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PARTIE I : le chantier de la fiscalité indirecte commune

Plutôt que de reposer sur un véritable programme qui pourrait concevoir la fiscalité
comme un outil du développement régional et de chacun des Etat-parties, le système fiscal mis
en place semble plutôt être le fruit d’un compromis douloureux, voire, de renoncements jamais
oubliés par ces Etats.
En matière d’impôts indirects, à la moindre tension sociale, l’expérience montre que les Etats
n’hésitent pas à tordre le coup aux règles harmonisées. Pourtant, de façon formelle, les Etats
se sont engagés dans le Traité à apporter « leur concours à la réalisation des objectifs de
l'Union en adoptant toutes mesures générales ou particulières, propres à assurer l'exécution
des obligations découlant du présent Traité. A cet effet, ils s'abstiennent de toutes mesures
susceptibles de faire obstacle à l'application du présent Traité et des actes pris pour son
application » 1. C’est d’ailleurs, en ce sens, que pour les contraindre au respect des normes
communautaires, le recours en manquement a été prévu par l’UEMOA 2.
La qualité du système fiscal communautaire prend un coup du fait d’une part, du primat de
l’économique sur la cohérence des normes juridiques fiscales adoptées (Chapitre I) et d’autre
part, du choix trop large laissé aux législations nationales dans le domaine harmonisé,
introduisant ainsi une hétérogénéité nuisible au système harmonisé (Chapitre II).

CHAPITRE I :

La cohérence juridique diluée dans la rationalité économique

La volonté d’éviter les dysfonctionnements du marché communautaire a poussé à


l’adoption du taux unique (pourcentage fixé par la loi et appliqué à la matière imposable). Ce
choix s’est fait au détriment des arguments d’équité et de certaines réalités socio-économiques
(Section I). Cette option a conduit à tronquer le processus d’harmonisation (Section II).

1 Article 7 du Traité de l’UEMOA.

2 Article 5 du Protocole Additionnel relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.


SECTION I : Un choix du taux unique face aux différences socio-
économiques

Si les soubassements économiques ayant présidé à l’adoption du taux unique sont plus
ou moins justifiés (Paragraphe I), dans la pratique, un tel régime s’est montré insatisfaisant
(Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : La mise en place d’un taux unique

L’article 29 de la Directive n°2/98 sur la TVA, en son paragraphe VII consacré à la matière,
n’établit pas un taux uniforme pour tous les pays. Dans le sillage du principe d’une
harmonisation graduelle, les dispositions de l’article susvisé donnent la liberté aux différents
États pour fixer le taux unique au niveau désiré, en l’appliquant aux différentes transactions,
mais dans une fourchette qui va de 15 à 20% 3. A travers, cette fourchette relativement large,
l’UEMOA reconnaît une certaine liberté aux États dans la fixation du taux unique.

Aussi, les États se sont-ils vus reconnaître une phase de transition pour ajuster leur système
fiscal aux règles prescrites par l’harmonisation fiscale.

Cette phase de transition concerne les États qui n’avaient pas un système de TVA avant
l’harmonisation ainsi que ceux qui n’en ont pas avant d’intégrer l’Union. Une période
transitoire de deux (2) ans leur est accordée pour procéder aux réglages nécessaires.

La seconde mesure de transition est relative aux États qui avaient un système de TVA avec
deux taux avant l’harmonisation et qui se voient reconnaître la possibilité de réduire le tout à
l’unicité de taux dans une période relativement longue de quatre ans. C’était ainsi reconnaître
la délicatesse d’un changement de taux qui devaient avoir de multiples impacts tant au niveau
social qu’au niveau économique. En effet, l’unicité de taux signait la mort quasi programmée
de plusieurs activités qui ne pouvaient supporter une hausse de plusieurs points de TVA.

