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POLE SCIENCES ECONOMIQUES, JURIDIQUES ET DE L’ADMINISTRATION

(SEJA)

Licence I/Promo 10/Semestre I


Sciences Juridiques (SJ)

Droit Informatique Legaltech (DIL)

DROIT CIVIL

Introduction au Droit-Droit des Personnes


Année Académique 2022-2023

ÉQUIPE PEDAGOGIQUE :

Concepteur : Pr. Bachir NIANG


Animateur : Pr. Jean Louis COREA

TRAVAUX DIRIGES :

Eliane P. N. MBAYE -Papa Lassane Barry SALL-Mamadou Laye BITEYE-Marie Rose


LUDLOFF-Amadou BADJI-Mamadou O. DIALLO-Moumy DIALLO-Idrissa DOLE-Marie
Anique SAMBOU-El Hadji Moussa DIEDHIOU-Papa Sow NIANG-Maydianga DIALLO-
Youssou KEBE-Abdoulaye SEYDI-Babacar SENE -Ababacar NDIAYE-Mamadou DIA-
Hamedine SARR-Yacine BODIAN-Ibrahima DIA-Younouss SANE-Khady DABO-Fatou
SENE

Séance n°2
THEME : LES SOURCES DE LA REGLE DE DROIT.

Sous-thème : La hiérarchie des normes.


Sujet 1 : Les conventions internationales en droit interne sénégalais. (Pour les étudiants de
SJ)

Sujet 2 : La coutume dans l’ordre juridique sénégalais. (Pour les étudiants de DIL)
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

 Doudou Ndoye, La Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 commentée, EDJA, 2011.


 Le texte de la Constitution du Sénégal est disponible sur le site du gouvernement du
Sénégal : (www.gouv.sn).
 Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Defrénois, coll. « Droit
civil », 3è éd., 2009.
 Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude du droit,
Montchrestien, 12è ed., 2000.
 Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
Guibril CAMARA, Communication de la cour de cassation du Sénégal, in les actes du

colloque de Ouagadougou 24-26 juin 2003 sur l’application du droit international dans

l’ordre juridique interne des Etats africains Francophones – Les cahiers de l’association

Ouest Africaine des hautes juridictions francophones, pp. 296-299. (Document disponible

à la salle de lecture de la FSJP).

C- Neirinck et P.-M. Martin, Un traité bien maltraité. A propos de l’arrêt Le Jeune, JCP

1993, I, 3677.

Cass. 1re civ. 13 juillet 2005, D. 2006, jur. P. 554, note F. Boulanger.

