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LE CONTRAT DE FRANCHISE 

: 5 AN APRES LA PROMULGATION DE LA LOI

N° 2009-69 DU 12 AOUT 2009, RELATIVE AU COMMERCE DE DISTRIBUTION 

QUEL AVENIR, QUELLES SOLUTIONS

Zoubeir MRABET

Avocat et expert en franchise

On se propose dans cet article de procéder à une étude critique de la législation tunisienne en
matière de franchise prévue par les articles 14 à 17 de la Loi n° 2009-69 du 12 août 2009
relative au commerce de distribution1 cinq ans après sa promulgation et notamment les
obstacles et lacunes qui caractérisent le cadre juridique applicable aujourd’hui à la franchise
en Tunisie. Mais commençons d’abord par donner une vue générale sur le secteur de la
franchise en Tunisie et la situation du marché de ce mode d’expansion commerciale (I) afin de
pouvoir évaluer l’avenir de la franchise en Tunisie (II).

I. PRESENTATION DE LA FRANCHISE ET ETAT DES LIEUX


Commençons tout d’abord par une rétrospection et une présentation de la franchise (A) pour
dresser l’état des lieux en la matière (B).
A. Rétrospection et présentation de la franchise.
À mi-chemin entre plusieurs institutions juridiques, le contrat de franchise demeure incapable
de se rattacher à une institution connue de la tradition civiliste et encore moins de la common
law2. Bien que réclamant son autonomie en tant qu’institution propre, le contrat de franchise
reste une institution inconnue du droit commun classique. Pourtant, il est condamné à
s’identifier au droit pour pouvoir définir et dégager le cadre des rapports contractuels des
parties.
En Tunisie, le concept de franchise apparait dans la fin des années quatre-vingt dans le cadre
d’un vaste mouvement de libéralisation de l’économie et d’ouverture au commerce
international. Mais, malgré l’arrivée de marques et enseignes internationales sur le marché
tunisien, la franchise reste aujourd’hui peu connue de la société tunisienne et même du milieu
commercial. De plus, le cadre juridique régissant la franchise reste insuffisant et mal adapté,
créant ainsi plusieurs obstacles et carences à son développement.

A cet effet, avant 2009 les contrats de franchise étaient considérés comme des contrats de
concession commerciale et traités en tant que tel. Cependant, suite aux recommandations de la
consultation nationale pour la modernisation du secteur commercial en 2004, aux résultats des
études menés dans le domaine du commerce de distribution et au programme de réhabilitation
du secteur commercial en 2007 lesquels ont montré la nécessité de réglementer le contrat de
franchise, un cadre juridique a été élaboré qui a aboutit à la promulgation des textes juridiques
suivants :

1
Travaux préparatoires: Discussion et adoption par la chambre des députes dans sa séance du 21 juillet 2009et
par la chambre des conseillers dans sa séance du 30 juillet 2009.
2
Paul-André MATHIEU, La nature juridique du contrat de franchise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1989,
p. 27-81.

1
 loi N° 69-2009 du 12 Août 2009 relatif au commerce de distribution, en particulier les
dispositions des articles 14 à 17 sur la franchise.
 Décret N° 1501-2010 du 21 Juin 2010 portant fixation des clauses minimales
obligatoires des contrats de franchise ainsi que des données minimales du document
d'information l'accompagnant.
 Arrêté du ministre du commerce et de l'artisanat du 28 juillet 2010 portant
l’octroi systématique, à certains contrats de franchise, de l'autorisation prévue par
l'article 6 de la loi n° 91-64 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix.

A cet effet, la Loi n° 2009-69 du 12/08/2009 relative au commerce de distribution, notamment


son chapitre V vient apporter pour la première fois une reconnaissance et un statut à la
franchise en Tunisie3. Ce chapitre contient quatre articles énonçant des principes généraux :
une définition de la franchise, son étendue, son cadre formel impératif qui est un contrat écrit
et les obligations du franchiseur et du franchisé.

