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MBULA ea LOONDO
Août 2013
1
Les idées contenues dans cette réflexion ne reflètent pas la doctrine de la Banque Centrale du Congo en
matière d’applicabilité du droit OHADA sur ses propres activités et sur le secteur des établissements de
crédit. Elles n’engagent que leur auteur.
3
INTRODUCTION
1. L’étude d’impacts d’une nouvelle législation vise à prévoir les changements d’ordre juridique
que cette législation peut susciter ou qu’elle provoque réellement. Dans le cas qui nous concerne,
cette étude peut s’appréhender comme l’étude des changements induits par le droit OHADA tant
sur les missions de service public assumées par la Banque Centrale que sur les activités même de
l’institution. En effet, les Actes uniformes de l’OHADA ont pour vocation à se substituer au droit
national de l’Etat concerné, en l’occurrence la République Démocratique du Congo (RDC) avec
comme conséquence la disparition des pans entiers du système juridique existant.
3. Le deuxième intérêt réside dans l’exercice par la Banque Centrale de son pouvoir de
réglementation des activités et du fonctionnement des établissements de crédit. A première vue,
cet intérêt pourrait ne pas être perceptible dans la mesure où l’AUSC a exclu les établissements
financiers de son champ d’application. Cependant, dans la mesure où les établissements de crédit
sont avant tout des sociétés commerciales, nous avançons l’hypothèse selon laquelle la
coexistence harmonieuse entre les règles d’organisation des sociétés commerciales en vertu de
l’AUSC et les règles d’organisation des établissements de crédit compte tenu de leur spécificité
implique un examen très attentif des règles de droit en présence pour ne pas créer l’insécurité
juridique. Il peut en être inféré que le « particularisme bancaire » pourrait ainsi ne donner pleine
satisfaction que moyennant éclairage avant tout de la Banque Centrale elle-même1. L’intervention
de la Banque Centrale dans l’application des Actes uniformes en dehors de tout contentieux
devrait ainsi constituer un élément important de l’effectivité du droit OHADA en droit congolais
dans le secteur des établissements de crédit.
4. Le troisième intérêt réside dans le fait que certaines missions de la Banque Centrale pourraient
trouver une nouvelle vitalité à travers les Actes uniformes. Il est ainsi du pouvoir qui lui est
reconnu d’assurer la promotion des marchés de capitaux et, plus spécifiquement, de superviser les
opérations d’appel public à l’épargne (APE). De même, dans la mesure où le fonctionnement du
registre de commerce et du crédit mobilier (RCCM) recoupe la mission de la centralisation des
informations sur les risques de crédit, il devient intéressant, d’une part, de connaître l’état de l’art
1
Rien n’interdit cependant les parties à saisir le juge pour obtenir une interprétation. Dans la mesure où le juge ne
peut se prononcer sur des dispositions générales, il faut effectivement un litige, c’est-à-dire une situation
pathologique et porteuse d’insécurité. Dans cette perspective, l’intervention en amont de la Banque Centrale en
tant qu’autorité de supervision avant tout litige est donc souhaitable et rencontre l’exigence de l’article 83 de la loi
n° 003/2002 du 02 février 2002.
4
dans l’organisation juridique des basés des données et, d’autre part, d’identifier les points de
rencontre entre le RCCM et la base des données centralisatrice des risques de crédit gérée par la
Banque Centrale actuellement en cours de mutation.
5. En dernier lieu, il ne faut pas ignorer que la Banque Centrale, en tant que sujet de droit, se
trouve entièrement immergée dans le droit OHADA. Il en est ainsi de la tenue de ses comptes, du
recouvrement des créances l’impliquant en tant que créancier, débiteur ou tiers détenteur, de
l’organisation du transport de ses biens et du règlement des litiges relevant du droit OHADA dans
lesquels elle est partie. Dans la mesure où la Banque Centrale pose des actes de commerce à
travers son imprimerie de sécurité, il s’avère intéressant de savoir si l’AUDCG ne l’oblige pas à
s’immatriculer dans le cadre de cette activité afin de tirer tous les avantages liés à cette
immatriculation2.
6. Pour examiner les impacts réels de la législation OHADA sur les missions et le fonctionnement
de la Banque Centrale, il sera fait appel à l’argument de cohérence du système juridique. Nous
postulons ici que le droit OHADA coexiste de manière harmonieuse avec le droit des
établissements de crédit et les différentes missions de la Banque Centrale. Cette harmonie n’est
pas une donnée mais devrait résulter d’un examen détaillé de différentes dispositions de droit
congolais concernés. Cette méthode permettra
7. La présente réflexion s’articulera autour de trois points. Le premier chapitre est relatif à
l’approche méthodologie qui est utilisée pour analyser, du point de vue de la logique juridique,
l’impact du droit OHADA sur les métiers et le fonctionnement de la Banque Centrale. Dans un
deuxième chapitre, il sera question d’identifier les zones d’impact à travers une mise en relief les
missions de la Banque Centrale concernées par le droit OHADA. Enfin, le dernier chapitre est
consacré à l’analyse de ces zones d’impacts afin de faire ressortir les obligations de conformité
aux Actes uniformes incombant à la Banque Centrale et proposer les voies à explorer pour s’y
conformer.
2
L’immatriculation au registre de commerce est en fait une déclaration d’activité et avec comme conséquence une
présomption de commercialité.
5
8. L’approche utilisée ici consiste avant tout à rechercher la cohérence entre le droit des sociétés
commerciales et le droit des établissements de crédit. Cette cohérence se dégage à travers la portée
à conférer à la force abrogatoire des Actes uniformes et au particularisme bancaire, sans perdre de
vue que, la liberté des conventions, devrait également trouver une place de choix dans le domaine
des affaires.
9. La recherche de la cohérence entre le droit OHADA et le droit des établissements de crédit est
essentielle. En effet, sans cette cohérence, la sécurité juridique, fer de lance de l’harmonisation du
droit des affaires en Afrique, risque d’être un vœu pieux. Aussi, il peut être postulé que les
rédacteurs des Actes uniformes, tout en reconnaissant la spécificité des établissements de crédit,
avaient toujours en vue dans l’intérêt des toutes les parties prenantes une coexistence harmonieuse
entre règles de droit s’appliquant à un même objet, en l’occurrence le droit des sociétés
commerciales et le droit des établissements de crédit.
10. L’approche adoptée ici s’appuie sur trois axes. Un premier axe, à travers la théorie de
l’abrogation des dispositions antérieures contraires issue de la théorie générale de l’acte juridique
postérieur contraire, examine la portée réelle à conférer à la force obligatoire des Actes uniformes.
11. Ce premier axe est complété par un deuxième axe qui analyse les phénomènes d’incidence
résultant de l’application des lois nouvelles. Ensuite, les données résultant de la théorie de l’acte
contraire et de phénomènes d’incidences, en tant que « champ d’application réelle des règles
OHADA », sont confrontées au principe du particularisme bancaire, lequel dessine une zone
« hors champ » mettant à l’abri des Actes uniformes certains domaines du droit des établissements
de crédit. Cette confrontation conduit ainsi à clarifier le « champ » car ce qui n’est pas abrogeable
est « hors champ ». Toujours est-il que la séparation du « champ » et du « hors champ » ne peut
pas totalement régler la question compte tenue de certaines zones « floues » où se mêlent de
manière inextricable le droit des établissements de crédit et le droit des affaires OHADA. Il en est
ainsi des cas où les Actes uniformes excluent le particularisme bancaire.
12. Par ailleurs, le droit des affaires étant également basé sur les contrats, il importe également de
rechercher la cohérence du droit des établissements de crédit à travers la part réservée à
l’autonomie de volonté, comme une marge de manœuvre laissé à la « communauté des affaires »
pour bénéficier de la vitalité de l’innovation juridique dans la conduite des affaires.
13. Les axes méthodologiques retenus sont donc la théorie de l’abrogation des dispositions
antérieures contraires, les phénomènes d’incidences, le particularisme bancaire et la théorie de
l’autonomie de la volonté.
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14. Le droit ancien peut être abrogé de deux manières : directement (abrogation directe) et soit
indirectement (abrogation indirecte)
15. L’abrogation directe est basée sur un syllogisme catégorique qui se présente comme suit :
Or, l’article n de l’Acte uniforme X abroge toutes les dispositions antérieures contraires
de droit national traitant de la même matière;
Donc, le texte législatif Z de droit national traitant des matières Y est abrogé.
