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THEME 

:
DES MARCHES INTERIEURS AU MARCHE COMMUN EN ZONE
CEEAC-CEMAC : LA CONSOLIDATION PAR LES DROITS DE LA
CONCURRENCE ET DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR ?

SUJET DE LA COMMUNICATION :

LE NOUVEAU DROIT COMMUNAUTAIRE DES CONCENTRATIONS SELON LE


REGLEMENT N° 06/19-UEAC-639-CM-33 DU 07 AVRIL 2019 RELATIF A LA
CONCURRENCE : UN EXEMPLE DE CONSOLIDATION DU MARCHE COMMUN
PAR LES MARCHES NATIONAUX.

Le droit de la concurrence dans la CEMAC était jusqu’ici l’objet de trois


Règlements distincts : le Règlement n°1//99/UEAC-CM-639 portant réglementation
des pratiques commerciales anticoncurrentielles du 25 juin 1999, le Règlement n°
4//99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le
commerce entre Etats membres du 18 Août 1999 et le règlement n° 12/05-UEAC-639
du 27 juin 2005 portant modification du Règlement n°1//99/UEAC-CM-639. Après
20 ans d’application de ce tout premier dispositif de concurrence le temps du
rafraichissement était arrivé. Sur le plan formel, la première innovation apportée par
le Règlement n° 06/19 est l’adoption d’un instrument unique des règles
communautaires de concurrence, conformément au neuvième Considérant : il dit
précisé « ces dispositions visent à instaurer un droit unique de la concurrence dans
l’espace communautaire de la CEMAC, dans un objectif d’harmonisation et de
simplification des règles de la concurrence ». Ce Considérant est, techniquement
écrit et pour le volet droit de la concurrence, le fil conducteur thématique de ce
COLLOQUE UOB ACTE IV : DES MARCHES INTERIEURS AU MARCHE
COMMUN EN ZONE CEEAC-CEMAC : LA CONSOLIDATION PAR LES
DROITS DE LA CONCURRENCE ». Pour le LITTRE, consolider, signifie devenir
solide, s’affermir. La réforme intervenue en 2019 en droit de la concurrence a déjà au
moins sur le plan formel, gravé notre droit de la concurrence dans le marbre d’un
socle unique, un instrument unique qui, selon les observations doctrinales
intervenues suite à son adoption, donne à apprécier, dans cet instrument unique, les
éléments substantiels et processuels de cette consolidation. La complétude du
dispositif, avec l’adoption de la Directive nº 06/19-UEAC-639-CM-33 du 8 avril 2019
relative à l’organisation institutionnelle dans les États membres de la CEMAC pour
l’application des règles communautaires de la Concurrence et le Règlement de
procédure n° 000350 relatif à la procédure pour l’application des règles de
concurrence du 25 septembre 2020, qui contient en annexe les différents formulaires
de saisine de l’autorité communautaire de la concurrence, peut également plaider en
faveur de cette consolidation générique. Il faut désormais des études plus spécifiques
pour confirmer ou non cette consolidation pour chacune des branches de notre

1
politique de concurrence. Nous avons donc, dans le cadre de ce colloque, proposé
d’amorcer cette étude en ce qui concerne la politique communautaire du contrôle des
concentrations.

Les axes de notre politique communautaire de la concurrence sont rappelés aux


Considérants 5, 6, 7 et 8 du Règlement 04/19. Pour s’en tenir à la seule
branche des pratiques anticoncurrentielles souligné par le Considérant 8, nous
comptons les ententes illicites et les abus de positions dominantes, infractions
ou risque d’infractions manifestant sur le plan du comportement des acteurs
économiques, des velléités de gagner des parts de marché à partir d’un
comportement critiquable, notamment au regard de leurs pratiques
commerciales. Le contrôle des opérations de concentration pour sa part permet
de maintenir sauf la structuration du marché, et par voie de conséquence, de
s’assurer que le marché en cause est et reste concurrentiel. Ainsi, l’article 58
alinéa 1 donne une définition fonctionnelle de l’opération de concentration :
« Une opération de concentration est réalisée : a) lorsque deux ou plusieurs
entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ; b) lorsque une ou
plusieurs entreprises, acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par
prise de participation au capital, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de
l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, c) lorsqu’est
créée une entreprise commune accomplissant d’une manière durable l’exercice
d’une entité autonome ». Pour plus de clarté, l’article 58 al. 2 exclut du champ
des opérations de concentration, les situations transitoires suivantes : «  une
opération de concentration n’est pas réalisée : a) lorsque des établissements
financiers ou des sociétés d’assurances, dont l’activité normale inclut la
transaction et la négociation de titres pour leur compte ou pour le compte
d’autrui, détiennent, à titre temporaire, des participations qu’ils ont acquises
dans une entreprise en vue de leur revente ; b) lorsque le contrôle est exercé à
titre provisoire par une entreprise mandatée par l’autorité publique en vertu
de la législation d’un Etat membre dans le cadre d’une procédure de
redressement judiciaire ou de faillite des entreprises ».

La réforme portée par le règlement 06/19 n’a pas laissée indemne la politique
communautaire du contrôle des concentrations. Au moins sur le plan d’une
appréciation statistique comparative des articles avant et après la réforme, nous
sommes passés de 15 à 23 articles consacrés à cette politique de concurrence dans le
règlement 06/19, sans y ajouter les 10 articles du règlement de procédure1 et le
formulaire C de saisine à elle consacrée. Il est l’objet du titre IV du règlement 04/19,
en ses articles 57 et suivants. Par ailleurs, le contrôle des concentrations est
également concerné par le grand chamboulement intervenu au niveau du système
institutionnel d’application des règles communautaire de concurrence. La question
juridique centrale de la présente communication est de vérifier si, comme annoncée
1
Articles 52 à 62 du Règlement de procédure n° 000350 relatif à la procédure pour l’application des
règles de concurrence du 25 septembre 2020.