Au demeurant, cette loi représente une déclaration d’intention des autorités afin d’encourager
ce mode d’exercice de commerce qui se développe considérablement dans le monde. A ce
titre, rappelons que cette loi qui était en gestation depuis des années intervient dans le cadre
d’une réorganisation du commerce de distribution des biens et services. Il s’agit d’un défi
important pour l’émergence d’une nouvelle culture entrepreneuriale. L’adoption d’une loi
spécifique à la franchise était donc fort attendue par les franchiseurs notamment étrangers,
entre autres pour régler le problème du versement de royalties qui est désormais possible, sous
le contrôle de la banque centrale, après l’obtention de l’autorisation du ministre de commerce.

Mais qu’est ce qu’une franchise? Il n’existe actuellement en droit comparé aucune définition
légale ou communément admise de la franchise. Cette carence se justifie par l’absence de lois
régissant cette forme contractuelle4 ainsi que par l’aspect relativement nouveau du
franchisage. Curieusement, le législateur Tunisien a cru bon de définir le contrat de franchise
dans le cadre de la loi sur le commerce de distribution, définition qui reste, cependant,
critiquable dans la mesure ou cette définition est inadaptée et incomplète comme nous allons
le constater. En effet, l’alinéa 1er de l’article 14 de la Loi n° 2009-69 du 12 août 2009 relative
au commerce de distribution dispose que :
« Le contrat de franchise est un contrat par lequel le propriétaire d’une marque ou d’une
enseigne commerciale accorde le droit de son exploitation à une personne physique ou
morale dénommée franchisé, et ce, dans le but de procéder à la distribution de produits ou à
la prestation de services moyennant une redevance. »

B. ETAT DES LIEUX

A date, 28 enseignes internationales ont eu l’autorisation du ministère de commerce d’opérer


en Tunisie. Le schéma et le tableau suivants5 montrent, la procédure à suivre pour l’obtention
de l’autorisation du ministre du commerce pour les marques et/ou enseignes étrangères, ainsi
3
Zoubeir Mrabet, « Critique et comparaison des lois Tunisienne et Française sur la franchise », in FranchiseLab
du 25/10/2010 disponible sur lien suivant http://franchiselab.fr/2010/10/25/critique-de-la-loi-tunisienne-sur-la-
franchise/.
4
D’après l’étude préliminaire élaborée à la demande du Secrétariat d’UNIDROIT, il s’avère que rares sont les
États qui ont adoptés des lois sur le franchisage.
5
Source Conseil de la Concurrence Tunisien.

2
que l’évolution de l’implantation des enseignes internationales par secteur, par année et par
origine.

Source : Conseil de la concurrence tunisien

Source : Conseil de la concurrence tunisien

Les principales demandes d’implantation des franchiseurs étrangers, selon les récentes
statistiques du Conseil de la concurrence tunisien que montre bel et bien le schéma et le
tableau ci-dessous, sont relatives à des marques et/ou enseignes américaines (38%) et
françaises (23%) et concernent les activités de restauration rapide (8), glace et pâtisserie (5),
boulangerie (2), les services immobiliers (2) et publicitaires (2).
3
Source : Conseil de la concurrence tunisien

II. QUEL AVENIR POUR LA FRANCHISE EN TUNISIE ?

Vraisemblablement, le législateur tunisien a préféré suivre l’exemple français en adoptant


cette loi en question en ce sens que le législateur français avait déjà adopté une loi analogue à
savoir la Loi Doubin6 qui sans être spécifique à la franchise 7 la concerne de très près, dans la
6
Loi n°89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et
à l’amélioration de leur environnement économique, juridique et social, J.O du 2 janvier 1990, p. 9.
7
Cette loi n’emploi pas le terme « franchise ».

