actes de leur part ayant occasionné un préjudice à autrui ».
Cela signifie que le tribunal régional est compétent pour le contentieux des contrats, celui des
travaux publics, celui de la responsabilité des personnes publiques. Cette compétence est
confirmée par l’article 139 du Code des Obligations de l’Administration (C.O.A) en ce qui
concerne les contrats administratifs. Aux termes du §2 « le tribunal régional connaît les
litiges relatifs à l’assiette, aux taux de recouvrement des impôts de toute nature et
particulièrement des demandes de décharges ou de réduction formulées par les contribuables,
ainsi que les actes de saisine ou de poursuite administrative ».
Cela signifie que le tribunal régional a également reçu compétence en matière du contentieux
fiscal. Aux termes du §3 « le tribunal régional connaît tous les litiges portant sur les
avantages pécuniaires ou statutaires reconnus aux fonctionnaires et agents des diverses
administrations ». Cela signifie que le tribunal régional est également compétent en matière
de contentieux de la fonction publique. L’article 4 de la loi règle le délicat problème de
l’exception d’illégalité. Aux termes de ses dispositions « les juridictions ont au cours des
instances dont elles sont saisies compétence d’apprécier, d’interpréter la légalité des
décisions administratives ». Cet article tire la conséquence de la logique du système de l’unité
de juridiction en donnant une plénitude de compétence au tribunal régional en matière
d’interprétation et d’appréciation de la légalité des actes administratifs (illustration : cour
suprême du Sénégal, 5 juin 1961, Wali Sarr contre Commune de Saint-Louis, GAJAS,
tome I, p. 28 ; tribunal de grande instance de Dakar, 7 avril 1981, Cheick Anta Diop,
GAJAS, tome I, p. 29).
La réforme de 1992 a introduit une contradiction apparente de ce système. Aux termes de
l’article 36 de la loi organique sur la cour cassation « lorsque la solution du litige porté
devant la cour de cassation est subordonnée à l’appréciation de la légalité d’un acte
administratif, la formation de la cour de cassation compétente pour connaître le litige saisit
obligatoirement le conseil d’état de l’exception d’illégalité soulevée ainsi et sursoit à statuer
jusqu’à ce que le conseil d’état se soit prononcé sur la légalité de l’acte. Le conseil se
prononce dans un délai de deux moi ».

Chapitre II : Les exceptions à la compétence de droit commun du tribunal régionale :

Les différentes juridictions composant l’organisation judiciaire au Sénégal ont parfois


compétence à titres divers de contentieux administratif. Cette compétence est une compétence

57
d’attribution. L’exception la plus importante à la compétence de droit commun du tribunal
régional reste celle du conseil d’état.

Section I : La compétence du conseil d’état

Avant la réforme judiciaire de 1992, la cour suprême jouait le rôle du conseil d’état, de la cour
de cassation, du conseil constitutionnel et de la cour des comptes. Elle était l’organe
régulateur de l’ensemble du système judiciaire sénégalais. Elle était divisée en trois sections.
C’est la deuxième qui était compétente en matière de contentieux. Depuis 1992 le conseil
d’état bénéficie d’un double titre de compétence en la matière. Tantôt il intervient en premier
et dernier ressort, tantôt il intervient comme juge de cassation. Mais de manière générale, les
compétences du conseil d’état ont été réduites par la création d’une cour des comptes.

Paragraphe I : La compétence en premier et dernier ressort du conseil d’état :

Aux termes de l’article 1 de la loi du 21 octobre 1996 sur le conseil d’état « le conseil
d’état es juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des autorités de l’exécutif
mais aussi de la légalité des actes des collectivités locales. Il est compétent en dernier ressort
dans les contentieux des inscriptions sur les listes électorales et des élections aux conseils
régionaux, départementaux et ruraux conformément aux conditions prévues par le code
électoral ».
La compétence en matière de recours pour excès de pouvoir est une des plus importantes, ce
qui justifie son exclusion au profit du conseil d’état. Cette dérogation s’explique pour deux
raisons essentielles :
 Historique d’abord, car elle correspond à, la survivance d’une pratique qui existait
déjà pendant la période coloniale. A cette époque, c’est le conseil d’état siégeant à Paris qui
était compétent en premier et dernier ressort sur les litiges mettant en cause l’Etat malgré
l’existence des conseils du contentieux administratif.
 Une raison technique ensuite dans la mesure où l’annulation d’une mesure ou d’un
acte a toujours une portée politique. Il est donc nécessaire d’attribuer cette compétence à une
juridiction élevée dan s la hiérarchie judiciaire bénéficiant d’une autorité incontestée. Cette
condition est apparemment remplie par l’ancienne cour suprême et l’actuel conseil d’état.

Paragraphe II : Le conseil d’état : juge de cassation

58
Aux termes de l’article 1 de la loi du 21 octobre 1996 sur le conseil d’état « le conseil
d’état par la voie du recours en cassation des décisions des cours des comptes, des décisions
rendues en dernier ressort par les organismes administratifs à caractère juridictionnel, des
décisions des cours et tribunaux relatives aux autres contentieux administratifs à l’exception
de celles que la loi organique attribue expressément à la cour de cassation »
Le conseil d’état a cependant d’autres types de compétence. Il en est ainsi en matière de rabat
d’arrêt conformément à l’article 33 de la loi du 21 octobre 1996. De même le conseil d’état
peut être saisi par le ministre de la justice des actes par les actes pour lesquels les juges
excèdent leur pouvoir notamment « erreur de droit ou erreur manifeste d’appréciation dans
la qualification des faits » article 27 de la loi du 21 octobre 1996.

Section II : Les autres dérogations à la compétence de droit commun du tribunal


régional :

Parmi les juridictions compétentes en matière de contentieux administratif et qui bénéficient


d’une compétence d’attribution, on peut citer la cour d’appel. En effet la cour d’appel
bénéficie également d’un double titre de compétence. Dans certains cas il est juge en premier
et dernier ressort. Il en est ainsi lorsqu’il est juge du contentieux électoral. Aux termes de
l’article 69 du code de procédure civile « les élections des membres de l’assemblée autres
que l’Assemblée nationale et des corps et organismes administratifs sont de la compétence de
la cour d’appel ».
Dans ce cas le conseil d’état intervient comme juge de cassation. Dans d’autres cas, la cour
d’appel est juge d’appel pour les jugements rendus par les tribunaux régionaux en matière de
contentieux administratif. On pourrait citer certains organismes administratifs exerçant une
compétence juridictionnelle en matière disciplinaire, exemple assemblée de l’Université, le
conseil de discipline de l’ordre des experts ; d’une manière générale les organismes chargés
de l’organisation et de la réglementation de certaines professions. Lorsque ces organismes
prennent un acte de caractère juridique, il est possible de les attaquer devant la cour d’appel
qui intervient comme juge d’appel.
Mais il existe également possible d’intenter un recours contre ces actes devant un autre
organisme et de saisir le conseil d’état en cassation.

59
Titre II : Les différentes voies de recours et la procédure administrative contentieuse :

On peut définir les voies de recours comme étant des actes de procédure par lesquels une
personne saisit une juridiction de prétention dont elle veut faire connaître le bien fondé.
Quant à la procédure, elle regroupe l’ensemble des règles relatives à l’introduction, à
l’instruction et aux jugements des recours et aux différents types de recours susceptibles
d’être reconduits devant la juridiction administrative. Les voies de recours et les règles de
procédure qui les réglementent sont nombreuses et variées. Leur étude pose dès lors un
problème de classification et de détermination de leur contenu.

Chapitre I : Les différents recours en matière de contentieux administratif :

Les recours juridiques en matière de contentieux administratif, ont généralement pour objet
l’annulation d’un acte administratif illégal ou une demande en réparation d’un préjudice subi.
Ces différents recours sont regroupés en branches, en sous ensemble ou en division. Mais à
côté des recours proprement juridique, il existe de recours administratif qui sont parfois des
préalables au recours juridictionnel.
Section I : Les recours juridictionnels :

C’est possible d’utiliser plusieurs critères pour procéder à la Classification des recours
contentieux. On peut cependant en retenir deux :
 Le premier critère dégagé par LAFERRIÈRE est relatif aux pouvoirs de la
juridiction. Son application aboutit à la distinction des recours en quatre branches :
- le recours de pleine juridiction qui est un recours où le juge bénéficie de pouvoirs qui sont
larges. C’est en effet un contentieux où le juge peut condamner l’administration à des
dommages et intérêts ou réformer totalement ou partiellement une décision.
- le recours en annulation, c’est un recours où le juge dispose de pouvoirs qui se limitent à
l’annulation d’un acte illégal.
- le recours en interprétation ou en appréciation, c’est un recours où le juge détermine le
sens d’un acte ou fait, une déclaration sur sa légalité.
- le recours en matière de répression, c’est un recours où le juge réprime les atteintes au
domaine public ou assure la discipline de certaines professions.
 Le deuxième critère dégagé par LÉON

60
DUGUIT est fondé sur la nature de la question posée. Son application aboutit à une
classification bipartite des recours administratifs.
 les recours appartenant aux contentieux objectifs : dans ce type de
contentieux, la question posée est relative à la conformité d’un acte à la légalité. Ce
contentieux comprend le recours en annulation, le recours en appréciation de légalité, le
contentieux électoral, celui de la répression.
 les recours appartenant aux contentieux subjectifs : dans ce type de
contentieux, la question posée est de savoir si une personne doit être reconnue comme
titulaire de droit subjectif. Il en est ainsi en matière contractuelle ou extracontractuelle. Mais à
certains égards ces deux classifications peuvent se regrouper. Leur synthèse permet de
dégager deux grands types de recours d’une part les recours en annulation et d’autre part les
recours de pleine juridiction.

Paragraphe I : Les recours en annulation :


C’est un recours qui a donné son nom au contentieux de l’excès de pouvoir. On peut le définir
comme étant l’action par laquelle toute personne y ayant intérêt, peut provoquer l’annulation
d’une décision exclusive par le juge compétent en raison de son illégalité. Selon Gaston
GÈZE « le recours pour excès de pouvoir constitue l’arme la plus efficace, la plus pratique,
la plus économique qui existe au monde pour défendre les libertés individuelles et la plus
merveilleuse création des juristes ». Le contentieux de l’excès de pouvoir englobe en réalité
trois types de recours : le recours pour excès de pouvoir, le recours en appréciation et le
recours en déclaration.
Ces trois recours sont différents par leur objet et par leur caractère, mais présentent tout de
même un dénominateur commun. En effet ils posent exclusivement une question de droit
objectif c'est-à-dire de légalité.
Le recours en annulation ou recours pour excès de pouvoir est une création jurisprudentielle
française. Il existe en effet depuis 1830 mais sa base textuelle se trouve dans la loi du 24 mai
1872. Il s’agit d’un recours qui présente des spécificités par rapport aux autres recours à trois
points de vue au moins : d’abord du point de vue de ses caractères, ensuite du point de vue de
ses conditions de recevabilité et enfin du point de vue de ses effets.

A- Les traits caractéristiques du recours pour excès de pouvoir :

61
On peut le caractériser à travers trois traits fondamentaux : d’abord c’est recours objectif,
ensuite c’est un recours d’ordre public et enfin c’est un recours d’utilité publique.

1°) Le caractère objectif du recours pour excès de pouvoir :


Cela signifie que le recours pour excès de pouvoir est un procès fait à un acte. En effet la
question posée au juge est de savoir si l’acte attaqué est légal. Ce trait de caractère résulte
d’une double constatation. C’est d’une part le recours pour excès de pouvoir tend à
l’annulation d’un acte. D’autre part le recours pour excès de pouvoir est fondé sur la violation
de la légalité. En conséquence les conclusions d’un recours pour excès de pouvoir doivent
exclusivement viser l’annulation de l’acte litigieux et ne pas porter sur des demandes en
réparation pécuniaires. Cependant la jurisprudence admet la recevabilité du recours pour
excès de pouvoir contre les décisions refusant à des agents des indemnités (C.E, 8 mars
1912, Lafage, GAJA, n° 25 ; cour suprême du Sénégal, 10 mai 1973, Latyr Camara,
Annales africaines 1973, p. 260)
Les moyens tirés de la violation d’un droit objectif ne peuvent être invoqués à l’appui d’un
recours pour excès de pouvoir. Mais à l’inverse certains recours bien tendant à une annulation
ne sont pas considérés comme un recours pour excès de pouvoir. Il en est ainsi par exemple
du contentieux électoral et du contentieux contractuel, deux conséquences : le recours pour
excès de pouvoir est un moyen de contrôle de l’administration, c’est que le juge bénéficie de
pouvoirs limités à l’annulation de l’acte.

2°) Le caractère d’ordre public du recours pour excès de pouvoir :


Le recours tient ce caractère du fait que son objet c’est la sauvegarde de la liberté. Ce
caractère d’ordre public emporte trois conséquences :
 Il n’est pas possible de renoncer (à l’exercice) au bénéfice de la chose jugée en
matière de recours pour excès de pouvoir ;
 Ensuite deuxième conséquence, le requérant peut revenir sur son désistement. En
effet le retrait d’un désistement en matière de recours pour excès de pouvoir est sans
conséquence dans la mesure où on considère que le recours pour excès de pouvoir est un
recours qui ne met pas en présence des parties ;
 Enfin les parties à un litige quelconque peuvent se prévaloir en tout état de la
procédure d’un moyen tiré de l’annulation d’une décision prononcée sur le recours pour
excès de pouvoir. Le juge est d’ailleurs tenu de soulever un tel moyen dans le cas d’une
abstention des parties.

62
3°) Le caractère d’utilité publique du recours pour excès de pouvoir :
C’est aussi parce que le recours pour excès de pouvoir tend au rétablissement de la légalité
qu’il est considéré comme un recours d’utilité publique. De ce trait de caractère découlent
trois conséquences :
 Un recours ouvert sans texte : simplement en vertu des principes généraux du droit
contre tout acte administratif sauf lorsque la loi l’écarte explicitement. Même dans ce cas la
jurisprudence administrative française interprète de façon restrictive cette exclusion. Le juge
administratif français a été suivi en cela par le droit européen. (Ce droit communautaire et le
droit constitutionnel, C.E., ASS., 17 février 1950, ministre de l’agriculture contre Dame
Lamotte, GAJA, n°67).
 Un recours pratique, la jurisprudence interprète de façon libérale l’intérêt à agir des
requérants. De même il s’agit d’un recours dont l’importance des résultats dépasse de loin le
coût. Ainsi par exemple, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire et la caution de 5000F ;
 Un recours d’exercice rapide, en effet les délais imposés pour le recours pour
excès de pouvoir sont très rigoureux et la brièveté de ces délais est destinée à obliger les
intéressés à ne pas différer l’exercice du recours et à provoquer ainsi par voie de conséquence
l’instabilité dans les situations juridiques (deux mois).

B- Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir :


Ces conditions étaient initialement régies par l’ordonnance du 30 septembre 1960 sur la
cour suprême. Elles le sont actuellement par la loi du 21 octobre 1996 sur le conseil d’état
du Sénégal. Ces conditions de recevabilité qui sont cumulatives, sont au nombre de quatre.
Elles sont relatives à l’absence de recours parallèle à la nature de l’acte attaqué, à la qualité du
requérant et enfin au délai et à la forme du recours.

1°) Absence de recours parallèle :


L’article 83 de l’ordonnance du 30 septembre 1960 prévoit que le recours pour excès de
pouvoir n’était pas recevable contre les décisions administratives lorsque les intéressés
disposent pour faire valoir leur droit, le recours ordinaire de pleine juridiction. Cette
disposition reprise de la jurisprudence administrative française faisait du recours pour excès
de pouvoir un recours subsidiaire. En plus du fait que cette condition permet de désengorger
le prétoire du juge de l’excès de pouvoir. L’absence de recours parallèle assure aussi au
Sénégal la distinction des contentieux en droit sénégalais. Mais cette condition a été

63
interprétée par la jurisprudence sénégalaise dans un sens large. L’évolution de la
jurisprudence sur ce point est passée par trois étapes :
 Dans un premier temps la cour suprême n’a pas examiné la recevabilité du recours
pour excès de pouvoir contre un acte limitant les incidences financières de reclassement du
requérant. C’est le sens de l’arrêt de la cour suprême du 28 mars 1966, Mamadou Lamine
Diop, Annales africaines 1973 / GAJAS tome 1, p. 272.
 Dans un second temps, la cour suprême admet la recevabilité du recours pour
excès de pouvoir d’un requérant non fonctionnaire donc soumis au tribunal du travail. C’est
le sens de l’arrêt cour suprême 23 mai 1966, Babacar Lô et Abdou Samba Diallo, GAJAS,
au tome I, p. 285.
 Ce n’est que dans un troisième temps que la cour de suprême avait déclaré
l’irrecevabilité d’un recours pour excès de pouvoir d’un agent non fonctionnaire du fait de
l’existence de recours parallèle (cour suprême, 12 juillet 1972, Souleymane Cissé contre
ministre de la fonction publique, Annales africaines 1973, p. 238/ GAJAS, Tome I, p.
20).
Seulement le recours parallèle doit obéir à un certain nombre de conditions :
 Il doit avoir un caractère juridictionnel (cf. recours administratif) ;
 Il doit également s’agir d’un recours direct ;
 Il faut enfin que ce soit un recours qui permet au requérant de faire valoir ses
droits. Cette condition a disparu aussi bien de la loi du 2 février 1987 modifiant
l’ordonnance de 1960 sur la cour suprême que de la loi du 30 mars 1992 sur le conseil
d’état modifiée par celle du 27 octobre 1996. Il s’y ajoute que la jurisprudence du conseil
d’état ne semble pas se prononcer de façon claire sur la question.

2°) La condition relative à la nature de l’acte attaqué :


Aux termes de l’article 35 de la loi du 21 octobre 1996 sur le conseil d’état « le
recours pour excès de pouvoir n’est recevable que contre une décision explicite ou implicite
d’une autorité administrative ». De façon positive cela signifie que toute décision unilatérale
d’une autorité administrative nationale faisant grief est susceptible de recours pour excès de
pouvoir. Cette autorité peut s’étendre à une autorité administrative indépendante (C.E., ASS.
10 juin 1981 Retail, Dalloz 1981, p. 662, note critique professeur GAUDMET ; R.D.P.
1981, p.144O, conclusion commissaire du gouvernement FRANCK/ p. 1687, note
professeur Jean Marie HAURIOU), d’une autorité judiciaire mais exerçant une fonction

64
administrative, d’un organisme privé doté de certains pouvoirs et de fonction administrative
(C.E.SN, 25 août 1993, professeur Iba Der THIAM contre Etat du Sénégal, bulletin des
arrêts du C.E. 1993-1997 p. 6 ; C.E. 28 mai 1997, El Hadj GUISSÉ contre Etat du
Sénégal, bulletin des arrêts du C.E. 1993-1997 p. 121 ; C.E. 27 avril 1994, ASC Dialdiop
municipalité club contre Etat du Sénégal, Bulletin des arrêts du C.E. 1993-1997 p. 68).
Mais quelle que soit la forme de la décision, elle doit être exécutoire c'est-à-dire susceptible
de modifier l’ordonnancement juridique, la situation des administrés.
De façon négative, sont en conséquence exclus du recours pour excès de pouvoir les actes
juridictionnels, les actes législatifs, les actes de gouvernement (cf. actes administratifs
unilatéraux), les contrats sauf les actes détachables, les décisions préparatoires, de même que
les décisions de confirmatives, les circulaires, les directives, les mesures d’ordre public (cf.
pouvoir hiérarchique) sont aussi exclues.
Mais sur les contrats, il convient de noter qu’il y a eu un revirement jurisprudentiel en France
qui a abouti à l’ouverture du recours pour excès de pouvoir contre les contrats (C.E., 30
octobre 1998 Ville de Lisieux, J.C.P. 1998, n° 10 p.45). Concernant les mesures d’ordre
intérieur, la difficulté consiste à distinguer des actes faisant grief (régime carcéral C.E.ASS.,
27 juin 1984 Caillot, R.D.P. 1984, p. 483 ; port voile C.E. 2 novembre 1992, Khérouaa,
AJDA 1992 p.788/ revue française de droit administratif 1992 p. 112 conclusion
commissaire du gouvernement).
Certains actes peuvent comporter quelques éléments dérisoires. A ce moment ils ne peuvent
faire l’objet d’un recours partiel.

3°) La condition relative au requérant


Il doit avoir qualité à agir et intérêt à agir. L’intérêt doit correspondre à l’intérêt « froissé »
(jurisprudence). Il peut être matériel ou moral, individuel ou collectif, réel ou potentiel. L’idée
est d’ouvrir le recours pour excès de pouvoir au grand nombre de requérants mais sans en
faire une action populaire. Cet intérêt peut être identifié à partir de la seule qualité du
requérant. Il en est ainsi de la qualité de contribuable local (C.E., 2 décembre 1906, syndicat
des propriétaires et contribuables du quartier Croix de Séguy Tivoli GAJA, n° 17). Il en
est de même de la qualité d’autorité administrative (C.E., 18 avril 1902, Commune de Néris
les Bains, GAJA).
A défaut l’intérêt doit être suffisamment direct et certain. Mais dans tous les cas, il doit être
propre au requérant. Mais si cette condition est facile à vérifier pour les personnes physiques.
Elle peut parfois poser problème dans le cas des personnes morales. Sur ce dernier point, la

65
jurisprudence a fait preuve de libéralisme mais tout en restant nuancée. Ainsi elle a admis la
possibilité pour les groupements (syndicats, associations) de défendre leurs intérêts et ceux de
leurs membres mais sans se substituer à ce dernier (C.E., 28 décembre 1906, syndicat de
coiffeurs de Limoge, GAJA, n° 18/ Cour suprême SN, 22 janvier 1975, Ousmane Diallo,
GAJAS, Tome I, p.54).

4°) La condition relative à la forme et au délai


En ce qui concerne la forme, la requête doit se présenter sous une forme écrite. Aux termes de
l’article 35 de la loi du 21 octobre 1996 sur le conseil d’état : « le demandeur est dispensé
du ministère d’avocat. La requête doit indiquer les noms et domiciles des parties. Elle doit
contenir un exposé sommaire des faits, des moyens et conclusions et être accompagnée de la
décision attaquée » (article 15 de la loi du 21 octobre 1996). Le requérant doit par la suite
donner une consigne de 5000frs dans le délai de deux mois après le dépôt de la requête au
greffe du C.E. Cette somme est perdue en cas de rejet du recours (article 16). La requête est
accompagnée d’u ne copie de la décision attaquée, doit signifiée dans les délais de deux mois
à la partie adverse par acte extrajudiciaire (article 20). Les vices de procédure lorsqu’ils ne
sont pas substantiels peuvent faire l’objet de régularisation par le conseil d’état (article 15)
(C.E., 13 mai 1996 Diraison, AJDA novembre 1996, p. 930 / C.E., 25 juin 1997, Adolphe
Dodi SOW, Bulletin des arrêts du C.E. 1993-1997, p.134).
En ce qui concerne le délai, l’article 35 de la loi du 21 octobre 1996 prévoit que le recours
doit être introduit dans un délai de deux mois. Mais l’application de cette condition pose au
moins deux problèmes :
 Le premier problème est relatif à la détermination du point de départ de ce délai :
pour les actes à caractères réglementaires, c’est leur publication qui constitue le point de
départ. Pour les actes à caractères individuels, il s’agit de la notification. A défaut de formalité
de publicité, le juge applique la théorie de la connaissance acquise. A l’aide de cette théorie, il
tente de déterminer le jour où le requérant a manifesté sa connaissance de l’acte. Cependant
cette théorie ne s’applique pas aux actes réglementaires (C.E sn 22 décembre 1993 Madické
BÂ contre Etat du Sénégal, Bulletin des arrêts du conseil d’état 1993-1997 p. 45).
Selon la jurisprudence française, le juge peut utiliser d’autres méthodes et techniques pour
déterminer le point de départ du délai en cas d’inaction de l’administration.
 Le deuxième problème est relatif à la computation de quantième à quantième (15 à
15) et les délais sont francs. Cela signifie que le jour de publication ou de notification appelé
dies a quo et le jour de l’échéance appelé dies ad quem, ne sont pas comptabilisés. Mais en

66
outre les cas où un texte le prévoit le délai du recours pour excès de pouvoir peut faire l’objet
de prorogation pour deux causes principales.
La première cause c’est l’introduction d’un recours administratif préalable dans le délai du
recours pour excès de pouvoir (article 35). La réponse explicite de l’administration va
constituer un nouveau point de départ du délai du recours pour excès de pouvoir. Mais si
l’administration ne répond pas au bout de quatre mois, son silence équivaudra à un rejet
implicite de la demande et le délai du recours pour excès de pouvoir commencera à courir à
l’expiration de ces quatre mois. L’article 35 a repris une disposition de la loi organique de
septembre sur la cour suprême à savoir que la décision explicite de rejet intervenue
postérieurement à l’expiration du délai de quatre mois après une demande administrative fait
courir un nouveau délai de deux mois.
Selon la jurisprudence française, en cas d’intervention d’une décision implicite de rejet du
fait du silence gardé par l’administration pendant quatre mois après la demande
administrative, le délai de recours contre cette décision commence à courir à partir de cette
date. Ce n’est qu’au cas où dans les délais de deux mois ainsi ouvert intervient une décision
explicite de rejet que recommence à courir un nouveau délai (C.E, 1 mars 1996 Habib,
Revue française du droit administratif 1996 p.764 ; cour suprême 6 février 1974 Kalil
Labidi, GAJAS, Tome I, p. 401).
La deuxième est relative à la saisine d’une juridiction incompétente : dans ce cas le délai du
recours pour excès de pouvoir commence à courir à partir de la notification de la déclaration
d’incompétence de la juridiction saisie (cour suprême 9 février 1966, Fatou Diop , Annales
africaines 1973 p. 268 / GAJAS, Tome I p. 260).
Lorsqu’un recours pour excès de pouvoir est introduit hors délai, il dit qu’il y a forclusion.
Cette forclusion est d’ordre public. Dans un tel cas il reste cependant encore deux possibilités
au requérant.
La première, c’est l’exception d’illégalité : il s’agit d’une voie d’exception contre un acte
administratif, soit pour attaquer ses mesures d’applications individuelles soit pour soulever
son illégalité à l’occasion d’un procès.
La deuxième, c’est la réouverture du délai du recours pour excès de pouvoir après un
changement de circonstance. Le délai peut en effet être ré ouvert après un changement de
circonstance qui rend un acte administratif illégal (C.E., 10 janvier 19130 Despujol, GAJA,
n°47) (cf. légalité d’un acte administratif).

C- Les effets du recours pour excès de pouvoir

67
Ils sont essentiellement la conséquence du caractère objectif du recours pour excès de
pouvoir. Il convient de distinguer deux formes de recours : les effets de l’action en justice et
ensuite les effets de la décision du juge.

1°) Les effets de l’action en justice


Aux termes de l’article 19 de la loi du 21 octobre 1996 « les pourvois devant le conseil
d’état ont un caractère non suspensif » (présomption de légalité). Mais l’article 36 de la
même loi comme l’article 19 le prévoit, d’ailleurs pose des exceptions à ce principe. Ainsi
tout d’abord sur demande expresse de la partie requérante, le conseil d’état peut à titre
exceptionnel ordonner le sursis à exécution des décisions des autorités administratives contre
lesquelles a été introduit le recours en annulation.
Ce sursis à exécution ne peut être accordé qu’à deux conditions. Aux termes de l’alinéa 2 de
l’article 35 « le sursis à exécution ne peut être accordé que si les moyens invoqués paraissent
en l’état de l’instruction sérieux et si le préjudice encouru par le requérant sera difficilement
réparable ». Le recours pour excès de pouvoir a un caractère suspensif dans le cadre du
recours contre les décisions qui prononcent l’expulsion d’une personne qui a un statut de
réfugié ou qui constatent la perte dudit bénéfice (cour suprême 5 avril 1978, Emile
WARDINI, GAJAS, Tome I p. 114/ CE sn, 29 octobre 1997, El Hadj Sérigne Tako
FALL, Bulletin des arrêts du conseil d’état, p. 149).

2°) Les effets de la décision du juge


Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le juge peut rendre trois décisions : il peut d’abord
rendre un non lieu. Il en est ainsi par exemple de retrait, de désistement du requérant ou de
validation législative de l’acte. Il peut également rendre une décision de rejet ; il en est ainsi
en cas d’irrecevabilité du recours ou de légalité de l’acte administratif. Il peut enfin rendre
une décision d’annulation. C’est le cas lorsque l’acte est illégal. Mais dans les cas
d’annulation, le juge peut procéder par annulation partielle (deuxième condition de
recevabilité du recours) ; une annulation par voie de connexité ou par voie de conséquence.
Cependant l’annulation de règlement n’entraîne pas automatiquement la disparition des
mesures individuelles qui en sont des émanations. En ce qui concerne l’autorité de la décision,
il convient de distinguer selon qu’il s’agisse d’un rejet ou d’une annulation. La décision de
rejet jouit d’une autorité relative. Cela signifie que d’autres requérants peuvent intenter un
recours contre le même acte. Quant à la décision d’annulation, elle est revêtue d’une autorité
absolue. Le recours pour excès de pouvoir produit des effets erga omnes c'est-à-dire à l’égard

68
de tous et aussi des effets rétroactifs pour le passé et pour l’avenir. Mais l’exécution de la
décision d’annulation peut parfois poser problème du fait que l’administration peut refuser à
cette exécution. Mais en outre le juge ne peut pas se substituer à elle, n’a pas de pouvoir
d’injonction même de voie d’exécution forcée (CE, 26 novembre 1925, Rodière, GAJA, n°
43). (Commentaire). Dans ce cas la jurisprudence peut engager la responsabilité de
l’administration. En France deux lois ont accru les pouvoirs du juge en matière d’exécution
des décisions de justice.
 La loi du 16 juillet 1980 accorde au conseil d’état le pouvoir de prononcer des
astreintes contre les personnes morales pour obtenir l’exécution de la chose jugée.
 En outre la loi du 8 février 1995 a accordé des pouvoirs d’injonction au juge
administratif. Mais dans le cas où il est impossible d’exécuter la décision d’annulation,
l’administration peut recourir à la technique de la validation législative (saisine du Parlement
pour cautionnement de la décision).

Paragraphe II : Les recours de plein contentieux


C’est un recours qui est aussi appelé recours de pleine juridiction et qui correspond au
contentieux du droit objectif. Dans ce contentieux, le juge est appelé à se prononcer sur
l’existence, le contenu et les effets des droits des particuliers et des personnes morales. Ce
contentieux est divisé en plusieurs branches et obéit à des conditions de recevabilité qui
permettent de le distinguer du recours pour excès de pouvoir.

A- Les différentes branches du recours de plein contentieux


Certaines branches du contentieux administratif appartiennent au contentieux de pleine
juridiction par détermination de la loi et d’autre part par nature.

1°) Le contentieux de la responsabilité


L’action en responsabilité contre l’administration appartient au contentieux de pleine
juridiction quelle que soit la base juridique de cette action. Le droit invoqué y est un droit
subjectif. Ce contentieux comprend les actions en responsabilité fondées sur l’illégalité, sur
les règles jurisprudentielles et celles fondées sur les textes spéciaux de responsabilité.

