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Renforcement des garanties IEDF

2006-2008
Introduction générale

Etant un prélèvement obligatoire sur le revenu ou sur le chiffre d’affaire du


contribuable, l’impôt n’est pas sans poser des problèmes, voire des confrontations et des
conflits entre le contribuable et l’administration fiscale. C’est l’égoïsme de l’individu qui le
pousse à considérer l’impôt comme une atteinte à la propriété, d’où le phénomène de la fraude
fiscale. En réaction, l’Etat peut obliger les contribuables défaillants à respecter la législation
fiscale. A cette fin, il reçoit les déclarations, recouvre les montants dus et suivant il a le
pouvoir de s’assurer de la véracité des déclarations souscrites. En contrepartie, pour éviter les
conflits avec le contribuable et parce que ce dernier accepte volontairement l’impôt, il s’avère
initial d’assurer une protection suffisante des contribuables. La pierre angulaire de cette
protection est le principe du consentement à l’impôt.

Ce principe, autorise d’une part, l’Etat à prélever l’impôt, d’autre part, il invite chaque
citoyen à s’acquitter de son devoir fiscal. Le garant du respect de cette obligation est le
mécanisme du contrôle et de contentieux fiscal. L’efficacité de ce dernier est une condition
nécessaire pour atteindre l’objectif de l’équité fiscale. Toutefois, si le renforcement du
contrôle fiscal est une garantie certaine de contribuables honnêtes, il n’en demeure pas moins
que ceux-ci éprouvent le besoin de se protéger face aux pouvoirs de contrôle dont dispose
l’administration fiscale. En effet, le contribuable ne peut être rassuré que si la politique fiscale
s’assigne comme objectif de le protéger contre l’arbitraire.

Seulement, la réglementation fiscale reste imparfaite et faisant l’objet de plusieurs


critiques car le mouvement de la réforme n’avait pas touché, jusqu’à cette étape, l’aspect le
plus radical de la législation fiscale, à savoir les procédures de contrôle et de contentieux
fiscal1.

Le système fiscal a suscité de vives critiques que ce soit de la part des contribuables de
diverses catégories socioprofessionnelles, ou de la part des agents de l’administration fiscale,
et ce pour les raisons suivantes :

 La nécessité de la modernisation des structures administratives et du


renforcement du système de contrôle et de contentieux fiscal ;

1
L’Afrique économique, article p.38, n°306, décembre 2000

1
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 L’exigence de rééquilibrer les rapports entre l’administration fiscale et le
contribuable en vue de réconcilier les agents de l’administration fiscale avec
l’environnement et agir dans la confiance plutôt que dans la méfiance ;
 La pérennité et l’efficacité économique et sociale du système fiscal
dépendent essentiellement des mesures de lutte contre la fraude et l’évasion
fiscale d’une part, et du degré de l’adhésion du contribuable à la législation
fiscale d’autre part.

Dans cet esprit, il faut signaler que la signature de la Tunisie en juillet 1995 de
l’accord d’association avec l’union européenne permet de dégager un principe fondamental de
la politique fiscale tunisienne qui s’avère s’orienter vers l’adaptation de la fiscalité aux
nouvelles exigences de la mondialisation de l’économie. En effet, dans le cadre des mesures
de rapprochement prévues par l’article 52 de l’accord d’association il est précisé que la
coopération avec l’union européenne « vise à aider la Tunisie à rapprocher sa législation de
celle de la communauté dans les domaines couverts par le présent accord ». d’où la nécessité
de la conformité du droit tunisien en général et des procédures fiscales en particulier avec les
standards internationaux, et ce en vue de rassurer les opérateurs économiques qui veulent
investir en Tunisie.

Suite a cet accord et pour remédier aux insuffisances du système fiscal en matière de
procédures de contrôle et de contentieux fiscal, le code des droits et procédures fiscales
(CDPF) a vu le jour dotant ainsi le système fiscal tunisien d’un dispositif juridique régissant le
contrôle et le contentieux de l’impôt similaire à ceux des pays développés. Les dispositions du
CDPF ont aussi bien défini les droits et obligations des parties prenantes du système fiscal : le
contribuable, l’administration et les autorités juridiques compétentes.

En effet, le législateur tunisien a voulu, à travers la promulgation du CDPF, orienter


ses objectifs vers :

 L’amélioration du rendement du système fiscal finalisé par le renforcement des


prérogatives de l’administration fiscale et des garanties du contribuable dans
un cadre juridique unique et homogène ;
 L’harmonisation des procédures de contrôle fiscal et de taxation d’office pour
mettre fin aux insuffisances de la charte du contribuable ;

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 L’unification des procédures de contentieux fiscal pour tous les impôts et
l’introduction du principe de double degré de juridiction ;
 La création du conseil national de fiscalité chargé de l’évaluation du système
fiscal et de sa conformité aux objectifs fixés notamment en matière d’équilibre
des finances publiques, d’efficience économique et d’équité fiscale.

Ce travail sera constitué de deux parties : la première traitera les garanties du


contribuable en matière de contrôle fiscal et plus précisément au niveau de la vérification
approfondie et ce en étudiant les garanties du contribuable à l’information préalable (chapitre
1) et son droit à la contradiction (chapitre 2). La deuxième partie sera consacrée aux garanties
du contribuable en matière de contentieux fiscal que ce soit pour le contentieux de l’assiette
de l’impôt (chapitre 1) ou pour le contentieux fiscal pénal (chapitre 2).

La plus grande difficulté résidait dans l’aspect technique et pratique du CDPF surtout
avec les rares ouvrages et documentations en la matière. Pour la surmonter nous avons
recouru à quelques références de droit comparé (français) et ce pour comparaison et
divulgation des défaillances d’ordre pratique. Enfin, nous soulèverons nos critiques et
observations pour répondre à la question posée.

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PARTIE I

LES GARANTIES EN MATIÈRE DE


VÉRIFICATION

Introduction de la première partie

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La réussite du système fiscal dépend de l’adhésion des contribuables à celui-ci. Pour


arriver à cet objectif, les autorités doivent améliorer davantage les relations entre le fisc et les
contribuables, c'est-à-dire qu’il est indispensable d’établir une ambiance de confiance entre
les deux pour les rapprocher et former ainsi l’esprit civique et fiscal des contribuables.

Il est évident que les garanties du contribuable ont pour seul objectif de lui permettre
de défendre ses intérêts face aux agents du fisc. A cet égard, le respect des droits de la défense
constitue le point focal en matière de procédure fiscale. En principe, une législation fiscale ne
peut acquérir le qualificatif « protectrice » (des droits du contribuable) que dans la mesure où
elle établit un équilibre des rapports entre l’administration fiscale et le contribuable. C’est par
le biais de certaines procédures et formalités prévues dans le CDPF, qu’on vise à renforcer la
position du contribuable face à l’administration fiscale et améliorer ainsi les relations entre les
deux.

Ces garanties se rattachent essentiellement à la procédure de vérification approfondie.


Elles peuvent être réparties en trois séries, à savoir :

 Les garanties avant le déclenchement de la vérification


 Les garanties au cours du déroulement de la vérification
 Les garanties après l’achèvement de la vérification

Il est à noter que dans les procédures fiscales, le dialogue a le mérite « de créer un
environnement favorable à la persuasion du contribuable et faire passer le contrôle fiscal
comme moins contraignant »2.

Le premier pas à franchir vers le dialogue est l’information du contribuable vérifié


(chapitre 1) qui va déboucher sur un débat contradictoire entre les vérificateurs et le
contribuable, le débat ou la discussion traduit l’exercice du droit des contribuables à la
contradiction (chapitre 2).

2
ELBOUKRI ABDALLAH, « l’information du contribuable en matière fiscale à l’IRG ». Revue de la science
de l’information. Février 1997, Rabat- Maroc.

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Chapitre 1 : Le droit du contribuable vérifié à l’information préalable

En général, pour pouvoir participer à un dialogue, les parties doivent être informées,
au départ, de cette possibilité. Elles doivent, également, être informées de l’objet du dialogue
et des moyens mis à leur disposition pour mener une véritable discussion. En matière de
vérification fiscale, le déclenchement de la procédure, étant toujours l’œuvre de
l’administration, celle-ci n’a pas besoin d’être informée. En revanche, l’information est
indispensable pour le contribuable. Elle s’effectue, par excellence, au moyen d’un avis
préalable qu’on appelle avis de vérification. Il s’agit d’un acte, par lequel, l’administration
fiscale porte à la connaissance du contribuable qu’elle va procéder à des opérations de
vérification approfondies de sa situation fiscale.

Compte tenu de l’importance de cette formalité, le législateur tunisien est intervenu


pour mettre l’accent sur le caractère obligatoire (section 1) et fondamental (section 2) de
l’avis de vérification.

Section 1 : l’avis de vérification, une formalité obligatoire

L’intervention de CDPF pour légaliser l’obligation d’envoi ou de remise de l’avis de


vérification a -sans doute- le mérite de garantir le contribuable en termes d’informations
préalables (paragraphe 1). Le domaine de cette garantie demeure, toutefois, délimité
(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La législation de l’obligation

C’est la charte de contribuable3 qui a consacré pour la première fois « l’obligation »


d’envoi d’un avis de vérification en disposant qu’ « avant le commencement de l’opération de
contrôle, le contribuable sera informé par l’administration par l’envoi d’un avis ».

Ainsi rédigée, cette disposition de la charte n’est pas suffisamment claire pour
interdire le déclenchement d’une opération de contrôle sans l’envoi d’un avis de vérification.
Elles « ne reflètent pas une obligation mais une faculté ».4

3
Charte de contribuable, chapitre 1, p.7. Cette charte n’est plus valable depuis la 01/01/2002 date d’entrée en
vigueur du nouveau CDPF.
4
H. BENABDALAH, la charte de contribuable, DEA droit public, faculté de droit et de sciences politiques,
Tunis 1992, p.18.

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C’est ainsi qu’on peut dire que le CDPF a mis fin à tout doute quant au caractère
obligatoire de l’avis de vérification.

En effet et sous peine de nullité, l’article 39 du CDPF dispose dans son alinéa premier
que « les opérations de vérification approfondie de la situation fiscale font obligatoirement
l’objet d’une notification d’un avis préalable…. ».

Il va sans dire que le droit tunisien a suivi, à ce stade de la procédure, la même


démarche que le droit français. En effet, depuis 1954, l’administration fiscale française
recommandait à ses agents d’adresser une lettre au contribuable pour l’informer qu’une
vérification allait être entreprise5. Mais, il a fallu attendre la loi du 29 décembre 1977 pour
que cette pratique administrative soit légalisée et codifiée à l’article L.47 du LPF qui dispose
qu’ « un examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de
l’impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le
contribuable en ait informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification …. ».

Ainsi, en Tunisie, en Algérie6 comme d’ailleurs en France, l’envoi ou la remise d’un


avis de vérification constitue une obligation pour l’administration fiscale. Cependant, cette
obligation est limitée dans un domaine bien précis.

Paragraphe 2 : La délimitation du domaine de l’obligation

Le domaine de l’obligation qui incombe à l’administration d’aviser le contribuable


préalablement au contrôle est strictement limité.

En effet, cette obligation concerne la vérification approfondie (A), mais uniquement la


vérification approfondie (B).

A- Une obligation concernant la vérification approfondie

En disposant que « les opérations de vérification approfondie de la situation fiscale


font obligatoirement l’objet d’une notification d’un avis préalable », l’art. 39 du CDPF limite
l’obligation de notifier l’avis de vérification à la seule matière de vérification approfondie.
Celle-ci englobe, la vérification de la comptabilité et la vérification de la situation fiscale
personnelle.
5
Note administrative du 12 août 1954, D.F. 1954, n° 698
6
Article 60-4 du code des procédures fiscales algérien promulgué par la loi n°01-21 du 22 décembre portant loi
de finance pour 2002

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A signaler qu’en France par exemple, la garantie de l’avis de vérification a été étendue
à l’ESFP7, après avoir été reconnue aux seuls contribuables faisant l’objet d’une vérification
de la comptabilité. Cela a été légalisé en vertu de la loi du 29 décembre 1977. Désormais,
quand une vérification de comptabilité et une vérification de situation personnelle sont mises
en œuvre concomitamment, l’administration doit adresser un avis pour chaque vérification,
faute de quoi la vérification d’entreprise sans avis est irrégulière.8

Sur ce point, le code tunisien diffère du droit français. En effet, l’administration fiscale
tunisienne se voit autorisée par l’article 39 du CDPF à engager, par le même avis, une
vérification étendue lui permettant de vérifier à la fois la comptabilité et la situation
personnelle de la contribuable.

D’un autre côté, qu’elle soit générale, partielle ou étendue, une vérification de
comptabilité ou une vérification de la situation personnelle doit, à peine de nullité, être
toujours précédée par l’envoi ou la remise d’un avis 9. Cependant, seule la vérification
approfondie est soumise a cette obligation

B- Une obligation ne concernant que la vérification approfondie

Tous les droits garantissant au contribuable un débat contradictoire, y compris le droit


à l’information préalable, constituent une spécificité de la vérification approfondie par rapport
aux autres moyens de contrôle. Il est, dès lors, utile de distinguer la vérification approfondie
de la vérification préliminaire (a) et du droit de communication (b).

a- La distinction avec la vérification préliminaire

« Dans l’exercice normal de ses attributions, l’administration fiscale procède


automatiquement à la vérification sommaire de toute déclaration déposée. Cette vérification
(…) vise à rectifier les erreurs apparentes en se basant sur les renseignements et les
documents dont dispose l’administration ». Telles sont les termes de la charte tunisienne du
contribuable. Le CDPF a rebaptisé la notion de « vérification sommaire » par la notion de
« vérification préliminaire ». Son article 37 définit cette notion comme une opération qui
s’effectue sur la base de tout document et renseignement dont dispose l’administration. Il
s’agit donc d’un travail de bureau dont l’ampleur peut varier selon qu’il s’agit d’un contrôle
7
Note du 28 avril 1976, 13 L-5-76, D.F 1976, n°21.
8
CE, 10 juillet 1985, n°49399, concl. Racine, DF 1986, 9, comm.409.
9
P.BELTRAME. la fiscalité en France, 7ème éd. 2000, p 140

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formel (rectification des erreurs matérielles évidentes constatées dans les déclarations) ou
d’un contrôle sur pièces (confrontation de tous les points de la déclaration avec l’ensemble
des renseignements et documents en la possession du service)10.

Se déroulant dans les bureaux de l’administration sans participation du contribuable, la


vérification préliminaire n’exige pas que celui-ci en soit informé. Dans ce sens, l’article 37 du
CDPF prévoit que « la vérification préliminaire n’est pas subordonnée à la notification d’un
avis préalable ». Par-là, le législateur reprend la même solution retenue par la charte aux
termes de la laquelle « cette vérification ne nécessite pas pour son accomplissement
l’information préalable du contribuable ».

Mais la vérification préliminaire n’est pas « une procédure aveugle ». Il est très
fréquent qu’elle suscite des interrogations chez le vérificateur. Celui-ci, motivé par la
curiosité de chercher derrière les incohérences constatées, classe le dossier parmi ceux
programmés à la vérification approfondie. Dans ce sens, l’article 37 du CDPF ajoute que « la
vérification préliminaire (…) ne fait pas obstacle à la vérification approfondie de la situation
fiscale ».

La vérification approfondie est beaucoup plus contraignante. Elle consiste à s’assurer


de la sincérité des déclarations en les confrontant à des éléments extérieurs. Ce caractère
inquisitoire poussé explique le formalisme dont elle est entourée et qui la distingue tant de la
vérification préliminaire que du droit de communication.

b- La distinction de la vérification approfondie du droit de communication

S’exerçant sans aucun formalisme, le droit de communication s’avère moins


contraignant pour le fisc. D’où le risque de glisser sous l’apparence de l’exercice du droit de
communication une vérification approfondie.

La question est de savoir si l’intervention de l’administration, sous la couverture du


droit de communication, n’a pas en réalité constitué une vérification approfondie. Comment
déterminer la nature juridique de la procédure exercée par l’administration ?

10
Sur ce point cf. J-P CASIMAR : droits, garanties et procédures, 1998, p 25

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Le droit tunisien, même après la nouvelle réforme, a choisi le silence sur cette
question. Pourtant la réponse est délicate en cas d’exercice du droit de communication auprès
du contribuable.

Soucieux de protéger le contribuable contre l’éventuel abus de pouvoir du vérificateur,


le conseil d’Etat français a élaboré deux critères permettant de distinguer entre le droit de
communication et le droit de vérification. Le premier est l’objectif de la procédure suivie. En
effet, alors que l’objectif du droit de communication est « d’obtenir de façon unilatérale des
renseignements utiles en vue de l’établissement de l’impôt », l’objectif de la vérification est
de contrôler « l’exactitude et la sincérité des déclarations souscrites par un contribuable et
d’assurer éventuellement à l’issue de ce contrôle l’établissement de l’impôt ou taxe indûment
éludée »11. Le second critère consiste en l’application d’une méthode dite des faisceaux
d’indices. On retient, comme éléments d’appréciation, la durée, l’étendue, les modalités et
l’objet de l’intervention. Ainsi, une intervention qui s’est étendue sur plus de deux mois, qui a
donné lieu à l’examen sur place des documents comptables doit « par sa durée et son
étendue » être regardée, non comme l’exercice du droit de communication, mais comme une
vérification de comptabilité.12

Notons que l’administration fiscale française recommande à ses agents d’adresser un


« avis de passage » avant l’exercice du droit de communication afin de ne laisser dans l’esprit
du contribuable aucun doute ou la nature de l’intervention dont il est l’objet.

La nouvelle réforme fiscale en Tunisie semble évoluer dans ce sens. En effet, comme
on l’a déjà précisé, l’article 16 du CDPF exige que la demande de communication soit écrite.
Cette nouveauté est positive dans la mesure où la forme écrite est de nature à éclairer le
contribuable sur la nature de l’intervention de l’administration. Toutefois, la portée de cette
mesure ne doit pas être exagérée. Même informé, le contribuable faisant l’objet d’une
demande de communication risque toujours de supporter une vérification déguisée. Le
comportement du service contrôleur demeure, à ce titre, caractéristique.

Il faut remarquer que la distinction devient plus difficile, voire moins claire lorsque
l’administration exerce son droit de communication du contribuable qu’elle va ensuite
vérifier.

11
Lavandes, conclusion Sans CE, 13 mars 1967, association Football Club de Strasbourg
12
CE, 9 juillet 1982, req. N° 26309, D.F. 1983, n°14, comm. 701. Concl. Léger

10
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En effet, « l’agent de l’impôt, relevant une anomalie dans l’exercice de son droit de
communication, se laisse entraîner à procéder à un examen critique de la comptabilité, c'est-à-
dire à faire une vérification de comptabilité, sans respecter les formalités et garanties prévues
dans ce cas la loi et la jurisprudence ».13

Section 2 : L’avis de vérification : une formalité fondamentale

La notification d’un avis de vérification au contribuable vérifié, constitue une garantie


fondamentale en faveur de celui-ci. Par conséquent, si le contribuable vérifié n’a pas reçu un
avis de vérification ou si cet avis n’a pas respecté les conditions de régularité (paragraphe 1),
la procédure de contrôle encourait la sanction de l’irrégularité (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions de régularité de l’avis de vérification

Ces conditions se rapportent tant au contenu de l’avis (A), qu’à sa notification (B).

A- Le contenu de l’avis de vérification

L’article 39 du nouveau CDPF vient de donner aux énonciations, anciennement


adoptées par l’administration fiscale concernant le contenu de l’avis de vérification, un statut
légal. Il a le mérite de regrouper toutes les indications devant figurer dans l’avis de
vérification, ce qui renforce le droit du contribuable vérifié à l’information claire et complète.

On en déduit que l’avis de vérification devrait, désormais, contenir les indications


suivantes :

a- Le service chargé de la vérification, son cachet et les agents de


vérifications

L’indication du service chargé de la vérification est utile pour le contribuable. Elle lui
permet de connaître le service vers lequel il doit s’adresser dans une opération de contrôle
fiscal. Etant donné son utilité, cette indication a acquis en droit tunisien, avec le nouveau
code, un statut légal. En droit algérien, l’article 60-4 du code des procédures fiscales précité
précise que l’avis de vérification doit préciser les noms, prénoms et grades des vérificateurs.