4
mesure où les rédacteurs de cette loi se sont inspirés de plusieurs autres lois portant sur la
franchise8. À cette loi et son décret d’application 9 est venu se joindre le règlement
communautaire 2790/199910 remplaçant le règlement de la CCE N°4087/8811. En revanche, le
droit américain semble mieux servi en matière de législation sur la franchise que son
homologue français dont la situation est assez « désertique »12. En effet, depuis le 21 octobre
1979 on a assisté à l’entrée en vigueur d’une loi spécifique au franchisage connue sous le nom
de full discloser Act13. Cette loi conserve une importance capitale notamment pour l’influence
qu’elle est appelée à exercer sur les pays de la communauté européenne et le cadre légal
protectionniste qu’elle offre au franchisé14.
Toutefois, l’analyse du cadre légal est réglementaire régissant la franchise en Tunisie révèle
que le législateur a opté pour un texte général réglementant les formes les plus utilisées en
Tunisie du commerce de distribution à savoir le commerce de distribution en général, les
centres commerciaux, les centrales d’achat et les contrats de franchise. Dans ce cadre, la
question qui se pose est celle de savoir si cet assemblage juridique de certains modes types de
distribution et notamment l’insertion du contrat de franchise parmi ces différentes formes de
distribution était la bonne option législative à adopter (A). De même, l’étude de la pratique au
cours des cinq dernières années de l’application du cadre juridique de la franchise et
notamment la délégation faite au pouvoir exécutif, à savoir le ministère de commerce, de fixer
la liste des activités exemptés systématiquement de l’autorisation du ministre de commerce 15,
ainsi que sa main mise sur toute la procédure tendant à l’octroi de la dite autorisation laisse à
désirer et reste critiquable pour différentes raisons qu’en tentera d’explorer ci-après (B).

A. Un cadre légal inadapté, incomplet et limité :

En premier lieu, le cadre légal de la franchise en Tunisie, malgré les prétentions que ses
rédacteurs veulent lui attribuer, reste inadapté à même la nature juridique du contrat de
franchise telle quelle est confirmée dans la pratique internationale qui renie toute tentative de
la ramener à un simple contrat de distribution.
Cet état de fait se dégage Tout d’abord de la définition donnée par le législateur tunisien qui
s’est voulue incomplète en ce qu’elle néglige, d’une part, deux éléments essentiels à la
franchise : à savoir le contrôle du franchiseur 16 et l’aspect de collaboration. En effet, l’étude
des diverses propositions de définition avancées par la doctrine 17 ou certaines institutions
8
KHAYAT DE CYWINSKA et Anne VICENT-FITOUSSI, Le franchisé: droits et obligations, Thèse de
doctorat, Université de paris I, 1996, p. 39.
9
Décret n°91-337 du 4 avril 1991 portant application de l’article 1 er de la Loi n°89-1008 du 31 décembre 1989,
J.O du 6 avril, p. 4627 et rectificatif du 6mai 1991, p. 5983.
10
Règlement CCE N°2790/1999 de la CCE du 22 décembre 1999 concernant l’application de l’article 81,
paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et des pratiques concertées.
11
Règlement CCE du 30 Novembre 1988 relatif à l’application de l’article 85 paragraphe 3 du traité de Rome à
des catégories d’accords de franchise.
12
Olivier GAST, « le droit de la franchise aujourd’hui », Cah. dr. entr, 1981.4, pp. 23-25.
13
De son vrai nom Disclosure and prohibitions concerning franchising and business opportunities ventures.
14
O. GAST, « Aperçu général de la loi américaine sur le franchising », R T D. Com, 1982.35, pp. 225-239.
15
Pour une idée plus détaillée sur la liste des activités exemptés de l’autorisation du ministre de commerce pour
les marques étrangères voir Arrêté du ministre du commerce et de l'artisanat du 28 juillet 2010 portant
l’octroi systématique, à certains contrats de franchise, de l'autorisation prévue par l'article 6 de la loi n° 91-64 du
29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix.
16
Bien que l’article 17 de cette loi souligne certaines formes que peut revêtir le pouvoir de contrôle du
franchiseur, il n’en demeure pas moins qu’il en omet d’autres.
17
Jean-Marie LELOUP, La franchise-droit et pratique, 2ème édition, Collection française, Paris, Delmas, 1983,
p. 26.