2°) Le contentieux contractuel

69
Malgré sa particularité, ce contentieux fait partie du contentieux de pleine juridiction. Ce
contentieux comprend le contentieux de la formation et de l’exécution des contrats et celui
des quasi-contrats (enrichissement sans cause, gestion d’affaire).

3°) Le contentieux fiscal


Ce contentieux devait par nature appartenir au contentieux de la légalité pourtant il appartient
au contentieux de pleine juridiction. Il comprend le contentieux de l’assiette de l’impôt, du
recouvrement, celui des litiges relatifs à la décision d’assujettissement à certaines redevances,
celui relatif aux demandes de restitution d’un impôt indûment acquitté.

4°) Le contentieux électoral


Il faudrait se reporter à la distinction des contentieux à partir des pouvoirs du juge pour
comprendre l’appartenance de ce contentieux à la pleine juridiction. En effet d’une part le
juge dispose de pouvoir nécessaire pour vérifier la régularité et la sincérité des opérations
électorales. Mais d’autre part il peut proclamer un candidat élu même au prix d’un
reversement des résultats sortis des urnes.
B- Les conditions de recevabilité du recours de plein contentieux
Dans sa forme le recours de plein contentieux obéit à des conditions qui le distinguent du
recours pour excès de pouvoir. Ainsi par exemple tous les arguments c'est-à-dire les
arguments de fait, de droit peuvent être invoqués à l’appui d’un recours de plein contentieux.
Mais au moment de l’introduction de l’instance, le recours de plein contentieux fait l’objet de
procédure spéciale en matière administrative au Sénégal. Cette procédure produit u certains
nombre de conséquences sur le développement du contentieux administratif.

1°) La procédure spéciale en matière administrative


C’est le décret portant Code de procédure civile en son article 729 qui définit les procédures
applicables en matière administrative. Cette procédure comprend deux éléments.

a- La règle de la demande administrative préalable


Selon l’article 729 du Code de Procédure civile « toute action en justice doit être
précédée d’une demande adressée à l’autorité administrative désignée pour recevoir
l’assignation aux termes de l’article 39 ».
Le silence gardé plus de quatre mois par l’autorité saisie vaut décision de rejet. Cela signifie
que devant un fait générateur de responsabilité, le requérant au plein contentieux doit

70
provoquer une décision administrative. C’est seulement lorsque la réponse n’est pas
satisfaisante qu’il y a liaison de contentieux. Cette demande préalable doit cependant être
introduite dans le délai de prescription applicable aux personnes publique. Autrement elle
risque d’être frappée de déchéance quadriennale (quatre ans). A défaut il y a prescription
extinctive du droit à réparation.

b- L’introduction du recours contentieux dans un délai de deux mois


L’alinéa 2 de l’article 729 du code de procédure civile ajoute que : « l’assignation doit à
peine d’irrecevabilité être servie dans un délai d’un mois qui suit, soit l’avis donné de la
décision de l’administration, soit l’expiration du délai de quatre mois valant décision
implicite de rejet. Cette assignation doit à peine de nullité viser la réponse implicite ou
explicite donnée par l’administration à la demande préalable ».
La violation de ces deux conditions est sanctionnée pour la première d’irrecevabilité du
recours et pour le second (non introduite dans le délai d’un mois) par forclusion.
Mais selon la jurisprudence lorsque la première condition n’est pas remplie l’acceptation par
l’administration d’un débat sur le fond entraîne la liaison du contentieux. Le caractère d’ordre
public ou non de cette procédure spéciale en droit sénégalais semble en effet poser problème à
travers l’évolution de la jurisprudence. Ainsi par exemple dans le jugement du tribunal de
première instance de Dakar du 1er mars 1969 Sékou Badio, Annales africaines de 1993-
1997, p. 223, le juge ne soulève pas le problème du respect de l’article 729 du code de
procédure civile par le requérant. Dans le jugement du tribunal de première instance de
Dakar du 23 mai 1970 Abdourahmane Ndoye, Annales africaines 1973, p. 243, le juge
vérifie de sa propre initiative le respect de l’article 729 du code de procédure civile par le
requérant. Dans une autre affaire, le tribunal de première instance de Dakar du 29
novembre 1970 Babacar Gueye, Annales africaines 1975, p. 247, le juge admet la
recevabilité d’une action en responsabilité contre l’administration fondée sur le droit privé en
application de l’article 729 du code de procédure civile sans relever l’inutilité de la
procédure dans un tel cas. La cour suprême a tenté tout de même d’harmoniser cette
jurisprudence en affirmant que la procédure de l’article 729 du code de procédure civile
était exclue lorsque le contentieux était régi par le droit privé. Malgré tout la fluctuation de la
jurisprudence sur ce point a continué. Ainsi l’arrêt de la cour d’appel de Dakar du 18
février 1983 Etat du Sénégal contre héritiers Abdou LÔ, revue EDJA, juillet-août 1987,
p. 12, le juge laisse à penser que la procédure de l’article 729 du code de procédure civile
était d’ordre public. En revanche la cour d’appel de Dakar en 1989, Etat du Sénégal contre

71
étudiants de l’Université Cheick Anta DIOP, Annales Africaines 1989-1990-1990, p. 200,
le juge donne l’impression que l’article 729 du code de procédure civile n’a pas de
caractère d’ordre public.

2°) Les conséquences de la procédure spéciale


En France trois traits pourraient permettre de caractériser le régime administratif : l’existence
de juridiction spéciale, la mise en œuvre d’un droit autonome et l’application d’une procédure
particulière.
Au Sénégal, la spécificité du contentieux administratif est préservée par les éléments
suivants : une juridiction spéciale au sommet de la hiérarchie judiciaire, un droit autonome
appliqué si nécessaire par la juridiction ordinaire en première instance et en appel et une
procédure spéciale en matière administrative. Mais la notion de matière administrative qui
déclenche l’application de la procédure spéciale de l’article 729 du code de procédure civile
n’a pas été définie par le texte. Sa définition a été l’œuvre de jurisprudence où la
jurisprudence sénégalaise a choisi la conception matérielle de la matière administrative. Cette
conception va produire des conséquences sur le développement du contentieux administratif.
a) La conception matérielle de la matière administrative
Il existe donc généralement deux grandes conceptions de la matière administrative : une
conception organique et une conception matérielle
 Au sens organique, on dit qu’un litige appartient à la matière administrative
lorsqu’une personne publique y est partie.
 Au sens matériel : on dit qu’un litige appartient à la matière administrative lorsqu’il
est soumis au droit administratif.
C’est la deuxième conception qui a été choisie par la jurisprudence sénégalaise à travers
l’affaire Abdourahmane GUEYE de 1970. En effet le juge, dans cette décision, considère
que la seconde branche de la requête « soulevant des problèmes relevant du doit administratif
ne pouvait être introduit qu’en respectant les règles spéciales de procédure prévues en
matière administrative »

b) Les effets de la conception matérielle de la matière administrative


La définition de la matière administrative au sens matériel risque de produire deux
conséquences sur le contentieux administratif au Sénégal :
 La première c’est la liaison de fond et de procédure : en effet la conception

72
matérielle subordonne la mise en œuvre de la procédure spéciale à l’application du droit
administratif au litige en cause. Cela signifie que le requérant est obligé de déterminer le droit
applicable à son litige pour pouvoir saisir valablement le juge. Ceci revient à transférer au
requérant le difficile problème de la détermination du champ d’application du droit
administratif. Ainsi on retrouve à peu près les mêmes inconvénients de la dualité de
juridiction en France. En effet en France le problème qui se pose est la recherche du juge
compétent. Mais au Sénégal le problème qui va se poser est celui de la procédure applicable.
Pour contourner ces difficultés le requérant peut respecter cette procédure dans tous les cas où
une personne publique est en cause.
 La deuxième conséquence c’est la complication du système de l’unité de
juridiction : la conception matérielle de la matière administrative revient à remplacer la
juridiction spéciale en France par une procédure spéciale en première instance au Sénégal.
Cette conception tend à rendre difficile l’accès au juge étant donné les risques d’erreur. Mais
lorsque le juge est valablement saisi, il risque de se retrouver dans un système contraignant.
En effet pour se prononcer sur la recevabilité du recours, il est obligé de déterminer au
préalable le droit applicable au litige. En examinant le fond du litige, il risque pour être
logique avec lui-même d’être prisonnier de son choix sur le droit applicable ou alors pour être
réaliste de se contredire.

Section II : Les recours administratifs

Le recours administratif est un recours adressé à un administrateur actif statuant en tant que
tel au moyen d’un acte administratif. On pourrait tenter de classer les différents recours
administratifs en fonction de critère de l’autorité administrative saisie. Cette classification
aboutit à trois types de recours administratif :
 tout d’abord les recours gracieux : ce sont des recours qui adressés à l’auteur de
l’acte administratif mitigé ou à l’autorité compétente pour résoudre le litige.
 Ensuite les recours hiérarchiques : ce sont des recours adressés au supérieur
hiérarchique de l’auteur de l’acte mitigé.
 Enfin les recours de tutelle : ils sont adressés à l’autorité de tutelle de l’auteur de
l’acte mitigé.
L’étude de ces recours administratifs pose au moins deux questions importantes : d’une part
quels sont les traits caractéristiques? D’autre part quels sont les effets ?

73
Paragraphe I : Les caractères généraux des recours administratifs
On peut retenir deux traits comme étant des caractères fondamentaux des recours
administratifs. Le premier c’est un recours à caractère général et le second, c’est recours
obéissant à une procédure non formaliste.

A- Le caractère général des recours administratifs


Les recours administratifs sont ouverts aux particuliers même dans les où aucun texte ne le
prévoit pad expressément C.E., 30 juin 1950 Quéralt. Ce trait de caractère entraîne au moins
deux observations : la première c’est que le recours administratif se distingue des autres
recours, demandes adressées à l’administration notamment les demandes tendant à la liaison
du contentieux ; la deuxième c’est que le recours administratif est parfois prévu par d’autres
textes et dans ce cas il est réglementé antérieurement par ces textes qui le prévoient.

B- Une procédure non formaliste


En principe, l’exercice du recours administratif n’est pas réglementé mais lorsqu’il existe,
cette réglementation est simple. Ainsi par exemple, en ce qui concerne le demandeur, aucune
condition particulière n’est exigée même pour son intérêt, même pour sa capacité. De même
tous les actes administratifs peuvent faire l’objet d’un recours administratif.
S’agissant de la forme des recours administratifs, il importe simplement qu’ils soient adressés
à une autorité ayant un pouvoir sur l’acte mitigé. Quant au délai, le recours n’obéit à aucune
condition spéciale. Mais c’est le lieu de préciser que lorsque le particulier souhaite prolonger
son recours administratifs par un recours contentieux, il doit introduire le recours administratif
dans le délai du recours contentieux. En plus à l’occasion d’un recours administratif, le
particulier peut invoquer toute sorte de moyen à l’appui de son recours. Ces différents traits
permettent de différencier le recours administratif des juridictionnels. Mais les deux types
entretiennent malgré tout des rapports de complémentarité.

Paragraphe II : Les effets juridiques des recours administratifs


Ils produisent essentiellement deux effets juridiques. Le premier c’est l’obligation pour
l’autorité administrative d’examiner la demande ; la deuxième c’est la prorogation du délai du
recours contentieux.

74
A- L’obligation d’examiner la demande
Initialement il n’y avait pas d’obligation pour l’administration de répondre à une demande
administrative. Et lorsqu’elle décidait de répondre, elle n’était pas tenue de se fonder sur des
motifs d’ordre juridique. Mais ce principe comporte des dérogations dans certains cas. Ainsi
par exemple, la jurisprudence a posé le principe pour le supérieur hiérarchique d’examiner les
recours administratifs (demandes). Le refus du supérieur hiérarchique d’examiner les recours
administratifs a en effet été caractérisé par la doctrine comme incompétence négative C.E., 30
juin 1950 Quéralt. De même le décret français du 28 novembre 1993 pose d’autres
exceptions à ce principe. Mais d’autre loi d’avril 2000 relative aux droits des citoyens dans
leurs relations avec l’administration définit un nouveau régime juridique des demandes
administratives en renforçant l’obligation qui pèse sur l’administration. Ainsi par exemple, les
autorités administratives sont tenues de communiquer des documents administratifs qu’elles
détiennent aux personnes qui en font la demande même si elles n’en sont pas les auteurs.
De même l’autorité administrative est dorénavant tenue d’accuser réception des demandes
qu’elles qu’elle reçoit. De même l’autorité administrative est tenue de transmettre les
demandes qu’elle reçoit à l’autorité compétente (seulement pour les administrations
françaises).

B- La prorogation du délai du recours contentieux


En principe recours administratif et recours contentieux sont indépendants. Cela signifie
concrètement que le choix d’un de ces voies n’entraîne pas l’interdiction de l’utilisation de
l’autre. De même l’administré peut utiliser simultanément les deux voies mais lorsque le juge
est saisi, la réponse se l’autorité administrative est sans effet sur la décision du juge sauf si
l’administration retire l’acte mitigé. Dans ce cas, en effet le juge rend une décision (avant que
l’autorité administrative ne se prononce) de non lieu à statuer. De même lorsque le juge rend
une décision avant que l’autorité administrative ne soit prononcée, cette dernière ne peut pas
entrer en contradiction avec l’autorité de la chose jugée. Mais le recours administratif peut
être un préalable au recours contentieux dans deux cas au moins.
Tout d’abord lorsqu’il s’agit de respecter la règle de la décision administrative préalable.
Selon cette règle, le juge intervient seulement lorsqu’il y a un litige. Or le litige ne peut être
que le résultat d’une décision administrative. Le particulier doit donc provoquer cette décision
par le recours administratif avant de saisir le juge.

75
Dans le second cas, lorsqu’il s’agit de respecter la règle du recours administratif préalable.
Dans certains cas, le particulier doit adresser un recours administratif préalable à l’autorité
administrative malgré l’existence d’une décision préalable. Le recours administratif préalable
dans ce cas est une condition de recevabilité du recours contentieux. Le recours administratif
préalable présente deux types d’intérêt pour le requérant. Il ouvre la possibilité
d’arrangement. Ensuite il permet d’éviter un procès. Il ouvre la possibilité de conciliation. Le
recours administratif introduit dans le délai du recours contentieux a donc pour conséquence
la prorogation du délai du recours de ce recours contentieux. En effet, le délai de ce recours
contentieux commence à courir seulement après la réponse administrative.

Chapitre II : La procédure administrative contentieuse

C’est la procédure qui regroupe l’ensemble des règles relatives à l’introduction, à l’instruction
et au jugement des recours et aux différents types de recours susceptibles d’être conduits
devant les juridictions administratives. On pourrait concevoir que la procédure civile serve de
modèle à la procédure administrative contentieuse sous réserve des autres dispositions
particulières. Mais le conseil d’état français a opté pour une procédure contentieuse
autonome. Mais cette autonomie n’est pas absolue dans la mesure où elle ne rejette pas
totalement la procédure civile. En définitive, la procédure contentieuse au Sénégal surtout
présente des ressemblances avec la procédure civile mais comporte des spécificités. Ces
spécificités s’expliquent d’une part par la nature de l’administration, et d’autre part par la
nécessité de l’action administrative. Au total, on peut dire qu’au Sénégal, c’est le recours
administratif sur le conseil d’état qui s’applique, la procédure en matière de recours pour
excès de pouvoir et le code de procédure civile en matière de plein contentieux. L’étude de la
procédure administrative contentieuse soulève cependant deux problèmes fondamentaux :
d’une part celui de l’autorité de procédure administrative contentieuse et d’autre part celui des
caractères généraux de la procédure administrative contentieuse.

76
Section I : L’autorité des règles de la procédure administrative contentieuse

L’origine et l’autorité des règles de la procédure administrative contentieuse sont variables.

Paragraphe I : L’origine des règles de la procédure administrative contentieuse


Il convient de distinguer ici selon qu’elles ont un caractère écrit ou non.

A- Les règles écrites


La procédure administrative contentieuse ne fait pas l’objet d’une codification sous forme
d’un texte unique. Cependant, on note une évolution en droit français sur ce point avec
l’apparition des codes des tribunaux administratifs. Les textes qui régissent la procédure
administrative contentieuse sont effet dispersées. Ainsi par exemple, c’est la loi du 21
octobre 1996 qui réglemente la procédure devant le conseil d’état. Alors que le décret portant
code de procédure civile régit la procédure devant le tribunal régional en matière
administrative. Mais d’une manière générale, on peut dire que les règles de procédure
administrative contentieuse sont fixées par le pouvoir réglementaire. En effet selon la
Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale. En ne se prononçant pas sur
la procédure administrative contentieuse, il semble que la constitution ait exclu cette
compétence du domaine législatif. Mais ce principe comporte des limites.

B- Les règles générales de procédure


La plupart des principes qui régissent la procédure administrative contentieuse sont de nature
jurisprudentielle du fait qu’ils sont des sources juridictionnelles. En effet la jurisprudence a
crée plusieurs principes soit à partir des principes généraux du droit tirés de l’organisation du
fonctionnement de la justice, soit à partir d’un certain nombre de textes largement interprétés
(principe du contradictoire permet aux personnes visées de préparer leur défense). Il peut
aussi s’agir des règles résultant d’une application particulière du code de procédure civile par
le juge au contentieux administratif.

Paragraphe II : L’autorité des règles de la procédure administrative contentieuse


Ce problème d’autorité se pose essentiellement au sujet des règles générales de procédure.
Cependant on peut distinguer selon qu’il s’agisse de règles écrites ou de règles générales
ayant nature de principes généraux de droit. Elles ne peuvent pas être modifiées par le pouvoir

77
règlementaire. Dans ce cas, seules les dispositions législatives expresses peuvent porter
atteintes à ces règles. Mais les règles de procédure s’appliquent seulement si elles ne sont pas
incompatibles avec les règles d’organisation, de fonctionnement de la juridiction saisie.

Section II : Caractères généraux de la procédure administrative contentieuse

Les règles de procédure administrative contentieuse constituent un compromis entre les


présences d’une personne publique et la protection des droits des particuliers. Les traits
caractéristiques de ces règles peuvent être étudiés à travers les deux grandes phases de
l’instance c'est-à-dire l’introduction de l’instance et le déroulement de l’instance.

Paragraphe I : Le moment de l’instance


Dans cette première phase de la procédure, on pourrait retenir deux traits comme étant de
caractères fondamentaux de la procédure administrative contentieuse : d’une part le caractère
écrit et d’autre part le caractère non suspensif.

A- Le caractère écrit
La procédure administrative contentieuse fait appel à l’écrit plus que la procédure civile. Ce
trait de caractère lui vient des origines administratives du conseil d’état français. Ainsi la
procédure administrative contentieuse reste influencée par l’écrit qui est le mode d’expression
normale de l’administration. Ainsi donc les mémoires et les contres mémoires sont toujours
présentés sous forme écrite. Concrètement au moment du débat oral à l’audience, les parties
ne peuvent plus soulever de moyens nouveaux par rapport à ceux qui ont été développés dans
les mémoires écrits. De même le juge se réfère simplement au procès figurant au dernier.
L’oral en matière de procédure administrative contentieuse est donc très limité.

B- Le caractère non suspensif


L’introduction de l’instance en matière de contentieux administratif n’a pas d’effets
suspensifs ni de recours de plein contentieux (article 730 du code de procédure civile). Cette
règle s’explique par le souci de ne pas paralyser le pouvoir de direction unilatérale de
l’administration qui s’exerce dans l’intérêt général. Cependant ce principe connaît deux
exceptions importantes. En effet la procédure administrative contentieuse admet le sursis à

78
exécution aussi bien en matière de recours pour excès de pouvoir qu’en matière de recours de
plein contentieux.

Paragraphe II : Au moment du déroulement de l’instance


Les traits caractéristiques de la procédure administrative contentieuse dans cette deuxième
phase de l’instance sont essentiellement fonction des pouvoirs du juge dans la conduite de
l’instance. Il est aussi possible de distinguer entre le recours pour excès de pouvoir et le
recours de plein contentieux. En matière de recours pour excès de pouvoir la procédure est
inquisitoire. En matière de recours de plein contentieux, la procédure est accusatoire.

A- Le caractère inquisitoire de la procédure en matière de recours pour excès de


pouvoir
Le déroulement de l’instance en matière de recours pour excès de pouvoir est dominé par les
pouvoirs du juge. En effet le juge joue un rôle important dans la conduite de l’instance dans la
mesure où il est maître de l’instruction (responsable de la conduite de l’instance). Ce caractère
inquisitoire s’explique en partie par la confusion qui existait entre l’administration active et la
juridiction administrative au départ.
Aujourd’hui ce trait de caractère a changé de signification. En effet il permet au juge
d’assurer un équilibre entre le particulier qui est généralement en situation de demandeur et
l’administration. Par ailleurs ce caractère inquisitoire permet de lutter contre les manœuvres
dilatoires (retarder le déroulement du procès). En effet l’administration est doublement
avantagée par rapport au particulier, non seulement elle est généralement défenderesse mais
en outre elle dispose des éléments du dossier du fait de l’inexistence d’une obligation de
motiver tous les actes administratifs. Le pouvoir inquisitoire du juge se manifeste
généralement en deux formes :
 D’abord, le juge peut demander à l’administration de lui communiquer les motifs
de sa décision (cour suprême 2 mars 1966 Amadou Apha Kane GAJAS, tome I, p.134 ;
annales africaines 1973, p.277)
 Ensuite le juge peut procéder à un renversement de la charge de preuve (C.E., 28
mai 1954 Barel, GAJA, n°77). Ce renversement de la charge de la preuve intervient souvent
dans les cas où l’administration a un pouvoir discrétionnaire.

B- Le caractère accusatoire de la procédure en matière de recours de plein contentieux

79
En cette matière, le juge joue un rôle en principe d’arbitraire. Cela signifie qu’il appartient
aux parties de prendre des initiatives dans la conduite de l’instance. Cependant la
jurisprudence a apporté quelques exceptions à ce principe. Ainsi en matière de responsabilité
du fait des dommages des travaux publics lorsque la victime estime se trouver dans une
situation de tiers par rapport à l’ouvrage public, la jurisprudence dégage une hypothèse de
présomption de faute selon laquelle c’est à l’administration de prouver que le travail public
ou l’ouvrage public a bien fonctionné (tribunal de première instance de Dakar, 9 janvier
1970 Mor Diaw, Annales Africaines 1973, p. 235 ; cf. la responsabilité)

Troisième partie : Les actes administratifs

L’administration utilise traditionnellement trois types de moyens pour remplir sa mission de


satisfaction de l’intérêt général : d’abord des moyens humains (fonctionnaires), des moyens
matériels (des biens) et enfin des moyens juridiques (actes pris par l’administration). Ces
moyens juridiques occupent une place importante dans l’activité de l’administration. Ces
actes juridiques sont de plus en plus nombreux. Mais pour procéder à leur classification, on
utilise généralement trois critères :
 Un premier critère : est fondé sur leur contenu. Il permet d’aboutir à une
distinction entre les actes à contenu individuel. Cette distinction correspond à la distinction
entre actes règlementaires et actes non règlementaires.
 Un deuxième critère : est fondé sur leur régime juridique. Son application permet
d’aboutir à la distinction entre acte de l’administration soumis au droit administratif et acte
administratif soumis au droit privé. Cette distinction correspond à la distinction entre acte
administratif et acte de droit privé de l’administration.

80
 Un troisième critère : est fondé sur leur forme. Il permet d’aboutir à une distinction
entre acte émanant exclusivement de l’administration et acte découlant d’un concours de
volonté entre l’administratif et une autre personne. Ce dernier critère aboutit à une
classification qui sera retenue pour l’étude des actes administratifs. Elle aboutit à une
distinction entre actes administratifs unilatéraux et actes administratifs bilatéraux (contrats
administratifs).

Troisième partie : Les actes administratifs

L’administration utilise traditionnellement trois types de moyens pour remplir sa mission


d’intérêt général. D’abord des moyens humains (fonctionnaires), des moyens matériels (biens)
et enfin des moyens juridiques (actes pris par l’administration). Ces moyens juridiques
occupent une place importante dans l’activité de l’administration. Ces actes juridiques sont de
plus en plus nombreux. Mais pour procéder à leur classification, on utilise généralement trois
critères :
 un critère fondé sur le contenu. Il permet d’aboutir à une distinction entre les actes
à contenu général et impersonnel et les actes à contenu individuel. Cette distinction à la
distinction entre acte règlementaire et acte non règlementaire.
 Un second critère est fondé sur leur régime juridique. Son application permet
d’aboutir à la distinction entre acte de l’administration soumis au droit administratif et acte
administratif soumis au droit privé. Cette distinction correspond à la distinction entre acte
administratif et acte de droit privé de l’administration.
 Un troisième critère fondé sur leur forme. Il permet d’aboutir à une distinction
entre acte émanant exclusivement de l’administration et actes découlant d’un concours de
volonté entre l’administration et une autre personne. Ce dernier critère aboutit à une
classification fondamentale qui transcende les deux premiers. C’est donc cette classification
qui sera retenue pour l’étude des actes administratifs. Elle aboutit à une distinction entre actes
administratifs unilatéraux et actes administratifs bilatéraux (contrats administratifs).

81
Titre 1 : Les actes administratifs unilatéraux.
Les actes administratifs unilatéraux de l’administration constituent une catégorie générique.
En effet elle regroupe trois types d’actes : d’abord les décisions exécutoires, ensuite les
mesures n’ayant pas de caractère décisionnaire (circulaire) et enfin les actes n’étant pas
soumis au régime du droit public. Lorsqu’on parle d’acte administratif unilatéral, il s’agit
d’une notion qui répond à des caractéristiques précises. Cela signifie que l’acte administratif
unilatéral pose un problème de définition. Mais pour produire normalement ses effets, l’acte
administratif doit respecter un certain nombre de conditions. Cela veut dire l’acte
administratif unilatéral pose un autre problème, celui de la détermination de ses conditions de
validité. Cependant pour diverses raisons l’acte administratif unilatéral peut cesser de
produire ses effets. Dès lors un troisième problème que pose l’étude de l’acte administratif
unilatéral est relatif aux conditions dans lesquelles il cesse de produire des effets, la fin des
effets des actes administratifs unilatéraux.

Chapitre 1 : La notion d’acte administratif unilatéral


L’étude de la notion soulève au moins trois questions : d’abord la définition même de la
notion, ensuite l’identification de sa procédure d’élaboration et enfin la classification des
différents types d’actes administratifs.

Section 1 : La définition de l’acte administratif unilatéral


On peut le définir comme étant un acte juridique adopté unilatéralement par une autorité
administrative portant sur l’ordonnancement juridique et affectant les droits et
obligations des tiers sans leur consentement. Cette définition comporte en réalité plusieurs
éléments que l’on pourrait classer en deux grandes catégories : d’une part les éléments
formels et d’autre part les éléments matériels.

Paragraphe 1 : Les éléments formels


Ce sont des éléments qui prennent en considération mes organes d’une part et d’autre part la
procédure d’élaboration de l’acte administratif unilatéral. A cet égard il faut rappeler que
l’acte administratif unilatéral est un acte unilatéral édicté par une autorité administrative.

82
A- L’acte administratif unilatéral : un acte unilatéral
Comme son nom l’indique l’acte administratif unilatéral est l’expression d’une seule
volonté. Ce trait de caractère ne pose pas de problème lorsque l’acte administratif émane
d’une même autorité et comporte une seule signature (décret présidentiel, arrêté ministériel).
Mais l’acte administratif unilatéral peut avoir plusieurs auteurs. Il en est ainsi lorsque
plusieurs personnes interviennent dans la préparation de l’acte, mais que la responsabilité
finale incombe qu’à une seule d’entre elles. Il en est ainsi lorsque l’acte pris après une
procédure consultative ou alors par un organe délibérant. De même plusieurs autorités
peuvent intervenir dans l’élaboration d’une décision. Mais lorsqu’elles agissent pour le
compte de la même personne publique, l’acte qui est pris, est considéré comme un acte
administratif unilatéral (arrêté interministériel).

B -L’acte administratif unilatéral : un acte d’autorité administrative


Traditionnellement l’acte administratif unilatéral émanait toujours d’une autorité
administrative. C’est une définition qui privilégiait le critère organique de l’acte
administratif unilatéral. Mais progressivement la jurisprudence a apporté deux exceptions à
ce principe fondamental. La première c’est que la possibilité a été reconnue à des personnes
privées de prendre des actes administratifs unilatéraux. Mais la jurisprudence française a
reconnu cette possibilité à deux conditions.
+ Tout d’abord l’acte doit être pris dans le cadre de la mission de service public dont la
personne privée est investie.
+ Ensuite l’acte doit être la manifestation des prérogatives de puissance publique confiées à la
personne privée.
En France elle n’a cessé d’étendre cette possibilité depuis les arrêts Montpeurt et Bouguen.
On a ainsi reconnu aux personnes privées gérant un service public administratif de prendre
des actes individuels. On a ensuite reconnu aux personnes privées gérant un service public
administratif de prendre des actes réglementaires. On a enfin reconnu aux personnes privées
gérant un service public industriel et commercial de prendre des actes réglementaires (TC 15
janvier 1968 Compagnie Air France contre époux Barbier, GAJA n° 91).
Au Sénégal le conseil d’état a suivi cette tendance dans un arrêt du 27 avril 1994 ASC Dial
Diop municipalité Club contre Etat du Sénégal, Bulletin des décisions des arrêts du
conseil d’état, p. 62).
Toutefois cette jurisprudence appelle au moins trois remarques :

83
1°) La compétence des personnes privées pour prendre un acte administratif unilatéral doit
être prévue par les textes ;
2°) La jurisprudence exige la présence d’un service public et d’une prérogative de puissance
publique ;
3°) A la faveur de circonstances exceptionnelles, la jurisprudence peut considérer certains
actes pris par des personnes privées sans compétence administrative comme des administratifs
Deuxième exception : elle est relative à la possibilité pour des personnes publiques de prendre
des actes de droit privé. Les personnes publiques non administratives ne sont pas habilitées à
prendre des actes administratifs unilatéraux (le législateur). Mais une autorité publique peut
prendre un acte qui n’est pas qualifié comme étant nécessairement un acte administratif
unilatéral. Exemple : les lois votées à l’Assemblée Nationale, les actes relatifs au service de la
justice sauf ceux qui concernent son organisation, ne sont pas considérés comme des actes
administratifs par la jurisprudence, les actes pris par l’administration relatifs à la gestion du
domaine privé.

Paragraphe 2 : Les éléments matériels de la définition de l’acte administratif unilatéral


Ces éléments prennent en considération le contenu de la décision. A cet égard on peut
rappeler que l’acte administratif unilatéral est un acte juridique affectant l’ordonnancement
juridique.