 M. Alioune SALL, Les débuts des cours de justice de la CEDEAO et de l’UEMOA : propos
sur la faiblesse du droit jurisprudentiel de l’intégration en Afrique de l’Ouest, Nouvelles
Annales Africaines, n° 1/2010, pp. 5-72.
Document 1 : Loi N° 2001-03 du 22 janv. 2001 portant Constitution, modifié, (JORS, numéro
spécial 5963 du 22 janvier 2001, p. 27).
Article 96 : Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à
l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient les
dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui
comportent cession, échange ou adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés
qu’en vertu d’une loi.
Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés.
Nulle cession, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations
intéressées.
La République du Sénégal peut conclure avec tout Etat africain des accords d’association ou de
communauté comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’unité
africaine.
Article 97 :
Si le Conseil constitutionnel a déclaré qu’un engagement international comporte une clause
contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir
qu’après la révision de la Constitution.
Article 98 :
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par
l’autre partie.
Document 2 : Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, publié le
17 oct. 2008
Article 9 :
Les Actes uniformes sont publiés au Journal officiel de l’OHADA… Ils sont applicables quatre-
vingt-dix jours après cette publication, sauf modalités particulières d’entrée en vigueur prévues
par les Actes uniformes.
Ils sont également publiés dans les Etats Parties, au Journal officiel ou par tout autre moyen
approprié. Cette formalité n’a aucune incidence sur l’entrée en vigueur des Actes
uniformes.
Article 10 :
Les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties
nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure.
Document 3 : M. FABRE-MAGNA, Que sais-je, Introduction au droit, 2ème éd., PUF.
(Extrait)
5. La jurisprudence :
Au sens le plus précis, la jurisprudence est l’ensemble des décisions des juridictions qui font
autorité sur un point de droit donné ; par métonymie, elle vise les principes juridiques dégagés
et dont on dit précisément qu’ils « font jurisprudence ». Compte tenu de la hiérarchie judiciaire,
la jurisprudence émane principalement des juridictions suprêmes de chaque ordre (Cour de
cassation, Conseil d’État et Conseil constitutionnel). En France, et dans l’esprit de la théorie de
la séparation des pouvoirs, le pouvoir législatif est chargé d’édicter la loi, tandis que le pouvoir
exécutif est chargé de l’appliquer sous le contrôle du pouvoir judiciaire. Selon le mot célèbre
de Montesquieu, qui avait théorisé la séparation des pouvoirs comme garantie de la démocratie,
le juge est « la bouche de la loi ». Son rôle est d’appliquer la loi, générale et abstraite, aux cas
particuliers qui lui sont soumis. Les parlements de l’Ancien Régime, qui avaient notamment le
rôle de juges, avaient souvent abusé de leur pouvoir, et un adage disait : « Méfions-nous de
l’équité des parlements. » Le Code civil de 1804 avait alors clairement entendu limiter le
pouvoir des juges. Il interdit ainsi théoriquement les arrêts de règlement par lesquels les juges
entendraient « faire la loi », c’est-à-dire poseraient une règle nouvelle générale applicable dans
tous les litiges futurs… Officiellement, les juges se voyaient ainsi dénier la possibilité d’énoncer
des principes généraux applicables au-delà du litige qu’ils ont à trancher, et donc de créer du
droit. Le texte est inchangé, mais, par des voies diverses, il est aujourd’hui acquis que, dans
certaines limites, la jurisprudence est tout de même source de droit.
A) Les marges de l’interprétation de la loi
La fonction même de juger implique la création de droit. L’application d’une règle générale à
un cas concret précis nécessite en effet toujours d’interpréter la loi. Le tissu juridique est tel
que, dans la plupart des affaires, des arguments sérieux peuvent être et sont effectivement
présentés par les deux parties. La loi n’ayant pas prévu tous les cas (elle ne le pourrait pas), le
juge se voit confronté à des cas particuliers où on peut le plus souvent hésiter sur la solution
résultant de la loi applicable. Le juge doit alors trancher en faveur de l’une ou de l’autre
interprétation, et, ce faisant, son interprétation complète la loi et affine donc la règle de droit.
Le juge est en outre obligé de trancher même si la loi n’est pas claire et même d’ailleurs s’il n’y
a pas de loi applicable au litige. L’article 4 du Code civil interdit et punit en effet le déni de
justice : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de
l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Si, dans le
langage courant, on peut parfois dire qu’il y a un « vide juridique » lorsqu’aucune loi précise
ne règle le cas particulier qui survient, la notion n’a en réalité pas de sens en droit. La loi n’est
en effet pas la seule règle juridique, et le « vide législatif » n’implique pas pour autant un « vide
juridique ». Le droit contient en effet de multiples règles générales ou principes généraux qui
peuvent toujours être mobilisés dans un litige : ainsi, avant que la pratique des mères porteuses
ne soit interdite par le législateur en 1994, la Cour de cassation, saisie d’une telle affaire en
1991, avait déclaré cette pratique illégale, en se fondant notamment sur l’interdiction générale
de conclure des contrats contraires à l’ordre public. La jurisprudence est ainsi source de règles
générales. Les juges de la Cour de cassation rendent au demeurant des arrêts dits « de principe
» qui contiennent un « chapeau », c’est-à-dire l’énoncé d’une règle abstraite et donc
généralisable. Une autre preuve de la création de droit par les juges peut encore être trouvée
dans la possibilité que ceux-ci ont de procéder à des revirements de jurisprudence. De nombreux
arrêts de la Cour de cassation rompent ainsi avec la jurisprudence antérieure et, si l’état du droit
est différent avant et après un arrêt, c’est bien la preuve que celui-ci a été source de droit. La