5
professionnelles démontre bien la difficulté d’établir une définition assez complète de la
franchise, bien que ces tentatives étaient plus réussies que celles du législateur tunisien. Il en
est ainsi, par exemple, de la définition proposée par la Fédération Française de la Franchise ou
celle donnée par la Fédération Européenne de la Franchise 18 lesquelles marquent mieux
l’aspect de la collaboration et l’avantage concurrentiel inhérents à la relation de franchise
ainsi que le pouvoir de contrôle reconnu au franchiseur. De même, elles soulignent bien le
caractère préalable du savoir-faire et l’obligation mise à la charge des franchisés de respecter
les normes du franchiseur. Cependant, elles demeurent elles aussi incomplètes, comme
d’ailleurs d’autres essais de définition, puisque insistant sur un aspect particulier de la
franchise tout en négligeant d’autres aspects. D’autre part, cette définition semble ne
reconnaitre que les opérations visant « la distribution de produits» ou «la prestation de
services» et omet de ce fait les franchises de production et/ou les franchises industrielles pour
ne citer que celles-là. Certes, le contrat de franchise est un contrat de distribution, mais il ne
l’est pas toujours et uniquement. Vraisemblablement le législateur a consciemment omis ces
dernières sortes de franchise pour la simple raison que la loi en question est relative au
commerce de distribution comme son nom l’indique. Ce faisant, le législateur tunisien
dénature la réalité juridique de la franchise en l’emprisonnant dans un sanctuaire légal.
Ensuite, cette définition met trop l’accent sur la notion de commercialité du réseau franchisé 19
alors même qu’une telle condition n’est pas nécessaire à la qualification du contrat de
franchise. Le titre même de la cette loi est très équivoque et notamment l’emploi du terme
«commerce» de distribution dans diverses dispositions de cette loi et dans l’article 14 al. 3
définissant le réseau franchisé. De surcroit, de toutes les tentatives de définition de la
franchise qu’on a eu à consulter, d’aucune n’a retenue le critère de commercialité comme
élément substantiel à sa reconnaissance. Il s’ensuit que bien que la quasi-totalité des réseaux
de franchise soient composés de commerçants, ce n’est pas la nature du contrat. À preuve, le
champ d’application de la franchise peut aller jusqu'à contenir des activités civiles
(artisanales, agricoles ou libérales) et qu’au demeurant la qualité de commerçant n’est pas
requise pour l’exercice de la franchise d’où il serait plus pertinent de qualifier les parties au
contrat de franchise d’entrepreneurs plutôt que de commerçants.
Ces critiques se confirment par ailleurs pour les deux raisons suivantes :
1. Le contrat de franchise est un contrat complexe et original
Innovation contractuelle, la franchise l’est sûrement. Il s’agit, cependant, d’une
innovation qui a réussi la fusion d’un certain nombre de mécanismes contractuels connus 20.
Située entre les contrats de mandat, de vente, de louage et de société 21, la franchise étonne par
son originalité et sa complexité. C’est ce dernier aspect qui rend son étude loin d’être aisée.
Cette complexité découlant de la nature même de la franchise est accentuée par la
complexité des relations entre le franchiseur et le franchisé. À ce propos, on a toujours

18
Pour des exemples plus détaillés de ces propositions de définitions voir Zoubeir MRABET, Les obligations du
franchiseur : étude du droit civil et du droit international uniforme, Mémoire de mastère en droit des affaires,
Université de Montréal, 2005.
19
L’alinéa 3 de l’article 14 de cette loi stipule que « Est considéré réseau de franchise l’ensemble des commerces
indépendants exerçant sous la même marque et selon des méthodes commerciales unifiées dont notamment
l’aménagement des locaux, les modes de gérance, l’exposition, le marketing et les sources
d’approvisionnement.»
20
Michel CABRILLAC, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les décisions récentes de la pratiques
commerciales », dans Mélanges Gabriel MARTY, Toulouse, 1978, p. 236.
21
P-A., MATHIEU, op., cit,, note 2, pp. 47-73.