2
au neuvième Considérant du Règlement n° 06/19, cette réforme a permis d’atteindre
l’objectif d’harmonisation et de simplification de cette branche de notre droit de la
concurrence. Si les résultats de la recherche permettent de démontrer ces deux
objectifs comme atteints, alors nous serions en droit de conclure que cette
harmonisation et cette simplification de notre droit communautaire du contrôle des
opérations de concentration participent désormais de la consolidation de cette
branche de notre politique de concurrence. C’est là l’intérêt principal de notre sujet.

Si la simplification peut être vue comme une manifestation d’intention dans un


champ juridique désormais dominée par l’analyse économique combinée à l’analyse
consumériste, la volonté d’harmonisation peut elle, être argumentée. En effet, lorsque
le législateur communautaire affirme rechercher l’harmonisation, c’est
principalement vis-à-vis des dispositifs légaux des Etats membres en la matière.
Certains Etats, comme le Cameroun depuis 1998, ont précédé la Communauté dans
l’élaboration d’une politique de concurrence. Un état des lieux effectué en 2017
indiquait que sur les 6 Etats Membres de la CEMAC, 4 Etats disposaient d’une loi
relative à la concurrence : Le Cameroun, le Gabon, la RCA, le Tchad. Le Congo et la
Guinée équatoriale sont, sur cette question, en projet. Les textes existants sont donc :

Au Cameroun, la loi n° 98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence,


spécialement en son chapitre III traitant des fusions et acquisitions d’entreprises
(vocabulaire retenue par l’OHADA), en RCA la loi n° 2016/06 du 30 décembre 2016
en sa Section 3 portant sur la concentration économique, au Gabon, à moins que la
réforme annoncée soit passée inaperçue, la loi n°014/1998 fixant le régime de la
concurrence en son Chapitre 4 relatif à la réglementation de la concentration
économique et enfin au Tchad la loi n° 043/PR/2014 relative à la concurrence,
concernée ici en son Titre V article 28 sur la concentration économique.

On peut donc dire que dans 4 pays sur les 6 dont les territoires constituent
géographiquement son marché intérieur, la CEMAC peut voir les opérations de
concentration contrôlées. Depuis 1999, la CEMAC elle-même contrôle des opérations
de concentration relevant de son champ de compétence, suivant des critères
anciennement définis à l’article 6 du Règlement n°1//99/UEAC-CM-639 portant
réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles du 25 juin 1999,
dont l’application cumulée permet de définir la dimension communautaire de
l’opération de concentration projetée.

L’harmonisation recherchée n’est pas uniquement substantielle. Elle est


également processuelle. Le préalable nécessaire, c’est l’existence d’une autorité de
mise en œuvre des règles de concurrence. Les Etats non pourvus de législation en la
matière ne sauraient disposer d’une autorité de mise en œuvre de règles qui
n’existent pas. Par ailleurs, l’existence d’une loi sur la concurrence ne donne pas pour
acquis l’existence d’une autorité nationale de la concurrence. Et de fait, sur les 4 Etats
dotés d’une législation, seuls deux Etats disposent d’une autorité de la concurrence :
Au Cameroun, la Commission nationale de la Concurrence et au Gabon, la Direction
Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en

3
attendant la mise en place de la Commission de la concurrence prévue par l’article 3
de la loi sur la concurrence de 1998 et le ministre en charge de l’économie, autorité de
décision en matière de concentration.

Pour récapituler, sur les 6 Etats membres de la CEMAC, 4 Etats disposent de


législations relative à la concurrence, et 2 disposent des autorités de la concurrence.
En synthèse, on peut conclure que sous l’empire de l’ancien règlement 01/99, la
question de l’harmonisation était rendue difficile par l’impossibilité pour la grande
majorité des Etats membres – finalement 4 /6 - de mettre en œuvre une politique de
concurrence. Un tel constat a certainement motivé la réforme intervenue avec le
règlement 06/19. Son impact peut être considéré comme majeur car, tant la révision
des règles substantielles que les nouvelles orientations du droit processuel en matière
de contrôle des opérations de concentration devraient, dans l’avenir permettre
d’établir une politique de concentration harmonisée qui serait bénéfique pour
l’ensemble du marché intérieur.

I- UN NOUVEAU DROIT SUBSTANTIEL DES


CONCENTRATIONS HARMONISE AU BENEFICE DU
MARCHE INTERIEUR

L’objectif spécifique à atteindre dans cette première partie est de démontrer de


quelle manière le nouveau droit substantiel des concentrations devrait dans l’avenir
permettre d’établir une politique de concentration harmonisée qui serait bénéfique
pour l’ensemble du marché intérieur, à savoir pour la Communauté et pour les Etats
membres. De fait, au rang des réformes qui marqueront définitivement notre droit
communautaire des concentrations, on note la redéfinition du champ des opérations
de concentration de dimension communautaire. A l’étude, cette redéfinition du
champ des opérations de concentration de dimension communautaire a un impact
positif sur la part du droit des concentrations réservée aux autorités nationales.

A- LA REDEFINITION DU CHAMP DES OPERATIONS DE


CONCENTRATION RELEVANT DU DOMAINE DE COMPETENCE
DE L’AUTORIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE

Seul l’article 59 alinéa 1er, consolidé dans on interprétation par l’article 72 du


règlement 06/19, « les opérations de concentration de dimension communautaire
relèvent de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle de la Cour de
justice communautaire.». Comment déterminer ces opérations de concentration de
dimension communautaire ? Depuis le règlement 01/99, des critères désormais
classiques permettent de déterminer les opérations de concentration de dimension
communautaire.

4
Une interprétation inductive des articles 57, 58 et 59 du règlement n° 06/19
nous donne à considérer que les critères classiques de la compétence communautaire
exclusive sont maintenues, même si la modification du seuil des opérations de
concentrations reste une réforme particulièrement importante. En effet, ajoutée à
l’élargissement à titre conditionnel du champ de compétence de l’autorité
communautaire en matière de concentration, elle participe à une redéfinition
aujourd’hui du champ de compétence de l’autorité communautaire de concurrence,
ratione materie et ratione loci.