3 Le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso adoptent le taux de 18%, le Niger 19%, et la Côte d’ivoire 20%.
Cette unicité est allée de pair avec une liste commune et restreinte des exonérations 4 qui
accentua cette tendance (les difficultés rencontrées tiennent essentiellement à l’institution du
taux unique et à la liste commune des exonérations. Du fait du passage au taux unique, certains
secteurs d’activités (boulangerie, eau, électricité), qui économiquement ou socialement sont
jugées sensibles, ont vu le taux de TVA, qui leur était appliqué, augmenter de 8 points. C’est
ainsi que des problèmes de compétitivité du secteur touristique sénégalais ont pu être soulevés
par les professionnels dudit secteur. Il en était de même des boulangers relativement au prix
du pain.

Ainsi, certaines activités se retrouvaient, du jour au lendemain, taxées et devaient se trouver


dans le système de TVA alors qu’auparavant elles en étaient épargnées. De fait, pour les
entités et secteurs concernés, de réels problèmes d’adaptation se posent auxquels il faut
ajouter de sérieuses préoccupations de compétitivité puisqu’ils ont bâti leur exploitation selon
une structure de prix au consommateur qui tient compte d’un certain niveau de fiscalité.

Une troisième mesure de transition avait trait à l’application de la TVA dans le domaine du
transport. Les pays qui prévoyaient l’exonération d’une telle activité se voyaient reconnaître
la possibilité de rester six (6) ans pour l’application effective de la TVA dans le secteur du
transport.

Jugé sensible au niveau interne tant sur les plans économique que social, le transport revêt
une importance cruciale dans l’intégration régionale. Il en est le levier et, d’une certaine
manière, la mesure. En effet, sans un système de transport performant, la liberté de circulation
des biens et des personnes à l’intérieur de l’Union, condition nécessaire à l’intégration
régionale, ne sera qu’un vœu pieux. Le taux unique ainsi difficilement retenu sera
progressivement remis en cause.

PARAGRAPHE II : La remise en cause progressive du taux unique

En réalité, cette phase transitoire plutôt longue et complexe dans son contenu, est révélatrice
d’une difficulté certaine dans l’exécution des actes d’harmonisation. De fait, l’opportunité de
l’adoption d’un taux unique n’a jamais emporté l’unanimité au sein des États membres même

4 Directive n°06/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002.


si ces derniers ont adhéré au principe et l’ont transcrit dans leur droit interne depuis lors.
Toutefois, le débat a continué durant les années d’application des réformes introduites
dans les législations nationales et oppose deux camps bien identifiés.

Le premier camp soutient l’adoption du taux unique considéré comme l’option moderne en
matière de TVA. Ils rejoignent en cela les voix autorisées des Institutions Financières
internationales. En effet, la pluralité de taux est vue, par ce camp, comme source de
distorsions économiques, et d’inefficience administrative puisqu’elle implique des coûts de
contrôle plus lourds voire des demandes de restitution malgré l’application du butoir. En
matière fiscale, ce dernier consiste à ne pas restituer considérant que la TVA n’est pas
restituable lorsque le crédit enregistré fait suite à une TVA supportée supérieure à celle
collectée et que cet écart n’est pas justifié par une différence existant entre les taux appliqués
aux achats et ceux frappant les ventes.

La seconde opinion (second camp) repose sur la nécessité d’avoir plusieurs taux de TVA pour
tenir compte de considérations sociales et ainsi taxer les produits de première nécessité à un
taux réduit. D’ailleurs, certains tenants d’une pluralité de taux vont plus loin, pour réclamer
des taux spécifiques pour des raisons d’interventionnisme économique. Ce dernier vise
certains secteurs jugés stratégiques et dont la compétitivité ne serait pas atteinte sans une
fiscalité indirecte réduite.

La Commission de l’UEMOA a toujours montré une certaine impatience face à cette seconde
opinion et des débats soulevés pour la défendre. Ainsi, a-t-elle toujours semblé considérer que
ces débats relevaient d’un conservatisme fiscal ou pire, d’une volonté d’ébranler l’édifice
communautaire 5.

La Commission qui avait manifesté une réticence ferme à toute velléité de faire marche arrière
sur cette option a fini par céder à l’assaut des tenants d’une pluralité de taux 6.