16. L’abrogation directe suppose que l’identité entre le droit ancien (congolais) et le droit nouveau
(OHADA) est totale quant à leur objet (la matière juridique) et leur finalité (la raison d’être de la
règle de droit). Cette identité peut être appréhendée d’un point de vue macroscopique ou d’un
point de vue microscopique. Du point de vue macroscopique, l’hypothèse de départ serait que
dans la mesure où un Acte uniforme traite d’une matière donnée, tous les textes légaux et
réglementaires congolais traitant de la même question sont abrogés. Il en est ainsi de l’Acte
uniforme sur les sociétés commerciales (AUSC) vis-à-vis du Décret du Roi-Souverain du 27
février 1887 relatif aux sociétés commerciales, tel que modifié et complété à ce jour.
17. La macro-approche peut cependant poser problème dans la mesure où elle comporte la
possibilité de conférer à la force abrogatoire des Actes uniformes une portée qu’elle n’a pas.
L’expérience a d’ailleurs démontré que la formule « sont abrogées toutes les dispositions
antérieures contraires …» peut être vecteur des risques juridiques de sorte qu’une application
prudente de la disposition abrogatoire doit être de mise. On pourra ainsi se poser la question de
savoir si l’Acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG) a totalement abrogé le décret
du 2 août 1913 relatif aux commerçants et à la preuve des engagements commerciaux de sorte que
la femme mariée peut invoquer sa pleine capacité commerciale ! Telle est la position soutenue par
la Commission nationale OHADA.3 Ainsi, ici comme ailleurs, le diable est dans le détail.
18. La micro-approche est plus systématique et est complémentaire à la première. Ici, la double
identité (objet et finalité) des règles de droit en présence est examinée non pas au niveau du texte
de référence mais au niveau de la règle de référence, c’est-à-dire, au niveau des articles, alinéas
ou paragraphes. De ce point de vue, par rapport à la capacité commerciale de la femme mariée, on
peut se poser la question de savoir si la règle de la double identité est respectée en opposant
l’article 6 de l’AUDCG à l’article 4, alinéa 1er, du décret du 2 août 1913 relatif aux commerçants
et à la preuve des engagements commerciaux. En effet, cette capacité juridique, s’apprécie-t-elle
en fonction de l’article 6 (dans ce cas on subsumerait qu’il est complet) ou conformément à la loi
nationale qui est le Code de la famille (dans ce cas, l’article 6 n’étant pas complet, il s’opèrerait un
renvoi à la loi nationale) ?
3
MASAMBA Roger, L’OHADA en RDC. Manuel de vulgarisation, 2012, p. 22.
7
Art. 6, AUDCG— Nul ne peut accomplir des actes de commerce à titre de profession, s'il n'est
juridiquement capable d'exercer le commerce.
Art. 4, décret du 2 aout 1913. — La femme mariée et non séparée de corps ne peut être
commerçante sans le consentement de son mari.
Art. 217, Code de la famille — Art. 215. — Sont incapables aux termes de la loi:
1. les mineurs;
2. les majeurs aliénés interdits;
3. les majeurs faibles d’esprit, prodigues, affaiblis par l’âge ou infirmes placés sous curatelle.
La capacité de la femme mariée trouve certaines limites conformément à la présente loi.
20. L’abrogation indirecte est basée sur un raisonnement déductif suivant lequel, dans la mesure
où l’abrogation d’une règle générale est établie, les règles spéciales, supplétives, interprétatives ou
subsidiaires qui en dérivent sont également abrogées. La règle générale contraire étant abrogée (la
cause), les règles spéciales (effets) disparaissent également. Et, il ne peut pas en être autrement.
Partant de ce principe, l’on pourra inférer qu’en abrogeant les dispositions du décret du Roi-
Souverain du 27 février 1887 relatif les sociétés commerciales ayant trait aux sociétés par actions
à responsabilité limitées, l’AUSC rend inefficace les dispositions de la loi n° 08/007 du 07 juillet
2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques,
spécialement l’article 5.
Art. 5 : La société commerciale visée aux articles 2 et 4 ci-dessus est une société par actions à
responsabilité limitée.
21. En effet, la transformation des entreprises publiques du secteur marchand devra désormais
s’effectuer conformément à l’AUSC. La société par actions à responsabilité limitée étant
supprimée, les entreprises concernées devront désormais adopter la forme appropriée, celle d’une
société anonyme unipersonnelle avec toutes les conséquences que cette transformation comporte
sur leur gouvernance. L’abrogation indirecte permet d’améliorer la connaissance de l’étendue de
la force obligatoire de la norme nouvelle et est également basée sur une micro-approche.
22. Les phénomènes d’incidence peuvent s’appréhender de deux manières : comme mécanisme de
création d’une nouvelle règle de droit ou comme mécanisme d’abrogation du droit ancien. Avant
de les examiner, il importe de dégager la notion d’incidence en droit.
8
2.2.1. Notions
23. Les phénomènes d’incidence sont basés sur une approche systémique. Un système se conçoit
comme un ensemble d’éléments en interaction de manière cohérente et orientés vers une même
finalité de sorte qu’un changement de la configuration de ces éléments commande une adaptation
du système pour observer la même finalité. Du point de vue de cette approche, la réception du
droit OHADA en droit congolais modifie sensiblement la configuration des sous-systèmes
juridiques telle qu’une adaptation est nécessaire pour maintenir la cohérence initiale.
24. Pour Jean CARBONNIER, l’incidence en droit s’entend d’« une retombée de la loi en dehors
de sa cible »4. En d’autres termes, l’incidence peut se concevoir comme un élargissement du
champ d’application d’une loi sur les matières qu’elle n’a pas expressément ou implicitement
visées en se fondant uniquement sur la finalité de la règle de droit.
25. L’incidence de la règle nouvelle sur la règle ancienne peut être abrogatoire ou créatrice.
26. La force abrogatoire des incidences réside dans l’obligation qu’elle entraîne d’adaptation des
sous-systèmes juridiques pour assurer la cohérence de l’ensemble du système juridique.
L’exécution de cette obligation d’adaptation consiste dans l’adoption des « mesures collatérales
pour optimiser l’application du nouveau droit »,5 en créant de nouvelles règles de droit ou en
abrogeant les anciennes règles. Cette adaptation entraîne donc l’abrogation de certaines
dispositions dont la survivance est incompatible avec le cadre juridique nouveau. On se reportera
sur différents cas d’incidences examinés dans le Manuel de vulgarisation sus évoqué.
27. Pour notre part, le désengagement de l’Etat des entreprises du portefeuille de l’Etat pourrait
être illustratif du phénomène d’incidences. En effet, la loi n° 08/008 du 07 juillet 2008 portant
dispositions générales relatives au désengagement de l’Etat des entreprises du portefeuille prévoit
la cession d’actions par offre publique ou de gré comme l’une des modalités de désengagement de
l’Etat et d’ouverture du capital des sociétés unipersonnelles étatiques à des tiers (art. 7). Et l’article
13 définit les règles à observer pour procéder à l’appel public à l’épargne (APE).
28. Même si l’AUSC ne s’intéresse pas au processus du désengagement de l’Etat des entreprises
du portefeuille, les offres publiques dont question devront désormais se placer sous les
dispositions des articles 86 et 90 de l’AUSC relatives à l’APE. L’article 13 devra désormais être
adapté pour se conformer à l’AUSC.
Art.86.- Toute société qui fait publiquement appel à l’épargne pour offrir des titres doit, au
préalable, publier dans l’Etat partie du siège social de l’émetteur et, le cas échéant, dans les
autres Etats parties dont le public est sollicité, un document destiné à l’information du public et
4 ème
CARBONNIER Jean, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10 éd., LGDJ, Paris, 2001.
5
Lire MASAMBA Roger, op. cit., p.19 in fine et les développements subséquents.
9
portant sur l’organisation, la situation financière, l’activité et les perspectives de l’émetteur ainsi
que les droits attachés aux titres offerts au public.