13
Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Sirey 1988, p.499 et suite

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Sur ce point, le CDPF présente une particularité par rapport au droit algérien qu’au
droit français. En effet, en France la mention du nom et de l’adresse administrative du
supérieur hiérarchique de l’agent vérificateur n’a pas un caractère légal 14. Quant au caractère
obligatoire de cette mention, il fait l’objet de controverses. Certains auteurs l’affirment 15,
d’autres défendent le caractère facultatif da la dite mention 16. Mais, il semble que le conseil
d’Etat français a définitivement établi sa jurisprudence sur ce point.

La garantie relative au recours au supérieur hiérarchique du vérificateur ou


l’interlocuteur départemental est bien opposable à l’administration et son inobservation
entraîne la nullité de la procédure.

Il va sans dire que l’article 39 du CDPF exige l’apposition du cachet du service


vérificateur sur l’avis de vérification. On se demande si ce cachet doit s’accompagner de la
signature du vérificateur. Sur ce point, le juge fiscal français a jugé que l’absence de signature
ne vicie pas l’avis, dès lors, que le nom de vérificateur y était porté de façon manuscrite 17.
L’important est que le contribuable sache à qui il doit s’adresser pour exprimer son désaccord.

b- L’assistance fiscale

L’assistance fiscale au contribuable « est une aide apportée au contribuable par


l’administration fiscale ou par un conseil fiscal ».18

L’assistance fiscale fournie par l’administration fiscale consiste à donner des


consultations et des informations et à rédiger les déclarations pour les contribuables sur leurs
demandes. Il s’agit là de la « coopération fiscale » qui contribue à améliorer les relations entre
le fisc et les contribuables. Cette tradition est de nature à inculquer le civisme fiscal chez les
contribuables.

L’assistance au contribuable par l’administration fiscale est une garantie qui précède la
phase du contrôle fiscal. Pour cette raison elle a pour effet la prévention des erreurs qui
peuvent être commises dans la rédaction de déclarations.

14
Prévue par la charte du contribuable vérifié p.8
15
F. LEFEBVRE. La pratique de la vérification de comptabilité, éd 1997, p 139
16
T. LAMBERT, contrôle fiscal : droit et pratique, 1998, p 358
17
CAA Paris, 23/03/1995 n°93862 ; TA Lyon 28 novembre 2000, n°95-1395, RJF 2001, n°2
18
BARILARI et DRAPE, lexique Fiscal, p 15

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L’utilité pratique de cette mesure préventive invite le législateur à ce que des mesures
législatives soient prises dans le sens d’imposer à l’administration fiscale une obligation
d’assistance au contribuable.

L’assistance fiscale dans la phase de contrôle fiscal doit être nécessairement fournie
par les avocats ou les conseils fiscaux qui sont qualifiés et mieux placés pour apporter l’aide
attendue. Toutefois, il faut signaler que cette garantie n’est liée qu’a une seule technique du
contrôle fiscal à savoir la vérification approfondie. Ceci implique que ni le contrôle sur
pièces, ni le droit de communication, ni le droit de visite ne confère au contribuable le droit à
l’assistance d’un conseil de son choix.

Le droit des contribuables de se faire assister par un avocat ou un conseil est consacré
dans l’article 42 du CDPF aux termes duquel « le contribuable peut se faire assister, durant le
déroulement de la vérification fiscale et la discussion de ses résultats, par une personne de son
choix ou se faire représenter à cet effet, par un mandataire conformément à la loi ».19

De même l’article 39/2 du CDPF, en indiquant les énonciations obligatoires de l’avis


de vérification, oblige l’administration fiscale à faire porter à la connaissance du contribuable
qu’il dispose d’un droit à l’assistance et à la représentation fiscale.

Rendre cette garantie mention obligatoire de l’avis de vérification, ou égard les


services et l’aide qu’un conseil est susceptible de rendre aux contribuables, s’inscrit
parfaitement dans le souci de renforcer les droits de la défense au profit de ces derniers pour
qu’ils puissent faire face aux prérogatives très étendues de l’administration fiscale.

Il s’agit bien d’une garantie supplémentaire pour le contribuable tunisien. Cependant,


l’administration fiscale exclut certains statuts d’assistant. En effet, l’exclusion est expresse
pour les comptables et les experts comptables en se fondant sur l’article 11 de la loi n°88-108
du 11 août 1988 portant refonte de la législation relative à la profession d’expert comptable
qui dispose que « il est interdit aux personnes inscrites au tableau de l’ordre et à leurs salariés
(...) d’assumer une mission de représentation devant les tribunaux de l’ordre judiciaire ou
administratif ou auprès des administrations et organismes publics ».

19
Article 42 de CDPF

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L’administration a conclu que les experts comptables, au même titre que les
comptables, ne sont pas autorisés à représenter le contribuable. Elle accepte, cependant,
l’assistance de ceux-ci en présence du contribuable.

L’importance de l’assistance fiscale nous amène à nous interroger sur le rôle de


l’assistant.

En droit tunisien, le rôle de l’assistant n’a pas été précisé dans le nouveau CDPF. En
général, l’assistant auquel le contribuable peut faire recours, assure à ce dernier trois fonctions
principales : lui alléger la pression morale causée par le contrôle fiscal, lui accorder une aide
technique indispensable à sa défense et le protéger contre les menaces éventuelles du
vérificateur. En fait, ces trois fonctions se complètent. Ceci nous permet de conclure que seul
le conseil, connaisseur en matière fiscale, « trame de loi et de dialogue », est capable de
rendre effectif l’équilibre entre l’administration fiscale et le contribuable. Par évidence, on
peut parler d’un équilibre que si deux parties sont à pied égal de connaissance de toutes les
règles du jeu.

c- Les impôts concernés par la vérification

Cette énonciation marque la particularité du droit tunisien par rapport au droit français.
En effet, l’article L.47 du LPF n’oblige pas l’administration à mentionner la nature des impôts
sur lesquels portera la vérification. Pourtant, cette mention est fondamentale pour permettre
au contribuable de se préparer au débat contradictoire avec le vérificateur. En pratique
cependant, les vérificateurs français mentionnent le plus souvent, comme le modèle, les
impôts à vérifier.

Il s’avère, à cet égard, utile de noter que l’indication des impôts concernés par la
vérification est d’une importance particulière puisqu’elle permet de déterminer si
l’administration est en droit ou non de procéder à une nouvelle vérification. En effet, le
législateur, en France comme en Tunisie ou en Algérie 20, interdit à l’administration d’exercer
une deuxième vérification de comptabilité portant sur des impôts déjà vérifiés pour la même
période et s’agissant du même contribuable.21

 La vérification interdite porte sur les mêmes impôts déjà vérifiés

20
Article 190 du code des impôts directs Algérien.
21
Voir article 38 du CDPF et l’article L.51 et article 190 des impôts directs Algérien

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Conformément à l’article 38 du CDPF : un impôt ne peut légalement être vérifié deux
fois. Toutefois, après avoir vérifié un impôt bien déterminé, l’administration fiscale peut
toujours vérifier un autre impôt. Dans ce même sens, le juge français admet les vérifications
successives portant sur des impôts différents (la TVA et l’IS par exemple).22

Il ne suffit pas, cependant, qu’il y’ait deux vérifications successives sur le même impôt
pour prononcer l’irrégularité de la procédure. Il faut aussi que ce même impôt soit vérifié
deux fois au titre de la même période.

 La vérification interdite porte sur la même période

Il est possible, s’agissant du même impôt, d’entreprendre une nouvelle vérification au


titre d’années différentes de celle sur laquelle a porté la première vérification. Ainsi, si une
première vérification porte sur les exercices N à N+2 et une seconde porte sur les années N à
N+3, la seconde vérification ne viole le principe d’interdiction de vérification successives que
pour les exercices faisant l’objet de la première vérification (c'est-à-dire les exercices N à
N+2). Concernant l’exercice N+3, la vérification effectuée est régulière.

 La vérification interdite porte sur le même contribuable

L’article 38 ne fait pas référence à cet élément de la vérification interdite car c’est tout
à fait évident que la vérification approfondie d’un contribuable ne fait pas obstacle à la
vérification de même nature d’un autre contribuable quelque soit le lien qui les réunit :
voisinage, parenté, fraternité, relations d’affaire… En ce sens, le conseil d’Etat français a jugé
que l’article L51 ne fait pas obstacle à ce que l’administration, après avoir vérifié la
comptabilité d’une société, engage une procédure de redressement contre son gérant, distincte
de celle qu’elle a engagé contre la société.23

Il est à noter enfin que la vérification fiscale est définitive, et peut être
exceptionnellement reprise en cas de mise à la disposition de l’administration de
renseignement dont elle n’a pas eu connaissance à la date de la précédente vérification fiscale.

d- La période concernée par la vérification

22
CAA Bordeaux, 27 juin 2000, n° 97-2349
23
CE, 8 décembre 1976, req. N° 986, DF 1977

15
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
L’indication de la période durant laquelle doit se faire la vérification approfondie est
obligatoire aussi bien en droit tunisien, en droit algérien qu’en droit français. Le conseil d’Etat
français considère qu’il s’agit là d’une mention substantielle qui, si elle fait défaut, entacherait
la procédure.

A ce propos, il y’a lieu de noter que le contribuable est en droit de procéder, à l’instar
de l’administration, aux réparations des erreurs ou des omissions dans ses écritures
comptables ou encore les erreurs commises dans l’application des taux et obtenir ainsi une
réduction de l’imposition initiale24 : c’est ce qu’on appelle le droit de reprise.

Dans le but de garantir le contribuable contre des remises en cause illimitées, le


législateur tunisien, ainsi que le législateur algérien, est intervenu pour limiter l’exercice du
droit de reprise dans le temps. Ce droit, qui donne un pouvoir large à l’administration fiscale,
disparaît dès l’expiration de ce délai : c’est la prescription.

Toutefois, selon l’article 26 du CDPF « le contrôle peut porter sur des périodes
prescrites ayant une incidence sur l’assiette ou le montant de l’impôt dû au titre des périodes
non prescrites ».

L’administration peut exercer son droit de vérification sur les exercices non prescrits
qui sont déterminés conformément aux articles 19 et suivants de CDPF de la manière
suivante :

4 ans pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’impôt sur les sociétés, la TVA et
les droits de consommation en cas d’omissions partielles, c'est-à-dire lorsque les déclarations
déposées présentent des omissions, des inexactitudes et des insuffisances.
4 ans pour les droits d’enregistrement à compter de la date de l’enregistrement de l’acte.
10 ans pour les impôts et taxes non déclarés y compris les droits d’enregistrement en cas
d’omissions totales, c'est-à-dire lorsque le contribuable ne dépose pas ses déclarations
fiscales.
10 ans pour les droits de timbre (ce délai commence à courir à partir de la date d’exigibilité
des droits).

24
Article 19, paragraphe 1 du CDPF

16
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
1 an pour la taxe de circulation sur les véhicules automobiles et la taxe annuelle sur les
véhicules de tourisme à moteur à huile lourde et l’impôt additionnel annuel sur les véhicules
utilisant le gaz de pétrole liquide.
4 ans pour la taxe unique de compensation de transport routier, due au titre d’une année.
e- La date du commencement de la vérification :

L’article 39 du CDPF exige l’indication de la date de commencement de la


vérification. Il énonce en effet, « ainsi que la date du commencement de la vérification qui
doit s’écarter de quinze jours au moins de la date de la notification de l’avis ».

Toutefois, le code ne fait pas référence aux heures pendant lesquelles peut s’exercer
l’opération de vérification. On peut estimer que le service vérificateur peut conduire les
opérations de contrôle aux heures normales d’ouverture des locaux professionnels pour qu’il
puisse apprécier concrètement les conditions d’exploitation de l’entreprise. Par conséquent,
un vérificateur peut intervenir le soir dans une discothèque ou tôt le matin dans une
boulangerie.25

B- La notification de l’avis de vérification :

Notifié à une date désormais précise (a) et selon des modalités bien définies (b), l’avis
de vérification devra être destiné à la personne concernée(c).

a- La date de la notification :

Dans ce domaine, les nouveautés de la réforme sont remarquables. Elles gravitent


autour de deux grands axes : le délai minimum laissé au contribuable entre la date d’envoi de
l’avis et la date de la première intervention du vérificateur et le report de la date de
vérification.

En ce qui concerne le premier point, l’intervention du législateur est bienvenue pour le


contribuable. En effet, sous le régime de la charte, le délai, laissé au contribuable entre la date
d’envoi de l’avis et le point de départ de la vérification était laissé à la discrétion de
l’administration. Pourtant, il s’agit d’une garantie essentielle puisque c’est au cours de ce laps
de temps que le contribuable va choisir un conseil. Le CDPF a comblé cette lacune. Son

25
La pratique de la vérification de comptabilité, éd F. Lefebvre, 1997, p 139

17
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
article 39 dispose, en effet, que la date du début de la vérification « doit s’écarter de quinze
jours au moins de la date de la notification de l’avis ».

Cette intervention du législateur est positive. En Algérie, l’article 60-4 précité du code
des procédures fiscales prévoit un délai minimum de préparation de 10 jours en cas d’une
vérification approfondie. Mais en droit français, la solution est d’ordre jurisprudentiel.
L’article L 47 du LPF se contente d’imposer à l’administration de laisser au contribuable un
délai raisonnable pour se faire assister par un conseil 26. Le Conseil d’Etat estime que le délai
minimum dont le contribuable doit disposer est de deux jours ouvrables consécutifs 27. Un
contribuable qui reçoit le samedi un avis lui indiquant que la vérification débutera le mercredi
suivant dispose, par conséquent, d’un délai suffisant.

Pour le calcul de ce délai, il convient de ne retenir ni le jour de réception de l’avis, ni


le jour du début de contrôle, ni les jours fériés.

Concernant le report de la date de vérification, le nouveau code a apporté deux


nouveautés : d’une part, il a accordé l’initiative de report à l’administration aussi bien qu’au
contribuable, alors que la charte a limité ce droit au seul contribuable. D’autre part, il a étendu
le délai maximum de report de dix jours à soixante jours. Cette extension est bénéfique pour
le contribuable quand le report procède à sa demande, puisqu’une telle mesure lui permet de
se procurer le temps utile pour organiser sa défense. Toutefois, l’avantage de cette extension
n’est pas évident lorsque l’administration diffère, à son initiative, le début de la vérification.
Cela peut prolonger la période d’insécurité pour le contribuable.

La question est de savoir si l’administration est tenue, en cas de report du début de la


vérification, d’envoyer un nouvel avis.

A titre d’exemple, en France la réponse à cette question est donnée par une
jurisprudence constante. En effet, d’après le Conseil d’Etat, l’administration n’est pas tenue
d’adresser un nouvel avis en cas de report, sur son initiative, de la date de vérification. A
fortiori, en cas de report sur l’initiative du contribuable, le défaut d’un nouvel avis de
vérification ne vicie pas la procédure. Cette solution est logique car le contribuable avait
connaissance des garanties dont il avait été régulièrement informé. L’administration est

26
Recommandation de l’administration fiscale à ses agents d’envoyer un avis de vérification quinze jours avant
la date de la première intervention sur place. CE, 10 janvier 1990, n°71019, RJF 3/90, n° 270
27
CE, 8 février 1991, n°61093 ; RJF, n° 360

18
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
toutefois obligée d’informer le contribuable de la date à laquelle est reporté le début de la
vérification.

b- Les modalités de la notification :

Le législateur tunisien a précisé, à titre limitatif, les modalités de notification de l’avis


de vérification, tout en laissant au service vérificateur la liberté de recourir, au choix à l’une
d’elles. En effet, l’article 10 de CDPF dispose que « les demandes et significations de
l’administration fiscale devant recevoir une réponse dans un délai déterminé, peuvent être
notifiées au moyen de ses agents, des huissiers notaires, des porteurs de contraintes ou par
lettre recommandée avec accusé de réception ».

La remise de l’avis au contribuable par l’agent vérificateur obéit, selon l’article 10 du


CDPF, aux dispositions du code de procédure civile et commercial qui fixe, dans son article 6,
les mentions devant figurer dans le procès de notification. Cependant, ce même article exige
expressément que l’envoi de l’avis par voie postale soit contre accusé de réception.

Dans la pratique, la notification par lettre recommandée avec accusé de réception est la
modalité la plus fréquemment utilisée, et ce, pour deux raisons.

D’une part, elle est la modalité la moins coûteuse. D’autre part, elle offre à
l’administration un moyen de preuve qu’elle a envoyé un avis au contribuable et qu’elle a
respecté la date de notification.

c- Le destinataire de la notification :

L’article 39 du CDPF prévoit que « l’avis est notifié au contribuable à son domicile
réel ou élu déclaré à l’administration fiscale, et ce, conformément aux procédures prévues par
l’article 10 du présent code ». L’article 10 renvoie, quant à lui, au code de procédure civile et
commerciale. Une distinction devrait, alors être faite entre le contribuable personne physique
et le contribuable personne morale.

Dans le premier cas, l’avis de vérification doit être, conformément aux articles 7 et 8
du CPCC, remis au contribuable en personne à son domicile réel ou à son domicile élu. En cas
d’absence de l’intéressé, une copie de la notification devrait être laissée à son mandataire ou à
toute personne à son service ou habitant avec lui, à condition qu’elle soit dotée de

19
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
discernement et que son identité soit vérifiée. Si l’agent du fisc ne trouve personne au
domicile de l’intéressé ou si la personne trouvée refuse de recevoir la copie de l’avis, celle-ci
est remise au « Omda » ou au poste de police. Dans les deux derniers cas, l’agent doit aviser
le contribuable dans les 24 heures suivant ces formalités par une lettre recommandée avec
accusé de réception adressée à son domicile. L’article 9 du même code ajoute que si le
contribuable réside à l’étranger dans un domicile connu, une copie de l’acte lui sera adressée
par lettre recommandée avec accusé de réception.

Mais si le contribuable est une personne morale, l’avis doit être adressé à son
représentant légal : Président Directeur Général dans une société anonyme, gérant(s) dans une
société à responsabilité limitée. Pour la société en nom collectif, l’avis de vérification doit être
adressé à l’associé gérant, mais si la gérance appartient à tous les associés, l’avis devrait être
adressé à chacun des associés individuellement. En ce qui concerne la société en participation,
l’avis doit être adressé individuellement à chaque associé.

L’avis est adressé, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, soit à


l’administrateur judiciaire, si celui-ci est chargé d’une mission d’administration. Soit au
dirigeant de l’entreprise si la mission de l’administration judiciaire est limitée au contrôle des
actes de gestion.

Paragraphe 2 : La sanction de l’irrégularité de l’avis de vérification

Etant une formalité fondamentale, l’avis de vérification serait nul dès lors qu’il est
entaché d’une irrégularité (A). Toutefois, la nullité peut, dans certains cas, être corrigée (B).

A- La nullité de l’avis entaché d’une irrégularité

La nullité de l’avis entaché d’une irrégularité opère globalement. Elle vicie l’ensemble
de la procédure de vérification pour toutes les années en cause et entraîne, par conséquent, la
décharge de la totalité des impositions qui procèdent des redressements faisant suite à cette
vérification.

Compte tenu de la gravité de cette sanction, il s’avère utile de s’interroger sur la notion
d’irrégularité d’une part (a) et sur la mise en œuvre de la nullité d’autre part (b).

a- La notion d’irrégularité

20
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Toute irrégularité entachant la procédure de vérification ne devrait pas entraîner
automatiquement la nullité de l’imposition. L’administration devrait avoir la possibilité de
rectifier certaines erreurs « excusables », sinon on risquerait de protéger des contribuables
défaillants par trop de juridisme.

Ainsi, en droit français par exemple la loi fait une distinction entre l’erreur
substantielle et l’erreur non substantielle et décide des effets propres à chacune d’entre elles 28.

En Tunisie, aucune disposition du CDPF n’opère cette distinction, néanmoins,


l’administration s’est prononcée en faveur d’une restriction de la nullité de la procédure en
cas de plusieurs erreurs commises ou bien une seule erreur qualifié de substantielle29.