5 M. Roques, La Cour de justice des Communautés européennes et le principe de neutralité de la TVA, Université de Nice

Sophia Antipolis, thèse de doctorat, 2002, p. 13. Ainsi, Roques note que dans le cas de l’Europe « …c’est également
l’interventionnisme public et le protectionnisme que les auteurs du Traité se sont attachés à limiter ou à interdire ».

6L’UEMOA a, lors de sa réunion d’Abidjan tenue courant 2008, évoqué officiellement la question et engagé les États à se
soumettre à la réflexion en proposant une liste de produits à soumettre au taux réduit.
Le processus de réflexion a abouti à l’adoption de la directive du 27 mars 2009 7 qui, aux
termes de son article premier nouveau précise que « le principe du système est l’application
de la TVA, suivant une base commune et des taux convergents, à titre d’impôt de
consommation pour toutes les transactions économiques portant sur les biens et services, à
l’exception des exonérations communes limitativement énumérées par la Directive ».

De façon précise, la Directive reconnaît aux États la faculté d’instaurer un taux réduit. Les
dispositions de l’article 29 nouveau admettent, à côté d’un taux de droit commun compris
entre 15 et 20%, un taux dérogatoire se situant entre 5 et 10%. Toutefois, le domaine
d’application du taux réduit est restreint et fixé par une liste communautaire. Si cette dernière
comprend dix (10) biens 8 (les huiles alimentaires, le sucre, le lait manufacturé, les pâtes
alimentaires, les aliments pour bétail et pour volaille, les poussins d’un jour, la farine (de
maïs, de mil, de millet, de sorgho, de riz, de blé et de fonio), le matériel agricole, le matériel
informatique, les matériels de production de l’énergie solaire) et quatre (4) types de service 9
(Les prestations d’hébergement et de restauration fournies par les hôtels, les restaurants et
organismes assimilés agréés et les prestations réalisées par les organisateurs de circuits
touristiques agréés ; la location de matériel agricole ; la réparation de matériel agricole ; les
prestations réalisées par les entreprises dans le cadre des activités de pompes funèbres ),
l’article 29 nouveau limite le taux réduit à dix (10) biens et services choisis sur la liste.

En dehors du taux, plusieurs autres éléments importants pour la structure de la TVA ont été
passés sous silence puisque n’ayant pas fait l’objet d’une harmonisation. Cela réduit
l’efficacité du système de TVA en place.

7Directive n°02/2009/CM/UEMOA portant modification de la directive n°02/98/CM/UEMOA du 22 décembre


1998 portant harmonisation des législations des États membres en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
8Ces biens sont : les huiles alimentaires, le sucre, le lait manufacturé, les pâtes alimentaires, les aliments pour
bétail et pour volaille, les poussins d’un jour, la farine ( de maïs, de mil, de millet, de sorgho, de riz, de blé et
de fonio), le matériel agricole, le matériel informatique, les matériels de production de l’énergie solaire.

9Les prestations d’hébergement et de restauration fournies par les hôtels, les restaurants et organismes assimilés
agréés et les prestations réalisées par les organisateurs de circuits touristiques agréés ; la location de matériel
agricole ; la réparation de matériel agricole ; les prestations réalisées par les entreprises dans le cadre des activités
de pompes funèbres. Pour une analyse comparée, voir le cas de l’Union européenne qui prône une démarche
plus flexible. Commission européenne, « Les taux de TVA appliqués dans les États membres de la Communauté
européenne, la situation au 1er mai 2000», DOC/2206/2000-EN, 2000.
SECTION II : Les éléments escamotés par la fiscalité indirecte
communautaire

La TVA est un impôt complet. Dans ce cas, en réduire des éléments peut faire courir le risque
de rendre ce dernier incohérent et inefficace. Des exemptions (dispenses) au fondement
douteux, une panoplie d’exonérations (totale ou partielle) mal appliquée, une large variation
de taux applicables en TVA ainsi qu’un manque notoire de principes directeurs en matière
d’harmonisation de droit d’accises montrent que le système fiscal de l’Union est encore
immature. Ce sentiment d’inachevé saisit le juriste qui constate un champ d’application peu
encadré en TVA (Paragraphe I) et une harmonisation trop lâche en droits d’accise (Paragraphe
II).