29. Ici, pour permettre une correcte application de la norme nouvelle, l’adoption d’un texte
subsidiaire, interprétatif ou supplétif s’avère obligatoire. Il en est ainsi notamment du droit de la
preuve électronique (dans ses deux aspects : preuve des contrats électroniques et preuves des faits
électroniques) et du droit des bases des données.6
30. Ainsi, même si ces matières sont prévues dans l’AUDCG et sont limitées aux engagements
commerciaux et au RCCM, elles sont cependant formulées en des termes très généraux de sorte
qu’elles s’appliquent aisément dans tous les domaines des affaires. Par ailleurs, les dispositions de
l’AUDCG sont représentatives de l’état de l’art dans les domaines du droit de la preuve
électronique et du droit des bases des données. Elles créent ainsi une obligation pour le législateur
congolais d’étendre leurs applications dans les domaines non expressément visés par l’AUDCG et
ce, faisant, d’adopter une loi spécifique.
31. La précaution prise par les rédacteurs des Actes uniformes consiste à aménager des espaces
pour reconnaître les spécificités des certaines sociétés commerciales, en l’occurrence les
établissements de crédit. Par ailleurs, le droit des affaires étant largement basé sur les conventions,
il se pose la question de la place réservée à l’autonomie de la volonté, pépinière de toutes les
évolutions juridiques dans le domaine des contrats ?
32. Le particularisme bancaire consacre la survivance du droit des établissements de crédit. Elle
n’est pas une notion définie par les différents Actes uniformes mais une construction doctrinale
pour ramasser sous un même chapeau toutes les dispositions dérogatoires des Actes uniformes
basées, en l’occurrence, sur la spécificité des établissements de crédit.
33. La base du particularisme bancaire est l’article 916 de l’AUSC aux termes duquel « le présent
Acte uniforme n’abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés
soumises à un régime particulier ».7 A considérer les matières régies par l’AUSC, il y lieu de
6
Voir MASAMBA Roger, op. cit.
7
Lire également les dispositions de l’article 2, alinéa 2, de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives :
« Nonobstant les dispositions du présent Acte uniforme, les sociétés coopératives qui ont pour objet l’exercice
d’activités bancaires ou financières demeurent soumises aux dispositions du droit interne ou communautaire
relatives à l’exercice de ces activités ».
10
poser la question de connaître la portée de la dérogation en ce qui concerne les matières suivantes
se rapportant au cycle de vie des établissements de crédit en tant que sociétés commerciales :
34. L’AUSC dispose en son article 5 que les banques, les établissements financiers et les
assurances sont assujettis à des plans comptables spécifiques. Quelles sont les conséquences à tirer
de cette disposition ?
35. Enfin, l’article 4, in fine, de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) précise
que « les sûretés propres au droit fluvial, maritime et aérien, les sûretés légales autres que celles
régies par le présent Acte uniforme, ainsi que les sûretés garantissant l’exécution de contrats
conclus exclusivement entre établissements de financement, peuvent faire l’objet de législations
particulières ». Cette disposition ne pourrait-elle pas laisser le champ libre à la Banque Centrale et
les établissements de crédit pour créer des sûretés adaptées à leurs activités ?
36. Selon ce paradigme, les parties sont libres de constituer des contrats qui ne heurtent pas l’ordre
public et la morale. S’appuyant sur ce paradigme, la doctrine juridique fait la distinction entre les
contrats généraux et les contrats spéciaux. Les premiers trouvent leur modalité de formation et de
fonctionnement dans la volonté des parties. Tandis que les règles de formation et de
fonctionnement des seconds sont définies par le législateur.
37. L’autonomie de la volonté intéresse principalement la question des sûretés. Il est en effet
intéressant de se poser la question de savoir si, en l’absence d’une législation nationale spécifique,
les parties peuvent créer, sur base de la liberté des contrats, des suretés spécifiques adaptées à
leurs affaires ? Cette question intéresse ainsi les Banque Centrale et les établissements de crédit.
11
39. En sa qualité de puissance publique, la Banque Centrale est l’autorité monétaire de la RDC et,
pour réguler les activités des établissements de crédit et autres intermédiaires financiers, elle est
habilitée à édicter des textes réglementaires.
41. Cette fonction d’unité de compte du franc congolais semble cependant contrariée par les
expressions monétaires en franc CFA contenues dans les Actes uniformes de l’OHADA Dès lors,
la charge n’incomberait-elle pas à la Banque Centrale de procéder à l’interprétation de ces
expressions monétaires ?
42. La Banque Centrale exerce un pouvoir réglementaire important sur les établissements de crédit
à trois moments de leur cycle de vie : (i) au moment de leur entrée en profession, (ii) dans
l’accomplissement des actes d’administration et de gestion importants liés à leur fonctionnement
tant en temps normal et qu’en temps de crise et (iii) au moment de leur cessation d’activité
impliquant leur dissolution et liquidation.
43. Comment la constitution des établissements de crédit, leur gestion normale et en situation de
crise ainsi que leur dissolution-liquidation sont-elles impactées par le droit OHADA sous le triple
angle de l’abrogation directe, abrogation indirecte et abrogation incidente ? Dans l’affirmative,
sans préjudice des dispositions de l’article 916, l’adaptation des instructions de la Banque Centrale
au droit des affaires OHADA n’est-elle pas nécessaire ?
44. Le rôle protecteur de l’épargne se traduit à travers la centralisation des risques de crédit, d’une
part, et, d’autre part, la surveillance des opérations d’APE.
45. La centralisation des risques de crédit constitue un mécanisme de gestion de ces risques
impliquant les établissements de crédit et la Banque Centrale. Elle s’appuie ainsi sur une base des
données unique sur la distribution du crédit. Dès lors, l’institution du RCCM intéresse cette
12
activité de centralisation des risques dans la mesure où certains crédits octroyés par les
établissements de crédit doivent obligatoirement y être inscrits.
46. La loi n° 005/2002 du 07 mai 2002 a chargé la Banque Centrale de la mission de promouvoir
le développement des marchés monétaires et des capitaux. Pour le marché monétaire, la question
ne se pose pas étant étendu que ce marché gravite autour de la fonction du prêteur en dernier
ressort. Par contre pour les marchés de capitaux, cette mission a été premièrement confiée à la
Banque Centrale par l’ordonnance-loi n°72/004 du 14 janvier 1972 relative à la protection de
l’épargne et au contrôle des intermédiaires financiers. En effet, les articles 80 et 85 de
l’ordonnance-loi n° 72/004 susvisée tout projet d’appel public à l’épargne.
47. Ces dispositions n’étant pas contraires à la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 relative à
l’activité et au contrôle des établissements de crédit et, compte tenu de l’ouverture de l’article 6,
dernier tiret, de la loi n° 005/2002 du 07 mai 2002, il peut être inféré qu’il n’était pas dans
l’intention du législateur de les supprimer.
48. Le Code minier va également dans ce sens en prévoyant qu’aucun marché boursier ne peut
opérer en République Démocratique du Congo sans être préalablement agréé par la Banque
Centrale du Congo (article 128).
49. Il découle de ce qui précède qu’en droit positif congolais, la Banque Centrale est investie du
pouvoir de surveillance des opérations d’APE et ce, en attendant la mise en place d’une autorité
des marchés financiers. Toutes ces dispositions des textes législatifs sus évoqués doivent dès lors
s’apprécier conformément aux dispositions de l’AUSC, principalement, celles relatives à l’APE.
Dès lors, il convient de s’interroger sur le contenu que l’AUSC donne au pouvoir de la Banque
Centrale en matière d’organisation des marchés de capitaux en RDC.
50. La notion du sujet de droit appréhende la Banque Centrale dans sa personnalité juridique, sans
référence à son objet. Il est question ainsi de voir comment cette personne est affectée dans son
fonctionnement par le droit de l’OHADA et ce, notamment dans les domaines suivants :
CHAPITRE III : EXAMEN DES IMPACTS DU DROIT OHADA SUR LES MISSIONS ET
LE FONCTIONNEMENT DE LA BANQUE
51. On examinera successivement l’impact du droit OHADA sur les prérogatives de puissance
publique de la Banque Centrale, sur la protection de l’épargne et sur le fonctionnement courant.
52. Il est question d’examiner, d’une part, le pouvoir monétaire de la Banque Centrale et, d’autre
part, son pouvoir de régulation du fonctionnement et de l’activité des établissements de crédit.