Compte tenu de l’ambiguïté du terme « irrégularité substantielle », le conseil d’Etat


français donne une définition large à cette notion. Selon lui, celle-ci englobe « toute erreur qui
a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne » et ne se limite pas
aux seules irrégularités qui portent atteinte aux droits de la défense et celles dont la nullité est
prévue par la loi.

b- La mise en œuvre de la nullité

Le contribuable dont la garantie de l’information préalable n’a pas été respectée, doit
être vigilant en invoquant le vice qu’il prétend devant le juge du fond. A cet égard, le Tribunal
Administratif Tunisien considère que les procédures administratives prévues dans la charte du
contribuable ne sont pas d’ordre public et, de ce fait, le moyen de défense tiré de l’absence ou
de l’irrégularité de l’avis, ne peut être invoqué devant le juge de cassation que s’il était
invoqué devant le juge de fond. Telle est aussi, depuis longtemps, la position du conseil d’Etat
français selon lequel, le moyen tiré de la méconnaissance par le service vérificateur de
l’obligation qui lui est faite d’aviser le contribuable de son droit de l’assistance d’un conseil
n’est pas d’ordre public et ne peut, par conséquent, être valablement soulevé d’office par le
tribunal administratif.

Malgré ses expressions impératives pour insister sur le caractère obligatoire de l’avis
de vérification et de son contenu, le législateur tunisien ne fait, dans aucun article, référence à

28
Article L80 CA du LPF
29
Réponse du ministre des finances à la question de Monsieur Mohamed Sahbi Bouderbala, lors de la discussion
du nouveau CDPF, délibération de la chambre des députés – N°39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p 2105

21
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
la nullité des impositions en tant que sanction encourue par l’administration en cas
d’irrégularités entachant la procédure de vérification.

Toutefois, les correctifs de la nullité que l’administration fiscale peut mettre en œuvre,
sont de nature à dissuader les contribuables, victimes d’une irrégularité, de faire suivre la
nullité de la procédure.

B- Les correctifs de la nullité

Les irrégularités constatées au cours de la vérification, dont notamment celles


entachant l’avis préalable, peuvent être atténuées soit par l’effet anesthésiant de la situation
d’imposition d’office (a), soit par la régularisation dans les délais de reprise (b).

a- L’anesthésie des irrégularités de la vérification

La couverture de l’irrégularité de la vérification par la situation d’imposition d’office


constitue une règle prétorienne en droit français. Le juge tunisien, qui ne manque pas
d’emboîter le pas de son homologue français chaque fois que le législateur tunisien garde le
silence à propos d’une quelconque question, semble prêt à adopter cette règle.

Cette construction prétorienne, qui ne favorise en rien le droit du contribuable à la


défense est bien établie dans la jurisprudence du conseil d’Etat français. Cependant, certaines
cours administratives d’appel ont refusé de l’appliquer. Une telle démarche est bénéfique pour
le contribuable car aucune règle légale, en France comme en Tunisie et en Algérie, n’autorise
l’administration à commettre les pires irrégularités au cours du contrôle au motif que le
contribuable était en situation d’imposition d’office.

L’effet anesthésiant de la situation d’imposition d’office constitue une atteinte grave


au principe de dialogue. L’atteinte s’aggrave encore avec la possibilité de régularisation dont
bénéficie l’administration.

b- La régularisation de la vérification

L’administration pourrait toujours recommencer régulièrement la procédure de


vérification si celle-ci n’a pas été achevée. Elle doit seulement respecter le délai de reprise. 30

30
B. DEIGNLERES, JC-PF 1994, fasci. 327, p 4

22
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Mais, si la vérification a été achevée, l’administration serait confrontée au principe de
l’interdiction de renouveler la vérification fiscale 31. Alors ce principe s’applique-t-il en cas
d’une première vérification fiscale irrégulière? En d’autres termes, si la première vérification
est jugée irrégulière, serait-elle valable?

On peut penser que « l’annulation pour irrégularité de la procédure d’imposition et le


dégrèvement qui s’ensuit, pourraient être interprétés comme entraînant l’inexistence
rétroactive de vérification de comptabilité initiale, donc comme n’interdisant pas une nouvelle
vérification puisque ipso facto elle ne pourrait être qualifiée de seconde vérification ».32
Cependant, le conseil d’Etat français avait une position différente puisqu’il a considéré que
« lorsque a eu lieu, après l’achèvement d’une première vérification de comptabilité une
seconde vérification, l’irrégularité de la procédure entraîne la décharge des impositions
assignées au contribuable à l’issue de la vérification, et ceci même dans le cas où la première
vérification était elle-même intervenue dans des conditions irrégulières de nature à entraîner
la décharge de l’imposition ».

En somme, on constate que l’information préalable du contribuable est une nécessité


accrue puisqu’elle permet à ce dernier de se préparer avec son conseil surtout dans le cadre
d’une procédure de vérification contradictoire où résident les conditions du respect des droits
de la défense à travers le dialogue qui se noue entre les vérificateurs et les vérifiés assistés par
leurs conseillés fiscaux.

Le dialogue est le principe qui règne également dans la phase d’élaboration des
résultats. Le dialogue ou le débat entre l’administration fiscale et les contribuables vérifiés est
par essence, l’application d’un droit fondamental à la contradiction que ces derniers
détiennent.

31
Article 38 de CDPF
32
Sophie Rainbault de Fontaine, l’opération fiscale : contribution à une théorie de l’action en procédure fiscale,
thèse en droit, Toulouse 1998, p 334

23
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008

Chapitre 2 : Le droit de contribuable vérifié à la contradiction

On a voulu fonder les droits du contribuable sur le principe du contradictoire et non


sur le principe du respect des droits de la défense parce que celui-ci n’est qu’un cas
d’application de celui là. L’objet du droit de la défense est la défense de l’intéressé et non
l’optimisation de la décision. Or, le principe du contribuable permet aux administrés non
seulement de garantir le respect des droits de la défense mais surtout de participer à la prise de

24
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
décision la mieux adaptée. De ce fait, ce principe de la contradiction vise la personnalisation
et l’optimisation des décisions administratives individuelles défavorables.33

En matière de contrôle fiscal, l’audition du contribuable et la discussion avec lui qui


précède la prise de l’arrêter de taxation d’office constituent la preuve du respect du droit à la
contradiction. Ainsi, ce droit peut être défini comme étant la possibilité offerte aux
contribuables de négocier leur base imposable.

Dans ce chapitre, on va démontrer le degré de respectabilité du droit à la contradiction


tout au long du contrôle fiscal. Pour cet effet, on va s’interroger dans une première section sur
le caractère contradictoire de la vérification approfondie. Puis, dans une seconde section, il
importera d’examiner le caractère contradictoire des procédures de redressement.

Section 1 : Le caractère contradictoire de la vérification

Le principe de la contradiction appliquée dans les rapports entre le fisc et le


contribuable au cours de la vérification implique que s’instaure entre les deux parties un
dialogue constructif qui offre au contribuable les occasions d’exprimer ses points de vue dans
les meilleures conditions. Les techniques juridiques qui matérialisent le caractère
contradictoire (paragraphe 1), qui est un débat recherché par le contribuable, et d’autre part le
débat formel imposé par le fisc (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le débat oral et contradictoire

« Tout au long de la vérification, la procédure orale constitue la règle ». Telles sont les
termes de la charte tunisienne de contribuable. Le CDPF, quant à lui, ne fait pas référence à la
règle d’oralité, mais il ne l’écoute pas dans la mesure où il garde le principe de vérification
sur place, jugé garant du débat oral et contradictoire.

Par débat oral, on entend les entrevues qui opposent face à face le contribuable et le
vérificateur, au cours des quelles « doivent être débattues les observations du vérificateur
suscitées par les documents qui font l’objet de vérification »34. Il s’agit d’un échange de vue
effectué oralement et aboutissant à l’une des deux solutions suivantes : ou bien le vérificateur
sera convaincu de la sincérité des déclarations émises par le contribuable ou bien, celui-ci
33
Voir LEPAGE-JESSUA CORINNE, le décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre
l’administration et les usagers : une mini révolution gazette de palis. 1984, p 146
34
S. Austry, débat oral et contradictoire : où est la jurisprudence ? RJF3/97, p 142

25
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
rectifiera, consciemment, les erreurs de ses déclarations à la lumière des observations du
vérificateur.

Le débat oral et contradictoire est une garantie liée essentiellement à la vérification de


comptabilité. En ce qui concerne la vérification de la situation personnelle, le débat
essentiellement par écrit.

L’oralité est la règle surtout en cas de la vérification sur place où le contact entre le
vérificateur et le contribuable ne peut être qu’oral. Le respect de cette garantie dépend de
l’existence des conditions préalables et nécessaires à l’entreprise d’un tel débat (A), mais le
problème qui se pose au fond c’est de savoir sur quoi porte le débat ? ou encore quel est le
contenu du débat oral et contradictoire ? (B).

A- La vérification sur place

En droit tunisien, le principe de la vérification sur place a été constaté au départ par la
charte du contribuable. Le principe a, par la suite, reçu un statut légal avec le nouveau CDPF
en effet, l’article 40 prévoit que : « la vérification approfondie de la situation fiscale se
déroule dans les locaux de l’entreprise… ».

La règle de vérification sur place s’explique par le fait que le contrôle sur place permet
à l’administration de se « rendre compte des conditions concrètes de fonctionnement de
l’entreprise et obligeant le contribuable à admettre cet effort d’appréhension de la réalité par
le dialogue »35.

En se referant à la vérification des « entreprises », l’article 40 du CDPF, limite le


domaine de la vérification sur place à la seule vérification de comptabilité. En est donc exclue
la vérification de la situation fiscale personnelle. Cela veut-il dire que la vérification de la
situation fiscale personnelle n’exige pas un débat oral et contradictoire ?

Partant de l’idée selon laquelle la vérification sur place est le garant d’un débat oral et
contradictoire, on peut répondre par l’affirmative. Cependant, en se référant à la charte du
contribuable qui prévoyait que : « tout au long de la vérification, la procédure orale constitue
la règle », on peut conclure que celle-ci ne fait pas la distinction entre la vérification de
comptabilité et vérification de la situation fiscale.

35
O. Fouquet, conclusions sous CE, 2 juillet 1986, n°50872, Aribaut, RJF10/86, n°908

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Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
De son côté, la charte française indique que dans le cadre de l’ESFP, « le dialogue
joue également un rôle très important… ». Cependant, dans une décision de 10 janvier 2001,
le conseil d’Etat français a insisté sur son avis en considérant que l’expression de la charte
exige qu’un dialogue soit noué sans imposer une forme quelconque.

B- La vérification dans les bureaux de l’administration

Ni le droit tunisien, ni algérien non plus français n’interdisent, de façon absolue,


l’emportement des documents comptables au bureau du vérificateur. A ce titre, l’article 40 du
CDPF, après avoir énoncé le principe de la vérification sur place, a ajouté « la vérification
peut avoir lieu dans les bureaux de l’administration fiscale sur demande écrite de l’entreprise
ou a l’initiative de l’administration fiscale en cas de nécessité, dans ce cas, les échanges de
registres et documents se font contre récépissé ». il s’agit là d’une règle, si tôt admise par le
conseil d’Etat français qui a affirmé, dans sa décision du 21 mai 1976 que : «… toutefois sur
demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les
bureaux de l’administration ».

Toutefois, l’emportement n’est admis que si certaines conditions de forme (1) et de


fond (2) sont respectées. Le non respect de l’une de ces conditions entraîne l’irrégularité de la
procédure de la vérification et par conséquent, la décharge de l’imposition.

a- Les conditions de forme

L’article 40 du CDPF fixe deux conditions de forme : l’initiative de l’emportement et


la remise d’un récépissé au contribuable. La charte du contribuable tunisienne, au même titre
que le conseil d’Etat français, ajoute une troisième condition, celle de la restitution des
documents emportés.

Avant d’aborder ces trois conditions, il s’avère utile de préciser la notion de


« documents » dont le déplacement est subordonné aux conditions susvisées.

Cette notion doit avoir le sens le plus large possible pour que la protection du
contribuable soit étendue. Ainsi, le conseil d’Etat français a considéré que la vérification se
trouve entachée d’irrégularité même lorsque le document emporté est un document non
comptable dès lors que ce document n’est pas échangé à l’objet de la vérification 36. L’article

36
CE, 6 juin 1984, RJF n°8-9, 1984

27
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40 admet cette définition large des documents protégés puisqu’il utilise la notion
« documents » sans qualificatif. Par « documents », le législateur tunisien veut donc, entendre
toutes les pièces utiles au vérificateur pour assurer son contrôle ou au contribuable pour se
défendre (tableau d’amortissement, inventaire des stocks,…).

En revanche, les photocopies ou l’emportement de copies de disquettes informatiques


ne sont pas concernées par la garantie de l’article 40. par conséquent, le fait que le vérificateur
a pris des photocopies des documents comptables ne peut être regardé comme un emport de
document susceptible de vicier la procédure d’imposition 37. Cependant, l’emportement de
photocopies doit être sanctionné si son ampleur est de nature à priver le contribuable de la
possibilité du dialogue38.

La notion de « documents » étant précisée, reste à s’interroger sur les conditions de


déplacement de ces documents aux bureaux des vérificateurs.

La première condition énoncée par l’article 40 concerne l’initiative de l’emportement.


En effet, cet article prévoit que la vérification peut avoir lieu dans les bureaux de
l’administration fiscale « sur demande écrite de l’entreprise » ou « à l’initiative de
l’administration fiscale en cas de nécessité ».

A ce niveau, l’innovation du CDPF est au souci de protection du contribuable. Il s’agit


là, d’une limite grave au droit de contribuable bénéficier, sur place d’un débat oral et
contradictoire.

En France, depuis longtemps, le conseil d’Etat exige strictement une demande


préalable et expresse du contribuable pour l’emportement des documents aux bureaux de
l’administration.

Notons enfin que l’article 40 du code, en laissant la possibilité de la vérification sur


place au bon gré de l’administration, constitue un recul par rapport à la charte, qui prévoyait
que le choix du lieu de vérification appartient, au contraire, au bon vouloir du contribuable.

La deuxième condition de forme prévue par l’article 40 est la remise au contribuable


d’un récépissé des documents emportés. En effet, aux termes de cet article, « les échanges des
registres et documents se font contre récépissé ». la même condition est édictée, par la charte
37
CE, 25 mars 1991, RJF n°11, 1991
38
O. Fouquet. Conclusion Sous CE du 18 novembre 1985, req. 43321, D.F. 1986, comm. 447

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Renforcement des garanties IEDF
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qui précise que « l’agent vérificateur est tenu de vous remettre une décharge des documents
comptable reçus » pour qu’il soit régulier, le reçu doit être établi avant l’emportement et signé
conjointement par le contribuable et le vérificateur.

Une troisième condition s’impose à l’administration. Il s’agit de restituer au


contribuable les documents emportés avant toute demande de renseignement,
d’éclaircissement ou de justification et, en tout état de cause, avant de la notification de
redressement. Faute de quoi, le principe du contradiction pendant la vérification deviendra
une simple fiction.

Cette condition a été oubliée par le nouveau CDPF de son côté, la charte se contentait
d’indiquer qu’ « à la fin de la vérification, vous (le contribuable) êtes tenus lors de la reprise
de vos documents, de remettre au vérificateur une contre décharge ». ceci dit, on peut douter
de l’existence, en droit tunisien, d’un débat oral et contradictoire en cas d’emportement des
documents.

En effet, il est préférable que l’administration laisse au contribuable un temps utile,


après la restitution de ses documents, pour qu’il puisse présenter ses observations au
contrôleur avant la clôture de la vérification. Reste à souhaiter que cette lacune soit comblée
par la jurisprudence afin de pousser le débat entre le contribuable et le vérificateur jusqu’au
bout et d’éviter ainsi des résultats rapidement abandonnés par l’administration dans la phase
de redressement ou censurés par le juge dans la phase contentieuse.

Plus regrettable est l’oubli du législateur de la condition de fond de l’emportement, en


l’occurrence la possibilité d’un débat oral et contradictoire.

b- Les conditions de fond

La faculté de déplacer les documents comptables en dehors de l’entreprise ne doit pas


priver le contribuable de la possibilité d’avoir un débat oral et ne doit pas priver le
contribuable de la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur 39.
Malgré son importance, aucune disposition, en Tunisie ou en France, qui impose cette
condition aux agents vérificateurs.

39
CE, 31 mars 2000, M. Cartania, D.F.2001, n°5, p 245

29
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Cependant, le juge français l’impose à l’administration. Il est souhaitable que le juge
tunisien suivra, à cet égard, le pas de son homologue français.

Pour vérifier le respect de cette condition, le conseil d’Etat prend en considération le


nombre d’entretiens tenus entre le vérificateur et le contribuable et le temps passé à débattre.

En fait, le juge de l'impôt ne s'attache pas uniquement au nombre d'entretiens réalisé


entre le vérificateur et le vérifié pour déterminer si le débat oral et contradictoire a été
respecté mais, recherche en plus s'il y a eu une véritable discussion.

En conclusion, le législateur a gardé le silence sur des questions fondamentales. Ainsi,


la nouvelle législation n'édicte, rien à propos de certaines conditions d'emportement telles que
la condition de l'intervalle de temps entre la restitution des documents emportés et la
notification des redressements et, surtout, la condition de la possibilité du débat oral et
contradictoire.

Le silence de la législation et l'absence d'originalité concernent aussi l'objet du débat


oral et contradictoire.

C- L’objet d'un débat oral et contradictoire

Le code, comme la charte du contribuable, demeurent muet en ce qui concerne l'objet


du débat oral et contradictoire. Pourtant, il s'agit d'un problème essentiel qui touche à la fois
la définition (a) et la preuve (b) de l'objet du débat.

a- La définition de l'objet du débat oral et contradictoire

Devant une législation laconique, aussi bien en Tunisie qu'en France, on peut, a priori,
définir l'objet du débat oral et contradictoire comme étant l'ensemble « des constatations
opérées par le vérificateur à partir de son examen des pièces comptables et de ses
observations sur les conditions d'exploitation propres à l’entreprise »40.

Cette définition a le mérite de distinguer l'objet du débat oral et contradictoire de


l'objet de vérification. En effet, si la vérification porte sur « les pièces de nature à éclairer le
vérificateur sur les modalités de l'activité professionnelle du contribuable »41, le débat oral et

40
F.LOULOUM, conclusions sous CE, 17 février 1997, req. n°165573, D.F.1997, n°26, comm. 748
41
CE du 6 juin 1984 cité par S.Austry, débat oral et contradictoire : où en est la jurisprudence ? p.142

30
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
contradictoire porte, quant à lui, sur les constatations dégagées de la vérification de ces pièces
el de leur confrontation avec des éléments extérieurs telles que les conditions de
fonctionnement de l'entreprise.

Toutefois, cette définition limite l'objet du débat oral et contradictoire aux seules
constatations faites au cours de la vérification. Or, le redressement ne se fonde pas toujours
sur ces seules constatations. L'administration peut s'appuyer, en outre, sur d'autres
constatations que lui procure son droit de communication auprès des tiers. Cela signifie que
l'objet du dialogue entre le contribuable et le vérificateur doit englober toutes les observations
servant à ce dernier pour décider les redressements. D'où l'obligation pour le vérificateur de
communiquer au contribuable les informations obtenues auprès des tiers.

b- La preuve de l'objet du débat oral et contradictoire

Il s'agit là d'une question majeure autour de laquelle gravitent tous les problèmes du
débat oral et contradictoire. Qui supporte la charge de preuve de l'existence ou de l'absence
d'un débat oral et contradictoire? Qui en prouver le contenu?

A ce propos, le législateur tunisien n'apporte aucune réponse. C'est donc vers la


jurisprudence française qu'il faut se tourner. On remarque à cet égard que le juge français
résout le problème en fonction du lieu où se déroule la vérification.

En effet, lorsque la vérification se déroule au siège de l'entreprise, c'est au


contribuable de prouver qu'il a été privé du débat oral et contradictoire.

En revanche, si la vérification se déroule dans les bureaux de l'administration après


emportement des documents, le contribuable est présumé avoir été privé de débat oral et
contradictoire, et c'est alors à l'administration de prouver le contraire.

A noter que la charge de la preuve en cas de vérification effectuée dans le cabinet du


comptable de l'entreprise, fait l'objet d'hésitation jurisprudentielle en France.

Cependant, le conseil d'Etat semble finalement admettre que lorsque la vérification se


déroule dans le cabinet du comptable à la demande du contribuable, la possibilité d'un débat
oral et contradictoire est présumée offerte à celui-ci 42. Il appartient alors au contribuable

42
CE, 17 février 1997, req. N° 165573, D.F 1997, n°26, comm. 748, conclusion. F.Laloum

31
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
d'apporter la preuve contraire.

