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Délais de paiement: Le bilan des déclarations

Par Hassan EL ARIF | Edition N°:6636 Le 09/11/2023 | Partager

4.700 dépôts enregistrés fin octobre, dont 1.600 assortis d’un paiement

Le montant global des amendes acquittées s’établit à 130 millions de DH

Le volume des impayés entre juillet et fin septembre estimé à environ 4,3 milliards de DH

La désignation de la Direction générale des impôts comme principale gestionnaire de la loi sur les
délais de paiement constitue une véritable révolution et devrait générer un saut qualitatif en
matière d’amélioration du climat des affaires (Ph. L’Economiste)

La première mise en œuvre de la loi sur les délais de paiement, qui avait échu le mardi 31 octobre
dernier, aura tenu toutes ses promesses. L’opération s’est soldée par 4.700 déclarations via la
plateforme Simpl de la Direction générale des impôts (DGI). Toutes les structures ciblées ayant
dépassé le palier prévu par les dispositions légales se sont plié à l’obligation déclarative.

Parmi les déclarations souscrites, 1.600 ont été assorties du paiement de la sanction financière
correspondante. Le montant global des amendes acquittées en ligne s’établit donc à 130 millions de
DH. Ce qui représente des impayés consolidés d’environ 4,3 milliards de DH au titre de la seule
période de juillet à fin septembre 2023, sachant que le montant de l’amende n’est pas uniforme. Il est
de 3% pour le premier mois de retard, majoré de 0,85% par mois ou fraction de mois de retard
supplémentaire. De plus, dans une première phase, seules les factures de plus de 10.000 DH TTC,
émises entre le 1er juillet et le 30 septembre, sont concernées.

La nouvelle législation sur les délais de paiement cible les sociétés réalisant un chiffre d’affaires
supérieur à 50 millions de DH HT. Un seuil dépassé par à peine 4.700 sociétés. Ce qui renseigne sur la
taille des entreprises nationales et du tissu économique en général.

La prochaine déclaration porte sur les factures dont le montant est toujours supérieur à 10.000 DH
TTC, émises entre le 1er octobre et 31 décembre 2023. Les contribuables devront également déclarer
les factures datant du 3e trimestre et dont le montant n’a pas été payé dans les délais ou qui a été
partiellement réglé et ce, jusqu’à l’apurement de tous les impayés (Cf. L’Economiste n°6629
du 30/10/2023).

Le même exercice devra être effectué pour les impayés du 4e trimestre (et du 3e trimestre) au plus
tard le 31 janvier 2024. Les contribuables devront faire preuve de vigilance au sujet des factures. En
effet, «il faudra particulièrement suivre les livraisons non facturées, ayant fait l’objet d’un simple bon
de livraison car le risque d’oubli est plus élevé dans ce cas, d’autant plus que, faute de ces justificatifs,
ces livraisons ne sont pas encore intégrées dans la comptabilité, surtout pour les structures non
informatisées», recommande Soufyane Aboukad, expert-comptable, associé au cabinet SAB
Consulting et ex-président de la commission fiscale et juridique de la CGEM Souss-Massa.

Hassan EL ARIF
Délais de paiement: L’angle mort de la réforme

Par Hassan EL ARIF | Edition N°:6636 Le 09/11/2023 | Partager

Le stock de factures émises avant le 1er juillet 2023 hors champ de la loi n°69-21

L’encours des ardoises autour de 400 milliards de DH

Aucune protection n’a été prévue pour les fournisseurs livrés à eux-mêmes

La réforme relative aux délais de paiement a ceci de positif qu’elle a institué une amende recouvrée
par le fisc en cas d’impayé. Mais elle présente également une insuffisance: elle n’a rien prévu pour le
stock de factures établies avant le 1er juillet 2023, et restées impayées dans les délais.
Pour le patron des patrons, l’allongement des délais de paiement est dû à une dimension
comportementale et à l’inapplicabilité de l’ancienne loi

Par conséquent, ce lourd passif (voir plus loin les chiffres révélés par la CGEM) ne s’insère pas dans le
périmètre d’intervention de la Direction générale des impôts (DGI) qui, loi n°69-21 oblige, est au
cœur du nouveau dispositif. Les partenaires commerciaux sont donc livrés à eux-mêmes. Seuls les
fournisseurs dont les rapports de force sont à leur faveur peuvent agir en appliquant des indemnités
de retard (Cf. L’Economiste n°6425 du 04/01/2023). Ce qui n’est pas le cas des petites structures qui
ont toutes les peines du monde à trouver des clients et à les garder.

En tout cas, la DGI ne compte pas sévir en cas de non-application des indemnités de retard qui
étaient prévues par l’ancienne loi. Bien que par le passé, plusieurs structures se soient vu reprocher
de ne pas les avoir facturées. Une omission considérée par certains vérificateurs, lors des contrôles
fiscaux, comme une largesse en faveur du client. Par conséquent, ils redressaient les sociétés ayant
des comptes clients débiteurs. «Ce point ne devra jamais être notifié aux contribuables et si c’est le
cas, nous l’abandonnerons immédiatement», a annoncé solennellement Younes Idrissi Kaïtouni,
directeur général des impôts, lors de sa rencontre avec le monde des affaires en date du mercredi 25
octobre, en présence de l’Ordre des experts-comptables.

