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Introduction au Ordre juridique :

droit public normes juridiques ou


institutions publiques?
Définition de l’ordre juridique
• § 1. Définition
• 132. L’ordre juridique est, comme tout système, un ensemble coordonné d’éléments. L’assertion ne dit pas grand-chose. Il faut donc l’affiner en précisant les éléments qui
doivent être réunis pour constituer un ordre juridique et les caractères que doit présenter l’ensemble.
• 133. Les éléments constitutifs de l’ordre juridique. – Pour reconnaître un ordre juridique, il faut avant tout une communauté, un groupe social suffisamment conséquent pour
passer de l’individualité à l’anonymat. Ce groupe est uni par sa stabilité (il ne s’agit donc pas du public d’un concert) et par un intérêt commun, par exemple, la paix, l’Union
économique, la défense des intérêts. Pour que le groupe puisse réaliser cet intérêt commun, il lui faut une structure permettant d’assurer différentes fonctions caractéristiques d’un
ordre juridique. Entre autres des nombreux éléments qui pourraient être identifiés à ce titre, il faut des structures de production du droit. Des sources du droit sont reconnues, elles
sont organisées, identifiées et leurs pouvoirs attribués. Elles ont, outre la possibilité de créer une norme, celle de la faire évoluer ou de l’abroger. Pour garantir l’efficacité des
normes ainsi produites, des organes sont institués pour l’application du droit et, le plus souvent, son interprétation. Il peut s’agir tant de l’organisation administrative que de
l’organisation juridictionnelle. Il faut enfin que l’ordre soit doté d’une structure pour la sanction du droit. Pour cela, il faut des normes, procédures et institutions aptes à constater
un manquement et prononcer sa sanction.
• Produire le droit, l’appliquer, le sanctionner 596. Les normes ne sont ainsi que des éléments pris dans une organisation plus générale, qui les gouverne de bout en bout. La
question de la spécificité du droit trouve sa réponse : est norme juridique la norme insérée dans un ordre juridique. En outre, et c’est ce qui forme système, ces différents éléments
doivent être unis.
• 134. Les caractéristiques de l’ordre juridique. – Il ne saurait y avoir système si les différents éléments étaient simplement alignés les uns aux côtés des autres en s’ignorant ou
en fonctionnant chacun de leur côté. Il faut donc que les éléments présentent un caractère d’unité, qu’ils forment un tout et que ce tout soit autre chose que la simple addition des
éléments. Il existe généralement un acte constitutif qui assure cette unité : par exemple, pour les États, la Constitution. Il faut également que ce tout soit un tout cohérent, c’est-à-
dire qu’il n’existe pas (enfin, pas trop) de contradictions 597. L’expérience révèle qu’en réalité des contradictions sont permanentes dans l’ordre juridique : la cohérence implique
seulement que l’ordre juridique sache les résoudre, ce à quoi s’attelle notamment la science du droit, en tentant de respecter la logique souvent implicite de l’ordre juridique 598.
Enfin, et c’est une autre forme de cohérence, le tout constitué par un ordre juridique doit être complet. La complétude signifie qu’il existe une norme pour chaque cas susceptible
de se poser. L’approche traditionnelle butait sur le problème des lacunes 599 : en ne voulant reconnaître que la loi, elle s’obligeait à des supputations hasardeuses selon lesquelles le
législateur aurait nécessairement tout prévu – ce dont on sait que c’est bien impossible. L’approche sous forme d’ordre juridique est à cet égard bien supérieure : si les textes, et les
normes jurisprudentielles, sont lacunaires (nécessairement), l’ordre dans son ensemble ne l’est pas. La complétude est notamment assurée par l’existence du juge et par celle de
principes, qui soutiennent les règles 600.

Deumier P., Introduction générale au droit, août 2021, Lextenso.


