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Achat en exonération de TVA: Très chères garanties!

Par Hassan EL ARIF | Edition N°:6683 Le 17/01/2024 | Partager

Il faudra montrer patte blanche pour bénéficier de l’incitation fiscale

Caution bancaire, nantissement de marchés publics, hypothèque… des garanties obligatoires

Une disposition applicable même aux investissements amorcés avant 2024

En instituant l’obligation de produire des garanties en contrepartie de la possibilité de réaliser des


achats de biens d’investissement en exonération de TVA, le législateur avait certainement ses raisons.
Mais pour les investisseurs, c’est une grosse tuile. Qu’ils aient démarré leurs projets avant le 1er
janvier 2024 ou comptent le faire à partir de cette date, la déception est la même.

Brahim Bahmad, expert-comptable: «Rares sont les personnes en mesure de produire ces garanties
qui dépassent les capacités financières des investisseurs. A moins que le gérant ou les associés se
portent cautions personnelles. Ils s’engagent ainsi à régulariser la TVA à partir de leurs fonds» (Ph.
Privée)

Les premiers car ils devront désormais présenter de solides garanties pour continuer d’acheter des
biens d’investissement en exonération de TVA. Quant aux seconds, leur business plan s’en trouve
faussé. Ils devront refaire leurs calculs en tenant compte de la nouvelle donne car il s’agit quand
même d’un enjeu financier d’environ 20% des dépenses. A signaler que les achats de biens
d’investissement dans le cadre de conventions signées avec l’Etat sont exonérés de TVA et ne sont pas
concernés par les nouvelles dispositions en matière de garanties.

La mise en œuvre de cette disposition a nécessité un décret (n°2.23.1118) qui a été examiné par le
conseil de gouvernement, lundi 25 décembre dernier, sans être adopté. Texte qui devra encore être
réexaminé, dans une nouvelle version, lors d’une prochaine réunion du gouvernement. Selon cette
disposition, les opérateurs économiques devront désormais présenter des garanties suffisantes pour
bénéficier de cette incitation destinée à promouvoir l’acte d’entreprendre. Les protestations ont déjà
commencé à se faire attendre auprès de leur conseil car les nouvelles obligations entrent en vigueur
dès janvier 2024. Elle ne tient donc pas compte de la date de démarrage des projets.

«Je compte plusieurs clients qui ont amorcé leur projet en 2023, voire 2022 et qui ont encore besoin
d’acheter des biens d’équipement en exonération de TVA comme ils l’ont toujours fait depuis le début.
Je peux citer l’exemple des entreprises qui sont actuellement en train de construire des hôtels et qui
viennent d’achever à peine les gros œuvres», explique Brahim Bahmad, expert-comptable et ex-
président du Cercle des fiscalistes du Maroc. D’autres exemples similaires pourraient être cités et qui
portent sur des projets dont la réalisation s’étale sur plusieurs années, telles que des grandes écoles,
des immeubles professionnels, des parcs logistiques ou encore des usines.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances 2024, le praticien est régulièrement interpellé par ses
clients désireux de savoir s’ils sont bien concernés par cette nouvelle disposition et en quoi consistent
les nouvelles dispositions. Au vu de l’article 92-I-6 du CGI version 2024, le doute n’est pas permis.
L’obligation de fournir des garanties s’applique bel et bien aux achats de biens d’investissement
réalisés à partir du 1er janvier 2024, abstraction faite de la date du démarrage du projet.

Il est clair que lorsqu’il a institué cette disposition, le législateur avait pour objectif de lutter contre la
fraude en matière de TVA dont le volume doit être conséquent. D’autant plus que l’année 2024 est
celle de la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée et de la traque de toute forme d’abus. Sauf que cet
objectif fait des investisseurs «honnêtes» des victimes collatérales.

Les garanties au crible


Les sociétés réalisant des projets depuis un an, voire plus, à l’exception de celles liées à l’Etat par
une convention, devront se plier à de difficiles conditions pour continuer de bénéficier de la
possibilité d’acheter des biens d’investissement en exonération de TVA (Ph. L’Economiste)

Brahim Bahmad, expert-comptable, analyse en détail la posture dans laquelle se retrouvent les
contribuables, appelés à fournir l’une des garanties exigées et qui devraient être en rapport avec le
montant de l’exonération de TVA en jeu. Un critère qui n’est pas sans rappeler la condition de la
cohérence entre la valeur des garanties présentées par un client par rapport au montant du crédit
bancaire demandé.

Parmi les garanties en question et reprises par la note de synthèse de la Direction générale des
impôts, figure la caution bancaire. «Il ne s’agit pas d’un service gratuit puisque le client devra
évidemment disposer d’une somme équivalant à l’exonération demandée. A défaut, il devra présenter
à la banque des garanties conséquentes. De plus, l’établissement de crédit facturera une commission
pour ce service. Le fait d’exiger une caution bancaire est contradictoire avec l’esprit de l’article 92-I-6
du CGI qui réserve cette facilité aux contribuables en début d’activité», rappelle l’expert-comptable. Le
même raisonnement s’applique à la lettre de change qui suppose la disponibilité des fonds
nécessaires ou de garanties suffisantes pour être avalisée par la banque, moyennant, là encore, une
commission évidemment. Toujours selon le praticien, l’hypothèque qui figure dans la liste des
garanties n’est pas non plus sans contrepartie. C’est une formalité réalisée chez un notaire
moyennant bien entendu des honoraires. De plus, la valeur de l’hypothèque en question pourrait
dans certains cas largement dépasser le montant de l’exonération demandée.

Le nantissement d’un fonds de commerce n’est pas non plus une mince affaire. L’opération est
réalisée au prix de laborieuses formalités au tribunal de commerce. Le nantissement est ensuite
mentionné dans le modèle J. A partir de ce moment, le client n’aura plus -ou aura difficilement- accès
au financement bancaire puisque son fonds de commerce sera alourdi par un nantissement. En outre,
que vaut le fonds de commerce d’une société qui vient de démarrer ses activités? D’autres formes de
garanties sont possibles et restent à la discrétion de l’administration fiscale.

Hassan EL ARIF

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