Qu'en est-il pour le débat formel matérialisé par les demandes écrites de
l'administration auxquelles le contribuable est astreint de répondre ?

Paragraphe 2 : Le débat formel imposé par l'administration fiscale

A la différence du débat oral et contradictoire qui est une garantie du contribuable


vérifié, le débat formel constitue une obligation. En effet, le contribuable est obligé par la loi
de répondre aux demandes de renseignements, d'éclaircissement ou de justifications de
l'administration fiscale. Faute de quoi il donne à celle-ci toute la légitimité pour l'imposer
d'office.

Ce rapport pour être égalitaire, il faut limiter le recours aux demandes


d'éclaircissements et de justifications, en ce sens qu'elles doivent remplir certaines conditions
pour recevoir application (A). Par ailleurs, la protection du contribuable nécessite qu'on lui
donne un délai suffisant de réponse (B).

A- La nécessité de conditionner le recours aux demandes


d'éclaircissements et de justifications

Mis à part les règles de notification fixées dans son article 10, le CDPF ne soumet les
demandes écrites de l'administration à aucune condition. Or, certaines conditions sont
indispensables pour permettre au contribuable de se défendre. Dans ce cadre, le juge français
n'hésite pas à censurer l'administration toutes les fois où celle-ci omet dans sa demande une
des conditions de fond ( a) ou de forme (b) fixées par la loi et la jurisprudence. Le silence de
notre législateur sur ces conditions n'empêche pas de les étudier tout en espérant leur
reconnaissance par le Juge.

a- Le silence quant aux conditions de fond

Par condition de fond, on entend la condition permettant à l'administration de mettre


en œuvre la procédure des demandes écrites. A ce titre, en droit français, l'administration ne
peut mettre en œuvre une procédure de demande de justification que lorsqu'elle a en sa
possession des éléments de nature à supposer que le contribuable déclare des revenus
inférieurs à ceux dont il dispose. Il en est ainsi lorsque l'écart entre le revenu déclaré et le

32
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
solde bancaire du contribuable est significatif. De même, lorsqu'un déséquilibre est constaté
entre les revenus déclarés par le contribuable et ses dépenses engagées, l'administration est en
droit de demander des justifications. Dans ce cas, le conseil d'Etat français exige que le
déséquilibre présente un caractère significatif et qu'il ne résulte pas d'une évolution excessive
des dépenses de train de vie.

b- Le silence quant aux conditions de forme

Bien qu’ils s’agissent des droits de défense, la législation tunisienne demeure


lacunaire. En effet, les dispositions de l'article 10 du CDPF autorisent l'administration à
obliger le contribuable à répondre à ses demandes sans qu'on lui impose le minimum de
précision dans ses questions. Elle n'est pas tenue de restituer au contribuable les documents
indisponibles pour qu'il puisse répondre.

Le respect des droits de la défense a conduit le juge français à décider l'irrégularité de


la procédure si certaines conditions de forme ne sont pas respectées. Ces conditions peuvent
être posées par la loi ou ajoutées par le juge.

L'article 16 du LPF dispose, en effet, que les demandes susvisées « doivent indiquer
explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de
réponse ». Ce texte comporte deux conditions de forme : la précision dans la demande et le
délai de réponse. A ce titre, il a été jugé qu'une réponse imprécise à une demande imprécise
est valable et ne peut être assimilée à un défaut de réponse.

De sa part, le conseil d'Etat impose l'indication sur la demande, sous peine de nullité,
que le contribuable s'expose à la procédure de taxation d'office s'il ne répond pas ou s'il
répond tardivement43. De même, le conseil d'Etat impose la restitution au contribuable,
préalablement à toute demande, des documents communiqués à l'administration. Le défaut de
restitution entraîne la décharge de l’imposition.

La contribution de la jurisprudence française dans l'encadrement des demandes écrites


de l'administration constitue une réelle avancée dans la protection des droits de la défense.
Qu'en est-il maintenant pour le régime de réponse du contribuable ?

B- Le régime de réponse du contribuable

43
CE. 2 Décembre 1977,req 99098, D.F. 198, conclusion Fabre

33
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Avec le CDPF, le régime de réponse du contribuable aux demandes écrites de
l'administration a gardé ses inconvénients hérités de l'ancienne législation. Le législateur
tunisien maintient toujours de brefs délais de réponse (a) et garde le silence quant aux
conséquences d'un éventuel refus de réponse ou d'une réponse jugée insuffisante (b).

a- Le maintien des délais brefs de réponse

L'article 41 du CDPF dispose : « ... lorsque la demande est écrite, le contribuable doit
y répondre par écrit dans un délai ne dépassant pas 1 0 jours ... », ceci nous laisse penser que
les demandes de l'administration peuvent être orales comme écrites. On peut, dès lors, en
déduire qu'en cas de demande orale, bien que celle-ci soit incompatible avec la logique même
du débat formel, le contribuable ne serait pas tenu par le délai de 1 0 jours et verrait donc
appliqué le délai de droit commun de 30 jours44.

Dans le cas où la production des renseignements, éclaircissements ou justifications


demandés nécessite l'obtention d'informations auprès d'une entreprise établie à l'étranger et
ayant un lien avec l'entreprise à qui la demande a été adressée, le CDPF augmente le délai de
réponse de 10 à 15 jours. Ce délai est insuffisant. En effet, le temps que le courrier de
l'entreprise établie à l'étranger met à parvenir au contribuable questionné pourrait facilement
dépasser les 15 jours, sans prendre en compte le temps nécessaire au contribuable pour
formuler sa réponse et la faire parvenir à l'administration.

A titre de comparaison, on note qu'en droit français, le contribuable dispose de deux


mois pour répondre aux demandes de l'administration, soit 6 fois plus qu'en droit tunisien. Il
peut même solliciter un délai complémentaire 45. En cas de réponse insuffisante, un délai
supplémentaire lui est accordé pour compléter sa réponse46.

L'augmentation du délai de réponse est dans l'intérêt de tous : le contribuable,


l'administration et le juge. Elle est de nature à permettre au contribuable de se procurer le
temps nécessaire pour fournir une réponse solide et convaincante. Une telle réponse aurait
l'avantage d'éviter un éventuel contentieux, long, coûteux et incertain aussi bien pour le
contribuable que pour le fisc. Le juge se verrait ainsi débarrassé d'une masse d'affaires qui lui
est accablante.

44
Voir article 11 du CDPF
45
Voir article L12 du LPF
46
Voir article L16A du LPF

34
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Si le code a gardé des délais de réponse plus ou moins brefs, le plus grave est son
silence sur les conséquences de la réponse insuffisante ou même l'absence de réponse.

b- Le silence sur les conséquences de défaut ou d'insuffisance de réponse

Face à une demande écrite de l'administration, le contribuable peut suivre l'un des
deux comportements possibles : ou bien répondre ou bien s'abstenir de répondre. Dans l'un ou
l'autre cas, les dispositions sont, pour le moins, peu claires.

En effet, si le contribuable choisit de répondre, sa réponse devrait, bien entendu, être


complète et dans les délais légaux. En cas de réponse incomplète, aucune solution n'est
proposée. En revanche, l'article 16 du LPF français dispose qu'en tel cas l'administration
adresse au contribuable «une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de
trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ».

En cas de retard de réponse, le CDPF contient les éléments d'une solution partielle. En
effet, l'article 41 dispose que «le retard dans la réponse aux demandes de l'administration
fiscale n'est pas pris en compte pour le calcul de la durée de la vérification approfondie ».
C'est-à-dire que le retard de réponse n'engendre pour le contribuable que la prolongation de la
durée de vérification. L'administration n'a pas le droit, à l'inverse de ce qui est le cas en
France, d'imposer le contribuable d'office. Peut-on en conclure alors que le législateur s'est
enfin rendu compte de la brièveté des délais de réponse ?

Bien logiquement, en cas de refus pur et simple de réponse, l'administration serait en


droit d'imposer d'office le contribuable.

Il va sans dire que le juge français considère qu'une réponse orale équivaut à un refus
de réponse. Le droit tunisien ne semble pas admettre le même position. En effet, l’article 41
exige la réponse écrite à la demande écrite. Mais, rien n’interdit la réponse orale à une
demande orale. Cependant, il s’agit dans ce cas d’une incompatibilité avec la logique du
débat formel.

Au total, les demandes de renseignements, d'éclaircissements ou de justifications, bien


qu'elles offrent au contribuable une occasion supplémentaire de dialogue, constituent une
procédure gênante pour celui-ci. Elle pourrait, fort bien, entraîner une imposition d'office. En
effet, si le contribuable n'arrive pas à justifier l'origine de ses revenus inexpliqués, par voie de

35
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
conséquence, il ne peut le faire en réponse à une notification de redressement qui est censée
reproduire les interrogations contenues dans les demandes d'éclaircissements et de
justifications. En cas d'absence de réponse, il était jugé utile de donner au fisc la possibilité de
prendre un arrêté de taxation d'office sans passer par la procédure de redressement
contradictoire qui se matérialise par l'établissement d'un nouveau débat formel qui se
constitue par la notification des propositions de rehaussement d'impôt et la réponse du
contribuable.

Section 2 : Les procédures de redressement sont, en principe,


contradictoires

A l’issue des opérations de contrôle fiscal, les agents de l'administration fiscale


arrivent à relever l'une des deux situations suivantes :

 La confirmation des déclarations déposées, ou


 La constatation des infractions à la législation fiscale qui appellent soit la
rectification des déclarations pour les rendre conformes à la réalité, soit la taxation
d'office dans certains cas.

Dans la première hypothèse, le contribuable sera informé, au moyen d'une lettre


recommandée avec accusé de réception, sur la décision de confirmation des déclarations
souscrites. Dans le cas où la vérification dégagerait un trop-perçu en faveur du contribuable,
ce dernier a le droit d'en demander la restitution47.

En revanche, dans la deuxième hypothèse où la déclaration en cause renferme des


omissions ou des inexactitudes, l'administration fiscale doit procéder à des opérations de
redressement.

Le redressement fiscal peut suivre deux types de procédures : la procédure de droit


commun dite «la procédure de redressement contradictoire », et une procédure unilatérale
appelée« la procédure de taxation d'office ».

La mise en œuvre de l'un des deux procédures dépend de la gravité de l'infraction


commise par le contribuable à l'égard de l'obligation déclarative. Chacune de ces deux
procédures a ses conditions d'application (paragraphe 1). La procédure de droit commun offre
47
Voir article 35 du CDPF

36
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
un certain nombre de garanties au profit du contribuable vérifié.

Cependant, si tous les moyens de dialogue ont été épuisés sans arriver à une entente,
l'administration fiscale sera en droit de prendre un arrêté de taxation d'office (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions d'application des procédures de redressement

L'examen de la question des garanties accordées au contribuable vérifié nous amène à


faire la distinction entre les cas de l'ouverture de la procédure contradictoire (A) et les cas
d'irrégularités autorisant le recours à la taxation d'office (B). De ce fait, le contribuable dispose
d'un certain nombre de garanties dans le premier cas, surtout qu'il voit le dialogue se nouer,
alors que dans les autres cas, il est dans une situation précaire.

A- Champ d'application de la procédure de redressement contradictoire

Il est à noter que la procédure de redressement contradictoire suppose que le


contribuable a respecté ses obligations déclaratives et ne s'est pas s'opposé aux opérations de
contrôle. Cette procédure est définie comme étant « la procédure permettant à chacune des
parties en présence de connaître exactement la position juridique de l'autre et de lui
répondre… »48

Le CDPF n'a pas défini explicitement son champ d'application. L'article 66 du code de
l'lRPP et de l'IS délimite les irrégularités, pour lesquelles le contribuable bénéficie de la
procédure du droit commun, en deux catégories : une déclaration insuffisante (a) ou inexacte
(b).

a- Une déclaration insuffisante

On entend par déclaration insuffisante « toute pièce ou tout document que le


contribuable est tenu de déposer auprès du service des impôts en vue d'une disposition légale
ou réglementaire et qui comporte des éléments servant à établir ou à liquider l'impôt ... » 49.
L'insuffisance constatée dans une déclaration doit être qualifiée comme étant une fraude
fiscale. La fraude consiste en toute hypothèse à minorer, voire à supprimer le bénéfice ou la

48
Schmidt(j), « le contrôle des activités professionnelles », l’amélioration des rapports entre l’administration
fiscale et les contribuables, acte du colloque de la société française de droit fiscal, paris, « université
d’Orléans » tome IX, 1989, p 13
49
Serlooten (P), « traiter de droit commercial, tome III » droit fiscal de l’entreprise, Paris, Montchrestien, 1988
p.137

37
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
matière imposable. L'insuffisance peut consister en une omission d'un élément d'assiette ou en
des dissimulations.

L'administration doit appliquer une procédure de redressement contradictoire lorsque


la déclaration est inexacte.

b- Une déclaration inexacte

« Est considérée comme telle, la déclaration qui ne contient pas certaines informations
et données nécessaires à l'imposition ou qui contient des informations erronées»50.

Une déclaration renferme des renseignements erronés si elle n'est pas conforme avec
les pièces comptables. Par exemple, lorsqu'il y a une disproportion entre le bénéfice effectif,
tel qu'il figure dans la comptabilité et le bénéfice déclaré.

B- Les cas d'ouverture de la procédure de redressement unilatérale

L'article 47 du CDPF prévoit que « la taxation est établie d'office en cas de désaccord
entre l'administration fiscale et le contribuable sur les résultats de la vérification fiscale
préliminaire ou approfondie prévues par l'article 36 du présent code ou lorsque ces résultats
n'ont pas fait l'objet d'une réponse écrite dans le délai prévu par l'article 44 du présent code».

Le second alinéa de cet article ajoute « la taxation est également établie d'office, en cas
de défaut de dépôt par le contribuable des déclarations fiscales et des actes prescrits par la loi
pour l'établissement de l'impôt, et ce, dans un délai maximum de trente jours à compter de la
date de sa mise en demeure, conformément aux procédures prévues par l'article 10 ... ».

Ainsi, cet article fixe trois cas de taxation d’office :

 Cas de désaccord entre l'administration et le contribuable sur le résultat de la


vérification fiscale, quelle soit préliminaire ou approfondie;
 Cas d'absence de réponse écrite aux résultats de la vérification dans un délai
de trente jours à compter de la date de la notification;
 Cas de défaut de dépôt des déclarations fiscales dans un délai de trente jours
à compter de la date de la mise en demeure.

50
idem. p.138

38
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Cette nouvelle liste qui diffère de la liste prévue par la législation française
51
suscite quatre remarques :

La première est que, désormais, le simple retard dans le dépôt de déclaration ne donne
plus à l'administration un droit automatique pour imposer d'office le contribuable. Celle-là
doit, au préalable, adresser à celui-ci une mise en demeure pour l'avertir à régulariser sa
situation dans un délai de 30 jours. Le législateur tunisien adapte ainsi la solution qu'a adapté
le législateur français par la loi de 29 décembre 1977. on note, cependant, qu'en France cette
obligation de mise en demeure est exclue dans certains cas tel que le changement fréquent par
le contribuable de son lieu de séjour ou le transfert de son domicile fiscal à l'étranger sans
déposer une déclaration de revenus.

La deuxième remarque est que la liste n'englobe pas le cas d'opposition au contrôle
fiscale ni celui de défaut de réponse à une demande de renseignements, d'éclaircissements ou
de justifications. Cela laisse, a priori, penser, qu'en de tels cas, l'administration ne serait pas
autorisée à mettre en oeuvre la procédure d'office. Ce raisonnement se justifie par le caractère
limitatif de la liste établie par le législateur et par le principe d'interprétation restrictive de la
loi fiscale.

En troisième lieu, on remarque que l'article 47 du CDPF ne fait plus référence au


défaut de tenue d'une comptabilité comme cas de taxation d'office. L'administration serait-
elle en droit d'invoquer ce motif pour écarter le dialogue avec le contribuable ?

Reste à remarquer que l'article 47 englobe un nouveau cas de taxation d'office, celui
de « désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable sur les résultats de la
vérification fiscale préliminaire ou approfondie ».

Ce cas, peu clair, est susceptible de deux interprétations; l'une est contraire à la
logique de la procédure de taxation d'office, l'autre est dangereuse pour le contribuable.

En effet, on peut penser que si l'administration n'arrive pas à un accord avec le


contribuable à l'issue d'une procédure de redressement contradictoire, elle serait en droit de
procéder à sa taxation d'office. Or l'expression « taxation d'office» renvoie à une procédure

51
En droit français, les cas d’imposition d’office sont au nombre de quatre : le défaut ou le retard de production
de déclaration (article L66, L67, L68 du LPF), le défaut de réponse à une demande d’éclaircissement ou de
justification (article L69 du LPF), le défaut de désignation en France d’un représentant fiscal (L72 du LPF) et
enfin l’opposition au contrôle fiscal (L74 du LPF)

39
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
unilatérale à laquelle le contribuable n'a jamais participé. La taxation effectuée dans un tel cas
ne peut être qualifiée « d'office ».

On peut penser autrement que le législateur entend permettre à l'administration, si elle


n'arrive pas à un accord avec le contribuable au cours de la vérification, d'imposer à celui les
résultats conclus sans attendre ses observations sur ces résultats ni réfléchir à y répondre.
Cette interprétation constitue un danger de taille pour le contribuable car elle peut priver le
principe du contradictoire pendant la vérification de toute utilité. L'administration serait
capable à tout moment de rompre le dialogue et procéder à la taxation d'office au nom du
désaccord avec le contribuable mais ce problème est résolu avec la loi de finances pour la
gestion 200752.

Paragraphe 2 : garanties du contribuable liées aux procédures de


redressement

Une fois la base imposable déterminée, clans le cadre d'une vérification préliminaire
ou approfondie, le fisc ne va pas effectuer les redressements nécessaires de l'assiette d'une
manière systématique.

Des formalités et procédures doivent êtres respectées et qui représentent des garanties
pour le contribuable. Ce dernier a le droit de s'informer sur les résultats de la vérification (A).
Toutefois, dépassant un délai déterminé au cours duquel le contribuable n'a pas répondu, et
s'il existe un désaccord, l'administration ne tarde pas à établir un arrêté de taxation d'office
(B).

A- L'information sur les résultats de la vérification

L'administration fiscale signifie au contribuable, au moyen de ses agents, des huissiers


notaires, des porteurs de contraintes ou par lettre recommandée avec accusé de réception 53, les
résultats de la vérification (a). Cette signification doit être motivée (b) et ouvre un délai de
réponse pour le contribuable (c).

a- La notification des résultats

L'article 43 du CDPF exige l'administration fiscale d'envoyer au contribuable une


52
Voir articles 57 et 58 de la loi de finances pour la gestion 2007
53
Article 10 du CDPF

40
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
notification de redressement qu'elle propose d'apporter à ses déclarations. La notification de
redressement qui est le premier acte du dialogue «demeure simplement une proposition de
rectification des éléments chiffrés fourmis par le contribuable »54.

En droit tunisien, en droit algérien comme en droit français, la notification constitue


une garantie au cœur de la procédure 55. En effet l'article 43 du CDPF, comme l'article L 49 du
LPF et l'article 60-6 du code des procédures fiscales algérien, en obligeant l'administration
des impôts à informer le contribuable sur les résultats de la vérification (même en l'absence de
redressement), constituent une garantie pour ce dernier.

Il est à noter ici que la notification doit s'effectuer conformément aux dispositions du
code de procédure civile et commerciale.

En Tunisie, le CDPF, notamment l'article 43, nous permet d'affirmer le caractère


obligatoire de la notification. Qu'en est-il alors de la motivation ?

b- La motivation des résultats

Il ne suffit pas que l'administration fiscale signifie au contribuable les résultats de la


vérification, encore faut-il, que ces derniers soient motivés. C’est là une nouveauté de taille
introduite par le CDPF et qui représente en elle même une garantie de taille au contribuable.
Dans ce cadre l'article 43 prévoit que la notification doit comporter obligatoirement :

 La nature de la vérification fiscale dont à fait l'objet le contribuable;


 Les chefs de redressement et la méthode retenue pour l'établissement des
nouvelles bases d'imposition;
 Le montant de l'impôt exigible ou les rectifications du crédit d'impôt, du report
déficitaire et des amortissements régulièrement différés ;
 Les pénalités exigibles;
 L'invitation du contribuable à formuler ses observations, oppositions et
réserves relatives aux résultats de la vérification dans un délai de trente jours à
compter de la date de la notification.