53. Pour apprécier l’impact du droit OHADA sur le pouvoir monétaire de la Banque Centrale, il
importe avant tout d’appréhender cette notion de pouvoir monétaire. Le droit monétaire est lié à la
souveraineté des Etats. Telle est la position du professeur Jean CARBONNIER à laquelle nous
adhérons qui fait de la monnaie l’un des trois piliers du droit. Pour cet auteur, c’est en agissant sur
l’unité monétaire idéale qu’un Etat – ou une communauté d’Etat (…) – affirme, pour l’essentiel, sa
souveraineté monétaire (Flexible droit, p. 405). Ainsi, les créances (le mot créance étant prise dans
son sens juridique) entre agents économiques doivent être évaluées en monnaie émise par
l’autorité investie du privilège d’émission monétaire.
54. Cette situation soulève la question de savoir si l’adhésion de la RDC à l’OHADA n’emporte
pas une aliénation de la souveraineté monétaire, principalement au regard des expressions
monétaires contenues dans les différents Actes uniformes.
55. Pour répondre à cette question, il importe de relever d’entrée de jeu que l’adhésion de la RDC
à l’OHADA est parfaitement en ligne avec la Constitution de la RDC dont l’article 217 reconnaît
que « La République Démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords
d’association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de
promouvoir l’unité africaine ».
56. De ce point de vue, la querelle entre la tendance moniste et la tendance dualiste dans la
réception du droit OHADA en droit congolais n’était pas justifiée. Cette adhésion ne devrait donc
pas entraîner une modification de la Constitution comme l’avaient estimé les dualistes.
57. Pour en revenir à la souveraineté monétaire, l’AUSC dispose en son article 906 que le franc
CFA, au sens du présent Acte uniforme, constitue la monnaie de base. Cette disposition peut
énerver certaines sensibilités. Cependant, les Actes uniformes recourent au franc CFA en tant
qu’unité de compte, ils n’induisent pas une union monétaire. Aussi, pour les Etats parties qui n’ont
pas comme unité monétaire le franc CFA, la contre-valeur en monnaie nationale est initialement
celle qui est déterminée par application de la parité en vigueur entre le franc CFA et la monnaie
nationale desdits Etats parties le jour de l’adoption du présent Acte uniforme. Cette contre-valeur
est arrondie à l’unité supérieure lorsque la conversion fait apparaître un nombre décimal ».
14
58. Il faut convenir que, même si l’article 906 n’a pas son pendant dans d’autres Actes uniformes,
le principe général qu’il définit devra s’appliquer aux expressions monétaires contenues dans
d’autres Actes uniformes dont notamment l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation
des comptabilités des entreprises (AUC), l’AUDCG, etc.
60. En considérant le cycle de vie des établissements de crédit, il est possible d’apprécier l’impact
du droit OHADA sur le pouvoir réglementaire de la Banque Centrale à travers trois vues : la
constitution des établissements de crédit par voie de contrat de société, la vie juridique des
établissements de crédit et la dissolution-liquidation de l’établissement de crédit. Cet examen doit
être confronté aux principes du particularisme bancaire et de l’autonomie de la volonté.
61. A l’exclusion des établissements de crédit à statut public et des coopératives d’épargne et de
crédit, la règle générale est que les établissements de crédit doivent adopter l’une des formes des
sociétés prévues par l’AUSC. L’adoption d’une forme de société donnée n’est pas cependant
suffisante en soi car la qualité d’établissement de crédit découle de l’agrément de la Banque
Centrale. Cet agrément – qui est le véritable acte de naissance des établissements de crédit– est
généralement subordonné à l’accomplissement des formalités supplémentaires définies par la
Banque Centrale.
62. Ces conditions supplémentaires trouvent actuellement une assise juridique dans l’article 916
de l’AUSC qui dispose que « le présent Acte uniforme n’abroge pas les dispositions législatives
auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier ». Ces règles législatives
et réglementaires survivent, mais à la condition que les établissements de crédit se constituent dans
les formes prescrites par l’AUSC.
63. A l’analyse, pour les établissements de crédit qui font la collecte des dépôts au-delà du cercle
des fondateurs (à l’instar des coopératives d’épargne et de crédit), il se pose la question de savoir
si leur forme initiale en droit congolais, la société par actions à responsabilité limitée, a pour
pendant la société anonyme de droit OHADA ? Et si tel était le cas, l’autonomie de la volonté
8
La fixation du taux des amendes par les Etats qui n’ont pas le franc CFA comme monnaie est illustratif des
phénomènes d’incidence et nécessite une harmonisation du droit pénal des affaires dans l’espace OHADA.
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permet-elle aux actionnaires de choisir entre l’une des sous-catégories de la société anonyme en
droit OHADA ?
64. En effet, il découle des dispositions des articles 385 et 414 de l’AUSC, pour faire simple, que
sous la dénomination de société anonyme se cache en fait trois types d’organisation sociale :
- la société unipersonnelle ;
- la société pluri-actionnaire avec conseil d’administration ;
- la société pluri-actionnaire avec administrateur général
65. Au regard des règles prudentielles qui gouvernent les établissements de crédit collecteurs de
l’épargne, la forme unipersonnelle est à proscrire. D’une part, cette forme convient mieux à
l’entreprise familiale et non à l’exercice des activités bancaires, lesquelles impliquent fortement
les déposants et les autres établissements de crédit créancier. D’autre part, la nécessité d’améliorer
la gouvernance des banques en dissociant l’administration de la gestion est totalement écartée avec
la forme unipersonnelle.
66. Il est donc souhaitable que la Banque Centrale prenne rapidement une instruction qui aurait
notamment pour objet de :
- interdire le recours à la forme unipersonnelle lorsque l’établissement de crédit concerné
collecte l’épargne au-delà du cercle des fondateurs ;
- obliger les établissements de crédit à maintenir le même profil d’actionnariat au moment de la
conversion de leurs statuts sous format OHADA ;
- obliger les banques à adopter la forme de société anonyme avec conseil d’administration.
Tandis que, pour ne pas les aligner sur les conditions des banques, les institutions de
microfinance collectant l’épargne ou la caisse d’épargne (CADECO) pourraient être soumises à
une option entre la forme avec conseil d’administration et la forme avec directeur général ;
- pour les autres intermédiaires financiers (messageries financières, émetteurs d’instruments de
paiement ou bureau de change), préconiser une forme sociale appropriée, en s’inspirant
notamment de la pratique des autres Etats OHADA.
67. La vie juridique des établissements de crédit concerne leur fonctionnement courant, leur
transformation et leur redressement en cas de difficulté.
69. Les divergences entre la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 et l’AUSC en ce qui concerne
l’agrément des commissaires aux comptes peuvent être visualisables à travers le tableau ci-
dessous :
9
Voir l’arrêté ministériel du 27 mars 1957 déléguant le pouvoir de recevoir le serment des reviseurs de banques,
conformément à l’article 18 & 4 du décret du 26 mars 1957 sur le contrôle des banques au Congo Belge et au
Ruanda-Urundi.
17
70. Il se constate du tableau comparatif ci-dessus des différences manifestent entre la loi n° 003/2002 du
02 février 2002 et l’AUSC en ce qui concerne l’organisation de la profession d’expert-comptable.
Pour apprécier ces divergences, il importe ici d’opérer une séparation stricte entre la mission de la
Banque Centrale d’agréer les commissaires aux comptes des établissements de crédit et
l’organisation de la profession d’expert-comptable. A notre avis, sur ce point, la loi n° 003/2002
du 02 février 2002 devrait s’aligner sur l’AUSC ; le principe du particularisme bancaire devrait
être exclu. Ainsi, le rôle de la Banque Centrale devrait se limiter à l’approbation des commissaires
aux comptes désignés par les actionnaires. L’organisation de la profession devrait se placer, en
attendant l’adoption d’un texte organisant l’ordre des experts-comptables, sous le prescrit de
l’article 696 de l’AUSC. Tel est du reste l’équilibre juridique qui se constate en droit comparé
dans ce domaine.10
71. En effet, l’AUSC commande la mise en place d’un cadre général pour l’organisation de l’ordre
des experts-comptables ayant le monopole d’exercer la mission de commissaire aux comptes
(incidence). On ne saurait donc avoir une liste des commissaires aux comptes tenue par la Banque
Centrale en marge de ce cadre plus général. Le principe du particularisme bancaire, qui écarte la
règle de l’abrogation directe même quand il y double identité de matière et de finalité, ne saurait
s’appliquer ici.
72. L’article 27 de la loi n°003/2002 du 02 février 2002 interdit aux établissements de crédit
d’octroyer du crédit ou des garanties au-delà des limites et conditions fixées par la Banque
Centrale aux personnes qui participent à leur direction, administration ou fonctionnement. Ils ne
peuvent non plus se porter caution en leur faveur pour un montant global supérieur à 20 % de leurs
fonds propres. Cette interdiction concerne également les entreprises dans lesquelles ces personnes
détiennent un intérêt quelconque.
