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La lex mercatoria : un cadre juridique adapté aux joints ventures

“Did you ever expect a corporation to have a conscience, when it has no soul to be damned and no
body to be kicked?”

Lord Chancellor Thurlow qui prononce cette phrase à la fin du XVIIIème siècle. Et cette prise de
conscience au prélude de la première révolution industrielle annonce bien ce sera un problème
juridique majeur dans l’économie mondialisée. Et si les droits nationaux ont chacun à leurs manières
essayé de trouver comment encadrer les entreprises, la tâche s’avère bien plus ardue pour les firmes
transnationales. Le droit international privé posent des règles assez strictes mais qui peinent à suivre
l’émergence des nouvelles formes de coopération qui passent à travers les mailles du filet. Or
comment résoudre le problème, comment offrir un cadre juridique certain aux derniers rejetons de
la globalisation : les joint-ventures, ces accords passés entre plusieurs entreprises qui acceptent de
poursuivre ensemble un but précis pour une durée plus ou moins longue ? Et pourquoi pas une loi
commune.

Si le terme de lex mercatoria renaît dans les années 50 force est de constater que l’idée elle est
beaucoup plus ancienne. Déjà La Rome antique connaissait des leges mercatoriae (lois des
marchands) sans autre fondement que les usages et les principes. L’Europe du Moyen-âge fonctionne
également de cette manière à travers les guildes et les corporations qui respectent des usages
marchands.

Mais la lex mercatoria moderne va avoir fort à faire si elle veut concilier intérêts économiques,
respect des droits nationaux et respect des droits de l’homme. La nécessité d’un cadre juridique
innovant pour les joint-ventures nous donne l’occasion de montrer en quoi elle peut être une
réponse adaptée aux défis du droit des firmes transnationales.

I La nécessité d’un nouveau cadre juridique pour les joint-ventures

A) La Lex Mercatoria, un ordre international en devenir ?

La lex mercatoria est un ensemble d'usages, de pratiques et de principes que les opérateurs du
commerce international s'efforcent de respecter, une sorte de code de bonne conduite sans passer
par le droit international privé et donc sans désignation de la loi étatique. Dans la majorité des cas,
les arbitres du commerce international sanctionnent ces violations car à défaut, la sentence arbitrale
ne recevra pas l'exequatur indispensable pour l'introduire dans l'État compétent.

Globalement, on trouve à l'intérieur de la lex mercatoria deux grandes catégories de règles. Il s'agit
des « principes fédérateurs », dans un côté, et des « règles spontanées » dans un autre. La première
catégorie embrasse des droits communs des nations et des principes généraux du droit du commerce
international, tandis que la seconde englobe des usages, des montages et des clauses susceptibles
d'être relevés par la jurisprudence arbitrale

Elle sert aujourd’hui essentiellement dans des conflits d'arbitrages internationaux en comparant les
principes du droit d'un État et celui de l'autre, cherchant un consensus; s'il celui-ci n'existe pas, les
parties peuvent, en désignant les principes généraux du droit se soumettre, sauf convention
contraire, aux Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, qui posent des
règles générales.
La lex mercatoria prend de l'ampleur, au bonheur de ses thuriféraires et au grand dam de ses
pourfendeurs. Mais il ne s'agit pas d'un Jus cogens (droit contraignant visant les États et chaque
organisation intergouvernementale), c’est en fait un système de "règles" auxquelles les parties se
soumettent en visant les principes généraux, les usages ou plus directement la lex mercatoria.

Mais son principal problème concerne sa « juridicité ».

Au plan communautaire, la Cour de Justice des Communautés européennes a jugé notamment que
« La connaissance de l'usage doit être appréciée dans le chef des parties originaires de la convention
attributive de juridiction, sans égard pour la nationalité de celles-ci, et elle est établie,
indépendamment de toute forme spécifique de publicité, lorsque dans la branche commerciale dans
laquelle opèrent les parties, un certain comportement est généralement et régulièrement suivi lors
de la conclusion d'un certain type de contrats, de sorte qu'il peut être considéré comme une pratique
consolidée (...) ». La jurisprudence française tend aussi à accepter cette loi internationale notamment
dans l’arrêt Valenciana. Elle rejette le recours en nullité formé contre une sentence arbitrale où
l'arbitre unique, après avoir constaté que les parties n'avaient pas entendu soumettre le contrat
litigieux à une loi étatique avait décidé que le litige serait réglé "selon les seuls usages du commerce
international, autrement dénommés lex mercatoria".