6
souligné que le contrat de franchise est une technique de collaboration commerciale où
franchiseur et franchisé cherchent à fidéliser une clientèle au concept du franchiseur, mais il
n’en demeure pas moins que chacune des parties poursuit la réalisation de certains objectifs
qui lui sont propres. En pareil cas et en présence d’intérêts divergents des deux parties, les
conflits ne peuvent que s’installer. Cette situation est inévitable puisqu’elle se rattache à la
nature même de la franchise où l’équilibre des prestations est difficile à réaliser, ce qui rend
l’analyse des relations entre franchiseur et franchisé assez délicate et pleine d’embûches.
2. Le contrat de franchise se distingue des autres contrats de distribution
L’ambiguïté que recèle le contrat de franchise et les rapprochements fait par la jurisprudence
et la doctrine à d’autres contrats proches et notamment les contrats de distribution expliquent
dans une certaine mesure l’option législative tunisienne d’inclure le contrat de franchise dans
une loi générale relative au commerce de distribution. Il reste, cependant, que la franchise se
distingue nettement de ces contrats pour les raisons suivantes :
- Hormis le cas de la franchise, les distributeurs ne sont pas soumis à l’obligation de payer
une redevance initiale lors de leur entrée dans le réseau.
- Le distributeur conserve plus d’indépendance dans la mesure où il n’est soumis à aucun
contrôle comme c’est le cas du franchisé, et de ce fait les questions de la protection de
l’adhérant au réseau et de l’équilibre des prestations entre les parties ne se posent pas
vraiment dans les contrats classiques de distribution ou du moins ne s e posent pas avec la
même acuité.
- Aucune condition de « commercialité » n’est exigée pour l’exercice de la franchise
comme on l’a souligné précédemment, et ce, contrairement aux autres contrats de
distribution où le distributeur est généralement un commerçant.
- Au demeurant, contrairement à la franchise, tous les autres modes de distribution
n’entraînent pas un transfert de savoir-faire : le concessionnaire, le distributeur voir
même le représentant commercial ou les propriétaires des commerces de distribution
visés par la loi objet de notre étude ne peuvent que compter sur leur propre savoir-faire
pour mener leur affaires. Cet élément essentiel combiné à l’assistance continue du
franchiseur et le payement de la redevance par le franchisé participent à la définition de la
franchise, et partant à sa distinction des autres types de contrats de distribution.
Cette complexité et cette originalité, outre toutes les autres raisons qu’on a pu avancer,
appellent, donc, à réserver à la franchise un intérêt particulier qui sort des sentiers battus des
autres contrats de distribution. C’est la raison pour laquelle tout un travail a été élaboré par
UNIDROIT22 qui a donné naissance au Guide sur les accords internationaux de franchise
principale23. Bien que le « Guide » s’applique en bonne partie aux accords de franchise
principale24, il intéresse par ailleurs toutes les autres sortes d’accords de franchise. A ce titre,
l’intérêt du travail d’harmonisation d’UNIDROIT est plus que recommandable pour les
législateurs nationaux, et notamment le législateur tunisien, qui sont appelés à s’y inspirer
pour pallier les imperfections de leurs droits internes 25. Mais, au-delà de ce rôle, le « Guide »
se veut un instrument d’avant-garde pour « appréhender des questions qui sont déjà traitées

22
Voir à cet effet Lena PETERS, « Le projet de guide d’UNIDROIT sur le franchisage : comment et
pourquoi? », RDU, 1996. 4, p. 695 et suiv.
23
Guide sur les accords internationaux de franchise principale, UNIDROIT, Rome, 2002.
24
On entend par franchise principale le contrat de franchise qui fait intervenir, en règle générale, trois
intervenants : le franchiseur, le franchisé principal et les sous-franchisés. Une telle structure suppose que le
franchisé principal conclu les contrats de franchise unitaire et agit à leur égard en qualité de franchiseur.
25
Guide sur les accords internationaux de franchise principale, op.cit., note 23, voir « Introduction », p. XXX.

7
par les législations nationales mais qui revêtent une importance marquée dans le domaine du
franchisage » comme c’est notamment le cas en matière de propriété intellectuelle26.
Cette inadaptation du cadre juridique actuel de la franchise, se révèle aussi au niveau de la
procédure à suivre en vue de l’obtention de l’autorisation du ministre de commerce pour les
franchises internationales. Ainsi, le respect de la procédure implique en règle générale que la
plus diligente des parties27 dépose une demande auprès du ministère de commerce pour
l’obtention d’une autorisation lui permettant de se conformer aux exigences de l’article 6 de la
loi sur la concurrence et prix ; laquelle demande est soumise obligatoirement par le ministre
de commerce à l’avis du Conseil de la Concurrence. A cet effet, il est intéressant de souligner
que le Conseil de la Concurrence dans le cadre de sa mission consultative obligatoire a opté
pour une méthodologie d’analyse au cas par cas et ce contrairement à l’approche de l’autorité
de la concurrence en France qui se caractérise par une analyse en bloc. Cette approche est
fondée sur la règle de raison qui tente de mettre en balance les effets favorables et contraires à
la concurrence des différentes restrictions verticales. Cette approche a été confirmée par
l’Assemblée plénière du Conseil dans son avis n°82218 du 26/11/2008, relative à une
demande d’exemption collective d’un contrat-cadre de représentation exclusive dans le
secteur de distribution de presse et revues étrangères28.

