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ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL
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Mémorandum d’accord, à l’art. 22 (1).
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Économiste au Centre d’Etudes prospectives et d'Informations internationales (CEPII)
En outre, il faut relever que le principal cycle de négociations de l’OMC, à savoir le cycle
de Doha, a été un échec. Il est par conséquent difficile de légitimer une institution dont l’un
des buts majeurs a été mis en échec voilà quelques années. C’est ainsi l’ensemble de la
structure de l’OMC qui a du mal à tenir debout.
Par ailleurs, la règle de l’unanimité et du consensus dans la prise des décisions au sein de
l’OMC a contribué au fil du temps à paralyser son fonctionnement. Pour mémoire, les Etats-
Unis utilisent cette « arme » pour bloquer le renouvellement des juges à l’organe d’appel qui
n’exerce plus ses activités depuis décembre 2009, ce qui remet en cause sa capacité à faire
appliquer les règles de l’organisation10.
A côté de ces causes intrinsèques justifiant la remise en cause des règles du commerce
international par les Etats africains en particulier, nous pouvons également relever quelques
facteurs explicatifs extrinsèques.
Les normes du commerce international ont été principalement établies par les pays
développés durant la dernière série de négociations commerciales (cycle d’Uruguay). Elles
correspondent surtout aux intérêts de ces pays. Pendant le cycle d’Uruguay qui a pris fin en
1994, un grand nombre de pays en développement n’ont pas eu les moyens d’envoyer des
négociateurs les représenter ou se sont surtout intéressés à des questions qui les préoccupaient
davantage à cette époque, telles que les subventions agricoles qu’accordent les pays du Nord.
Bon nombre de ces pays ne font toujours pas partie des institutions internationales qui fixent
les normes applicables dans ce domaine et ne disposent pas non plus des fonds, de la main-
d’œuvre ni de l’infrastructure nécessaires pour se conformer aux normes adoptées.
Selon Mme Simonetta Zarrilli de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement, bien qu’il faille des mesures sanitaires et phytosanitaires pour protéger les
consommateurs, les retombées bénéfiques de la libéralisation des échanges dans le secteur
agricole qu’a permise le cycle d’Uruguay « risquent d’être compromises par le recours à des
fins protectionnistes de mesures sanitaires et phytosanitaires »11.
A titre d’illustration, on dénombre de nombreux exemples de mesures sanitaires et
phytosanitaires permises par les règles du commerce international ayant servi à limiter
l’entrée de marchandises africaines sur les marchés étrangers. A la fin des années 90, les pays
européens ont interdit les poissons en provenance du Kenya, du Mozambique, de l’Ouganda
et de la Tanzanie en raison de doutes quant aux normes sanitaires de ces pays et à leurs
systèmes de réglementation. L’Ouganda a ainsi enregistré un manque à gagner de 36,9
10
La situation actuelle est que des 7 juges, il n’en reste plus qu’un, le Chinois Hong Zhao, dont le mandat
arrivera à échéance à la fin de l’année. Pour juger un différend, il faut 3 juges, or il n’y en a plus qu'un de
disponible. La paralysie vient donc du fait que les USA s’opposent au renouvellement des juges et qu’il n’y a pas
assez de juges actuellement pour régler les différends.
11
https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/january-2006/de-nouveaux-obstacles-au-commerce-de-l
%E2%80%99afrique
millions de dollars. En Tanzanie, où les poissons et les produits dérivés représentaient 10 %
des exportations annuelles, les pêcheurs tributaires des ventes à l’Union européenne ont perdu
80 % de leurs revenus, d’après la Banque mondiale12. Cette situation révélatrice des
distorsions des règles du commerce international au niveau de l’esprit desdites règles nous
amène à souscrire à l’assertion de M. Trevor Manuel, Ministre des finances de l’Afrique du
Sud selon laquelle : « Le problème n’est pas que le commerce international aille
fondamentalement à l’encontre des besoins et des intérêts des pays pauvres, mais que les
règles qui le régissent soient faussées en faveur des pays riches ». Hormis le caractère
déséquilibré des règles du commerce international expliquant leur remise en cause, celle-ci se
justifie également par le mythe de l’échange libre et sans entrave.
14
https://www.oecd.org/fr/echanges/sujets/accords-commerciaux-regionaux/
15
Cet accord a été adopté le 21 mars 2018 et est entré en vigueur le 30 mai 2019. La date de la dernière signature
étant le 05 février 2021.
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Dans un rapport publié au mois de janvier 2014, l’organisation non gouvernementale Oxfam indique que les
inégalités économiques s’amplifient rapidement dans la plupart des pays. D’un côté, 85 personnes, les plus
riches de la planète. De l’autre, 3,5 milliards d’individus, les plus pauvres. Les premiers possèdent autant que les
seconds réunis. Près de la moitié des richesses mondiales est concentrée entre les mains des 1 % les plus riches,
tandis que 99 % de la population mondiale se partagent l’autre moitié. Sept personnes sur dix vivent dans un
pays au sein duquel les inégalités se sont creusées au cours de ces trente dernières années. Cf. Didier Billion,
« Grandeur et misère des mouvements de contestation de la mondialisation libérale »in Revue internationale et
stratégique 2014/1 (n° 93), pages 49 à 52.
exemple) ou encore des émeutes contre la vie chère en Afrique subsaharienne (émeutes de la
faim au Cameroun).