Selon Chakib Alj, président de la CGEM, lors de la même réunion, le crédit interentreprises privées au
titre de l’exercice 2021 est estimé à 375 milliards de DH. Un chiffre qui avoisine le crédit bancaire et
qui a dû exploser entretemps pour dépasser les 400 milliards de DH. Le montant comporte également
une composante TVA qui n’a été ni versée ni déduite. Par ailleurs, le délai de paiement global moyen
s’est établi à 213 jours, soit plus de 7 mois. Pour le patron des patrons, cette situation s’explique par
une «dimension comportementale et l’inapplicabilité de l’ancienne loi sur les délais de
paiement». Une mentalité qui ne devrait pas résister à l’application d’une amende payée sans aucune
possibilité de déduction et qui ne manquera pas non plus de grever la compétitivité de certains
opérateurs économiques.

Hassan EL ARIF
Délais de paiement: Sauvés par les conventions de dernière minute?

Par Hassan EL ARIF | Edition N°:6636 Le 09/11/2023 | Partager

Plafonnées à 120 jours, elles permettent d’éviter l’amende

Une pratique prévue par la loi sans obligation de légalisation ni d’enregistrement

Soufyane Aboukad, expert-comptable associé au cabinet SAB Consulting: «Certains confrères ont
dû faire preuve de flexibilité et de tolérance, d’autant plus que c’est la première fois qu’ils visent un
état des impayés. Une exception qui ne devrait plus se reproduire» (Ph. DR)

C'est une pratique prévue de manière laconique par la loi, donc légale, mais il ne faut pas en
abuser. «Pour ne pas avoir à payer une amende, un client peut toujours faire signer à son fournisseur
une convention antidatée fixant des délais de paiement plafonnés à 120 jours», suggère non sans
ironie un fiscaliste qui requiert l’anonymat.

Une pratique prévue par le second alinéa de l’article 78-2 de la loi n°69-21: «Si le délai de paiement
des sommes dues est convenu entre les parties, il ne peut dépasser 120 jours, à compter de la date de
l’émission de la facture». Ce délai commence à courir à partir du 1er mois suivant le mois de livraison
en cas de non-émission de la facture dans le même mois. Ce n’est donc qu’au-delà de 120 jours que le
compteur des amendes commence à tourner.
Pour un autre professionnel, la convention à 120 jours peut être utilisée comme une échappatoire en
cas de retard de paiement dû à une procédure longue au sein de l’entreprise, mais il ne faut pas que
ce délai devienne une échéance de règlement standard. «Comme la loi n’a prévu ni l’obligation
d’enregistrer ni de légaliser une telle convention, il faut en déduire que c’est une pratique qui peut
toujours constituer une option pour échapper à l’amende sans enfreindre la loi», rappelle un autre
praticien.

En fait, la première déclaration relative aux délais de paiement peut être considérée comme un
examen blanc et cela ne remet pas en cause le succès du dispositif qui vient d’être étrenné. «A mon
avis, bon nombre de contribuables concernés ont signé des conventions de paiement à 120 jours pour
ne pas encourir le paiement de l’amende. Ce délai étant supérieur au nombre de jours du premier
trimestre de l’application de la loi, il va de soi que le volume des impayés n’est pas conséquent. Ce
n’est qu’au mois d’octobre que ce délai a commencé à échoir. Il ne manquera pas d’impacter le
volume des factures qui seront déclarés au titre du 4e trimestre», souligne l’expert-comptable. Ce
n’est donc qu’en janvier 2024 que la nouvelle législation sur les délais de paiement sera «pleinement»
mise en œuvre. Le principal marqueur sera le montant des amendes qui sera payé d’ici là et qui
concernera aussi bien les impayés du 3e que du 4e trimestre.

Par ailleurs, pour un premier «cru», Soufyane Aboukad, expert-comptable, affirme que «tout le
monde a été pris de court par une loi publiée au Bulletin officiel à peine le 15 juin 2023 (Bulletin
officiel n°7204) pour une entrée en vigueur seulement un mois plus tard. La période d’été a été bien
évidemment marquée par les grandes vacances et ce n’est qu’à partir du mois d’octobre que les
contribuables ont commencé à parler de la formalité de la déclaration» .

Hassan EL ARIF
PLF 2024: Et si l’achat d’actifs à l’étranger devenait légal?

Par Hassan EL ARIF | Edition N°:6635 Le 08/11/2023 | Partager

Trois opérations de régularisation en moins de dix ans et des modalités inchangées

L’échange d’informations avec des sources internationales peu dissuasif

Pourquoi ne pas instaurer une taxe pour les achats d’actifs hors des frontières?