Cependant, cette démarche bipolaire impliquant tant le ministère de commerce que le Conseil
de la Concurrence dans un même dossier n’est pas compatible avec la célérité recherchée
dans le monde des affaires et fondamentale à sa survie, dans la mesure où certaines demandes
d’autorisation prennent quelques années (entre 2 et 3 ans) pour être délivrée ce qui est un
délai trop long et peu être néfaste autant pour le franchiseur que le franchisé qui ont investis
des sommes considérables dans le projet de franchise et se trouvent confrontés à une attente
forcée qui leur coute cher. Même, si dans certains cas on tolère le commencement de
l’activité avant l’obtention formelle de l’autorisation du ministre de commerce, le problème
demeure entier puisque le franchisé ne saura satisfaire à ses obligations monétaires et
notamment le payement des royalties dans la mesure où leur transfert est subordonné à la
communication à la banque centrale de la dite autorisation.
A ce titre, il serait intéressant de prendre l’exemple français en matière des attributions à
accorder à l’autorité de la concurrence. En effet, la position adoptée en France depuis 2012
suite à l’adoption de la Loi n°2012-1270 du 20/11/2012 modifiant l’article L420-4 du Code ce
Commerce français a rendu les exemptions libres à condition de prouver l’apport économique
et technique de la franchise en question, ainsi que son intérêt pour le consommateur, le tout en
respectant les recommandations de l’autorité de la concurrence en la matière 29. Ainsi, le titre
II du livre IV du code de commerce français s’en trouve ainsi modifié.
Il est inséré un article L. 420-2-1 ainsi rédigé : « I. Ne sont pas soumises aux dispositions des
articles L.420-1 et L.420-2 les pratiques : 1° Qui résultent de l’application d’un texte législatif
ou d’un texte réglementaire pris pour son application ; 2° Dont les auteurs peuvent justifier
qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique, y compris par la création ou le

26
Id, p. XXXII.
27
Et non pas obligatoirement le franchisé comme semble l’exiger le ministère de commerce.
28
En définitive, l’avis était défavorable en raison de l’absence de dispositions particulières et expresses dans la
loi relative à la concurrence et aux prix autorisant la délivrance d’une exemption collective, en premier lieu, et en
second lieu en raison du fait que ce type d’accord-cadre ne peut pas être couvert par l’exemption particulière
prévue à l’article 6 de la loi en question.
29
Il est intéressant de souligner que l’autorité de la concurrence en France émet des recommandations tous les
trimestres adressés à certains secteurs d’activité qu’elle choisi.

8
maintien d’emplois, et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en
résulte (…) .
III. ― Ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 420-2-1 les accords ou pratiques
concertées dont les auteurs peuvent justifier qu'ils sont fondés sur des motifs objectifs tirés de
l'efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui
en résulte. »

En second lieu, le cadre juridique tunisien de la franchise reste incomplet et limité. Il en est
ainsi, des obligations réciproques des parties au contrat de franchise en ce que le législateur
tunisien s’est contenté d’annoncer des principes généraux sans pour autant établir un vrai
régime juridique de la relation de franchise. Même le Décret N° 1501-2010 du 21 Juin 2010
portant fixation des clauses minimales obligatoires des contrats de franchise ainsi que des
données minimales du document d'information l'accompagnant, qui était censé apporter des
clarifications aux diverses lacunes laissées par la loi du 12/08/2009, nous a laissé sur notre
faim dans la mesure ou il s’est contenté lui aussi d’exposer des obligations générales de part
et d’autre, sans se soucier d’en déterminer l’étendue et les limites de sorte a laisser la porte
ouverte aux diverses interprétations et à l’émergence d’une énorme latitude au profit du
pouvoir exécutif dans leur application. Dans cette même veine, il nous semble étonnant voir
inadapté et inapproprié de réglementer des rapports contractuels privés d’une telle envergure
par un simple texte de nature réglementaire. Il en est de même de la question de l’obligation
précontractuelle d’information qui était censée être réglée par ce même texte réglementaire,
sans pour autant y parvenir convenablement, en ce que plusieurs éléments fondamentaux à la
réalisation du consentement éclairé du franchisé n’ont pas été traité ou abordés de manière
générale et trop imprécise ; ce qui nous amène à nous demander quel pourrait être l’avenir
de la franchise en Tunisie et quelles sont les solutions à envisager pour y parvenir ?
B. QUEL AVENIR ? QUELLES SOLUTIONS ?

