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fr - 23/03/2020 14:19 | UNIVERSITE CLERMONT AUVERGNE

La nouvelle gouvernance fiscale


Issu de Petites affiches - n°89 - page 4

Date de parution : 05/05/2015

Id : PA201508905

Réf : LPA 5 mai 2015, n° PA201508905, p. 4

Auteur :

 Par Frédérique Perrotin

L'administration fiscale a publié une charte sur la nouvelle gouvernance fiscale visant à sécuriser
l'environnement fiscal des entreprises, à rationaliser les normes fiscales et à mieux encadrer la
rétroactivité et la rétrospectivité des lois fiscales.

Dans la lignée des assises de la fiscalité des entreprises qui se sont tenues au début de l'année 2014, le
Gouvernement a publié une charte sur la nouvelle gouvernance fiscale 1. Ce texte a pour but d'augmenter
l'attractivité de la place de Paris, a expliqué le ministre des Finances, Michel Sapin, lorsqu'il l’a dévoilé.

Pour assurer le financement de l'économie et la croissance, il convient de « faire en sorte que la finance
soit une finance efficace, au service de l'économie réelle, la place financière de Paris doit être forte. Cela
implique de prendre les mesures pour la renforcer quand cela est nécessaire. J'ai donc décidé de publier
aujourd'hui un code de conduite qui pose le principe de non-rétroactivité en matière fiscale. Très
concrètement, cela veut dire que les changements de fiscalité n'affecteront plus ni les exercices déjà clos,
ni même les exercices ou les années en cours. Les acteurs auront de la visibilité et la garantie que les
règles du jeu sont connues suffisamment à l'avance », a résumé le ministre.

Pas de principe constitutionnel de non-rétroactivité


La publication de la charte correspond à un engagement pris lors de la clôture des universités d'été du
Medef. Le ministre des Finances, Michel Sapin, s'était alors engagé à supprimer la rétroactivité dans le
domaine de la fiscalité. « En matière fiscale, nous mettrons en œuvre le principe de non-rétroactivité
fiscale qui comportera des engagements profonds des uns et des autres », avait-il alors déclaré, ajoutant
qu’« il ne doit plus y avoir de suppléments d'impôts applicables à des exercices déjà clos, pas de
majorations après la fin de l'année d'imposition mais de la visibilité et la garantie que les règles du jeu
sont connues suffisamment à l'avance ». Sécuriser les acteurs permet à ceux qui prennent des risques de le
faire « en confiance et en connaissance de cause sans qu'en cours de route une nouvelle norme fiscale
vienne tout changer ». Rappelons que la notion de rétroactivité vise plusieurs concepts : la petite
rétroactivité générée par le principe du vote de la loi fiscale en fin d'année, la rétroactivité d'ordre
économique qui s'applique à des opérations décidées en amont sous une législation susceptible
d'évolution, et la grande rétroactivité, beaucoup plus rare, comme les dispositions interprétatives. Si la
grande rétroactivité est déjà assez bien encadrée, la petite rétroactivité ou rétrospectivité l'est nettement
moins. C'est à cette dernière que s'attaque essentiellement la charte.

Dès 2004, le rapport Gibert 2, puis en 2008, le rapport Fouquet 3 avaient appelé à la suppression de la
notion de rétroactivité fiscale. Le rapport Fouquet proposait même d'inscrire le principe de non-
rétroactivité ou de sécurité juridique dans le Préambule de la Constitution (proposition no 4).
En effet, si l'article 2 du Code civil précise que « la loi ne dispose que pour l'avenir : elle n'a point d'effet
rétroactif », il n'existe pas de principe de valeur constitutionnelle de non-rétroactivité des lois fiscales à
l'exception de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, qui interdit la rétroactivité
des lois pénales d'application plus sévère. Les propositions de loi constitutionnelle et organique tendant à
encadrer la rétroactivité des lois fiscales présentées au printemps 2013 au Parlement ont été rejetées par
les députés. Le texte présenté par le Gouvernement est donc assez novateur. Reste que ce code de bonne
conduite ne peut avoir qu'une portée assez limitée comparé à un texte de loi par exemple. Autre point
négatif : la charte ne vise que les entreprises. Les particuliers ne sont donc pas concernés par ce texte.
Enfin, la charte ne vise que les hausses d'impôts. Pour des mesures favorables au contribuable, un texte
rétrospectif ou rétroactif reste possible.

Rationaliser la norme fiscale


Afin d'assurer une meilleure clarté et une meilleure intelligibilité de la règle fiscale, le recours aux
définitions déjà en place devra être favorisé. Les projets d'articles législatifs ou amendements
gouvernementaux, les projets de textes réglementaires et les instructions en matière fiscale devront donc,
chaque fois qu'un tel renvoi est possible, utiliser l'une des définitions existant, soit en matière fiscale, soit
dans les autres branches du droit. « Il ne pourra être dérogé à cette règle que lorsque le recours à une
nouvelle définition spécifique au droit fiscal découlera d'une obligation prévue par une norme supérieure,
notamment européenne, ou sera nécessaire pour rendre effectif un dispositif de lutte contre une pratique
d'optimisation ou destiné à éviter l'absence de maîtrise budgétaire d'une dépense fiscale ».