A- L’acte administratif unilatéral : un acte juridique


L’acte administratif unilatéral est une manifestation de volonté et comme tel il est destiné à
produire des effets juridiques. Cette caractéristique permet de distinguer l’acte administratif
des faits juridiques et des faits matériels. L’acte administratif unilatéral suppose un élément
décisionnel c'est-à-dire une volonté et implique des conséquences juridiques. De ce fait l’acte
administratif unilatéral aura deux caractéristiques fondamentales :
 la première c’est son caractère obligatoire. Ce trait de caractère résulte du fait que
l’acte administratif crée unilatéralement des droits et des obligations pour les administrés sans
leur consentement et avant même l’intervention du juge. L’acte administratif unilatéral
bénéficie d’une présomption de légalité qu’on appelle le privilège du préalable. La violation
de ce caractère obligatoire de l’acte administratif unilatéral est sanctionnée soit par voie
administrative soit par voie juridictionnelle.
 la deuxième c’est son caractère exécutoire. Ce trait de caractère résulte du fait que

84
l’acte administratif unilatéral porte lui-même son titre exécutoire. Cela signifie que
l’administration n’a pas besoin de recourir au juge pour faire produire à l’acte administratif
unilatéral ses effets. Ce trait de caractère correspond à ce qu’on appelle le privilège
d’exécution d’office. Ce principe peut poser problème lorsque l’exécution de l’acte
administratif unilatéral rencontre une opposition de la part des administrés. L’administration a
alors deux possibilités : la première est l’exécution d’office qui signifie l’exécution de l’acte
administratif par l’administration elle-même ; la deuxième possibilité est l’exécution forcée
qui signifie l’exécution par l’administration d’une contrainte sur le particulier pour l’amener à
exécuter l’acte administratif. Mais l’exécution forcée obéit à des conditions et à des modalités
précises. Ces conditions sont au nombre de trois : il en est ainsi soit lorsque la loi le prévoit,
soit lorsqu’il n’existe aucun autre procédé de contrainte et enfin lorsqu’il existe une situation
d’urgence ou de nécessité absolue. Les modalités sont également au nombre de trois : tout
d’abord il doit y avoir une mise en demeure de l’administré, ensuite il doit y avoir une
résistance de l’administré de la mise en demeure et enfin le recours à la contrainte doit se faire
dans les limites de ce qui est nécessaire à l’exécution de la décision.

B- L’acte administratif unilatéral : un acte affectant l’ordonnancement juridique


L’ordonnancement juridique est défini comme étant l’ensemble des règles de droit qui
déterminent la situation des sujets de droit et comportent pour eux des droits et obligations.
Tous ces actes pris par l’administration ne sont pas de nature à modifier l’ordonnancement
juridique ou à l’affecter. Cela signifie que seules les décisions exécutoires peuvent être
considérées comme des actes administratifs unilatéraux.
On peut définir la décision exécutoire comme étant une manifestation de volonté émise par
une autorité administrative en vue de produire des effets de droit sur les administrés. De ce
fait, sont exclus de la catégorie des actes administratifs unilatéraux les actes indicatifs ou
préparatoires, les circulaires ou les instructions de service sauf lorsqu’elles ont un caractère
réglementaire (CE, 29 janvier 1954, Institut notre Dame de KRESKER, GAJA, n°47).
Sont également exclues les directives (CE, 11 décembre 1970, Crédit Foncier de France,
GAJA, n°92).
La jurisprudence sur les directives reste très nuancée. Ainsi lorsqu’il apparaît qu’elles
modifient l’ordonnancement juridique, les mesures individuelles prises sur leur base, peuvent
faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Ensuite l’administration peut y déroger à
condition que cette dérogation soit justifiée par l’intérêt général et procéder à un examen au

85
cas par cas. Enfin la publication des directives qui ne modifient pas l’ordonnancement
juridique n’est pas obligatoire.

Section 2 : L’élaboration de l’administratif unilatéral


Elle comprend l’ensemble des formalités à accomplir préalablement à l’adoption de l’acte et à
son entrée en vigueur. L’importance des actes administratifs unilatéraux comme moyens
d’action de l’administration justifie l’existence d’une réglementation de la procédure
d’élaboration. Cette réglementation est une source d’efficacité pour l’administration et une
garantie pour l’administration. Cette réglementation trouve sa source soit dans les textes, soit
dans les principes généraux du droit (créés par les juges). Ainsi l’acte administratif unilatéral
est généralement un acte pris par une autorité administrative juridiquement habilitée à cet
effet suivant les conditions de forme prescrite à l’acte pour son entrée en vigueur.

Paragraphe 1 : La compétence des autorités administratives


Aussi bien dans l’intérêt de l’administration que des particuliers, il existe des répartitions
rigoureuses des compétences entre les différentes autorités administratives. L’étude de ces
règles de compétence renvoie à trois questions fondamentales : la première est relative à la
notion même de compétence ; la deuxième concerne la répartition des compétences entre les
autorités administratives et la troisième se rapporte aux modalités d’exercice de la
compétence.

A- La définition de la compétence des autorités administratives


La compétence d’une autorité administrative, c’est l’aptitude juridique à prendre un acte
administratif. En effet une autorité administrative ne peut prendre en principe administratif
que dans le cadre des pouvoirs dont elle est investie. Cette compétence ne se présume pas.
Elle est d’ordre public. Elle se définit en fonction de trois éléments
 un élément matériel : compétence rationae materiae : c’est la définition de la
compétence à partir de la matière et des domaines dans lesquels une autorité administrative
peut prendre un acte administratif. Une autorité administrative ne peut intervenir que dans un
domaine qui lui a été attribué. Un des intérêts de cette compétence rationae materiae c’est la
protection de l’autorité compétente contre l’immixtion des autres autorités administratives.
Ainsi par exemple le pouvoir de substitution n’existe que lorsque la loi le prévoit.
 un élément territorial : compétence rationae loci : c’est la définition de la

86
compétence à partir de l’espace dans lequel l’autorité administrative peut prendre un acte
administratif. Certaines autorités ont une compétence sur l’ensemble du territoire national
alors que d’autres ont une compétence circonscrite géographiquement (Cour suprême du
Sénégal, 29 janvier 1975, Séga SECK FALL, Recueil Penant 1975, p.415)
 un élément temporel : compétence rationae temporis : c’est la définition de la
compétence à partir du moment où une autorité peut prendre un acte administratif. Ce moment
est circonscrit entre l’investiture et la désinvestiture d’une autorité administrative compétente.
Cela veut dire que les décisions anticipées et les décisions rétroactives ne sont pas légales.
Cependant la jurisprudence reconnaît la possibilité pour une autorité administrative de
procéder à une expédition des affaires courantes en attendant la désignation de son successeur
(CE, 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Alger, GAJA, n°73)

B- La répartition des compétences entre les autorités administratives


La compétence des autorités administratives est déterminée soit par des textes, soit en dehors
des textes. Mais il existe des situations où les règles classiques de compétence peuvent être
altérées et donc réaménagées. Il en est ainsi notamment dans les cas de délégation de
compétence ou circonstance exceptionnelle.

1- Les règles de compétence des autorités administratives


Les règles de compétence déterminent les autorités compétentes et leur modalité d’exercice de
leur compétence. S’agissant des autorités compétentes, on peut distinguer entre les autorités
centrales et les autorités décentralisées. Dans la première catégorie, on pourrait citer le
Président de la République, le Premier Ministre, les ministres,….Au niveau territorial nous
avons les autorités déconcentrées : le gouverneur, le préfet, le sous-préfet. Dans la deuxième
catégorie, on peut citer les dirigeants des collectivités locales (maire, président de
communauté rurale…) et des établissements publics.

2- Les délégations de compétence


Les règles de compétence ont un caractère d’ordre public. Mais il est possible malgré tout de
les réaménager de manière à permettre à une personne différente du titulaire d’exercer une
compétence dans l’intérêt même de l’administration. Ainsi les autorités administratives
compétentes peuvent se décharger d’une partie de leur attribution sur leurs subordonnées.
C’est le système de la délégation. La délégation se définit comme étant un procédé par
lequel une autorité administrative investie d’une compétence (le délégant) confie pour

87
un temps à une autorité généralement subordonnée (le délégataire) l’exercice de ses
attributions.
En réalité, on distingue deux types de délégation : la délégation de signature et la délégation
de compétence (ou délégation de pouvoir). La délégation de signature consiste à transférer
l’exercice matériel de la signature. Alors que dans la délégation de compétence, le
transfert porte la compétence même vers le subordonné. Si les deux délégations obéissent
aux mêmes conditions, elles produisent des effets juridiques fondamentalement différents.

a- Les conditions de validité des délégations


Pour être valable une délégation doit obéir à trois conditions :
 la première c’est qu’elle doit être prévue par un texte : cela signifie qu’un texte
de même rang que celui qui attribue compétence à l’autorité administrative doit autoriser à
déléguer ces pouvoirs. Ainsi l’article 50 de la constitution prévoit la possibilité pour le
Président de déléguer une partie de ses pouvoirs. A partir de cette autorisation de délégation,
le délégant prendra un acte de délégation expressément. Et ce n’est qu’à partir de ce moment
le délégataire pourra prendre des actes sur délégation.
 la deuxième c’est que la délégation doit avoir un objet limité : cela signifie que
la délégation doit être partielle. En effet le délégant ne peut pas abandonner toutes ses
attributions. D’ailleurs il existe des cas où la délégation est impossible.
 la troisième c’est que les subdélégations ne sont pas valables sauf texte
contraire : cela signifie que les délégations sur délégations sont en principe interdites.

b- Les effets juridiques des délégations


La différence entre délégation de signature et délégation de compétence retrouve ici tout son
sens. La délégation de signature produit trois conséquences :
 la première c’est que le délégant n’est pas dessaisi de son pouvoir
d’intervention dans les affaires déléguées. Il bénéficie encore d’un pouvoir d’évocation
(pouvoir de rappeler une affaire à sa compétence).
 la deuxième c’est que l’acte pris par le délégataire est considéré comme étant
juridiquement celui du délégant.
 la troisième c’est que la délégation de signature est en fait intitue personae. Elle
cesse avec le changement des autorités administratives concernées.

88
La délégation de compétence produit également trois conséquences qui sont contraires de
celles de la délégation de signature :
 la première c’est que le délégant ne peut intervenir dans les matières déléguées
tant que dure la délégation.
 la deuxième c’est que l’acte pris sur délégation est considéré comme étant
juridiquement celui du délégataire.
 la troisième c’est que la délégation de compétence est impersonnelle c'est-à-dire
faite es qualité. Elle ne cesse que sur abrogation expresse de la délégation et non du seul fait
du changement des autorités administratives concernées.

3- Les remplacements et les circonstances exceptionnelles


Il existe des situations où une autorité administrative n’est pas en mesure d’exercer sa
compétence. Mais lorsque certaines conditions sont remplies, il est possible de procéder à son
remplacement. Mais dans ce cas, il faut distinguer entre la suppléance et l’intérim

a- La suppléance
La suppléance permet le remplacement d’une autorité par une autre lorsque la première est
absente ou empêchée. La suppléance est mise en œuvre dans le cas où le titulaire du poste est
toujours en fonction mais il ne peut accomplir sa compétence en tout ou en partie pour des
raisons diverses. Cette suppléance est organisée par un texte. Le suppléant est ainsi désigné à
l’avance et le remplacement du titulaire intervient de plein droit dès que l’empêchement est
constaté. Sauf texte contraire, le suppléant peut en principe exercer toutes les attributions.
Mais cette compétence peut être limitée aux seuls actes dont l’adoption est nécessaire pendant
la durée de la suppléance.

b- L’intérim
Il correspond à une situation où il n’y a pas de titulaire. Et dans l’attente de sa désignation,
une autre autorité est chargée de la fonction. Mais dans certain cas, intérim et suppléance sont
confondus. Il en est ainsi notamment lorsqu’on assimile à l’intérim la situation où une
personne titulaire d’une fonction ne peut pas momentanément l’exercer et est remplacée
provisoirement par une autre.
La différence entre intérim et suppléance existe cependant. La désignation d’un intérimaire est
généralement de courte durée mais aboutit à un remplacement total du titulaire d’une
compétence. La suppléance est réglée d’une manière permanente avant l’intervention de

89
l’empêchement du titulaire et se produit dès que les conditions prévues sont remplies. En
principe le suppléant peut prendre toutes les mesures relevant de la compétence du titulaire.

c- Les circonstances exceptionnelles


Lorsqu’elles se réalisent, elles permettent des empiètements d’une autorité administrative sur
les compétences d’une autre. De même elles permettent à des personnes extérieures à
l’administration de se comporter en autorité administrative et de prendre des actes
administratifs. La jurisprudence française a en effet élaboré la théorie des fonctionnaires de
fait. En vertu de cette théorie, la bonne foi des administrés et les apparences permettent de
valider certains actes faits par des personnes n’ayant pas la qualité d’autorité administrative.

C- Les modalités d’exercice de la compétence


Le processus décisionnel au terme duquel un acte administratif est pris peut se décomposer en
trois phases :
 la première phase correspond au principe de la compétence même de l’autorité
administrative
 la deuxième correspond à l’opportunité de la décision
 la troisième correspond au contenu de la décision
Lorsque la compétence de l’autorité administrative est établie, elle peut se retrouver dans
deux situations. Une première situation où sa compétence est liée et une seconde situation où
sa compétence est discrétionnaire.

1- La compétence liée
On peut la définir comme étant une situation où la conduite d’autorité lui est dictée par la
réglementation. Dans ce cas, la réglementation oblige l’autorité administrative à agir. Mais
lorsqu’elle doit agir, elle doit le faire dans un sens déterminé dès lors que les conditions
qu’elle prévoit sont remplies. Dans le cadre de la compétence liée, l’autorité administrative
n’a donc pas la possibilité de choix ni d’appréciation. En réalité la compétence est d’intensité
variable. Dans les cas les plus rigoureux, la compétence liée de l’autorité administrative doit
donner un contenu prédéterminé à sa décision.

90
2- Le pouvoir discrétionnaire
C’est la marge de liberté d’appréciation laissée par la réglementation à une autorité
administrative dans la prise de sa décision. Le pouvoir discrétionnaire se distingue du pouvoir
arbitraire du fait que la liberté d’appréciation et d’action de l’autorité administrative résulte
de la réglementation qui détermine sa compétence. Cette liberté peut se situer dans la phase de
l’opportunité de la décision que dans celle de son contenu. Tout comme la compétence liée, le
pouvoir discrétionnaire est d’intensité variable d’appréciation laissée à l’autorité compétente.
En conclusion sur les règles de compétence des autorités administratives, on peut rappeler
quelques règles jurisprudentielles :
- la compétence des autorités administratives est d’ordre public
- l’autorité administrative compétente pour prendre un acte administratif est donc en
principe compétente pour supprimer cet acte administratif (le parallélisme des formes)
- un autorité administrative ne peut pas empiéter sur la compétence d’une autre
autorité administrative même subordonnée
- l’incompétence d’une autorité administrative ne peut pas être ouverte a postériori par
l’accord de l’autorité compétente
- le titulaire d’une compétence doit en principe l’exercer personnellement.

Paragraphe 2 : Les règles de forme de l’acte administratif unilatéral


Au sens large les règles forme relative à l’élaboration de l’acte administratif unilatéral
comprennent les éléments de procédure et les règles de présentation de l’acte.

A- Les éléments de la procédure


La procédure d’élaboration de l’acte administratif unilatéral trouve sa source dans les textes,
soit dans les principes généraux du droit. Comme exemple de texte, on a l’instruction du 23
mars 1970 pour les décrets au Sénégal. D’une manière générale, la procédure d’élaboration
des actes administratifs unilatéraux obéit à certains principes, les plus importants sont au
nombre de quatre :
1 -le principe du contradictoire : c’est l’application dans la procédure administrative non
contentieuse du principe du respect du droit de la défense (illustration : CE, 5 mai 1954,
Dame Veuve Trompier Gravier, GAJA, n°58)
2- le principe d’impartialité
3- le principe d’examen particulier des dossiers au cas par cas

91
4- le principe de la publicité et de la transparence : l’application de ce principe permet de
garantir la sécurité des relations juridiques.
En ce qui concerne les différentes étapes de la procédure, on pourrait en déterminer quatre :
 la première étape correspond à l’initiative qui émane généralement de l’auteur de
l’acte. Mais l’acte administratif unilatéral peut aussi être sur la base d’une demande d’un
administré ou alors sur proposition d’un organe.
 la deuxième étape correspond à ‘instruction qui comprend les enquêtes et les
consultations. Les enquêtes sont destinées à s’informer et à informer sur les projets de
l’administration. Les consultations sont destinées à recueillir les avis des organismes
compétents ou intéressés dans les domaines d’intervention de l’acte administratif projeté. La
procédure de consultation peut être facultative ou obligatoire1 ou d’avis conforme2
 la troisième étape correspond à la signature qui constitue le point de départ des
effets de l’acte administratif unilatéral. Son absence entraîne l’inexistence de l’acte.
 la quatrième étape est relative à la publicité : c’est un procédé par lequel l’acte
administratif unilatéral est porté à la connaissance des administrés. C’est ce procédé qui est
réglementé au Sénégal par la loi du 6 février 1970. Il existe deux types de publicité. Tout
d’abord la publicité qui est une mesure consistant à faire connaître l’acte à tous les
administrés et qui est un procédé utilisé généralement pour les actes à caractère réglementaire.
Ainsi par exemple au Sénégal l’article 2 de la loi du 6 février 1970 prévoit que les actes à
caractères réglementaires doivent faire l’objet d’une insertion au Journal Officiel.
Ensuite la notification est une mesure consistant à porter l’acte à la connaissance de son
destinataire et un procédé qui est utilisé pour les actes à caractère individuel.

B- La présentation de l’acte administratif unilatéral


Sur ce point, le droit administratif est peu formaliste. En effet l’acte administratif unilatéral
peut se présenter sous une forme non écrite. Parmi les formes non écrites, on pourrait citer les
actes administratifs verbaux et les actes administratifs tacites. Ces actes administratifs posent
un problème de preuve. Mais dans certains cas, il faut voir que la forme écrite est exigée.
Dans sa forme écrite, l’acte administratif comprend un certain nombre de mentions : un titre
(numéro + énoncé du contenu), des visas (ce sont des références au texte à appliquer et parfois
la procédure suivie. Il faut préciser que la mention des visas n’est pas une condition de
légalité d’un acte administratif). Ensuite les motifs qui sont des éléments de fait et de droit qui

1
saisine obligatoire
2
l’administration doit avoir un avis favorable pour prendre un acte administratif

92
fondent l’acte administratif. Mais il faut distinguer les motifs de la motivation d’un acte
administratif.
Les motifs correspondent au fond de la décision c'est-à-dire aux considérations qui
justifient l’acte. Quant à la motivation, elle correspond à la présentation de ses
considérations. La motivation est donc en rapport avec la légalité externe de l’acte
administratif. Au Sénégal la motivation des actes administratifs unilatéraux n’est pas
obligatoire (principe général), alors qu’en France la loi du 11 juillet 1979 exige la motivation
de certains administratifs unilatéraux.
- le dispositif qui est contenu dans la décision qui est présente sous la forme d’acte ;
- la date et le lieu : la mention de la date n’est pas une condition de légalité de l’acte
administratif unilatéral. Elle est cependant utile car elle permet d’apprécier la légalité d’acte
administratif unilatéral. C’est en fonction des règles en vigueur, le jour de son adoption que
l’acte administratif est apprécié. Lorsque l’acte administratif n’est pas daté, on détermine sa
date par de s éléments extérieurs comme sa publication, sa notification ou bien alors du
dernier jour de fonction de son auteur. Il faut noter que la mention du lieu n’est pas une
condition de légalité de l’acte administratif unilatéral.
- la signature et les contreseings : il s’agit là d’une condition de l’existence de l’acte
administratif. La signature est relative à la compétence alors que le contreseing concerne la
forme de l’acte. Leur absence entraîne un vice de forme.

Paragraphe 3 : L’entrée en vigueur de l’acte administratif unilatéral


L’entrée en vigueur de l’acte administratif unilatéral obéit à trois grands principes :
1er principe : c’est la validité de l’acte administratif unilatéral dès son émission
2ème principe : c’est la non-rétroactivité de l’acte administratif unilatéral
3ème principe : c’est le principe de l’opposabilité de l’acte administratif unilatéral dès sa
publication.

A- La validité de l’acte administratif unilatéral dès son émission


Cela signifie que l’on considère que l’acte administratif unilatéral entre dans l’ordre juridique
dès sa signature. L’absence de publicité de l’acte administratif unilatéral n’entraîne donc pas
son illégalité. Les doits et obligations créés par l’acte administratif unilatéral existent dès sa
signature.

93
B- La non-rétroactivité de l’acte administratif unilatéral
Cela signifie que l’acte administratif unilatéral ne peut pas produire d’effets pour la période
antérieure à la date de son émission (CE, 25 juin 1948, Société du journal l’Aurore, GAJA,
n°64).
Il s’agit d’un principe général du droit qui comporte quelques exceptions. Il en est ainsi
lorsque la loi le prévoit. Ensuite lorsque l’administration exécute une décision justice. La
troisième exception est relative au retrait de l’acte administratif unilatéral. La quatrième
exception c’est lorsque l’acte en cause ne fait grief aux administrés. Il en en est ainsi par
exemple des actes non créateurs de droit et des actes favorables aux administrés.

C-L’opposabilité de l’acte administratif unilatéral dès sa publicité


Les administrés sont tenus de respecter le contenu de l’acte administratif unilatéral dès sa
publicité. Cela signifie que le défaut de publicité entraîne l’inopposabilité de l’acte aux
administrés. Mais l’administration, elle-même est tenue de l’exécuter dès qu’elle en a pris
connaissance (Tribunal de Toulon « Chalon sur Marne », 21 janvier 1986, Coignard
contre mairie Vaizey, AJDA 1986, p. 315)
Pour les actes individuels, c’est la notification qui va entraîner leur opposabilité à leur
destinataire. Alors que pour les actes à caractères réglementaires, leur opposabilité commence
à partir du jour où le journal officiel les contenant a été diffusé. Ce jour est constaté par la
délivrance d’un récépissé après dépôt d’un exemplaire du journal officiel au secrétariat
général du gouvernement. Ce récépissé est publié au journal officiel suivant. A partir de ce
jour l’acte est opposable aux administrés selon un délai variable trois jours à Dakar, Diourbel,
Kaolack, Saint-Louis, et Thiès et cinq jours après pour les autres villes. Mais si plusieurs jours
qui précédent ce délai sont un jour férié ou un dimanche, le délai est prorogé d’autant. Mais
dans les cas d’urgence, l’acte est diffusé par radio et appliqué dès le lendemain de son
affichage.

Section 3 : La classification des actes administratifs unilatéraux


Il s’agit ici de faire la différence entre les différents types d’actes administratifs unilatéraux
d’une part et de procéder à leur hiérarchisation d’autre part. La différence entre les actes
administratifs unilatéraux se résume généralement en la différence entre acte administratif à
caractère réglementaire et acte administratif à caractère individuel.

94
Paragraphe 1 : La différence entre acte administratif réglementaire et acte administratif
individuel
Il s’agit d’une différence relativement claire en principe mais dont l’application est parfois
difficile. Ainsi certains auteurs ont renoncé à la distinction : acte réglementaire et acte
individuel, pour lui substituer à la distinction entre acte réglementaire et acte non
réglementaire. On constate en effet entre les actes réglementaires et actes individuels
s’intercalent ce l’on appelle des actes collectifs. Mais il existe des actes qui ne sont ni
réglementaires, ni individuels que l’on appelle les actes particuliers. Mais de l’acte
réglementaire, on pourrait la définition suivante une décision qui pose des règles générales
applicables indistinctement à toutes les personnes se trouvant dans la même situation.
De cette définition résulte certains critères de distinction entre acte réglementaire et acte
individuel. Cette distinction produit des conséquences au plan des régimes juridiques des
actes administratifs unilatéraux.

A- Les critères de distinction entre acte réglementaire et acte individuel


On retient généralement trois critères pour procéder à la distinction :
 le premier c’est la permanence : contrairement à l’acte individuel qui épuise
tous ses effets en une seule application, l’acte réglementaire est sensé produire des effets de
façon permanente jusqu’à son abrogation ou sa modification. Mais la permanence de l’acte
administratif à caractère réglementaire peut se ramener à une durée réduite.
Exemple : une interdiction de circulation pendant une journée.
 le deuxième c’est la généralité : c'est-à-dire l’acte administratif réglementaire a
un contenu normatif et doit servir de base à des décisions individuelles dans le cadre de son
application. Seulement le caractère général de l’acte administratif à caractère réglementaire ne
s’oppose pas à son application parfois limitée.
Exemple : interdiction de circulation sur une portion de rue.
 le troisième c’est l’impersonnalité : l’acte individuel s’adresse à un individu
déterminé alors que l’acte réglementaire s’adresse à un nombre indéterminé de personnes.
Mais il faut relativiser la valeur de ce critère. En effet, tout acte administratif n’est pas
nécessairement réglementaire.
Exemple : l’acte déclaratif d’utilité publique.

95
B -Les conséquences de la distinction
On pourrait retenir quatre conséquences comme découlant de la distinction entre acte
réglementaire et acte non réglementaire :
- la première est relative au régime de publicité : la publicité de l’acte administratif
produit deux conséquences importantes. D’une part, elle rend l’acte exécutoire et d’autre part
elle fait courir le délai de recours contentieux. Mais parfois les deux procédés de publicité
peuvent être cumulés ou alors des règles de publicité spéciale peuvent être prévues pour
certains types d’actes. Exemple : le permis de construire
- la deuxième est relative à la compétence juridictionnelle : il faut dire que ce
problème revêt deux aspects. Tout d’abord se pose le problème de répartition de compétence à
l’intérieur de l’ordre administratif, en fonction du caractère réglementaire non de l’acte. En
France par exemple le conseil d’état est compétent en premier ressort pour les actes des
ministres ayant des caractères réglementaires, les actes individuels des ministres étant de la
compétence des tribunaux administratifs. En ce qui concerne les actes individuels des autres
autorités administratives, la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux
administratif donne compétence aux cours administratives d’appel pour connaître des
jugements des tribunaux administratifs en matière de recours pour excès de pouvoir contre les
actes. Le deuxième aspect : c’est la répartition des compétences entre le juge administratif et
le juge judiciaire. Les règles en matière de compétence des juridictions judiciaires (tribunaux
pénaux et tribunaux civils) permettent de faire : la distinction entre actes individuels et actes
réglementaires, la distinction entre juridiction civile et juridiction pénale et la distinction entre
l’appréciation et l’interprétation (clarifier le sens de…).
Ainsi pour les actes individuels, le tribunal des conflits considère que les juridictions
judiciaires n’ont compétence ni pour les apprécier, ni pour les interpréter. Pour la cour de
cassation, les juridictions pénales ont une compétence pour apprécier la validité des actes
individuels pénalement sanctionnés. En ce qui concerne les actes réglementaires, les
juridictions judiciaires ont compétence pour les interpréter. Quant aux juridictions pénales,
elles sont seules compétentes pour apprécier leur légalité. Les juridictions civiles ne sont
compétentes pour apprécier leur légalité que lorsqu’ils portent une atteinte grave à la liberté
individuelle et aux droits de propriété. Il s’agit là de solution de compromis entre le souci de
respecter le principe de la séparation des pouvoirs et la nécessité d’assurer le bon
fonctionnement de la justice. En France le nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars
1994 en son article 111 dispose que « le juge pénal est compétent pour apprécier les actes

96
administratifs à caractère réglementaire et individuel, lorsque de cette appréciation
dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis ».
- la troisième est relative à l’exception d’illégalité : l’exception d’illégalité ou voie
d’action individuelle contre les actes administratifs unilatéraux est aussi un compromis entre
deux principes contradictoires. D’une part le souci de faire respecter le principe de légalité en
donnant aux administrés de s’opposer à l’acte administratif. Ensuite le souci d’assurer aux
situations créées la plus grande stabilité juridique. Les solutions relatives à l’exception
d’illégalité varient selon qu’il s’agisse d’acte réglementaire ou d’acte individuel. Pour les
actes réglementaires, l’exception d’illégalité est large et permanente dans deux sens (positifs,
négatifs). Cela veut dire qu’il est possible même lorsque ces actes sont devenus définitifs.
Pour les actes individuels, l’exception d’illégalité est plus limitée. En effet l’exception
d’illégalité n’est pas possible pour un acte individuel devenu définitif. Cependant ce principe
comporte deux dérogations. La première c’est l’illégalité d’un acte individuel peut être
invoquée à l’appui d’un recours en indemnité même si cette mesure individuelle est devenue
définitive. La deuxième est relative à l’appréciation des théories des opérations complexes.
On dit qu’il y a opération complexe lorsque plusieurs décisions successives sont nécessaires
pour parvenir à la décision finale et lorsqu’il est admis qu’un administré puisse se contenter
d’attaquer cette décision finale en conservant la possibilité d’invoquer à l’appui de son
recours les vices qui ont pu affecter les décisions intermédiaires même si ces décisions
intermédiaires sont devenues définitives par expiration du délai du recours contentieux.
Exemple : concours administratif, expropriation (enquête délimitée, arrêté de cessibilité)
- la quatrième est relative au retrait ou à l’abrogation de l’acte administratif uni-
latéral.

Paragraphe 2 : La hiérarchie des actes administratifs unilatéraux


Pour hiérarchiser les actes administratifs unilatéraux, il convient de combiner deux critères :
un critère organique relatif à l’auteur de l’acte administratif et à sa procédure d’élaboration et
un critère matériel relatif au contenu de l’acte et qui permet d’ailleurs de distinguer entre actes
réglementaires et actes non réglementaires. En combinant ces deux critères, on aboutit à deux
principes : d’abord celui de la supériorité des actes pris par les supérieurs hiérarchiques sur
ceux de leurs subordonnés. Ensuite celui de la supériorité des actes réglementaires sur les
actes individuels. Mais de façon concrète, il convient de distinguer entre deux problèmes. Le
premier c’est la hiérarchisation entre les actes réglementaires et les actes individuels. Le
deuxième c’est la hiérarchisation entre les actes réglementaires.

97
A-La hiérarchisation entre actes réglementaires et actes individuels
La règle c’est sans qu’il soit besoin de procéder à la hiérarchie de leurs auteurs respectifs.
L’acte individuel doit être conforme à l’acte réglementaire qu’il est sensé appliquer. Cette
supériorité de l’acte réglementaire sur l’acte individuel se vérifie dans trois cas de figure
suivant :
 le premier cas : une autorité administrative supérieure prend un acte régle-
mentaire. Une autorité subordonnée édicte une mesure individuelle sur cette base. Dans ce
cas l’application des deux critères organiques et matériels aboutit au même résultat à savoir la
supériorité de l’acte réglementaire.
 le deuxième cas : une même autorité administrative prend un acte réglemen-
taire et les mesures individuelles d’application sur cette base. Ces dernières doivent
respecter la réglementation générale résultant de l’acte réglementaire supérieur à ces mesures
d’application. En cas de conflit entre deux actes d’une autorité administrative, le règlement
l’emporte. C’est l’application de la règle patere legem (autorité de la chose jugée).
 le troisième cas : une décision individuelle est prise par une autorité supérieu-
re et une disposition réglementaire émane d’une autorité individuelle : dans ce cas, c’est
la seconde qui s’impose sur la première. Cette situation est intéressante du fait qu’elle se
produise rarement et que la solution n’aille pas de soi. Il peut arriver en effet que le plan
d’occupation des sols soit de la compétence du conseil municipal à travers un pouvoir
réglementaire et l’octroi d’un permis de construire soit de la compétence du préfet à travers
des actes individuels. Les décisions prises par le préfet dans ce cas doivent respecter le plan
d’occupation du sol (pouvoir réglementaire du conseil municipal).