Dans le Préambule des Principes d'UNIDROIT de 1994 il est écrit qu'il existe des règles générales
propres à régir les contrats du commerce international qui s'appliquent lorsque les parties acceptent
d'y soumettre leur contrat. Ils peuvent s'appliquer lorsque les parties acceptent que leur contrat soit
régi par les "Principes généraux du droit", la "lex mercatoria" ou autre formule similaire.

La lex mercatoria constituerait donc une méthode de solution des conflits du commerce international
conçue par la pratique sans qu'il y ait eu lieu de faire référence aux dispositions nationales. Son
existence et son effectivité est discutée en doctrine. Nombre d'auteurs lui reprochent notamment
d'être incomplète et imparfaite, de constituer une organisation sans moyens, notamment l'absence
de coercition et partant, de ne pouvoir disposer de dispositifs aussi efficaces que ceux des États.
Certes. Certes également son contenu semble ne pas faire consensus. Certes parlent des principes,
des règles et des usages tandis que d’autres n’admettent qu’une partie de ces trois termes. La Cour
de Cassation, elle, a préféré sans nommer expressément la lex mercatoria englober la totalité de ces
« règles internationales ». C’était sans doute la décision la plus sage.

Or on refuse aujourd’hui à la lex mercatoria le statut d'ordre juridique, sans doute parce que l'on
pense qu'elle n'est pas un système, ni même un ensemble de règles, mais se compose d'usages
épars. Beaucoup estiment qu'il n'y a pas de societas mercatorum globale et cohérente, ayant des
besoins et des comportements communs qui auraient pu provoquer l'édiction d’une telle loi. Et
pourtant la globalisation financière de la fin du XXème siècle nous prouve le contraire.

Il existe bien un ordre juridique de la lex mercatoria. Bien évidemment cet ordre juridique n'est pas
encore complet, en ce sens que l'on peut rencontrer, dans les relations économiques internationales,
des difficultés dont la solution ne sera pas trouvée dans les règles qui en dépendent.

Sans doute que la lex mercatoria correspond aux besoins et à l'esprit des relations économiques
actuelles

Mais concentrons-nous sur l’intérêt que cette loi internationale marchande pourrait avoir sur les
joints ventures. Il semble inutile de développer la foisonnante littérature économique qui tentent de
faire le bilan de cette forme de coopération internationale. Depuis l’analyse de Franko en 1971
jusqu’aux nombreux articles d’universitaires chinois plus récemment, le bilan est que le joint-venture
malgré ses avantages indiscutables est très difficile à faire durer dans le temps. C’est la raison pour
laquelle les investisseurs préfèrent souvent des formes plus directes pour pénétrer les marchés
étrangers. Or si les raisons économiques de cette fragilité sont nombreuses et souvent intrinsèques à
cette forme de coopération, il est un paramètre que l’on peut améliorer. Le droit applicable aux joint-
ventures peut renforcer la confiance des partenaires et allonger la durée des accords. Ajoutons à cela
que l’utilisation d’usages internationaux peut conduire à responsabiliser les entreprises
multinationales qui se servent parfois de tels accords pour échapper au respect des droits de
l’homme. Aussi il convient de montrer en quoi la lex mercatoria parait la plus adaptée à répondre aux
problèmes posés par les joint-ventures.

B) Le montage de joint-venture, un échec du droit international privé

Le contrat de joint-venture est un contrat de nature international et le choix de la loi est l'un des
problèmes devant être bien discutés entre les partenaires. Il s'agit ici de choisir la loi la plus adaptée
à l'opération de joint-venture, c’est-à-dire la plus avantageuse dans le domaine qui intéresse les
parties. Il n'est pas interdit de choisir une loi tierce, même si elle n'a pas de lien avec le joint-venture.
Le choix présente également l'intérêt d'exclure les changements pouvant affecter le droit national du
pays d'accueil du joint-venture. La neutralité de la loi possède un impact psychologique important
sur les partenaires. L'expérience nous montre que dans la pratique internationale du joint-venture
avec les ex-pays de l'Est ou de joint-venture dont les sociétés membres sont ressortissantes
européennes, la loi neutre la plus choisie est le droit suisse.