Cour de cassation a d’ailleurs jugé que « la sécurité juridique […] ne saurait consacrer un droit
acquis à une jurisprudence figée, l’évolution de la jurisprudence relevant de l’office du juge
dans l’application du droit » (Civ. 1re, 21 mars 2000, no pourvoi : 98-11982). La jurisprudence,
par sa fonction même, est donc source de droit. Les décisions judiciaires sont obligatoires pour
les justiciables comme toute autre règle de droit. Certes, il y a un principe d’autorité relative de
la chose jugée (la chose jugée n’a d’autorité qu’entre les parties au litige). Il n’en demeure pas
moins qu’une jurisprudence constante s’appliquera à tous les justiciables, même si ceux-ci
peuvent espérer un revirement, mais de même qu’ils pourraient espérer une modification
législative.
B) Les limites de l’interprétation de la loi
Tout cela ne signifie pas pour autant que les juges peuvent « faire la loi », au sens plein et
polysémique de l’expression. Pour reprendre l’image du philosophe du droit américain Ronald
Dworkin (1931-2013), le travail du juge pourrait se comparer à celui d’un écrivain participant
à un roman collectif (a chain novel) : chaque juge doit, à tour de rôle, rédiger un chapitre à la
suite du précédent : il a donc une part de liberté pour imaginer la suite, mais il doit tenir compte
des personnages et des intrigues déjà écrites pour s’y insérer harmonieusement.
a)Les limites dans la formulation des règles jurisprudentielles.
– La répartition officielle des pouvoirs entre la loi et les juges n’octroyant à ces derniers que le
pouvoir d’interpréter la loi sans créer de règles nouvelles, les juges ne doivent pas ouvertement
admettre que l’état du droit a changé du fait de leur décision. Les juges doivent faire « comme
si » ils ne faisaient qu’interpréter la loi. Cette fiction est salutaire en ce qu’elle les contient dans
une marge sinon limitée, du moins délimitée d’interprétation et, surtout, qu’elle les oblige à
motiver leur décision par un raisonnement susceptible d’être contrôlé. N’étant officiellement
que les interprètes de la loi, les juges n’ont en outre pas toute liberté dans le contenu des règles
qu’ils créent de fait. En particulier, ils ne peuvent pas en principe distinguer là où la loi ne
distingue pas (selon l’adage classique Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus).
Dès lors, si une loi prévoit une règle en termes généraux, il n’est en principe pas permis de
l’interpréter comme posant une distinction au sein de la catégorie générale visée. Lorsque par
exemple un texte parle de la responsabilité « du fait des animaux » en général, il n’est
théoriquement pas permis aux juges de poser un régime différent selon que l’animal serait un
mammifère, un reptile ou encore un oiseau. Cet adage ne les empêche cependant pas, en
utilisant quelques astuces, d’instaurer des distinctions formellement non prévues par le
législateur. Ils ne peuvent cependant pas poser des seuils ou des montants qui relèveraient
uniquement du pouvoir législatif.
b) Les limites liées à l’application des règles jurisprudentielles dans le temps.
– La loi peut définir (dans certaines limites examinées ci-dessus) son champ d’application dans
le temps, tandis que la jurisprudence est, par nature même, rétroactive : le juge étant censé ne
faire qu’interpréter la loi, son interprétation, même nouvelle, est censée avoir toujours été
contenue dans la loi, et elle s’applique donc à des faits par hypothèse antérieurs. Lorsque la
jurisprudence est constante, cette rétroactivité ne pose pas de problème de sécurité juridique,
car les justiciables sont informés de la règle de droit qui leur sera appliquée. Lorsqu’en revanche
le juge procède à un revirement de jurisprudence qu’il met immédiatement en œuvre, les
justiciables se voient appliquer une règle nouvelle à laquelle ils ne pouvaient pas s’attendre.
Pour pallier cet inconvénient, et pour poser officieusement une date future à l’application de
leur revirement, les juges peuvent annoncer celui-ci tout en trouvant une raison (manque d’une
condition nouvellement posée par exemple) pour ne pas l’appliquer en l’espèce. Soutenus par
quelques propositions doctrinales, les juges ont parfois voulu aller plus loin et s’arroger le
pouvoir de moduler leurs décisions dans le temps en procédant, officiellement cette fois-ci, à
des revirements pour l’avenir. Le Conseil d’État puis la Cour de cassation ont parfois procédé
ainsi au motif explicite que l’application immédiate d’une nouvelle règle dans l’instance en
cours aboutirait à priver la victime d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme. Il faudrait cependant une loi pour consacrer un
tel bouleversement de l’articulation entre la loi et la jurisprudence, et il n’est pas sûr qu’une
telle réforme soit opportune dans la mesure notamment où elle viendrait bouleverser la
répartition classique des pouvoirs entre le législateur et les juges.
c)Les limites tenant à la répartition des pouvoirs entre le législateur et les juges.
– Si le juge dispose incontestablement d’une marge d’interprétation créatrice de droit, c’est
toujours sous le contrôle du gouvernement ou du législateur qui, face à une jurisprudence qu’ils
désapprouvent, peuvent faire voter une loi qui imposera aux juges une modification de leur
jurisprudence. Le Conseil constitutionnel a récemment indiqué son intention d’être plus vigilant
vis-à-vis du législateur qui ne doit pas, en adoptant des dispositions volontairement trop floues,
se décharger de son rôle sur les juridictions, obligées alors de se livrer à une interprétation. Dans
une décision du 21 avril 2005, le Conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la
Constitution « les dispositions de portée normative incertaine ». Le principe de clarté de la loi
et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi imposent au
législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques
afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre
le risque d’arbitraire. Le législateur ne doit ainsi pas « reporter sur les autorités administratives
ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la
Constitution qu’à la loi ».
Document 4 : A. MARAIS, Introduction au droit, vuibert droit, 7 ème éd., p. 100 et s. (extrait)