B -La hiérarchie entre actes réglementaires


Il convient de faire ici la différence entre les actes réglementaires émanant d’une même
autorité et les actes réglementaires émanant d’autorités différentes.

1-Les actes réglementaires émanant d’une même autorité


Le principe est qu’il n’existe pas de hiérarchie dans tel cas. Cela signifie qu’une même
autorité administrative compétente en matière réglementaire peut modifier un règlement
antérieur pris par elle-même sans courir le risque d’illégalité. Mais dans le cas de
contradiction entre les deux actes réglementaires pris par la même autorité, le plus récente est
sensée avoir abrogé la plus ancienne (caduque). Mais ce principe comporte une exception
importante. Il en est ainsi lorsqu’un acte réglementaire fait application d’une autre norme

98
réglementaire préexistante émanant du même auteur et dont il n’a pas entendu écarter
l’application. On peut considérer que les décrets pris en conseil d’état ont une force supérieure
aux décrets à forme simple.

2-Les actes réglementaires émanant d’autorité différente


La hiérarchie entre ces actes est établie à partir de la hiérarchie des différents auteurs de ces
actes et de leur modalité d’exécution. Ainsi donc le décret est supérieur de l’arrêté ministériel
et l’arrêté interministériel. L’arrêté interministériel est supérieur à l’arrêté préfectoral. De
même l’arrêté préfectoral est supérieur à l’arrêté municipal. Cependant cette hiérarchisation
appelle quelques observations, notamment deux :
- tout d’abord les actes réglementaires d’une autorité inférieure doivent respecter les
actes réglementaires d’une autorité supérieure sauf en matière de police administrative. Ainsi
une autorité administrative inférieure peut prendre des actes réglementaires restrictifs par
rapport à ceux pris par l’autorité supérieure ;
- ensuite le principe de la hiérarchie des actes administratifs à caractère réglementaire à
partir de la situation des autorités administratives n’a de sens que lorsque ces autorités ont une
compétence concurrente dans une matière donnée.

Chapitre 2 : Les conditions de légalité des actes administratifs unilatéraux


Pour être légal, l’acte administratif unilatéral doit remplir un certain nombre de conditions. On
appelle cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir ou d’annulation de l’acte
administratif unilatéral, les irrégularités qui peuvent affecter un acte administratif
unilatéral et entrainer son annulation par le juge. Les conditions de légalité de l’acte
administratif unilatéral ont été progressivement élaborées par la jurisprudence du conseil
d’état à l’occasion du développement du recours pour excès de pouvoir. Ainsi par exemple au
début l’incompétence de l’auteur de l’acte administratif unilatéral était le seul moyen
d’annulation de l’acte administratif. Ensuite est venu s’ajouter le vice de forme et de
procédure. Et ce n’est que plus tard que la violation de la loi et le détournement de pouvoir
ont été retenus comme étant des cas d’annulation d’un acte administratif. Ces conditions sont
aujourd’hui devenues nombreuses et elles touchent aux éléments (condition d’un acte
administratif unilatéral) de la légalité d’un acte administratif unilatéral. Exemple en matière
d’interdiction de stationnement, on peut se poser les questions suivantes : qui peut le faire ?
Selon quelle procédure ? Pour quel motif ? Et avec quel contenu ?

99
Toues ces conditions sont généralement regroupées sous deux rubriques : la légalité relative
aux éléments formels de l’acte administratif et la légalité interne relative aux éléments
matériels de l’acte administratif unilatéral. Cette distinction a été présentée par François
GAZIER en 1950 et a été adoptée par la doctrine et la jurisprudence.

Section 1 : Les conditions de la légalité externe


Ces conditions portent sur deux éléments de l’acte administratif unilatéral d’une part de son
auteur et de sa procédure d’élaboration d’autre part.

Paragraphe 1 : Le principe de la compétence


Cela signifie que l’auteur de l’acte administratif doit être compétent sous peine d’illégalité de
son acte. C’est la première condition de l’acte administratif unilatéral. Elle constitue un
moyen d’ordre public. Il y a donc vice d’incompétence lorsque l’auteur de l’acte administratif
unilatéral n’a pas reçu le pouvoir légal de le prendre. Mais l’incompétence se présente généra-
lement sous deux formes. La forme la plus courante et la plus grave est la violation de
l’élément matériel, temporel ou territorial de la compétence (Cour suprême du Sénégal, 2
janvier 1970, Login COLY, Annales africaines 1973, p.273 ; Cour suprême du Sénégal, 5
juillet 1979, Aminata FALL, GAJAS, Tome 1, p.85).
La deuxième forme et la plus rare et la plus grave consiste en une usurpation de fonction. Il
peut s’agir soit d’un acte pris par une personne n’ayant pas la qualité d’autorité
administrative, soit d’un acte pris par une autorité administrative qui empiète sur les
attributions du pouvoir judiciaire ou sur les attributions du pouvoir législatif. Dans la première
hypothèse, le juge peut malgré tout déclarer légal en application de cette théorie des
fonctionnaires de fait. Et dans la deuxième hypothèse, si l’irrégularité est flagrante, l’acte
pourra être considéré comme inexistant.

Paragraphe 2 : Les règles de forme et de procédure


Généralement, le vice de forme correspond à une omission ou à l’accomplissement incomplet
des formalités de l’acte administratif. Mais au sens strict, il y a vice de forme lorsqu’il y a une
omission d’un élément de la forme de l’acte (exemple : absence de motivation dans les cas où
elle est obligatoire).
Et il y a vice de procédure lorsqu’une des étapes du processus d’élaboration de l’acte a été
oubliée. D’une manière générale, la jurisprudence du conseil d’état est libérale sur la forme
des actes administratifs unilatéraux. Ainsi par exemple, elle admet une circulaire à la place

100
d’un arrêté ministériel. De même elle accepte l’absence d’un visa. Elle est cependant
rigoureuse sur les motivations des actes administratifs unilatéraux qui doivent l’être depuis la
loi du 11 juillet 1999. Elle est également très stricte sur le respect des règles de la procédure
notamment la procédure de consultation et la procédure du contradictoire.
En matière de procédure de consultative, elle vérifie ainsi l’existence de la consultation, la
régularité de la consultation, la composition de l’organisme consulté, le quorum ou si la
consultation a été complète. En matière de procédure contradictoire, elle vérifie ainsi si
l’intéressé a été informé d’une mesure négative et s’il lui a été laissé la possibilité de se
défendre dans un délai raisonnable. De même la jurisprudence française vérifie de façon
sévère le respect des procédures d’enquête publique en matière d’expropriation et d’étude
d’impact (surtout depuis 1976).
Le corollaire du caractère peu formaliste du droit administratif sur ce point est que toute
violation des règles de forme et de procédure n’entraîne pas nécessairement l’annulation de
l’acte administratif unilatéral. Ainsi le juge français a élaboré deux jurisprudences. L’une est
la distinction entre les formalités substantielles et la deuxième concerne la théorie des
formalités impossibles. En vertu de la première : seule la méconnaissance des formalités
substantielles entraîne l’annulation de l’acte. Les formalités substantielles sont
généralement prévues par un texte comme des garanties pour les administrés ou celles dont le
respect peut changer le contenu de la décision. En application de la deuxième théorie,
l’impossibilité peut tenir à des événements imprévus. Dans ce cas le non respect de cette
formalité n’entraîne pas nécessairement l’annulation de l’acte administratif.

Section 2 : Les conditions de la légalité interne


Ces conditions portent sur trois éléments : l’objet de l’acte, ensuite les motifs de l’acte et enfin
le but de l’acte.

Paragraphe 1 : La condition relative à l’objet de l’acte


L’objet de l’acte correspond à son contenu. Ce contenu ne doit pas violer celui des actes qui
lui sont supérieurs. Ainsi même si l’autorité administrative était compétente, même si elle a
respecté les règles de procédure et de forme, le contenu de sa décision ne doit pas violer le
fond d’une règle supérieure. Si cette condition n’est pas remplie, l’acte est entaché de vice
appelé violation de loi (CE, 24 novembre 1993, Babacar NGOM et employés de la
SIPAO, Bulletin des Arrêts de la Conseil d’Etat, n°15). Cette condition revêt en réalité
deux aspects : un aspect positif qui signifie que dans certains cas, l’administration est tenue

101
d’agir lorsque certaines conditions sont remplies. Son refus dans ce cas peut faire l’objet d’un
recours pour excès de pouvoir. Le deuxième aspect est un aspect négatif qui correspond à
l’interdiction faite à l’administration de violer les règles de droit supérieur à ses actes.

Paragraphe 2 : Les conditions relatives aux motifs de l’acte

A-La régularité des motifs de droit.


Si les motifs de l’acte administratif ne sont pas réguliers, on dit qu’il y a erreur de droit. Elle
correspond donc à l’hypothèse où l’administration sans méconnaître cette loi à proprement
parler, fonde sa décision sur des considérations de droit qui ne sont pas correctes ou non de
raisonnements juridiques inadéquats. Pour être légal, un acte administratif unilatéral doit avoir
une base juridique, ensuite cette base juridique doit être correctement interprétée (Cour
suprême du Sénégal, 6 février 1974, Abdourahmane CISSE, GAJAS, Tome 1, p.171 ;
Conseil d’état du Sénégal, 26 janvier 1994, Abdoul Aziz SOW contre Ordre National des
Experts et Evaluateurs Agréés du Sénégal, Bulletin des Arrêts du conseil d’état 1993-
1997, n° 22).
Lorsque l’acte n’entre pas dans le cadre juridique invoquée, on dit qu’il y a erreur de droit ou
défaut de base légale (Cour suprême du Sénégal, 8 juin 1968, Baïla Haïmouth SOW,
GAJAS, Tome 1, p.123 ; CE du Sénégal, 26 janvier 1994, Alla NGOM et autres, Bulletin
des Arrêts du conseil d’état 1993-1997, n°23).
Le problème du défaut de base légale vise celui des pouvoirs du juge en matière de recours
pour excès de pouvoir, en cas de pluralité des motifs. Dans le cas d’erreur de droit, la sanction
normale est l’annulation de l’acte administratif en cause. Mais la jurisprudence admet la
substitution de base légale lorsqu’il existe une autre base légale correcte appartenant à la
même catégorie juridique que celle invoquée dans l’acte administratif unilatéral en cause.

B-La régularité des motifs de fait


Pour être légales de ce point de vue, les considérations de fait à la base de l’acte administratif
unilatéral, doivent non seulement être établies amis en outre juridiquement qualifiées.

1-Exactitude matérielle des faits


Lorsque les considérations de fait invoquées à la base de l’acte administratif n’existe pas
l’acte est entaché d’un vice appelé inexistence de fait (Cour suprême du Sénégal, 20 mars

102
1963, Amadou Alpha KANE, GAJAS, Tome 1, p. 285 ; CE fr, 14 janvier 1916, Camino,
GAJA, n°31).
Ainsi ces faits doivent être matériellement établis c'est-à-dire qu’ils doivent être prouvés. A
défaut de cette preuve, le juge sanctionne leur inexistence matérielle (Cour suprême du
Sénégal, 23 mars 1963, Babacar LO et Abdou Salam DIALLO, GAJAS, Tome 1, p.
; Conseil d’état du Sénégal, 26 avril 1996, Souleye BADIANE, Bulletin des Arrêts du
conseil d’état 1993-1997, n°55)
Les vices qui affectent les motifs de fait peuvent être ouverts par la théorie des moyens
inopérants et ceci dans deux cas. Il en est ainsi tout d’abord dans les cas de pluralité de motifs.
Lorsque certains motifs sont réguliers alors que d’autres sont irréguliers, la jurisprudence peut
considérer l’acte comme légal si les motifs réguliers suffisent à fonder l’acte administratif.
Dans ce cas les motifs irréguliers n’étant pas déterminés, sont considérés comme inopérants.
Il en est ensuite de même dans les cas de compétence liée. Lorsque dans un tel acte,
l’administration commet une irrégularité, la jurisprudence peut malgré tout considérer l’acte
comme légal. En effet l’administration étant tenue d’agir, l’irrégularité de certains éléments
de l’acte ne devrait pas s’opposer à l’adoption de l’acte. Les moyens invoqués bien que
fondés, sont alors considérés comme inopérants.

2-La qualification juridique des faits


Les faits qui servent de fondement à l’acte administratif unilatéral doivent correspondre à
ceux pour lesquels l’autorité administrative a reçu compétence. C’est ainsi que le juge dans
son contrôle de la légalité de l’acte administratif, vérifie si les faits sont de nature à justifier
les décisions (CE fr, 4 avril 1914, Gomel, GAJA , n°30). Ce problème de qualification
juridique des faits se pose le plus souvent dans certaine matière comme l’urbanisme ou alors
en matière de police administrative ou de fonction publique.
La qualification juridique des faits par le juge de l’excès de pouvoir pose le problème des
pouvoirs du juge et la portée de son contrôle. Concrètement, il peut se poser le problème de
l’autorité de la chose jugée au pénal sur le juge administratif. On peut dire que le juge de
l’excès de pouvoir est donc tenu par la constatation de la matérialité des faits par le juge pénal
mais non pas leur qualification juridique (Cour suprême du Sénégal, 29 janvier 1975, Séga
Seck FALL, Recueil Penant 1976, p. 475).
L’intensité et le contrôle exercés par le juge sur les motifs de faits varient en fonction des
pouvoirs de droit administratif. Ce contrôle est plus rigoureux dans le cas où l’administration

103
a une compétence liée et plus souple dans le cas de pouvoir discrétionnaire. La doctrine
distingue trois degrés de l’intensité de ce contrôle :
- un contrôle minimum qui porte sur l’existence matérielle des faits ;
- un contrôle qui porte sur l’existence matérielle des faits et la qualification juridique des
faits ;
- un contrôle qui porte outre sur l’existence matérielle, outre sur la qualification
juridiques des faits, sur l’appréciation des faits.
Selon les membres de la doctrine, ce contrôle de l’appréciation des faits correspond à un
contrôle de l’opportunité de la décision. Ce contrôle intervient généralement dans les où
l’opportunité de la décision est également une condition de légalité. Ce contrôle de fait s’est
renforcé avec l’évolution de la jurisprudence du conseil d’état français et de l’accroissement
des pouvoirs de l’administration. Ainsi donc, les cas de compétence liée, le juge ajoute parfois
aux conditions textuelles, des conditions de légalité d’origine jurisprudentielle. Ainsi par
exemple en matière de police administrative, le juge exige parfois la mesure la plus adéquate
comme pour apprécier la légalité de l’acte administratif. De même, dans les cas de pouvoir
discrétionnaire, le juge vérifie de plus en plus la proportionnalité entre le but poursuivi par
l’acte administratif et les moyens utilisés. Il apprécie également les avantages et les
inconvénients d’une décision dans le contrôle de sa légalité.
 la première technique correspond à l’erreur manifeste d’appréciation : illustra-
tration : CE fr, 20 mars 1968, Société de lotissement de la plage de Pamplon, RDP, p. 319,
AJDA 1968, p. 335).
 la deuxième technique correspond à celle du bilan-coût-avantage, dont on trouve
l’illustration dans un arrêt du CE fr, 28 mai 1971, Ministre de l’équipement contre Ville
Nouvelle Est, GAJA, n°93.

Paragraphe 3 : Les conditions relatives au but de l’acte administratif unilatéral


Le but de l’acte administratif unilatéral se définit en fonction de l’intention de son auteur
c'est-à-dire des mobiles subjectifs qui le sous-tendent. Ainsi lorsqu’une autorité administrative
agit dans un but différent de celui pour lequel une compétence lui a été attribué, son acte est
entaché d’un vice appelé détournement de pouvoir.

A-Les différentes formes de détournement de pouvoir


Les détournements de pouvoir se présentent sous forme.

104
Tout d’abord, l’autorité administrative peut poursuivre un intérêt personnel. C’est le cas
le plus grave de détournement de pouvoir (CE fr, 26 novembre 1875, Parizet, GAJA, n°4).
Ensuite, l’autorité administrative peut agir dans le sens de l’intérêt général mais
différent de celui pour lequel compétence lui a été attribué (CE fr, 24 juin 1960, Société
Frampar, GAJA, n°85).
Mais dans certains cas, on assimile le détournement de procédure au détournement de
pouvoir. En réalité, il y a détournement de pouvoir lorsqu’on utilise une procédure à la place
d’une autre mais pour arriver au même résultat (Cour suprême du Sénégal, 6 juin 1973,
Dame Yaye Khaty DIENG, GAJAS, Tome 1, p.145). Le conseil d’état français a ajouté à
toues ces conditions de la légalité le principe de précaution.

B -La sanction du détournement de pouvoir


Malgré sa gravité, le détournement de pouvoir comparé au x autres cas d’illégalité, est
rarement sanctionné par la jurisprudence. Ainsi il a été le dernier cas d’ouverture du recours
pour excès de pouvoir. Cette jurisprudence s’explique pour deux raisons essentielles :
 la première raison c’est la difficulté de la preuve du détournement de pouvoir.
En effet, pour apprécier la preuve du détournement de pouvoir, le juge doit prendre en
considération des éléments subjectifs comme l’intention de l’auteur de l’acte.
 la deuxième raison c’est le caractère infamant du détournement de pouvoir. En
effet, le détournement de pouvoir, en relevant l’intention de l’autorité administrative peut la
mettre directement et personnellement en cause, alors que le recours pour excès de pouvoir est
recours objectif c'est-à-dire un procès fait à un acte. De ce fait le juge choisit généralement
des moyens d’annulation plus objectifs.

Chapitre 3 : La fin des effets des actes administratifs unilatéraux


Il arrive qu’un acte administratif unilatéral ait une durée de vie limitée dans le temps. Mais ce
sont des hypothèses rares. Il en est ainsi lorsqu’il arrive l’échéance de l’acte administratif
unilatéral. On parle alors de caducité. Le principe est qu’une fois édicté, l’acte administratif
est appelé à s’appliquer sans limitation dans le temps. Pour cette raison, certains auteurs
parlent de l’inexistence, de la désuétude en droit administratif. Mais ce principe ne signifie
pas que l’acte administratif unilatéral ne peut pas cesser de produire des effets. Il peut en effet
sortir de l’ordonnancement juridique de deux manières : soit du fait du juge, soit du fait de
l’autorité administrative.

105
Le juge de l’excès de pouvoir peut en effet annuler un acte administratif unilatéral alors que
l’administration dispose trois procédés pour mettre fin à ses effets : l’abrogation,
l’annulation et la modification. Le retrait qui correspond à l’annulation se distingue de
l’abrogation essentiellement du fait de son caractère rétroactif. La cessation des effets des
actes administratifs unilatéraux, surtout par le retrait et l’abrogation, met en présence deux
soucis contradictoires :
- d’une part, la nécessité de protéger la sécurité des relations juridiques par une certaine
stabilité ;
- d’autre part, celui d’éviter de lier l’administration par les décisions qu’elle a prise même
lorsqu’elles sont illégales.
La recherche d’une solution à cette contradiction a consisté à trouver un équilibre entre quatre
distinctions fondamentales :
 distinction entre abrogation et retrait ;
 distinction entre acte réglementaire et acte individuel ;
 distinction entre acte créateur de droit et acte non créateur de droit ;
 distinction entre acte légal et acte illégal.
Chacune de ces distinctions correspond à des raisons précises. C’est d’abord l’importance du
retrait d’un acte par rapport à son abrogation. Ensuite la nécessité d’une plus grande stabilité
des actes individuels, de même que pour les actes créateurs de droit. Enfin la grande facilité
de cessation des effets d’un acte illégal par rapport à un acte légal. Sur la base de ces
principes, il est possible d’analyser les différentes modalités administratives par lesquelles
l’acte administratif unilatéral peut sortir de l’ordonnancement juridique.

Section 1 : Le retrait des actes administratifs unilatéraux


On peut définir le retrait comme une opération par laquelle l’auteur de l’acte
administratif unilatéral ou son supérieure hiérarchique fait disparaître celui-ci en
annulant ses effets pour le passé et pour l’avenir. Le retrait d’un acte administratif
unilatéral est donc dominé par deux soucis contradictoires : la nécessité de permettre à
l’administration de revenir sur sa décision illégale et la nécessité d’autre part de maintenir la
stabilité des situations juridiques créées. Cette contradiction a été résolue par l’adoption
d’ordre principal, celui de l’intangibilité des effets individuels des actes administratifs
unilatéraux. Cependant, ce principe est d’application difficile parce qu’il faut le combiner

106
avec les trois distinctions suivantes : - d’abord le caractère régulier ou non de l’acte en
cause ; - ensuite son caractère créateur de droit ou non ; - et enfin son caractère réglementaire.
Mais la distinction la plus importante parce que la plus générale correspond à celle qui est
faite entre acte régulier et acte irrégulier. C’est donc sur cette base qu’il est donc possible de
dégager les règles de retrait des actes administratifs unilatéraux.

Paragraphe 1 : Le retrait des actes administratifs réguliers


Le retrait d’un acte administratif légal est en principe impossible. Il s’agira d’une
jurisprudence constante qui s’applique pour deux raisons : soit le principe de non rétroactivité
des actes administratifs, soit le principe de l’intangibilité des effets individuels des actes
administratifs. Cette règle jurisprudentielle est rigoureuse pour les actes administratifs
unilatéraux réguliers créateurs de droit. Elle est tempérée pour les actes administratifs non
créateurs de droit. Mais elle reste valable pour les actes administratifs réglementaires et non
réglementaires. Le conseil d’état a apporté cependant quelques exceptions à cette règle en
plus du cas des actes non créateurs de droit :
- si la loi l’autorise ; - dans le cas de retrait de révocation d’un fonctionnaire ; - dans le cas de
retrait sur demande du bénéficiaire notamment pour obtenir une décision plus favorable à
condition que la décision ne porte pas atteinte aux droits des tiers ; - dans le cas de
l’exécution d’une décision de justice.

Paragraphe 2 : Le retrait des actes administratifs unilatéraux irréguliers


Il est possible et cette règle s’explique pour deux raisons essentielles : d’abord l’acte irrégulier
est menacé d’une annulation contentieuse par le juge ; ensuite la sécurité juridique conduit à ne
stabiliser que les situations juridiques légalement acquises. La jurisprudence a progressivement
élargi la possibilité de retrait des actes administratifs unilatéraux irréguliers. Elle se fonde
généralement sur la distinction entre actes créateurs de droit et actes non créateurs de droit pour
fixer les modalités et conditions de ce retrait.

A-Le retrait des actes administratifs unilatéraux non créateurs de droit


Il n’existe pas de définition de l’acte administratif créateur de droit ou non. Mais sont
généralement considérés comme non créateurs de droit les décisions négatives, les décisions
individuelles récognitives, les décisions provisoires ou précaires, les décisions assorties d’une
décision résolutoire ou suspensive, les mesures de police, les décisions obtenues par fraude. La
jurisprudence considère que le droit résultant d’un acte administratif illégal ne mérite pas de

107
protection particulière. L’illégalité doit en effet être effacée. Dès lors le retrait d’un acte
administratif illégal non créateur de droit est donc possible à tout moment.

B -Le retrait des actes administratifs unilatéraux illégaux créateurs de droit


Pour les actes créateurs de droit, la stabilité des relations juridiques exige leur maintien mais
seulement lorsqu’ils ne peuvent plus faire l’objet d’une contestation devant le juge de l’excès de
pouvoir. Cela signifie qu’en principe ces actes peuvent être rapportés dans la mesure où ils sont
encore susceptibles d’être annulés par le juge de l’excès de pouvoir. La jurisprudence exigeait
deux conditions pour la validité du retrait de tels actes : d’une part l’illégalité de l’acte
rapporté et d’autre part son retrait dans le délai du recours du contentieux (CE fr, 3
novembre 1922, Dame Cachet, GAJA, n°40 ; cour suprême du Sénégal, 19 avril 1967,
Smba Kor SALL, Annales africaines 1967).
Mais la loi sénégalaise du 06 février 1970 qui traite du retrait des actes administratifs ne
mentionne pas les conditions de l’illégalité de l’acte à rapporter. La jurisprudence « Dame
Cachet » était intervenue au sujet d’un acte individuel et explicite. La jurisprudence postérieure
a dû interpréter la condition du délai qui se pose à propos des actes individuels intéressant les
tiers et les actes implicites. Sur le délai, la jurisprudence classique considérait que le retrait était
possible tant que l’acte en cause était encore susceptible de recours pour excès de pouvoir, le
point de départ de ce délai ne commençant à courir à partir de la publication. C’est le sens de
deux arrêts (Cour suprême du Sénégal, 23 mars 1966, Samba Ndoukoumane GUEYE,
Annales africaines 1971, p. 15 ; CE fr, 6 mai 1966, Ville Bagneux, AJDA 1966, p. 485).
Cette solution relative aux actes individuels intéressant les tiers tend à ouvrir de façon illimitée
le délai du retrait de ces actes administratifs dans la mesure où ils ne font pas l’objet de
publication.
Dans le cas de décisions implicites, la jurisprudence excluait l’application des règles classiques
de retrait issues de la jurisprudence « Dame Cache ». Elle considérait qu’au terme du délai légal
qui lui est imparti, l’administration était dessaisie et sa décision devenait définitive (CE fr, 14
novembre 1969, Eve, AJDA 1969, p.694). Ce principe en matière de décision implicite a
cependant connu une exception lorsqu’il s’agit de l’octroi tacite de permis de construire du fait
qu’une décision doit faire l’objet d’une publicité. Ainsi lorsque ce permis est irrégulier, il peut
faire l’objet de retrait dès que le délai du recours contentieux qui commence à courir à partir de
sa publicité (CE fr, 1er juin 1973, Ministre de l’équipement contre époux ROULIN, AJDA
1973, p.478). Cette jurisprudence nuancée aux conséquences parfois regrettables en ce qui
concerne la stabilité des situations juridiques créées avait tendance à ouvrir de façon illimitée le

108
délai dans lequel l’administration pourrait procéder au retrait de l’acte administratif. Le conseil
d’état a récemment mis fin à cette incertitude aux inconvénients de l’arrêt Bagneux à travers un
arrêt d’assemblée (CE Ass. fr, 26 octobre 2001, Théron, AJDA 2001, p. 1034, AJDA 2002,
p. 737). Selon cette jurisprudence, un acte administratif individuel explicite conférant des droits
à son destinataire, lorsqu’il est illégal, peut faire l’objet de retrait par son auteur seulement dans
le délai de quatre (4) mois à partir de son édiction (date).
Après l’expiration du délai de recours contentieux, il est encore possible de procéder au retrait
de l’acte illégal si le recours pour excès de pouvoir est encore pendant devant le juge (Cour
suprême du Sénégal, 23 mars 1966, Moussa CAMARA, GAJAS, Tome 1, p. 269). Dans ce
cas, le retrait n’est possible que dans la limite de la saisine du juge (Cour suprême du Sénégal,
23 mars 1966, Mamadou Lamine DIOP, GAJAS, TOME 1, p. 272). De même il faut
rappeler que le retrait est encore possible après l’expiration du délai normal si un recours
gracieux a été introduit dans ce délai. Enfin il faut ajouter que les règles qui régissent le retrait
de l’acte administratif par son auteur sont aussi valables pour son supérieur hiérarchique
(« société de lotissement de la plage de Pamplam » ; Cour suprême du Sénégal, 27
décembre 1978, Bouka DIAW, GAJAS, Tome 1, p.201). Sur le retrait des actes administratifs
et les conséquences de l’annulation d’actes administratifs sur les actes subséquents cf. CE fr, 3
novembre 1995, Mme Vellet et autres, AJDA 1996, p. 215)

Section 2 : L’abrogation des actes administratifs unilatéraux


Par abrogation o, entend la disparition des effets de l’acte administratif par son auteur ou
par son supérieur hiérarchique mais seulement pour l’avenir. L’abrogation se distingue
fondamentalement du retrait du fait qu’elle laisse intacte les effets de l’acte administratif
antérieur. L’abrogation de l’acte administratif est parfois nécessaire pour adapter l’acte
administratif à la réglementation, aux nouvelles réalités. Mais du fait des risques qu’elle pourrait
faire courir aux administrés, elle est enfermée dans des conditions de fond assez strictes. Ces
conditions varient généralement en fonction du caractère réglementaire ou non réglementaire de
l’acte.

Paragraphe 1 : L’abrogation des actes administratifs réglementaires


L’acte administratif réglementaire peut faire l’objet d’abrogation à tout moment. Cette règle
s’explique par le principe selon lequel « nul n’a droit au maintien d’un règlement ». Lorsque
le règlement crée des droits son abrogation est possible dès lors que ces droits ne sont pas remis
en cause rétroactivement. Mais lorsque l’acte est non créateur de droit, il n’y a pas d’obstacle à

109
son abrogation. L’abrogation d'un acte règlementaire peut même parfois revêtir un caractère
obligatoire. C’est ce qui ressort de certains développements jurisprudentiels et règlementaires
français.
Selon la jurisprudence, en effet l’auteur d’un acte réglementaire illégal ou son supérieur
hiérarchique saisi d’une demande tendant à l’abrogation de ce règlement est tenu d’y déférer
(CE fr, 12 mai 1976, Le boucher et le tarandon, AJDA 1977, p. 261). Cette obligation a
cependant été nuancée par la suite car il semble que l’administration ne soit tenue d’abroger le
règlement illégal que lorsqu’elle a été saisie dans le recours contentieux (CE fr, 30 janvier
1981, Ministre du travail contre société France-Europe transaction, AJDA 1981, p.245).
Cette jurisprudence a été reprise et même étendue par le conseil d’état sénégalais dans la mesure
où il considère que l’auteur d’un acte administratif à caractère individuel et illégal saisi d’une
demande tendant à l’abrogation de l’acte est tenu d’y déférer (CE sn, 25 août 1993, Jean
ESPLAN contre Etat du Sénégal, Bulletin des arrêts du conseil d’état 1993-1997).
Seulement le décret français du 28 novembre 1993 va encore plus loin. Il fait disparaître la
distinction établie par la jurisprudence et relative au délai du recours. Ainsi aux termes de son
article 3 « l’autorité administrative compétente est tenue de faire là droit à toute demande
tendant à l’abrogation d’un règlement illégal ».