1- Le maintien des critères classiques de définition du champ de compétence de


l’autorité communautaire

Les critères classiques non cumulatifs de l’opération de concentration de


dimension communautaire déjà prévus par l’article 6 du règlement 01/99, sont
toujours présents dans l’article 59 du nouveau règlement n°06/19. Il s’agit les deux
critères fondés sur des seuils de chiffre d’affaire ou de part de marché détenus par les
entreprises parties à l’opération de concentration, lesquels ont tous deux été revus. Le
troisième critère est celui de l’effet de l’opération de concentration défini l’article 59
alinéa 4 in fine.

i- La révision des seuils des opérations de concentration : impact sur la


compétence ratione materiae de l’autorité communautaire de concurrence.

Comme précisé, la révision à la hausse du critère du seuil des opérations de


concentration de dimension communautaire concerne à la fois le critère fondé sur le
chiffre d’affaires des entreprises et celui du pourcentage des parts de marché.

La révision du seuil fondé sur le chiffre d’affaires est patente. Selon l’article 59
alinéa 2, « Une opération de concentration est de dimension communautaire lorsque
les entreprises parties à l’opération réalisent ensemble sur le Marché Commun un
chiffre d’affaires supérieur à dix (10) milliards de francs CFA hors taxe (…) ».
L’ancien article 6 alinéa 2 du règlement 01/99 avait fixé pour ce critère le seuil d’un
milliard pour chacune des entreprises parties à l’opération. Cette révision du seuil des
opérations de concentration de dimension communautaire a pour conséquence
directe d’exclure du champ de compétence de l’autorité communautaire de
concurrence, toutes les opérations de concentration en deçà du seuil de dix (10)
milliards de chiffre d’affaires pour l’ensemble des entreprises concernées.

La révision du critère fondé sur les parts de marché détenus par les entreprises
parties à l’opération de concentration est toute en nuance. Mettons en miroir la
formulation de l’ancien article 6 du règlement de celle du nouvel article 59 alinéa 2 « 
Une opération de concentration est de dimension communautaire lorsque (…) les
entreprises parties à l’opération détiennent ensemble 30 % du marché ». Selon
l’article 59 alinéa 2, « une opération de concentration est de dimension

5
communautaire (…) qu’elles détiennent plus de 30 % du marché ». Nous sommes
passés de « détiennent ensemble 30% de parts de marchée » à « détiennent plus de
30° de parts de marché ». Le critère fondé sur les parts de marché détenus par les
entreprises parties à l’opération n’est plus de 30% de parts de marché, mais de plus
de 30% de parts de marché. Ceci signifie que la Communauté n’est plus compétente à
se prononcer sur les opérations de concentrations lorsque les entreprises parties
réunissent 30% de parts de marché et en deçà de ce pourcentage.

Ces mouvements à la hausse des deux curseurs des seuils des opérations de
concentrations entraînent une importante redéfinition du champ ratione materiae
des opérations de concentration relevant du domaine de compétence de l’autorité
communautaire de la concurrence. Certaines opérations qui autrefois seraient
tombées dans son champ de compétence ne le seront plus, à moins que le critère de
l’effet ne soit vérifié.

ii- Le maintien du critère de l’effet de l’opération de concentration.

Ce critère est défini par l’article 59 alinéa 4 in fine. Il indique que


« lorsqu’une opération de concentration est susceptible d’avoir un effet dans deux au
moins des Etats membres, l’opération de concentration est de dimension
communautaire ». Il faut donc qu’un pluralité d’Etats soit possiblement affecté par
l’opération de concentration projetée. Il s’agit-là d’un critère commun de prévalence
du droit communautaire de la concurrence sur celui de l’un ou l’autre des Etats
concernés. Il est prépondérant en matière de pratiques qnticoncurrentielles2, où
l’affectation de plusieurs Etats par une pratique d’entente ou d’abus de position
dominante justifie la compétence des autorités communautaires. L’article 20 du
règlement 06/19 indique à ce sujet que la Commission est compétente pour constater,
sanctionner et prononcer la cessation des infractions relevant du domaine des
pratiques anticoncurrentielles3 « lorsque les échanges entre Etats membres se
trouvent affectés ».

En fin de compte, le relèvement des seuils des opérations de concentration de


dimension communautaire comme le maintien du critère de l’effet vont contribuer à
redéfinir le champ de compétence de l’autorité communautaire de la concurrence. Si
on peut considérer qu’elle perd la compétence sur les opérations de concentration en
deçà de 10 milliards de chiffre d’affaires ou en deçà de 30% de parts de marcchés
détenus pas les entreprises parties, on verra cependant qu’elle voit son champ élargi
avec ses nouvelles compétences sur le terrain de certains Etats membres.

2- L’autorité communautaire de concurrence, autorité nationale de concurrence


dans certains Etats membres : impact sur la compétence ratione loci.
2

3
Article 23 a) et b) de la Convention de l’UEAC.

6
En matière de contrôle des opérations de concentration, l’autorité
communautaire de concurrence va désormais suppléer les autorités nationales dans
certains Etats. C’est toute la quintessence de l’article 59 alinéa 4 qui dispose que :
« Toutefois, lorsqu’une opération de concentration relève d’un Etat membres qui ne
dispose pas de loi nationale sur la concurrence et/ou d’autorité nationale de la
concurrence, le contrôle de l’opération de concentration est de la compétence de
l’autorité communautaire ». Une disposition similaire existe en matière de pratiques
anticoncurrentielles. C’est celle de l’article 22 alinéa 3 qui prévoit qu’« en l’absence
d’une autorité nationale de concurrence en en cas de carence de celle-ci, dans un
Etat concerné, la Commission exerce les compétences prévues au présent article »4.

En rappel, voici l’état des lieux communiqué dès l’introduction de ce propos.