L’ensemble de ces formes de contestation indique la recherche de nouvelles voies au
modèle de développement économique dominant. Le mouvement de contestation de la
mondialisation stigmatise l'approche libérale et le pouvoir des multinationales et défend des
dossiers spécifiques : protection de l'environnement et de la biodiversité, défense des droits de
l'homme, lutte contre le blanchiment d'argent, remise de la dette des pays pauvres, etc. Au
sein de ce mouvement à travers le monde, on retrouve des universitaires, des auteurs, des
étudiants, des parlementaires, des journalistes, des associations nationales et internationales,
des mouvements de jeunes, des syndicats professionnels, et bien d'autres participants. Cette
pluralité d’acteurs de la remise en cause des règles du commerce international démontrent à
suffisance l’impérieuse nécessité de proposer des solutions qui permettront une régulation
plus efficace et efficiente du commerce international.
17
https://www.open-diplomacy.eu/blog/grand-entretien-durant-commerce-juste
contournement au multilatéralisme classique. Selon Isabelle Durant, « Ce multilatéralisme
croisé produit des résultats intéressants, souples et concrets, et peut nourrir des formes plus
classiques de multilatéralisme »18.
S’il reste beaucoup à faire en matière de lutte contre l’évasion fiscale, les paradis fiscaux,
la critique est cependant nécessaire autant que la lucidité sur les faiblesses du système
multilatéral de ce début de XXIe siècle, mais attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du
bain. En attendant que l’OMC ne refonde ses règles, ce qui existe au niveau multilatéral
pourrait atténuer les distorsions observées dans la mise en œuvre des règles du commerce
international. Des solutions au niveau régional et sous régional peuvent également être
envisagées.
18
Isabelle Durant est Secrétaire générale adjointe de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le
développement - CNUCED.
19
Cf. Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED),2009.
20
Cf. CNUCED 2009.
21
La CEEAC est la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale. La CEMAC quant à elle est la
communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale.
22
Désiré Avom, Gislain Stéphane Gandjon Fankem ; « Qualité du cadre juridique, corruption et commerce
international : le cas de la CEMAC » ; in Revue d'économie politique 2014/1 (Vol. 124), pages 101 à 128.
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Selon l’analyse un diplomate, familier des projets de coopération et de développement sur le continent.
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Le traité instaurant la Zone de libre-échange continentale fixe un cap. L’objectif est de porter le commerce
intra-africain à 60% d’ici une quinzaine d’années au lieu de 16% aujourd’hui. Et pour y parvenir, il est prévu la
suppression progressive de 85% à 90% des tarifs douaniers sur les biens et les services.
Conclusion
Les règles actuelles gouvernant les rapports commerciaux internationaux sont loin de
promouvoir un commerce équitable, encore moins un commerce juste entre les différents
acteurs de ce secteur névralgique des économies des nations. Un bon diagnostic sur les causes
permet de comprendre les réelles raisons pour lesquelles l’institution en charge de réguler les
échanges commerciaux internationaux est grippée dans son fonctionnement entrainant de ce
fait la naissance non seulement d’une règlementation spontanée desdits échanges, mais
également une contestation évolutive de l’idéologie sous tendant ces échanges. Une thérapie
pour remédier à la situation doit être administrée aussi bien au cadre institutionnel qu’aux
différents acteurs du commerce international. La paix et la stabilité mondiale en sont
largement tributaires.
Bibliographie
- Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
(CNUCED),2009.
- Désiré Avom, Gislain Stéphane Gandjon Fankem ; « Qualité du cadre juridique,
corruption et commerce international : le cas de la CEMAC », in Revue d'économie
politique 2014/1 (Vol. 124), pages 101 à 128.
- Didier Billion, « Grandeur et misère des mouvements de contestation de la
mondialisation libérale », in Revue internationale et stratégique 2014/1 (n° 93), pages
49 à 52.
- https://www.jeuneafrique.com/mag/1034302/economie/commerce-international-
pourquoi-lafrique-doit-en-finir-avec-la-comedie-de-lechange-libre-et-sans-entraves/
- https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cause/13860
- https://www.oecd.org/fr/echanges/sujets/accords-commerciaux-regionaux/
- https://www.open-diplomacy.eu/blog/grand-entretien-durant-commerce-juste
- https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/january-2006/de-nouveaux-obstacles-
au-commerce-de-l%E2%80%99afrique
- https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/january-2006/de-nouveaux-obstacles-
au-commerce-de-l%E2%80%99afrique
- Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des
différends, Annexe 2 de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du
commerce, (article 3 (7).
- MOCQUART (Carine), « Problems of Commercial Compensations and Withdrawals
of Concession in the WTO Dispute Settlement System », [2003)], 1, R.D.A.I., pp. 39-
59 (spéc. p.39) ; cité par BURDA (Julien), « L'efficacité du mécanisme de règlement
des différends de L'OMC : vers une meilleure prévisibilité du système commercial
multilatéral », (2005), 18.2, Revue québécoise de droit international, pp.1-37(spéc.
p.26).
- NGONDJE SONGUE Emma, Les implications juridiques de la participation des Etats
de la CEMAC à l’OMC, Thèse de doctorat en droit public, Université Douala, 2020,
344 p.
- NGUYEN (Ngoc Ha), L’intervention des tierces parties dans le règlement des
différends à l’OMC, Thèse de doctorat en droit public, Université Aix Marseille, 2015,
372 p. (spéc. pp.343 et suivants).
- WT/DSB/M/260, note 1667, para. 18.