Paragraphe 2 : L’abrogation des actes administratifs non réglementaires


Les conditions de l’abrogation varient en fonction de leur caractère créateur de droit ou non. En
ce qui concerne les actes non créateurs de droit, leur abrogation est possible à tout moment.
Mais il faut tenir compte des raisons pour lesquelles l’acte n’est pas créateur de droit. C’est donc
seulement lorsqu’elle existe que son abrogation est possible. Lorsque l’acte non réglementaire
non créateur de droit est illégal, son abrogation devient obligatoire. S’agissant des actes non
règlementaires créateurs de droit, en principe, ils peuvent être abrogés. Ils sont en effet
considérés comme définitifs. Il faut distinguer cependant entre les actes légaux et ceux illégaux.
Pour les actes légaux, l’intangibilité des effets individuels des actes administratifs s’oppose en
principe à leur abrogation. Cette abrogation est cependant possible dans les cas où
l’administration peut prendre des actes contraires. Ainsi par exemple, la nomination d’un
fonctionnaire qui est un acte créateur de droit peut être abrogée par une mesure de révocation
lorsque certaines conditions sont remplies. Il en est de même dans le cas de mise en retrait. Pour
les actes illégaux, leur abrogation est en principe possible. Mais la décision d’abrogation doit en
principe respecter la règle du parallélisme des formes.

110
Section 3 : La modification des actes administratifs unilatéraux
Pour elle, l’auteur de l’acte abrogé, certaines de ces dispositions les remplace par d’autres. Il
s’agit d’une opération qui intervient généralement à l’occasion de changement de
circonstance de fait et de droit qui justifie l’acre administratif. Le changement entraîne
généralement l’illégalité de l’acte et peut faire naître à la charge de l’administration une
obligation sur la demande des administrés ou sous le contrôle du juge (CE fr, 10 janvier 1930,
Despujol, GAJA, n°45). Mais cette obligation varie en fonction du caractère réglementaire ou
non l’acte.

Paragraphe 1 : La modification des actes administratifs réglementaires


Il convient de distinguer entre les circonstances de droit et les circonstances de fait. Du point de
vue des circonstances de droit, le plus simple changement dans la réglementation qui va guider
l’acte entraîne l’obligation de sa modification. En ce qui concerne les circonstances de fait, leur
changement doit être important pour créer une obligation de modification de l’acte
réglementaire. Ainsi en matière économique, le changement doit revêtir le caractère d’un
bouleversement fondamental et imprévisible (CE, fr, 10 janvier 1964, Ministre de
l’agriculture contre Simonet, RDP 1964). Cette obligation a été confirmée par le décret
français du 28 novembre 1981.

Paragraphe 2 : La modification des actes administratifs non réglementaires


L’obligation de modifier un acte administratif non réglementaire par suite d’un changement de
circonstances est moins impérative. En effet l’acte administratif non réglementaire fait l’objet
d’une application ponctuelle. Ensuite la légalité de l’acte administratif est appréciée à la date à
laquelle il a été pris. Enfin le principe de l’intangibilité des effets individuels de ces actes
s’oppose à la fréquence de leur modification. En définitive, le changement de circonstance
n’entraîne pas nécessairement une modification des actes administratifs non réglementaires.
L’autorité administrative peut cependant y être autorisée dans le cas des actes individuels non
créateurs de droit.

Titre 2 : Les contrats administratifs


Le contrat administratif est acte juridique issu de l’accord de volonté entre deux ou
plusieurs personnes et qui va régir leur relation en créant entre elles des droits et
obligations réciproques dont les uns sont la contrepartie des actes. Le contrat administratif
se distingue de l’acte administratif unilatéral tant du point de vue de son élaboration que de ses

111
effets juridiques. Ainsi alors que l’acte administratif s’applique à des tiers, le contrat
administratif produit des effets pour les parties. De façon plus concrète, on pourrait dégager cinq
traits qui permettent de mettre en relief le particularisme du contrat administratif.
 En principe et sauf cas exceptionnel, le contrat administratif ne peut être modifié ou résilié
qu’après accord des parties ;
 Le contrat administratif ne peut pas faire l’objet de recours pour excès de pouvoir au
Sénégal
sauf lorsque l’acte contesté est détachable du contrat ;
 De même le contrat administratif n’est pas une source de légalité sauf dans le cas de contrat
de contrat de concession où certaines dispositions réglementaires peuvent faire l’objet d’un
recours pour excès de pouvoir ;
 La responsabilité des parties et tout ce qui concerne le contrat excluent la responsabilité extra-
contractuelle ;
 En principe, la situation juridique née du contrat administratif ne fait pas l’objet de change-
ment ni par une modification réglementaire, ni par une modification législative postérieure au
contrat. Mais malgré l’importance du contrat dans le fonctionnement de l’administration, il
existe des matières dans lesquelles l’administration ne peut pas contracter. Il en est ainsi dans
les matières à caractère régalien, exemple : l’organisation des services publics, la police
administrative, les matières fiscales, les situations légales ou réglementaires, de même que
l’exercice du pouvoir réglementaire. Mais depuis un certain temps, on constate des
hypothèses de dérives de l’acte administratif vers contrat. Il en est ainsi de l’acte administratif
unilatéral négocié ce qui intervient souvent en matière de politique contractuelle salariale et
dans le cas de pseudo-contrat. Avant d’étudier le particularisme des contrats administratifs, il
convient de distinguer le contrat administratif du contrat de droit privé. Il apparaît alors que le
particularisme concerne les modalités de choix des cocontractants de l’administration c'est-à-
dire la formation du contrat administratif et l’exécution du contrat administratif.

Chapitre 1 : Distinction entre contrat administratif et contrat de droit privé


Lorsque l’administration agit, elle a le choix entre trois possibilités : agir par voie unilatérale
avec des prérogatives de puissance publique ; se comporter comme un particulier en passant
des contrats de droit privé ou enfin recourir au contrat administratif. Cela signifie que tout
contrat passé par l’administration avec une personne publique n’est pas nécessairement un
contrat administratif. Pendant longtemps, on a considéré que le contrat était un acte de gestion

112
par conséquent, il ne pouvait être que du droit privé. Il convient donc de distinguer parmi les
contrats administratifs les contrats administratifs et ceux de droit privé. L’intérêt de cette
distinction est double. Elle détermine d’une part la compétence juridictionnelle et d’autre part
le régime de règle de droit applicable au contrat.
Pour certains contrats, il ne se pose pas un problème de qualification. Ils sont considérés par
les lois et règlements comme étant es contrats administratifs. Pour d’autres, la détermination
de leur caractère administratif se fait à l’aide de critères jurisprudentiels. On peut dire qu’il
existe deux méthodes de détermination du caractère administratif du contrat. Sur la base de
ces deux modalités de distinction, il est possible de procéder à une classification des contrats.

Section 1 : La détermination législative et réglementaire des contrats administratifs


Le droit des contrats administratifs est régi au Sénégal par le Code des Obligations de
l’Administration et par le décret du 30 mai 2002 portant Code des Marchés publics,
remplaçant le décret du 07 septembre 1982 modifié par le décret du 22 juin 1983. Mais
d’autres textes interviennent pour qualifier de contrat administratif ou de droit privé passé par
l’administration.

Paragraphe 1 : Les contrats administratifs par détermination législative ou


réglementaire
L’article 5 du Code des Obligations de l’Administration prévoit qu’un contrat passé par
une personne publique peut être qualifié de contrat administratif par une disposition
législative ou réglementaire. De même aux termes de l’article 6 la loi ou le règlement peut à
tout moment attribuer la qualité de contrat administratif à une catégorie de conventions
auxquelles une personne morale de droit public est partie. Ainsi l’article 86 de la loi du 02
juillet 1976 portant Code du Domaine de l’Etat prévoit que tous les contrats relatifs au
domaine de l’Etat sont des contrats administratifs. C’est dans le même sens que l’article 4 du
décret du 30 mai 2002 dispose que : « les marchés publics sont des contrats administratifs
passés et écrits par l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics, les sociétés
nationales anonymes à participation publique et majoritaire en vue de l’achat de fourniture
ou de réalisation de prestation de service ou de l’exécution de travaux ».
Ces qualifications viennent s’ajouter à d’autres qui résultent des vieilles lois françaises
relatives par exemple aux concessions du service public, aux contrats de travail public ou au
contrat ayant pour objet l’occupation d’une parcelle du domaine public. En revanche, d’autres
textes excluent de la catégorie des contrats administratifs certains contrats de l’administration.

113
Paragraphe 2 : Les contrats de droit privé par détermination législative ou
réglementaire
Plusieurs textes attribuent la nature de droit privé à certains contrats passés par
l’administration. Ainsi par exemple, au Sénégal, aux termes du Code du Travail, du décret
du 12 avril 1974 fixant le régime juridique applicable aux agents non fonctionnaires de
l’Etat et de la loi du 24 juin 1990 sur les établissements publics, « les agents non
fonctionnaires de ces collectivités publiques sont bénéficiaires de contrat de droit privé et
sont soumis au code du travail ». Mais lorsqu’aucune disposition législative ou réglementaire
ne qualifie un contrat, le droit administratif a recours à des critères jurisprudentiels pour
déterminer la nature de ce contrat.

Section 2 : La détermination jurisprudentielle des contrats administratifs


Ainsi certains éléments sont des indices sur la nature d’un contrat. Il en est ainsi de la forme
utilisée. Cela signifie que l’utilisation d’un cahier de charge ne donne pas nécessairement le
caractère administratif à un contrat. A l’inverse, la forme verbale ne s’oppose pas à la nature
administrative d’un contrat en droit français (CE fr, 20 avril 1956, Epoux BERTIN, GAJA,
n°79). De même la nature de la collectivité publique partie au contrat ou du service public en
cause importe peu. Dans le cas des services publics industriels et commerciaux (SPIC), deux
types de contrat selon la jurisprudence administrative constante, sont des contrats de droit
privé. Ce sont des contrats passés avec des usagers ou ceux qui sont passés avec les agents
sauf en ce qui concerne le directeur, le plus haut placé et le comptable lorsque ce dernier a la
qualité de comptable public.
Mais pour des contrats dont la nature peut être administrative ou privée, la jurisprudence a
dégagé deux critères du contrat administratif : un critère organique et un critère matériel. Ces
deux critères ont été repris par le Code des Obligations de l’Administration.

Paragraphe 1 : Le critère organique


La première condition pour qu’un contrat puisse être considéré comme administratif c’est
qu’une personne publique (Etat, collectivité locale, établissement public) soit partie. Le
principe en est que le contrat passé entre les deux personnes privées n’est pas un contrat
administratif (CE fr, 13 décembre 1964, Syndicat des praticiens d’art dentaire, Dalloz
1964, p.55). Cette condition a été reprise à l’article 8 du Code des Obligations de
l’Administration. Aux termes de cet article 8 « seules les conventions auxquelles une

114
personne morale publique est partie peuvent constituer un contrat administratif par nature ».
Il s’agit d’une exigence originale. En effet en ce qui concerne les actes administratifs
unilatéraux, la jurisprudence française admet que les personnes privées puissent prendre de
tels actes. S’agissant des actes bilatéraux, la jurisprudence semble leur refuser cette possibilité
(TC, 30 mai 1969, Société interlait, AJDA 1969, p.307).
Mais ce principe comporte cependant une importante exception. Il a été admis en effet qu’un
contrat passé entre deux personnes privées pouvait être considéré comme un contrat
administratif si l’une des deux personnes a agi sur le mandant ou pour le compte d’une
personne publique (TC, 08 juillet 1963, Société Entreprise Peyrot, GAJA, n°89). Cet arrêt
avait été diversement interprété dans la mesure où il se fondait sur deux idées difficiles à
distinguer. Celle selon laquelle la construction et l’exploitation des routes étaient une activité
par nature administrative. Ensuite celle selon laquelle le concessionnaire agit pour le compte
de l’Etat. La thèse du mandat semble avoir été confirmée par la jurisprudence antérieure (TC,
12 novembre 1984, Société d’économie mixte du tunnel de Sainte Marie aux milles,
AJDA, p.156).

Paragraphe 2 : Le critère matériel


Pour qu’un contrat passé par une personne publique soit considéré comme administratif, il
faut en plus que soit par son objet ou soit par ses clauses, qu’il comporte un lien avec la
gestion publique. Ce contrat doit en effet entraîner une participation du cocontractant à
l’exécution d’un service public ou comporte des clauses exorbitantes de droit commun. Ce
critère matériel se présente sous deux conditions présentant deux éléments alternatifs.

A-Objet du contrat, la participation à une mission de service public


Selon la jurisprudence française, un contrat peut être considéré comme administratif si son
objet porte sur le service public. Ce critère avait été consacré depuis l’arrêt « Epoux
BERTIN ». Mais indépendamment de l’incertitude qui caractérise la notion de service public,
l’application de ce critère pose le problème de la nature de la relation entre le contrat et le
service public. Au cours de son évolution, la jurisprudence française a eu tendance à donner
un contenu de plus en plus extensif à cette relation. Au départ, la jurisprudence exigeait que le
contrat ait pour objet de confier au cocontractant de la personne publique, la gestion d’un
service public. Ensuite l’objet du contrat a été interprété comme devant assurer la
participation du cocontractant à l’exécution du service public (TC, 23 novembre 1963, Dame
veuve MAZERAND, JCP 1964, deuxième partie, n°13466).

115
Récemment le TC a statué en sens contraire en considérant que les agents non statutaires d’un
Service Public Administratif (SPA) sont des agents contractuels du droit public quel que soit
leur emploi (TC, 25 mars 1996, Préfet de la région de Rhonal- préfet du Rhones contre
conseil de Prud’homme de Lyon, AJDA 1996, p. 357-358). Enfin, la jurisprudence a exigé
simplement une association du cocontractant à l’exécution d’un service public ou que le
contrat soit une des modalités d’exécution du service public (CE fr, 26 juin 1974, Société la
maison des isolants de France, RDP 1974, p. 1486).
Le Sénégal, à travers le Code des Obligation de l’Administration (COA) consacre la
conception restrictive du contrat avec le service public. En effet aux termes de l’article 10 du
Code des Obligations de l’Administration « sont administratifs, les contrats comportant
une participation directe et permanente du cocontractant à l’exécution du service public ».
Cet article non seulement exclut de son champ d’application le personnel non fonctionnaire
mais en outre exige un caractère direct et permanent de la participation du cocontractant à
l’exécution du service public.

B -Le contenu du contrat, la présence de clause exorbitante de droit commun


Selon la jurisprudence française, un contrat passé par une personne publique peut avoir un
caractère administratif s’il contient des clauses exorbitantes de droit commun. La notion de
clause exorbitante de droit commun est complexe et difficile à définir. On peut tenter de la
définir comme étant une clause inhabituelle dans les contrats de droit privé ou alors une
clause qui par son contenu ou par son objet est spécifique en droit privé. Concrètement,
la jurisprudence administrative française considère comme étant des clauses exorbitantes de
droit commun, les clauses permettant à l’administration de prendre des mesures
unilatérales de sanction, de résiliation, ou de modification du contrat, des clauses qui
reconnaissent à l’administration un pouvoir de contrôle ou de surveillance, des clauses
qui reconnaissent au cocontractant de l’administration des prérogatives.
Exemple : possibilité de percevoir des taxes. Ce critère a été consacré par le conseil d’état
dans son arrêt du 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, GAJA.
Lorsqu’une telle clause est présente dans le contrat, elle lui attribue le caractère administratif
pour deux raisons. C’est la preuve que les cocontractants ont choisi la gestion publique,
l’application et interprétation de ces clauses posent des problèmes de droit privé. Mais on peut
constater qu’au cours de son évolution, la jurisprudence a étendu le critère des clauses
exorbitantes de droit commun au régime exorbitant du droit commun. Dans ce cas le régime
exorbitant n’émane pas des stipulations contractuelles mais des règles législatives et

116
réglementaires préalables qui constituent le cadre du contrat administratif (CE fr, 19 janvier
1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant, AJDA 1973, p.356).
Ce critère de la clause exorbitante du droit commun a repris par le Code des Obligations de
l’Administration à son article 12. Aux termes de cet article « sont administratifs les contrats
relatifs à l’activité de service public, qui utilisent des procédés de gestion publique ».
L’emploi des procédés de gestion publique se manifeste par la présence dans la convention de
clause exorbitante de droit commun. C’est en son article 15 que le Code des obligations de
l’Administration définit la clause exorbitante de droit commun. Elle est considérée comme
pouvant résulter de la rupture de l’égalité contractuelle au profit d’un cocontractant. Elle peut
résulter de l’octroi de prérogatives à l’égard des tiers au cocontractant. Elle peut résulter de
l’inclusion de règles spécifiques au régime des contrats. Elle peut résulter du but d’intérêt
général qui a une partie de la stipulation.

Section 3 : La typologie des contrats administratifs


Du point de vue de leur objet, il convient de distinguer parmi les contrats administratifs entre
trois types : les marchés, les contrats de louage de service, les contrats confiant à un
cocontractant la gestion d’un service public. Mais cette distinction tripartie ne recouvre pas
tous les contrats administratifs. En effet, certains contrats administratifs n’entrent dans aucune
de ces trois catégories. Il en est ainsi par exemple des contrats d’emprunt public relatifs à
l’occupation du domaine public, relatifs à l’interventionnisme économique et ceux relatifs à la
domanialité publique.

Paragraphe 1 : Les marchés


Le marché est un contrat par lequel le cocontractant de l’administration s’engage à lui
fournir une prestation moyennant le versement d’un prix. Cette prestation peut se
présenter sous différentes formes, tant dans sa nature, que dans son objet (article 4 du décret
du 30 mai 2002 portant Code des marchés publics). On peut distinguer entre quatre types
de marchés :
1- ceux de travaux publics qui portent sur la réalisation d’un ouvrage public ;
2- ceux de fourniture de biens ou de services qui portent sur les biens et les services que
l’on trouve dans le commerce usuel ;
3- ceux de prestation intellectuelle (marché d’architecture, d’ingéniosité ou alors lorsque
l’administration fait des enquêtes) ;
4- ceux industriels qui portent sur des biens et services plus importants que l’on trouve

117
dans les marchés de biens et services, que l’on trouve dans le commerce usuel. Il s’agit des
marchés dans lesquels généralement le cocontractant fabrique un produit spécial pour
l’administration. Exemple : les contrats d’armement passés par l’administration pour la
défense nationale. Le prix payé par l’administration en contrepartie de la prestation est un
élément important du marché car il permet de distinguer le marché de la concession.

Paragraphe 2 : Les contrats de louage de service


Les fonctionnaires de l’administration sont en principe dans une situation légale et
réglementaire. Mais l’administration peut également recourir à des agents contractuels par le
biais de contrat de louage de service. Dans ce cas, ces contrats se distinguent des marchés
même si dans ces cas, il y a prestation de service. En effet, dans les contrats de louage de
service, les prestations sont rémunérées par un salaire. Les agents contractuels de
l’administration (France) peuvent être utilisés en temps complet et leur contrat peut être un
contrat de droit public ou de droit privé. En réalité, le régime juridique du personnel
contractuel est très complexe. En effet ils sont régis par les termes de leurs contrats mais aussi
par les dispositions unilatérales édictées par l’administration.

Paragraphe 3 : Les marchés relatifs à la gestion d’un service public


L’administration peut recourir à plusieurs procédés pour faire fonctionner un service public
que ce soit un service public administratif (SPA) ou un service public industriel et
commercial (SPIC). Aussi l’administration peut assurer elle-même la gestion d’un service
public, c’est le cas de la régie ou de l’établissement public. L’administration peut également
confier le contrat à une personne privée. Dans le premier cas, on parle de régime direct. Dans
le second cas, c'est-à-dire lorsque l’administration décide de choisir un cocontractant, elle
peut choisir entre quatre principaux types de contrat : la concession, l’affermage, le marché
d’entreprise de travaux publics ou la régie intéressée.

A- La concession
C’est un contrat par lequel une personne publique, à savoir le concédant confie au
cocontractant (le concessionnaire) le soin d’exploiter après avoir procédé aux
investissements nécessaires un service public ou un travail public et lui reconnaît la
possibilité de se faire rémunérer en percevant sur les usagers de ce service ou de ce
travail public. Il faut distinguer deux types de contrat de concession : la concession du
service public et la concession des travaux publics. Mais les exemples de concession de

118
travaux publics sans service public sont rares. Alors qu’à l’inverse, il existe des concessions
de service public sans édification d’ouvrage public. A la fin du dix neuvième siècle, la
concession était un moyen pour attirer les capitaux privés vers la gestion des services publics.
Mais aujourd’hui, on se rend compte que certaines concessionnaires ont le statut de personnes
publiques.

B-L’affermage
Comme dans la concession, le cocontractant (le fermier) assume la responsabilité
financière de la gestion du service en se rémunérant sur les usagers. Mais à la différence
de la concession, dans le cas de l’affermage, la réalisation des ouvrages et des investissements
nécessaires au fonctionnement de ce service est assurée par l’administration avant la mise à la
disposition du fermier moyennant redevance. On rencontre souvent des contrats d’affermage
en matière de distribution d’eau. Dans le cas de l’affermage, le cocontractant supporte le aléa
lié à l’exploitation du service mais non celui qui est lié à la construction de l’ouvrage garantie
par l’Etat.

C -Le marché d’entreprise de travaux publics


Il s’agit d’un procédé contractuel moins connu et plus rarement utilisé. Comme la concession,
le marché d’entreprise de travaux publics implique la construction et l’exploitation d’un
ouvrage public par le cocontractant de la personne publique et son exploitation pendant
une période suffisamment longue pour lui permettre l’amortissement de ses
investissements. Mais à la différence de la concession, le titulaire du marché d’entreprise de
travaux publics, ne se rémunère pas sur les usagers. Mais il est directement rémunéré par la
collectivité publique qui le verse périodiquement une somme calculée en fonction des
prestations assurées.

D -La régie intéressée


Comme dans l’affermage, les frais de première installation sont assurés par la
collectivité publique. Mais à la différence de l’affermage, le cocontractant n’assume pas le
risque relatif à l’exploitation. La rémunération que l’administration verse à son cocontractant
est déterminée d’avance et elle est seulement majorée en fonction du bénéfice de
l’exploitation. C’est donc ce qui conduit à parler de régie intéressée.

119
Chapitre 2 : Les règles de formation des contrats administratifs
Trois principes fondamentaux dominent la passation des contrats administratifs : le respect de
la légalité, la poursuite de l’intérêt général et l’engagement rationnel des finances publiques.
De ce fait, la passation, la formation du contrat administratif est soumise à un régime
particulier qui se caractérise par une certaine contrainte. Ainsi par exemple, le droit
administratif des contrats limite sérieusement le principe de la liberté contractuelle de la
personne publique et l’égalité des cocontractants avec la personne publique. Le processus de
formation du contrat administratif passe généralement par trois grandes phases : le choix du
cocontractant de la personne publique ; la mise en forme du contrat ; la conclusion du contrat.

Section 1 : Le choix du cocontractant de la personne publique


Il existe plusieurs procédés de choix de la personne publique. Mais tout se caractérise par la
restriction de la liberté de l’administration. Cette restriction s’explique par des raisons liées à
la protection de l’intérêt général. En fonction de la marge de liberté dont bénéficie la personne
publique, on peut dire qu’il existe deux grandes procédures de choix du cocontractant de cette
personne publique : la procédure d’adjudication et la procédure de libre choix.

Paragraphe 1 : La procédure d’adjudication


L’article 63 du décret du 30 mai 2002 prévoit que « sont passés par adjudication, les
marchés portant sur des fournitures ou des travaux de type courant qui peuvent sans
inconvénient être livrés à la concurrence illimitée et dont il est possible de définir toutes les
spécificités dans les cahiers de charge avec une précision suffisante pour que les prestations
conformément aux cahiers de charge ne se différencient que par le prix demandé ».
En général, c’est une procédure qui ouvre une concurrence entre les candidats qui attribue
automatiquement le marché à celui qui consent à prendre le plus bas prix (article 25).
L’adjudication peut faire l’objet de plusieurs modalités. Ainsi aux termes de l’article 65 du
décret du 30 mai 2002 « elle peut être ouverte ». C’est le cas notamment lors que l’accès à la
concurrence est libre. « Elle peut être restreinte lorsque la personne publique choisit les
candidats admis à accéder à la concurrence. Elle peut être aussi sur coefficient lorsque les
candidats sont départagés en fonction des notes obtenues sur la base de coefficient attribué à
partir de la qualité ou du prix proposé par les différentes opérations constituées par le
contrat ».

120
Cette modalité a été supprimée par le décret du 30 mai 2002. Deux traits fondamentaux
permettent de caractériser la procédure d’adjudication : la mise en concurrence des candidats
et le choix automatique du candidat présentant les meilleures propositions.

A- La mise en concurrence des candidats


La procédure d’adjudication est régie au Sénégal par différents textes comme le Code des
Obligations de l’Administration en ses articles 24 et 34 et le décret du 30 mai 2002 en ses
articles 63 et 74. Dans l’ensemble, ces textes exigent d’une part la publicité de la mise en
concurrence et d’autre part le secret de la soumission.
En ce qui concerne la publicité, l’article 26 du Code des Obligations de l’Administration
prévoit « une information des intéressés sur l’ouverture de l’adjudication, sur les conditions à
remplir et sur le marché en concurrence. La sanction de l’inobservation de cette règle est
l’annulation du contrat. En effet, aux termes de l’article 28 du Code des Obligations de
l’Administration « les adjudications intervenues sans publicité suffisante est annulable à la
requête de toute ayant intérêt au déroulement normal des opérations ».
Quant au secret des propositions de prix, il permet de maintenir le principe de la concurrence.
Aux termes de l’article 32 du Code des Obligations de l’Administration « Le
soumissionnaire ne peut plus modifier ni retirer ses propositions en cours de procédure ».

B –La désignation automatique du cocontractant de la personne publique


Les soumissions sont lues publiquement et aux termes de l’article 33 du Code des
Obligations de l’Administration « l’attribution des marchés est faite aux meilleurs
offrants » (article 64 du décret du 30 mai 2002). Cependant le contrat n’est conclu par la
personne publique que lorsque l’adjudication aura été approuvée par l’autorité compétente. Le
décret du 30 mai 2002 déconcentre la procédure d’approbation du contrat. C’est seulement à
partir de ce moment que le soumissionnaire devient alors adjudicataire.

Paragraphe 2 : Les procédures de libre choix du cocontractant de la personne publique


Ces procédés se distinguent de la procédure de l’adjudication du fait que la personne publique
bénéficie de la plus grande liberté de choix. Elle consiste en deux modes de conclusion du
contrat administratif : d’une part les marchés sur appel d’offre et d’autre part les marchés de
gré à gré.

121
A- Les marchés sur appel d’offre
Aux termes de l’article 48 du décret du 30 mai 2002 « L’appel d’offre est le mode de
passation de marché par lequel l’autorité contractante choisie son cocontractant après un
appel public à la concurrence et l’ouverture des offres au cours d’une séance publique ».
L’appel d’offre peut être ouvert, restreint en deux étapes (prédilection) avec concours. C’est
une procédure qui est prévue à l’article 35 du Code des Obligations de l’Administration et
qui se déroule en deux phases :
 La première phase comme dans l’adjudication, elle correspond à la mise en concurrence
des candidats ;
 La deuxième phase permet de distinguer le marché sur appel d’offre et la procédure de
l’adjudication. En matière d’appel d’offre, la personne publique est en effet libre d’attribuer le
marché au cocontractant de son choix. Elle peut en effet faire intervenir d’autres critères que
des prix proposés par les candidats.
Le marché sur appel d’offre permet à la personne publique de prendre en considération de
tous les aspects des propositions (notamment ceux techniques) pour déterminer le
cocontractant. Le non-respect de ces conditions peut entraîner l’annulation du contrat (CE sn,
21 décembre 2002, Etat du Sénégal contre société africaine audit, Bulletin des Arrêts du
Conseil d’état 1998-1999, 2000, p.55)

B -Les marchés de gré à gré


Les marchés sont dits par entente directe ou de gré à gré lorsque l’autorité contractante
engage directement des discussions qui lui paraissent utiles avec les candidats de son
choix et attribue le marché au candidat qu’elle a choisi. Il s’agit d’une procédure prévue à
l’article 36 du Code des Obligations de l’Administration. La personne publique est
cependant tenue de respecter les conditions de publicité et de concurrence. Il s’agit d’une
procédure qui intervient en général dans des cas limitativement énumérés à l’article 76 du
décret du 30 mai 2002. Il s’agit de cas où le cocontractant en général se trouve dans une
situation de monopole ou que le contrat intervient dans un domaine complexe. En définitive,
chacune des procédures de formation, de passation des contrats présente des avantages et des
inconvénients. Seulement l’exécution et le contrôle des contrats administratifs ont conduit à
des dérivés auxquels le nouveau Code des marchés publics tente d’apporter un terme.

122
Section 2 : La forme des contrats administratifs
Aux termes de l’article 56 du Code des Obligations de l’Administration « La forme des
contrats est librement déterminée par les parties sauf lorsque la loi impose des modalités
obligatoires ». Ainsi selon l’article 54 du Code des Obligations de l’Administration
« Lorsque la loi n’impose pas l’adoption de la forme écrite, les parties peuvent être engagées
contractuellement par des accords non-rédigés ». Parmi les contrats devant remplir certaines
modalités obligatoires figurent les marchés publics et les contrats de concession. Ces contrats
doivent être obligatoirement conformes à certains documents comme les cahiers de charge.
Ces cahiers de charge posent deux problèmes majeurs : d’une part la détermination de leur
contenu et d’autre part la nature juridique de leur disposition.

Paragraphe 1 : Le contenu des cahiers de charge


De façon générale, le cahier de charge est un ensemble de document administratif qui
détermine les conditions du contrat. Ainsi le contrat administratif est souvent un contrat
d’adhésion dans la mesure où les conditions générales sont préétablies et le cocontractant ne
peut que les accepter ou les rejeter. Aux termes de l’article 21 du décret du 30 mai 2002 « Il
existe plusieurs types de cahiers de charge des marchés publics notamment trois :
 d’abord le cahier de clause administrative générale » : ce sont des documents qui fixent
les dispositions applicables à tous les marchés portant sur une même nature, même catégorie.
C’est un document élaboré par la commission nationale des contrats de l’administration en
rapport avec les ministres et qui est approuvé par décret ;
 « ensuite le cahier des clauses techniques générales » : ce sont des documents qui fixent
les conditions et spécifications techniques applicables à tous les marchés de même nature.
C’est un document élaboré par la commission nationale des contrats de l’administration en
rapport avec les départements ministériels concernés ;
 « enfin le cahier des prescriptions spéciales » : ce sont des documents qui fixent les
dispositions applicables à chaque marché et qui comportent si nécessaire des dérogations par
rapport aux autres cahiers. Il est élaboré par l’autorité contractante. L’article 300 du Code
des Obligations de l’Administration précise que « Les cahiers de charge type et les
règlements types concernant les services locaux sont approuvés par décret ».

123
Paragraphe 2 : La nature juridique des cahiers de charge
Les cahiers de charge sont des documents élaborés de façon unilatérale par les différents
ministères en association avec les différentes commissions nationales. Mais ils sont
incorporés au contrat. Dès lors se pose le problème de leur régime juridique. L’intérêt de la
détermination de la nature juridique des cahiers de charge, c’est que selon leurs dispositions
auront un caractère réglementaire ou contractuel, ils seront susceptibles ou non de recours
pour excès de pouvoir. La solution à ce problème est différente selon le type de contrat
administratif. Ainsi pour les marchés administratifs, on considère que les dispositions des
cahiers de charge ont une nature contractuelle. Alors que pour les contrats de concession, elles
ont une nature réglementaire.