En définitive, le cadre juridique actuel de la franchise laisse beaucoup à désirer et devrait faire
l’objet d’une refonte complète et plus réfléchie. À cet effet, nous aurions aimé voir la Tunisie
se doter d’un vrai cadre juridique sur la franchise comme la loi américaine ou même les lois
de certaines provinces canadiennes30.

A ce titre nous nous proposons d’avancer les recommandations suivantes pour palier aux
lacunes existantes créant ainsi un effet néfaste de ralentissement à l’évolution et au
développement de la franchise en Tunisie. Deux paliers principaux retiendront notre
attention :

1. Au niveau de la loi :
Il serait plus opportun de réserver une loi spécifique à la franchise comme c’est le cas en
Amérique du Nord, terre natale de la franchise et des plus grandes marques mondiales 31, car
on ne saurait plaidoyer pour un développement durable et effectif de l’activité du franchisage
en Tunisie tant que le cadre légal et réglementaire demeure aussi lacunaire et inadapté aux
spécificités du franchisage. A cet effet, Il serait, plus efficace encore de s’inspirer des
expériences législatives des pays dans lesquels le franchisage connait un réel

30
Voir pour la province de l’Alberta, Franchises Act, R.S.A. (2000), c.F-23, tel que modifié et pour la province
de l’Ontario Arthur Wishart, L.O. (2000), c.3
31
De manière générale en Afrique du Nord et au Moyen Orient, les marques américaines et canadiennes sont en
forte demandes. Voir à cet effet pour le cas de la Tunisie, le tableau de répartition des marques de franchise par
origine.

9
épanouissement32 et notamment du travail d’UNIDROIT en matière de franchise. En effet, il
serait très recommandable et enrichissant pour le législateur Tunisien de s’inspirer de
l’énorme travail d’édification d’UNIDROIT en matière de franchise notamment le Guide sur
les accords internationaux de franchise principale et la Loi Type sur la divulgation des
informations en matière de franchise33. De surcroit, citant à titre d’exemple quelques lacunes
au titre de cette obligation précontractuelle d’information que le Décret N° 1501-2010 du 21
Juin 2010 portant fixation des clauses minimales obligatoires des contrats de franchise ainsi
que des données minimales du document d'information l'accompagnant aurait pu éviter en
s’inspirant de la Loi-Type d’UNIDROIT. C’est ainsi que cette loi prévoit dans son article 6
les éléments pertinents suivants non retenus par le décret en question et qui sont de nature à
permettre un consentement plus éclairé du franchisé :
- En ce qui a trait à l’enregistrement de la marque :
« Les informations suivantes ayant trait aux droits de propriété intellectuelle du franchiseur
dont une licence est octroyée au franchisé, et en particulier, aux marques, brevets, droits
d’auteurs, et droits attachés aux logiciels :
iii) la date à laquelle s’éteint l’enregistrement des droits de propriété intellectuelle faisant
l’objet de la licence ;
iv) les procédures judiciaires ou toute autre procédure légale engagées le cas échéant qui
pourraient avoir des effets significatifs sur l’utilisation, exclusive ou non exclusive, par le
franchisé des droits de propriété intellectuelle résultant du contrat de franchise, dans l’Etat où
l’activité commerciale franchisée doit être exploitée »
- En ce qui a trait aux projections financières
« Si une information est délivrée au futur franchisé, par le franchiseur ou en son nom,
concernant les résultats financiers passés ou les projections financières d’unités exploitées en
propre par le franchiseur, ses affiliés ou ses franchisés, cette information doit :
 inclure les hypothèses importantes ayant permis sa préparation et fondé sa
présentation ;
 préciser si elle est basée sur des résultats effectifs d’unités d’exploitation
existantes ;
 spécifier si elle est basée sur des unités d’exploitation appartenant au
franchiseur et/ou aux franchisés ; et
 indiquer le pourcentage d’unités d’exploitation dont les résultats correspondent
à l’éventail de ceux cités en comparaison ou qui les dépassent.
Si l’information financière visée dans le précédent sous-paragraphe est fournie, le franchiseur
doit spécifier que les niveaux de performance effectivement atteints par l’unité d’exploitation
proposée au futur franchisé, peuvent être différents de ceux qui se trouvent énoncés dans
l’information fournie par le franchiseur ; 
- En ce qui a trait à la distinction entre franchise directe et franchise principale :
L’article 6.3 précise que « Si la franchise est une franchise principale, le sous-franchiseur (…)
devra informer le candidat sous-franchisé de la situation des contrats de sous-franchise dans
l’hypothèse d’une résiliation du contrat de franchise principale et de son contenu. »