Une des solutions pour s’adapter au mieux à cette forme de contrat est le dépeçage. Le « dépeçage »
ou « panachage » désigne l'application de règles de pays différents aux différents éléments d'une
même situation juridique.

Dans le cadre du joint-venture, le problème du dépeçage paraît convenir car chaque accord qui
compose le joint-venture a son existence et son autonomie propres. Il conserve son régime juridique
propre distinct des autres accords. De même, les contrats d'application réalisent un équilibre propre
dans l'opération globale du joint-venture. Aussi la détachabilité de chaque contrat semble évidente.

Le recours, par les joint-ventures, à la technique du dépeçage présente de nombreux avantages,


puisque les engagements contenant dans les contrats d'application sont de nature très diversifiée.
Choisir une loi pour l'ensemble de l'opération n'est pas suffisant pour garantir les droits des
partenaires. À vrai dire, choisir une seule loi paraît inadaptable à une telle opération. C'est par
exemple deux exportateurs créent un joint-venture dans un pays tiers ; elles soumettent l'accord de
base à leur droit et les accords satellites à celui du pays hôte.

Mais, l'exercice du dépeçage du joint-venture n'est pas dépourvu de toute difficulté car même si
chaque contrat d'application dispose de sa propre autonomie, mais il existe un lien interdépendant
entre eux. Notons également que les parties peuvent utiliser un tel dépeçage afin de se soustraire à
des lois contraignantes des pays concernés et pour contourner les droits de l’homme. Alors bien
entendu le droit international privé connaît quelques mécanismes pour empêcher les dérives.

La loi applicable peut être écartée dans la mesure où elle heurte à certaines valeurs fondamentales
de l'ordre public international. Mais il faut noter qu’en matière de contrats internationaux, il est
pratiquement rarissime que l'ordre public ait vocation à jouer. La tendance est d'utiliser la méthode
de la loi de police pour sanctionner une disposition du contrat de joint-venture.

Dans la pratique commerciale internationale, la loi de police constitue un ensemble des règles
susceptibles de contraindre la liberté des opérateurs en raison du mode et de la finalité de leur
intervention. La Convention de Rome de 1980 a restreint la liberté des parties concernant le choix de
la loi applicable. Le choix ne peut pas porter atteinte aux dispositions impératives du pays où sont
localisés tous les éléments du contrat ou avec lequel la situation présente un lien étroit.

Prenons l’exemple du droit du travail pour montrer à quel point le montage de joint-venture peut
échapper aux lois de police. La pratique du joint-venture, montage se trouvant concrètement entre le
contrat et la société, peut exercer une influence sur la situation des salariés affectés à l'entreprise
commune. Les partenaires sont incités à choisir entre un détachement et un transfert de salariés en
fonction de la durée de l'entreprise commune et des tâches auxquelles ceux-ci sont affectés.

Le détachement désigne une situation d'un salarié placé provisoirement au service d'une autre
entreprise; le salarié détaché fait partie des effectifs de l'entreprise d'origine qui peut le rémunérer.
En droit français, le détachement du salarié peut être considéré comme illicite en vertu de l'article
L.125-1 du Code du travail. Considéré comme loi de police, cet article prévoit que « toute opération à
but lucratif de fourniture de main d'œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle
concerne ou d'éluder l'application des dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord
collectif de travail, ou marchandage, est interdite ». La limite de cette interdiction est prévue à
condition que le travail soit temporaire.