Relativement aux Etats disposant d’une législation en matière de concurrence, sur les
4 Etats membre sur 6 disposent d’une loi relative à la concurrence. Il s’agit : du
Cameroun, du Gabon, de la RCA, et du Tchad. Parmi les 4 Etats disposant de
législations relatives à la concurrence, seuls 2 disposent d’une autorité de la
concurrence, à savoir le Cameroun et le Gabon.

On peut donc conclure que l’autorité communautaire de la concurrence va


suppléer l’autorité nationale de concurrence au Congo et en Guinée équatoriale, au
titre des Etats ne disposant pas de législation en matière de concurrence. Il est prévu
qu’elle y interviendra en appliquant les règles communautaires 5. Elle devrait
également intervenir comme autorité nationale au Tchad et en Centrafrique, deux
Etats ne disposant pas d’autorité de la concurrence pour mettre en œuvre leur loi
nationale. Elle agira alors dans le respect de celle-ci.

Tout compte fait, la Commission voit ainsi son champ de compétence


magnifeste élargi. On rappelle qu’en matière de concentration, l’autorité
communautaire dispose d’une compétence exclusive pour connaitre des opérations
de concentration dont les effets s’étendent sur au moins deux Etats membres.
Désormais, avec ses possibilités d’intervention dans 4 pays de la Commuauté, on voit
ses compétences ratione loci s’élargir. Les justifications d’une telle orientation de la
politique communautaire concurrence sont d’au moins deux ordres. D’abord, on part
du constat qu’après 20 années d’existence du droit commuautaire de la concurrence,
certains Etats membres n’ont pas connu d’avancée notable dans leur culture de la
concurrence, laissant une dimension large du Marché intérieur sans aucune
régulation proconcurrentielle. Cet état des choses dans les économie ouvertes ou
libéralisme économique ne pouvait qu’affecter la construction du Marché commun.
Ensuite, la volonté d’harmonisation au cœur du processus d’intégration économique
telle que développée par les articles 22 et 23 de la Convention de l’UEAC n’a pas eu
d’écho audible dans les 4 Etats déficitaires, soit en législation, soit en autorité de la
concurrence. On comprend dès lors la préoccupation du législateur de faire
4
Article 22 in extenso : « les autorités nationales…
5

7
désormais évoluer ensemble la politique de concurrence dans tous les Etats membres,
y compris en suppluéant les autorités non encore mises en place.

A partir de cette orientation inédite du droit communautaire de la


concurrence dans la CEMAC, tant les marchés nationaux que le Marché commun
bénéficieront de l’application des règles relatives au contrôle des opérations de
concentration, l’argument tiré de la carence à la fois de règles et d’autorités étant
désormais anéanti. Ainsi, chacun des marchés nationaux comme le Marché commun
verront les opérations de concentrations projetées contrôlées, pour le plus grand
bénéfice de l’ensemble du marché intérieur.

Finelement, la réforme consolide les compétences de l’autorité


communautaire de la concurrence en matière de contrôle des opérations de
concentration avec la redéfinition de ses champs de compétence tant au niveau
commuanutaire qu’au niveau des Etats membres. L’application des nouveaux seuils
déternimant la dimension communautaire a un impact positif sur les droits
nationaux, notamment avec la revision corrélative du champ de compétence des
autorités nationales.

B. L’IMPACT POSITIF DES NOUVEAUX CRITERES DE LA


DIMENSION COMMUNAUTAIRE SUR LES DROITS NATIONAUX
DE LA CONCENTRATION

Les nouveaux critères d’intervention des autorités communautaires de


concurrence ne sauraient passer sans incidence sur les droits nationaux. Il s’agit de la
construction d’un Marché commun à partir des marchés nationaux. Ainsi, l’une des
missions de la Communauté, définie par l’article 4 de la Convention de l’UEAC : « au
cours de la première étape (…), l’Union économique : A) harmonise dans la mesure
nécessaire au fonctionnement du Marché commun, les règles qui régissent les
activités économiques et financières et élaborent à cet effet des règlementations
communes. (…)». C’est effort d’harmonisation que se poursuit ave la réforme du droit
communautaire de la concurrence. Ainsi, en matière de concentration, le relèvement
des seuils des opérations de concentration auront un impact sur le champ de
compétence des autorités nationales. De même, l’élargissement du champ de
compétence ratione loci des opérations de concentrations relevant de la compétence
de l’autorité communautaire de concurrence permettra aux Etats en carence de se
voir suppléés.

1- L’élargissement du champ matériel des opérations de concentrations relevant


de la compétence des autorités nationales : impact positif du relèvement du
seuil des opérations de concentration de dimension communautaire. 

8
C’est le principe des vases communicants : « Récipients qui communiquent par
leurs bases et qui, quelles que soient leurs formes, se remplissent à la même hauteur
lorsqu'on verse un liquide dans l'un d'eux »6. La Communauté et les Etats membres
dans le langage de l’intégration communiquent. Communiquer, selon le dictionnaire
le LITTRE, signifie c'est « rendre commun, faire part, transmettre »7. C’est ce que le
Règlement essaie de faire en matière de concentration.

En toute logique, le double mouvement de modification du champ des


compétences rationae materiae de l’autorité communautaire de concurrence aura
une incidence sur le champ matériel des autorités nationales en matière de
concentration. En effet, l’indication d’un critère de seuil des opérations de
concentration a pour objectif de délimiter le champ de compétence de l’autorité
communautaire de concurrence relativement aux autorités nationales de
concurrence8. Ainsi, il est logique que les droit nationaux de concurrence que leurs
autorités ont vocation à appliquer composent avec les nouvelles règles de définition
du champ des opérations de concentration de dimension communautaire.

Sur le plan ratione matériae, les opérations de concentration sorties du champ de


compétence de l’autorité communautaire reviennent d’office aux autorités des Etats
membres, qui voient à leur tour leur champ d’intervention agrandis. Dans une qutre
logique, les nouvelles compétences de l’autorité communautaire de concurrence qui
pourra désormais suppler les autorités de concurrence dans les Etats dépourvus de
légistation et/ou d’autorité en matière de concurrence constitue un second impact
positif de cette orientation du droit communautaire de la concurrence au tournant de
la réforme porté par le règlement n °06/19.