73. Les effets de cette disposition pourraient être contrariés par l’article 450, alinéa 2, de l’AUSC
qui permet aux établissements de crédit d’octroyer du crédit aux administrateurs, aux directeurs
généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants ou descendants
et aux autres personnes interposées, sous quelque forme que ce soit, et ce, sans fixer des
conditions.11
74. A notre avis, on ne saurait invoquer contre l’article 450, alinéa 2, le principe du particularisme
bancaire basé sur l’article 916 dans la mesure où cette disposition constitue l’application même du
particularisme bancaire. Autrement dit, l’article 450, alinéa 2, n’est pas en conflit avec l’article
916 de l’AUSC. En conséquence, il modifie le contenu de l’article 27 de la loi n° 003/2002 du 02
février 2002.
75. A l’analyse, les rédacteurs de l’AUSC tenant compte du métier des établissements de crédit
ont tenu à assouplir les interdictions. En effet, on ne peut empêcher un établissement de crédit à
10
Lire dans ce sens l’article D511-10 du Code monétaire et financier (français).
11
Les 312, alinéa 2, et 313, alinéa 3, de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives contient la même
ouverture.
18
octroyer du crédit, fût-ce à un de ses administrateurs12. Aussi, pour notre part, il y aurait
complémentarité et non contrariété entre l’article 27 de la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 et
l’article 450, alinéa 2, de l’AUSC. Cette complémentarité peut s’appréhender comme suit :
- les établissements de crédit peuvent octroyer du crédit aux administrateurs, aux directeurs
généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants ou
descendants et aux autres personnes interposées, sous quelque forme que ce soit ;
- cette possibilité d’octroyer du crédit s’effectuer dans les conditions fixées par la Banque
Centrale qui supervision le niveau d’exposition des établissements de crédit au risque de
crédit.
77. En systématisant et dans le cas qui nous concerne, il s’agit des opérations suivantes :
78. Toutes ces opérations rentrent à divers titres dans le champ d’application de l’AUSC. De ce
fait, le pouvoir réglementaire de la Banque Centrale se trouve affecté. Dans quelle mesure ?
1° Les établissements de crédit ont l’obligation de convertir leurs statuts dans l’une des formes
sociales appropriées de droit OHADA. Ils devront donc communiquer les nouveaux statuts à la
12
Lire avec intérêt les intéressants développements du juriste OUSSEYNOU SOW, « Particularisme bancaire et acte
uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales », in Revue « Le Droit des Affaires », n° 03 et 04, octobre 2000 à
mars 2001.
19
2° Les articles 176, 177 et 1778 de l’AUSC définissent les conditions de prise de participation
dans les sociétés commerciales. L’article 29 de la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 mérite
d’être lu à la lumière de ces dispositions : la prise de participation intéresse l’AUSC lorsqu’elle
porte sur une fraction du capital égale ou supérieure à 10 %, par contre, pour la Banque
Centrale, le seuil de sensibilité est fixé à 20 % au moins des droits de vote. En conclusion, il
faudrait une base commune, à défaut les deux dispositions pourraient s’appliquer à un
établissement de crédit. Pour plus de sécurité juridique, l’Instruction n° 18 du 04 septembre
2007 devrait s’aligner sur le régime juridique des prises de participation plus contraignant de
l’AUSC;
3° Les fusions, absorptions et scissions sont organisées par les articles 189 à 199 de l’AUSC. Il se
pose la question de la concurrence pouvant exister entre les prérogatives de la Banque Centrale
en vertu de l’article 29 de la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 et celles du greffe du
commerce (art. 194 et 198 de l’AUSC). Une adaptation de l’Instruction n° 18 du 04 septembre
2007 serait indiquée. L’hypothèse envisageable est que les établissements de crédit intéressés
soient obligés de communiquer à la Banque Centrale leur projet de fusion ou de scission avant
de procéder à la publication de l’avis. Ainsi, la Banque Centrale pourra aisément exercer sa
surveillance sur l’opération projetée le plus tôt possible. Un autre avantage de cette formule est
que lors du dépôt de l’acte de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actifs au greffe prévu à
l’article 198 de l’AUSC, les établissements de crédit concernés joindront également
l’autorisation écrite de la Banque Centrale. Par ailleurs, cette répartition de rôle entre la Banque
Centrale et le greffe compétent conduirait à une application harmonieuse du droit bancaire
congolais et du droit OHADA.13
79. Lorsqu’un établissement de crédit est en difficulté, la Banque Centrale peut notamment :
13
Cependant, la sanction d’annulation des fusions, scissions et apports intervenus sans l’autorisation de la Banque
Centrale (Instruction n° 23 aux établissements de crédit relative à l’exercice du pouvoir disciplinaire de la Banque
Centrale) peut s’avérer problématique : comment la Banque Centrale peut-elle annuler une fusion qui, du point de
vue de l’AUSC, est valable sous couvert de particularisme bancaire ? On conviendra par ailleurs que l’Instruction n°
23 viole le principe général de droit « pas de nullité sans texte ». Il aurait simplement suffit de dire qu’une telle
fusion, scission ou apport est inopposable à la Banque Centrale. En effet, la sanction appropriée serait
l’inopposabilité à la Banque Centrale de l’opération intervenue. L’annulation ne peut se concevoir que dans le cadre
d’une action en justice.
20
- prendre toute mesure de sauvegarde jugée nécessaire, notamment la désignation, pour une
durée n’excédant pas six mois, d’un représentant provisoire de la Banque centrale;
- nommer un administrateur provisoire ou un gérant provisoire à la tête de l’établissement de
crédit.
80. L’exercice de ce pouvoir par la Banque Centrale déroge aux règles de fonctionnement des
sociétés commerciales. En effet, il n’était pas dans l’attention des rédacteurs des Actes uniformes,
en fixant les règles de fonctionnement des organes sociaux, de priver les autorités publiques de
leur pouvoir de régulation surtout lorsqu’il s’avère impérieux de préserver la confiance du public
vis-à-vis des établissements bancaires. L’article 916 s’applique donc dans ce cas.
81. Cependant, la question qui se pose est celle de savoir si les dirigeants d’une banque en
difficulté peuvent saisir le juge en vue d’un règlement préventif conformément aux articles 5 ou
25 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
(AUPC), dans la mesure où la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 ne l’interdit pas. Une telle
éventualité pourrait rendre difficilement applicable la mise sous gestion administrative. Il pourrait
en être ainsi, lorsqu’en exerçant le recours prévu à l’article 42 de la loi n° 003/2002 du 02 février
2002, les dirigeants de l’établissement de crédit concernés sollicitent incidemment un règlement
préventif ou un redressement judiciaire.
82. En fait, une lecture isolée de la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 et de l’AUPC ne permet pas
de trancher avec certitude sur la ligne de démarcation entre le droit commun des affaires et le droit
des établissements de crédit. Ce flottement comporte ainsi le risque que les deux procédures, celle
initiée par la Banque Centrale et celle initiée devant la juridiction compétente, deviennent
concurrentes. Le Code monétaire et financier (français) comporte une solution à ce problème dans
ses articles 613-27, 613-28 et 613-29, lesquels n’ont des pendants ni dans l’AUPC ni dans la loi n°
003/2002 du 02 février 2002. La loi-cadre portant réglementation bancaire de l’UMOA va
également dans le sens du Code monétaire et financier français. La procédure prévue par ces deux
textes concourt à une correcte distribution de rôles entre le juge et la Commission bancaire :
imbriquées. Il est dès lors souhaitable que la Banque Centrale adopte un modus vivendi avec les
juridictions congolaises qui contribuerait à renforcer ses prérogatives dans le domaine du
redressement des établissements de crédit en attendant une révision de la loi n° 003/2002 du 02
février 2002. A défaut d’emprunter cette voie, pour conforter la position de la Banque Centrale, un
avis de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA serait nécessaire.
84. En se fondant sur les dispositions de l’article 916 de l’AUSC, l’on peut inférer que la
dissolution-liquidation des établissements de crédit est soumise aux dispositions de loi n°
003/2002 du 02 février 2002. Il est cependant possible qu’une interprétation stricte de l’article 916
restreigne son champ d’application et consacre l’application de l’AUSC même sur les
établissements de crédit. Cette situation est ainsi source d’insécurité juridique et pourrait
compromettre l’exercice par la Banque Centrale de ses prérogatives notamment en matière de
dissolution-liquidation des établissements de crédit.