Les fraudeurs qui achètent des avoirs à l’étranger auront-ils bientôt une carte de fidélité ?Au rythme
où vont les amnisties, d’aucuns pourraient croire que oui. En effet, c’est la troisième fois (2014, 2020
et 2024) en l’espace de dix ans que le gouvernement invite, via le projet de loi de finances, les
résidents nationaux détenant des avoirs et liquidités hors des frontières à régulariser leur situation
vis-à-vis de l’Office des changes, moyennant une contribution libératoire entre 2% et 10% en fonction
de la catégorie d’actifs.

Si la première opération de régularisation des avoirs et liquidités détenus par les résidents
nationaux à l’étranger s’est soldée par des déclarations globales de 27,85 milliards de DH, la
seconde n’a permis de régulariser que 5,93 milliards de DH d’actifs

Au début, le gouvernement a fait la promotion de la mesure en affirmant que c’est la dernière chance
pour se mettre en conformité .Selon des indiscrétions, cette 3e édition devait, en fait, consister en
une prorogation de quelques mois de celle de 2020, mais à l’évidence ,les membres du
gouvernement n’étaient pas d’accord. Par conséquent, elle a été reportée à .2024 Le dispositif peut
s’expliquer notamment par le résultat particulièrement décevant de la dernière amnistie de 2020.

En effet, cette dernière s’est soldée par un bilan global d’à peine 6 milliards de DH (5,93 milliards de
DH plus exactement) pour 1.959 déclarations souscrites contre 27,85 milliards de DH en 2014
souscrits par 18,973 déclarants. Les actifs financiers se sont taillé la part du lion avec un peu plus de
2,73 milliards de DH, suivis des biens immeubles avec 1,95 milliard de DH et des avoirs liquides avec
1,26 milliard de DH. Au total ,les recettes de la contribution libératoire recouvrée au titre de ces actifs
se sont établies à 528,6 millions de DH.

Le gouvernement s’attendait à un bilan beaucoup plus important que celui de 2014, mais l’édition
2020 de l’amnistie a été chahutée par la crise sanitaire du Covid ayant entraîné des restrictions aux
déplacements, notamment la fermeture des frontières, ainsi qu’un vent d’incertitudes quant à
l’avenir. L’instauration de trois amnisties sur les avoirs à l’étranger en un espace de temps
relativement réduit se justifie par le fait que cette catégorie d’investissement est proscrite pour les
résidents nationaux. Sauf que la fréquence de ce dispositif a tout d’une prime à la fraude.

Bien que le délai d’acquisition de ces avoirs et liquidités soit toujours antérieur aux lois de finances
pour éviter le« délit d’initié ,»certains résidents procèdent à l’achat de bien immeuble à l’étranger
sachant qu’une nouvelle opération de régularisation ne tarderait pas. De toute façon, il est difficile
d’interdire ce type d’acquisition« .D’ailleurs, la multiplication des amnisties relatives aux actifs
détenus par les résidents nationaux à l’étranger peut être interprété comme un aveu d’impuissance
des autorités devant ce phénomène.

Pourtant, l’Office des changes est bien abonné à diverses agences de renseignements financiers qui
peuvent toujours lui fournir une liste de toutes les personnes qui achètent des actifs à
l’étranger ,»affirme un conseiller en gestion de patrimoine qui requiert l’anonymat.

Pourquoi le gouvernement ne déciderait-il donc pas de pérenniser le dispositif en permettant aux


nationaux qui le souhaitent d’acquérir des actifs à l’étranger? D’autant plus que l’Office des changes
dispose de la souplesse nécessaire pour légiférer par circulaires. Le Parlement pourrait également
instituer un cadre juridique régissant les acquisitions d’actifs à l’étranger en réajustant l’amnistie
prévue par le projet de loi de finances 2024 pour qu’elle soit appliquée de manière transitoire avant
la pérennisation de la mesure
Le produit de la contribution libératoire 2024 sur les avoirs détenus à l’étranger sera entièrement
affecté au fonds d’appui à la protection sociale et à la cohésion sociale

.
Les sources d’informations

Parmi les institutions financières auxquelles l’Office des changes est abonné figure la Banque des
règlements internationaux (BRI), qui reste la plus fiable des sources d’information. A la veille de la
première amnistie, elle avait estimé à environ 3,9 milliards de dollars le montant global des liquidités
détenues à l’étranger par les nationaux auprès des banques membres. Ce qui correspondait à
l’époque à environ 35 milliards de DH. Ce qui ne représentait qu’une partie puisque, outre les
liquidités et les actifs financiers, il faut également compter les biens immeubles, en particulier en
France et en Espagne, où les nationaux représentent la première diaspora extracommunautaire à
acheter des biens immeubles comme en témoigne les statistiques régulièrement publiées. Le volume
global des actifs déclarés en 2014 n’était pas loin du chiffre émanant de la Banque des règlements
internationaux. L’existence de telles sources d’information financières n’est pas dissuasive. Pas plus
que la disposition instituée à l’occasion par la loi de finances 2014 au sujet du secret professionnel.
Ainsi, douane, Trésorerie générale du Royaume, Office des changes, CNSS et bien sûr la Direction
générale des impôts peuvent échanger des renseignements nécessaires à l’exercice de la mission de
chacune des administrations.

Hassan EL ARIF

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