PARAGRAPHE I : L’imprécision des opérations imposables en TVA

L’objectif d’une harmonisation fiscale en matière de TVA est de voir tous les États
membres adopter un « impôt général non cumulatif sur la consommation, prélevé à tous les
stades de la production et de la distribution des biens et services » 10. Une telle harmonisation
induit « une égalité de traitement fiscal de toutes les transactions intérieures et des
importations » 11. Cette ambition implique une rigueur sur les mesures d’harmonisation ainsi
que sur le contenu des normes communes 12. Malheureusement, le système de la TVA est loin
d’être épuisé par les normes adoptées.

A ce propos, l’absence d’harmonisation du champ d’application notamment des opérations


imposables pose problème. En cas de conflit des dispositions applicables entre deux États
membres de l’Union, l’on peut se retrouver face à une double imposition.

Les dispositions de la loi sénégalaise n° 2004-12 du 6 février 2004 en matière de définition


du service imposable illustrent cette situation. En effet, en plus de la référence au lieu
d’utilisation du service, un second critère a été ajouté. Ainsi, l’article 286- b) du CGI
répute/considère comme utilisée au Sénégal, toute prestation de services ou opération

10J.-L. Albert, « La TVA dans la perspective de l’élargissement de l’Europe » in M. Leroy, Mondialisation et fiscalité, la
globalisation fiscale, l’Harmattan, 2006, p. 98.
11 J.-L. Albert, op. cit. , p. 98.
12 P. Derouin, P. Martin, Droit communautaire et fiscalité, éd. Litec Fiscal, 2004, p. 283 et suiv. .
assimilée rendue par un prestataire établi au Sénégal ou à l’étranger, sur ordre ou pour le
compte d’une personne physique ou morale, d’un établissement, d’une agence ou succursale
implantés au Sénégal.

Dans le cadre d’une zone économique intégrée, une entreprise installée au Sénégal peut se
voir offrir un service dans un autre État (Côte d’Ivoire) pour un marché à exécuter dans ledit
État ou dans un autre État de la sous-région. Dans ce cas, deux impositions auront lieu :
Sénégal (le lieu de localisation du donneur d’ordre) et en Côte d’ivoire ou dans l’autre pays
(selon sa législation, souvent le lieu d’utilisation du service).

Au-delà de cet aspect lié à la technique interne de la TVA, des questions aussi sensibles que
la fraude à la TVA dans une région aux frontières désormais ouvertes n’ont pas été encore
abordées par les décideurs communautaires 13. Or, le préjudice est réel et le tort aux différentes
économies immenses pour un système non couvert par des dispositions dissuasives.

La prédominance des principes économiques de neutralité rendue par l’exigence d’une équité
horizontale en matière fiscale a poussé vers l’adoption d’une technique qui fait ainsi
l’économie des subtilités de certains mécanismes de cet impôt. De telles subtilités sont surtout
liées, d’une part au jeu subtil des déductions (la déduction fiscale est une somme soustraite
d’un revenu avant le calcul de l’impôt) et d’autre part, au régime des exonérations (dispense
de payer l’impôt) et exemptions (ne pas payer d’impôt sur une certaine somme et sous
certaines conditions). Concrètement, l’harmonisation a abouti à l’élimination de la plupart des
exonérations qui existaient dans les systèmes de TVA préexistants. L’institution d’une liste
commune des exonérations s’est, en effet, traduite par une forte limitation des opérations
éligibles. C’est ainsi que désormais la presque totalité des transactions est soumise à la TVA
suivant les dispositions harmonisées. Ces exonérations harmonisées sont concentrées sur
certaines catégories de biens et services. Pourtant, les enjeux économiques si prégnants
soient-ils, n’ont pu faire taire totalement la technique fiscale spécifique à la TVA.