54
Jean SCHMIDT « les principes fondamentaux du droit fiscal » Dalloz, 1992
55
J.C Martizez ; « droit fiscal contemporain, l’impôt, le fisc, le contribuable ». Litec. 1986. p 282

41
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
La logique de la procédure d'imposition basée essentiellement sur le dialogue, le
respect des droits de la défense et la transparence administrative exige la motivation des
redressements envisagés. En France par exemple, plusieurs articles font l'obligation à
l'administration d'adresser au contribuable une notification de redressement motivée et de
répondre à ses observations56.

La jurisprudence française considère qu'une notification n'est suffisamment motivée


que lorsqu'elle est détaillée et précise. La précision et détail répondent au principe du respect
de la défense parce qu'ils permettent au contribuable vérifié de formuler sa réponse en
connaissance de cause.

Dans la pratique, le caractère suffisant de la motivation n'est pas lié à la pertinence des
motifs mais seulement à leur mention dans la motivation. Mais, d'une façon générale, la
motivation des résultats permet au contribuable de poursuivre le dialogue avec
l'administration si la procédure contradictoire a été appliquée, ou de contester ultérieurement
l'imposition au stade contentieux s'il n'a pas bénéficié de cette procédure.

Il convient de noter que le législateur renforce les garanties du contribuable.

En plus de son information sur les résultats de la vérification, il lui accorde un délai
raisonnable pour formuler sa réponse.

c- Ouverture d'un délai de réponse

Le législateur tunisien a suit son homologue français concernant le délai de réponse


accordé au contribuable. En effet, en droit Tunisien comme en droit français, le contribuable
doit parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente (30) jours à compter
de la notification. Pendant ce délai, l'administration ne peut mettre en redressement les
impositions supplémentaires envisagées.

A l'issue du délai de trente (30) jours, le contribuable peut s'abstenir de répondre ou


bien il fait parvenir au vérificateur sa réponse. Le contribuable peut, pour répondre à cette
notification, se faire assister d'un conseil; cette information figure d'ailleurs sur la notification
de redressement.

56
Voir articles L57, L76 du LPF

42
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
La réponse du contribuable présente plusieurs situations : il peut accepter totalement
ou partiellement les redressements envisagés. L'accord total sera matérialisé par la signature
des déclarations rectificatives ou d'une reconnaissance des dettes, ce qui met fin ainsi au
contrôle fiscal. Il en va de même pour les redressements acceptés partiellement.

La loi de finances pour la gestion 2007 est venue renforcer davantage les droits des
contribuables, à travers l’obligation qui sera faite à l’administration de répondre par écrit, à
toute contestation des conclusions du redressement fiscal formulée conformément aux
dispositions de l’article 44 du CDPF.

En effet, l’administration est tenue, aux termes des articles 57 et 58 de la loi de


finances pour la gestion 2007, de répondre par écrit et de justifier sa position en cas de refus
partiel ou total des arguments présentés par le contribuable.

De plus, le contribuable dispose d’un délai de 15 jours à compter de la date de la


notification de la réponse de l’administration pour formuler ses observations, oppositions et
réserves relatives aux résultats de la vérification.

B- L'aboutissement des procédures de redressements : L'A. T. O.

La taxation d'office est établie au moyen d'un arrêté motivé du ministre des finances
ou de la personne déléguée à cet effet par le ministre des finances. L'ATO est un acte formel
qui doit contenir certaines mentions obligatoires, sur la base des résultats de la vérification et
la réponse du contribuable si elle existe, qui sont de nature à permettre au contribuable taxé
d'office de préparer sa défense en connaissance de cause. Sur ce point, i] y a lieu de citer
l'article 50 du CDPF qui prévoit que l' ATO doit comporter les indications suivantes :

 Le service de l'administration fiscale ayant procédé à la vérification;


 La méthode d'imposition retenue;
 Les fondements juridiques de l' ATO ;
 Les noms, prénoms et grades des agents vérificateurs;
 La date du commencement de la vérification approfondie et la date de son
achèvement ainsi que le lieu de son déroulement;
 Les impôts et taxes concernés par la vérification fiscale;

43
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
 Les périodes objet de la vérification;
 Le montant de l'impôt exigible et des pénalités y afférentes ou les rectifications
apportées au crédit d'impôt, au report déficitaire ou aux amortissements
régulièrement différés ;
 La recette des finances auprès de laquelle seront constatées les sommes
exigibles;
 L'information du contribuable de son droit de s'opposer à l'ATO devant le
tribunal de première instance territorialement compétent et le délai imparti
pour cette action;
 L'information du contribuable de la possibilité de suspendre d'exécution de
l'ATO en application de l'Article 52 du CDPF.

En partant du principe de respect des droits de la défense, l' ATO doit, nécessairement,
indiquer toutes les données sur les étapes du contrôle fiscal, l'objet de la vérification, la durée
de la vérification, les redressements apportés ainsi que les pénalités y afférentes. Ajoutons que
le respect des droits de la défense et par suite la régularité de l'ATO dépend en premier lieu de
la motivation de ce dernier. Certes, seule la motivation suffisante est de nature à mettre le
contribuable à même de présenter sa défense dans les meilleures conditions.

La motivation suffisante concerne aussi bien la détermination de la base imposable


que les sanctions administratives contenues dans l'acte de taxation d'office. Ces sanctions
consistent en des intérêts ou des indemnités de retard qui, d'après le conseil d'Etat français,
«en raison de leur mode de calcul tendent seulement à réparer le préjudice du versement de
l'impôt éludé »57.

Par ailleurs, il y a lieu de préciser qu'il n'est pas possible à l'administration fiscale de
changer les bases d'imposition qui ont été discutées avec le contribuable dans le cadre de la
procédure de redressement contradictoire. Une fois établi, l'ATO doit être notifié au
contribuable conformément aux formalités citées par l'article 10 du CDPF. Ainsi, le
contribuable taxé d'office est dans une situation juridique précaire. En effet, il ne peut obtenir
la décharge ou la réduction de l'impôt qu'en apportant la preuve, soit des ressources réelles,
soit de l'exagération de son imposition; ce qui implique un renversement de la charge de la
preuve à l'encontre du contribuable taxé d'office. De même faut-il signaler que la seule
solution pour le contribuable ayant reçu un ATO est le recours à la justice au cas où il juge
57
CE, req. N°30825, 26 juillet 1982, RJF 10/82 p 452

44
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
que les motifs sur lesquels l'administration s'est basée pour le taxer d'office ne sont pas
probants ?

Conclusion de la première partie

Tout au long de cette partie, on a mis en relief les garanties du contribuable en matière
de vérification approfondie qui se trouvent renforcer par la possibilité du dialogue. En effet,
l’information du contribuable de l’intention de l’administration de procéder à une vérification
approfondie, en lui accordant un délai raisonnable pour se préparer avec son conseil pour
défendre son dossier en plus de sa participation dans toutes les étapes du contrôle et la
discussion de ses résultats, nous amène à conclure que le législateur tunisien, par le biais du
CDPF a essayé de renforcer les garanties du contribuable vérifié tout en gardant le pouvoir
exorbitant de l’administration fiscal dans le but d’améliorer la relation entre les deux parties
et à établir l’équilibre entre elles dans un cadre légal bien spécifique.

Toute fois, cette réalité se trouve justifié par le soucis du législateur tunisien de
renforcer les procédures du dialogue qui se nouent entre le fisc et les contribuables dans le
cadre de la vérification approfondie en vue de confirmer ou infirmer les soupçons issus d’un

45
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
simple examen sur pièces.

PARTIE II

LES GARANTIES EN MATIÈRE DE


CONTENTIEUX FISCAL

46
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008

Introduction de la deuxième partie

Le contentieux fiscal peut être défini comme étant «l’ensemble des voies de droit au
moyen desquels sont réglés les litiges nés de l’application, par l’administration fiscale, de la
loi d’impôt. En effet, le régime du contentieux fiscal mis en place par le législateur fixe les
procédures de contestation et les moyens d’action en cas de litige entre l’administration et le
contribuable. Ces litiges naissent à l’occasion des opérations de contrôle de la bonne
application de la législation fiscale.

En matière de contentieux de l’assiette d’impôt, une garantie essentielle pour le


contribuable est instaurée par le CDPF. Il s’agit du double degré de juridiction. En effet,
l’arrêté de taxation d’office peut faire l’objet du recours devant le tribunal de première
instance territorialement compétent ; les décisions de ce dernier sont susceptibles d’appel
devant la cour d’appel. Les pourvois en cassation sont aussi requis (chapitre 1).

47
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
De plus, le CDPF est venu consolider la politique répressive évoquant l’idée de la non-
conformité des contribuables à leurs obligations fiscales qui constitue un fléau contre lequel il
faut lutter. Une fourchette des sanctions fiscales pénales est ainsi prévue. En revanche, le
législateur n’a pas placé la partie offensée, à savoir l’administration fiscale, dans la même
situation des victimes des infractions de droit commun. Un particularisme relatif à la matière
fiscale, consistant en l’égalité des parties, est à relever aussi bien au niveau de la constatation
des infraction fiscales pénales, la mise en mouvement de l’action publique, la transaction en
matière des infractions fiscales pénales qu’au niveau de l’extinction de l’action publique. Il
s’agit ici des procédures de contentieux fiscal pénal et des garanties du contribuable y
afférentes (chapitre 2).

Chapitre 1 : Le contentieux de l'assiette de l'impôt

Le contentieux fiscal présente plusieurs intérêts aussi bien pour le contribuable


que pour l'administration. Ceux-ci ont été précisés dans les termes suivants :
« Beaucoup plus que tout autre type de litiges, le contentieux fiscal est celui qui
engage le plus des intérêts financiers considérables. De sa bonne démarche dépend la
crédibilité de l'Etat et l'acceptation de l'impôt. Le civisme fiscal ne peut être réclamé
par l'Etat que dans la mesure où celui-ci organise le contentieux fiscal de manière à
rassurer le contribuable contre les abus éventuels et la lourdeur excessive de l'appareil
juridictionnel. L'Etat doit garantir aussi l'exécution loyale des décisions d'une justice
fiscale réellement indépendante et techniquement compétente 58 ».

Quel que soit le mode ou la nature de L’opération de contrôle fiscal donnant lieu
58
N. Baccouche, droit fiscal, TI, ENA 1993, p 175

48
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
à l'établissement de l'arrêté de taxation d'office, le contribuable dispose d'un droit
fondamental consistant dans le droit au recours juridictionnel à l'encontre des arrêtés
de taxation d'office pris par l'administration fiscale.

En matière de contentieux de l'assiette, le CDPF compte au moins deux grandes


innovations. La première consiste dans le fait qu'il a introduit le double degré de
juridiction; en effet, l'arrêté de taxation d'office peut faire l'objet d'un recours devant le
tribunal de première instance, les jugements de ce dernier sont aussi susceptibles
d'appel devant la cour d'appel. La seconde innovation consiste dans le fait que le code
a attribué la compétence en matière d'assiette de l'impôt, de pénalité et de restitution
de l'impôt payé en trop aux autorités d'ordre judiciaire et ce aussi bien au niveau de
premier qu'au niveau du second degré de juridiction. Il y a lieu de traiter
successivement dans ce chapitre :
 Les procédures de recours devant le tribunal de première instance
(section 1) ;
 Les procédures de recours devant la cour d'appel (section 2) ;
 Les procédures de recours devant le tribunal administratif (section 3).

Section 1 : Les procédures de recours devant le tribunal de première instance

Les tribunaux de première instance sont compétents pour statuer en premier


ressort sur les recours portant oppositions contre les arrêtés de taxation d'office, les
décisions relatives à la restitution de l'impôt payé en trop et les décisions de retrait du
régime forfaitaire.

L'introduction de la requête d'instance et le déroulement de l'affaire devant le


tribunal de première instance sont en principe soumis aux conditions générales
énoncées par les dispositions du code des procédures civiles et commerciales 59.
Cependant étant donné le particularisme de la matière fiscale, le CDPF a énoncé des
conditions particulières60. Il est important de traiter ces règles aussi bien au niveau de
l'introduction du recours devant le tribunal de première instance qu'au niveau de la
phase juridictionnelle.

59
Articles de 68 à 129 du code des PCC
60
Article de 54 à 66 du CDPF

49
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Paragraphe 1 : L'introduction de la requête introductive devant de tribunal de
première instance :

Le recours portant opposition contre les arrêtés de taxation d'office, les


décisions de l'administration fiscale en matière de restitution de l'impôt payé en trop
et les décisions de retrait du régime forfaitaire doit obéir à une série de règles définies
par le CDPF par référence au code des PCC dont notamment :
1. Le recours est porté devant le tribunal de première instance territorialement
compétent. Il s'agit du tribunal dans la circonscription duquel se trouve le service de
l'administration fiscale chargé du dossier;
2. Le recours doit être présenté par le contribuable lui-même ou par un
mandataire désigné à cet effet conformément à la loi; Il est à noter, qu’en vertu de
l’article premier de la loi n° 11 pour l’année 2006 du 06 Mars 2006 portant
modification à certaines dispositions du code des droits et procédures fiscaux, « les
dispositions de l’article 57 sont abrogées et remplacées comme suit :Article
57( nouveau) « le ministère d’avocat est obligatoire lorsque le montant de la taxation
d’office ou celui relatif à la demande en restitution est supérieur à vingt cinq mille
dinars… »
3. Le recours est formé dans un délai ne dépassant par soixante jours à compter
de la date de la notification de l'arrêté de taxation d'office ou de la décision de retrait
du régime forfaitaire ou de l'expiration du délai imparti pour donner' suite à la
demande de restitution61; le délai pour agir commence à courir le lendemain 62 du jour
de la notification de l'arrêté de taxation d'office ou de la décision de retrait du régime
forfaitaire ou du refus total ou partiel de la demande de restitution des sommes
perçues en trop ou de l'expiration du délai de six mois accordé par le législateur à
l'administration fiscale pour donner suite à cette demande63;
4. le recours est formé au moyen d'une requête écrite qui doit comporter les
mentions prévues par le code des PCC. En application des dispositions du code de
PCC64, la requête introductive d'instance doit contenir :
 Les noms, prénoms, professions, domiciles et qualités des demandeurs;
 Le ministre des Finances en qualité de défendeur et son domicile élu dans

61
Article 55 du CDPF
62
Article 140, paragraphe 1 du COC
63
Article 29 du CDPF
64
Article 70 du code des PCC

50
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
les bureaux de la Direction Générale des Impôts ou toute autre adresse
indiquée sur l'arrêté de taxation d'office, de la décision de retrait de
régime forfaitaire ou du refus de la demande de restitution;
 Les moyens de preuve, les prétentions du demandeur et le fondement
Juridique sur lequel repose la demande;
 Le tribunal qui doit connaître de cette demande;
 L'an, le mois, le jour et l'heure de la comparution;
 L'invitation de l’assigner à présenter ses conclusions en réponse
accompagnées de moyens de preuve à l'audience fixée pour l'affaire, et
que faute de ce faire le tribunal poursuit l'examen de l'affaire au vu du
dossier.

Il est à noter que si le code des PCC a fixé le délai d'ajournement, dans le cas
où le défendeur est l'Etat à une période qui ne peut être inférieure à soixante jours 65.
L'article 59 du CDPF a fixé un délai qui ne peut être inférieur à trente jours à compter
de la date de la signification à l'administration d'une copie de la requête introductive
d'instance. En présence de ces deux dispositions, il y a lieu d'appliquer la disposition
spéciale exprimée par l'article 59 du CDPF 66. L'inobservation des règles de formes
relatives à la requête introductive d'instance entraîne l'application de la nullité
énoncée par l'article 71 du code des PCC qui prévoit expressément : « Est nulle la
requête,
 en cas d'erreur ou de lacune dans l'indication des noms et prénoms du
défendeur, du tribunal saisi, de la date de l'audience ou de l'inobservation
du délai d'ajournement;
 en cas d'inobservation de l'avis prévu par l'alinéa 2 de l'article 70 ou en
cas de non signification d'une copie des moyens de preuve au défendeur ».

La nullité est relative, elle est couverte par la comparution du défendeur dans le
cas où l'irrégularité porte sur les mentions obligatoires, et par la présentation des
conclusions en réponse dans la mesure où l'irrégularité concerne l'invitation de
l'assigné de présenter ses conclusions ou la non signification d'une copie des moyens
de preuve au défendeur.

65
Article 70, paragraphe 3 du code des PCC
66
Article 540 du COC : les lois restrictives est celle qui font exception aux lois générales ou à autre loi ne
doivent pas être étendues au-delà du temps et des cas qu’elles expriment.

51
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Cette nullité est d'ordre public et elle est soulevée d'office par le tribunal dans le
cas où l'assignation est nulle et que le défendeur ou son avocat ne comparaissent pas
ou ne présentent pas les conclusions en réponse selon les cas67.

5. Le tribunal de première instance est saisi par requête écrite présentée par le
contribuable lui- même ou par un mandataire désigné à cet effet conformément à la
loi.
6. Une copie de la requête accompagnée des pièces justificatives est assignée
aux services de l'administration fiscale. Cette copie doit être adressée au nom du
Ministre des Finances élisant domicile dans les bureaux de la Direction générale des
Impôts ou toute autre adresse indiquée sur la lettre de notification de l'arrêté de
taxation d'office ou de la réponse de l'administration contenant le refus de restitution.
L'assignation doit avoir lieu par l'intermédiaire d'un huissier notaire68.
7. Le contribuable ou son mandataire doit, sept jours avant la date de
l'audience, présenter au greffe du tribunal l'original de la requête, dont copie a été
signifiée au défendeur, accompagnée des moyens de preuve, d'un bordereau en deux
exemplaires comportant l'indication des pièces produites.
8. Le greffier signe le bordereau et en remet un exemplaire au contribuable ou
à son mandataire pour prouver sa réception de ces pièces.
9. Le greffier procède à l'inscription de la requête sur le registre ad-hoc puis la
porte sur le rôle de l'audience fixée dans l'assignation. Il remet ensuite le dossier au
président à la fin de désignation d'un juge rapporteur.
10. L’administration doit notifier au contribuable ou à son mandataire une copie de ses
conclusions en réponse ainsi que des copies de ses pièces justificatives. Il est à noter que
l'administration est représentée par ses agents habilités à cet effet sans pouvoir spécial 69 et que
les significations relatives au recours sont notifiées au contribuable par l'intermédiaire des
agents de l'administration fiscale, des officiers des services financiers ou par des huissier
notaires70.
11. Le recours porté devant le tribunal de première instance n'est pas soumis à la
condition du paiement du montant de l'impôt ou des pénalités figurant dans l'arrêté de la
taxation d'office.

67
Article 71, paragraphe 4 et 5 du code des PCC
68
Article 69 du code des PCC
69
Article 57 du CDPF
70
Article 58 du CDPF

52
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Paragraphe 2 : le déroulement de la procédure :

Le contentieux de l'assiette de l'impôt présente une originalité principale, il est


constitué de deux phases juridictionnelles, la première présente le caractère de la
conciliation, la seconde présente le caractère juridictionnel proprement dit.

A- La phase judiciaire de conciliation :

Avant d'entamer la phase juridictionnelle proprement dite, il est prévu une phase
judiciaire de conciliation. Le président du tribunal de première instance remet l'affaire à
un juge rapporteur qui « fait de son mieux pour rapprocher les points de vue de
l'administration et du contribuable »71.

Le juge rapporteur fixe le nombre de séances, il joue le rôle de conciliateur 72; les
pouvoirs dont il use ne sont pas définis avec précision, néanmoins il doit agir dans !e
respect du principe de la neutralité énoncé par l'article 12 du code des PCC.

Durant l'audience de conciliation, le contribuable peut agir par lui-même, il peut


se faire assister par une personne de son choix, comme il peut se faire représenter par
un mandataire conformément à la loi73.

La conciliation nécessite la présence aussi bien du contribuable ou de son


représentant que du représentant de l'administration fiscale; dans le cas où l'une des
deux parties est absente, le juge ajourne l'audience une seule fois 74. En conséquence,
en cas d'absence une seconde fois, le juge rapporteur décide d'arrêter la phase de
conciliation à ce niveau.

Dans tous les cas, la phase de la conciliation ne peut dépasser la période de


quatre vingt dix jours; celle-ci commence à courir à compter de la date de la première
audience de conciliation75.