85. La répartition des tâches entre les autorités de supervision et judiciaires telle qu’établie dans le
Code monétaire et financier et dans la loi-cadre portant réglementation bancaire de l’UMOA fait
également défaut ici. Aussi, comme pour la procédure de redressement, une intervention du
législateur congolais est souhaitable pour aboutir à une répartition cohérente de responsabilités
entre la Banque Centrale et les autorités judiciaires.
86. Pour protéger l’épargne, la Banque Centrale assure la mission de centralisation des risques de
crédit et celle de surveillance des opérations d’APE. Ces deux missions, l’avons-nous dit, doivent
s’exécuter conformément au droit OHADA ou, à tout le moins, doivent s’y adapter.
87. La centralisation des risques sur les crédits bancaires est régie par l’Instruction n° 05 aux
banques et autres organismes de crédit telle que modifiée en date du 15 mars 1999. Le modèle de
fonctionnement retenu consiste à limiter la participation au dispositif d’échanges d’informations
uniquement aux établissements de crédit. Par ailleurs, l’échange d’information est entouré de
précaution dans la mesure où il s’agit d’informations nominatives et confidentielles.
88. A l’analyse, ce modèle est impacté par les dispositions de l’AUDCG en rapport avec le
RCCM. En effet, ce registre partage avec la Centrale des risques la prérogative de détenir des
informations sur les crédits octroyés par les établissements de crédit. Dans cet ordre d’idées, les
établissements de crédit étant astreints à communiquer au RCCM les informations sur les sûretés
dont sont assortis les crédits qu’ils ont octroyés, le rôle de la Banque Centrale dans la mise en
œuvre de cette exigence est dès lors engagé. Par ailleurs, l’organisation et le fonctionnement de la
RCCM traduisent l’état de l’art de l’organisation juridique des bases des données qui pourrait
inspirer la Banque Centrale dans la réforme de la Centrale des risques. Elle devra également
définir les modalités de coopération entre les deux bases de données ; ce qui, à notre avis,
22
permettrait de régler la question de l’utilisation d’un identifiant unique pour le référencement des
agents économiques.
90. Aux termes de l’article 7 de la loi n° 005/2002 du 07 mai 2002 relative à sa constitution, à son
organisation et à son fonctionnement, la Banque Centrale est chargée de promouvoir le
développement des marchés monétaires et des capitaux. Cette disposition trouve un
développement substantiel dans le chapitre II de la loi n° 72-004 du 14 janvier 1972 relative à la
protection de l’épargne et au contrôle des intermédiaires financiers.
91. Ainsi, il revient à la Banque Centrale de viser le document d’information produit par les
émetteurs des actions ou des obligations. En outre, elle lui revient également de définir les
conditions dans lesquelles les établissements de crédit de droit congolais peuvent intervenir dans
une opération d’APE suivant les dispositions de l’article 85 de l’AUSC.
92. Il est évident que ce rôle confié à la Banque Centrale par le législateur n’est que transitoire en
attendant la mise en place d’une autorité des marchés financiers.
93. Du fait de sa personnalité juridique, la Banque Centrale conclut des contrats et est impliquée
dans les opérations de recouvrement de créances. Par ailleurs, la Banque Centrale, comme tout
14
SAUVÉ Annie, « Réforme de la centralisation des risques : un nouvel éclairage sur les concours accordés aux
petites entreprises », in Bulletin de la Banque de France, n° 152, Août 2006, p. 58.
15
Idem, p. 59, « changement d’approche et modalités de mise en œuvre de la réforme ».
16
Voir l’art. 100 de l’AUDCG.
23
agent économique, doit tenir une comptabilité régulière et sincère. Mais, il faudra avant tout se
poser la question si la Banque Centrale est astreinte à l’obligation de s’immatriculer au RCCM.
95. L’article 34 de l’AUDCG oblige les établissements publics ayant une activité économique et
bénéficiant de l'autonomie juridique et financière de s’immatriculer au RCCM. Sans doute que la
Banque Centrale n’est pas à proprement « un établissement public », cependant en ayant une
activité purement commerciale, en l’occurrence l’imprimerie de sécurité, la notion d’établissement
public s’applique de sorte que son assujettissement au RCCM pourrait se justifier.
96. En d’autres termes, si l’objet social de la Banque Centrale l’éloigne d’une activité purement
commerciale et lucrative, en ayant une imprimerie, elle pose des actes commerciaux à titre
complémentaire de sorte que les règles de l’AUDCG s’appliquent à l’activité d’impression des
documents de valeur. Ainsi, l’intérêt d’une déclaration au RCCM pourrait résider notamment dans
la constitution des sûretés.
97. L’article 5 de l’AUC dispose que les banques, les établissements financiers et les assurances
sont assujettis à des plans comptables spécifiques. Dès lors, ils n’appliquent pas le système
comptable OHADA (SYSCOHADA) annexé à l’AUC. Il s’agit là d’un autre cas du particularisme
bancaire qui n’est pas une nouveauté en droit comptable congolais.17
98. La conséquence qui découle de l’article 5 ci-dessus est que toutes les dispositions de l’AUC en
rapport avec le SYSCOHADA ne s’appliquent pas aux banques ; par contre les autres dispositions
étant sans incidence sur la comptabilisation des opérations des banques et établissements
financiers sont pleinement applicables, il s’agit notamment du cadre conceptuel, les procédures
comptables, les états financiers et les autres documents comptables). Il ne peut en être autrement.
Le Règlement R-2003/01 portant organisation des comptabilités des établissements de crédit
édicté par la COBAC va dans ce sens. Il reprend les principales dispositions de l’AUC en excluant
ce qui directement ou indirectement relève du SYSCOHADA.
99. En droit congolais, cette adaptation n’est pas indiquée compte tenu de la double identité entre
l’AUC et le texte législatif à adopter dans le secteur des établissements de crédit. Cette double
identité d’objet et de finalité rend applicable la disposition de l’article 112 de l’AUC qui abroge
les dispositions contraires antérieures et à venir.18 Cependant, le législateur congolais devrait
17
En effet, la loi n° 76-020 du 16 juillet 1976 portant normalisation de la comptabilité au Zaïre prévoie également
des guides comptables sectoriels pour les banques et autres établissements financiers.
18
Nous sommes d’avis que l’AUC est incompatible avec la migration vers les normes IAS/IFRS actuellement en cours
dans le secteur bancaire (Banque Centrale et les établissements de crédit ».
24
101. Les Actes uniformes ne prévoient pas des règles générales applicables aux contrats.
Cependant, ils précisent les règles particulières applicables à certains contrats. Il en est ainsi des
sûretés contractuelles et du transport des marchandises.
102. En sa qualité de prêteur, il est recommandé à la Banque Centrale d’assortir les crédits qu’elle
octroie aux établissements de crédit d’une sûreté appropriée.20 A cet effet, l’Instruction n° 4 aux
banques relatives aux opérations du marché monétaire, dans sa version du 14 mars 2012, fixe les
conditions de nantissement des effets et titres publics en vue du refinancement des banques.
104. Ces deux sûretés s’inscrivent ainsi dans le cadre du nantissement de meubles incorporels
encadré par le chapitre 15 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés. A l’analyse
cependant, la sûreté prévue dans l’instruction n° 4 s’apparente à un nantissement d’un compte de
titres financiers dans le sens de l’AUS. En effet, l’article 146 de l’AUS définit le nantissement
d'un compte de titres financiers comme étant la convention par laquelle le constituant affecte en
garantie d'une obligation l'ensemble des valeurs mobilières et autres titres financiers figurant dans
ce compte. Dans l’autre cas, il s’agit d’un gage sur des comptes bancaires.
105. Dans sa constitution et dans son fonctionnement, le régime juridique du nantissement prévu
par l’Instruction n° 4 sus évoqué semble a priori présenter certaines différences avec celui du
nantissement des titres financiers de l’OHADA. Le mode de constitution retenu est la mise sous
dossier. Et, du fait de l’inscription du nantissement sous forme monétaire dans les livres de la
Banque Centrale, en cas de défaillance de l’établissement de crédit, la Banque Centrale peut
facilement le réaliser en débitant le compte de règlement de l’établissement concerné.