2- La suppléance des autorités nationales dans les Etats en carence : impact


positif de l’extension du champ ratione loci des opérations de concentrations
relevant de la compétence de l’autorité communautaire de concurrence.

L’article 59 alinéa 4 est venu combler en fin de compte des vides juridiques
dans différents Etats membres de la CEMAC. Il faudrait relire ce texte pour s’en
convaincre : « Toutefois, lorsqu’une opération de concentration relève d’un Etat
membres qui ne dispose pas de loi nationale sur la concurrence et/ou d’autorité

6
www.languefrancaise.com. Site internet consulté le 10 mars 2023.
7
https://Littré - communiquer - définition, citations, étymologie (littre.org). Consulté le 10 mars 2023.
8
Dans l’expérience communautaire pionière que constitue l’Union européenne où les droits nationaux
de la concurrence ont précédé le droit communautaire de la concurrence dans la grande majorité de
ses Etats membres, cette dynamique est manifestement compréhensible. Ainsi, lorsqu’arrive l’autorité
communautaire, tandis qu’un instrument juridique, généralement les Actes fondateurs de la
Commauté lui confère des compétences communautaires, le même texte, ou tout autre instrument
communautaire, es adopté aussitôt pour préciser son champ de compétence, considération de celui des
Etats membres.

9
nationale de la concurrence, le contrôle de l’opération de concentration est de la
compétence de l’autorité communautaire »9. Cette orientation de notre droit va
permettre de combler les déficits suivants, qui ne sont pas les mêmes dans les Etats
concernés. Il faut pallier l’absence de législation pour certains, et l’absence d’autorité,
pour d’autres.

Concernant l’absence de législation, la première conséquence sera l’extention


mutatis mutandis de la législation communautaire dans les Etats membres
concernés. C’est tout l’intérêt des articles 7 et 8 de la Directive nº 06/19-UEAC-639-
CM-33 du 8 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle dans les États
membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaires de la
Concurrence10. Les Etats concernés par cette lacune sont le Congo et la Guinée
équatoriale.

L’absence d’autorité de concurrence dans un Etat membre est palliée par


l’autorité communautaire de concurrence, selon les prescriptions claires de l’article
59 alinéa 4. Les Etats concernés par cette carence sont d’abord, les deux premiers
Etats ci-dessus identifiés comme ne disposant pas de législation sur la concurrence :
le Congo et la Guinée équatoriale. Il faut leur adjoindre la Centrafrique et le Tchad,
qui, bien que disposant d’une législation nationale sur la concurrence, n’ont pas
encore installé l’autorité nationale en charge de la mise en œuvre de cette législation.
Il est logique de penser que l’autorité communautaire, dans l’hypothèse des deux
derniers Etats, appliquera les règles nationales de concurrence, sur le fond comme
sur la forme.

Il s’agissait, dans cette première partie, de démontrer que la réforme du droit


substantiel par le règlement n° 06/19 était porteuse d’un nouveau droit substantiel
des concentrations consolidé dans le sens d’une plus grande harmonisation du droit
des concentrations dans l’ensemble du marché intérieur. La recherche téléologique a
démontré d’une part que désormais tout sur l’ensemble du Marché intérieur, les
projets d’opérations de concentration seront contrôlés soit au niveau communautaire
soit niveau national. Une telle conclusion s’impose, avec d’un côté, le maintien des
critères classiques des opérations de concentration de dimension communautaire, et
de l’autre avec l’extension des compétences de l’autorité communautaire de
concurrence dans les Etats membres de disposant ni de législation ni d’autorité
communautaire de concurrence.

A l’observation, les orientations du nouveau droit processuel en matière de


concentration donne à penser que la Communauté s’est dotée des moyens de
procédure à la hauteur de ces grandes ambitions porteuses, comme on le verra de

9
On note cependant une contradiction d’avec l’article 2 alinéa 3 de la Directive nº 06/19-UEAC-639-
CM-33 du 8 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle dans les États membres de la CEMAC
pour l’application des règles communautaires de la Concurrence qui prévoit que « les administrations
des Etats membres en charge des questions de concurrence et de consommation font office d’autorité
nationale de la concurrence en attendant la mise en place effective de l’autorité ».
10

10
nouvelles opportunités, notamment de coopération tant pour les autorités
communautaire de nationales de concurrence.

II- UN NOUVEAU DROIT PROCESSUEL DES


CONCENTRATIONS HARMONISE AU BENEFICE DU
MARCHE INTERIEUR

Même si une forte coopération est désormais instituée entre les Autorités
communautaire et nationales de concurrence ( B), il faut cependant relever que la
Commission de la CEMAC, autorité communautaire de la concurrence, reste seule
compétente pour connaitre des opérations de contrôle des concentrations et en
décider (A).

A- LE MAINTIEN DE LA COMPETENCE EXCLUSIVE DE L’AUTORITE


COMMUNAUTAIRE A CONNAITRE DES OPERATIONS DE
CONCENTRATION DE DIMENSION COMMUNAUTAIRE

Il n’y aura pas plus que par le passé de partage de compétence entre les autorités
nationales et communautaires de concurrence en matière de concentrations de
dimension communautaire (1). A ce sujet, l’autorité communautaire de concurrence
dispose de pouvoirs procéduraux élargis (2), qui peuvent, pour peuvent partagés avec
les autorités nationales. Celles-ci peuvent d’ailleurs être appelées à intervenir dans le
processus de prise de décision en la matière (3).

1- Le fondement juridique de la compétence exclusion de la Commission de la


CEMAC en matière de concentration de dimension communautaire.

Article 19 du règlement n° 06/19 « la Commission a compétence exclusive pour :


« (…) le contrôle des opérations de concentration telles que définies dans le titre IV
du présent règlement et au dessus des seuils fixés à l’article 59 ». Et, selon l’article
59 alinéa 1er, « les opérations de concentration de dimension communautaire
relèvent de la compétence exclusive de la Commission sous le contrôle de la Cour de
Justice ».