A –La nature contractuelle des dispositions des cahiers de charge des marchés publics
On pourrait tenter de caractériser ces cahiers de charge par trois traits fondamentaux :
- d’abord ce sont des documents élaborés unilatéralement par l’administration ;
- ensuite certaines de leurs dispositions sont parfois imposées à la personne publique
contractante ;
- enfin leur modification par l’administration est possible pendant que le contrat est encore en
cours d’exécution.
Malgré ces caractères qui renforcent son origine unilatérale, les dispositions contenues dans
les cahiers de charge sont considérés comme ayant un régime contractuel du fait que le contrat
une fois conclu, elles tiennent lieu de loi aux parties. EIles deviennent en effet un élément du
sans incidence sur les dispositions du contrat.

B –La nature réglementaire de certaines dispositions du cahier de charge des contrats de


concession
Le contrat de concession se distingue fondamentalement des autres contrats administratifs par
le fait qu’il est directement lié au fonctionnement et à l’organisation de la gestion du service
public. L’autorité administrative garde dès lors un droit de regard sur l’exploitation du service
public. C’est ce qui fait la spécificité des cahiers de charge des contrats de concession. Cette
spécificité s’exprime à travers le caractère réglementaire des clauses relatives à l’organisation
et au fonctionnement du service public (CE fr, 21 décembre 1906, Syndicat de
propriétaires et contribuables du quartier croix de Seguey-Indi).
En revanche, les clauses relatives à l’équilibre financier du contrat sont considérées comme
ayant un caractère contractuel.

124
Section 3 : La conclusion des contrats administratifs
Aux termes de l’article 42 du Code des Obligations de l’Administration « Le contrat
administratif est conclu lorsque l’accord des volontés est réalisé ». En ce qui concerne la
personne publique, l’engagement de volonté doit obéir à certaines conditions. Il doit non
seulement être fait par l’autorité compétente mais le contrat doit aussi obéir aux règles de la
comptabilité.

Paragraphe 1 : La signature du contrat administratif


Aux termes de l’article 47 du Code des Obligations de l’Administration « Le contrat
administratif doit être signé par l’autorité administrative habilitée à engager la personne
morale de droit public ». Il s’agit donc pour l’Etat, des ministres en général qui signent les
contrats, pour la région, le président du conseil régional, le maire, pour la communauté rurale,
le président du conseil rural. Mais ce principe connaît quelques assouplissements parmi
lesquels on peut en retenir trois :
- Tout d’abord l’autorité administrative compétente peut déléguer ses pouvoirs (à un
subordonné).
- Ensuite les textes prévoient parfois une autorisation préalable lorsque le contrat atteint une
certaine importance. Ainsi par exemple, les contrats de concession doivent avoir l’autorisation
du Président de la République. De même les marchés nécessitent un avis de la part de la
commission nationale du contrat avant leur approbation.
- Enfin, les textes précisent parfois la nécessité d’une approbation avant son entrée en vigueur.
C’est le cas par exemple des contrats qui atteignent un certain montant ou alors des contrats
passés par les collectivités décentralisées. Aux termes de l’article 205 du décret du 30 mai
2002 « Les autorités compétentes pour approuver les contrats administratifs sont le Premier
Ministre pour les montants supérieurs à de 300 millions ; le Ministre chargé des finances
pour les contrats d’un montant égal ou supérieur à ; le Ministre dépensier pour les contrats
d’un montant supérieur ou égal à 30 millions ». L’irrespect de ces règles de compétence est
sanctionné par la nullité absolue par l’article 47, dernier alinéa du Code des Obligations de
l’Administration.

Paragraphe 2 : Le respect des règles de comptabilité


Les contrats administratifs doit respecter les règles de la comptabilité dans la mesure où ils
engagent les finances publiques. Cela veut dire que le contrat administratif doit correspondre
à des crédits budgétaires pour son exécution. Mais selon l’article 17 du Code des

125
Obligations de l’Administration (article 6 du décret du 30 mai 2002) «La violation de
cette obligation n’est pas opposable au cocontractant de la personne publique ». Cependant
cet article 17 a été abrogé par l’article 18 de la loi du 20 juin 1972 qui fait du respect des
règles de la comptabilité une condition de validité du contrat administratif. Dès lors leur
violation entraîne la nullité absolue du contrat (Cour d’appel de Dakar, 24 mars 1972, Etat
du Sénégal contre Beuaz, Annales africaines 1975, p. 42).

Chapitre 3 : L’exécution et le contentieux des contrats administratifs


L’originalité des règles qui régissent l’exécution des contrats administratifs s’explique par le
fait qu’elles sont souvent en relation avec le service public. Cette originalité trouve son
fondement dans l’idée de service public qui anime l’ensemble des dispositions du Code des
Obligations de l’Administration surtout celles qui sont consacrées à l’exécution
administrative. Elle se manifeste tout d’abord par la forme du pouvoir exorbitant de
l’administration, dans la continuité du contrat, corrélativement, le cocontractant de la
personne publique de garanties sous forme de contrepartie. En plus lorsqu’un litige apparaît à
l’occasion de l’exécution du contrat, le droit administratif y apporte des solutions.

Section 1 : Les prérogatives de l’administration


A l’occasion de l’exécution du contrat administratif, l’administration bénéficie des
prérogatives exorbitantes de droit commun. Ces prérogatives constituent une limite au
principe de droit privé de l’égalité des parties, de la force obligatoire des dispositions
contractuelles et leur immutabilité. Ces pouvoirs peuvent être prévus dans le contrat. Mais la
personne publique peut aussi les exercer même en dehors de tout texte. Ces pouvoirs sont
généralement au nombre de quatre :
- un pouvoir de direction de contrôle ;
- un pouvoir de modification unilatérale ;
- un pouvoir de sanction ;
- un pouvoir de résiliation unilatérale du contrat.

Paragraphe 1 : Le pouvoir de direction et de contrôle


En droit privé, l’exécution du contrat se fait en principe sous la responsabilité de chacune des
parties. Même en droit administratif, le cocontractant de l’administration est en général libre
dans le choix des moyens de l’exécution des contrats. Cependant, la personne publique
dispose d’un pouvoir de direction, de vérification et de contrôle sur les opérations d’exécution

126
du contrat administratif (article 108 du Code des Obligations de l’Administration). Ainsi la
personne publique peut intervenir par des offres de service que le cocontractant est tenu
d’exécuter. Mais ce pouvoir varie selon l’objet du contrat.

Paragraphe 2 : Le pouvoir de modification unilatérale


Il constitue une des originalités les plus remarquables de l’exécution des contrats
administratifs. Ces conditions d’utilisation et même sa consécration jurisprudentielle ont
causé problème.

A –La consécration du pouvoir de modification unilatérale


La doctrine classique avait posé le principe de la mutabilité des contrats administratifs. C’est
en effet dans les nécessités d’adaptation et de continuité du service public que cette mutabilité
trouvait son fondement. Ainsi l’article 109 du Code des Obligations de l’Administration
prévoit que « Par suite d’un changement de circonstance ou pour mieux poursuivre la
satisfaction de l’intérêt général, la personne publique peut mettre à la charge de son
cocontractant des obligations non prévues au moment de la conclusion du contrat
administratif » (CE fr, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Delville-Rouen,
GAJA ; CE fr, 21 mai 1910, Compagnie générale française de tramways, GAJA).
Il a été admis que l’administration bénéficiait de ce pouvoir même en l’absence de texte ou de
dispositions contractuelles en ce sens. Mais ce pouvoir de modification unilatérale tel qu’il
était présenté, a été contesté par une partie de la doctrine qui considérait qu’il n’avait pas été
consacré par la jurisprudence et qu’il ne constitue pas une urgence ou qu’il correspond à une
nécessité pour le service public. Pour ces auteurs, ce n’est récemment que le conseil d’état en
a fait une règle dans le silence du droit des contrats administratifs en reconnaissant son
existence même dans le silence du contrat (CE fr, 02 février 1983, Union des transports
publics urbains et régionaux, RDP 1984, p.223).

B –Les modalités d’exercice du pouvoir de modification unilatérale


L’exercice de ce pouvoir est circonscrit dans les limites bien précises.
- 1ère les modifications du contrat doivent être justifiées par des urgences du service public ;
- 2ème les modifications doivent porter sur des clauses relatives au fonctionnement du service
public ;
- 3ème les modifications ne doivent entraîner une dénaturation du contrat ;

127
- 4ème les modifications ne doivent pas porter atteintes au principe de l’équilibre financier du
contrat.

Paragraphe 3 : Le pouvoir de sanction


Dans les cas de manquement du cocontractant à ses obligations, la personne publique
bénéficie d’un pouvoir de sanction unilatérale après une mise en demeure (article 81 du
Code des Obligations de l’Administration). Ces sanctions sont nombreuses et variées.
Certaines peuvent être prévues au contrat alors que d’autres trouvent leur fondement dans la
nécessité d’assurer la continuité du service public (article 78 du Code des Obligations de
l’Administration).Aux termes de l’article 82 du Code des Obligations de l’Administration
« Les sanctions peuvent être pécuniaires (sous la forme de pénalités), elles peuvent être
également coercitives notamment par la substitution d’une autre personne au cocontractant
défaillant (article 84 du Code des Obligations de l’Administration), elles peuvent être
résolutoires par la résiliation, sanction en cas de faute grave (article 87 du Code des
Obligations de l’Administration) ». Cependant en matière de contrat de concession, la
résiliation ne peut être prononcée que par le juge.

Paragraphe 4 : Le pouvoir de résiliation unilatérale du contrat


Même en l’absence de toute faute commise par le cocontractant dans l’intérêt du service
public, la personne publique peut procéder à la résiliation du contrat administratif. Aux
termes de l’article 137 du Code des Obligations de l’Administration « Ce pouvoir existe au
profit de la personne publique même en l’absence de texte ». Il correspond donc à un pouvoir
discrétionnaire. Cela signifie que le juge vérifie l’existence des motifs, d’intérêt général
susceptible de justifier la résiliation. Mais il n’apprécie pas leur valeur et ne contrôle pas
l’inutilité du contrat par rapport au service public. Cette résiliation aux termes de l’article 107
du Code des Obligations de l’Administration entraîne une indemnisation du cocontractant
de l’administration.

Section 2 : Les garanties financières du cocontractant


Le cocontractant de l’administration subit souvent des conséquences dommageables des
prérogatives de cette personne publique. Mais en contrepartie, la jurisprudence reconnaît à
son profit un droit à l’équilibre financier du contrat. Ainsi, malgré les pouvoirs de
l’administration, la jurisprudence veille au maintien de l’équation financière du contrat c'est-

128
à-dire à l’équilibre entre les avantages et les inconvénients du cocontractant. Ce droit du
cocontractant à l’équation financière du contrat se manifeste de deux manières :
- D’abord le cocontractant peut demander au juge de résilier le contrat lorsque l’équilibre est
rompu à son détriment (article 134 du Code des Obligations de l’Administration) ;
- Ensuite le cocontractant peut exiger des indemnités, soit parce que l’administration a
commis une faute, soit parce que l’administration lui a causé un dommage (article 76 ; 95 et
113 du Code des Obligations de l’Administration).
L’obligation pour l’administration de rétablir l’équilibre financier du contrat existe dans
plusieurs cas consacrés par la jurisprudence française et repris par le Code des Obligations
de l’Administration. Il s’agit d’une obligation résultant essentiellement de quatre faits
nouveaux : le fait de prince, l’imprévision, la force majeure et les suggestions imprévues.

Paragraphe 1 : La théorie du fait de prince


Au sens large, il y a fait de prince lorsque l’administration prend une décision ayant
pour effet e rendre plus onéreuse, pour le cocontractant, l’exécution du contrat. Le
Code des Obligations de l’Administration précise que cette hypothèse aux articles 113 et
116 mais sans employer l’expression consacrée. Le fait de prince qui correspond à un aléa
administratif a évolué dans sa définition. Il produit des conséquences spécifiques quant au
droit du cocontractant de la personne publique.

A – Les conditions d’existence du fait de prince


La décision administrative constitutive du fait de prince pouvait initialement émaner soit de
la personne publique contractante, soit d’une autre personne publique. Actuellement, ne sont
considérés comme donnant lieu au fait de prince que les mesures de l’autorité administrative
contractante, les autre relevant de l’imprévision. Le fait de prince exige la réunion de trois
conditions à savoir :
 il doit y avoir une utilisation par l’administration de son pouvoir de modification
unilatérale
 la mesure prise doit avoir une portée particulière sur le cocontractant. En effet aux
termes de l’article 116 « La mesure doit avoir un caractère particulier et ne pas
correspondre à une charge publique ».
 lorsque la mesure est générale, elle doit modifier l’état des choses en fonction duquel
les cocontractants avaient signé le contrat. Cela signifie que la mesure doit porter une atteinte
indirecte sur les stipulations contractuelles.

129
B – Les effets juridiques du fait du prince
Ces effets sont doubles :
 1er : poursuite de l’exécution du contrat par le cocontractant de la personne publique
dans la mesure où il n’existe pas de force majeure ;
 2ème : le cocontractant a droit à une réparation intégrale de ce préjudice subi de ce fait
(article 116 du Code des Obligations de l’Administration). En effet, la réparation de l’aléa
administratif couvre aussi bien le préjudice subi que le manque à gagner. Le préjudice doit
cependant être direct et certain. C’est comme si à partir d’une responsabilité sans faute, il
s’agissait de répartir l’équilibre financier du contrat.

Paragraphe 2 : La théorie de l’imprévision


On dit qu’il y a imprévision lorsqu’un fait imprévisible pour les parties lors de la
signature du contrat vient bouleverser l’équilibre du contrat en rendant son exécution
beaucoup plus onéreuse. Cette construction jurisprudentielle trouve son origine dans un arrêt
du conseil d’état français (CE, fr, 30 mars 1916, Comppagnie générale d’éclairage de
Bordeaux, GAJA, n°32). Cette théorie a été reprise à l’article 121 du Code des obligations
de l’Administration. Elle s’applique généralement aux contrats de longue durée à l’occasion
de l’exécution desquels de faits nouveaux peuvent bouleverser l’économie du contrat. En
contrepartie, le droit administratif reconnaît au cocontractant de l’administration à un droit à
indemnité lorsque certaines conditions sont remplies.

A – Les conditions d’application de la théorie de l’imprévision


Les conditions sont au nombre de trois :
1ère : elle est relative à l’aléa : l’événement qui provoque l’imprévision doit avoir un
caractère anormal et imprévisible. Aux termes de l’article 123 du Code des obligations de
l’Administration « Il doit s’agir d’un événement déjouant tous les calculs que les paries ont
pu faire au moment de la passation du contrat ». Ainsi cet événement peut avoir un caractère
économique (exemple : une hausse inattendue du prix ou une dépréciation monétaire, une
crise économique), mais aussi un caractère naturel (exemple : un séisme violent).
2ème : elle est relative au cocontractant : l’événement doit être indépendant de la volonté du
cocontractant de l’administration.
3ème : elle relative aux conséquences de l’aléa : l’événement doit entraîner un
bouleversement de l’exécution du contrat et créer une situation extracontractuelle de déficit

130
important pour le cocontractant (article 125 du Code des obligations de l’administration).
Le bouleversement doit atteindre un certain seuil et donc revêtir un caractère fondamental.

B – Les effets juridiques de la théorie de l’imprévision


Tout comme les conditions d’existence, les effets juridiques de l’imprévision sont au nombre
de trois.
1er : aux termes de l’article 127 du Code des obligations de l’Administration
« L’obligation de poursuivre l’exécution du contrat demeure à la charge du cocontractant de
l’administration ».
2ème : l’administration doit contribuer à l’indemnité d’imprévision due à son cocontractant à
titre de compensation financière. Cette obligation de participation de l’administration (prévue
à l’article 129 du Code des Obligations de l’Administration) trouve son fondement dans la
nécessité de maintenir l’équilibre financier du contrat et se traduit par une prise en charge
partielle du déficit.
3ème : les effets de l’imprévision sont temporaires. En effet, la théorie de l’imprévision a pour
but le rétablissement de l’équilibre financier du contrat momentanément rompu. Aux termes
de l’article 130 du Code des Obligations de l’Administration « Si le retour à une situation
normale n’est possible, une des paries peut demander la résiliation du contrat ». En pratique,
la théorie de l’imprévision ne joue pas fréquemment car les contrats de longue durée
prévoient généralement des clauses de révision dans les cas de variations de prix.

Paragraphe 3 : La force majeure


C’est un événement extérieur, imprévisible et indépendant de la volonté des contractants
et rendant l’exécution du contrat impossible. Lorsque les conditions exigées sont remplies,
la force majeure a pour effet de dégager le cocontractant de l’administration de l’obligation de
poursuivre l’exécution du contrat (article 90 du Code des Obligations de l’Administration).

A – Les conditions d’existence de la force majeure


La force majeure exige des conditions très strictes qui sont au nombre de trois :
La 1ère : c’est qu’il doit s’agir d’un fait indépendant de la volonté du cocontractant. En
effet il ne doit ni l’avoir voulu, ni l’avoir suscité.
La 2ème : il doit s’agir du résultat d’un fait imprévu et imprévisible. La jurisprudence est
extrêmement rigoureuse sur l’interprétation de cette condition.

131
La 3ème : le fait doit rendre l’exécution du contrat absolument impossible. Ce qui signifie
que de simples difficultés d’exécution du contrat ne sont pas constitutives de force majeure
(CE fr, 29 janvier 1909, Compagnie des messageries maritimes, GAJA, n°20 ; CE fr, 09
décembre 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg, GAJA n°50).

B – Les effets de la force majeure


Lorsque ses conditions, la force majeure libère le cocontractant de l’administration de
l’obligation d’exécuter le contrat. Dans ce cas non seulement sa responsabilité n’est pas
engagée mais en outre il peut demander la résiliation du contrat (article 92 du Code des
Obligations de l’Administration). Mais si le contrat n’est pas résilié, l’obligation de
poursuivre son exécution peut réapparaître avec la disparition de la force majeure.

Paragraphe 4 : Les sujétions imprévues


Aux termes de l’article 118 du Code des Obligations de l’Administration « Constitue une
sujétion imprévue le fait matériel extérieur au contractant qui ne pouvait raisonnablement
envisager au moment de la conclusion du contrat et qui entraîne une difficulté anormale
d’exécution ». Ainsi les sujétions imprévues présentent quelques analogies avec l’imprévision
mais s’en distinguent tout de même tant du point de vue leurs conditions d’existence que de
leurs effets.
 En ce qui concerne les conditions d’existence : les sujétions imprévues sont
généralement le résultat d’un fait matériel c'est-à-dire un obstacle physique à l’exécution du
contrat (exemple : la découverte d’une nappe d’eau-métro). Les sujétions imprévues doivent
entraîner une simple difficulté qui peut être anormale. Alors que les cas de l’imprévision,
l’événement doit revêtir un caractère de bouleversement fondamental dans l’exécution du
contrat.
 S’agissant des effets : les sujétions imprévues entraînent une prise en charge totale par
l’administration de l’indemnité accordée au cocontractant comme dans le cas du fait de prince
contrairement aux effets de l’imprévision (article 120 du Code des Obligations de
l’Administration).

Section 3 : La fin et le contentieux des contrats administratifs


Aux termes de l’article 131 du Code des Obligations de l’Administration « Le contrat
prend fin normalement lorsque les obligations ont été intégralement exécutées ». Le Code des
Obligations de l’Administration considère que le contrat est exécuté soit lorsque son objet est

132
réalisé, soit lorsque sa durée est expirée. Mais le contrat peut prendre fin également par suite
du décès ou de la faillite du cocontractant de l’administration, par résiliation conventionnelle
c'est-à-dire d’un commun accord entre les cocontractants. Cependant le droit des contrats
administratifs connaît d’autres modalités spécifiques par lesquelles ses contrats peuvent
prendre fin. De même les litiges relatifs au contrat administratif obéissent à un contentieux
spécifique différent de ceux des actes administratifs unilatéraux.

Paragraphe 1 : La fin des contrats administratifs


Les contrats administratifs peuvent prendre fin selon plusieurs modalités dont deux sont
spécifiques au droit administratif.
La 1ère : c’est la résiliation anticipée et unilatérale des contrats administratifs par
l’administration : l’administration a en effet la possibilité d’intervenir pour résilier un
contrat administratif, soit pour sanctionner une faute commise par son cocontractant (article
136 du Code des Obligations de l’Administration), soit lorsque l’intérêt général l’exige
(article 137 du Code des Obligations de l’Administration), soit en cas de force majeure
(article 92 du Code des Obligations de l’Administration).
La 2ème : la résiliation par le juge du contrat : selon l’article 134 du Code des Obligations
de l’Administration « Le juge peut intervenir sur demande des parties pour mettre fin au
contrat dans quatre hypothèses :
- lorsque le rétablissement de l’équilibre du contrat est devenu impossible à la suite d’un
bouleversement économique ;
- lorsque l’administration n’exécute pas ses obligations contractuelles ;
- lorsque l’administration refuse d’utiliser son pouvoir de sanction unilatérale à l’égard du
cocontractant ;
- lorsque l’administration dépasse les limites de modification pouvant être apportées au
contrat. ».

Paragraphe 2 : Le contentieux des contrats administratifs


Le mode normal de résolution des litiges des contrats administratifs c’est le contentieux
contractuel de pleine juridiction. Cependant, les litiges relatifs au contrat administratif
peuvent parfois à certaines conditions faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

133
A – Le contentieux de pleine juridiction
Aux termes de l’article 139 du Code des Obligations de l’Administration « Les tribunaux
régionaux sont compétents pour connaître du contentieux du contrat administratif ». C’est
donc le juge de plein contentieux qui est compétent pour connaître la validité et l’exécution
des contrats administratifs. Il dispose d’un pouvoir d’interprétation, d’annulation, de
résiliation et de condamnation des parties au contrat (CE sn, 31 mars 1999, Ndeye Fatou
Madior FALL contre Etat du Sénégal, Bulletins des Arrêts du conseil d’état 1998- 1999-
2000, p.6). En dehors des usages et des personnes, des contrats concédés, seules les parties au
contrat peuvent saisir le juge du contrat.

B – Le recours pour excès de pouvoir


Rappeler deux règles classiques en la matière : en droit sénégalais, notamment le contrat
administratif ne peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. En outre le contrat
administratif ne peut servir pas de fondement à un recours pour excès de pouvoir contre un
acte pour la violation de ce contrat. Il est cependant possible d’invoquer à l’appui d’un
recours pour excès de pouvoir l’illégalité d’un contrat. La jurisprudence française sur le
contentieux des contrats a évolué. Tout d’abord, cette jurisprudence a retenu la recevabilité du
recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat (CE fr, 04 août 1905,
Martin, GAJA, n°16 ; CE sn, 27 avril 2000, El Hadj DIOP et Jack HENDERSON contre
Etat du Sénégal, Bulletins des Arrêts du conseil d’état, 1998-1999- 2000, p.16). Cette
solution a été reprise à l’article 140 du Code des Obligations de l’Administration. Mais la
jurisprudence française donne une définition large à la notion d’acte détachable. Quant à
l’article 140 du Code des Obligations de l’Administration, il donne une énumération. Il
s’agit de l’autorisation de contracter, la décision de contracter ou de ne pas contracter,
l’approbation du contrat, l’opération d’adjudication, l’acte de conclusion du contrat ou le
refus de conclure.
Mais en fait, ce recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables est largement
ouvert au profit des tiers qui ne disposent pas de recours devant le juge du contrat que les
parties au contrat. Lorsqu’un acte détachable du contrat est annulé, le contrat subsiste mais il
connaît en ce moment une vie précaire. Les parties peuvent en effet demander au juge du
contrat son annulation. Ainsi selon la jurisprudence française, le juge du contrat est tenu
lorsqu’il est saisi par les parties au contrat de tirer d’office les conséquences sur la validité du
contrat, de l’annulation de l’acte détachable prononcé par le juge de l’excès de pouvoir (CE
fr, 1er octobre 1993, Société le Yath club inter de Bornes-Les Limosas, AJDA 1993, p.

134
810). De même l’annulation de la décision de passer un contrat impose à l’administration de
saisir le juge du contrat d’une demande tendant à la résolution judiciaire de ce contrat (CE fr,
07 octobre 1994, Epoux LOPEZ, revue française du droit administratif 1994, p. 1090).
Ensuite, plus récemment le conseil d’état français a franchi un pas nouveau dans le sens de
l’ouverture pour excès de pouvoir contre les contrats administratifs (CE fr, 10 juillet 1996,
Cayseele, AJDA 1996, n° 10, p. 807 ; CE fr, 30 octobre 1998, Ville Lisieux, JCP édition
générale 1998, n° 10, p. 476).

Quatrième partie : Le principe de la légalité


« Que l’Etat lui-même accepte de se considérer comme lié par le droit, cela mérite
l’étonnement ». Il peut paraître, en effet paradoxal de voir l’administration détentrice d’une
partie de souveraineté étatique se soumettre au droit c'est-à-dire à un contrôle juridictionnel
qui sanctionne ses activités. Cette situation de soumission de l’administration au droit n’a
cependant été acquise que de manière progressive et elle se poursuit encore aujourd’hui
notamment dans les pays en voie de développement. Historiquement, on est parti d’une
situation où l’administration arbitrait elle-même ses conflits avec les particuliers c'est-à-dire
où elle était juge et partie. Dans cette situation, l’administration n’était pas soumise au droit et
cette situation correspond à ce l’on appelle l’Etat de police. Ensuite, on est arrivé à la situation
où les litiges entre l’administration et les particuliers étaient jugés par un organe extérieur,
indépendant et neutre par rapport aux parties. Dans cette situation, l’administration était
soumise au droit créé par un organe juridictionnel. Cette situation correspondait donc à l’Etat
de droit.

Chapitre 1 : La consécration du principe de la soumission de l’administration au droit


La conquête de l’Etat de droit c'est-à-dire le passage de l’Etat de police à l’Etat de droit est
récent. En France, elle a été réalisée dans des conditions violentes dont on pourrait situer le
point de départ au dix huitième siècle. Une fois accepté, le principe de la soumission de
l’administration au droit a fait l’objet d’un formalisme juridique à travers certains textes et de
procédés techniques. Après leur accession à l’indépendance, des pays comme le Sénégal, ont
repris ce principe à leur compte.

135
Section 1 : L’avènement de l’Etat de droit
L’ancien régime en France correspond à l’exemple de l’Etat de police. C’est contre cet Etat de
police que la révolution de 1798 a été menée afin d’instaurer un Etat de droit.

Paragraphe 1 : L’Etat de police de l’ancien régime


On pourrait le définir comme étant un Etat où il existe une réglementation c'est-à-dire un
droit mais au profit exclusif de l’administration et non des administrés. Cela signifie que
le droit existant dans l’Etat de police sert à l’usage interne de l’administration et que les
administrés ne peuvent pas s’en prévaloir. Lorsque l’administration respecte le droit c’est
donc par simple convenance. Les particuliers ne peuvent pas s’opposer à sa violation. Cet
Etat de police, sous l’ancien régime, avait abouti à la confiscation des droits et libertés
individuels au profit aux seules classes favorisées. C’est cette situation socio-économique qui
va provoquer la Révolution française de 1789.

Paragraphe 2 : L’instauration de l’Etat de droit


L’essence même de la Révolution de 1789 était l’instauration et la promotion de la liberté
individuelle. Exemple : la liberté d’expression, de croyance, le droit de propriété, l’égalité
devant la loi. Il s’agissait d’un problème délicat qui se posait en des termes contradictoires :
1 – la nécessité de maintenir l’autorité de l’Etat,
2 – le souci de garantir les droits naturels des individus.
La solution à ce problème a été trouvée dans la construction d’un système juridique différent
de l’Etat de police c'est-à-dire un système où le droit constitue une limite au pouvoir de
l’administration. Ainsi donc la loi est devenue l’expression de la volonté générale et a été
définie de manière telle qu’elle sert de moyens d’actions à l’administration mais en même
temps de limite à son action. Quatre éléments fondamentaux permettent de caractériser cet
Etat de droit :
1 – c’est le principe de la supériorité de la loi ;
2 – c’est la consécration des droits et libertés individuels ;
3 – c’est l’ouverture du recours juridictionnel au profit des particuliers ;
4 – c’est l’aménagement de procédure spéciale pour réviser la Constitution.
Certains auteurs ajoutent un élément complémentaire à savoir la possibilité pour le juge de
ne pas adopter une loi contraire à la Constitution.
Ces différents principes ont été exprimés dans la Déclaration Universel des Droits de
l’Homme et du Citoyen de 1789, les Déclarations universelles des Droits de l’Homme de

136
l’Assemblée Générale de 1949. Ils sont également inspirés les Etats modernes et c’est dans
ce sens qu’ils ont été repris en Afrique.

Section 2 : La reprise du principe en Afrique


L’esprit qui caractérise l’Etat de droit se trouve dans les textes fondamentaux de pays
africains. En effet selon la formule de Raymond CARRE DE MALBERG « L’Etat de droit
c’est un Etat qui, en même temps qu’il formule les prescriptions relatives à l’exercice de la
puissance administrative, assure aux administrés comme sanction de ces règles un pouvoir
juridique d’agir devant une autorité juridictionnelle à l’effet d’obtenir l’annulation, la
réformation ou en tout cas la non application des actes qu’il aurait enfreint ».
Mais si ces principes ont été formellement consacrés, leur application effective pose un
problème en Afrique.

Paragraphe 1 : La consécration formelle des principes de l’Etat de droit en Afrique


Les textes fondamentaux des pays africains reprennent presque tous les principes de l’Etat de
droit. Le Sénégal, en ce qui le concerne, s’est rallié à la conception libérale de l’Etat de droit,
qui tend à assurer la liberté par le droit. Cette affirmation de l’attachement à la conception
libérale de l’Etat de droit au Sénégal apparaît par exemple à travers le préambule de la
Constitution, le Titre 2 de la Constitution intitulé « Droits et Libertés », Titre 8 de la
Constitution « Pouvoir judiciaire » et qui définit les procédés et mécanismes de garanties
juridictionnelles des droits affirmés. Le pouvoir judiciaire est considéré comme le gardien des
droits et libertés définis par la Constitution et la loi (article 91). Le conseil d’état est
également juge de l’excès de pouvoir des autorités exécutives (article 92 alinéa 4 de la
Constitution).