19
On peut ici penser à l’adoption d’un article unique consacrant l’existence d’un plan comptable spécifique pour les
entreprises non assujetties au SYSCOHADA dont les modalités d’applications seront renvoyées à des textes
spécifiques.
20 ème ème
Art. 9, 3 tiret, et art. 16, 4 tiret, de la loi n°005/2002 du 07 mai 2002.
25
106. Cependant, cette différence est très superficielle et résulte en fait du laconisme de
l’Instruction n° 4 qui ne comporte pas le formalisme de l’AUS. Ainsi, en cas de conflit, la
faiblesse de l’Instruction peut avoir de conséquence dommageable sur la Banque Centrale car
juridiquement elle ne peut réaliser la sûreté en violation de l’AUS. Pour en permettre une
application harmonieuse dans le contexte de l’AUS, une révision est nécessaire et pourrait
comporter les aménagements suivants :
107. L’avantage d’une telle adaptation serait de conférer à l’Instruction n° 4 une base juridique
stable et de définir le mécanisme de réalisation de la sûreté conformément à l’AUS tout en
préservant le contenu. Par contre, le recours à l’article 4, in fine, de l’AUS pour nuancer cette
obligation d’adaptation en invoquant le particularisme bancaire n’est pas la solution pour ce faire.
En effet, il y est précisé que « les sûretés propres au droit fluvial, maritime et aérien, les sûretés
légales autres que celles régies par le présent Acte uniforme, ainsi que les sûretés garantissant
l’exécution de contrats conclus exclusivement entre établissements de financement, peuvent
faire l’objet de législations particulières ». Or, dans le cas qui nous concerne, cette législation
particulière fait justement défaut.
108. Quant au gage prévu par la convention sur l’exploitation d’un système automatisé de
compensation et de règlement interbancaire, l’abrogation des dispositions des articles 323, 326 et
329 de la loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 oblige son adaptation à l’AUS. En l’absence d’une
législation particulière, les instructions de la Banque Centrale doivent en conséquence s’y aligner.
Pour ce faire, une révision de ladite convention serait recommandée.
110. Dans le même ordre d’idées, il est indiqué que la loi sur le système national de paiement en
cours d’élaboration renvoie à des législations particulières les règles d’organisation des sûretés
auxquelles elle s’appuie (pension livrée, garanties financières, etc.). Ainsi sera-t-il possible
d’aménager, dans le cadre des législations spécifiques, la particularité des opérations de pension
ou des garanties financières vis-à-vis de l’AUS.
26
111. L’Acte Uniforme sur le contrat de transport de marchandises (AUCT) par routes n’intéresse
particulièrement la Banque Centrale que dans le cadre du transport des fonds par voie terrestre.
L’élément le plus intéressant est qu’il fixe un principe de responsabilité dont la méconnaissance
pourrait être préjudiciable à la Banque Centrale en cas de sinistre.
112. En effet, tout en instituant une obligation de résultat à charge du transporteur, l’AUCT
précise en son article 18, 1), que l’indemnité pour perte totale ou partielle de la marchandise est
calculée d’après la valeur de la marchandise et ne peut excéder 5.000 FCFA par kilogramme de
poids brut de la marchandise. Appliquée aux espèces monétaires, cette indemnité entraîne une
limitation de responsabilité préjudiciable au client du transporteur.
113. Il est souhaitable dès lors, lorsqu’il est fait recours aux transporteurs par routes que le préposé
de la Banque Centrale fasse une déclaration de valeur qui permettra de lier l’indemnité à la valeur
déclarée. Pour ce faire, la procédure d’expédition des colis par route devra être revue.
114. La Banque Centrale peut être partie à une opération de recouvrement de créance ou un tiers
contre lequel l’action en recouvrement est dirigée.
115. En tant que débiteur, la Banque Centrale bénéficie de l’immunité d’exécution prévue par
l’article 30 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d'exécution (AUVE). Cet article rappelle un principe général de droit public et est
confortée par l’arrêt de la CCJA rendu sous le n° 043/2005/CCJA du 07 juillet 2005 dont on peut
retenir en substance : « qu’en application de l’art. 30 (1er et 2) AUVE, les entreprises publiques,
quelles qu'en soient la forme et la mission, bénéficient du principe général de l'immunité
d'exécution accordée aux personnes morales de droit public. Il en est ainsi même si la loi de l’Etat
partie où est domiciliée l’entreprise concernée en dispose autrement ».21
116. Malgré cette immunité d’exécution, l’AUVE prévoit la compensation de plein droit des dettes
certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques,
quelles qu'en soient la forme et la mission. Il suffirait ainsi pour un créancier d’obtenir un
jugement condamnant la Banque Centrale au paiement d’une somme d’argent pour obtenir la
compensation avec les sommes dues à la Banque Centrale. La compensation s’opérant de plein
droit, c’est-à-dire sans la volonté des parties, l’application de cette disposition de l’AUVE pourrait
surprendre la Banque Centrale.
21
Ce principe est également contenu dans Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des États et
de leurs biens, adoptée par l’Assemblée général le 2 décembre 2004, spécialement l’article 21 visant les banques
centrales. Cette convention n’est pas encore en vigueur faute de n’avoir pas encore atteint le nombre requis de 30
ratifications.
27
117. Il va de soi que le recouvrement par la Banque Centrale de ses propres créances doit
s’effectuer conformément à l’AUVE. Cette assertion a des avantages tout comme des
inconvénients.
118. Le premier avantage, et peut-être l’unique, réside dans les relations de la Banque Centrale
avec l’Etat du fait de l’article 30 de l’AUVE qui entraîne une compensation automatique des
créances. Une telle compensation joue sans la volonté des parties. Pris au pied de la lettre, cette
disposition entraînerait paiement à la Banque Centrale de sa créance (intérêt et principal) sur le
Trésor constatée dans la convention sur la recapitalisation de la Banque Centrale du 10 février
2010. L’article 30 de l’AUVE rend donc inefficace l’article 8 de la Convention du caissier de
l’Etat sont écartées à telle enseigne que les règles contraignantes d’exécution des dépenses
publiques sont écartées faisant de l’Etat un débiteur comme tout autre.22
119. En effet, du point de vue comptable, il existe deux comptes : le compte du Trésor détenu par
la Banque Centrale et le compte inscrit dans le bilan de la Banque Centrale constatant la créance
de celle-ci sur le Trésor. Les conditions de la compensation sont donc réunies :
- la Banque Centrale est débitrice des sommes contenues dans le compte du Trésor et le
Trésor est débiteur de la somme constaté dans le billet à ordre ;
- les deux créances portent sur des sommes d’argent ;
- les deux créances sont liquides ;
- les deux créances sont exigibles, pour la créance constatée dans le billet à ordre, cette
exigibilité est intervient à l’échéance.
120. Les conséquences tirées de la compensation légale ne peuvent pas être légitimement
invoquées par la Banque Centrale sans déstabiliser fondamentalement l’équilibre budgétaire. On
concevrait donc que tacitement la Banque Centrale renoncerait à la compensation légale. Une telle
renonciation est jugée valable par une jurisprudence constante. Cependant, la renonciation ne peut
nuire à autrui conformément à l’article 190 du code civil congolais. Ainsi, par une action oblique,
un créancier de la Banque Centrale pourrait agir contre l’Etat en paiement de sa dette ; ce qui peut
arriver si le créancier poursuivant est un fonds vautour.
121. La couverture de ce risque juridique ne pourrait résider que dans l’entrée en vigueur de la
convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens, adoptée
par l’Assemblée général le 2 décembre 2004 qui pourrait même l’Etat congolais à l’abri des fonds
vautours. Il revient donc à l’Etat congolais, pour se sécuriser et sécuriser la Banque Centrale, de
ratifier cette convention.
122. Le désavantage de l’AUVE qu’il rend illégal le mécanisme du débit d’office auquel la
Banque Centrale a recours pour le recouvrement des pénalités auprès des établissements de crédit
qui disposent des comptes dans ses livres. Il lui faudra donc se plier aux dispositions de l’AUVE
22
COFFI AQUEREBURU Alexis, « L’Etat justiciable de droit commun dans le traité de l’OHADA », in Revue de Droit
Uniforme Africain n° 000 du 09/08/2010.