2. Les traités internationaux

A. Présentation générale : Les traités sont des accords entre des États souverains qui créent
des règles juridiques ayant vocation à` jouer : – soit dans les seules relations internationales.
Par exemple, la Convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de
marchandises, signée a` Vienne, le 11 avril 1980 ; [et] – soit dans l’ordre international et dans
l’ordre interne. Par exemple, les conventions de Genève du 7 juin 1930 et du 19 mars 1931 ont
introduit des règles uniformes en matière de chèque et de lettre de change.

Parmi les traités susceptibles de s’appliquer dans l’ordre interne, certains traités présentent un
effet direct (self executing). Un traité est d’applicabilité´ directe (effet direct), lorsqu’il crée des
droits et des obligations dont les particuliers peuvent se prévaloir devant les juridictions tant
dans leur rapport avec d’autres particuliers (effet direct horizontal) que dans les relations avec
l’État dont il relève (effet direct vertical). Les traités qui ne présentent pas un tel effet direct, ne
créent des obligations qu’a` la charge des Etats signataires. Pour reconnaitre un effet direct a`
un traite´, on se fonde sur l’intention des auteurs du traite´ d’en étendre les stipulations aux
particuliers en ne les réservant pas aux rapports entre les Etats (critère subjectif) et on recherche
si la disposition en cause est suffisamment précise et inconditionnelle (critère objectif). Une
disposition est inconditionnelle si elle s’applique telle quelle, sans laisser aucune marge
d’appréciation de l’Etat dans sa transposition en droit interne, voire sans qu’il soit nécessaire
de la transposer en droit interne.

Le Conseil d’Etat, le 11 avril 2012, dans les arrêts GITSI et FAPIL, a réaffirmé´ que ces deux
critères étaient cumulatifs en énonçant que « les stipulations d’un traite´ ou d’un accord [...]
peuvent utilement être invoquées à l’appui d’une demande [...], dès lors qu’elles créent des
droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir ; que, sous réserve des cas où` est
en cause un traité pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une
compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, une stipulation doit être reconnue
d’effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à` l’intention exprimée des parties et à
l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elle n’a pas pour
objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requiert l’intervention d’aucun acte
complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers; que l’absence de tels effets
ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les Etats parties comme
sujets de l’obligation qu’elle définit ».

La Convention de New York relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990

Dans un premier temps, la Cour de cassation avait jugé que « les dispositions de la Convention
relative aux droits de l’enfant, signée a` New York le 26 janvier 1990, ne peuvent être invoquées
devant les tribunaux, cette convention, qui ne crée des obligations qu’a` la charge des Etats
parties, n’étant pas directement applicable en droit interne » (Cass. civ. 1re, 10 mars 1993) ;
elle a, par la suite, opéré´ un revirement de jurisprudence (Cass. civ. 1re, 18 mai 2005)3, en
décidant que l’article 3 § 1 de la Convention était une disposition « qui est d’application directe
devant la juridiction française » (Cass. civ. 1re, 14 juin 2005).

Document 5 : V. C. NGONO, « Réflexion sur l'espace judiciaire OHADA », Revue de


l’ERSUMA: Droit des affaires - Pratique Professionnelle, N° 6 - Janvier 2016, Doctrine
(extrait).