Accroître la sécurité juridique


La rétroactivité des lois fiscales est strictement encadrée. En matière fiscale, les projets d'articles
législatifs ou amendements gouvernementaux ne devront plus s'appliquer aux faits générateurs antérieurs
à la publication de la loi au Journal officiel. Trois exceptions à ce principe sont toutefois prévues. Il s'agit,
tout d'abord, des dispositions législatives de nature interprétative qui ne modifient pas le droit en vigueur,
mais se bornent à en clarifier certains aspects afin d'éviter des difficultés dans leur application. De par
leur contribution à la clarté du droit fiscal, les projets d'articles législatifs ou amendements
gouvernementaux pourront continuer à comporter des dispositions interprétatives.

Autre exception : les lois de validation. « Dans certains cas, une réforme législative nécessite d'être
rétroactive afin d'éviter qu'une mauvaise application de la loi précédemment en vigueur n'aboutisse, pour
sa réparation, à une désorganisation des services de l'État ou un encombrement de la justice. De telles
dispositions, appelées « lois de validation », sont très strictement encadrées par les jurisprudences du
Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'Homme. En effet, pour être considérées
comme constitutionnelles, les lois de validation doivent respecter la chose jugée et être particulièrement
justifiées par l'intérêt général de l'État ou des collectivités concernées, l'intérêt financier ne constituant pas
à lui seul un motif d'intérêt général suffisant. Pour se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'Homme, ces lois doivent respecter les contentieux engagés avant que leur contenu ne soit
rendu public. Des projets de lois ou d'amendements de validation pourront continuer à être déposés dans
le respect de ce strict encadrement », explique la charte.

Dernier motif d'exception : les dispositions susceptibles d'entraîner des comportements d'optimisation
postérieurement à leur publicité. L'annonce de certaines mesures fiscales est susceptible d'entraîner des
tentatives d'optimisation de la part des contribuables, ces derniers prenant des décisions entre l'annonce de
la mesure et le vote de la loi afin de bénéficier du régime antérieur. « Compte tenu des effets néfastes
découlant d'un décalage entre l'annonce de telles mesures et l'adoption de la loi les mettant en œuvre, les
projets d'articles fiscaux comportant des dispositions susceptibles d'entraîner des comportements
d'optimisation pourront continuer à entrer en vigueur à la date du conseil des ministres au cours duquel
elles sont annoncées. Par parallélisme, lorsque de telles dispositions figurent dans un amendement
gouvernemental, son entrée en vigueur pourra être anticipée à la date de son dépôt par le Gouvernement
», précise la charte.
Encadrer la rétrospectivité
La charte encadre l'entrée en vigueur de la loi fiscale. En matière fiscale, le droit applicable est celui qui
est en vigueur au moment du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire le moment où la dette d'impôt du
contribuable est effectivement constituée. Compte tenu des spécificités de certains impôts, une loi même
non rétroactive peut s'appliquer à des situations intervenues avant son vote : c'est ce qu'on appelle la
rétrospectivité. Pour l'impôt sur le revenu, la règle de droit qui s'applique est celle qui est en vigueur au
31 décembre de l'année. Elle concerne donc les revenus constitués tout au long de cette année.

Pour l'impôt sur les sociétés, la règle qui s'applique est celle est en vigueur à la clôture de l'exercice.
Compte tenu des faits générateurs afférent à ces deux impôts, une disposition législative peut, sans être
rétroactive, être adoptée jusqu'à la fin d'une année civile et s'appliquer, à l'impôt sur le revenu, aux
revenus perçus depuis le 1er janvier de l'année et, à l'impôt sur les sociétés, aux bénéfices perçus depuis le
clôture de l'exercice précédent dans le cas d'une entreprise clôturant son exercice au 31 décembre. « Cette
règle étant source d'insécurité pour les entreprises, dans la mesure où elles n'ont pas la certitude du
traitement fiscal réservé à une opération au moment où celle-ci est effectuée, les projets d'articles
législatifs ou amendements gouvernementaux ne devront plus s'appliquer aux revenus perçus au cours de
l'année d'adoption de la loi et ne pourront s'appliquer qu'aux exercices ouverts à compter de la publication
de celle-ci, sauf mesures favorables au contribuable », précise la charte.

1–

(1) http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/charte-nouvelle-gouvernance-fiscale_2014.pdf.

2–

(2) Rapport Gibert, «Améliorer la sécurité du droit fiscal pour renforcer l'attractivité du territoire», Paris :
Doc. fr. 2004.

3–

(3) Rapport Fouquet, «Améliorer la sécurité juridique des relations entre l'administration fiscale et les
contribuables : une nouvelle approche», Paris : Doc. fr. 2008.

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