Dans le cadre du joint-venture, souvent le contrat prévoit la mise à disposition du personnel vers soit
la société commune, soit une autre société partenaire. Selon une partie de la doctrine, comme le
joint-venture ne se trouve pas dans les catégories des entreprises de travail temporaire spécialisées,
le détachement du personnel peut être interdit au regard de l'article L.125-1 du Code du travail. En
d'autres termes, la mise à disposition du personnel dans le joint-venture est illicite si elle est faite
dans le but lucratif et ce même en cas de contrat de détachement distinct du contrat de joint-
venture. Mais une autre partie de la doctrine soutient que ce qui est important est de savoir si le
détachement est une cause des avantages ou simplement une modalité de mise en œuvre du projet.
Aussi en présence d'un véritable joint-venture, le détachement n'est pas en tant que tel dans le but
lucratif et est licite.

Le problème se trouve également dans le transfert de salariés

En droit interne français, le transfert des salariés est régi par l'article L. 122-12 du Code du travail, qui
prévoit la continuité des contrats de travail entre le nouvel employeur et le personnel de
l'entreprise. Par sa finalité protectrice des salariés, ce texte s'analyse comme une loi de police.

En droit communautaire, on trouve la même exigence dans une directive du 14 février 1977 relative
au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'une entreprise, d'établissement ou de
parties d'établissement. Il faut que deux conditions soient réunies. Premièrement, le transfert doit
porter sur une entité économique autonome et deuxièmement, le transfert de l'entité ne doit pas
porter atteinte à son activité et à son identité.

Le critère de l'autonomie peut être respecté. En revanche, la continuité de l'entreprise ne sera pas
toujours présente dans le joint-venture. En effet, l'unité économique affectée au joint-venture est
souvent rompue du fait de l'intégration des ressources des partenaires ou des nouvelles méthodes,
ou du fait de l'évolution de ses activités. Ainsi le joint-venture pourrait échapper à cette exigence en
raison de sa finalité propre.

Le droit international privé et les règles nationales semblent peu adaptés pour répondre aux
contraintes que la joint-venture introduit. Et c’est pourquoi le recours par les parties, à titre principal
ou additionnel, aux usages, à la lex mercatoria, pourrait être opportun à terme lorsque les parties
soumettent aux arbitres leurs différends pouvant être nés le long de la durée du joint-venture. En
effet, le joint-venture constituerait une conception autonome à l'égard des ordres juridiques
étatiques. Il serait par conséquent plus logique que des règles issues de la pratique, à savoir les
principes de l'arbitrage du commerce international régissent ce montage contractuel.

II La Lex Mercatoria, une réponse adaptée au montage de joint-venture


A) Une lex mercatoria adaptable aux joint-ventures

Au regard de l’analyse précédente, on peut penser que, comme il est conçu dans la pratique du
commerce international, le joint-venture devrait être régi par la lex mercatoria.

La lex mercatoria, on l’a vu est un ensemble de normes spécialement adaptées aux besoins du
commerce international. Il s'agit de principes concernant la sécurité des transactions, la mutabilité de
la convention, la coopération entre des parties et la loyauté des affaires.

Et on a déjà évoqué le sujet, le besoin d’une lex mercatoria s’explique par l'inadaptation des règles
de droits nationaux aux joint-ventures. Mais elle s’impose non pas par défaut mais bien parce qu’elle
constitue une réponse adaptée.

Prenons cette fois l’exemple d’un joint-venture mixte où un des partenaires est l’Etat hôte. Dans un
souci de la neutralité du droit applicable, les partenaires étrangers privés ne voudront pas appliquer
le droit de cet État, surtout dans le cas où le siège de la société commune s'y situe. De ce fait, rien
n'empêche l'État partenaire d'accepter de déroger à des dispositions impératives de sa propre loi, si
celles-ci ne paraissent pas convenir aux caractères particuliers et à l'objectif spécifique de l'entreprise
commune. Ici on peut citer l’exemple de la compagnie pétrolière Unocal qui s’est associée au
gouvernement birman pour la construction d’un pipeline grâce au travail forcé d’individus mis à
disposition par le gouvernement birman.

Néanmoins il est rarissime que l'État accepte d'être lié par le droit d'un autre État. Aussi la seule
solution est de recourir à des principes généraux et des usages du commerce international. Ici la
justification est non seulement humaine mais politique en faveur d’une loi marchande internationale.