Paragraphe 2 : L’application insuffisante des principes de l’Etat de droit en Afrique


La conception et l’effectivité des principes de l’Etat de droit sont variables. De façon
générale, le droit positif des Etats africains ne témoignent pas le d’un degré satisfaisant
d’application des principes de l’Etat de droit au sens libéral, même si deux raisons principales
peuvent expliquer cet état de fait :
1 – L’absence de limitation de pouvoir : il faut rappeler que par crainte ou par ignorance ou
le pouvoir reste sacré dans la conscience collective africaine et un procès est perçu comme
infamant, d’où la faiblesse du contentieux administratif en Afrique

137
2 – La nécessité d’un pouvoir fort : les administrations africaines font officieusement une
fonction de stabilisation et de création de nations mais aussi de promotion du développement
économique et social. Ces deux fonctions justifiaient les pouvoirs exorbitants accordés aux
Etats africains. Ainsi par exemple le juge fait preuve d’une certaine timidité dans le contrôle
discrétionnaire ce qui risque de se traduire en pouvoir arbitraire. De même certains pouvoirs
appliquent des pouvoirs d’exceptions pendant des périodes anormalement longues.
Exemple : en Egypte, 60 ans d’application de la loi martiale ; 12 ans d’état d’urgence au
Nigéria ; plus de 10 ans d’état d’exception au Cameroun.

Chapitre 2 : Analyse du principe de la légalité


Le principe de légalité correspond à la soumission de l’administration au droit. Ce principe de
légalité se définit donc comme la qualité de ce qui est conforme à la loi. Lorsqu’on parle de
loi ici, il faut l’entendre au sens du droit en général. Pour cette raison, certains auteurs ont
tendance à l’appeler « principe de juridicité ». Ce principe signifie donc trois règles de
conduite pour l’administration :
 Tout d’abord l’administration doit fonder son action sur la règle de droit ;
 Ensuite, l’administration doit agir conformément à la règle de droit ;
 Enfin, l’administration doit assurer l’application de la règle de droit.

Section 1 : Le contenu du principe


Il s’agit ici d’une part de déterminer la règle de droit dont le respect s’impose à
l’administration et d’autre part, d’apprécier l’intensité d’application obligatoire qui pèse sur
l’administration. Ceci revient à se poser la question de l’identification des sources de la
légalité et la définition du rapport de légalité.

Paragraphe 1 : L’identification des sources de la légalité


Les règles dont le respect s’impose à l’administration et qui constituent les sources de la
légalité forment ce l’on appelle le bloc de la légalité ou la pyramide de la légalité. Ces
règles se présentent sous une forme ordonnée et hiérarchisée c'est-à-dire elles sont plus
nombreuses au fur et à mesure que l’on descend de l’ordonnancement juridique. Il est dès lors
nécessaire de procéder à leur classification. De ce point de vue, on peut retenir plusieurs
critères. On peut ainsi distinguer entre es sources écrites et les sources non écrites. De même,
on peut distinguer entre les sources extérieures à l’administration et les sources propres à

138
l’administration. Ce deuxième critère présente l’avantage de mettre en valeur la hiérarchie des
sources de la légalité.

A – Les sources extra-administratives de la légalité


Elles comprennent les règles juridiques extérieures à l’administration et dont le respect
s’impose à elle. Elles peuvent être écrites ou non écrites. Au total, elles sont au nombre de
quatre.

1 – Les traités internationaux


Aux termes de l’article 98 de la Constitution du Sénégal de 2001 « Les traités ou accords
régulièrement ratifiés ou approuvés, ont dès leur publication une autorité supérieure à celle
des lois sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie ».
Ces principes font des traités ou conventions internationaux une source de la légalité à une
triple condition de leur ratification ou approbation, de leur publication et de leur application
par l’autre partie (Cour suprême du Sénégal, 29 janvier 1975, Séga Seck FALL, Penant
1976, p. 415 ; GAJAS, Tome 1, p.414). Cependant les conventions internationales
rencontreraient deux limites fondamentales qui affectaient leur autorité comme source de la
légalité.
La 1ère limite : correspond à l’hypothèse où un acte administratif était conforme à une loi
elle-même postérieure un traité international. Dans ce cas, le juge se déclarait incompétent
pour apprécier la légalité de l’acte administratif par rapport au traité même si la loi était
contraire au traité international. La jurisprudence du conseil refusait de reconnaître la
primauté du traité international sur la loi nationale (Cour suprême du Sénégal, 29 janvier
1975, Séga Seck FALL, Penant 1976 ; GAJAS, Tome 1, p. 414 ; CE fr, 1er mars 1968,
Syndicat général des fabricants de semoule de France, AJDA 1968, p.237). En sens
contraire, on a un arrêt Cour de cassation 24 mai 1975, Administration des douanes contre
société des cafés de Jacques VABRE, Dalloz 1975, p.497). Cette jurisprudence de la cour de
cassation a été appelée théorie jurisprudentielle de l’écran législatif ou la loi écran. Elle
reposait sur une double explication :
La première : c’est que le juge administratif qui ne se considérait pas comme un juge de la
constitutionnalité des lois ;
Ensuite, la deuxième : l’article 10 des 16- 24 août 1990 interdirait aux tribunaux la
suspension de l’application de ces lois. Cette attitude du conseil d’état a été critiquée au plan
juridique et politique. Tout d’abord, affirmer la prévalence du traité international sur la loi

139
n’entraînait pas un contrôle de la constitutionnalité de cette loi. Ensuite, la jurisprudence
« Semoules » a entraîné cette dualité de jurisprudence aussi bien par rapport à la cour de
cassation qu’aux juridictions européennes. Plusieurs solutions avaient été alors proposées
pour mettre à terme à cette situation. C’est donc ainsi que par un arrêt d’assemblée, le conseil
d’état a opéré un revirement jurisprudentiel spectaculaire (CE Ass fr, 20 octobre 1989,
Nicolo, GAJA, p.102). Selon cette jurisprudence « Nicolo » qu’elle soit antérieure ou
postérieure aux traités internationaux, la loi s’efface devant lui lorsque ses dispositions sont
incompatibles à celles du traité. Ensuite
La deuxième limite : correspond à l’hypothèse où les dispositions d’un traité étaient
obscures. Dans ce cas, le juge administratif se déclarait incompétent pour renvoyer
l’interprétation des dispositions litigieuses, la question au ministre des affaires étrangères.
(Application de l’article 177 du traité de la Communauté européenne). Cette jurisprudence
se justifiait par trois raisons essentielles :
 D’abord d’un point de vue pratique, cette jurisprudence était fondée sur l’idée selon
laquelle le juge n’était pas bien placé pour interpréter un traité international du fait de son
manque d’information.
 Ensuite d’un point de vue juridique, étant considéré comme un acte bilatéral ou
multilatéral, ne pouvait être interprété unilatéralement par le juge administratif. Cette
interprétation risquait d’entraîner la responsabilité de l’Etat.
 Enfin, d’un point de vue politique, on considérait qu’en interprétant un traité
international, le juge risquait de s’immiscer dans les relations internationales de l’Etat.
Mais ces arguments ont été contestés et sur ce point aussi comme en ce qui concerne la
théorie de la loi écran législatif, le conseil d’état a procédé, opéré un revirement
jurisprudentiel spectaculaire (CE fr, 29 juin 1990, Groupe d’information et de soutien des
travailleurs émigrés, GAJA, n°104). Dans cet arrêt, le conseil d’état se déclare compétent
pour interpréter les dispositions litigieuses d’un traité international.

2 – La constitution
Elle reste la source directe et indirecte de toutes les compétences de l’Etat. Dès lors son
autorité comme source de la légalité ne fait pas de doute (Cour suprême du Sénégal, 21
février 1978, Parti démocratique du Sénégal, GAJAS, Tome 1, p.158). La valeur du
préambule comme source de légalité a posé problème et a été résolue par le conseil
constitutionnel français (Conseil Constitutionnel fr, 16 juillet 1971, Liberté d’association,

140
Grande Décision du Conseil Constitutionnel, n° 211). Cependant la constitution elle-même
comme source de la légalité rencontre deux limites qui affectent son autorité.
La première : elle correspond à l’hypothèse où le contenu de ses dispositions n’est pas précis
(CE fr, 07 juillet 1950, Dehaene, GAJA, n° 68).
La deuxième : correspond à l’hypothèse où un acte administratif est conforme à une loi, elle-
même postérieure à la Constitution. Même si cette loi est contraire à la Constitution, le juge
administratif refuse de contrôler la légalité de cet acte par rapport à la Constitution. C’est la
théorie jurisprudentielle de la loi écran qui est appliquée à la Constitution.

3 – La loi
Elle constitue l’une des sources les plus importantes de la légalité administrative. Mais d’un
point de vue matériel, on peut distinguer entre plusieurs lois : les lois ordinaires, organiques,
référendaires, les ordonnances prises par habilitation législative qui acquièrent la valeur
législative après leur ratification, les décisions du président de la république en application de
l’article 52 de la Constitution qui acquièrent la valeur législative après leur ratification, les
mesures législatives prises par le président de la république pour la mise en place des
institutions (article 106 de la Constitution de 2001).
Depuis la naissance des règlements autonomes, après la distinction du domaine de la loi de
celui du règlement, le problème de leur soumission à la loi s’est posé. La solution finalement
retenue est que ces règlements autonomes ne sont pas soumis à la loi. Mais un autre problème
peut naître de matière devenue règlementaire alors que des lois sont déjà intervenues dans ce
domaine. La réponse apportée à cette question a été affirmative. Le président de la république
peut cependant saisir le conseil constitutionnel pour déclarer ces lois et les ramener au rang de
règlements administratifs.

4 – Les règles d’origine jurisprudentielle


On distingue les principes généraux du droit des décisions de justice proprement dites
revêtues de l’autorité de la chose jugée. En ce qui concerne les principes généraux du droit, ils
sont nés à partir du rôle normatif du juge de l’administration. Il les crée à partir des textes
fondamentaux ou en les déduisant de l’esprit des institutions et des traditions juridiques.
Exemple : Déclaration des Droits de l’Homme.
On peut dénombrer quatre catégories de principes généraux de droit :

141
+ Les principes généraux du droit tirés du principe d’égalité : ce sont des principes qui
revêtent plusieurs aspects. Exemple : égalité devant la loi, devant les charges publiques,
devant le service public
+ Les principes généraux du droit ayant pour objet la sauvegarde des droits et libertés
des sénégalais : ce sont le droit de la défense, la liberté de commerce de l’industrie ;
+ Les principes généraux du droit relatifs à la sécurité des relations juridiques :
exemple : le principe de la non rétroactivité des actes administratifs, intangibilité des actes
administratifs unilatéraux ;
+ Les principes généraux du droit relatifs à l’organisation et au fonctionnement de
l’administration : la continuité du service public, la spécificité des établissements publics,
l’autonomie des personnes publiques, l’existence d’un pouvoir hiérarchique.
Plus récemment on a assisté à la naissance d’une deuxième génération de principes généraux
du droit relatifs aux droits économiques et sociaux (CE ass, 08 décembre 1978, Groupement
d’information et de soutien aux travailleurs étrangers « GISTI », GAJA, n° 96).
Le principe de la valeur juridique de ces principes généraux du droit a posé problème. Mais il
convient de distinguer selon qu’ils sont créés par le juge administratif ou par le juge
constitutionnel. Les premiers ont une valeur infra-législative et supra-décrétale alors que les
seconds ont une valeur constitutionnelle et s’imposent au législateur.
S’agissant des décisions de justice proprement dites, elles correspondent aux dispositions des
décisions de justice devenues définitives. Elles sont intégrées au droit positif et deviennent
une source de la légalité administrative revêtues de l’autorité de la chose jugée. Ces décisions
s’imposent à l’administration (CE fr, 26 décembre 1925, Rodière, GAJA, n°44).

B – Les sources administratives de la légalité


Les actes pris par l’administration s’imposent à elle-même et qui sont en effet une source de
la légalité administrative. Cette situation s’explique par l’autorité de la chose décidée. Deux
types d’actes pris par l’administration peuvent être une source de la légalité : d’une part les
actes administratifs unilatéraux et les actes administratifs bilatéraux ou les contrats
administratifs.

A – Les actes administratifs unilatéraux


Selon le principe de la chose décidée, l’administration doit respecter les actes pris par elle-
même tant qu’ils n’ont pas fait l’objet d’abrogation, de modification ou de retrait. Cette règle

142
s’explique par la nécessité de stabiliser les relations juridiques. Cependant, l’application de
cette règle rencontre deux difficultés fondamentales.
La première est relative à l’utilisation par l’administration de son pouvoir
réglementaire. C’est en principe le président de la république, qui est le titulaire du pouvoir
réglementaire. Cependant, il peut non seulement déléguer ses pouvoirs (article 50 de la
Constitution de 2001) mais en outre la jurisprudence française reconnaît aux ministres un
pouvoir réglementaire pour l’organisation de ses services (CE fr, 07 février 1936, Jamart,
GAJA). En plus le président de la république peut intervenir dans le domaine législatif dans
des hypothèses prévues aux articles 52, 77 et 106 de la Constitution de 2001). Ces mesures
prises en application des articles 52 et 77, contrairement à celles de l’article 106 constituent
une source de la légalité avant leur ratification.
Exemple : CE fr, 02 mars 1962, Rubin de Servens, GAJA, n° 87).
Dès lors on peut dire que le pouvoir réglementaire est difficile à localiser du fait de son
éparpillement.
La deuxième difficulté est relative à la hiérarchie des actes administratifs. La
hiérarchisation des administratifs parmi tous les actes pris par l’administration reste difficile.
Elle fait intervenir en effet trois critères : un critère organique, un critère matériel et un critère
organico-matériel.

2 – Les contrats administratifs


Ils sont parfois considérés comme une catégorie intermédiaire entre les sources
administratives et les sources extra-administratives de la légalité. Il s’agit en effet d’actes
passés par l’administration avec des personnes extérieures aux structures administratives.
Pourtant l’administration doit respecter ses actes bilatéraux. Les contrats administratifs
constituent une source particulière de la légalité administrative pour deux raisons :
La première c’est que le contrat servant de loi entre les parties, est exclu par certains
auteurs de la pyramide de la légalité.
La deuxième c’est qu’il est impossible d’attaquer un contrat par la voie du recours pour
excès de pouvoir ou de se prévaloir de sa violation à l’appui d’un recours.

Paragraphe 2 : Le rapport de légalité


Le problème est ici de savoir quel type d’obligations que le principe de légalité impose à
l’administration. Le problème de la légalité varie non seulement en fonction de l’importance
de l’acte en cause mais aussi de l’intensité de l’obligation de respecter des normes supérieures

143
par les normes inférieures. Cependant, de façon générale, le principe de légalité met à la
charge de l’administration deux types d’obligations : une obligation à contenu positif et une
obligation à contenu négatif.

A – Le contenu positif du rapport de légalité


Dans certains cas, le principe de légalité crée ou met à la charge de l’administration une
obligation d’agir c'est-à-dire la prise d’un acte administratif. Cette obligation d’agir au sens
juridique, est différent, le e de l’obligation d’agir au sens matériel. Dans un tel cas, le refus de
l’administration de prendre l’acte administratif, constitue une carence ou une inertie de
l’autorité administrative. Cette carence peut être considérée comme une illégalité ou même
une faute. Seulement il n’existe pas de principe général qui impose à l’administration une
obligation d’agir. Cette obligation existe seulement dans certains cas. Il en est ainsi par
exemple lorsqu’un texte le prévoit, ensuite lorsque la loi ou le règlement n’est pas
immédiatement applicable. Il en est de même lorsque les circonstances l’exigent. Cela signifie
que la prise de mesure de police nécessaire en cas d’urgence et de nécessité pour faire cesser
un péril résultant d’une situation dangereuse pour l’ordre public, est parfois une obligation
pour l’administration. Il en est enfin de même lorsqu’il s’agit de faire cesser une illégalité en
procédant à l’abrogation de certains actes illégaux (le boucher cf. abrogation des actes
administratifs unilatéraux).
Lorsque ces conditions sont remplies l’administration est tenue d’agir dans un délai
raisonnable. Il appartient au juge d’apprécier le caractère raisonnable du délai en fonction
des circonstances. On a quelques exemples : Président-- décret—non appliqué par le ministre
– intervention de l’administré---juge.

B – Le contenu négatif du rapport de légalité


Ce type de rapport signifie que l’administration ne doit pas violer le droit. Cette obligation à
contenu négatif est généralement interprétée dans deux sens.

1 – Le rapport de conformité
Dans ce cas, les modalités selon lesquelles l’autorité doit prendre son acte sont déterminées
par la norme supérieure. L’acte pris par l’autorité administrative doit avoir un contenu
conforme aux prescriptions de cette norme. Cette obligation est rappelée rapport de
conformité de reproduction. Ce rapport implique une subordination rigoureuse de l’acte
administratif à la norme supérieure. C’est le degré le plus élevé de la compétence liée.

144
2 – Le rapport de compatibilité
Dans ce cas, il suffit que l’acte administratif ne soit pas contraire à la norme supérieure, qui
constitue sa source. Il s’agit là d’une obligation plus exigée par le rapport de légalité. ce
rapport de compatibilité encore appelé rapport de non contrariété signifie que
l’administration ne peut édicter des actes administratifs contraires aux règles lui sont
supérieures. Mais il peut prendre tous les autres y compris ceux qui ne sont pas prévus par les
textes supérieurs. Ici le principe de légalité applique l’adage « tout ce qui n’est pas interdit,
est permis ».

Section 2 : La portée du principe de légalité


Une application trop stricte du principe de légalité pourrait aboutir à une paralysie de
l’administration. De ce fait, le droit administratif a envisagé des assouplissements et des
inflexions à ce principe de légalité. Mais ces aménagements sont circonscrits dans des limites
bien définies. Mais malgré tout, le principe peut être violé. Dans ce cas, l’acte illégal fait
l’objet de sanction.

Paragraphe 1 : Les assouplissements au principe de légalité


Deux grandes théories ont été élaborées par la jurisprudence française pour atténuer la rigueur
du principe de légalité. Il s’agit d’une part des circonstances exceptionnelles et d’autre part
des actes de gouvernement.

A – La Théorie des circonstances exceptionnelles


Selon cette théorie, certaines décisions administratives, qui seraient en temps normal illégales,
peuvent devenir légales dans certaines circonstances parce qu’elles apparaissent nécessaires
pour assurer l’ordre public. C’est une théorie qui est fondée sur l’idée que l’administration est
amenée parfois dans certains cas à agir pour faire face à des situations graves, difficiles ou
imprévisibles sans pouvoir respecter scrupuleusement les règles classiques de la légalité. Dans
ce cas, le juge adapte les règles traditionnelles de la légalité aux circonstances de fait en
redéfinissant les pouvoirs de l’administration (exemple : CE fr, 28 juin 1918, Heyriès,
GAJA, n° 33 ; CE fr, 28 février 1919, Dame Dol et Laurent, GAJA, n° 35).
Il existe une organisation légale des circonstances exceptionnelles consacrée par la loi du 29
avril 1969 au Sénégal.

145
1 – Les conditions d’applications de la théorie des circonstances exceptionnelles
La jurisprudence considère généralement qu’il y a circonstance exceptionnelle lorsque la
situation est grave et anormale et que l’administration est dans l’impossibilité de
respecter le droit alors qu’elle doit accomplir sa mission étatique. Il en est ainsi par
exemple en matière de maintien de l’ordre ou de fonctionnement des services publics. En
général, la jurisprudence exige trois conditions :
- Pour la première condition : c’est l’existence d’une situation anormale des
circonstances de temps graves et imprévues. Ces circonstances peuvent avoir un caractère
national ou local, réel ou potentiel. L’appréciation de cette situation se fait par le juge selon
les cas d’espèce et dépend de son pouvoir discrétionnaire. La jurisprudence est cependant de
plus en plus restrictive sur cette première condition.
- S’agissant de la deuxième condition : l’impossibilité pour l’administration d’agir
légalement
- Concernant la troisième condition : c’est la violation de la légalité doit se justifier par
l’intérêt général. L’action administrative doit être nécessaire et proportionnelle à la gravité
de la situation.

2 – Les effets de la théorie des circonstances exceptionnelles


De ce point de vue, il faut distinguer entre la théorie jurisprudentielle et l’obligation légale des
circonstances exceptionnelles.
En ce concerne la théorie jurisprudentielle, on peut dire que ces effets sont doubles. Tout
d’abord, les autorités administratives sont habilitées à prendre des décisions nécessaires y
compris celles qui sont déclarées illégales en temps normal.cf. affaires Heyriès, Dol et
Laurent. Ensuite la théorie peut aboutir à une transformation des agissements consécutifs de
voie de fait en simple illégalité. Mais deux remarques s’imposent. La première c’est que les
effets de la théorie ne sont valables que pendant la période exceptionnelle. La deuxième
c’est que seul l’acte en cause bénéficie du régime d’exception.
S’agissant de l’organisation des circonstances exceptionnelles, on distingue traditionnellement
deux cas : l’état d’urgence et l’état de siège prévus par la loi du 29 avril 1969 du Sénégal.
L’état d’urgence est proclamé par décret en cas d’atteinte grave à l’ordre public ou de
calamités. Dans ce cas les pouvoirs de police de l’administration sont étendus. Cela signifie
qu’elle peut procéder à des réquisitions, à des assignations à résidence, à la fermeture de lieux
de culte ou public. Quant à l’état de siège, il est aussi proclamé par décret dans des cas de

146
périls résultant par exemple d’une guerre. Dans ce cas, les compétences de l’autorité
civiles, en matière de maintien de l’ordre public sont transférées à l’autorité militaire.

B – Les actes de gouvernement


Ce sont des actes pris par l’autorité administrative centrales, les plus élevées et bénéficiant
d’une immunité juridictionnelle. Leur étude renvoie à deux questions fondamentales, d’une
part leur critère de définition et d’autre part leurs effets juridiques.

1 – La détermination des actes de gouvernement


Il n’existe pas de critères permettant de déterminer les actes de gouvernement. D’ailleurs, la
jurisprudence dans la recherche d’un critère de l’acte de gouvernement a évolué. Dans un
premier temps, on se fondait sur le mobile politique de l’acte mais ce critère a été abandonné
(CE fr, 19 février 1875, Prince Napoléon, GAJA, n° 3).
Aujourd’hui, on distingue deux grandes catégories d’actes de gouvernement. Tout d’abord,
les actes relatifs au rapport entre le gouvernement et les pouvoirs constitutionnels. Il en
est ainsi par exemple de la participation à l’initiative des lois. Il en est de même de l’acte
promulgation des lois, de la convocation des électeurs aux élections législatives, de même que
la décision de recourir à l’article 52 de la Constitution de 2001 du Sénégal (article 16 de la
Constitution française de 1958). La deuxième catégorie est relative à l’acte relatif aux
relations internationales. Exemple : acte de dénonciation ou de conclusion des traités, les
actes relatifs à l’exercice de la fonction diplomatique, ceux relatifs à la saisine d’une
juridiction internationale, enfin les actes relatifs à la conduite de la guerre.

2 – Les effets de la théorie des actes de gouvernement


Les actes de gouvernement bénéficient d’une immunité juridictionnelle absolue. Cela signifie
qu’il n’est pas possible d’intenter une action contre eux ni pour contester leur légalité, ni pour
engager la responsabilité de l’administration. Le juge reconnaît cependant sa compétence
pour connaître d’un acte détachable des rapports entre autorités publiques ou des relations
internationales, lorsque cette appréciation ne lui conduit pas à une immixtion dans les
relations internationales.

147
Paragraphe 2 : Les sanctions du principe de légalité
Lorsqu’un acte administratif viole le principe de légalité, il est illégal et peut faire l’objet
d’une annulation. Cette illégalité peut atteindre un seuil de gravité tel que l’acte devient
inexistant. Enfin, l’acte illégal peut engager la responsabilité de l’administration. Trois types
de sanctions peuvent intervenir en cas de sanction de la violation de la légalité par l’acte
administratif: l’annulation, la constatation de son inexistence et enfin la responsabilité de
l’administration.

A – L’annulation de l’acte administratif illégal


Cette annulation est prononcée par l’administration ou par l’autorité judiciaire. Lorsqu’elle
est le fait de l’administration, cette annulation s’appelle le retrait. Ce retrait peut émaner de
l’auteur de l’acte, de son supérieur hiérarchique ou de l’autorité de tutelle, mais dans ce
dernier cas, lorsqu’un texte le prévoit. Parmi les organes jurisprudentiels, on peut rappeler que
seul le conseil d’état est compétent pour annuler un acte administratif illégal. L’acte
administratif annulé est sensé n’avoir jamais existé. La nullité qui frappe l’acte illégal, est une
nullité absolue. Les rares cas de nullités relatives d’un acte administratif interviennent en
matière de contrat administratif ou lorsque l’acte a été pris dans l’intérêt exclusif de
l’administratif. Il faut distinguer entre les effets de l’annulation de l’acte dans le temps et dans
l’espace. Dans le temps, l’annulation de l’acte illégal a des effets rétroactifs. Ce qui signifie
que ses effets disparaissent pour le passé comme pour l’avenir. Dans l’espace, l’annulation de
l’acte illégal a des effets erga omes c'est-à-dire ses effets disparaissent à l’égard de tous.
Lorsqu’il n’est plus possible d’annuler un acte administratif illégal de façon directe, on peut
paralyser ses effets par la voie de l’exception d’illégalité.

B – La constatation de l’inexistence de l’acte administratif unilatéral


Dans certains cas, le juge considère que l’illégalité de l’acte est telle qu’il n’a aucune
existence juridique. Dès lors un tel acte ne peut pas produire d’effets juridiques.
Au sens juridique, l’acte inexistant ne peut pas se rattacher à l’exercice d’un pouvoir
administratif ou alors est considéré comme empiètement manifestement sur les compétences
d’une autre autorité (CE fr, 31 mai 1957, Rosan GIRARD, GAJA, n° 82).
Au sens matériel, l’acte inexistant est un acte considéré comme n’ayant jamais été pris. C’est
le cas des actes non juridiquement parfait.
Exemple : les actes non signés, les actes dont on ne trouve pas de trace.

148
L’acte dont l’inexistence est constatée, est donc nul et non avenu. Un tel acte ne peut créer de
droit et ne peut être définitif. Alors que seules les juridictions administratives sont
compétentes pour annuler un acte administratif en France. Dans le cas de l’acte inexistant, les
ordres de juridiction peuvent constater leur inexistence. De même les délais du recours
classique en matière d’annulation ne sont pas applicables à l’acte inexistant.

C –La responsabilité de l’administration


Dans une certaine mesure, les notions de faute et d’illégalité sont indépendantes. Il en est ainsi
par exemple lorsque le dommage résulte d’un fait matériel constitutif d’une faute et non d’une
illégalité. En revanche, lorsque le dommage résulte d’une décision c'est-à-dire d’un acte
administratif, les notions de faute et d’illégalité entretiennent des rapports étroits lorsque
l’acte est illégal. Cette illégalité entraîne une faute. En effet, toute décision illégale est
constitutive d’une faute que l’illégalité soit externe ou interne. La jurisprudence après
quelques variations, s’est stabilisée sur ce point. Cependant, il faut préciser que la faute que
constitue l’illégalité n’entraîne pas la responsabilité de l’administration. Ainsi, la
responsabilité de l’administration n’est pas engagée à la suite d’un acte illégal. D’abord
lorsque le motif invoqué étant inexistant, il en existe d’autres pour justifier la décision. De
même lorsque les vices de procédure ou de forme entachent l’acte administratif mais que
l’acte ait justifié au fond. Il en est de même lorsque la responsabilité de l’administration ne
peut être engagée que pour la faute lourde (CE fr, 19 juin 1981, Carliez, AJDA 1982, p.
103), lorsque l’acte dommageable est légal, il n’est pas constitutif d’une faute. L’absence
d’illégalité entraîne donc l’absence de faute.

Cinquième partie : La responsabilité de l’administration


L’administration dans l’exercice de ses activités juridiques ou matérielles peut causer des
dommages aux particuliers. Dans un Etat de droit, elle doit les réparer. Mais il n’en a pas été
toujours ainsi. Pendant longtemps, le service public qui fonctionnait sous la responsabilité de
l’Etat bénéficiait d’une irresponsabilité totale en vertu de l’adage selon lequel « le Roi ne peut
mal faire ». Le principe de la responsabilité de l’Etat n’a donc été consacré que
progressivement, d’abord à travers des textes, exemple : la réparation des dommages des
travaux publics, ensuite par la jurisprudence notamment du tribunal des conflits qui confirmait
celle de la jurisprudence du conseil d’état français.

149
Malgré l’évolution des idées qui a rendu possible ce renversement, le fondement de cette
responsabilité a longtemps fait l’objet d’un débat doctrinal. Il semble cependant admis
aujourd’hui que ce fondement se trouve dans le principe d’égalité des citoyens devant les
charges publiques. Ainsi du fait que les particuliers profitent de l’action administrative, il est
normal qu’ils en supportent les conséquences, les contreparties. Mais lorsqu’un citoyen subit
une charge anormale, on dit qu’il y a rupture de l’égalité des citoyens et cette égalité doit être
rétablie par la réparation du préjudice subi. L’évolution du droit de la responsabilité peut être
caractérisée à travers trois traits fondamentaux.
Le premier trait c’est que cette responsabilité n’est pas générale c'est-à-dire tous les services
publics n’engagent pas la responsabilité de l’Etat de la même façon.
Le deuxième trait, cette responsabilité n’est pas absolue c'est-à-dire que toute faute n’est pas
de nature à engager la responsabilité de l’Etat.
Le troisième trait cette responsabilité n’est pas régie en principe par le droit privé mais par le
droit administratif c'est-à-dire que le droit de la responsabilité administrative est régi par un
droit autonome.
Ces principes ont été repris par les articles 141 et 148 du Code des Obligations de
l’Administration du Sénégal. Ce code retient deux conditions d’engagement de la
responsabilité de l’administration : une responsabilité pour faute et une responsabilité sans
faute. Mais dans cette distinction, on remarque dans le droit de la responsabilité de
l’administration deux régimes : un régime général et des régimes spéciaux.

Titre premier : Le régime général de la responsabilité de l’administration


C’est l’étude du droit commun de la responsabilité administrative. Au Sénégal, ce régime est
régi par les articles 142 à 145 du code des Obligations de l’Administration. Mais
l’application de ce régime pose un problème préalable du droit applicable. Il s’agit en principe
du droit administratif. Les problèmes de fond restent les conditions d’engagement de la
responsabilité et les modalités de la réparation.

Chapitre 1 : Les conditions d’engagement de la responsabilité de l’administration


La responsabilité de l’administration peut être engagée à deux conditions. D’abord lorsqu’une
faute a été commise. C’est le régime de la responsabilité pour faute. Ensuite même en
l’absence d’une faute de l’administration, dès lors qu’il y a rupture d’égalité des citoyens
devant les charges publiques. C’est la responsabilité sans faute de l’administration.

150
Section 1 : La responsabilité pour faute de l’administration
Dans ce régime de responsabilité, l’engagement de la responsabilité de l’administration est
doc subordonnée à l’existence d’une faute. Cette hypothèse est prévue à l’article 142 al. 1 du
Code des Obligations de l’Administration « Les tiers et les usagers ont droit à la
réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public ». L’article
145 du Code des Obligations de l’Administration apporte des précisions sur les contours et
les effets de cette faute. Ainsi à l’inverse, il prévoit que la faute commise par un agent dans
l’exercice de ses fonctions, engage la responsabilité de son auteur si elle est détachable du
service. Aux termes de ces deux dispositions, il faudrait que la faute commise revête certaines
caractéristiques pour engager la responsabilité de l’administration. Ces caractéristiques ont été
dégagées pour l’essentiel par la jurisprudence administrative française. Elles sont relatives
d’une part à la nature de la faute et d’autre part à son degré de gravité.