14- L’applicabilité immédiate permet de distinguer le droit communautaire du droit


international ordinaire. En effet, le droit international ne règle pas lui-même les conditions dans
lesquelles « les normes contenues dans les traités doivent être intégrées dans l’ordre juridique
des Etats… » . En d’autres termes, l’introduction du droit international dans l’ordre juridique
interne se fait dans le respect de l’autonomie constitutionnelle des Etats, précisément selon leur
adhésion à la conception moniste ou dualiste des rapports entre le droit interne et le droit
international.
15- Au niveau de l’OHADA, lorsqu’on évoque l’applicabilité immédiate, on pense bien
évidemment aux Actes uniformes. L’article 10 du Traité de l’OHADA est à cet égard fortement
suggestif lorsqu’il dispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et
obligatoires dans les Etats-parties… » La conséquence qu’il faut tirer de l’article 10 est que, les
Actes uniformes, une fois qu’ils sont entrés en vigueur suite à leur publication au journal officiel
de l’OHADA, n’ont plus besoin d’être réceptionnés. C’est pourquoi le nouvel article 9 du Traité
de l’OHADA qui exige que les Actes uniformes soient publiés au journal officiel des Etats-
parties ou par tout autre moyen approprié précise que cette formalité supplémentaire n’a aucune
incidence sur l’entrée en vigueur des Actes uniformes. Eu égard ce qui précède, il ressort que
les juges nationaux n’ont aucune raison de ne pas appliquer le droit OHADA. Car, celui-ci,
parce qu’il intègre directement l’ordre juridique des Etats, doit être appliqué par les juges
nationaux au même titre que le droit national. Cette obligation s’impose au juge d’autant plus
que ce droit est doté d’un effet direct.

16- L’effet direct du droit communautaire signifie que ce droit créé des droits et des obligations
dans le patrimoine des particuliers qui peuvent s’en prévaloir. En droit communautaire
européen, la CJCE affirmait dans les premières années de son existence que « l’objectif du traité
CEE qui est d’instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les
justiciables de la communauté, implique que ce traité constitue plus qu’un accord qui ne créerait
que des obligations mutuelles entre les Etats contractants… que partout, le droit
communautaire, indépendant de la législation des Etats-membres, de même qu’il créé des
charges dans le Chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans
leur patrimoine juridique »
17- En d’autres termes, comme le relève M. Armel PECHEUL, l’effet direct du droit
communautaire signifie que ce droit « complète directement le patrimoine juridique des
particuliers en créant à leur égard des droits ou des obligations dans leurs rapports avec d’autres
particuliers ou dans leurs relations avec l’Etat dont ils sont les ressortissants » . Sans doute,
l’effet direct n’est pas inconnu du droit international ordinaire, mais contrairement au droit
communautaire où cet effet est la règle dans le droit international ordinaire, l’effet direct ne
s’analyse que comme une exception ; car, les traités ordinaires sont présumés n’engendrer des
droits et des obligations qu’à l’égard des Etats-parties. Il est donc acquis que les principaux
sujets du droit communautaire sont les particuliers. Ainsi, le juge national se trouve contraint
d’appliquer le droit OHADA du fait non seulement de l’application immédiate et de l’effet
direct du droit communautaire, mais aussi du fait de la primauté du droit communautaire sur les
législations nationales.
18- La primauté du droit OHADA sur les législations nationales est affirmée par l’article 10
du Traité OHADA qui dispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et
obligatoires dans les Etats-parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne
antérieure ou postérieure ». Cette primauté tire son fondement théorique dans l’autonomie du
droit communautaire, et au plan pratique par le souci d’assurer l’application uniforme et
effective du droit communautaire dans l’ensemble des Etats-parties.
19- En effet, l’objectif de l’OHADA étant l’unification du droit des affaires de ses Etats-
membres, celui-ci ne peut être atteint si ses dispositions peuvent être écartées dans certains Etats
parce que réputées contraires aux normes nationales. Le droit « communautaire » OHADA,
perdrait ainsi de sa nature, tandis que sa fonction intégratrice aux plans économiques et
juridiques serait irréalisable, si son application pouvait varier d’un Etat à un autre, en raison des
dispositions nationales de chaque Etat. De plus, comme le relève Robert GARRON, la primauté
du droit communautaire « constitue la seule garantie pour les Etats-membres qui ont renoncé à
certains de leurs compétences. Ces Etats n’ont accepté de limiter leur autonomie que pour se
soumettre à une règle commune, effectivement appliquée par tous. S’il en était autrement, le
traité pouvait être valablement dénoncé ». La primauté du droit communautaire sur les droits
nationaux relève par conséquent « d’une véritable nécessité fonctionnelle » d’une exigence
essentielle.
20- La primauté du droit OHADA affirmée dans son article 10, a été confirmée par la CCJA à
l’occasion d’un avis consultatif qui lui avait été demandé par l’Etat ivoirien sur la portée de
l’article 10. La CCJA a clairement affirmé que l’article 10 du Traité comportait une règle de
supranationalité parce qu’instituant une suprématie des Actes uniformes sur les dispositions de
droit interne antérieur ou postérieur. La position de la CCJA mérite d’être approuvée dans la
mesure où elle constitue une garantie de l’application effective et uniforme des Actes
uniformes. Toutefois, on peut regretter que la CCJA n’ait pas expressément visé la constitution
car, des juges pourraient en s’appuyant à tort sur le fait que par la suite, la cour précisant la
portée abrogatoire des Actes uniformes, parle de « dispositions d’un texte législatif ou
règlementaire de droit interne », réduire la supériorité des Actes uniformes aux lois et
règlements. C’est ainsi que contrairement à ses homologues Sénégalais et Béninois, le juge
constitutionnel Congolais avait jugé que les pouvoirs exorbitants de la CCJA sont contraires à
la loi fondamentale du 24 octobre 1997. En effet, ayant été saisie par le ministre de la justice
pour contrôler la conformité du Traité OHADA à la constitution congolaise ; dans un avis du
1er octobre 1998, elle avait estimé que « les articles 14 alinéa 3, 4 et 5 ; 16 ; 18 ; 20 ; 25 alinéa
2 du traité encourent le grief de ne pas être conformés à la constitution, notamment en ses
articles 71 et 72 ».