Dans le cas où le contribuable et l'administration arrivent à un arrangement, le


juge rapporteur leur fixe un délai pour le concrétiser par la signature d'un procès-
71
Article 60 du CDPF
72
Le rôle de conciliation attribué au juge n’est pas nouveau, l’article 32 du code du statut personnel prévoit la
tentative de conciliation.
73
Article 60, paragraphe 2 du CDPF
74
Article 60, paragraphe 3 du CDPF
75
Article 61 du CDPF

53
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
verbal de conciliation76.

En conséquence, la signature du procès-verbal ne peut pas intervenir pendant


l'audience au cours de la quelle l'arrangement est intervenu, elle doit intervenir
ultérieurement entre les parties.

Pour permettre aux deux parties, avant de signer l'arrangement, de se renseigner


sur son fondement juridique, le projet a prévu de leur accorder un délai pour
l'intervention de la signature77.

Il est à préciser à cet égard que cet arrangement, même s'il est intervenu
pendant l'audience, a été signé par deux parties ayant qualité et de ce fait il ne peut
être que valable; d'autant plus que l'octroi de ce délai par le juge ne semble pas être
que nécessaire, les discussions entre les parties et l'échange des moyens de preuves se
font sous le contrôle du juge rapporteur, ce dernier consigne dans son rapport tous les
arrangements présentés par les deux parties sur un ou plusieurs éléments; Cet
arrangement sera pris en considération par le juge rapporteur et par les juges auront à
rendre la décision.

La présentation ou juge rapporteur par le contribuable ou par l'administration de


tout document pouvant justifier la concrétisation, lui permet de classer l'affaire.

Que la phase de conciliation s'achève par l'établissement d'un arrangement ou


par un échec d'y aboutir, le juge rapporteur est tenu d'établir un rapport détaillé
décrivant ses travaux et comportant les résultats auxquels il est parvenu. Ce rapport est
remis ou président du tribunal de première instance.

B- La phase juridictionnelle proprement dite :

Après l'écoulement de la période de conciliation et la constatation de l'échec des


parties à parvenir à un arrangement, ou en cas d'absence de l'une ou des deux parties à
la première et à la seconde audience, le dossier comportant le rapport établi par le juge
rapporteur est transmis ou président du tribunal de première instance.

Le président du tribunal de première instance ouvre les débats par l'exposé des
76
Article 60, paragraphe 4 du CDPF
77
JORT, discussions de la chambre des députés n°39 du 26 juillet 2000, op.cit.p.1932

54
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
conclusions des parties, il les dirige et il les déclare clos lorsque le tribunal s'estime
suffisamment éclairé78. Le juge est tenu par les conclusions des parties mois non
toujours pas leurs prétentions.

L'article 46 du CDPF permet, toutefois, à l'administration fiscale de procéder à


une réduction ou à un rehaussement des résultats de la vérification fiscale, et ce, pour
réparer les erreurs matérielles relatives à l'imposition ou lorsqu'elle dispose de
renseignements touchant à l'assiette ou à la liquidation de l'impôt et dont elle n'a pas
eu connaissance précédemment.

La demande de réduction et de rehaussement des résultats de la vérification


fiscale est présentée au tribunal de première instance tant qu'un jugement la
concernant n'est pas prononcé.

Le rehaussement des résultats de la vérification fiscale s'effectue, après le


prononcé du jugement de première instance, par arrêté de taxation d'office tout en
observant les procédures prévues dans ce cadre79.

Le juge doit exercer son contrôle sur l'ensemble des pièces du dossier et
examiner en principe lui-même les documents et pièces justificatives présentées par
les deux parties à savoir le contribuable et l'administration fiscale.

Le recours à l'expertise n'était pas obligatoire avant l'entrée en vigueur du CDPF.


Toutefois, cette mesure d'instruction est devenue obligatoire dans les cas prévus par la
loi, la juridiction doit, dans ces cas, désigner des experts.

En matière de droits d'enregistrement et de timbres, le tribunal peut, soit à la


demande des parties ou de l'une d'elle soit à son initiative, ordonner, chaque fois où il
le juge nécessaire et avant dire droit. Qu’il soit procédé à une expertise sur les points
déterminés par sa décision80. Ainsi et à titre d'exemple, le juge peut désigner un expert
pour déterminer si la comptabilité est établie conformément à la législation en vigueur
ou encore pour déterminer les indices de production dans un domaine précis.

Toutefois, dans les litiges relatifs aux droits d'enregistrement ou à l'impôt sur le
78
Article 114 du code des PCC
79
Cette procédure est prévue par les articles 43 et 44 du CDPF
80
A. Yaich, Norme d’expertise comptable judiciaire, les nouvelles presses, Tunis, 1986, p 182

55
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
revenu au titre de la plus-value immobilière, il est fait obligation au tribunal
d'ordonner d'office une expertise pour évaluer la valeur vénale des immeubles, des
droits et des fonds de commerce81. La désignation de l'expert et l'exécution de sa
mission doivent répondre aux conditions et règles énoncées par le code des PCC 82.

Etant donné que l'Etat est partie au litige, l'article 102 du code des PCC impose
le recours à trois experts à moins que les parties se consentent à ce qu'il y soit procédé
par un seul expert. Le choix des experts revient en principe aux parties; cependant, en
cas de défaut d'entente sur ce choix, il revient au juge de les désigner lui-même.

La décision ordonnant l'expertise doit fixer avec précision, d'un côté, la mission
des experts, d'un autre côté, le montant de la provision à avancer aux expert sur les
frais de l'expertise et la désignation de la partie qui est tenue à cette obligation et.
Enfin, le délai dans lequel les experts sont tenus de déposer leurs rapports, le dépôt
doit intervenir dans un délai ne dépassant pas les trois mois. Cependant, ce délai peut
être prorogé une seule fois à la double condition que la prorogation ne dépasse pas
trois autres mois et qu'elle soit accordée par une décision motivée sur la demande
expresse des experts83.

Les experts peuvent refuser d'accepter la mission qui leur a été confiée et ce
dans les cinq jours qui suivent la réception de la mission. Dans ce cas, le tribunal
désigne un ou autres à leur place et peuvent aussi faire l'objet d'une récusation.

L'expertise se déroule en présence des parties ou en leur absence dans la


mesure où elles ont été dûment invitées par lettre recommandée avec accusé de
réception. La mission d'expertise doit faire l'objet d'un rapport écrit et détaillé qui
mentionne notamment la présence ou l'absence des parties, qui reproduit leurs
déclarations dûment signées par elles et qui indique avec précision et motivation son
point de vue technique.

Les experts rédigent un rapport comportant l'avis motivé de chacun d'eux;


cependant, en cas de désaccord chacun d'eux doit dresser un rapport comportant son
avis. Les rapports et tous les documents et pièces qui lui ont été remis doivent être

81
Article 62 du CDPF
82
Articles de 101 à 113 du code des PCC
83
Article 103 du code des PCC

56
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
déposés au greffe du tribunal. L'expert doit informer les parties qu'il a déposé son
rapport.

Le tribunal n'est pas obligé de suivre l'avis des experts. Il exerce un contrôle sur
l'opinion de l'expert et, à ce titre, il est en droit, compte tenu de tous les éléments de
l'instruction et notamment des constatations matérielles de l'expert, de conclure, par
exemple, que la comptabilité présentée ne pouvait être regardée comme probante,
alors même que l'expert a estimé que les livres comptables présentés ont un caractère
incontestable de sincérité.

Si l'administration doit apporter la preuve des éléments sur lesquels elle a fondé
l'imposition, le contribuable doit apporter la preuve de la sincérité de ses déclarations
et de ses ressources réelles ou du caractère exagéré de son imposition 84.

Les moyens de preuve admis en matière fiscale sont l'aveu de la partie, la preuve
littérale ou écrite, la présomption ; en revanche les moyens exclus sont la preuve
testimoniale, le serment et le refus de le prêter 85.

Les jugements sont rendus par trois magistrats à la majorité des voix. Le
président recueille les avis en commençant par le juge le moins ancien, il donne avis le
dernier. S'il se forme plus de deux opinions, le juge le moins ancien est tenu de se
rallier à l'une des deux opinions émises par ses collègues 86. Dans le cas où le tribunal
introduit des modifications qui nécessitent une nouvelle liquidation pour la
détermination du montant des impôts à payer par le contribuable ou à restituer par
l'administration, il peut, pour l'établissement de ce montant, se faire assister par
l'administration fiscale ou encore désigner, à cet effet, un expert dans la cas où le
contribuable le demande.

Une fois la décision rendue, en pratique et en matière de droit commun, une


expédition du jugement est adressée à la recette des finances pour enregistrement. La
partie la plus diligente procède au paiement des droits d'enregistrement, ce qui lui
permet d'obtenir la grosse qui constitue la copie officielle du jugement auprès du
tribunal. Le jugement est notifié par la partie la plus diligente à l'autre partie. Cette

84
Article 65 du CDPF
85
Article 64 du CDPF et article 427 du COC
86
Article 120 du code de PCC

57
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
notification fait courir le délai pendant lequel, chacune des parties, peut interjeter
appel. Le secrétariat est assuré par le tribunal et le dossier n'est pas transmis à
l'administration fiscale.

Section 2 : La procédure devant la cour d'appel

Les jugements du tribunal de première instance rendus dans les recours portant
opposition contre les arrêtés de taxation d'office, les décisions de retrait du régime
forfaitaire ou les décisions de restitution de l'impôt, sont susceptibles d'appel devant la
cour d'appel territorialement compétente dans un délai de trente jours à compter de la
date de la signification du jugement87.

L'appel est interjeté au moyen d'une requête écrite rédigée par l'appelant ou par
un mandataire désigné à cet effet conformément à la loi. Le ministère d'avocat n'est
pas obligatoire88.; Il est à lieu de noter qu’en vertu de l’article 2 de la loi n° 11 pour
l’année 2006 du 06 Mars 2006 portant modification à certaines dispositions du code
des droits et procédures fiscaux : «Est ajouté à l’article 67 du code des droits et
procédures fiscaux , un paragraphe 3 nouveau comme suit: « le ministère d’avocat
est obligatoire lorsque le montant de la taxation d’office ou celui relatif à la demande
en restitution est supérieur à vingt cinq mille dinars… »

L'appel peut être interjeté par le contribuable ou l'administration fiscale 89.

L'appel interjeté contre les jugements de première instance rendus dans les
recours relatifs à la taxation d'office n'est pas suspensif de l'exécution de ces
jugements. Cependant, dans le cas où le juge a annulé totalement ou partiellement
l'arrêté de taxation d'office, les sommes recouvrées dans le cadre de l'exécution de cet
arrêté90, ne peuvent être restituées qu'en vertu de jugements passés en la force de la
chose jugée91.

La procédure devant la cour d'appel doit se dérouler conformément aux règles

87
Article 67, paragraphe 1 du CDPF
88
Article 67, paragraphe 2 du CDPF
89
Article 1 de la loi n°88-13 du 7 Mars 1988 relative à la représentation de l’Etat, des établissements à caractère
administratif et des entreprises soumises à la tutelle de l’Etat devant les tribunaux.
90
Il s’agit de 20% des montants de l’impôt fixé dans l’arrêté de taxation d’office ou le montant total de l’impôt
en principal et des pénalités administratives en matière de retenue à la source prévus par l’article 52 du CDPF.
91
Article 67, paragraphe 3 du CDPF

58
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
générales énoncées par le code des PCC 92 et aux règles particulières énoncées par le
CDPF93.

L'acte d'appel est déposé au greffe de la cour d'appel accompagné de la


justification du paiement des droits d'enregistrement et de la consignation de
l'amende94, faute de quoi, le greffier ne doit pas l'accepter 95. L'amende doit être
consignée par l'appelant auprès de la recette, son montant est fixé à 20 Dinars, elle est
supportée par l'appelant qui succombe96.

Le greffier de la cour d'appel inscrit la requête sur le registre ad-hoc, et délivre un


récépissé à l'appelant. Il doit aviser immédiatement le greffe du tribunal de première
instance et lui demande l'envoi du dossier de l'affaire.

Le dossier est transmis, dès l'arrivé au greffe, au président; ce dernier désigne le


conseiller ou le juge qui aura à faire un rapport, le cas échéant. Le président peut
notifier les ajournements et les significations relatives à l'affaire par un agent de la
justice ou de l'autorité administrative ou par lettre recommandée ou par huissier -
notaire97. La convocation à l'audience de l'appelant doit lui parvenir au moins trente
jours avant la date de l'audience.

L'appelant doit assigner l'adversaire à l'audience dans un délai minimum de 20


jours avant l'audience98. Du côté du contribuable, l'assignation doit être faite par
huissier- notaire; du côté de l'administration, e\le peut être faite par ses agents ou par
des officiers des services financiers ou par des huissiers- notaires. L'assignation doit
être accompagnée d'une copie de la requête d'appel ainsi que d'une copie du mémoire
des moyens d'appel.

L'appelant doit déposer au greffe du tribunal l'acte d'assignation et le mémoire


ainsi qu'une expédition du jugement attaqué, des preuves à l'appui et d'un bordereau en
deux exemplaires comportant l'indication des pièces produites. Il est à préciser que
l'acte d'assignation doit particulièrement mentionner que l'adversaire doit au plus tard
92
Articles de 130 à 155 du code des PCC
93
Articles de 56 à 58 et 63 du CDPF
94
H. Chati, les droits sur requêtes introduites devant les cours d’appel, colloque de 20 Mai 1989, faculté de droit
et sciences politiques de Tunis, 1993, p 31.
95
Article 131 du code des PCC
96
Article 1er du décret n°93-1148 du 2 Mai 1993
97
Article 44 du code des PCC
98
Article 134 du code des PCC

59
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
le jour de l'audience présenter ses moyens de défense. L'acte d'appel est nul en cas
d'erreur ou de lacune dans l'assignation, dans l'indication des noms et prénoms du
défendeur, de la juridiction saisie ou de la date de l'audience, ou en cas d'inobservation
des délais d'ajournement.

Le défendeur doit présenter au greffe de la cour d'appel sa réponse et ses


moyens de défense accompagnés, le cas échéant, des preuves à l'appui et ce, au plus
tard, le jour de l'audience. Dans le cas où le défendeur n'a pas présenté ses moyens de
défense, la cour poursuit l'examen de l'affaire au vu des pièces du dossier. Lorsque
l'administration est défendeur et qu'elle demande, à la première audience, le renvoi de
l'affaire, celle-ci est renvoyée pour un délai de 60 jours au moins.

Le défendeur doit présenter, par écrit, sa réponse et ses moyens de défense,


trois jours avant l'audience à laquelle l'affaire a été renvoyée et ce, en deux
exemplaires dont un est joint au dossier, et l'autre est communiqué à l'appelant.

Le défendeur peut, s'il le demande, bénéficier d'un délai pour présenter sa


réponse. Son mémoire doit alors être présenté en double exemplaires; l'un est joint au
dossier et l'autre est communiqué à l'appelant trois jours avant l'expiration du délai
qui lui est accordé.

Lorsque les parties ont fini d'échanger leurs moyens et conclusions, et que
l'affaire est en état, elle est fixée à l'audience de plaidoirie.

L'appel a pour effet de remettre l'affaire à l'état où elle se trouvait avant le


prononcé du jugement et ce, dans la limite des griefs soulevés dans l'appel.

La demande examinée par les premiers juges ne peut être, en principe,


augmentée ni modifiée en appel, même avec le consentement du défendeur. Toutefois
l'article 46 du CDPF permet à l'administration fiscale de procéder à une réduction ou
à un rehaussement des résultats de la vérification fiscale, et ce, pour réparer les
erreurs matérielles relatives à l'imposition ou lorsqu'elle dispose de renseignements
touchant à l'assiette ou à la liquidation de l'impôt et dont elle n'a pas eu connaissance
précédemment.

La demande de réduction des résultats de la vérification fiscale est présentée à

60
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
la cour d'appel chargée de l'affaire tant qu'une décision définitive la concernant n'est
pas prononcée. Le rehaussement des résultats de la vérification fiscale s'effectue,
après le prononcé du jugement de première instance, par arrêté de taxation d'office
tout en observant les procédures prévues dans ce cadre99.

L'appelant peut modifier la cause de sa demande, si l'objet de celle-ci reste le


même et à condition que la cause nouvelle ne repose pas sur des faits nouveaux, non
soumis au premier juge. Il peut être également soulevé devant la juridiction d'appel
des moyens nouveaux.

Si le jugement attaqué n'a pas statué sur le fond et que la juridiction d'appel
estime qu'il a été mal jugé, elle peut se limiter à infirmer cette décision et renvoyer la
cause devant les premiers juges pour en statuer au fond. Elle peut également statuer
elle-même au fond si l'affaire est en état.

Les arrêts sont rendus par la cour d'appel dans les mêmes conditions qu'en
matière de jugements du tribunal de première instance. Les arrêts des cours d'appel
sont rendus en dernier ressort et ne sont susceptibles que d'un pourvoi en cassation
devant le tribunal administratif.

Section 3 : Le pourvoi en cassation

Les arrêts des cours d'appel se rapportant aux taxations d'office ou relatifs à la
restitution de l'impôt peuvent faire l'objet de pourvoi en cassation devant le tribunal
administratif et ce conformément aux procédures prévues dans ce cadre 100 et qui sont
contenues dans la loi du 1er janvier 1972 telle que modifiée et complétée par la loi
organique n° 88-13 du 7 Mars 1988 relative à la représentation de l'Etat, des
établissements à caractère administratif et des entreprises à la tutelle de l'Etat devant
les tribunaux.

Le tribunal administratif statue par voie de cassation sur les recours intentés
contre les jugements rendus en dernier ressort et relatifs ou contentieux de l'assiette
des impôts et taxes revenant à l'Etat et aux collectivités locales et contre les jugements

99
Cette procédure est prévue par les articles 43 et 44 du CDPF
100
Article 69 du CDPF

61
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
rendus en dernier ressort concernant la restitution des dits impôt et taxes 101 en trop
perçus.

Le recours en cassation n'est pas suspensif 102. Cependant, l'article 71 de ladite


loi, permet au premier président du tribunal administratif d'ordonner, sur demande de
l'auteur du pourvoi, le sursis à l'exécution de l'arrêt attaqué, pour un délai qu'il fixe lui-
même, et ce dans la mesure où il estime que l'exécution risque de créer une situation
irréversible ou entraîne des conséquences difficilement réparables.

Le tribunal administratif ne peut être saisi que pour des moyens de droit qui ont
été préalablement soumis au juge de fond103. La recevabilité de la requête en cassation
est subordonnée à une série de conditions de forme.

L'introduction du recours se fait au moyen d'une requête suivie de la


présentation d'un mémoire ampliatif. Le tribunal administratif rend ses décisions en
cette matière en tant que juge de cassation.

Paragraphe 1 : Les modalités de pourvoi en cassation :

Les conditions de forme exigées pour la recevabilité de la requête de cassation


concernent la qualité et le délai pour agir et le ministère d'avocat.

A- la qualité pour agir :

Le pourvoi en cassation est accordé aux seules personnes qui ont eu la qualité
de partie dans l'instance d'appel dont la décision est attaquée 104. IL s'agit du
contribuable et de l'administration fiscale. Celle-ci ne peut être représentée par le chef
du contentieux de l'Etat, ce dernier n'est pas compétent en ce qui concerne le recours
en cassation en matière fiscale; le Ministre des finances ou la personne déléguée par
lui constitue le seul organe ayant qualité pour introduire le recours en cassation et pour
recevoir les requêtes et mémoires notifiés par le contribuable105.

B- Le délai pour agir :


101
Article 11, paragraphe de la loi du 1er Juin 1972
102
Article 70 de la loi du 1er Juin 1972
103
Article 72 de la loi du 1er Juin 1972
104
Article 70, paragraphe 1 de la loi du 1er juin 1972
105
Article 1er de la loi n°88-13 du 7 Mars 1988 relative à la représentation de l’Etat, des établissements à
caractère administratif et des entreprises à la tutelle de l’Etat devant les tribunaux.

62
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Le recours en cassation doit être porté devant le tribunal administratif dans un
délai d'un mois à compter de la date de signification de la décision attaquée. Le délai
d'un mois est un délai de 30 jours 106. Le jour de la notification n'est pas pris en compte
dans le décompte du délai. Le jour de l'échéance est inclus sauf s'il s'agit d'un jours
férié auquel cas elle est portée au jour suivant.