Paragraphe 1 : La nature de la faute


De ce point de vue, on peut distinguer parmi les fautes de nature à engager la responsabilité
de l’Etat. Il existe deux catégories : d’une part les fautes de service proprement dites et d’autre
part les fautes personnelles commises à l’occasion de l’exercice des fonctions.

A – La faute de service proprement dite


La cour d’appel de Dakar sur la base de l’article 142 du Code des Obligations de
l’Administration avait donné une bonne définition de la faute de service (cour d’appel de
Dakar, 09 janvier 1970, Mor DIAW, Annales africaines 1973, p.235). la cour d’appel
définit la faute de service comme étant « le fonctionnement défectueux par rapport à son
fonctionnement normal, présentant un certain degré de gravité, variable en fonction des
activités de l’administration et compte tenu des difficultés présentées par l’exercice de cette
activité et des moyens dont disposerait l’administration pour éviter le dommage ».
Il s’agit d’une définition et d’une appréciation de la faute propre au droit administratif. La
faute de service est en effet appréciée en comparant la situation créée par l’administration
avec le résultat moyen normalement attendu d’elle. Cela signifie que pour définir la faute de
service, le juge détermine un standard à partir des moyens et des difficultés du service public
pour apprécier le caractère fautif ou non de l’agissement de l’administration (Tribunal de
première instance de Dakar, 29 mai 1971, Bassirou NIANG, Annales africaines, 1973, p.
240 ; Tribunal de première instance de Dakar, 5 février 1977, Alassane DIALLO contre
Commune de Dakar, Recueil Penant 1978, p. 568).

151
Cette faute peut résulter soit d’un agissement matériel de l’administration, soit d’un acte
juridique de l’administration ou même de la carence de l’administration (Tribunal de
première instance de Dakar, 26 août 1961, Kamamadou FALL contre mairie de
Rusfisque, Recueil de la jurisprudence administrative sénégalaise, p.75 ; cour d’appel
de Dakar, 13 février 1976, Samba KA, Recueil Penant 1978, p. 555).
Cette faute peut être également anonyme. On dit alors qu’il y a faute de service. Elle peut
également être individualisable, on dira qu’il y a faute de service.

B – La faute personnelle commise à l’occasion de l’exercice des fonctions


La jurisprudence distingue entre la faute personnelle de l’agent détachable du service et qui
engage la responsabilité de son auteur en application du droit privé de la faute personnelle
commise à l’occasion d’exercice des fonctions et qui engage la responsabilité de
l’administration. Cette distinction trouve sa source dans un arrêt Tribunal des conflits fr, 30
juillet 1873, Pelletier, GAJA, n° 02). Ces deux fautes peuvent par ailleurs être juxtaposées,
c’est ce que l’on appelle le cumul de faute (CE fr, 03 février 1911, Anguet, GAJA, n°24).
Cette distinction apparemment tranchée entre ces deux types de faute est en réalité nuancée
par d’une passerelle c'est-à-dire de l’existence d’un lien entre la faute personnelle détachable
et la faute de service. La jurisprudence admet en effet qu’une faute personnelle puisse être
commise dans ou à l’occasion de l’exercice des fonctions (CE fr, 26 juin 1918, Epoux
Lemonnnier, GAJA, n° 34). Le conseil d’état considère que le service peut conditionner une
faute et dans ce cas « si la faute se détache du service, tantôt de faute de service, le service
ne se détache pas de la faute ». Dans cette hypothèse, c’est la même faute qui est qualifiée
tantôt de faute personnelle détachable du service, tantôt de faute de service. C’est ce qu’on
appelle le cumul de responsabilité. Ce cumul de responsabilité a été consacré par la
jurisprudence sénégalaise (Tribunal de première instance de Dakar, 12 février 1971,
Babacar Kébé dit Ndiogou, recueil Penant 1978, p. 353 et 551).
La jurisprudence française est allée encore plus loin dans le rapprochement entre la faute
personnelle et la faute de service. Le conseil d’état français a en effet admis la responsabilité
de l’administration sur la base d’une faute personnelle détachable commise par un agent mais
non dépourvu de tout lien avec le service. C’est la sens de l’arrêt du CE fr, 18 novembre
1949, Demoiselle Nimeur, GAJA, 11ème édition p. 73. Ce type de faute a été repris à
l’article 145 du Code des Obligations de l’Administration. Cela signifie qu’à côté de la
faute de service proprement dite, la deuxième catégorie de faute susceptible d’engager la

152
responsabilité de l’administration est la faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le
service.

1 – Le caractère de la faute
Le caractère personnel de la faute peut résulter, soit de sa gravité, soit de son caractère
impersonnel. Ainsi donc, les fautes d’une gravité inexcusable même commise dans le cadre de
l’exécution des fonctions sont considérées come personnelles. De ce point de vue, selon le
commissaire de gouvernement LAFERIERE « Les fautes personnelles sont des actes qui ne
révèlent pas l’administrateur plus ou moins sujet à erreur mais l’homme avec ses
faiblesses, ses passions, ses imprudences ». Exemple un chauffeur proposé en état d’ébriété
qui conduit, est considéré comme une faute grave =faute personnelle.
En sens contraire, on assiste à une tendance récente à la disparition de la faute personnelle
basée sur le critère de la gravité. En effet, selon un arrêt du Tribunal des Conflits, 19
octobre 1998, Préfet du Tarn contre la cour d’appel de Toulouse, Dalloz 1999, n° 09, p.
127). Une faute commise par un fonctionnaire quelle que soit son degré de gravité, ne saurait
être regardée comme une faute personnelle détachable. Le fonctionnaire n’a été animé ni d’un
intérêt personnel et la faute a été commise dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens
du service. Les fautes intentionnelles même commises dans le cadre de l’exercice des
fonctions restent personnelles dès lors qu’elles ont eu pour but de nuire ou de satisfaire des
intérêts personnels (caractère intentionnel : Cour d’appel de Dakar, 09 avril 1971, Société
Bémabé, Annales africaines 1973, p. 221 ; Cour suprême du Sénégal, 02 juin 1968,
Abdoulaye DIEYE, Annales africaines 1973, p. 223). Le caractère détachable de la faute
personnelle peut résulter de deux situations. D’abord lorsque la faute personnelle a été
commise en dehors de l’exercice des fonctions. Dans ce cas, la faute est matériellement
détachable du service dans la mesure où elle n’a aucun rapport ni avec son objet ni avec son
but. Exemple : faute commise durant une période de congé. Ensuite, la faute personnelle peut
être intellectuellement détachable du service. Exemple : un instituteur qui tient des propos
obscènes en classe, fonction orientée vers l’éducation des hommes.

2 – Le lien avec le service


C’est le juge qui définit le lien entre la faute commise par l’agent et l’exécution des fonctions
afin de donner un contenu à cette notion de faute personnelle non détachable pouvant engager
la responsabilité de l’administration. Cette jurisprudence trouve son inspiration dans le souci
du juge d’accorder une réparation aux victimes des dommages causés par les agents

153
insolvables. Ce lien est apprécié de façon autonome par rapport au droit privé. Ainsi la
jurisprudence administrative française a tendance à interpréter ce lien dans un sens de plus en
plus extinctif. Pour cela le juge utilise trois critères pour déterminer l’existence d’un lien entre
la faute personnelle et l’exécution des fonctions. Le premier critère d’ordre matériel : la
jurisprudence considère qu’une faute personnelle est non dépourvue de tout lien avec le
service lorsque l’instruction ayant servi à commettre la faute a été remise à l’agent par le
service lui-même. Le deuxième critère d’ordre temporel : la jurisprudence considère que la
faute personnelle est non dépourvue de tout lien avec le service lorsqu’elle a été commise
pendant les heures de service (cf. affaire Abdoulaye DIEYE, détour lors de l’exécution du
Sénégal= voiture). Le troisième critère d’ordre géographique : la jurisprudence considère
en effet qu’une faute personnelle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service lorsqu’elle a
été commise à l’intérieure du service.

Paragraphe 3 : La gravité de la faute


Il ne suffit pas toujours qu’il y ait faute de service ou faute personnelle non dépourvue de tout
lien avec le service pour engager la responsabilité de l’administration. En effet selon la
formule du commissaire du gouvernement Romieu « toute erreur, toute négligence, toute
irrégularité n’entraînent pas nécessairement la responsabilité pécuniaire de la puissance
publique ». Pour engager la responsabilité de l’administration, la jurisprudence établit parfois
une hiérarchie parmi les fautes. Elle se fonde pour cela sur le rapport entre la difficulté
éprouvée par l’administration pour remplir sa mission et la gravité de la faute commise dans
l’exécution du service. Ainsi, plus le service est difficile à assurer, plus la jurisprudence a
tendance à exiger une faute grave. Cette exigence a pour but de limiter la responsabilité de
l’administration dans les cas où l’exécution de sa mission se déroule dans un contexte
particulièrement difficile, qui peut être une source de plusieurs conflits. C’est ainsi que la
jurisprudence distingue entre la faute simple et la faute lourde.

A – La faute simple
En règle générale, la faute simple suffit à engager la responsabilité de l’administration. Il en
est ainsi lorsque la jurisprudence se réfère à la faute sans autre qualification pour condamner
l’administration. Cette faute peut se présenter sous plusieurs formes. Mais la jurisprudence
qui définit le sens de gravité au- delà duquel la faute engage la responsabilité de la personne
publique. Ce seuil évolue en fonction du contexte juridique, politique, économique, social et
culturel d’un pays mais aussi en fonction de l’espèce.

154
B – La Faute Lourde
Certains services publics ne peuvent voir leur responsabilité engagée que si une faute
qualifiée, caractérisée c'est-à-dire d’une particulière gravité a été commise à l’occasion de leur
exécution. La jurisprudence exige ces fautes pour les services publics nécessitant des
décisions rapides et immédiates, mais de lourdes de conséquence ou pour les services
s’exerçant dans des circonstances exceptionnelles. La jurisprudence a abandonné la
distinction entre la faute simple et la faute d’une particulière gravité pour exiger la faute une
faute lourde dans les hypothèses suivantes : exemple : la responsabilité du fait des services de
police. Dans ce cas, la jurisprudence fait la distinction entre les activités matérielles des faits
de police et les décisions à caractère juridique. Cette distinction est parfois cependant difficile
à maintenir (CE fr, 10 février 1905, Tomazo GRECCO, GAJA, n°18), en sens inverse (CE
fr, 26 avril 1967, Lafont, Dalloz 1967, p.437 ; AJDA 1967, p.26). Exemple : la
responsabilité du fait des services hospitaliers : dans ce cas, la jurisprudence fait la distinction
entre les actes médicaux, chirurgicaux d’un côté et les soins médicaux ou les mesures
d’organisation et de fonctionnement du service hospitalier de l’autre côté les actes médicaux
et les actes ne pouvant être accomplis que par des médecins ou ni leur surveillance. Pour ces
actes, la jurisprudence exigeait une faute lourde alors que pour les autres, une faute simple
suffisait pour engager la responsabilité du service public (CE fr, 04 octobre 1968, Dukakis,
Dalloz 1968, p.712).
Mais récemment la jurisprudence administrative française a abandonné cette exigence de
faute lourde dans le contentieux de la responsabilité hospitalière (CE ass fr, 10 avril 1992,
monsieur et madame V, AJDA, n° 05, P. 355). Il en est de même en matière de tutelle sur
les collectivités décentralisées. Exemple : une instruction de collectivité, de responsabilité du
fait des services fiscaux.

Section 2 : La responsabilité sans faute


Même si la responsabilité pour faute reste le principe en droit administratif, la jurisprudence a
évolué dans le sens d’un élargissement des cas d’engagement de la responsabilité sans faute
de l’administration. Ainsi, la jurisprudence administrative a donc développé des cas de
responsabilité sans faute de l’administration plus que le droit privé sans aller jusqu’à en faire
un principe. Cette jurisprudence trouve son point de départ dans le contentieux des dommages
de travaux publics ou d’ouvrages publics. Dans le régime de la responsabilité sans faute,
l’administration voit sa responsabilité engagée sans avoir commis de faute. La responsabilité
de l’administration est subordonnée à l’existence d’un simple lien de causalité entre le

155
préjudice subi par la victime et l’activité de l’administration. Il s’agit d’un régime de
responsabilité plus favorable aux particuliers que le régime de responsabilité pour faute. Le
Code des Obligations de l’Administration a repris ce régime de responsabilité sans faute à
l’article 141. Mais sur ce point le Code des Obligations de l’Administration appelle deux
remarques : tout d’abord le texte exige que le dommage invoqué revête certaines
caractéristiques à savoir un caractère anormal et spécial. Ensuite, les cas de responsabilité
sans faute font l’objet d’une énumération plus restrictive que dans la jurisprudence française.
Il est difficile de procéder à une classification rationnelle de ces cas de responsabilité sans
faute. Mais on peut tenter de les diviser en deux grandes catégories : d’une part les cas de
responsabilité sans faute pour risque et d’autre part les cas de responsabilité sans faute pour
rupture devant les charges publiques.

Paragraphe 1 : La responsabilité pour risque


Il est de principe que l’administration crée parfois un risque exceptionnel en entreprenant des
activités anormalement dangereuses. Lorsque ce risque se réalise, la jurisprudence engage sa
responsabilité sans faute. Il s’agit de cas où la notion de faute ne permettrait pas d’aboutir à la
responsabilité de l’administration. On peut déterminer au moins trois cas de responsabilité
sans faute sur la base du risque. Mais tous les cas ne sont pas prévus par le Code des
Obligations de l’Administration. Il s’agit de la responsabilité du fait des choses, des
méthodes ou des situations dangereuses, du fait des collaborateurs du service public, du fait
des travaux publics.

A – La responsabilité du fait des choses, des méthodes et des situations dangereuses


Dans les où l’administration cause un dommage à autrui de fait de l’utilisation des choses, des
méthodes dangereuses, sa responsabilité sans faute peut être engagée.
 En ce qui concerne les choses dangereuses : la jurisprudence applique ce principe
de dommage résultant du risque exceptionnel de voisinage et qui trouve leurs origines dans
une chose dangereuse. C’est le cas de certains ouvrages ou installations considérés comme
dangereux pour le voisinage (CE fr, 28 mars 1919, Regnault-Desroziers, GAJA, n° 33).
Cette jurisprudence a été étendue à des cas où l’administration utilise directement des choses
dangereuses proprement dites notamment des objets qui présentent des risques exceptionnels.
Exemple : police- arme à feu, CE fr, 24 juin 1949, Daramy et Lecomte, GAJA, n° 66).
Mais c’est le juge qui définit la notion de chose dangereuse présentant un risque exceptionnel.

156
Il s’agit d’une jurisprudence qui est cependant nuancée, qui varie en fonction de la notion
même de choses dangereuses et de la position de la doctrine.
 S’agissant des méthodes dangereuses : la jurisprudence administrative française
engage la responsabilité sans faute de l’administration pour réparer les dommages causés par
les délinquants, par exemple soumis à des méthodes libérales d’incarcération, de rééducation
et de réinsertion. Exemple : il en est ainsi des dommages causés pendant les sorties d’essai par
les pensionnaires des établissements d’éducation surveillés (CE fr, 03 février 1956, Ministre
de la justice contre Fhouzelliet prisonniers, RDP 1956, p. 854). Il en est de même des
dommages causés par les malades mentaux sous la surveillance des hôpitaux ou par des
détenus (CE ass fr, 09 avril 1993, Branck, AJDA 1993, n° 05, p. 383). Cette hypothèse de
responsabilité sans faute pour chose dangereuse et méthode dangereuse n’est pas
expressément prévue par le Code des Obligations de l’Administration. C’est ce qui
explique la tendance de la jurisprudence administrative sénégalaise a appliqué le régime de
responsabilité pour faute même dans les cas où l’administration utilise des choses dangereuses
ou entreprend des activités présentant un risque exceptionnel pour le voisinage (Cour d’appel
de Dakar, 13 février 1976, Samba KA, Penant 1978, p.551).
 Quant aux situations dangereuses : elles correspondent à des hypothèses où par
exemple un fonctionnaire sur ordre de sa hiérarchie continue d’exercer ses fonctions dans des
conditions comportant un risque exceptionnel et subit un dommage à cet effet.

B – La responsabilité du fait des collaborateurs du service public


Les dommages subis par agents de l’administration ou par les administrés qui collaborent à
une activité de service public, sont réparés sur la base d’une responsabilité sans faute de
l’administration. L’idée qui a inspiré ce principe c’est que l’administration qui profite de
l’activité des collaborateurs, doit en contrepartie prendre en charge les risques encourus par
cette participation au service public. C’est donc l’idée de risque professionnel qui justifie ce
cas de responsabilité administrative. Ce cas de responsabilité sans faute a été repris à l’article
144 du Code des Obligations de l’Administration. Aux termes de cet article 144 « Le
dommage subi par les personnes participant à l’activité du service public, soit en vertu de
leur fonction, soit en cas d’urgence de leur propre initiative, ouvre droit à réparation à moins
qu’il ne soit établi que ce dommage est dû à une cause étrangère à l’administration ».
En fait, on peut distinguer trois types de collaborateurs du service public : d’abord les
fonctionnaires, ensuite les agents publics non titulaires et enfin les collaborateurs occasionnels
à savoir les particuliers. Le principe de la responsabilité sans faute de l’administration du fait

157
de la participation des fonctionnaires au service public a été consacré par la jurisprudence
administrative française (CE fr, 21 juin 1895, Gomes, GAJA, n° 06). Cette jurisprudence a
perdu donc son intérêt du fait du développement de la législation en matière du droit de la
fonction publique et du droit travail. Ces législations prévoient en effet aujourd’hui des
régimes spécifiques de réparation des dommages subis par les fonctionnaires et les agents
publics dans l’exercice de leur fonction notamment des pensions d’invalidité sous forme de
réparation forfaitaire. Cela signifie que cette jurisprudence ne s’applique plus maintenant pour
l’essentiel aux particuliers qui participent à une activité de service public. C’est à leur sujet
que le juge administratif français a élaboré la théorie des collaborateurs occasionnels du
service public. Ainsi le conseil d’état répare les dommages subis par les particuliers là où la
responsabilité pour faute ne permettait pas (CE fr, 22 novembre 1946, Commune de Saint
Priest la Plaine, GAJA ; C. Cass, 23 novembre 1956, Docteur GIRY).
Mais la jurisprudence exige cependant trois conditions pour l’application de ce principe de
responsabilité sans faute. La première activité à laquelle le particulier a participé à l’occasion
du fonctionnement de laquelle il a subi un dommage doit avoir un caractère de service public.
Il ne s’agit pas nécessairement d’un service public institutionnalisé (intérêt général). La
deuxième activité : le concours du particulier, s’il est bénévole doit avoir été sollicité ou en
cas d’urgence avoir été tacitement accepté par l’administration. La troisième activité : la
collaboration au service public doit avoir commencé au moment où le dommage se produit. Il
convient de préciser que la faute du particulier, victime d’un dommage dans sa collaboration
avec le service public, peut cependant entraîner la suspension de la responsabilité de
l’administration.

C – LA Responsabilité du fait de dommage de travaux publics


On pourrait définir la notion de travaux publics aux termes de la jurisprudence comme étant
« un travail immobilier effectué, soit pour une personne publique à des fins d’intérêt
général, soit par une personne publique dans le cadre d’une mission de service public sur
des biens appartenant à des particuliers ». Le travail public obéit au même régime juridique
que l’ouvrage public, celui-ci étant défini comme un travail public achevé. Ce régime de
responsabilité trouve sa base dans le risque que le travail public fait courir aux particuliers et
dans les avantages que ce dernier peut en tirer. Dès lors la responsabilité du fait de la
conception, de l’exécution, de l’existence ou du fonctionnement de travaux publics lorsque ce
risque se réalise, est engagée sur la base du régime de responsabilité sans faute. Cette
responsabilité trouve son origine dans la vieille loi française du 28 an VIII. Elle a été

158
reprise par la jurisprudence française, qui en a fait une théorie avant d’être reprise par
l’article 153 du Code des Obligations de l’Administration. Il s’agit d’une responsabilité
dont le régime est déterminé en fonction de la situation de la victime par rapport l’ouvrage
public ou aux travaux publics. Lorsque la victime est en situation de tiers par rapport à
l’ouvrage public, c’est le régime de responsabilité sans faute qui s’applique. Mais lorsqu’elle
est en position d’usagers d’un service public, c’est la responsabilité pour faute qui s’applique.

1 – La responsabilité sans faute à l’égard des tiers


C’est une responsabilité qui est consacrée à l’article 143 al. 1 du Code des Obligations de
l’Administration « Les tiers ont droit à la réparation du dommage résultant soit de
l’exécution d’un travail public, soit de l’existence ou du fonctionnement d’un ouvrage
public ». On peut dire que le tiers est celui qui ne participe pas à l’exécution ou au
fonctionnement d’un ouvrage public, qui n’utilise pas cet ouvrage, ni n’en tire pas profit.
Lorsque la victime est dans une telle situation, pour engager la responsabilité de
l’administration, il lui suffit d’établir la preuve du lien de causalité entre l’ouvrage public ou
le travail public incriminé et le dommage invoqué. La victime est en effet dispensée de
prouver l’existence d’une faute commise par l’administration dans la conception, l’existence
de fonctionnement, l’entretien ou l’exécution d’un travail public, d’un ouvrage public. La
personne publique ne pourra pas dégager sa responsabilité en prouvant qu’elle n’a pas
commis de faute. Sa responsabilité ne découle pas de la commission d’une faute mais de
l’existence même du travail public ou de l’ouvrage public.

2 – La responsabilité pour faute à l’égard de l’usager


Il s’agit d’une responsabilité consacrée par l’article 143 al. 2 du Code des Obligations de
l’Administration. Aux termes de cet article « Les usagers ont droit à la réparation du
dommage causé par une faute relative à ces travaux publics ou par le fonctionnement
défectueux d’un tel ouvrage ». L’usager ou le bénéficiaire, c’est celui qui use ou qui profite,
tire profit d’un ouvrage public ou d’un travail public. Pour avoir cette qualité, la victime doit
avoir un lien direct avec le travail public ou avec l’ouvrage public, au moment du danger.
Pour engager la responsabilité de l’administration, il lui suffit alors d’établir le lien de
causalité entre le préjudice qu’il a subi et l’existence, le fonctionnement, l’entretien ou
l’exécution du travail public ou de l’ouvrage public. Mais il ne lui appartient pas de prouver
l’existence de faute commise par l’administration. Cependant, la jurisprudence a élaboré la
théorie du déficit d’entretien normal, théorie selon laquelle le bénéficiaire de l’ouvrage

159
public, tirant profit de l’ouvrage, devrait prendre en charge lui-même les dommages qui ne
seraient pas le résultat d’un mauvais entretien de l’ouvrage utilisé. Selon cette jurisprudence,
il appartient à l’administration de prouver qu’elle n’a pas commis de faute dans l’entretien
de l’ouvrage public. C’est ainsi donc que la jurisprudence a créé un régime de présomption
de faute lorsque la victime se trouve être un usager d’un ouvrage public (Tribunal de
première instance de Dakar, 05 février 1977, Alassane DIALLO ; 09 janvier 1970, Mor
DIAW). Depuis 1964 la jurisprudence administrative française considère que l’usager
anormal peut être assimilé à un usager car avant une date il lui a été assimilé à un tiers et à
ce titre, il bénéficiait d’un régime de responsabilité sans faute.

Paragraphe 2 : La responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques


Plusieurs Arrêts du conseil d’état se sont fondés sur la rupture de l’égalité des citoyens devant
les charges publiques pour engager la responsabilité sans faute de l’administration. L’idée
c’est que les particuliers tirent profit des activités de l’administration et doivent donc en
contrepartie en supporter les inconvénients. Mais lorsqu’ils dépassent un certain seuil par le
particulier, il rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. En réalité, cette
hypothèse de responsabilité englobe plusieurs cas dont la plupart ont été repris à l’article 142
du Code des Obligations de l’Administration sous l’appellation de la responsabilité pour
dommage anormal et spécial.

A – La responsabilité du fait des activités administratives légales


Cette hypothèse a été consacrée à l’article 142 al. 2 du Code des Obligations de
l’Administration. Cet article prévoit en effet la responsabilité sans faute de l’administration
aussi bien pour les activités juridiques que matérielles légales de l’administration, lorsqu’elles
causent un dommage anormal et spécial. Cela signifie que le dommage doit revêtir un certain
degré de gravité (dommage anormal) et de spécificité pour la victime.

1 – La responsabilité du fait des règlements réguliers


C’est une création jurisprudentielle française reprise par le a- de l’article 142 du Code des
Obligations de l’Administration. En effet un acte administratif règlementaire légal peut
engager la responsabilité sans faute de l’administration, s’il a pour conséquence de créer un
préjudice anormal et spécial au détriment d’une personne classique (CE fr, 22 février 1963,
Commune de Gavarnie, AJDA 1963, p. 208). Cependant l’acte doit avoir été pris dans
l’intérêt général. Mais en même temps, il doit avoir eu pour conséquence de désavantager

160
gravement la victime. En outre la jurisprudence exige que le préjudice subi ne fasse pas partie
des risques prévus et acceptés par la victime. Lorsque l’acte administratif en question est
illégal, il peut engager la responsabilité de l’administration mais pour faute.

2 – La responsabilité du fait de l’inexécution d’une décision de justice


Selon la jurisprudence française, aux termes de l’article 142 -b du Code des Obligations de
l’Administration « Lorsque l’autorité administrative refuse de prêter main forte à
l’exécution d’une décision de justice, sa responsabilité sans faute peut être engagée de ce
fait » (CE fr, 30 novembre 1930, Couitéas, GAJA, n°40). Certaines conditions doivent être
remplies pour l’application de ce régime de responsabilité sans faute. D’abord, la victime doit
être en possession d’une décision exécutoire nécessitant l’intervention de la force publique.
Ensuite, le refus de concours de la force publique doit avoir un fondement valable. Enfin le
refus doit se prolonger pendant une période anormalement longue.

B – La responsabilité du fait des lois


Pendant longtemps la responsabilité de l’Etat du fait des lois avait été exclue. Deux raisons
essentielles expliquaient cette irresponsabilité : la première c’est la nature de la loi qui est en
fait l’expression de la volonté générale s’opposait à son contrôle juridictionnel. La deuxième
c’est le caractère général et impersonnel de la loi rendait presque impossible un dommage
spécial dans son fait.
Mais ces raisons ont été abandonnées et la jurisprudence a admis le principe de responsabilité
sans faute de l’Etat du fait des lois (CE ass fr, 14 janvier 1938, Société anonyme des
produits laitiers la fleurette, GAJA, n° 54). Ce cas de responsabilité a été repris à l’article
142- a – du Code des Obligations de l’Administration. Mais il obéit à des conditions
précises. Tout d’abord, il faut que la loi n’ait exclu ni explicitement, ni implicitement toute
réparation. Cela signifie que ni dans le texte de la loi, ni dans les travaux préparatoires, on ne
doit pas déceler l’intention du législateur d’exclure des réparations des dommages que la loi a
proposé. Ensuite le préjudice subi doit être anormal et spécial. En effet, aux termes de
l’article 142 du Code des Obligations de l’Administration « La mesure bien que prise dans
l’intérêt général, doit avoir pour effet de désavantager gravement les demandeurs ». Malgré
sa consécration, la responsabilité sans faute de l’Etat du fait de la loi reste d’application
limitée.

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C – LA Responsabilité du fait des conventions internationales
Ce cas de responsabilité est voisin de celui de la responsabilité de l’Etat du fait des lois. Il a
cependant été consacrée par la jurisprudence beaucoup plus tard (CE ass fr, 30 mars 1966,
Compagnie générale d’énergie radioélectrique, GAJA, n° 90). Ce cas de responsabilité
obéit aux mêmes conditions que celles des lois c'est-à-dire la convention ne doit pas avoir
exclu le principe de la réparation, ensuite le préjudice doit avoir un caractère anormal et
spécial. Le Code des Obligations de l’Administration ne mentionne pas ce cas de
responsabilité.

Article 729 du Code de Procédure Civile


« Toute action en justice doit être procédée d’une demande adressée à l’autorité
administrative désignée pour recevoir l’assignation aux termes de l’article 39. Le silence
gardé de plus quatre (04) mois par l’autorité saisie vaut décision de rejet
L’assignation doit à peine d’irrecevabilité être servie dans le délai de deux (02) mois qui suit
soit l’avis donné la décision de l’administration, soit à l’expiration du délai de quatre (04)
mois valant décision implicite de rejet.
Elle doit à peine de nullité viser la réponse implicite ou explicite donné par l’administration à
la demande préalable.
Si c’est l’administration qui est demanderesse, l’assignation est délivrée à la requête du
ministre compétent ou à celle des autorités visées à l’article 39.

Article 39 du Code de Procédure Civile


« Sont assignés :
1 – L’Etat en la personne de l’agent judiciaire de l’Etat ou en ses bureaux à charge pour ce
dernier de saisir le fonctionnaire compétent pour plaider au fond s’il y a lieu,
2 – Les établissements de toute nature en la personne de leur représentant légal ou en ses
bureaux ;
3 – Les communes en la personne du maire, à son domicile ou au siège de la municipalité ;
4 – Les autres collectivités locales en la personne de leur représentant légal.
Dans les cas ci-dessus, l’original est visé de celui à qui copie de l’exploit est laissée, en cas
d’absence ou de refus, le visa est donné par le procureur de la république auquel, en ce cas,
la copie est laissée.

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5 – Les sociétés de commerce, tant qu’elles existent en leur maison sociale ou au lieu de leur
principal établissement et s’il n’en a pas en la personne ou au domicile de l’un des
représentants légaux ;
6 – Les unions et directions de créanciers en la personne ou au domicile de l’un des syndics
ou directeurs ;
7 – Ceux qui n’ont aucun domicile connu au Sénégal sont assignés au lieu de résidence
actuelle, si ce lieu n’en est pas connu, l’exploit est exposé au tableau d’affichage du tribunal
où la demande est portée, une seconde copie est donnée au procureur de la république lequel
vise l’original.
Ceux qui habitent à l’étranger, peuvent être assignés au parquet du procureur de la
république près du tribunal régional dans le ressort duquel la demande est portée, celui-ci
vise l’original et envoie la copie au ministre de la justice ou à toute autre autorité déterminée
par la convention diplomatique ».
Notes : aux termes de l’article 39 du Code de Procédure Civile : les sociétés de commerce
tant qu’elles existent sont assignées en leur maison sociale ou au lieu de leur principal
établissement et s’il n’y en a pas, la personne ou au domicile de l’un de ses représentants
légaux. Aussi est inopérant vis-à-vis d’une société en liquidation d’une requête en cassation
déposée à la mairie par huissier à l’attention du liquidateur dont le décès lui avait été annoncé
(Cour suprême du Sénégal, 18 mai 1974, n° 36, inédit).

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