En plus de ce domaine exclusif, il faut rappeler, en considération de l’article 59


alinéa 4, que cette compétence exclusive s’étend aux opérations de concentrations de
dimension nationale dans les Etats ne disposant pas, soit d’une loi sur la concurrence,
soit d’une autorité de la concurrence : Ceci concerne, aujourd’hui encore 4 Etats sur
6.

2- Le partage des pouvoirs procéduraux entre l’autorité communautaire de


concurrence et les autorités nationales en matière de concentration.

11
Ces pouvoirs peuvent varier selon que l’autorité communautaire de concurrence
intervient comme autorité communautaire ou comme autorité nationale dans le cadre
d’une opération de concentration projetée.

La configuration actuelle de l’autorité communautaire de concurrence est


désormais tranchée11 par l’article 6 du règlement 06/19 : « la Commission de la
CEMAC met en œuvre la politique de concurrence de l’Union et veille à l’application
des règles communautaire de la concurrence(…) ». Un « organe technique »12
essentiellement dédié à cette mission est créé par l’article 8 : « Il est institué au sein
de la Commission, un Conseil communautaire de la concurrence (CCC). Le CCC est
l’organe technique en matière de concurrence de la Commission. Le CCC procède aux
enquêtes et à l’instruction sur toute question de concurrence»

En matière de contrôle des concentrations, le CCC est l’organe destinataire des


projets de concentration13, au sens de l’article 63 du règlement 06/19. Sa première
obligation, suite à la réception d’une notification préalable, est d’en informer « la
Commission ainsi que les autorités compétentes des Etats membres» (article 63 al.
2).

Selon l’article 66 du règlement 06/19, les enquêtes en matière de contrôle d’une


opération de concentration sont alignées sur « les principes définis (…) en matière
d’ententes et d’abus de position dominante ». Il s’agit donc pour l’autorité
communautaire de concurrence de respecter les prescriptions des articles 34 à 40 du
règlement 06/19. En somme, mieux que par le passé, les pouvoirs de l’autorité
communautaire de concurrence, comme les droits de la défense des entreprises
concernées, font l’objet de plus d’explicitations.

Concernant les pouvoirs de l’autorité communautaire de concurrence, ils


s’analysent en termes de pouvoir d’ « enquête et d’investigations nécessaires à
l’instruction des saisines reçues par le CCC»14. Ces pouvoirs pourront, dans une
procédure donnée, être exécutés par les autorités nationales des Etats membres. C’est
tout le sens de l’article 36 alinéa 2 : « en outre, il peut être demandé, aux autorités
nationales compétentes le cas échéant, de faire procéder à des enquêtes par des
agents habilités de leurs services (…)».

Le respect des droits procéduraux des entreprises concernées est proportionnel à


l’étendue des pouvoirs de l’autorité communautaire de concurrence. Le règlement
06/19 mentionne à l’article 34, le respect du contradictoire15, le droit à la protection
des intérêts légitimes des entreprises, et « notamment à la préservation des secrets
des affaires», le droit à l’assistance d’un avocat à toutes les étapes de la procédure. On

11
Relèvent donc désormais du passé les ambigüités du règlement 01/99, qui avaient justifié des critiques
doctrinales fortes.
12
Article 8 alinéa 2.
13
V. Egalement, article 11 du règlement 06/19.
14
Article 36 alinéa 1.
15
Article 34.

12
note également le droit de communication du procès-verbal d’audition et de saisie
prévu par l’article 37 in fine.

3- La présence des autorités nationales dans le processus de décision en matière


de concentration

Certes, la distribution des rôles entre le Conseil national de la concurrence et la


Commission de la CEMAC n’intègre pas une intervention possible des autorités
nationales. En effet, selon l’article 63, le Conseil Communautaire de la Concurrence
(CCC) est l’autorité destinataire de la notification préalable des projets de
concentration. Elle procède à l’instruction de ces projets et adresse à la Commission
son avis sur l’opération de concentration projetée. L’article 67 précise le rôle de la
Commission. Si elle est l’Autorité de la Décision finale, elle procède d’abord à une
Analyse économique des projets de concentrations portant sensiblement atteinte à la
concurrence dans le Marché commun. De même,  il lui revient d’apprécier des
justificatifs présentés en vue d’une possible compatibilité de l’opération de
concentration portant sensiblement atteinte à la concurrence. C’est en conséquence
de ses analyses qu’elle peut prendre sa décision finale, dans un délai strict de 6 mois à
compter de la notification préalable: Soit une décision de compatibilité soit une
Décision d’incompatibilité. Ainsi donc, les fonctions procédurales en matière de
contrôle des concentrations sont partagées entre le CCC et la Commission. Ceci
n’implique pas un exit total des autorités nationales de concurrence en matière de
concentration. Les mécanismes de leur implication existent, et à l’examen,
l’application harmonieuse des règles relatives aux opérations de concentration en
dépend.

Ainsi, ces mécanismes sont deux ordres. Les autorités nationales sont
naturellement impliquées  dans la procédure par le truchement des mécanismes
d’informations prévues à l’article 63 alinéa 2 du Règlement 06/19. Elles peuvent être
finalement amenées à participer activement à la procédure dans le cadre de la mise
en œuvre des droits que leur reconnait l’article 72.

L’IMPLICATION SIMPLE. Selon l’article 63 alinéa 2 « lorsque le CCC est saisi


d’un projet d’opération de concentration, le CCC en informe la Commission ainsi que
les autorités compétentes des Etats membres ». Il y a dans cet article un droit à
l’information des autorités nationales en matière de mise en œuvre des règles
relatives aux opérations de concentration.