28
relatives à l’exécution forcée. A défaut de disposer d’un titre exécutoire, il lui faut recourir au juge
pour faire appliquer les pénalités ; ce qui peut être fastidieux et affaiblir le pouvoir de répression.
Pour éviter cet aléa, nous proposons l’exploration des voies suivantes :
- pour le recouvrement des créances dues au Trésor (amendes et astreintes) au titre de la loi
n° 003/2002 du 02 février 2002 et de l’ordonnance-loi n° 67/272 du 23 juin 1967 relative
aux pouvoirs règlementaires de la Banque Nationale du Congo en matière de
réglementation de change, la Banque Centrale devra se conformer à l’ordonnance-loi
n°13/003 du 23 février 2013 portant réforme des procédures relatives à l’assiette, au
contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales par le recours à une
note de perception ;
- pour le recouvrement des amendes dites « administratives » et des « pénalités » prévues
par l’Instruction n°23 du 31 janvier 2011 aux établissements de crédit relative à l'exercice
du pouvoir disciplinaire de la Banque Centrale du Congo et recouvrées pour son compte
propre, la Banque Centrale devra mettre en place une commission de sanctions dont les
décisions seront susceptibles de revêtir la force juridique d’un titre exécutoire.23 Ainsi, elle
pourra se plier aux exigences de la saisie-attribution prévue dans l’AUVE.
123. En tant que tiers détenteur, la Banque Centrale devra maîtriser la procédure juridique de
recouvrement des créances entre les mains de tiers prévue par l’AUVE pour éviter d’engager sa
responsabilité.
124. Ces procédures comportent des risques de condamnation dont les plus importants
sont notamment :
- le tiers saisi est d’office constitué gardien des biens saisis sous peine d’engager sa
responsabilité pénale pour détournement d’objets saisi (article 36);
- le tiers saisi à une obligation de due diligence sous peine d’engager sa responsabilité civile
(article 38 et 81, in fine) ;
- le tiers saisi est soumis à une obligation de vigilance quant à la régularité de la saisie
(article 61, alinéa 2) sous peine d’engager sa responsabilité civile envers le débiteur ;
- le tiers saisi fournit des renseignements sollicités par l’huissier de justice sous peine de
payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée (article 81, alinéa 1).
23
On notera cependant que les amendes administratives et les pénalités ne sont pas prévues par la loi n° 003/2002
du 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit ; leur légalité est dès lors fort discutable.
L’Instruction n°23 du 31 janvier 2011 aux établissements de crédit relative à l'exercice du pouvoir disciplinaire de la
Banque Centrale du Congo court ainsi le risque de son annulation pour excès de pouvoir. Mais en attendant son
annulation, les établissements de crédit doivent s’y plier.
29
CONCLUSION
125. La présente réflexion sur l’impact du droit OHADA sur les missions et le fonctionnement de
la Banque Centrale part de l’approche selon lequel un système juridique peut s’appréhender
comme un tout cohérent. Ce système est composé de sous-systèmes reliés entre eux par des
relations de dépendance. Le système est cohérent parce qu’il n’admet pas des antinomies entre
règles de droit. La solution à ces antinomies se présente suivant deux modalités. Lorsqu’il y a
double identité de l’objet et de la finalité, les dispositions antérieures contraires du droit national
sont abrogées. La norme nouvelle peut également consacrer la survivance de la loi ancienne en
reconnaissant la validité de l’autonomie de volonté ou la spécificité des sujets de droit auxquels
elle s’adresse. Les antinomies sont ainsi à la base de la force abrogatoire des Actes uniformes de
l’OHADA, sauf dans les cas où l’application d’un Acte uniforme est exclue soit sur base du
particularisme du domaine concerné ou de la liberté laissée aux parties en présences.
126. L’analyse de la cohérence du système juridique OHADA dans le contexte congolais révèle
également des cas d’incompatibilités entre les normes nouvelles issues des Actes uniformes et
celles de droit national congolais. Si l’antinomie repose sur le principe de non-contradiction de
sorte que l’on ne peut maintenir dans un même système juridique deux normes de type
contradictoires « α » et non « α », l’incompatibilité repose dans le fait que l’on ne peut, entre deux
normes non contradictoires en présence, respecter l’une sans violer l’autre. Les incompatibilités
ont été approchées sous le phénomène d’incidence qui commande, là où les normes nationales
existent, de les amender, et là où elles n’existent pas, d’en créer de nouvelles. Ainsi, au-delà de
l’incohérence, on en en arrive à la complétude du système juridique.
128. Partant des principes qui précèdent, nous avons pu dégager, dans les missions et
fonctionnement de la Banque Centrale, des « zones » impactées par les Actes uniformes de
l’OHADA et l’ampleur de ces impacts. Nous avons pu ainsi proposer des pistes de solution pour
permettre à la Banque Centrale de se conformer aux Actes uniformes dans les limites de ses
attributions. Dans certains cas, le règlement des antinomies et incompatibilités implique une
intervention du législateur.
129. Dans le domaine de l’émission monétaire, il revient à la Banque Centrale de publier un avis
fixant l’interprétation des expressions monétaires contenues dans les Actes uniformes. Cette
obligation devrait s’exécuter dès l’entrée en application des Actes uniformes.
réglementaires est nécessaire. Ces travaux pourraient par exemple être pilotés par la Commission
national OHADA. Dans ce cadre, la Banque Centrale devrait militer pour la mise en place d’un
cadre de collaboration avec les autorités judiciaires pour le redressement des établissements de
crédit ou leur dissolution-liquidation. La révision en cours de la loi n° 003/2002 du 02 février
2002 du 02 février 2002 constitue une opportunité pour régler la question de collaboration entre la
Banque Centrale et les autorités judiciaires à l’instar du Code monétaire et financier français et de
la loi-cadre sur les établissements de crédit de l’UEMOA de manière à aboutir à un dispositif
compatible avec l’AUPC.
132. Enfin, en tant que sujet de droit, la Banque Centrale est tenue à une obligation de vigilance
quant aux conséquences du droit OHADA sur son propre fonctionnement notamment dans la
tenue de ses comptes, dans le recouvrement des créances dans lesquelles elle est impliquée, dans
la conclusion des contrats de transport de ses marchandises par routes.
31
BIBLIOGRAPHIE
TEXTES OFFICIELS
1. Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens,
adoptée par l’Assemblée général le 2 décembre 2004
2. Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises
3. Acte uniforme portant sur le droit commercial général
4. Acte uniforme portant organisation des sûretés
5. Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
6. Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route
7. Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives
8. Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d'exécution
9. La loi-cadre portant réglementation bancaire de l’UMOA
10. Règlement R-2003/01 portant organisation des comptabilités des établissements de crédit
11. Constitution de la République Démocratique du Congo
12. Décret du 26 mars 1957 sur le contrôle des banques au Congo Belge et au Ruanda-Urundi.
13. Décret du 30 juillet 1888 relatif aux contrats ou aux obligations conventionnelles
14. Loi n° 76-020 du 16 juillet 1976 portant normalisation de la comptabilité au Zaïre
15. Loi n°005/2002 du 07 mai 2002 relative à la constitution, à l’organisation et au
fonctionnement de la Banque Centrale du Congo
16. Loi n° 003/2002 du 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit
17. loi n° 08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation
des entreprises publiques
18. loi n° 08/008 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives au désengagement
de l’Etat des entreprises du portefeuille
19. Ordonnance-loi n°72/004 du 14 janvier 1972 relative à la protection de l’épargne et au
contrôle des intermédiaires financiers
20. Ordonnance-loi n°13/003 du 23 février 2013 portant réforme des procédures relatives à
l’assiette, au contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales
21. Code monétaire et financier.
22. Instruction n° 18 aux banques et de leurs dirigeants ainsi que des modifications de leurs
situations statutaires
23. Instruction n° 19 portant dispositions relatives au commissariat aux comptes des
établissements de crédit
24. Instruction n° 21 relative au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit
25. Instruction n° 23 aux établissements de crédit relative à l’exercice du pouvoir disciplinaire
de la Banque Centrale
DOCTRINE
1. CARBONNIER, Jean., Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10ème
éd., LGDJ, Paris, 2001.
2. COFFI AQUEREBURU, Alexis, « L’Etat justiciable de droit commun dans le traité de
l’OHADA », in Revue de Droit Uniforme Africain n° 000 du 09/08/2010.
3. MASAMBA, Roger, L’OHADA en RDC. Manuel de vulgarisation, 2012
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ANNEXE