2. Au niveau de la structure administrative et de contrôle :

La lenteur dans le traitement des dossiers dégagée par la pratique de l’application du cadre
juridique actuel pour l’obtention de l’autorisation du ministre de commerce qui peut prendre

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Sachant que le secteur du franchisage en Afrique du Nord et au Moyen Orient produit un chiffre d’affaires
équivalent à 30 milliards de dollars US avec une croissance de 25%.
33
Loi type sur la divulgation des informations en matière de franchise, UNIDROIT, Rome, 2002.

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des fois 2 voir 3 ans, nous amène à réfléchir sur l’intérêt de faire trainer les dossiers entre
deux autorités publiques à savoir le ministère de commerce et Conseil de la Concurrence.
Dans ce cadre, on se pose la question de savoir pourquoi ne pas se contenter d’une seule
autorité tout en renforçant le contrôle à postériori comme c’est le cas en France ?

De fait, nous pensons qu’il serait plus efficace pour tous les intervenants dans le monde du
franchisage d’opter pour une analyse des dossiers des marques étrangères par bloc, attribution
qui devrait être du seul ressort du Conseil de la Concurrence.

En effet, Il est plus pertinent, de déléguer l’entière procédure d’autorisation au Conseil de


la Concurrence pour deux raisons au moins :

- D’abord, l’esprit même de la loi milite pour dire que la raison pour laquelle
l’implantation d’une certaine marque étrangère en Tunisie est subordonnée à une autorisation
préalable est intimement liée aux exigences de la législation sur la concurrence, qui est par
nature du domaine réservé au Conseil de la Concurrence comme c’est le cas d’ailleurs de
l’autorité de la concurrence en France.
- De même, le Conseil de la Concurrence, est, par sa nature, le gardien de l’équilibre du
marché et le protecteur de l’ordre public économique, qui rendrait de ce fait ce genre de
décisions plus objectif et dépourvu de tout aspect politique que pourrait représenter le ministre
de commerce, ses représentants ou délégués, tout en épargnant du temps et permettant par la
même occasion de s’aligner sur les vraies caractéristiques de l’activité économique à savoir la
célérité et la mutabilité de mouvement. Par ailleurs, la centralisation du traitement de la
demande au sein d’un seul organisme à savoir le Conseil de la Concurrence permettrait une
meilleure gestion et un gain de temps précieux. D’ailleurs, la pratique démontre que l’avis du
Conseil de la Concurrence est donné dans un délai moyen de deux mois ; c’est juste le
manque de coordination et de communication de l’administration tunisienne qui fait que
l’autorisation tarde à être délivrée.

Ce disant, nous pensons que l’adoption d’une loi spécifique à la franchise inspirée des
meilleurs exemples et pratiques en la matière, conjugué à un rôle plus accru du Conseil de la
Concurrence notamment en lui accordant plus d’attribution surtout en matière d’autorisation
et de contrôle a posteriori en sa qualité de gardien de l’équilibre du marché donnerait un
meilleur climat juridique au développement de la franchise en Tunisie et propulserait, peut-
être, l’activité de franchisage en Tunisie vers d’autres cieux plus clément et moins obscurs.
Nous l’espérons.

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