21- On peut dire que c’est essentiellement par la fonction juridictionnelle que le Traité de
l’OHADA entend assurer l’efficacité de l’imbrication des ordres juridiques OHADA et
national. C’est en effet au juge que revient le soin de garantir les deux caractéristiques qui
gouvernent l’OHADA à savoir : d’une part l’application directe et obligatoire des Actes
uniformes dans les Etats-parties, et d’autre part, leur primauté sur les dispositions antérieures
ou postérieures. Tant l’effet direct du droit OHADA que sa primauté interpelle avant tout le
juge interne. C’est lui qui, avant la Cour commune de justice et d’arbitrage, garantit la primauté
de la norme OHADA sur la norme interne et constitue un pilier fondamental dans la réalisation
de l’espace OHADA.
22- A cause de la place et du rôle des juridictions nationales dans le dispositif de l’OHADA, la
formation des juges a été une préoccupation majeure des rédacteurs du Traité qui ont institué à
cet effet une école régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA). Selon les termes de
l’article 41 du Traité OHADA révisé, cette école est un établissement « de formation, de
perfectionnement et de recherche en droit des affaires ». Ce nouvel article est venu remplacer
l’ancien dont la formulation était : « il est institué une école régionale supérieure de magistrature
qui concourt à la formation et au perfectionnement des magistrats et auxiliaires de justice des
Etats-parties ». Cet article a certainement été modifié pour élargir le rôle de l’ERSUMA, non
seulement à la formation des magistrats et des auxiliaires de justice, mais aussi à tous les autres
personnels parajudiciaires, les personnes du secteur privé qui se trouvent confrontés au droit
uniforme des affaires, ou les fonctionnaires chargés d’œuvrer dans ou avec des organisations
internationales. Ainsi le nouvel article 41 ne limite pas le rôle de formation de l’ERSUMA aux
seuls personnels judiciaires et auxiliaires de justice, comme cela a été proposé par la doctrine.
En plus, ce nouvel article fait de l’ERSUMA un centre de recherche pour les chercheurs des
Etats-parties.
23- Ainsi, par la formation des magistrats et auxiliaires de justice, l’ERSUMA joue un rôle
important dans la bonne application du droit uniformisé par les juridictions nationales du fond,
car le personnel judiciaire est formé de la même façon et dans les mêmes conditions quel que
soit le pays auquel il appartient.
L’OHADA repose en grande partie sur les juges nationaux. Il serait donc préférable d’instaurer
une formation systématique des juges nationaux à l’ERSUMA. Certes, les modalités d’une telle
formation devront être examinées par l’ERSUMA, notamment en ce qui concerne le coût d’une
telle formation. A défaut, on peut déjà saluer l’initiative de l’ERSUMA d’organiser
régulièrement des séminaires de formation dans les pays. Séminaires qui regroupent les
magistrats et autres praticiens des différents pays.

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