Mais puisque le monde financier n’a que faire d’arguments humains, prenons des arguments plus
sociétaux.

On fait face à une difficulté de classification du joint-venture aux catégories traditionnelles de


contrats ou sociétés existants. Dans un grand nombre de joint-ventures, la forme sociale de la
structure de coopération est empruntée à un droit national, mais la mise en place de cette structure
sociale n'a que pour objet de gérer le contrôle conjoint de l'entreprise commune. Or c'est ce contrôle
conjoint qui est l'originalité propre du joint-venture et si l'on méconnaît cette originalité, le droit
commun des contrats et des sociétés dans lesquels se situent le joint-venture ne se trouvent pas
adaptables. Dans un souci de l'équilibre du contrat de société, le droit français prohibe la clause
léonine. Pourtant, cette raison d'être du déséquilibre n'existe pas dans le joint-venture puisque les
partenaires sont égaux et ont conçu un ensemble équilibré pour leurs intérêts communs. De même
on trouve des règles pour protéger les actionnaires minoritaires ou les créanciers. C'est notamment
le principe d'inaliénabilité du droit de vote ou de hiérarchie des organes sociaux. Ici non plus ce
raisonnement n'est pas utilisable, car il n'existe pas d'actionnaires minoritaires ou de créanciers
extérieurs au partenariat. Il faut ainsi repenser la vision juridique des choses et le choix de la lex
mercatoria est fondé sur la difficulté, parfois insurmontable, de justifier la compétence d'un droit
national plutôt qu'un autre.
L’argument économique va également en ce sens à cause de l'incompatibilité fondamentale entre le
droit et les nécessités économiques de l'industrie et du commerce. Il existe une présomption selon
laquelle les contractants dans l'ordre international sont des personnes suffisamment compétentes,
aguerris dans la négociation, la rédaction et la formation du contrat. Ils ont une parfaite conscience
de ceux qui sont leurs intérêts et dans la mesure où les parties ont un pouvoir égal de négociation, il
ne paraît pas légitime de leur imposer les règles d'ordre public de protection de chacun d'entre eux.
La pratique et les usages du commerce international vont fréquemment à contre-courant des
rigidités législatives et réglementaires et ce sans volonté de frauder. Mais les règles destinés
nationalement à protéger la partie faible n’ont pas à s’appliquer ici.

Par ailleurs l'application de la lex mercatoria aux joint-ventures pourrait unifier le régime juridique de
l'ensemble contractuel.

B) Le double rôle de la joint-venture, l’exemple sino-africain.

La lex mercatoria joue principalement deux rôles en arbitrage international. Son rôle subsidiaire va
venir jouer lorsque la localisation du contrat ne peut être déterminée.

Dans l'affaire dite Norsolor en 1985, le Tribunal arbitral, après avoir examiné la question du droit
applicable au contrat litigieux, constate la difficulté de choisir la loi nationale qui s'impose avec
suffisamment de force et choisit la lex mercatoria. Néanmoins le problème porte principalement sur
l'absence de véritable sanction susceptible de garantir le respect des prétendues règles de la lex
mercatoria. Cela rend la loi marchande inapte à s'imposer au juge ou à l'arbitre. Aussi on remarque la
nécessité d’un consensus autour de la juridicité de ce principe international.

Notons également que dans le cadre de joint-venture, il est rare que les arbitres abandonnent toute
référence aux règles de droit national. C’est pourquoi il est difficile de ne mettre en avant que son
rôle subsidiaire. Le rôle correcteur de la lex mercatoria est lui, susceptible de jouer lorsque le droit
étatique compétent paraît inadapté pour régir l'opération du joint-venture. Il s'agit ici de l'hypothèse
dans laquelle les arbitres donnent la compétence du droit applicable à un droit national mais dans un
même temps font référence aux règles de droit transnational pour corriger les dispositions
inadaptées du droit compétent ou combler ses lacunes. C’est notamment pertinent lorsque
l'application du droit de l'investissement de l'État d'accueil risque de créer un déséquilibre au
détriment des partenaires étrangers. Le cas du Vietnam illustre bien l’intérêt d’une telle lex
mercatoria au regard du défilement successifs de lois sur les investissements. Les partenaires
commerciaux garderaient alors une partie de leur liberté de choix tout en acceptant une loi
marchande en cas de faiblesse du droit choisi.