LA PARTICIPATION ACTIVE : Ainsi, selon Article 72, « les Etats membres


informés des notifications auprès des organes de la Communauté et du déroulement
de la procédure peuvent prendre ou demander à la Commission de prendre des
mesures appropriées pour assurer la protection d’intérêts légitimes compatibles
avec les principes généraux du droit communautaire, limitativement pour des
raisons tenant à : a) la sécurité publique et la défense nationale, b) la santé
13
publique et la protection de l’environnement, c) la sécurité d’approvisionnement, d)
la régulation prudentielle ». Ainsi, les mesures prises sur le fondement de l’article 72
consolident l’utilité juridique du droit à l’information des autorités nationales de
concurrence en matière de concentration. Elle favorise une mise en œuvre
harmonieuse de ce droit communautaire qui prend en compte à la fois les intérêts du
Marché intérieur et la préservation des intérêts légitimes de chaque Etat membre.

Il s’agit-là une application contextuelle d’une systématisation de la coopération


entre les autorité communautaire et nationales de la concurrence, dont les axes sont
définis par un texte spécifique. Il s’agit du Règlement n° 000350 relatif à la
procédure pour l’application des règles de concurrence du 25 septembre 2020. Son
chapitre 3 est essentiellement consacré à la « Coopération entre les autorités
communautaire (Commission et Conseil communautaire de la Concurrence) et
autorités nationales de la concurrence.

B- LA COOPERATION SYSTEMATISEE ENTRE LES AUTORITES


COMMUNAUTAIRE (COMMISSION ET CONSEIL
COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE) ET AUTORITES
NATIONALES DE LA CONCURRENCE.

Le Règlement n° 000350 relatif à la procédure pour l’application des règles de


concurrence du 25 septembre 2020 n’est qu’un règlement d’application. C’est la
section 2 du règlement 06/19 en ses articles 25, 26 et 27 qui constitue le véritable
fondement de la systématisation de la coopération entre les autorité communautaire
et nationales de la concurrence. Le Règlement n° 000350 en a indiqué les 3
articulations. La première, est celle des renvois respectifs des compétences entre les
autorités communautaires et nationales, les échanges d’information et la mise en
réseau de la Commission de la CEMAC, des autorités nationales de concurrence et
des autorités sectorielles.

1- Les renvois respectifs de compétence entre les autorités communautaires et


nationales

L’article 19 du Règlement 06/19 définit celui de l’autorité communautaire


de concurrence. Mais, le marché intérieur constituant la dimension géographique du
Marché commun, un principe d’un partage des compétences entre les autorités
nationales de concurrence et les autorités communautaires est posé par le titre
premier du règlement et effectivement reconnu en matière de pratiques
anticoncurrentielles par l’article 22. Quels sont les critères permettant d’éviter des
disharmonies entre les autorités communautaires et les autorités nationales ?

14
Ces critères de compétence, ou a contrario, des critères justifiant le renvoi
à telle autorité compétente, sont clairement définis par les dispositions du règlement
06/19, lorsqu’ils ne s’imposent pas par interprétation.

1- Le critère posé par l’article 19 : Il définit la compétence générale de la


Commission pour appliquer l’ensemble de son droit communautaire, celui
définis par le Règlement n° 06/19 ;
2- Le critère posé par l’article 23 alinéa 1 : La commission et le CCC doivent
renvoyer l’Etat membre concerné, l’affaire de concurrence dont les effets des
agissements anticoncurrentiels ont des effets limités à son territoire ;
3- Le critère posé par l’article 23 alinéa 2 : l’autorité de concurrence doit renvoyer
à la commission, l’affaire de concurrence dont les pratiques critiquées sont
susceptibles d’abord des effets sur les échanges entre Etats membres, ou
lorsque l’affaire soulève une question d’intérêt communautaire ;
4- Le critère de l’article 23 alinéa 3 : le droit d’évocation de la Commission. Si une
affaire pendante devant une autorité nationale de concurrence, révèle
finalement une affectation du commerce entre Etats membres, la Commission
peut l’évoquer ;
5- Le critère inductif de l’incompétence absolue des autorités nationales dans les
domaines relevant de la compétence exclusive de l’autorité communautaire de
concurrence : c’est le cas du domaine des concentrations de dimension
communautaire et des pratiques étatiques restrictives de concurrence ;
6- Le critère inductif de la compétence de chaque autorité nationale sur les
affaires de concurrence dont les effets se déploient uniquement sur son
territoire.

C’est donc en application de ces critères que des renvois respectifs de compétence
entre les autorités nationales et les autorités communautaires sont envisagées par le
règlement de procédure n° 000350 :

- Le renvoi du CCC vers une autorité nationale de concurrence qui est


prévue par l’article 12 du règlement de procédure.
- Le renvoi d’une autorité nationale de concurrence vers le CCC relève de
l’article 13.

En somme, le renvoi respectif des compétences entre les autorités communautaire


(commission et conseil communautaire de la concurrence) comme mécanisme de
coopération, se combinera parfaitement avec l’information réciproque entre la
Commission, le Conseil communautaire de la Concurrence et les autorités nationales
de concurrence pour contribuer à une mise en œuvre harmonisée du droit des
concentrations entre les deux autorités.

2- L’information réciproque entre la Commission, le Conseil communautaire de


la Concurrence et les autorités nationales de concurrence.
15
Comme le renvoi respectif des compétences entre les autorités
communautaires et les autorités nationales de concurrence, L’information réciproque
entre ces autorités est présentée par le Règlement 06/19 comme un principe général
en droit processuel de la concurrence. Une telle réflexion est possible à partir d’une
interprétation logique des articles 25, 26 et 27 du Règlement 06/19.

L’article 26 es t le plus expressif de tous. Il indique que « la Commission et le


CCC informent les autorités nationales de la concurrence de l’ouverture de TOUTE
procédure. Les autorités nationales de la concurrence informent la Commission et le
CCC de l’ouverture de TOUTE procédure». Les modalités pratiques de ces
informations réciproques sont précisées par le Règlement n° 000350 relatif à la
procédure pour l’application des règles de concurrence du 25 septembre 2020 n’est
qu’un règlement d’application.