L’ordre juridique comme métaphore
Il existe deux sortes de concepts en droit. Les concepts du discours du droit – du droit positif.
Et ceux du discours sur le droit. Le concept d’ordre juridique relève évidemment de ceux de la deuxième catégorie. Construction purement
intellectuelle, le concept d’ordre juridique a également une visée purement intellectuelle : il est destiné non à traiter de la réalité comme le fait
un concept du droit positif – le concept de mariage ou celui d’établissement public – mais à rendre compte d’une certaine perception de la
réalité ; il a pour fonction, pour ceux qui l’utilisent, non d’enfermer la réalité dans un “ moule préformé ”, comme eût dit Geny – un moule
préformé par le législateur pour faciliter la conservation ou la transformation de cette réalité (protéger la famille, donner plus d’autonomie à
l’action administrative...), mais de désigner, et seulement désigner, un état, une certaine situation de la réalité : en l’occurrence, l’ensemble des
normes qui, dans un pays ou une société donnés, à un moment donné, en régissent le fonctionnement. L’ordre juridique comme ensemble des
normes qui, dans un pays ou une société donnés, etc., c’est la seule définition que l’on puisse proposer de la notion d’ordre juridique sur
laquelle tout le monde puisse s’accorder. Elle est tellement générale et si vague qu’elle n’engage pas en vérité à grand-chose et ne gêne
personne. On n’a donc aucun mal à faire l’unanimité sur une telle définition. N’ayant aucun mal, on n’en retire non plus aucun bénéfice : le
concept défini de cette manière ne dit pas beaucoup de l’état de la réalité qu’il désigne, et risque donc de rester inutile. C’est pour cette raison
qu’il a paru nécessaire d’aborder ici le problème de l’ordre juridique sous l’angle des métaphores utilisées pour en traiter. Ces métaphores
paraissent infiniment révélatrices. En l’absence, ou en tout cas, devant l’extrême difficulté, de toute possibilité d’appréhension objective de
l’ordre juridique, il faut en effet tourner la difficulté – et analyser le concept, et la réalité, des ordres juridiques à travers les perceptions
subjectives qui en ont été proposées. Ces perceptions ont trouvé leur traduction dans des métaphores, dont trois – que je retiendrai ici – sont
parmi les plus communément utilisées par la doctrine pour décrire ou analyser les ordres juridiques : la métaphore de la pyramide chez
Kelsen, celle du roman à la chaîne chez Dworkin et celle, qui n’est pas la moindre, de la bouche de la loi chez Montesquieu. Chacune de ces
trois métaphores prétend rendre compte de l’état de l’ordre juridique considéré comme ensemble de normes.
Timsit, Gérard. « L’ordre juridique comme metaphore », Droits, vol. 33, no. 1, 2001, pp. 3-18.
Théorie normativiste de l’ordre juridique
• Théories normativistes de l’ordre juridique. — Elles ont en commun la conception des ordres juridiques comme ensemble de normes, mais elles diffèrent quant à
l’analyse qu’elles opèrent de ces normes.
• 6La théorie kelsénienne. Le point de départ de la théorie kelsénienne est la conception bien connue de l’ordre juridique comme un ordre de contrainte de la conduite
humaine [4][4]Kelsen, Théorie pure du droit (trad. Ch. Eisenmann), Paris,…. Cela signifie, entre autres, que les normes juridiques sont des normes dont
l’inobservation fait l’objet de sanctions instituées par l’ordre juridique. Celui-ci, ou plutôt ses organes, ont le monopole, du moins dans l’ordre étatique, de la mise
en œuvre des sanctions. 8 (…)
• Le dernier point, peut-être un des plus importants de la théorie kelsénienne, porte sur la spécificité de l’ordre juridique étatique. Pour Kelsen, il y a identité entre
l’État et l’ordre juridique. Il n’y a pas l’État d’un côté et son ordre juridique de l’autre, comme le concevaient la plupart des auteurs de son temps. L’État est ordre
juridique [10][10]V. Carré de Malberg qui recherchant le fondement et l’étendue…. Quant à ce qui le distingue d’autres ordres juridiques (ordres préétatiques,
ordre juridique international) c’est qu’il présente des éléments de “ centralisation ” (existence d’organes spécialisés pour produire le droit, l’appli­quer et le
sanctionner) qui n’existent pas au même degré dans ces autres ordres. “ L’État est un ordre juridique relativement centralisé. ” [11][11]Théorie pure du droit, p. 379.
Cet énoncé renvoie encore à la théorie de la centralisation/décentralisation des ordres juridiques chez Kelsen. Pour celui-ci, tout ordre juridique comporte à la fois
des normes centrales qui valent pour la totalité de la sphère de validité spatiale de l’ordre (le territoire de l’État, par exemple) et des normes locales ou partielles
dont le domaine de validité spatiale est réduit (par exemple dans l’État, une région, un département, une commune, un État fédéré). Au-delà de la sphère étatique,
l’ordre juridique du droit international général constitue un ordre central par rapport aux ordres étatiques qui sont les ordres partiels. Et de même une
organisation interétatique constitue un ordre partiel par rapport à l’ordre juridique central du droit international général, mais un ordre juridique central par
rapport aux ordres juridiques partiels des États membres [12][12]Théorie générale du droit et de l’État, p. 352 s et 373 s.….
• 9Parmi tous ces ordres juridiques, l’État a la caractéristique d’être un ordre “ relativement centralisé ” ce qui signifie qu’il s’agit d’un ordre dans lequel les normes
centrales représentent la partie la plus importante de l’ordre juridique total (constitué à la fois par l’ordre juridique central et les ordres juridiques partiels). En
revanche, dans l’ordre international ce sont les normes des ordres juridiques partiels des États qui l’emportent par rapport aux normes centrales. Cependant une