A côté des dysfonctionnements rencontrés en TVA, l’harmonisation des droits d’accises aussi
n’échappe pas à une série d’anomalies relevées. En effet, dans ce domaine ou les États veulent

13 I. Joumard, « Les systèmes fiscaux des pays de l’Union européenne », Revue économique de l’OCDE, n°34,
tout à la fois lutter contre les externalités négatives et engranger des recettes appréciables, les
enjeux ne manquent pas.

PARAGRAPHE II : Le régime harmonisé des droits d’accises : une trop


grande flexibilité

Les droits d’accises drainent des recettes substantielles et ne posent pas de sérieux problèmes
de collecte. C’est ainsi que les Etats comptent beaucoup sur ce type d’impôts pour combler
les lacunes du système fiscal rencontrées dans certains domaines. Aussi, l’harmonisation a-t-
elle rencontré certaines réticences qui ont poussé à des dispositions disparates et au primat
accordé aux politiques sectorielles nationales.

Les droits d’accises forment l’autre grande catégorie des impôts indirects ayant été
harmonisés. Ce sont des taxes assises sur l’importation ou la production de certains biens. Ces
derniers sont choisis pour plusieurs raisons généralement bien identifiées. Mais aucune
d’entre elles ne répond à ce jour à une rationalité communautaire éprouvée.

Tout d’abord, elles sont d’ordre budgétaire, lorsqu’ils portent sur des biens choisis en raison
de la faible élasticité de leur demande par rapport à leur prix. Toutefois, la taxation trop forte
notée à ce titre sur les produits pétroliers entraîne de graves dysfonctionnements dans
l’économie des pays concernés. Il a de ce fait été jugé, dans le cadre européen, que « ce serait
une erreur que de sous-estimer l’impact budgétaire de cette harmonisation » 1415. Cette mise
en garde vaut aussi pour l’expérience de l’UEMOA. C’est ainsi que cette dernière a pris
diverses mesures pour contrôler la fiscalité de ces produits. En effet, elle pose de réels
problèmes de compétitivité d’une part de l’économie régionale et, d’autre part, crée des
distorsions entre les différentes économies à l’intérieur de l’Union où des taxations fortement
déséquilibrées sont appliquées.

14 T. Lambert et J.- L. Albert (sous la dir.), Les chantiers fiscaux à engager, L’harmattan, 2002, p. 20.
15H. Cremer, F. Gahvari, N. Ladoux, « La taxation des biens polluants », Revue française d'économie, 1999,
vol. 14, n° 2, pp. 33-60. Certains auteurs utilisent la notion de « dépenses fiscales positives ». Ces taxes
correspondent à un instrument de politique sociale à objectif double parce qu’elles permettent de décourager la
consommation de certains biens en même temps qu’elles fournissent des ressources pour financer des dépenses
redistributives.
Ensuite, des motifs sociaux sont visés par l’instauration des droits d’accises. Plus précisément
ce sont des préoccupations de santé publique avec surtout la possibilité de réduire la
consommation de certains produits aux effets négatifs (tabac, alcool). Les droits d’accises
correspondent ainsi aux taxes dites pigouviennes (c’est une taxe destinée à internaliser le cout
social des activités économiques, notamment en ce qui concerne la pollution. Elle vise ainsi
à intégrer au marché les externalités négatives).

En sus, des raisons économiques sont poursuivies, lorsqu’elles visent, de façon


insidieuse (qui a le caractère d’un piège) à rendre moins compétitifs certains produits souvent
d’origine importée. En effet, les mécanismes de taxation aux droits d’accises peuvent les faire
porter sur une base discriminant la production étrangère et constituer ainsi un réel instrument
de protection contrairement à ce qui a pu être noté en ces termes « ces droits s’appliquent en
principe de manière indifférenciée aux productions locales et aux importations et donc ne sont
à l’origine d’aucune protection » 16.

L’harmonisation des droits d’accise s’est faite de façon trop ouverte et malheureusement peu
soutenue.