En tant que situation internationale, les joint-ventures s'intéressent à plusieurs ordres juridiques. Le
droit international privé d'un État ne peut isolément cerner ces situations. C’est pourquoi le recours à
la lex mercatoria permet de trouver des solutions plus adaptées.

On remarque que les solutions tentées sont diverses et passent souvent par une applicabilité plus ou
moins forte de la lex mercatoria afin de faire rentrer le montage de joint-venture dans un cadre
juridique stable. Mais le travail est loin d’être terminé. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il semble
intéressant de regarder l’état des relations sino-africaines qui forment actuellement une
pouponnière à joint-ventures pouvant donner lieu à une lex mercatoria.

En 2003, Le gouvernement chinois octroie l’autorisation d’investir en Afrique à plus de 602


entreprises chinoises. L’intérêt de la Chine en Afrique se fait donc de plus en plus grandissant surtout
dans les grands contrats d’investissement en matière pétrolière, minière ou portuaire.
La coopération sino-africaine étant devenue une réalité, un encadrement juridique adapté à ce
contexte bien défini s’impose. Car le droit national du pays hôte des investissements cohabite avec le
droit communautaire, le droit international et le droit du pays investisseur dans les contrats et les
traités bilatéraux signés entre les protagonistes. Le contrat est un vecteur du pluralisme juridique. Et
les éléments tirés à la fois des législations chinoises et africaines, des contrats existants, des traités
bilatéraux et de la pratique constituent un vaste chantier pour l’émergence d’un ensemble de règles
et de principes qui encadrera les relations entre les parties et surtout équilibrera les termes de
l’échange.

Or c’est le droit applicable aux joint-ventures qui forme ce chantier de « lex mercatoria sino-
africaine ».

En effet la Chine apporte le savoir-faire en matière de travaux publics et de technologies nouvelles


pour la construction dans les pays en développement et en échange, ces derniers lui permettent
d’exploiter leurs richesses minières et pétrolières. Pour ce faire les parties utilisent des joint-ventures
entre les sociétés nationales et les sociétés chinoises.

La joint-venture se présente sous deux formes. Il peut s’agir d’une joint-venture avec la création
d’une société commerciale dans le contexte africain qui correspondrait à la notion d’Equity joint-
venture dans la législation chinoise (une société crée pour les besoins de la coopération), ou alors
d’une joint-venture contractuelle qui correspondrait quant à elle à la Coopérative joint-venture dans
la législation chinoise (une simple relation contractuelle). Cependant les modèles sont bien différents
et ne se comprennent pas de la même façon dans les deux systèmes juridiques. Une lex mercatoria
se nourissant des pratiques législatives et contractuelles existantes va devoir venir combler les
lacunes de la pratique si la Chine ne veut pas devenir le nouveau pilleur de l’Afrique.

Le rôle subsidiaire de la lex mercatoria sera difficile à imposer notamment du point de vue chinois
mais le rôle correcteur peut apporter une réponse pertinente à la création d’une relation équilibrée.

La lex mercatoria se veut donc une réponse intéressante a l’encadrement juridique des joint-
ventures et ce pour plusieurs raisons. La première est d’offrir un cadre stable permettant aux parties
de mieux prévoir à long terme le déroulement de la coopération. Ensuite elle se veut une alternative
à des droits nationaux souvent trop lourd ou au contraire incomplets, alternative plus efficiente car
basée sur la pratique internationale. Enfin elle se présente comme complémentaire aux droits
nationaux de laisser à chaque contrat le droit à la spécificité du droit applicable. Mais la lex
mercatoria doit encore gagner ses lettres de noblesses et pour ça ses défendeurs ne doivent pas
perdre de vue qu’elle doit soutenir autant les relations économiques que les relations humaines et
sociales. Il ne s’agit pas juste de faire revivre le corpus de règles applicables dans l’Europe du Moyen-
âge mais bien de forger un ensemble de principes régulant l’économie et ce qui s’y rapporte.

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