tendance à la centralisation de l’ordre juridique international est en cours tant au niveau général qu’à celui des ordres des organisations internationales [13][13]
Ibid., p. 365 s., sur la théorie des regroupements d’États…. Il s’ensuit qu’il n’y a pas de rupture dans la nature des ordres juridiques, entre celui de la moindre
commune à l’intérieur de l’État, l’État lui-même et n’importe quelle organisation intergouvernementale.
Les limites de la théorie normativiste de
l’ordre juridique : de la pyramide au réseau?
• A l’idée que la structure d’un système juridique consisterait dans une « distribution linéaire des normes juridiques par couches qui
réglementeraient chacune les conditions d’édiction des normes de la couche inférieure » [20][20]
P. Amselek, Réflexions critiques autour de la conception…, on a pu opposer le fait que « la réalité - c’est-à-dire, en l’espèce, la
réglementation juridique des compétences normatrices - est beaucoup plus complexe, plus enchevêtrée que le schéma Kelsénien
ne le laisse paraître ; les différentes autorités publiques tirent le principe de leur compétence normatrice de catégories de
normes juridiques les plus diverses qui ne s’articulent nullement, de ce point de vue, selon une échelle continue » [21][21]
Ibidem, p.13-14.. Même si l’on a pu répondre à cette objection que « Kelsen n’a jamais prétendu que les normes trouvaient le
fondement de leur validité dans une norme immédiatement supérieure » et que « dans l’ordre juridique français, conformément à la
conception de Kelsen, les normes de chaque niveau sont bien posées en vertu d’une habilitation conférée par une norme de niveau
supérieur, même s’il ne s’agit pas toujours du niveau immédiatement supérieur » [22][22]
M. Troper, La pyramide est toujours debout ! Réponse à Paul…, il n’en reste pas moins vrai que la « pureté » de l’image pyramidale
se trouve ainsi partiellement ébranlée et il n’est pas certain, comme d’autres l’ont relevé, que l’on puisse clairement identifier,
pour toute norme quelconque, la norme d’habilitation de niveau - même non immédiatement - supérieur en vertu de laquelle elle
a été créée.
• Ost, François, et Michel van de Kerchove. « De la pyramide au réseau ? Vers un nouveau mode de production du droit ? », Revue
interdisciplinaire d'études juridiques, vol. 44, no. 1, 2000, pp. 1-82.
Théorie institutionnelle de l’ordre juridique
(1)
• « Les grandes lignes de celle nouvelle théorie sont les suivantes: une institution est une idée d'œuvre ou d'entreprise qui se réalise et dure
juridiquement dans un milieu social; pour la réalisation de celle idée, un pouvoir s'organise qui lui procure des organes; d'autre part, entre les
membres du groupe social intéressé a la réalisation de l'idée, il se produit des manifestations de communion dirigées p a r les organes du pouvoir et
réglées par des procédures, il y a deux types d'institutions, celles qui se personnifient et celles qui me se personnifient pas. Dans les premières, qui
forment la catégorie des institutions- personnes ou des corps constitués (Etats, associations, syndicats, clc.), le pouvoir organisé et les manifesta tous
de communion des membres du groupe s'intériorisent dans le cadre de l'idée de l’oeuvre: après avoir été l'objet de l'institution corporative, l'idée
devient le sujet de la personne morale qui se dégage dans le corps constitué.
• Dans les institutions de la seconde catégorie, qu'on peut appeler des institutions-choses, l'élément du pouvoir organisé et des manifestations de
communion des membres du groupe ne sont pas intériorisés dans le cadre de l'idée de l'œuvre, ils existent cependant dans le milieu social, mais
restent extérieurs à l'idée; la règle de droit établi socialement est une institution de ce second type; elle est une institution parce qu'en tant qu'idée
elle se propage et vit dans le milieu social, mais visiblement, elle n'engendre pas une corporation qui lui soit propre; elle vit dans le corps social, par
exemple dans l'État, en empruntant à celui-ci son pouvoir de sanction et en profitant des manifestations de communion qui se produisent en lui. Elle
ne peut pas engendrer de corporation parce qu'elle n'est v a su n principe d'action ou d'entreprise, mais, au contraire, un principe de limitation
• Les institutions naissent, vivent et meurent juridiquement ; elles naissent par des opérations de fondation qui leur fournissent leur fondement
juridique en se continuant; elles vivent d'une vie à la fois objective et subjective, grâce à des opérations juridiques de gouvernement et
d'administration répétées, et, d'ailleurs. liées par des procédures; enfin, elles meurent par des opérations juridiques de dissolution ou d'abrogation.
Ainsi, elles occupent juridiquement la durée et leur chaîne solide se croise a v e cl a trame plus légère des relations juridiques passagères.

• M. Hauriou, La théorie de l’institution et de la fondation, Essai de vitalisme social, La cité moderne et la transformation du droit, 1925.
Présentation des
composantes de l’ordre
juridique : la pyramide
des normes
Hiérarchie des normes (1)
Hiérarchie des
normes (2)
La répartition entre ordres juridictionnels
judiciaire et administratif

0 des personnes publiques entre elles


0 Des personnes physiques (des
individus) 0 des personnes publiques et des personnes privées
0 Des personnes morales (sociétés ou
associations)

0 0 Le droit constitutionnel (fonctionnement de


l’État)
0 Le droit administratif (relations des
particuliers avec l’administration)
0 Le droit commercial 0 Le droit des finances publiques
0 Le droit du travail… 0 Le droit international public
Organisation juridictionnelle
Rôle du Conseil
constitutionnel

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