Dans ce cadre, le législateur communautaire a été beaucoup plus expéditif en mettant en


œuvre deux principes directeurs. D’abord, s’agissant de la base taxable, il procède à la
limitation du nombre de produits éligibles, consacrant ainsi une caractéristique moderne de la
structure des droits d’accise 17. En l’occurrence, les boissons alcoolisées et non alcoolisées à
l’exclusion de l’eau d’une part, et d’autre part les tabacs, qui sont obligatoirement soumis aux
droits d’accise 18. Ces droits s’appliquent aussi à ces produits lorsqu’ils sont fabriqués
localement ou importés, lors de leur première vente ou de leur mise en consommation.

Pour les produits pétroliers, un régime harmonisé avec des modalités spécifiques de taxation
est défini. Il en est ainsi aussi de la liste des hydrocarbures et de leur position tarifaire (voir

16 G. Chambas, « Réforme fiscale et structure de prélèvements publics », CERDI, Clermond Ferrand, 2001, p. 25.
V. Tanzi et H. Z. Howell, « Tax Policy for emerging markets : Developing countries », International Monetary
17

Fund, Working Paper, WP/00/35, 2000.


18Suivant l’article premier de la Directive n° 03/98/CM/UEMOA, la taxation de ces produits est obligatoire pour tous les
pays membres de l’Union.
Directive n°06/2001/CM/UEMOA du 26 novembre 2006 portant harmonisation de la taxation
des produits pétroliers au sein de l’Union. Bulletin Officiel de l’UEMOA n°24/2001 p. 179.)

Ensuite, la structure retenue autorise des choix propres aux différents pays pour les produits
à soumettre à de tels droits. Sous l’empire de la Directive 03/98, les Etats pouvaient choisir
quatre des produits suivants : le café, la cola, les farines de blé, les huiles et corps gras
alimentaires, les produits de parfumerie et cosmétiques, le thé, les armes et munitions 19.

Mais, depuis, les dispositions de cette directive ont été modifiées dans le sens d’allonger la
liste des produits susceptibles d’être soumis aux droits d’accises. L’article 2 nouveau de la
Directive 03/98 prévoit, outre les quatre types de produits soumis obligatoirement aux accises,
douze (12) autres dont six peuvent être taxés en droits d’accises 20. Désormais, la liste s’est
allongée et avec elle le nombre de produits taxables aussi. C’est ainsi que la gamme de
produits ouverts aux droits d’accises n’offre pas à l’Union la possibilité de jouer sur ce type
d’impôts à des fins de politique fiscale.

Les dispositions sur les droits d’accises ne consacrent pas l’harmonisation des législations
dans une direction précise. Face à des conflits d’intérêts, les différents Etats ont ainsi raté un
précieux instrument fiscal qui aurait pu être utilisé pour l’intégration régionale. En effet, les
droits d’accises pouvaient être conçus dans une optique communautaire, pour leur efficacité
interventionniste au service de politiques publiques particulières, par exemple de santé et
d’économie 21.

Il est vrai qu’accessoirement, mais de façon non négligée par des pays confrontés à d’épineux
problèmes de performances fiscales, ils offrent de substantielles recettes du fait des taux
élevés appliqués aux produits sélectionnés. Les enjeux politiques liés aux groupes de pression
nationaux 22 ont poussé à des arrangements complexes qui trahissent mal l’absence de choix

Aux termes de l’article 2 de la même directive chaque pays membre peut opter pour la taxation de quatre produits au
19

maximum parmi ceux là.


20 Directive n°03/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant modification de la Directive
n°03/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en
matière d’accises. Notons la possibilité désormais offerte de taxer aux droits d’accises les véhicules de tourisme
dont la puissance est supérieure ou égale à 13 chevaux, les lingots d’or, le marbre, les sachets en matière
plastique ainsi que les pierres précieuses.
21 Lutte contre les externalités négatives et protection de secteurs clef.

22 Quand elles ont un rôle de protection, la réglementation des droits d’accises pose souvent, en arrière plan, l’avenir de

toute une filière économique dans un pays donné.


techniques. Les mêmes critiques portant sur les choix des produits soumis aux droits d’accises
peuvent être soulevées quant aux différents taux, eux aussi, à choisir dans une fourchette très
vaste.

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