Concernant les modalités de l’information réciproque entre les Autorités


communautaires et les autorités, elle s’impose dès l’ouverture d’une procédure et
pour la suite, elles seront prendront l’allure des échanges d’informations.

Les procédures de mise en œuvre des règles relatives aux opérations de


concentration ne sauraient échapper à ce mécanisme de coopération par
l’information réciproque. L’article 63 du règlement 06/19 prévoit que « lorsque le CC
est saisi d’un projet d’opération de concentration, il en informe la Commission ainsi
que les autres autorités compétentes des Etats membres ».

On doit cependant retenir qu’en application des articles 25, 26 et 27 du


règlement 06/19, les autorités nationales doivent également porter à la connaissance
des autorités communautaires, toutes les notifications préalables d’opération de
concentration dont elles sont saisies.

Enfin de compte, l’envergure de la coopération pro-concurrentielle dans la


CEMAC, qu’il s’agisse des renvois respectifs ou des informations réciproques entre les
autorités communautaires et nationales de concurrence devrait aboutir à partir d’un
niveau d’information commun entres Etats membres, d’éliminer les risques que
disharmonie et de dissonance dans la mise en œuvre des politiques nationales et
communautaires de concurrence. Ces risques seront d’autant plus maitrisés que
désormais, un maillage de ces autorités sera formalisé dans un Réseau élargi aux
autorités sectorielles en application de l’article 27 du règlement n°06/19.

3- La mise en réseau de la Commission de la CEMAC, des autorités nationales de


concurrence et des autorités sectorielles.

Voici une innovation particulièrement significative quant à la volonté de la


Communauté d’œuvrer à une mise en œuvre harmonieuse de notre politique
communautaire de concurrence : la création, par l’article 27 alinéa d’un Réseau des
autorités communautaires, nationales et sectorielles de la concurrence. Selon ce texte,

16
« Ensemble, la Commission, le CCC et les autorités nationales de la concurrence, les
autorités sectorielles de régulation des Etats membres forment un réseau pour le
partage de l’information, le développement des capacités opérationnelles et
l’application homogènes des règles communautaires de concurrence ».

L’article 15 du règlement de procédure a amorcé la règlementation de ce Réseau,


en d’exprimant sur sa dimension fonctionnelle16. Il en ressort que la création de ce
réseau relève de la compétence de la Commission. Lui reviennent également les
diligences nécessaires à l’organisation des réunions périodiques entre les membres
de ce Réseau. Dans la mesure où les axes des échanges d’informations entre les
autorités nationales et les autorités communautaires de la concurrence ont fait l’objet
d’importantes analyses dans ce propos, on peut s’atteler ici de mettre en exergue une
autre innovation, l’implication des autorités sectorielles de régulation des Etats
membres dans la mise en œuvre des règles communautaires de concurrence et leur
reconnaissance effective avec leur insertion au sein du Réseau communautaire pro-
concurrentiel.

En effet, il s’agissait d’une lacune criarde de l’ancienne politique communautaire


de concurrence mise en place par les instruments de 1999. L’absence totale
d’orientation normative communautaire au sujet de leurs prérogatives en matière de
concurrence avait suscité des pôles d’incompréhension quant à leur compétence dans
la mise en œuvre des règles nationales de concurrence. De telles prérogatives sont
désormais non conformes et ne doivent plus être appliquées en vertu du principe de
primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. Cette non conformité
découle de l’article 29 du règlement n° 06/19. Ce texte prévoit clairement ceci «
lorsque des autorités nationales spécialement instituées pour la régulation d’un
secteur d’activité ont dans le cadre de leurs missions, connaissance de pratiques
d’ententes anticoncurrentielles et d’abus de position dominante, elles en saisissent
les autorités nationales de la concurrence ».  

Le Règlement 06/19 accompagne la suppression effective de la compétence des


autorités sectorielles nationales dans la mise des règles nationale de concurrence par
leur implication dans les procédures idoines pour chacune des autorités concernées.
D’abord, elles disposent désormais d’une compétence consultative certes facultative,
à elle conférées par l’article 2917. Ensuite, elles sont membres de droit du Réseau
communautaire des autorités de concurrence, en vertu de l’article 27 alinéa 4.

CONCLUSION

La question juridique centrale de la présente communication était de vérifier


si, comme annoncée au neuvième Considérant du Règlement n° 06/19, cette réforme
a permis d’atteindre l’objectif d’harmonisation de cette branche de notre droit de la
concurrence en vue de sa consolidation pour le plus bénéfice du Marché intérieur. La
recherche exégétique comme les analyses téléologiques nous ont révélé que :

16

17

17
- QUE TOUTES LES OPERATIONS DE CONCENTRATIONS SERONT
DESORMAIS CONTROLEES, SOIT PAR UNE AUTORITE
NATIONALE DE CONCURRENCE, SOIT PAR L’AUTORITE
COMMUNAUTAIRE DE CONCURRENCE ;

- DU FAIT DE LA CREATION D’UN RESEAU NATIONAL DES


AUTORITES NATIONALES, COMMUNAUTAIRES ET
SECTORIELLES DE LA CONCURRENCE, LES INFORMATIONS DE
FOND COMME DE FORME PARTAGEES AU SEIN DE CE RESEAU
DEVRAIT PERMETTRE D’ATTEINDRE UN NIVEAU COMMUN
D’INFORMATIONS RELATIVEMENT AUX OPERATIONS DE
CONTROLES DES CONCENTRATIONS EN COURS.

Ces deux axes majeurs de la réforme nous donnent à penser l’objectif


d’harmonisation en bonne voie d’être atteinte. Cependant, la consolidation ne sera
effective qu’à deux conditions :

- Lorsque les législations nationales de concurrence existantes auront à


leur tour été réformées pour être adaptées aux nouveau droit
communautaire ;

- Lorsque l’ensemble des Etats membres auront tous transposé la


Directive nº 06/19-UEAC-639-CM-33 du 8 avril 2019 relative à
l’organisation institutionnelle dans les États membres de la CEMAC
pour l’application des règles communautaires de la Concurrence.

18

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