C- le ministère d’avocat :

Le recours en cassation doit être introduit par le biais d'une demande rédigée par
un avocat auprès de la cour de cassation 107. Une exception à ce principe concerne les
services administratifs représentés par le chef du contentieux de l'Etat ainsi que le
ministère des finances en matière du contentieux fiscal; ceux-ci sont dispensés du
ministère d'avocat devant tous les organes juridictionnels du tribunal administratif 108.

D- l’Introduction du pourvoi et la présentation du mémoire :

Le pourvoi en cassation est introduit au moyen d'une requête qui doit indiquer les
prénoms, noms et domiciles des parties ainsi que l'exposé sommaire des faits de
l'affaire et des moyens invoqués contre l'arrêt attaquer.

La requête présentée par le contribuable doit être obligatoirement signée par un


avocat auprès de la cour de cassation.

L'auteur du pourvoi en cassation doit, à peine de déchéance, déposer au greffe du


tribunal, dans un délai ne dépassant pas soixante jours à partir de la date du dépôt de sa
demande, les documents suivants :

 le procès- verbal de la signification de la décision attaquée si elle a eu lieu;


 une copie de la décision attaquée;
 Un mémoire rédigé par un avocat auprès de la cour de cassation identifiant
et précisant chacun des moyens du recours accompagnés de toutes les
pièces justificatives;
 Les moyens doivent être explicites, détaillés et précis; Le tribunal
administratif peut rejeter les pourvois pour insuffisance de moyens;
106
Article 67 de la loi du 1er juin 1972
107
Article 67 de la loi du 1er juin 1972
108
Article 33 de la loi du 1er juin 1972

63
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
 Une copie du procès- verbal de la signification d'un exemplaire du mémoire
à la partie adverse109.

Il est à préciser que la signification des mémoires ou autres pièces se fait selon
les formes de droit commun suivies par les huissiers- notaires ou selon les formes
prévues par la loi110.

Le tribunal administratif a rejeté le pourvoi pour des motifs de forme chaque fois
où la signification des mémoires par le contribuable n'a pas été faite par un huissier -
notaire111.

La signification doit être adressée par le contribuable au Ministre des finances ou


à son représentant. Le tribunal administratif a rejeté le pourvoi dans la cas où la
signification a été faite au chef du contentieux de l'Etat 112.

L'auteur du pourvoi ne peut développer dans son mémoire que les moyens
évoqués dans sa requête. Les moyens présentés dans la requête mais non repris et
développés dans le mémoire sont considérés comme abandonnés. Les moyens soulevés
pour la première fois dans le mémoire sont rejetés.

Paragraphe 2 : Les moyens de recours en cassation :

Malgré le fait que le CDPF et la loi du 1 er Juin 1972 telle que modifiée et
complétée par la loi organique n° 88-13 du 7 Mars 1988 relative à la représentation
de l'Etat, des établissements à caractère administratif et des entreprises à la tutelle de
l'Etat devant les tribunaux n'ont pas définis les moyens de recours en cassation, la
doctrine et la jurisprudence considèrent que le tribunal administratif ne peut être saisi
que des moyens de droit et qu'il ne peut connaître, en principe, que des seuls moyens
de droit113.

D'un autre côté, la chambre de cassation du tribunal administratif saisie d'un


recours en cassation ne connaître que des seuls moyens préalablement soulevés
devant le juge du fond. Cependant l'auteur du pourvoi peut invoquer devant cette
109
Article 68 de la loi du 1er juin 1972
110
Article 69 de la loi du 1er juin 1972
111
Tribunal administratif, décision de cassation, affaire n°31965 de 2 Mai 2000
112
Tribunal administratif, décision de cassation, affaire n°31972 de 2 Octobre 2000
113
Ben Achour, le droit administratif et la doctrine des audiences administratives en Tunisie, CRS, 1995, p 212

64
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
instance, pour la première fois, des moyens intéressant l'ordre public ou concernant
une irrégularité entachant la décision objet du pourvoi qui ne peut être dévoilée qu’à
la vue de ladite décision.

D'un autre côté, la chambre de cassation peut, à la demande de l'auteur du


pourvoi, contrôler l'existence matérielle des faits sur lesquels s'est fondée la décision
objet du pourvoi et examiner si les juges de fond aient donné à ces faits une
qualification juridique exacte.

Paragraphe 3 : La décision du tribunal administratif :

Le tribunal administratif, statuant en assemblée plénière, rejette ou admet le


recours en cassation.

A- le rejet du recours :

Le rejet du recours peut avoir pour motifs le non respect de l'une des
conditions de forme, c'est le cas notamment de l'introduction de la requête en dehors
du délai, le défaut du dépôt d'une copie de la décision attaquée, le défaut de
notification du mémoire dans les délais.

Le rejet peut trouver ses motifs dans des considérations se rattachant au fond.
La décision attaquée est régulière si elle n’a pas violé la loi, elle ne comporte pas
d’erreur de droit ou de fait, elle est bien fondée.

B- l’admission du recours en cassation

Dans le cas où le tribunal administratif admet le recours, il casse le décision attaquée en tout
ou en partie. La cassation est sans renvoi chaque fois où le tribunal se contente de prononcer
la suppression de la partie cassée du dispositif de la décision alors qu’une telle suppression
dispense d’un nouvel examen ; ou encore dans le cas où la cassation ne laisserait rien à
juger114. La cassation est avec renvoi, dans ce cas, le dossier est renvoyé devant la même
juridiction qui a rendu la décision attaquée qui le réexamine avec une formation différente.

Cependant le tribunal peut renvoyer l’affaire devant une autre juridiction équivalente à celle
qui a rendu la décision cassée, une cour d’appel. La partie la plus diligente inscrit l’affaire
114
Article 75 de la loi du 1er Juin 1972

65
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
devant la juridiction de renvoi qui l’examine selon la procédure qui lui est applicable 115. Dans
le cas où la décision rendue par la juridiction de renvoi ne se conforme pas à ce qu’à décidé le
tribunal administratif et qu’elle ait fait l’objet d’un pourvoi pour les mêmes motifs ayant
entraîné la cassation ou pour tout autre motif, et que le tribunal décide à nouveau de casser la
décision, il statue définitivement au fond.

Chapitre 2 : Le contentieux fiscal pénal

En matière de contentieux fiscal pénal, les infractions et sanctions sont


limitativement énumérées par le CDPF, et ce en matière de :

 Déclaration et paiement des impôts;


 Factures et titres de mouvement;
 Comptabilité et communication des renseignements à l'administration
fiscale;
 Fraudes fiscales;
 Sanctions fiscales pénales diverses.

L'application des dispositions du CDPF relatives à ces sanctions émane de


l'administration fiscale et des juridictions compétentes. Les garanties du contribuable y
afférentes doivent être respectées que ce soit en matière de constatation des infractions
fiscales pénales (section 1), en matière de mise en mouvement de l'action publique
(section 2), en matière de transaction (section 3) ou en matière d'extinction de l'action
publique (section 4). Le recours en justice et le double degré de juridiction est aussi
une garantie en faveur du contribuable (section 5).

Section 1 : La constatation des infractions fiscales pénales


115
Article 73 de la loi du 1er Juin 1972

66
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Les infractions à la législation fiscale punies de sanctions fiscales et de
sanctions applicables à la contrefaçon des timbres, sceaux et marques fiscaux ou à
leur réutilisation, sont constatées par les agents de l'administration fiscale et les autres
agents habilités à verbaliser en matière d'infractions fiscales pénales 116.

Ces agents doivent constater les faits, dont ils ont vérifié l'existence et dont la
recherche et la constatation rentrent dans leur attribution, dans un procès-verbal.

Ce procès-verbal constitue une présomption simple, il fait foi jusqu'à preuve du


contraire117.

Le procès-verbal dûment établi constitue l'acte initial des poursuites pouvant


être valablement engagés à l'encontre du contrevenant; il est transmis au procureur de
la république auprès du tribunal de première instance territorialement compétent. Il
constitue une garantie principale pour le contribuable en matière de limitation du
pouvoir de l'administration et du champ d'application des sanctions fiscales pénales y
afférentes.

Paragraphe 1 : Les conditions d'établissement du procès-verbal :

Les conditions d'établissement des procès-verbaux concernent aussi bien les


personnes habilitées à les établir que les procédures de leur établissement. Ces
conditions constituent des garanties en faveur du contribuable et te 'manquement
entraîne la nullité du procès-verbal et la procédure de poursuite y rattachée.

A- Les personnes habilitées à établir les procès-verbaux :

Les procès-verbaux sont établis en règle générale par les agents de


l'administration fiscale porteurs de leurs cartes professionnelles. Cependant, les
infractions relatives aux impôts et taxes applicables au titre des véhicules de transport
ou au titre de factures peuvent être constatées dans des procès-verbaux établis par les
agents de douanes et les autres agents habilités à verbaliser en matière de circulation,
les agents du contrôle économique, les agents du ministère de transport et ce, dans les
limites de leur compétence. De même, lorsqu'il s'agit d'infractions de contrefaçon des
timbres, sceaux ou marques fiscaux ou de leur réutilisation, les procès-verbaux sont
116
Article 70 du CDPF
117
Article 70 du CDPF

67
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
établis par les officiers de la police judiciaire.

Les agents de l'administration fiscale exercent leur contrôle sur la voie


publique, dans les établissements ouverts au public et en tout autre lieu dont l'accès
leur est légalement permis, alors que le contrôle par les autres agents ne peut avoir
lieu que sur la voie publique.

B- Le contenu du procès-verbal :

Le procès-verbal constatant l'infraction fiscale pénale doit comporter les


indications expressément énumérées par le législateur 118 :

 La date, l'heure et le lieu du procès-verbal;


 La nature de l'infraction commise;
 Les nom, prénom et profession du contrevenant lorsque celui-ci est
une personne physique ou la raison sociale lorsqu'il s'agit d'une
personne morale;
 Les procédures afférentes aux saisies opérées avec description des
documents, marchandises et objets saisis;
 la signature du contrevenant ou de son représentant ayant assisté à
l'établissement du procès-verbal ou la mention, selon le cas, de son
absence ou son refus de signer;
 le cachet du service dont relèvent les agents verbalisateurs et les noms,
prénoms et signatures de ces agents.

Paragraphe 2 : L'inscription des procès-verbaux sur des registres spéciaux :

Les procès-verbaux constatant les infractions fiscales pénales doivent faire


l'objet d'une inscription, dans un ordre numérique ininterrompu, sur des registres
ouverts à cet effet par l'administration fiscale au niveau de chaque centre régional de
contrôle des impôts119.

Le défaut de l'une des mentions que doit comporter le procès-verbal ou son


118
Article 72 du CDPF
119
Article 73 du CDPF

68
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
établissement par un seul agent ou par une personne non compétente constitue une
irrégularité de nature à entraîner sa nullité120.

Le procès-verbal constitue la preuve de l'infraction. Il lie le juge jusqu'à preuve


du contraire. Il peut faire l'objet de preuve du contraire à la charge du contribuable;
cette preuve peut être rapportée par tous moyens121. Le contribuable apportant ladite
preuve aura droit à la nullité de la constatation de l'infraction fiscale pénale et des
sanctions y afférentes.

Section 2 : La mise en mouvement de l'action publique

En matière pénale, le ministère public met en mouvement et exerce l'action


publique tout en respectant les conditions d'application de la loi et d'exécution des
décisions de justice122.

En matière d'infractions fiscales pénales, l'action publique est mise en


mouvement par le Ministre de Finances ou par la personne déléguée par ce dernier, à
cet effet, parmi les personnes ayant la qualité de chef d'administration centrale ou
régionale des impôts. La personne habilitée par le ministre des Finances pour mettre
en mouvement l'action publique transmet les procès-verbaux dûment établis au
procureur de la république auprès du tribunal de première instance compétent123.

Toutefois, dans le cas où il s'agit d'une infraction fiscale pénale passible d'une
peine d'emprisonnement, la mise en mouvement de l'action publique est soumise
obligatoirement à l'avis préalable d'une commission 124, dont La composition, les
attributions et les modalités de fonctionnement sont fixés par le décret n°2001-1721
du 24 Juillet 2001.

Cette commission donne son avis sur les dossiers relatifs aux infractions
fiscales pénales passibles d'une peine corporelle qui lui sont transmis par le directeur
général du contentieux fiscal et ce, notamment en ce qui concerne:

 L'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction;


120
Article 155 du CPP
121
Article 71 du CDPF
122
Article 20 de CPP
123
Voir JORT, discussions du projet du CDPF, p 39, séance de 28 juillet 2000, 194800
124
Article 74 du CDPF

69
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
 La régularité des procédures de constatation de l'infraction;

 L'adéquation de la sanction proposée avec le degré de gravité de


l'infraction commise125.

Les avis de la commission sont émis à la majorité des voix des membres
présents, et en cas de partage, la voix du président est prépondérante. Les travaux de la
commission sont consignés dans des procès-verbaux établis par le rapporteur de la
commission qui est désigné par le directeur général du contrôle fiscal. Les procès-
verbaux, qui doivent être signés par tous les membres présents, sont transmis au
Ministre de Finances ou à la personne déléguée par le ministre de Finances pour mettre
en mouvement l'action publique126.

La mise en mouvement de l'action publique est ainsi subordonnée au respect des


conditions et procédures à la charge de l'administration fiscale vu la gravité de l'atteinte
aux droits du contribuable suite à l'intervention de l'action publique.

Section 3 : La transaction en matière d'infractions fiscale pénales

En matière de droit pénal, à l'exception des cas prévus par la loi, l'action
publique n'est pas subordonnée à l'existence d'une plainte et ne peut être arrêtée ni
suspendue par le retrait de la plainte ou la renonciation à l'action civile. Cependant,
l'action publique s'éteint notamment par la transaction lorsque la loi en dispose
expressément127.

En matière fiscale, le législateur a permis à l'administration fiscale de transiger


pour les infractions fiscale pénales dont la constatation ou la poursuite lui incombe et
ce, tant qu'une décision judiciaire définitive y afférente ne soit pas prononcée.

Par ailleurs, la transaction n'est pas permise pour les infractions prévues par
l'article 102 du CDPF et par les articles 180 et 182 du code pénal 128.

La transaction s'effectue sur la base d'un tarif fixé par arrêté du ministre des

125
Article premier de décret n°2001-1721 du 24 juillet 2001
126
Article 6 de décret n°2001-1721 du 24 juillet 2001
127
Article 3 et 4 du code pénal
128
Article 78 du CDPF

70
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Finances et ce, après la régularisation par le contrevenant de sa situation fiscale 129. La
transaction entraîne la prescription de la poursuite des infractions fiscales et
l'extinction de l'action publique. Ces effets sont des garanties en faveur du
contribuable vue qu'ils constituent des renonciations de la part de l'administration
issues de la nature juridique de la transaction. Cependant, une divergence des points
de vue sur cette nature juridique est à noter.

Paragraphe 1 : les effets de la transaction :

La transaction a pour effet essentiellement la prescription des poursuites des


infractions fiscales pénales et l'extinction de l'action publique. L'extinction de l'action
publique se manifeste par le fait que le ministre des Finances perd le droit de mettre
en mouvement l'action publique. Le ministère public perd ainsi le droit d'exercer
l'action publique, le juge ainsi saisi de l'affaire doit être dessaisi et, le cas échéant,
relaxer le prévenu en se basant sur l'extinction de l'action publique.

Ces effets sont en général au profit du contribuable, seulement la transaction


n'éteint l'action publique qu'à l'égard des infractions fiscales pénales reconnues dans
l'acte transactionnel. De plus, la transaction ne profite pas aux tiers qu'il s'agisse de
coauteur ou complice à l'infraction ou de toute autre personne en rapport à la
transaction.

Paragraphe 2 : La nature juridique de la transaction :

La transaction est définie comme un contrat par lequel les parties terminent ou
préviennent une contestation moyennant la renonciation de chacune d'elle à une
partie de ses prétentions réciproques, ou la cession qu'elle fait d'une valeur ou d'un
droit à l'autre partie130.

Sur le plan doctrinal, une divergence entre les points de vue des auteurs est à
noter en droit comparé et notamment le droit français. Pour certains auteurs, la
transaction est un contrat qui obéit à la définition de l'article 2044 du code civil
français tant en ce qui concerne sa conclusion que son exécution 131. Pour d'autres, la

129
Article 79 du CDPF
130
Article 1458 du COC
131
Ben et Tremeau, le droit douanier, librairie générale de droit et de jurisprudence, 1975, p.453

71
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
transaction est une sanction privée infligée par l'administration et librement
acceptée132. Ce point de vue a été fortement critiquée du fait que cette interprétation
ne tient pas compte de l'effet essentiel de la transaction à savoir, empêcher
l'application des sanctions pénales à l'encontre du délinquant en contrepartie d'une
indemnisation totale ou partielle de I'administration 133. Ainsi, la transaction est
considérée comme une renonciation monnayée à l'action publique par
l'administration. La solution contractuelle ne semble pas évidente; en effet, selon les
termes de l'article 1459 du COC, la transaction suppose une renonciation de chacune
de deux parties, ce qui n'est pas le cas en matière fiscale où la renonciation n'est que
du coté de l'administration qui renonce aux poursuites alors que le contribuable ne
renonce à rien. Il est ainsi profitable même en acceptant de payer une indemnisation
qui peut être égale, inférieure ou même supérieure à l'amende prévue.

En revanche, le principe selon lequel la transaction lie les deux parties, de


manière à ce que ni l'administration ni le contribuable ne peuvent y renoncer sauf
en cas d'inexécution, n'a pas été toujours suivi par l'administration; celle-ci a
considéré qu'elle n'est pas liée par la transaction. Ainsi dans le cadre d'une
transaction intervenue en matière de réglementation de changes, le ministère de
Finances a considéré que la transaction est un acte administratif émanant du
ministre de Finances pouvant faire l'objet d'une renonciation. De son coté, le
tribunal administratif saisi de cette affaire a rejeté l'action pour excès de pouvoir
pour incompétence134.

Section 4 : L’extinction de l'action publique

Si le principe fondamental de la transaction en matière d'infractions fiscales


pénales suppose que l'administration abandonne l'action publique, il est essentiel de
voir les justifications et les conséquences de cette extinction.

En effet, la transaction évite la lenteur de la justice, elle permet à


l'administration d'acquitter le plutôt possible les fonds lui revenant, et au contribuable
de s'acquitter d'une dette certaine quant à sa réalisation et probable quand à son
montant; ainsi le contribuable résout définitivement et rapidement une difficulté qui
132
Boitard, la transaction pénale en droit français, RSC, 1941, p.162
133
R.Gassin, encyclopédie Dallaz, transaction, p.8
134
Tribunal administratif, affaire n°163 du 15 décembre 1984

72
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
risque de fausser son activité et ses projets. Elle permet ainsi au contrevenant d'éviter
la mise en mouvement de l'action publique pouvant donner lieu à l'application d'une
sanction pénale qui peut arriver même à une peine privative de liberté.

Cependant, ces justifications ne sont pas cohérentes avec certains principes


généraux de droit. En premier lieu, la transaction porte atteinte à l'autorité judiciaire
et au principe de séparation des pouvoirs. En effet, l'intervention de l'administration
pour mettre fin à la mise en mouvement de l'action publique constitue une atteinte à
la mission et aux pouvoirs du juge. L'administration est ainsi juge et partie: elle
établit le procès-verbal, elle met ou non en mouvement l'action publique, elle
transige ou non avec le contrevenant. On revient ainsi aux larges pouvoirs de
l'administration qui sont en contradiction avec l'idée de protection du contribuable
contre l'arbitraire des agents de l'administration.

En second lieu, la transaction peut aller à l'encontre du principe de l'égalité


des contribuables devant la loi. En effet, l'administration a considéré que son pouvoir
en matière de transaction et d'extinction de l'action publique est discrétionnaire, elle
peut accepter de transiger avec un contribuable et refuser la transaction avec un
autre. Une telle liberté a fait naître des cas où l'administration a refusé de transiger
avec certains contrevenants sans aucune motivation alors qu'elle a accepté de
transiger dans des conditions similaires. Saisi de cette affaire, le Tribunal
administratif a décidé de son incompétence135.

Le principe de l'égalité des administrés a cédé dans la mesure où le dispositif


d'incitation repose sur la discrimination entre les administrés permettant ainsi à
certains auteurs d'infractions fiscales pénales, et ayant les moyens de payer le montant
de la transaction, d'échapper de toute condamnation judiciaire alors que d'autres, qui
n'ont pas les moyens financiers pour transiger avec l'administration, seront poursuivis
par le juge et peuvent être condamnés même à un emprisonnement.

Il est aussi à noter que l'action publique s'éteint aussi par d'autres moyens, il n'y
a pas que la transaction :

 La prescription : l'action publique relative aux infractions fiscales


135
Tribunal administratif, affaire n°1122 du 06 juillet 1995, décisions du tribunal administratif 1985/1986/1987.
JORT, p.116

73
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
pénales se prescrit après 3 ans à compter de la date de l'infraction. La
prescription est interrompue par la notification du procès-verbal qui
constate l'infraction fiscale pénale;
 La mort du contrevenant;
 L'amnistie;
 L'abrogation de la loi pénale;
 La chose jugée.

Section 5 : La phase juridictionnelle du contentieux fiscal pénal

En matière du contentieux fiscal pénal, le CDPF prévoit le recours devant les


tribunaux de première instance, en premier ressort, sur toutes les affaires relatives aux
infractions fiscales pénales prévues par le dit code 136. Le recours à la juridiction
d'appel et le pourvoi en cassation sont aussi reconnus.

Paragraphe 1 : Les procédures devant le tribunal de première instance :

Les tribunaux de première instance sont compétents pour statuer en premier


ressort, sur toutes les affaires en matière de contentieux fiscal pénal. L'action publique
est exercée par le ministère public représenté par le procureur de la république auprès
du tribunal de première instance compétent.

Cependant, les agents de l'administration publique peuvent suivre devant les


tribunaux, sans pouvoir spécial, les affaires pénales dépendants des services fiscaux
dont ils relèvent. A cet effet, ils peuvent être informés sur le sort des affaires enrôlées
devant les tribunaux compétents et soutenir les actions des procureurs de la république
et des avocats généraux prés des cours d'appel.

Paragraphe 2 : Les procédures devant la cour d’appel :

Les cours d'appel statuent sur les appels aux jugements rendues par les
tribunaux de première instance et relatifs aux infractions fiscales pénales. L'appel peut
être interjeté par le procureur de la république, par le prévenu condamné pour le délit
commis et la partie civilement responsable, ou par les avocats généraux prés les cours

136
Article 77 du CDPF

74
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
d'appel137.

L'appel est interjeté au greffe du tribunal qui a rendu le jugement, soit par
déclaration verbale dont il est dressé acte séance tenante, soit par déclaration écrite 138.
Si l'appelant est détenu, l'appel est reçu par le surveillent chef de la prison qui le
communique, sans délai, au greffe du tribunal. Dans ce cas, l'appelant est
immédiatement, par ordre du procureur de la république, transféré dans la maison de
dépôt du siège de la juridiction d'appel.

L'appel doit être interjeté dans un délai de

 10 jours à compter du prononcé du jugement contradictoire. Le


jugement est réputé contradictoire si le prévenu est touché
personnellement sans comparution à la date fixée139 ;

 10 jours à compter de l'expiration du délai d'opposition si le jugement


ont été rendus par défaut. En effet, le jugement est réputé par défaut si
le prévenu non comparant a été régulièrement cité quoique non touché
personnellement140. Dans ce cas, la signification du jugement par
défaut est faite par le greffier du tribunal qui a rendu le jugement;

 10 jours à compter de la signification du jugement rendu par itératif


défaut (cas de refus de l'opposition par exemple) ;
 10 jours à compter de la signification du jugement réputé
contradictoire;
 60 jours à compter de la date du prononcé du jugement pour l'appel
interjeté par les avocats généraux prés les cours d'appel. Dans ce cas,
ils doivent notifier leurs recours dans le dit délai au prévenu et aux
personnes civilement responsables.

Le recours à l'appel suspend l'exécution du jugement de première instance si


l'appelant n'est pas détenu141. Toutefois, l'exécution du jugement de première instance

137
Article 210 du CPP
138
Article 212 du CPP
139
Article 213 du CPP
140
Article 175 du CPP
141
Article 214 du CPP

75
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
n'est pas suspendue dans les cas suivant :

 si le recours en appel est intervenu hors délai;


 si l'appelant est détenu : dans ce cas, le mandat de dépôt conserve son
effet jusqu'à l'expiration de la peine prononcé en premier ressort ou la
décision de la juridiction d'appel lorsque l'appel est interjeté par le
ministre public.

Paragraphe 3 : Le pourvoi en cassation

Les décisions rendues sur le fond et en dernier ressort, même exécutées,


peuvent faire objet de pourvoi en cassation pour incompétence, excès de pouvoir,
violation ou fausse application de la loi. Les recours en cassation contre les arrêts des
cours d'appel peut être effectué par le condamné, le procureur de la république, les
avocats généraux prés les cours d'appel, ou le procureur général prés la cour de
cassation agissant sur ordre du ministre de la justice.

Le pourvoi en cassation est formé par une requête écrite et déposée,


personnellement ou par avocat, au greffe de la cour de cassation 142. Le greffier doit
l'aviser, y mentionner la date de réception et l'inscrire immédiatement au registre. Il en
délivre reçu portant la date de réception et en avise sans délai le défendeur au pourvoi.
Si l'auteur du pourvoi est détenu, le pourvoi est reçu par le surveillant chef de la prison
qui le transmet sans délai au greffe de la cour de cassation.

Le pourvoi en cassation doit être formé dans un délai de 10 jours à compter de


la décision contradictoire, la signification de la décision réputée contradictoire,
l'expiration du délai d'opposition si la décision est rendue par défaut ou par itératif
défaut143. Ce délai est porté à 60 jours à compter de la date de prononcé de la décision
si l'auteur du pourvoi en cassation est le procureur général prés la cour de cassation
sous la condition de notification de son recours dans le dit délai au prévenu.

La cour de cassation siège et statue en chambre de conseil 144. Les avocats


peuvent être autorisés à se présenter à l'audience pour plaider, s'ils ont demandé par
écrit et ils ne peuvent plaider que sur les moyens présentés par écrit. La cour statue
142
Article 261 du CPP
143
Article 262 du CPP
144
Article 267 du CPP

76
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
après délibéré dans les limites des moyens soulevés sauf si l'objet de la condamnation
est indivisible145.

La cour casse la décision attaquée en tout ou partie et renvoie à la juridiction


du fond pour nouvel examen dans la limite des dispositions cassées. Toutefois, elle
peut casser sans renvoi quand le tranchement de la disposition cassée dispense d’un
nouvel examen ou que la cassation ne laisse rien à juger.

La cour d'appel de renvoi est appelée à se conformer à la décision de la cour de


cassation. A défaut et lorsqu'un deuxième pourvoi en cassation soulevant les mêmes
moyens est formé, la cour de cassation (toutes les chambres réunies) tranche le conflit
et l'arrêt ainsi rendu s'impose à la juridiction de second renvoi 146. Le jugement est
ainsi définitif.

145
Article 269 du CPP
146
Article 274 du CPP

77
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008

Conclusion de la deuxième partie

En matière du contentieux de l’assiette de l’impôt, le CDPF a compté deux


innovations essentielles :

 L’introduction du double degré de juridiction ;


 L’attribution de compétence en matière de l’assiette de l’impôt, de
pénalités et de restitution de l’impôt payé en trop aux autorités
d’ordre judiciaire.

Le CDPF est venu aussi statuer le cadre juridique dans le quel seront réaliser
les opérations de recours devant le tribunal de première instance, devant la cour
d’appel ou encore devant le tribunal administratif.

Le contentieux fiscal pénal est aussi d'une importance particulière puisque ce


sont les intérêts de l'Etat et de la société qui sont lésés; l'application des dispositions
légales relatives aux infractions et sanctions fiscales pénales émane de l'administration
fiscale et des juridictions compétences.

La constatation des infractions fiscales pénales est attribuée aux agents de


l'administration fiscale et aux autres agents habilités à verbaliser en matière
d'infractions fiscales pénales qui doivent respecter les règles prévues par les articles 70
à 73 du CDPF en la matière. Le législateur a permis aussi à l'administration fiscale
d'engager pénalement le contribuable devant le tribunal compétent, la mise en

Le législateur tunisien a reconnu à l'administration fiscale et au contribuable un


droit fondamental pour régler tout litige en matière fiscale. Ce droit consiste dans le
recours juridictionnel. Seulement le législateur ne s'est pas réellement préoccupé

78
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
suffisamment des droits des contribuables.

Le témoignage de l'importance des dispositions consacrées par les articles 53 à


108 du CDPF au contentieux fiscal permet de relever le déploiement d'une panoplie
des mesures correctives et dissuasives pour régler les litiges fiscaux.

Il est aussi remarquable que l'organisation du contentieux de l'imposition n'est


pas pour autant normalisé. Son apparente simplicité cache mal l'absence des qualités
essentielles d'une réforme qui sont l'unité et la clarté. Ceci revient aux motivations des
pouvoirs publiques lors de la préparation du projet du CDPF, que certains
préoccupations ne constituent qu'un leitmotiv pressant dû à la constatation de la
diminution des recettes de l'Etat et l'augmentation de ses dépenses, l'urgence
d'améliorer le rendement du système fiscal et la réconciliation du contribuable avec la
fiscalité. C'est donc que dans un esprit de rentabilisation assez prosaïque que semble
avoir été conçue cette réforme du contentieux fiscal.

A ces limites s'ajoute l'incompétence générale des juges en matière fiscale et ce


malgré les efforts des pouvoir publics tendant à la formalisation de magistrats
spécialisés en matière fiscale.

79
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008

Conclusion générale

Dans nos développement précédents, nous avons pu montré l’effort de législateur


tunisien, à travers le CDPF, de matérialiser « le souci d’équilibre entre les intérêts des
contribuables et l’intérêt général »147, ce qui se traduit parfaitement par le renforcement du
caractère contradictoire de la vérification.

A cet égard, le progrès réalisé par le CDPF est notable. On a présenté tout au long de
cette étude les différentes garanties en matière de contrôle fiscal, notamment au niveau de la
phase de la vérification approfondie : la législation de l’obligation d’information préalable, de
la possibilité de se faire assister par un conseil, du principe d’interdiction de la vérification de
second degré…

D’autre part, le CDPF a aussi pour apport fondamental l’introduction du double degré
de juridiction, ce qui permet au contribuable plus de justice et d’équité face aux impositions
unilatéralement arrêtées par l’administration fiscale. En matière de sanctions fiscales
administratives et pénales, le législateur a fait recours au principe de rattachement des
sanctions fiscales au degré de gravité de l’infraction commise et son redoublement ou non, et
ce en subordonnant les procédures de constatation et poursuites des infractions fiscales
pénales aux conditions légales en la matière. Le législateur a d’ailleurs donné à
l’administration fiscale le droit de transiger avec le contrevenant dans le but d’alléger sa
charge fiscale et permettre le recouvrement des fonds publics plus aisément.

Néanmoins, l’apport du CDPF ne doit pas être exagéré. Ses dispositions, en matière de
vérification, ne présentent pas une nouveauté, il s’agit, en fait, d’une législation des mesures
déjà prévues par la charte du contribuable148. Les nouveautés de CDPF, en terme de garanties,

147
Mr l’ancien ministre des finances T.BACCAR, le code des droits et procédures fiscaux. L’accomplissement
d’une reforme, l’économiste maghrébin n°267 du 16 août 2000 p 18

80
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
sont jugées insuffisantes dans la mesure où le silence règne toujours sur des problèmes
sérieux touchant directement à l’effectivité du dialogue.

Ceci étant, on peut dire que le progrès réalisé par le CDPF est insuffisant pour
réconcilier les contribuables avec l’administration fiscale « …dans le cadre d’un mariage non
d’amour mais de raison »149.

De même, il est à noter, que la principale lacune de système réside à notre avis dans
le déséquilibre entre le caractère exécutoire de l’arrêté de taxation d’office et les jugements
rendus en la matière par les tribunaux. De plus, le droit de restitution d’impôt en trop perçu
ne peut être mis en œuvre que par un jugement ayant acquis l’autorité de la chose jugée,
chose qui peut durer plusieurs années par là une faillite éventuelle du contribuable réclamant
un droit à la restitution.

148
Ceci est avoué par le ministre des finances lui-même. Dans son article précité le ministre a déclaré qu’
« niveau du contrôle fiscal, les garanties portent essentiellement sur …. La consécration au niveau de la loi des
mesures prévues par la charte de contribuable. » L’économiste maghrébin précité p 18 et 19.
149
L’expression de Monsieur Papon, citée par CH.LOUIT, les relations entre l’administration fiscale et le
contribuable : tentative de réconciliation d’un couple désuni, Mélange KAYSER, 1979, p 197

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Renforcement des garanties IEDF
2006-2008

TABLE DES MATIÈRE

Introduction générale...............................................................................................................1
PARTIE I : Les garanties en matière de vérification............................................4
Introduction à la première partie............................................................................................5
Chapitre 1 : Le droit du contribuable vérifié à l’information préalable............................6
Section 1 : L’avis de vérification, une formalité obligatoire.........................................6
Paragraphe 1 : La législation de l’obligation.............................................................6
Paragraphe 2 : La délimitation de domaine de l’obligation.....................................7
A- Une obligation concernant la vérification approfondie....................................7
B- Une obligation ne concernant que la vérification approfondie........................8
a- la distinction avec la vérification préliminaire...............................................8
b- La distinction de la vérification approfondie du droit de communication. 9
Section 2 : L’avis de vérification : une formalité fondamentale.................................11
Paragraphe 1 : les conditions de régularité de l’avis de vérification.....................11
A- Le contenu de l’avis de vérification..................................................................11
a- Le service chargé de la vérificationcachet et les agents de vérifications. . .11
b- L’assistance fiscale.........................................................................................12
c- Les impôts concernés par la vérification......................................................14
d- La période concernée par la vérification......................................................16
e- La date du commencement de la vérification :............................................17
B- La notification de l’avis de vérification :.........................................................17
a- La date de la notification :.............................................................................17
b- Les modalités de la notification :...................................................................19
c- Le destinataire de la notification :.................................................................19
Paragraphe 2 : La sanction de l’irrégularité de l’avis de vérification...................20
A- La nullité de l’avis entaché d’une irrégularité................................................20
a- La notion d’irrégularité.................................................................................21
b- La mise en œuvre de la nullité.......................................................................21
B- Les correctifs de la nullité.................................................................................22
a- L’anesthésie des irrégularités de la vérification..........................................22
b- La régularisation de la vérification...............................................................23
Chapitre 2 : Le droit de contribuable vérifié à la contradiction........................................25
Section 1 : Le caractère contradictoire de la vérification...........................................25
Paragraphe 1 : Le débat oral et contradictoire........................................................25
A- La vérification sur place....................................................................................26
B- La vérification dans les bureaux de l’administration.....................................27
a- Les conditions de forme.................................................................................27
b- Les conditions de fond....................................................................................30
C- L'objet d'un débat oral et contradictoire........................................................30
a- La définition de l'objet du débat oral et contradictoire..............................30

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Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
b- La preuve de l'objet du débat oral et contradictoire..................................31
Paragraphe 2 : Le débat formel imposé par l'administration fiscale....................32
A- La nécessité de conditionner le recours aux demandes d'éclaircissements et
de justifications........................................................................................................32
a- Le silence quant aux conditions de fond.......................................................33
b- Le silence quant aux conditions de forme....................................................33
B- Le régime de réponse du contribuable.............................................................34
a- Le maintien des délais brefs de réponse.......................................................34
b- Le silence sur les conséquences de défaut ou d'insuffisance de réponse.. .35
Section 2 : Les procédures de redressement sont, en principe, contradictoire.........36
Paragraphe 1 : Les conditions d'application des procédures de redressement....37
A/ Champ d'application de la procédure de redressement contradictoire........37
a- Une déclaration insuffisante..........................................................................38
b- Une déclaration inexacte................................................................................38
B/ Les cas d'ouverture de la procédure de redressement unilatérale................38
Paragraphe 2 : garanties du contribuable liées aux procédures de redressement40
A/ L'information sur les résultats de la vérification............................................41
a- La notification des résultats.........................................................................41
b- La motivation des résultats............................................................................42
c- Ouverture d'un délai de réponse...................................................................43
B/ L'aboutissement des procédures de redressements : L'A. T. O.....................44
Conclusion de la première partie...........................................................................................46
PARTIE II : Les garanties en matière de contentieux fiscal............................47
Introduction à la deuxième partie.........................................................................................48
Chapitre 1 : Le contentieux de l'assiette de l'impôt.............................................................49
Section 1 : Les procédures de recours devant le tribunal de première instance.......50
Paragraphe 1 : L'introduction de la requête introductive devant de tribunal de
première instance :......................................................................................................50
Paragraphe 2 : le déroulement de la procédure :.....................................................53
A- La phase judiciaire de conciliation :................................................................53
B- La phase juridictionnelle proprement dite :....................................................55
Section 2 : La procédure devant la cour d'appel.........................................................58
Section 3 : Le pourvoi en cassation...............................................................................62
Paragraphe 1 : Les modalités de pourvoi en cassation :.........................................63
A- la qualité pour agir :..........................................................................................63
B- Le délai pour agir :............................................................................................63
C- le ministère d’avocat :.......................................................................................63
D- l’Introduction du pourvoi et la présentation du mémoire :...........................64
Paragraphe 2 : Les moyens de recours en cassation :.............................................65
Paragraphe 3 : La décision du tribunal administratif :..........................................65
A- le rejet du recours :............................................................................................66
B- l’admission du recours en cassation.................................................................66
Chapitre 2 : Le contentieux fiscal pénal...............................................................................67
Section 1 : La constatation des infractions fiscales pénales........................................67
Paragraphe 1 : Les conditions d'établissement du procès-verbal :........................68
A- Les personnes habilitées à établir les procès-verbaux :.................................68
B- Le contenu du procès-verbal :..........................................................................69
Paragraphe 2 : L'inscription des procès-verbaux sur des registres spéciaux :.....69

83
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008
Section 2 : La mise en mouvement de l'action publique..............................................70
Section 3 : La transaction en matière d'infractions fiscale pénales............................71
Paragraphe 1 : les effets de la transaction :..............................................................72
Paragraphe 2 : La nature juridique de la transaction :..........................................72
Section 4 :l'extinction de l'action publique...................................................................73
Section 5 : La phase juridictionnelle du contentieux fiscal pénal...............................75
Paragraphe 1 : les procédures devant le tribunal de première instance :.............75
Paragraphe 2 : les procédures devant la cour d’appel :..........................................75
Paragraphe 3 : Le pourvoi en cassation....................................................................77
Conclusion de la deuxième partie..........................................................................................79
Conclusion générale................................................................................................................81

84
Renforcement des garanties IEDF
2006-2008

SOMMAIRE

Introduction générale...............................................................................................................1
PARTIE I : Les garanties administratives.................................................................4
Introduction de la première partie..........................................................................................5
Chapitre 1 : Le droit du contribuable vérifié à l’information préalable.....................................6
Section 2 : L’avis de vérification : une formalité fondamentale.......................................11
Chapitre 2 : Le droit de contribuable vérifié à la contradiction........................................25
Section 1 : Le caractère contradictoire de la vérification.................................................25
Section 2 : Les procédures de redressement sont, en principe, contradictoires................36
Conclusion de la première partie...........................................................................................46
PARTIE II : Les garanties au niveau du contentieux fiscal..............................47
Introduction de la deuxième partie.......................................................................................48
Chapitre 1 : Le contentieux de l'assiette de l'impôt.............................................................49
Section 1 : Les procédures de recours devant le tribunal de première instance...............50
Section 2 : La procédure devant la cour d'appel...............................................................58
Section 3 : Le pourvoi en cassation..................................................................................62
Chapitre 2 : Le contentieux fiscal pénal...............................................................................67
Section 1 : La constatation des infractions fiscales pénales.............................................67
Section 2 : La mise en mouvement de l'action publique...................................................70
Section 3 : La transaction en matière d'infractions fiscale pénales...................................71
Section 4 : L 'extinction de l'action publique....................................................................73
Section 5 : La phase juridictionnelle du contentieux fiscal pénal.....................................75
Conclusion de la deuxième partie..........................................................................................79
Conclusion générale................................................................................................................81

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